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ALZIARY Florentin, Honoré
Né le 26 décembre 1898 à Ascou (Ariège) ; décédé le 15 mars 1989 à La Seyne (Var) ; instituteur ; marié ; un enfant ; responsable syndical.
Son père, originaire des Alpes maritimes, avait travaillé comme valet de chambre au château de la Ripelle à Toulon où sa mère était bonne. Il entra par la suite comme ouvrier en fer à l'Arsenal maritime de Toulon et libertaire, ne votait pas. Sa mère, catholique pratiquante, lui fit donner les premiers sacrements. Ses parents habitèrent La Valette puis devinrent propriétaires de modestes maisons dans des lotissements du quartier Aguillon, puis aux Maisons Neuves, à l'Est de Toulon. Sa mère mourut en 1918 et son père se remaria.
Alziary, fils unique, fréquenta l'école primaire de Saint-Jean-du-Var, puis l'École primaire supérieure Rouvière. Après avoir été exempté du service militaire en 1916, il entra à l'École normale d'instituteurs de Draguignan en 1917. Le plus âgé de sa promotion issue de trois concours organisés dans plusieurs départements, baptisée "l'Arlequine", à l'origine d'un journal Le Normalo, il exerça un grand ascendant sur ses camarades. Il resta en relations avec le directeur de l'école Alphonse Gilet pendant de nombreuses années et organisa la confection d'un ouvrage avec ses camarades lors du départ à la retraite de celui-ci en 1937. Joseph Pascal, délégué de l'École émancipée dans le Var, contacta le directeur pour lui demander de lui indiquer un normalien. Gilet lui conseilla de s'adresser à Alziary. Commencèrent ainsi une grande amitié et une activité militante.
En raison de ses qualités, en 1920-1921, Alziary fut appelé à suppléer un instituteur du Cours complémentaire de Draguignan, décédé. Chargé des cours de Français, d'Histoire, de Géographie et d'Italien, il réussit bien et l'inspecteur voulait le maintenir en poste. Alziary refusa voulant exercer dans le monde rural. Dès lors se déroula une carrière dans les villages varois : Tourtour (1921-1923), Bras (1923-1929) Tourves (1929-1930), Pierrefeu (sanatorium de La Portanière, 1930-1931). Il se maria en mai 1932 à Toulon avec une institutrice Laurence Bernadette Boucabeille, qui avait été élue au conseil syndical en novembre 1929 alors qu'elle exerçait à Saint-Paul-en-Forêt, puis à Pierrefeu. Elle ne siégea pas mais faisait partie du noyau enseignant pratiquant l'imprimerie à l'école. Ils exercèrent en poste double au Thoronet (1932-1938), puis furent nommés à La Seyne à partir d'octobre 1938 (pour Florentin Alziary, école François Durand puis école Martini à la tête d'une classe de perfectionnement) où il termina sa carrière en 1954.
A Tourtour, Alziary exerçait les fonctions de secrétaire de mairie mais, en conflit avec le maire, ne tarda pas à démissionner. Il ne retrouva plus par la suite cette fonction mais s'engagea dans la politique locale, notamment à Bras où les divisions entre Blancs et Rouges lui firent ouvertement choisir ces derniers et le cercle des Travailleurs. Influencé par Joseph Pascal, initié à la Franc-maçonnerie en 1925, il devint orateur de la loge "L'École de la Sagesse" de Brignoles, mais cessa de cotiser en 1929 sans démissionner ouvertement. Aux élections législatives, il votait régulièrement aux premiers tours pour les candidats communistes et reportait sa voix sur le candidat socialiste aux deuxièmes tours. Par la suite il varia ses votes tout en conservant une orientation de gauche mais cessa de voter en 1968.
Alziary, à la sortie de l'École normale, adhéra au syndicat des membres de l'enseignement de la région du sud-est, devenu au début de 1921, syndicat des membres de l'enseignement des Bouches-du-Rhône et du Var. Comme les autres syndicats départementaux, celui-ci fut dissous par décision de justice au début de 1922. Quand se posa la question de l'adhésion à la CGTU de ses membres, en mai 1922, la majorité de ses camarades choisirent la neutralité. Un an plus tard, tous se retrouvèrent dans l'Union générale des membres de l'enseignement public du Var. L'assemblée générale de Toulon, le 26 novembre 1925 décida d'adhérer au Syndicat national, et donc à la CGT. Mais Alziary se prononça pour rester membre de la Fédération et de la CGTU. Par l'intermédiaire de l'École émancipée, il entra en contact avec les instituteurs "révolutionnaires". Sur les conseils de Georges Lapierre, il fut à l'origine de la constitution d'une section pédagogique varoise, le 15 mai 1924, section de l'Association française pour l'avancement de la science, dont il devint le secrétaire archiviste. Ce groupe de jeunes instituteurs mit en commun les pratiques pédagogiques, composa une monographie sur la culture de l'olivier. Après un référendum en mars 1926, ses membres décidèrent d'adhérer à l'Union et constitua l'embryon de la future commission pédagogique.
Alziary, tout en étant membre du Syndicat national, continua à adhérer à la Fédération CGTU de l'enseignement jusqu'à la fusion de 1935. Correspondant de l'École émancipée, il assura aussi la correspondance des divers groupes de jeunes dans le département. De même, il assura des relations avec les espérantistes.
Alziary et Pascal (dont le beau-frère Pierre Rossi dessinait en relations avec Élise Freinet), rendirent visite à Célestin Freinet, à Bar-sur-Loup, lors d'un congé, les 24-26 mai 1926. Des contacts permanents entre Alziary et Freinet s'établirent. En outre, à la différence de Pascal, Alziary s'inspira des méthodes nouvelles (textes libres, correspondances). Il acheta une presse à imprimer puis fabriqua une presse à rouleau. Il fut un des collaborateurs réguliers du journal l'Imprimerie à l'école et participa au développement de l'Office du cinéma éducateur. Il dirigea le service des correspondances scolaires pendant une trentaine d'années, prit part à tous les congrès, aux travaux des équipes de travail.
Les membres de l'Union générale, réunis à Toulon, le 26 novembre 1925, décidèrent d'adhérer au Syndicat national. Alziary fut désigné au conseil d'administration. Chargé notamment de rédiger l'annuaire des postes, publié en août 1927, il présenta pour l'assemblée générale de juillet 1926 un rapport sur les futurs statuts de l'organisation. Pour ces deux tâches, il réunit une abondante documentation en liaison avec les instituteurs varois et les militants nationaux. Désigné comme responsable de la commission pédagogique, il en resta membre jusqu'en 1939. Devenu secrétaire-adjoint pour l'arrondissement de Brignoles, en liaison constante avec Pascal, il polémiqua à diverses reprises avec l'autre secrétaire-adjoint Paul Maurel. Désigné comme délégué suppléant du Var, le 22 juillet 1927, pour participer au congrès national du SN, il préféra se rendre à Grenoble pour participer au congrès de la Fédération CGTU de l'enseignement. Cette décision lui valut d'importantes critiques. Toujours secrétaire-adjoint de la section du SN, il participa à nouveau au congrès de la Fédération CGTU à Besançon en août 1929 et en fit un long compte rendu, critique à l'égard des communistes, dans le bulletin de l'Union générale en octobre.
Toujours membre du conseil syndical, Alziary devint secrétaire général après l'assemblée générale du 3 janvier 1931. Ainsi était écartée l'éventuelle candidature de Victor Mathieu, militant plus modéré. Responsable de l'action, de l'administration du syndicat et de sa commission pédagogique, il présenta une motion, adoptée à l'unanimité en avril 1931, qui proposait l'exclusion du syndicat des collègues qui n'avaient pas suivi le mot d'ordre de grève des jurys d'examen des bourses. Les effectifs baissèrent (un quart des adhérents varois exclus) alors dans le Var comme en France. Délégué pour le congrès national de Paris de 1931, ses votes s'y distinguèrent souvent de ceux de l'autre délégué du Var, Maurel (blâme pour Jouhaux, contre la nécessité de réunir les deux-tiers des mandats d'un congrès pour décider une action, contre la suspension de l'abstention des jurys comme forme de lutte pour les traitements, pour la motion d'orientation 3). Dans le compte rendu qu'il fit du congrès dans le Bulletin, il écrivit notamment : "Un autre détail nous fut agréable : l'absence de tricolore dans la décoration de la tribune de la salle, c'est peut-être seulement fortuit. Dans certains congrès, le bleu, blanc, rouge nous offusque passablement pour que nous manquions l'occasion de signaler ce signe matériel de l'indépendance du syndicalisme". Aussitôt le Préfet le traduisit devant le Conseil départemental. Une motion de solidarité fut votée par le conseil syndical unanime ; de nombreux enseignants protestèrent dans la presse. Finalement, lors de la réunion du CD, le 19 décembre 1931, le directeur de l'École normale Gilet, à qui Pascal venait d'écrire, dans son rapport, conclut contre toute sanction sous réserve d'une déclaration d'Alziary. Dans la presse parut alors le communiqué suivant, rédigé avec Rougier : "Le secrétaire général du Syndicat traduit devant le CD pour une phrase du compte rendu du Congrès de Paris, déclare qu'il n'a jamais été dans sa pensée d'attaquer ou d'offenser le drapeau national."
Alziary, après le refus par l'assemblée générale du 21 juillet 1932 de sa motion sur la collaboration avec l'administration, démissionna de sa responsabilité de secrétaire général et expédia les affaires du syndicat jusqu'en octobre. Le 24 novembre 1932, la responsabilité du bulletin lui fut confiée. Par la suite, il se distingua par deux interventions importantes : après avoir reçu des réponses au questionnaire paru dans le Bulletin en mars 1933, publication dans le Bulletin, en juin 1933, d'un projet de réorganisation du conseil syndical sur la base des sections cantonales et de nouveaux statuts, adopté le 20 juillet 1933, publication, en mai 1935,, d'un rapport sur "l'état matériel de l'école" dans le département, synthèse sur la situation de l'école primaire.
En 1932, se déroulaient des attaques contre Freinet dans le département voisin, relayées par les milieux de droite dans tout le pays. Une campagne de soutien était alors lancée par un comité dans L'Educateur prolétarien en mai 1932. Deux instituteurs varois figuraient dans le bureau du comité, Alziary et Bourguignon. Réagissant contre un article de Levasseur sur Freinet, le premier envoya à l'Ecole libératrice un article sur "l'affaire Freinet". La direction nationale du syndicat refusa l'insertion. Cet article fut alors publié dans le Bulletin du syndicat varois en janvier 1933 et dans d'autres bulletins départementaux.
Outre son activité dans la mouvance de Freinet (Office du cinéma éducateur Fédération varoise des coopératives scolaires), Alziary, membre des commissions pédagogiques et des fêtes, toujours animateur de la rubrique pédagogique du bulletin syndical, participa au Rassemblement universel de la Paix à Bruxelles en septembre 1936 et en fit le compte rendu dans le bulletin. Comme beaucoup de militants des "Amis de l'École émancipée" en train de se constituer -et Alziary animait le mouvement dans le département-, il marquait des distances à l'égard du syndicat dans le Front populaire. Il s'en expliquait par lettre à Pascal, le 3 avril 1937 : "Je nourris à l'égard de la politique une aversion complète et foncière. Adhérer à un Parti de gauche serait accepter le confusionnisme presque fatal qui conduirait rapidement à des expressions ou à des actes en total désaccord avec ma sincère pensée."
Père d'un garçon, nommé à La Seyne à la rentrée de 1938, Alziary, gréviste le 30 novembre, non mobilisé, fut suspendu, en octobre 1941, en application des mesures contre les officiers de loges maçonniques alors qu'il ne fréquentait plus de loge depuis une dizaine d'années. Il ne perçut aucun salaire pendant une année puis seulement 500 francs par mois. Il loua des terres pour les cultiver. Sa femme, à la suite d'une longue maladie, mourut en janvier 1944. Il entra alors comme secrétaire-comptable à la caisse d'assurances sociales "Le Travail", dirigée par les dirigeants syndicalistes Bono et Portalis. Il fallait en effet un employé de confiance puisque ses locaux abritaient des réunions clandestines de mouvements de résistance et des transferts de fonds.
Alziary, à la Libération, fut réintégré dans l'enseignement. Il avait enseigné en 1939 dans une classe de retardés scolaires après avoir effectué un stage national de formation pour l'enseignement spécialisé. Il obtint la classe de perfectionnement de l'école Martini et la conserva jusqu'à sa retraite. Il y employa les techniques Freinet et continua à occuper d'importantes responsabilités dans le mouvement en dépit de la dégradation de ses rapports avec Freinet. Dirigeant toujours le service des correspondances scolaires, responsable du groupe varois de l'école moderne, il présida, pendant une dizaine d'années, le conseil d'administration de la coopérative de l'enseignement laïque. En 1953, il contribua au lancement du manifeste "Unis pour défendre l'École Moderne".
Alziary retrouva sa place dans le conseil syndical à la Libération et y demeura jusqu'en 1952. Il obtint deux voix, en juillet 1945, pour le poste de secrétaire général. Membre de la commission des affaires administratives, il fut délégué au congrès du SNI de Grenoble en 1946. Il vota notamment lors des réunions du 13 mai 1948 une motion favorable à la mise en demeure d'avoir à abandonner pour tous les syndiqués leurs responsabilités à la FEN-CGT, et du 2 juin 1949 une motion revendiquant l'autonomie et demandant la "reconstruction d'une CGT démocratique". Pour l'élection au conseil syndical en novembre 1949, il figurait à la fois sur la liste "pour un syndicalisme indépendant et constructif" et sur la liste présentée par les amis de l'Ecole émancipée. Il devint archiviste de la section départementale en janvier 1950 et membre du comité de rédaction du bulletin. A partir de janvier 1952, il occupa la responsabilité de secrétaire de la commission des affaires corporatives. Il continua à animer le groupe des militants École émancipée dans le département. Délégué du SNI à La Seyne, il entra en conflit en 1951 avec la municipalité à direction communiste et le maire, l'ancien instituteur syndicaliste Toussaint Merle, à propos de l'indemnité de logement des enseignants. Il resta pendant quelques années membre du conseil syndical au titre des retraités, responsable de la commission les concernant.
Alziary fut désigné pour siéger au Conseil départemental de l'enseignement primaire le 3 décembre 1945, avec 267 voix sur 291 votants, renouvelé le 3 décembre 1951, avec 313 voix sur 333 votants. Démissionnaire avec ses camarades à la fin de 1953, il fut réélu le 21 janvier 1954 avec 289 voix sur 331 votants. Il siégea à la Commission administrative permanente (1948-1954), au Comité technique paritaire (1948-1940).
Alziary eut aussi une activité mutualiste. Il représentait la sociétés de secours mutuels de l'enseignement public du Var au congrès de naissance de la Mutuelle générale de l'éducation nationale (8 décembre 1946). Membre du conseil d'administration, il devint archiviste de la caisse varoise, dès sa création, en mars 1947 et le demeura jusque dans les années 1960. Toujours membre du CA, puis du bureau de la section, il figurait sur les listes "d'action mutualiste et d'amélioration de la Sécurité sociale" pour les élections de la caisse primaire de Sécurité sociale les 8 juin 1950, 17 novembre 1955 et 13 décembre 1962.
Parallèlement à son métier, Alziary exerça les fonctions de juge pour enfants à Toulon de 1945 à 1956. Retraité, il s'occupa du lancement d'une maison pour handicapés dans le quartier de Tamaris à La Seyne. Il vivait à Mar Vivo avec l'institutrice, ancienne militante syndicaliste, Marguerite Meiffret.
Son fils, Jean-Luc Meiffret-Alziary, chargé d'école à Port-Cros, puis adjoint de classe terminale au Lycée Beaussier de La Seyne, puis SEP à La Seyne, fut tour à tour candidat au conseil syndical sur la liste (1961), en tête de la liste (1964), puis à nouveau sur la liste (1967, 1971) des amis de l'Ecole émancipée.
SOURCES : Archives et renseignements fournis par l'intéressé - Presse corporative et locale - Sources orales - PASCAL (Joseph), Une existence en toutes lettres, Genève, Perret-Gentil, 1972, 240 p.