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PORTALIS Justin, Félix, Antoine.
Né le 15 mai 1897 à Ollioules (Var) ; mort le 20 septembre 1968 à Toulon (Var) ; ouvrier à l'Arsenal maritime de Toulon ; responsable syndical C.G.T. et socialiste S.F.I.O. dans.le Var.
Justin Portalis entra à l'Arsenal maritime le 1er septembre 1912 comme apprenti serrurier (atelier de la petite chaudronnerie, direction des Constructions navales). Mobilisé en janvier 1916 dans un régiment d'artillerie à Nice (Alpes maritimes), il reprit son travail en octobre 1919 comme ajusteur à l'atelier des machines.
Son activité militante intéressa aussi bien le syndicalisme que le mouvement socialiste varois. Pour la clarté de l'exposition, les deux aspects seront séparés alors qu'ils furent vécus par Portalis de façon complémentaire, l'activité syndicale ne prenant la première place que dans les années 1930.
Portalis devint secrétaire du Comité d'action des non-démobilisés au 1er juillet 1919 pour la défense de leurs intérêts. Assesseur pour les élections cantonales à Ollioules où il demeurait, en décembre 1919, adhéra au groupe local des Jeunesses socialistes S.F.I.O. Il en devint très vite secrétaire, cumulant cette responsabilité avec le secrétariat de la section socialiste S.F.I.O. dès l'été 1920. Aussi, siégea-t-il sur l'estrade de la manifestation en l'honneur de Jaurès, le 31 juillet 1920, à Toulon. Dès 1922, il fit partie du comité de la fédération socialiste S.F.I.O. Toujours membre de ce dernier en 1928-1929, il était aussi secrétaire de la section socialiste S.F.I.O. d'Ollioules, calquant ses analyses sur celles de Renaudel, faisant partie des comités de soutien de sa candidature aux élections législatives de 1928 et de 1932. N'étant plus membre du comité fédéral socialiste S.F.I.O., en 1932, il faisait partie de la commission fédérale de propagande.
Portalis, candidat aux élections municipales d'Ollioules, le 3 mai 1925, sur la liste "du comité républicain socialiste (S.F.I.O.) et des intérêts locaux", fut élu avec 503 voix sur 1 113 inscrits. Délégué sénatorial, il participa au congrès de fondation de la fédération nationale des conseillers municipaux et cantonaux du Parti socialiste S.F.I.O., les 30-31 octobre 1925, puis au premier congrès de la fédération des municipalités socialistes, en mai 1927. Il fut réélu, le 5 mai 1929, sur la "liste républicaine, socialiste S.F.I.O. et d'union des gauches", avec 545 voix sur 1 135 inscrits. Toutefois, au début des années 1930, ses absences aux séances du conseil municipal furent fréquentes. A partir de juillet 1934, solidaire de Lemoyne (voir ce nom), ses abstentions prirent un ton plus politique. Bien que demeuré au Parti socialiste S.F.I.O., candidat, le 5 mai 1935, sur la liste "républicaine socialiste de France", il fut réélu avec 559 voix sur 1 403 inscrits. Délégué sénatorial, il démissionna avec les autres conseillers municipaux le 14 février 1941.
Liant son activité militante socialiste et son activité syndicale, Portalis multiplia les articles sur le syndicalisme dans Le Réveil du Var, hebdomadaire créé par les militants de la section socialiste S.F.I.O. de Toulon, en 1927-1928.
Portalis lança un appel au nom du syndicat C.G.T. des travailleurs de la Marine pour inciter à la syndicalisation, le 22 juillet 1920 dans Le Petit Var, en tant que secrétaire du comité de propagande. Il subit 24 jours de mise à pied pour cessation collective du travail les 6, 7 et 8 mai 1920. Dans les affrontements qui opposaient révolutionnaires et réformistes, il intervint à plusieurs reprises au nom de ces derniers, dans la presse ou dans les assemblées générales. Ainsi, présenta-t-il lors d'une de celles-ci, le 29 septembre 1921, une motion, qui ne fut pas adoptée, soulignant la nécessité de la discipline syndicale dans une organisation syndicale, critiquant ainsi la tactique des minoritaires. Quand la scission fut consommée, il participa à la reconstitution du syndicat C.G.T. des travailleurs de la Marine et en devint, le 14 mars 1922, le secrétaire-adjoint et le demeura quelques années. Il fut sans cesse réélu au conseil d'administration et représenta souvent son organisation dans les délégations auprès des autorités maritimes ou ministérielles. Son dossier personnel témoigne des permissions accordées pour diverses missions. A diverses fois candidat aux élections à la commission locale des salaires, il fut battu, comme le 23 août 1922. Il fut très vite un des responsables de la C.G.T. sur le plan local (secrétaire de l'Union locale et membre du conseil d'administration de la Bourse du Travail en 1923) et sur le plan départemental (secrétaire-adjoint, le 8 mai 1923, puis secrétaire de l'Union départementale à partir du 18 octobre 1925, responsabilité sans cesse renouvelée), intervenant dans de nombreuses réunions publiques au nom de la C.G.T., participant aux congrès départementaux et nationaux.
Portalis assurait ces responsabilités sans occuper de poste permanent. Le congrès de l'Union départementale C.G.T. du 29 mai 1932 lui demanda de devenir permanent. A partir de juillet 1932, il obtint des autorisations d'absences sans salaire, renouvelées sous réserve qu'il accomplisse des périodes consécutives de six mois de travail (ainsi du 1er janvier 1934 au 30 juin 1935). Sa situation fit alors l'objet de multiples démarches pour qu'il ne perde pas le bénéfice de son ancienneté et qu'il ne soit pas obligé d'effectuer des périodes de trente jours de travail par an, condition mise par l'administration pour qu'il puisse conserver ses droits à la retraite. Finalement, en octobre 1936, le Ministère accepta qu'il verse une somme globale correspondant aux retenues pour sa retraite pour ses périodes de congés depuis 1932 et qu'il continue à verser directement au Trésor ses retenues.
Cette décision de se doter d'un secrétaire permanent était à mettre en relations avec l'intensification militante imposée notamment par les offensives en faveur de l'unité syndicale émanant des militants de la C.G.T.U. Aussi, quand se reconstitua le cartel C.G.T. des services publics et des travailleurs de l'Etat, en septembre 1932, Portalis en devint-il le secrétaire administratif. Le secrétaire départemental du Syndicat des instituteurs le dépeignit alors :
"Sa compétence indiscutable, son bon sens, son activité, sa grande patience surtout, font de lui le véritable agent de liaison entre les syndicats et la C.G.T."
Portalis, à partir de 1934, connut une intensification de ses activités. Il présida notamment la réunion inter-organisations à la Bourse du Travail de Toulon, le 8 février, et le 12, s'adressa aux participants au meeting sur les terrains de Castigneau. Par la suite, il fut de toutes les actions puisque les organisations syndicales s'engageaient plus intensément. Toutefois, il fut de ceux qui, à l'Union locale C.G.T., refusèrent la perspective de s'engager dans la création d'un comité antifasciste "permanent et organique" en juillet 1934. Quand se posa la question de l'organisation de la réplique aux décrets-lois, dans l'été 1935, dans la C.G.T., aux partisans d'une seule riposte syndicale, Portalis opposa une action plus générale de l'ensemble des organisations de gauche. Aussi, fit-il partie du bureau du comité de Front populaire dès sa constitution.
Dans le passé, à plusieurs reprises, Portalis avait reçu personnellement Jouhaux au Brusc près de Six-Fours. Il déclarait, au milieu des années 1930, habiter dans le quartier du Mourillon à Toulon.
Portalis dirigea pour la C.G.T. toutes les négociations locales et départementales avec la C.G.T.U. sur l'unité à partir de la fin 1934. Membre de la commission d'élaboration des statuts de l'Union départementale C.G.T. réunifiée, il fut désigné, le 22 décembre 1935, comme son secrétaire général. Comme précédemment, délégué aux congrès confédéraux, il détenait d'autres mandats : ainsi pour le congrès de Toulouse (2-5 mars 1936), ceux des syndicats des ouvriers boulangers et des employés de tramways de Toulon. Comme secrétaire de l'Union départementale, il prit part aux négociations corporatives de l'été 1936 et à diverses manifestations d'unité sous le Front populaire tout en restant membre du collectif de direction du comité départemental de Front populaire. Il dirigea aussi la délégation varoise aux obsèques de Salengro en novembre 1936.
Dans le Var, la poussée des anciens membres de la C.G.T.U. se produisit. Pourtant, la majorité des anciens de la C.G.T., derrière Portalis, suivait les analyses de Jouhaux, qualifiant, par exemple, à propos de la guerre d'Espagne, "la neutralité à sens unique" de "duperie", selon les termes du rapport moral qu'il présenta au congrès de l'Union départementale C.G.T. de 10 et 11 juillet 1937. Cette attitude n'empêcha pas que se traduise ce renversement du rapport des forces. Lendrin (voir ce nom) devint secrétaire général, avec 199 mandats, contre 83 à Portalis qui fut seulement élu membre suppléant de la commission exécutive avec 83 mandats. Lors du congrès, Portalis fut particulièrement critiqué pour son article dans l'hebdomadaire socialiste S.F.I.O., Le Populaire du Var, dénonçant la colonisation des syndicats par les communistes. Quatre jours plus tard, il démissionna de sa responsabilité. Il s'ensuivit une profonde crise, ponctuée par une réunion extraordinaire, le 31 août 1937, des responsables de l'Union départementale et des Unions locales de Toulon et de La Seyne en présence de Jouhaux et de Frachon. Ce dernier reprocha aux anciens unitaires leurs procédés, estimant que Portalis, "vieux militant averti avait droit à des égards". Un poste de secrétaire-adjoint fut créé pour lui. Lors de l'assemblée générale, le 3 octobre 1937, il fut élu membre de la commission exécutive de l'Union départementale C.G.T.
Ayant repris le travail à l'Arsenal maritime, Portalis fut sanctionné d'un jour de mise à pied après la grève "des bras croisés" du 30 novembre 1938.
Portalis, tout au long des années 1930, prit part à diverses délégations dans des organismes officiels (représentant ouvrier à la Commission départementale du travail en octobre 1932, Commission départementale des prix en 1936, réunion du Comité supérieur de l'enseignement technique à Paris en décembre 1937). Il demanda en 1933 que la responsabilité d'inspecteur départemental de l'enseignement technique soit confiée à un ouvrier plutôt qu'à un industriel comme c'était le cas. Aussi, fut-il proposé et nommé aux côtés d'un représentant patronal.
Portalis, enfin, fonda la caisse d'assurances sociales "Le Travail" au début des années 1930. Il prenait part aux congrès des assurances sociales, aux réunions des conseils d'administration de la Caisse départementale du Var et de l'Union régionale du Sud-Est. En outre, à chaque congrès de l'Union départementale C.G.T., il présentait un rapport sur la caisse "Le Travail". Il était aussi un des trois représentants du Var à la caisse de réassurance en 1933.
Portalis, le 11 octobre 1939, participa à la réunion du nouveau conseil d'administration du syndicat C.G.T. des travailleurs de la Marine après la suspension des anciens dirigeants. Membre du mouvement "Libération" (pseudonymes Vincent, Marie), chargé de constituer le Mouvement ouvrier français, il continua à présider la caisse d'assurances sociales, "Le Travail", dont les locaux servirent de lieux de réunions et de dépôts pour les journaux et les tracts de la Résistance, abritant notamment, au début de 1942, une réunion clandestine, associant anciens confédérés et anciens unitaires, prélude à la renaissance d'une organisation syndicale unifiée. Dans le même temps, il tenta de reconstituer dans l'Arsenal maritime de Toulon, un syndicat clandestin. Il représenta la C.G.T. au Comité départemental de Résistance de novembre 1943, jusqu'à son remplacement par un "unitaire". Il devint, en juin 1944, délégué interrégional confédéral permanent à Marseille aux côtés de Lucien Molino.
Portalis ne retrouva pas le conseil municipal à la Libération. Il fut élu à nouveau le 19 octobre 1947 sur la liste "d'union socialiste et de défense républicaine". Il ne se représenta pas en fin de mandat.
Sur le terrain syndical, membre du groupe Résistance ouvrière et des Amis de F.O., Portalis fut un des premiers dirigeants de la C.G.T.-F.O. tout en étant un des dirigeants des groupes socialistes d'entreprises. A ce titre, il siégea pendant quelques années au comité de la fédération socialiste S.F.I.O. Il figura notamment sur la liste des candidats à l'élection des délégués pour la gestion de la Caisse de Sécurité sociale présentée en 1947 par le groupe de syndiqués se réclamant de Force ouvrière.
Portalis, chef-ouvrier depuis janvier 1942, après deux années de congés sans salaire, réintégra l'Arsenal, le 2 janvier 1947, à l'atelier central, chargé de l'outillage. Il prit sa retraite le 15 avril 1949.
Portalis, marié en avril 1920 à Caours (Somme), remarié en juillet 1929 à Toulon, se remaria en septembre 1953 à Néoules (Var). Il se retira avec son épouse dans cette commune où il avait acheté le bar des Sports. Il le tint pendant quelques années tout en étant un des responsables de la section socialiste.
SOURCES : Arch. Nat. F 7/13021, 13085, 13643. - Arch. Dép. Var, 2 M 6 23, 7 30 2, 31 1, 32 1, 2, 35 3, 4 M 48, 49 4 3, 53, 54, 55 2, 59 2, 3, 4 4, 18 M 94, 3 Z 2 5, 9, 14, 19, 46, 4 21, 22, 24 2 - Arch. IIIe Région mar., 2 A 1 2045, 2140, 2188, 2205, 2216, 2 A 2 95, dossier individuel - Arch. Com. Ollioules. - Arch. J. Sauli. - Presse locale. - Sources orales. - Renseignements fournis par D. Laugier et J.-M. Guillon.