La famille SAVART


Cette famille, qui n'a jamais cessé d'habite le département de la Marne, est devenue, par les hasards de la guerre de 1939-1940, une famille amie de la nôtre. A cause de l'éloignement, nos rencontres ne furent que très rares, mais pourtant, vu notre attachement respectif, les contacts se maintiendront pendant plus de 30 ans, essentiellement par courrier. Si ma mémoire est bonne, mon père ne rencontra les SAVART que 4 fois dans sa vie (1939, ≈1945, 1956 et 1957), ma mère et ma grand-mère 2 fois seulement (1956 et 1957), et moi-même 3 fois (1956, 1957 et 1966).

Les hasards de la guerre, c'est à l'origine le passage du régiment auquel appartenait mon père (3e Régiment d'Infanterie Alpine) dans la Marne, notamment dans le secteur de l'Argonne. La compagnie de mon père s'installa pendant quelques semaines dans le petit village de Charmont (arrondissement de). Mon père, et quelques autres officiers, fut logé dans une famille de ce village, les SAVART précisément. Dans ce contexte de la guerre, l'intendance devait repérer à l'avance un certain nombre de maisons pour y loger ses hommes et mon père et ses camarades officiers se présenta donc un jour chez les SAVART avec son « billet de logement » et tous furent logés dans les pièces disponibles de la maison que l'armée avait en quelque sorte réquisitionnées. A noter que le 3e RIA étant composé de militaires du Sud-Est, les SAVART furent surpris de voir tous ces hommes à la peau plutôt foncée ou bronzée, et Mme SAVART avouera par la suite qu'elle les avait pris, de prime abord, pour une bande de Marocains... Les habitants de la Marne, qui ne voyaient pas souvent le soleil et qui, à l'époque, ne devaient avoir ni l'occasion ni l'habitude de se faire bronzer, étaient des gens à peau très blanche, par rapport aux Méditerranéens...


Marius AUTRAN à Charmont

La famille SAVART (qui avait déjà connu la guerre de 14-18 et la proximité de la ligne de front) logea ces officiers du 3e RIA très aimablement. Ils n'étaient pas tenus d'en faire davantage ni d'être chaleureux avec les soldats. Mais précisément, ils en firent davantage. Car un jour mon père fut malade, atteient, je crois, assez sérieusement d'une angine. Et les SAVART prirent l'initiative de le soigner et se dévouèrent pour lui jusqu'à sa guérison. Mon père n'oublia jamais ce geste. Et, lorsque le 3e RIA quitta le secteur, mon père conserva l'adresse des SAVART, se promettant de revenir les voir après la guerre, et de leur rendre service si l'occasion s'en présentait.

Et l'occasion se présenta car les hordes allemandes ne tardèrent pas à occuper la région. Le village de Charmont fut dévasté et la maison des SAVART fut détruite ou du moins rendue inhabitable à la suite des bombardements et des tirs d'obus.

A partir de cette époque, les parents et les SAVART échangèrent alors des courriers, se tenant au courant de leurs malheurs ou problèmes respectifs. Réalisant les conditions de vie précaire et même le dénuement dans lequel les SAVART se trouvaient à la fin du conflit (ils avaient été relogés dans un baraquement de fortune), mon père décida d'aller leur rendre visite et de leur apporter, avec son soutien moral, et quelques produits alimentaires prélevés sur le peu que nous avions en cette époque de restrictions et de cartes d'alimentation. C'était une manière d'exprimer sa reconnaissance pour les services. C'était probablement en 1945. Pour l'avoir entendu raconté des années plus tard, ce voyage n'avait pas été de tout repos. Il n'y avait pas à l'époque d'horaires très précis, encore moins de réservation. Montait dans le train qui pouvait en jouant des coudes. Lors du retour, je ne sais plus dans quelle gare, les wagons étaient tellement bondés que mon père ne put que s'accrocher au train qui démarrait et passa un certain nombre de kilomètres à l'extérieur, sur le marchepied, se tenant d'une main à une poignée et retenant sa valise de l'autre main. Les gens le voyaient de l'intérieur, mais ils étaient tellement serrés (et la porte étant obstruée de l'intérieur par des grosses valises) que, malgré ses signes et ses appels désespérés, ils ne pouvaient pas lui ouvrir la porte. Finalement, après un certain nombre d'efforts, on finit par lui ouvrir et il put entrer dans le wagon. Quelle époque ! Naturellement, il dut faire la plus grande partie du voyage, de jour comme de nuit, debout.

Pendant les années qui suivirent, il y eut des contacts réguliers entre les deux familles, mais uniquement par courrier. C'était toujours Mme SAVART qui écrivait, et c'était soit ma mère, soit mon père qui répondait. Mais il fallut attendre plus de 10 ans (et que nous ayons notre première voiture) pour qu'on puisse se voir réellement.

Mais, de qui était composée cette famille SAVART à l'époque ?

Lorsque mon père les connut, pendant et aussitôt après la guerre, ils étaient quatre : le père, Joseph SAVART (né en 1874) ; la mère, Sara (née LEROY en 1886) ; le fils aîné, Maurice (né en 1906) ; le fils cadet, Albert (né en 1918). Je crois bien que les parents SAVART avaient eu aussi une fille, mais elle devait être mariée et ne résidait plus à Charmont lorsque mon père y vint. Joseph SAVART était, je crois, agriculteur, et élevait aussi des animaux (vaches, cochons). Son épouse l'aidait dans ses travaux et, par exemple, bêchait la jardin potager. (Mon père s'extasiait de voir la qualité et la légèreté de leur terre, qu'une femme âgée pouvait travailler facilement à la bêche, en comparaison de la terre argileuse qu'il avait dans sa propriété de Bastian...). Le fils aîné, Maurice, était menuisier. Le fils cadet, je ne sais pas, peut-être travaillait-il aussi à la ferme. Le seul détail qu'il me fut conté sur lui c'est qu'il avait la passion des modèles réduits d'avion. Il en avait confectionné un certain nombre en bois léger et en toile, avec un petit moteur à essence ou à alcool (?). Lorsque mon père leur rendit visite vers 1945, et qu'ils habitaient encore le "baraquement" en bois, Albert SAVART, qui avait alors un peu moins de 30 ans, lui fit une démonstration de vol de ses avions. Mon père racontait ensuite : « Avec le contenu d'un simple compte-gouttes d'essence (ou d'alcool ?), l'avion décollait et volait plusieurs minutes au-dessus des prés ».



La famille SAVART, d'après les photos qui nous avaient été envoyées au début des années 50.

Quelques années se passèrent avec ces échanges réguliers de courrier. Le nom des SAVART m'était devenu très familier. Leur visage aussi, grâce aux photos que mes parents avaient placées dans leur propre album de famille. J'avais observé que le fils aîné Maurice avait l'avant bras gauche coupé. On n'en sut que plus tard la cause.

En 1954, une lettre de Mme SAVART vint nous annoncer la mort de son mari. Il est vrai qu'il avait 80 ans. Elle n'en avait encore que 68.

Et, seulement quelques mois plus tard, une autre lettre qui commençait ainsi : « C'est avec beaucoup de peine et de douleur que je dois reprendre la plume pour vous annoncer... la mort de mon fils Albert... ». Il n'avait que 36 ans, je crois qu'il était célibataire, tout comme son frère aîné Maurice, qui le restera, à ma connaissance, jusqu'à sa mort. La mort de ce jeune fils des SAVART, avait beaucoup touché mes parents, et ils plaignaient particulièrement Madame SAVART, surtout qu'elle perdait la même année son mari et son fils cadet. Ce fut mon père qui dut répondre à leur courrier. Je ne sais pas ce qu'il put écrire à Madame SAVART. Moi, ça ne m'avait guère touché, j'avais 10 ans. Et la seule chose que j'avais retenue c'était le timbre de l'enveloppe. J'avais commencé depuis 1-2 ans une collection de timbres, grâce à mon ami Jacques GIRAULT. Et, début 1954 parut un timbre spécial, une Marianne de Gandon à 18 fr de 1951, avec une surcharge 15 fr. Ce timbre, relativement rare, qui manquait à ma collection et que je ne savais pas où trouver, m'arriva miraculeusement sur le courrier (posté à Reims, voir ci-dessous - car ce timbre est celui qui figure toujours dans ma collection France-oblitérés) annonçant le décès d'Albert SAVART. Et, alors que mes parents accusaient le coup : « Pauvre femme, juste après son mari, elle perd son fils », je me souviens que mon commentaire à moi fut (en pensant au timbre) : « Ah ! Je suis content ! ». C'est ainsi qu'on est quand on a 10 ans...


1954, c'est aussi l'année où mon père passa son permis de conduire. Il avait 44 ans. Quelques semaines plus tard, en janvier 1955, mes parents achetèrent leur première voiture, une 203 noire, d'occasion. On commença à faire quelques sorties dans le Var, et l'idée de faire un jour un grand voyage, pour aller voir les SAVART, fut émise. D'ailleurs, au cours des années précédentes, Les SAVART n'avaient pas dû manquer de les inviter à venir un jour leur rendre visite à Charmont. L'année suivante, en 1956 donc, un échange de courrier avec Madame SAVART permis de préciser cette possibilité et de fixer une date dans le courant du mois d'août. Les SAVART et mes parents étaient ravis à cette perspective. C'était le premier grand voyage que nous allions faire en voiture, plus de 700 km ! Et avec une voiture d'occasion, qui plus est, avait déjà subi une grosse réparation après que le moteur eut gelé pendant les fameux froids de février 1956. Il était prévu, tant qu'à faire, de passer quelques jours chez les SAVART, et de prolonger le séjour dans la région en visitant un peu la région de Verdun, puis les Vosges (un hôtel avait été réservé au moins une semaine, fin août, à Remiremont).

Carte postale de Charmont (années 50) : La Place et l'Hôtel du Lion d'Or
(La maison des SAVART est indiquée par une croix bleue, en haut à gauche)
Carte postale de Charmont (années 50) : La Colonie de Vacances et le Centre
(Arrivée au village en venant de Vroïl)


Nous voici partis pour Charmont. Nous avions peut-être rendez-vous le 10 août, nous partîmes le 8. Ma mère avait donc prévu 3 jours pour ce voyage. C'était plus qu'il n'en fallait. La première nuit, nous couchâmes à Chalon-sur-Saône. C'était la première fois que je visitais cette région de France. Je me souviens des bords de La Saône, du Canal du Centre. Dans la soirée, je me souviens d'une promenade où nous assistâmes à la poursuite d'un gros rat par un groupe d'enfants et d'hommes sur les berges de la rivière. Le rat fut finalement tué et, comme ils ne savaient pas que faire du cadavre, l'un des hommes dit à un enfant : « Pousse-le en Saône ! ». Je m'étonnai de cette expression, avec l'accent des gens (en Sôôône !), et, avec mon père, cela nous fit longtemps rire. Car, dans notre pays, on aurait dit plus simplement « Fous-le à l'eau ! ».

Le lendemain, en milieu de journée, nous étions évidemment presque arrivés. Ma mère voulait faire une 2e étape, à Bar-le-Duc, afin d'arriver chez les SAVART le jour annoncé et non un jour plus tôt. Mais mon père trouva ridicule de coucher à l'hôtel si près du bit et on préféra aller directement à Charmont dans l'après-midi. Mon père trouva assez rapidement la maison et gara la voiture. Il n'y avait personne, car, naturellement, ils ne nous attendaient pas ce jour-là. On attendit. Des voisins nous virent et allèrent prévenir Madame SAVART qui était quelque part dans le village. Celle-ci accourut et fut heureuse de faire connaissance de la famille AUTRAN au complet, mais désolée que nous soyons arrivée un jour plus tôt car elle espérait avoir le temps de mieux préparer notre accueil. Je reconnus facilement cette Madame SAVART, dont on me parlait depuis si longtemps, et qui était exactement comme sur les photos de notre album. J'ai dit qu'elle fut heureuse de nous voir, c'est évident, mais, sans exubérance particulière. Comme l'expliquait souvent mon père, dans ces pays, les gens sont plus froids, ne s'expriment pas avec les mêmes grands gestes et grands rires comme dans notre Midi. Et ma mère avait d'ailleurs prévenu Madame SAVART à notre arrivée qu'elle ne devait pas s'étonner de nous entendre parler et rire beaucoup et fort !

On visita la maison, qui était relativement neuve (ils n'y avait que peu d'années qu'ils avaient pu quitter leur "baraquement" et obtenir la construction de cette maison (dont les murs étaient curieusement bâtis, non en briques, mais de tuiles plates superposées). La maison était attenante à l'atelier de menuiserie de Maurice SAVART. J'admirai ces belles machines (raboteuse, scie à ruban, etc.), que j'avais déjà vues à l'école technique Martini, dans l'atelier de Pépé Lorenzini...) et cette bonne odeur de bois. Au tour de la maison, ils y avait aussi quelques bâtiments de ferme, dont l'un abritait un cochon que Madame SAVART engraissait, un potager, des tas de bois, des prés, mais ils n'avaient plus conservé de vache. Un peu plus tard dans l'après-midi, nous fîmes la connaissance de Maurice SAVART, un homme de bonne taille, à l'allure puissants, malgré son bras coupé. Mais un homme assez discret, avec un accent du nord-est de la France, avalant certaines parties des mots, au point que, tout comme avec sa mère, il fallait parfois leur faire répéter pour comprendre... Depuis la disparition de son père et de son frère, il vivait donc, célibataire, seul avec sa mère.

Je n'ai plus guère de souvenir de la maison, sauf la cuisine, qui communiquait plus ou moins avec la menuiserie. Il y avait dans cette cuisine un buffet en bois remarquablement travaillé. Madame SAVART ne put résister à nous dire immédiatement : « C'est Maurice qui a fabriqué le buffet ! ». J'en fus surpris car j'imaginais ce bonhomme sciant ou assemblant des planches brutes dans son atelier. Je ne l'imaginais pas, surtout avec un bras coupé, avec de tels talents d'ébéniste.

Notre séjour dura au moins 7 ou 8 jours. De nombreux souvenirs très précis m'en sont restés. L'essentiel des souvenirs que j'ai de la famille SAVART et de leur village s'est constitué au cours de cette semaine-là.

La cuisine. Elle était très différents de la nôtre. Beaucoup d'aliments étaient bouillis, ce qui déconcertait ma grand-mère. Voyant Madame SAVART faire bouillir les girolles, elle lui disait : « Mais c'est pas comme-ça, il faut d'abord les faire revenir... ». Dialogue de sourds, on ne change pas des habitudes culinaires régionales ancestrales. Dans la Marne, on ne connaît pas les safranés au gril arrosés d'huile d'olive avec du thym. Mais dans l'ensemble, on était bien et copieusement nourris. On fit des découvertes, comme le potage à la ciboulette, le lait de vache qu'on pouvait boire à la ferme voisine directement après la traite, et aussi le cidre qu'ils avaient dans leur cave. Ce nom de boisson ne m'était pas inconnu mais je n'avais aucune idée de son goût. et l'idée d'en goûter excita ma curiosité, et mon père en avait déjà goûté

Le village. On en avait plusieurs fois le tour. Charmont avait à l'époque quelques centaines d'habitants. On avait promené le long des routes qui en partaeint, notamment la routte de Nettancourt bordée notamment de poiriers. Nous nous étonnions que des arbres chargés de fruits mûrs puissent ainsi border les routes, sans clôtures et sans que les enfants du village ne viennent chaparder ou saccager. [Chez nous, la maraude existait et il y avait toujours des garnements qui s'attaquaient aux fruits mêmes verts, ou qui les abattaient à coups de pierre ou de bâton par simple esprit de méchanceté]. Les champs étaient constitués d'un grand nombre de parcelles étroites et imbriquées appartenant à des propriétaires différents à la suite d'héritages et de partages successifs. Ici elle avait une parcelle de betteraves, la bas une parcelle de pois, etc. Tout ceci sans clôtures et imbriqué. A un certain endroit, elle nous montra un arbre particulier, un poirier je crois aussi, c'était l'Arbre de la Liberté du village, qui, comme en beaucoup de communes de France, avait été planté lors de la Fête de la Fédération de 1790, premier anniversaire de la Révolution de 1789.

Les environs.

Les insectes et l'étang. 1956 c'était la fin de mon année de 5e. J'avais 12 ans.
Le cochon
Le baraquement
La sortie à Reims et Epernay. Repas au restaurantM Mme SAVART voulait payer. Visite chez sa fille ?
Verdun ?
Livre de papillons
Conversation sur la guerre de 14

La blessure de Maurice. C'était au moment de la guerre de 1939-1940, pendant un tir d'obus allemand ou un bombardement aérien, je ne sais plus. Il était à bicyclette et, entendant les explosions, il s'était aussitôt couché dans la terre. Mais un éclat l'avait atteint, lui arrachant plus ou moins la main gauche et il avait du être amputé d'une partie de l'avant bras. Il racontait aussi que sa bicyclette était restée intacte à côté de lui, sauf la chaîne qui avait été coupée par un autre éclat d'obus.

Conversations politiques. Conseil municipal
Repas ensemble. Soupe à la ciboulette
Le lait de vache et le champagne. Malade la nuit.
Matinée à Revigny, Heitz-le-Morupt
Donrémy ? Ste Menehould

Le montage du hangar. L'essentiel de leur maison et des bâtiments annexes avait été reconstruit au milieu des années 50. Il y avait toutefois un hangar ouvert (piliers de bois et toiture) qui n'avait pas été remonté. Et c'est précisément la semaine où nous étions là qu'une entreprise devait venir le réinstaller à partir de matériaux entreposés dans le jardin, sans doute depuis plusieurs années. Tout était prêt mais les pièces métalliques avaient beaucoup rouillé depuis le temps. Une matinée où rien n'était prévu, mon père et moi, avec l'aide de clés empruntées à l'atelier de Maurice nous avions alors, pour nous occuper à quelque chose d'utile, travaillé à faire jouer et huiler tous les boulons de fixation qui était terriblement grippés. L'après-midi, le patron de l'entreprise pour commencer le montage du hangar. C'était un homme grand et ventru, à la gorge grasse et à la voix grave. Mon père lui dit aimablement : « On vous a préparé le travail ». Et il est vrai qu'on leur avait fait économiser un temps substantiel à une besogne ingrate. Et le gros homme lui répondit seulement : « Ouaaaais ! ». En aparté, mon père me dit : « Quel rustre ! On lui fait gagner du temps, et il ne dit pas le moindre merci ! « Seulement ce Ouaaaais ! ». Cette scène devint souvent par la suite entre nous un sujet de plaisanterie.

Une récolte de champignons dans la forêt de l'Argonne. C'était dans la région une période favorable pour les champignons, particulièrement les girolles, expèce que je ne connaissais pas particulièrement puisque chez nous on se limitait aux safranés ou, faute de mieux, aux pissacans ou aux coulemelles. Ce fut l'occasion de s'enfoncer dans la célèbre forêt de l'Argonne dont la lisière n'était qu'à quelques km à l'est de Charmont. Nous y passâmes une matinée avec mon père et Maurice SAVART qui connaissait bien les coins et nous guidait. Car il y avait de quoi se perdre sous cette immense futaie, bien que parfaitement sillonnée de chemins forestiers réguliers. Nous étions allés dans une zone connue par la présence de deux arbres immenses, un chêne et un hêtre, qui avaient poussés côte à côte et qui paraissaient soudés par leur pied. Des girolles, il y en avait en abondance. Maurice SAVART nous apprit à bien les reconnaître et à les distinguer des « fausses girolles ». Il y avait aussi dans le sous-bois un grand nombre d'énormes limaces rouges, qui devaient dépasser les 15 cm. J'en avais déjà vu dans les Alpes, mais pas de si longues. Certaines se trouvaient en train de manger des girolles. Maurice SAVART, cuillant une girolle, tomba sur une de ces limaces et je me souviens que, la rejetant au sol, il s'exclama : « salope ! ».

Les environs. Des noms connus : Nettancourt, Vroil, Possesse
Visité la région de Verdun, Points d'histoire : Varennes, Ste Menehould
On était allé au préalable rendre visite à Joseph Augias : Son père enterré à Blercourt
L'atelier de menuiserie.
La table, ça presse sans presser.
400 habitants à l'époque, guère plus de 200 aujourd'hui
Aucune photo de prise
Promenade, différentes parcelles à eux, routes bordées de poiriers. L'arbre de la Liberté.
Le cidre, pour la première fois.
Conversation littéraire
Cimetière : la tombe, encore récente du père et du fils.


Le jour du départ arriva. On se sépara en promettant de se revoir. Mes parents invitèrent la mère et le fils à leur rendre visite dans le Var, l'année suivante : 1957.




Un colis de provisions, avec du beurre fondu

Année 1957

La 403.
La carte au 50.000e
On habitait brd Staline.
Ils dormirent dans la chambre de ma grand-mère.
Ils restèrent peu. Mon père avait prévu qu'ils ne voudraient pas déranger et ne resteraient que 2 jours. Ils ne restèrent et effet que 2-3 jours.

Le Gaou, la mer Méditerranée.
Visite à mon grand-père.
Montée au fort de Six-Fours !
Carte au 50.000e
Aucune photo

Invitation à revenir, de manière à visiter plus largement la région. Elle avait parlé de Charleville-Mézières, peut-être aussi de Luxembourg ?
Le départ. Ils ne se reverront plus jamais.

Les échanges régulier par courrier continuèrent, au moins une fois par an, à l'occasion des vœux du nouvel an.

Mon père prenait maintenant plus souvent la plume. Mais le contenu de ses courriers était alors largement politique. Il sentait les Savart politiquement modérés et ne se privait pas d'enfoncer le clou de ses idées d'extrême gauche. Après l'arrivée u pouvoir du Général de Gaulle (que les SAVART soutenaient manifestement), je me souviens parfaitement mon père utilisa cette phrase dans une lettre :  « la victoire du OUI me semble une gaffe immense pour la France... ». Madame SAVART n'appréciait pas ce discours et l'écrivit à ma mère : « Je préfère que ce soit vous qui me donniez des nouvelle, que M. AUTRAN... ».

Ma mère ne comprenait pas pourquoi, après qu'ils eussent connu deux guerres, ils pouvaient ne pas être des pacifistes (donc d'extrême gauche, comme nous l'étions). Peu de différence entre gaullistes et hordes nazies...

1958, 1959, 1960... Les années passèrent avec toujours les mêmes échanges réguliers de courriers. Mais nous ne pensions plus jamais nous revoir.

En 1966, j'avais grandi, j'avais 22 ans, le permis de conduire depuis 4 ans et, à l'approche de mon mariage programmé pour la fin août, mes parents m'avaient acheté une Citroën 3CV d'occasion. Elle avait aussitôt servi une première fois pour aller faire un séjour à Allevard rejoindre mes futurs beaux-parents. Et au début d'août, il se trouve q

Voyage d'Allevard à Verdun.

Quelques jours chez les GUIFFANT. Quelques sorties aux environs.

Je n'avais pu résister d'aller pousser une pointe jusque chez les SAVART. C'était loin, nous étions rentrés tard, PBs avec la famille. Mais j'avais revu une dernière fois les SAVART à Charmont, 10 ans après 1956. Le gamin de 12 ans en avait 22, il était fiancé. Les SAVART n'avaient guère changé, ni la maison, ni la cuisine. Et ils m'avaient naturellement reconnu. On n'était resté que 30 ou 40 minutes, ils nous avaient offert à boire dans la cuisine. Et on s'était séparés, cette fois pour toujours.

De retour à La Seyne, j'avais annoncé cette rencontre, non prévue initialement à mes parents : « Et vous avez aussi le bonjour de... Madame SAVART ! ». Surprise et satisfaction. Mon père

Encore quelques années passèrent et toujours des courriers. Aux vœux de 1967, Madame SAVART rappela la visite que je lui avait faite. Mais les courriers devinrent plus succincts et un peu moins lisibles. Madame SAVART avait alors plus de 80 ans. Puis il y eut une interruption de 2-3 ans et ma mère n'écrivit plus. On pensa que Mme SAVART devait être morte maintenant, ou du moins impotente. Et puis, un jour, surprise. Ce devait être vers 1973. Ma mère me dit : tu sais qui nous a encore écrit ? Madame SAVART ! Mais après cela il n'y eut plus guère qu'un ou deux courriers et les échanges cessèrent définitivement. Cette fois, on pensa que Madame SAVART était bien morte. Peut-être pas son fils, mais lui n'écrivait jamais.

Mais quand était-elle morte ? Et Maurice ? On n'en avait aucune date, aucune preuve.

Le seul moyen était d'aller à Charmont, au cimetière.

Mais ce n'était pas sur mes routes habituelles qui étaient Paris, ou Toulouse, ou Nantes. Je n'étais même plus allé à Reims depuis plusieurs décennies. Or, justement, un contrat de recherche impliquant des collègues de l'Université de Reims entre 1995 et 1998 m'amena plusieurs fois dans cette ville. Je pensais bien sûr à Charmont et aux SAVART, mais je venais le plus souvent en train, et pour quelques heures. Il aurait fallu rester un jour de plus, louer une voiture... Je n'eus jamais l'occasion de le faire, mais l'idée demeurait en moi. Non plus pour revoir la famille vivante (En 1996, Madame SAVART aurait eu 110 ans !), mais pour en avoir le cœur net sur sa date de disparition. Ce fut en août 2002 (encore un mois d'août) , lors du mariage de Gaëtan Montels, neveu de Yolande, que l'occasionm'en fut enfin donnée. Nous étions partis en famille, en voiture cette fois-ci, dans l'est de la France. Le mariage avait lieu près de Provins, en Seine-et-Marne, mais nous avions pris quelques jours supplémentaires pour visiter quelques autres sites tels que Beaune, Colombey-les-deux-églises, Chaumont, Verdun, et les champs de bataille de la guerre de 14-18 notamment. Et... sur le trajet de Verdun à Provins... le détour ne fut pas grand pour faire une halte au petit village de Charmont. On était le 23 août 2002. Nous nous rendîmes aussitôt au cimetière, près de l'église.

Eglise et cimetière de Charmont (Marne)

Et les enfants, courant rapidement, trouvèrent en quelques secondes la tombe au nom de SAVART. Elle n'était pas là où je l'imaginais lorsque Madame SAVART nous y avait amenés en 1956 peu après la disparition de son mari et de son jeune fils. Peut-être mes souvenirs s'étaient-ils déformés avec le temps. Ou peut-être aussi une tombe avait-elle été reconstruite dans une nouvelle concession, plus définitive que celle que j'avais vue, pour recueillir les restes de Joseph et d'Albert SAVART en attendant la dispartition de Sara et Maurice ?

La tombe, photographiée pour la montrer à mon père, portait alors 4 noms :

Joseph SAVART (1874-1954)
Albert SAVART (1918-1954)
Sara LEROY, épouse SAVART (1886-1981)
Maurice SAVART (1906-1986)

Tombe de la famille SAVART au cimetière de Charmont (Marne) - 23 Août 2002


Ainsi, Madame SAVART était bien morte, mais en 1981 seulement, donc bien après que les échanges de courriers aient cessé, 6 ou 7 ans après environ. Elle était morte à 95 ans. Et son dernier fils Maurice, 5 ans plus tard, il avait 80 ans. Ainsi la boucle était bouclée. J'en avais le cœur net en m'en trouvai en quelque sorte apaisé.

Mais je voulus savoir si la maison existait encore. Je fis plusieurs fois le tour du village en voiture et ne retrouvai pas l'endroit. Pourtant le village n'avait que 220 habitants seulement ! Alors, comme il était midi, nous avions pique-niqué aux alentours du village, en contrebas, dans un petit bosquet. Mais, après ce repas, à force de réflexion, il me sembla que je n'avais pas exploré un côté du village. J'y retournai donc et cette fois, je retrouvai bien leur rue en légère pente et la maison était bien là, identique à celle que j'avais connue 46 ans plus tôt. Bien sûr la façade avait dû être repeinte, mais c'était bien la même maison, avec, à droite, l'ancien atelier de menuiserie. Etait-ce toujours un atelier ou avait-il été transformé en extension de l'habitation ? Je ne sais pas. Je n'osai pas voir de plus près quel nom figurait sur la porte. Je me contentai de prendre la photo ci-dessous.

La maison autrefois habitée par les SAVART, rue neuve



Savart : - Nom donné dans les Ardennes, aux terres incultes qui servent de pâture.
- Nom sous lequel on désigne, en Champagne, les terres crayeuses pauvres.

Le patronyme SAVART est assez répandu dans la Marne : fin 2009, 48 SAVART figuraient au Pages Jaunes de la Marne, dont 6 à Reims, mais aucun au village de Charmont.

Qu'est devenue la fille qui était, je crois à Epernay ? Son nom de mari ? Ses descendants ?