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Promenades seynoises (textes N° 1 à 14)
Promenades seynoises (textes N° 15 à 26)
Allez La Seyne... (On n'a pas tous les jours... cent ans)
Les contes de... Henri (sur le site Six-Fournais Solimages)
Autres textes d'Henri Giovannetti : Napoléon, Décembre 1793, Retour de bâton, Souvenirs du sabordage de la flotte, Quartier Barban, Bretagne, Libération
Biographie
Henri Giovannetti est né en 1938 à La Seyne (aux Mouissèques) dans une famille dont les racines sont à la fois toscanes (Buti) et bretonnes par sa mère. Curieux mélange que l'on doit principalement au déplacement de son père vers 1934 à Lorient avec les chantiers de La Seyne.
Pendant la guerre, d'ailleurs, toute sa famille ira se réfugier dans un petit bourg breton, Guilliers, refuge de ses tantes et cousins, son père, lui, étant resté à La Seyne, réquisitionné.
Revenu dans notre ville, il a intégré l'école Martini jusqu'en cinquième, après avoir connu comme instituteurs ou professeurs : Mmes Roumieu, Arnaud, Robin, et MM. Vaquero, Arène, Laure, et Marius Autran.
Après la cinquième, ses parents, pressentant qu'il ne deviendrait ni médecin ni avocat l'orientèrent vers l'école d'apprentissage des F.C.M. où il réussit le concours d'entrée.
Jeune, il a joué de nombreuses années au rugby au sein de l'U.S. Seynoise et, aujourd'hui encore, il reste profondément attaché à ses couleurs. Il est co-auteur, avec Jean-Marc Giraudo, de l'ouvrage Un Dimanche à la Muraillette - Un siècle de rugby à La Seyne.
Il est malheureusement atteint depuis 20 ans d'une maladie sournoise et méchante qu'on appelle la sclérose en plaques qui l'empêche de marcher et l'oblige à se déplacer en fauteuil. Heureusement, son épouse, ses enfants, ses 4 petites filles et ses nombreux amis l'aident dans sa lutte de tous les jours et l'amour qu'il porte à sa ville et à ses souvenirs sont aussi d'agréables moments d'évasion.
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- Préambule
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Promenades seynoises (textes N° 1 à 12)
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- Texte N° 3
- Chemins faisant...
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TEXTE N° 4
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TEXTE N° 6Les deux chênes... et les bambous
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TEXTE N° 7
- Le laboureur et ses enfants (Version seynoise et rigolote)
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TEXTE N° 8La peste
La Provence connut en 1720 une terrible épidémie de peste ainsi qu'en 1835 et 1845.
Cette épidémie fit des ravages dans notre commune et l'on a dit qu'elle était arrivée avec un lot de cotonnades se trouvant à bord d'un navire faisant escale à Marseille et en provenance d'une ville d'Orient.
Ce navire fut consigné à quai, mais des trafiquants avides de gain s'employèrent à dévaliser le navire avant qu'il ne soit coulé au large. Parmi eux, un voleur de la région qui emmena quelques ballots infestés jusqu'à Toulon.
A la peste et au choléra s'ajoutèrent également d'autres fléaux par les invasions barbares.
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TEXTE N° 9Le jugement de JEAN
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TEXTE N° 10à mon MAITRE
A Marius AUTRAN... (suite)
Curieux depuis toujours, l'idée me vint soudain
De lorgner le rétro afin d'y rechercher
Mes anciennes écoles. Allons donc à Pissin.
C'est Jean Jaurès Monsieur, pour sûr, vous retardez.
Guilliers, c'est en Bretagne, pas question de partance.
Bigophone aussitôt. Allô c'est la mairie ?
Pourrais-je visiter lors des grandes vacances
L'école Saint François où petit j'ai appris ?
C 'est que... très cher ami, votre école en question
Existe bien encore mais, elle est aujourd'hui
Revenue aux laïques et sert de formation
A des barbus âgés, les cadres du Parti.
Pas de chance à ce jour, vas-y, Lycos, recherche.
Collège Martini, où est-il aujourd'hui ?
Monsieur, ça serait pas du côté de la crèche.
Mais non, c'est le parking et il est pas gratuit.
L'homme se moque bien du passé, des vieux murs
Bien d'accord pour casser les signes, les blasons,
Pourvu que sa bagnole soit garée en lieu sûr
En plus, pour pas un rond, il n'en est pas question.
Boudon, Camoin, Troubat et Madame Roumieux,
Reposez bien en paix, ne vous réveillez pas
Ils ont tout démoli, ce n'est plus votre lieu
Et merci cher Autran d'avoir noté tout ça.
Démolir une école, ça devrait être inscrit
Dans le code pénal à la page des crimes.
Pailleron, je veux bien, mérite que mépris,
Mais notre Martini avait droit à l'estime.
J'ai presque terminé, mais non, je prends la peine
D'aller un peu plus loin , du côté des chantiers
Bonjour Monsieur Christol, j'ai souvenir quand même
Des premiers exercices, des premières dictées.
Ici aussi le vide. Le centre, disparu
Andréozzi, Turrière, c'est bien moi aujourd'hui
Qui doit faire l'appel, gaffe à la retenue.
Le grand silence encore. Ils sont déjà partis.
HG
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TEXTE N° 11Je voudrais
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- TEXTE N° 12
Ce matin de printemps, je dois aller très vite
HG
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- TEXTE N° 13
- TEXTE N° 14
Promenades seynoises (autres poèmes N° 15 à 12)
TEXTE N° 16
Je voudrais aujourd'hui me confier à vous,
Vous dire dans l'oreille un secret. Mais j'entends
Venir quelqu'un par là, un instant, cachons-nous.
- Gare aux mauvaises langues, les gens sont si méchants.
« Il paraît voyez-vous, que celle du cinquième
- Bonjour ancien voisin cela me fait plaisir
De vous revoir ici, vos remplaçants car même*
On les pleurera pas si on les voit partir ».
Le monsieur est parti, et le secret aussi.
C’est sur lui à présent que l'accorte mégère
Déverse ses couplets « Voyez-vous, chère amie,
Ils se sont débinés, les huissiers au derrière ».
Pour celle du cinquième, il vous faudra attendre
- Monsieur, y a l’ascenseur, ne vous en privez pas
« Celui-là je crois bien, on l'a chopé à vendre
Des choses pas très belles, on le dit çà et là ».
Le dénouement approche, va-t-on enfin connaître
De l’étage du haut le fin mot de l’énigme ?
Pas encore. « Attendez, reluquez la fenêtre
Avec cette pétasse ? C'est pour quand le régime ? ».
On discute, on discute il est presque midi
« Bonjour mademoiselle, vous n’êtes plus la même
Votre coiffure est belle et votre robe aussi
Vous avez de la chance d'habiter au cinquième ».
HG
* Bazarette, car même : parler d'ici
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TEXTE N° 17
C'est calme sur le port en ce soir ordinaire
La calèche est passée en laissant derrière elle
Des tas encore fumants de crottes ordurières.
Plus loin des matelots s'esclaffent et s'interpellent.
Le vapeur de La Seyne ronronne sans douceur
Emmenant vers Toulon pour la bordée nocturne
Marins et militaires en quête d’âme sœur
Ils reviendront matin, le cœur plein d’amertume.
Au retour, d'autres gens formeront l’équipage,
Des dames chapeautées et des messieurs poudrés,
Impatients d’étaler leur restant d’héritage
Sur les grands tapis verts des casinos côtiers.
Tamaris, Le Manteau, roulette, impair et passe
Gens de la société, comme on disait avant
Vous n’avez point perçu dans les maisons d’en face
Les rêves de révolte du peuple de manants.
Au chantier du matin, y aura-t-il de l’embauche ?
Le cuirassé Paris est presque terminé,
Le patron est heureux, il en a plein les poches
Et le pauvre ouvrier a les yeux pour pleurer.
HG
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TEXTE N° 18
En allant à l'école...
Curieux depuis toujours, l'idée me vint soudain
De lorgner le rétro afin d'y rechercher
Mes anciennes écoles. Allons donc à Pissin.
C'est Jean Jaurès Monsieur, pour sûr, vous retardez.
Guilliers, c'est en Bretagne, pas question de partance.
Bigophone aussitôt. Allô c'est la mairie ?
Pourrais-je visiter lors des grandes vacances
L'école Saint François où petit j'ai appris ?
C 'est que... très cher ami, votre école en question
Existe bien encore mais, elle est aujourd'hui
Revenue aux laïques et sert de formation
A des barbus âgés, les cadres du Parti.
Pas de chance à ce jour, vas-y, Lycos*, recherche.
Collège Martini, où est-il aujourd'hui ?
Monsieur, ça serait pas du côté de la crèche.
Mais non, c'est le parking et il est pas gratuit.
L'homme se moque bien du passé, des vieux murs
Bien d'accord pour casser les signes, les blasons,
Pourvu que sa bagnole soit garée en lieu sûr
En plus, pour pas un rond, il n'en est pas question.
Boudon, Camoin, Troubat et Madame Roumieux,
Reposez bien en paix, ne vous réveillez pas
Ils ont tout démoli, ce n'est plus votre lieu
Et merci cher Autran d'avoir noté tout ça.
Démolir une école, ça devrait être inscrit
Dans le code pénal à la page des crimes.
Pailleron, je veux bien, mérite que mépris,
Mais notre Martini avait droit à l'estime.
J'ai presque terminé, mais non, je prends la peine
D'aller un peu plus loin , du côté des chantiers
Bonjour Monsieur Christol, j'ai souvenir quand même
Des premiers exercices, des premières dictées.
Ici aussi le vide. Le centre, disparu
Andréozzi, Turrière, c'est bien moi aujourd'hui
Qui doit faire l'appel, gaffe à la retenue.
Le grand silence encore. Ils sont déjà partis.
HG
* Lycos = moteur de recherches sur internet
* Marron = jeton de présence
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TEXTE N° 21
Les hommes sans peur
Décembre, mille neuf cent quatre-vingt-treize
Désireux de revoir la fleur de lys en France
De riches toulonnais guettaient de leurs falaises
L'arrivée de l'Anglais et sa flotte d'alliance.
Toulon a récusé la jeune République
Ouvert ses portes grand à la flotte ennemie
Des sardes, espagnols et toute cette clique
Qui veut réinstaller le royaume à Paris.
Des Alpes, de Savoie vont alors arriver
Des troupes en haillons avec de vieux canons
Jacobins, Carmagnoles, armée de Marseillais*
Sur les hauts de La Seyne ils prennent position.
L'envahisseur anglais a quitté ses vaisseaux
Et installé ses feux sur la colline Caire**
Face à lui, Bonaparte, le général Carteaux,
L'armée républicaine, le jeune Robespierre.
Braves et valeureux, depuis leurs batteries
Nos courageux soldats se couvriront d'honneur
Dans un assaut sanglant dans le froid, sous la pluie
Lancé la nuit venue par ces hommes sans peur.
Le feu s'est apaisé, l'ennemi rejeté
Toulon débaptisé verra la guillotine,
Vision d'horreur extrême, jour et nuit fonctionner,
Triste fin aux promis à l'atroce machine.
Caire c'est aujourd'hui le Fort Napoléon
Lieu de guerre jadis, on y voit plus d'armée
On y danse à présent, on entend des chansons
Et l'anglais bienvenu... s'il vient chanter la paix.
HG
* Régiment de marseillais. C'est cette unité qui quelques mois auparavant avait chanté à son entrée dans Paris et pour la première fois le Chant de guerre pour l'armée du Rhin de Rouget de Lisle. Ce chant est devenu depuis notre hymne national, La Marseillaise.
** Les
Caire étaient une grande et richissime famille seynoise qui possédaient
un très vaste domaine allant de La Rouve jusqu'aux collines vers
Tamaris. Ils collaborèrent durant ces tragiques évènements avec les
royalistes ce qui les obligea à quitter le pays pour l'Angleterre avec
l' escadre des vaincus.
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Rappelons également que 37 des
poésies d'Henri Giovannetti (certaines figurant déjà ci-dessus,
d'autres originales) sont reproduites et richement illustrées sur le
site six-fournais ©Solimages :
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http://solimages.arkasdogs.org/Six-Fours-La-Seyne/Henri-Giovanetti/les-contes.htm |
L'histoire qui suit n'est nullement un conte, une chronique biscornue sortant droit de mon imagination mais un fait historique qui a eu pour cadre notre commune et sa proche région.
Je ne suis pas corse et n'ai aucune sympathie particulière pour les chefs de guerre, les tyrans et tous les uniformes de quelle couleur qu' ils soient mais je voudrais par ces quelques lignes rappeler un évènement qui a contribué grandement et de manière définitive à la sauvegarde de notre République.
L' escadre Anglo-espagnole commandée par les amiraux Hood et Langara a débarqué sur les hauteurs environnant Toulon plus de 13000 hommes.
Côté républicain, le général Carteaux (ensuite relevé de ses fonctions car jugé incompétent) sera remplacé sur ordre de Robespierre le Jeune et Salicetti remplacé par un « Capitaine corse et instruit» répondant au nom de Napoléon Bonaparte. Vont alors être érigées sur les collines faisant face à la redoute Caire et sur les divers points hauts de la ville divers postes avancés, les batteries des Chasse Coquins, des Quatre Moulins , la Batterie de la Convention, etc...
L'une d'entre elles, la Batterie des Hommes-sans-Peur est placée directement sous le commandement du jeune capitaine et c'est de celle-ci que les Seynois se rappelleront le plus et qu'une image de la célèbre manufacture d'Epinal viendra même immortaliser. Une plaque posée sur le lieu de cette batterie au chemin de l'Evescat en 1922 par le Souvenir Napoléonien a été enlevée et seul un fragment de celle-ci est visible encore au musée du Fort Balaguier.
Curieusement, si à La Seyne on semble ne plus se souvenir de cette page d'histoire - un boulevard portait le nom des Hommes sans Peur ainsi qu'une école - à Toulon, par contre, une stèle élevée deux cent ans plus tard rend hommage aux victimes de... la barbarie Républicaine.
Ce monument situé dans le jardin du Champ de Mars sur le boulevard Georges Clémenceau porte l' inscription suivante :
« En décembre 1793, en cet endroit, des Toulonnais furent exécutés, d'autres périrent noyés ou dans les flammes. Ce monument a été élevé en leur mémoire. »
Il est vrai que la répression menée par Barras et Fréron envers la population toulonnaise fut rude et combien sanglante mais les vrais responsables eux réussissaient à fuir à bord des navires ennemis.
Des historiens avancent aussi l'idée que le célèbre amiral Nelson embarqué à bord du non moins célèbre navire amiral Victory participait au dit siège d' après une source rapportée le 01/10 /97 dans le journal VSD. C'est peut-être une chose à vérifier à Portsmouth où le Victory est pieusement conservé.
Maintenant une autre révélation qu' il ne faudra surtout pas répéter à nos voisins six-fournais qui entretiennent on le sait d'excellentes relations avec les gens de sa Gracieuse Majesté mais c'est bien un marin originaire du lieu qui a tué lors de la bataille de Trafalgar l’Amiral Nelson. Il s'agit de Robert Guillemard dont le nom a été donné à une artère toulonnaise.
Le Moniteur Universel du 5 nivôse de l'An II publiera par affichage les décisions de Convention Nationale, décisions qui seront rapportées dans toutes les communes par les crieurs publics. Oyez citoyens...
« La convention, après avoir entendu le rapport du Comité de salut Public décrète :
Article premier. L'armée de la République dirigée contre Toulon a bien mérité de· la Patrie.
Article II. Il sera célébré dans la République une fête nationale le premier Décadi qui suivra la publication du présent décret.
Article III. Les représentants du Peuple près l'Armée victorieuse sont chargés de recueillir les traits d'héroïsme qui ont illustré la reprise de cette ville rebelle.
Article IV. Ils décernent au nom de la République des récompenses aux braves citoyens de l'armée qui se sont fait remarquer par leurs grandes actions.
Article v. Le nom de Toulon est supprimé. La ville s'appellera désormais Port la Montagne*.
Article VI. Toutes les maisons à l'intérieur de la ville seront rasées*.
Il n'y sera conservé que Les établissements nécessaires à la guerre, ceux de la marine et des approvisionnements. »
* Le nom de Port la Montagne fut supprimé l'année suivante et fort heureusement, la décision de raser les maisons ne fut pas appliquée.
Novembre 42. Quatre ans six mois...Je me souviens.
C’était hier... et ma mémoire qui commence à lorgner vers le bon docteur Alzheimer, qui oublie la date de mon mariage ou le menu du déjeuner de midi a heureusement gardé précieusement dans quelque placard à neurones les images de ces journées tragiques d’une guerre arrivée à notre porte.
Les historiens vous décriront mieux que moi cette noire période ou les Allemands envahirent Toulon, provoquant le sabordage de la flotte française mais je veux par ces lignes apporter le témoignage d’un enfant de... (voir titre du paragraphe) un enfant de La Seyne, un enfant des Mouissèques.
Nous habitions dans ce quartier agréable une maisonnette dont le jardin s’ouvrait sur deux directions, l’une sur la place et le petit port, l’autre au sud vers le bois de la Rouve. Oui, amis seynois, vous avez bien lu La Rouve. La Rouve était autrefois un magnifique bois planté de pins majestueux bien que son nom vienne du provençal Rouvo (chêne), arbre qui servit durant des siècles à fournir en matière première les nombreux chantiers de construction navale établis sur notre littoral.
Cette évocation d’un passé révolu m’a éloigné de mon récit que je reprends aussitôt pour vous dire qu’en haut de la propriété se trouvait la boulangerie Carle et sur l’autre coté de la route, le terrible coiffeur qui me faisait trembler d’effroi, le méchant Philipin.
Aujourd’hui, il n’y a plus de forêt, plus de Philipin, plus de pins, encore moins de chênes mais seulement des barres d’immeubles HLM et heureusement encore... la boulangerie.
Comme tous les matins mon père quittait la maison familiale pour se rendre à son travail à l’atelier des turbines dont l’entrée était située sur cette place des Mouissèques à cent cinquante mètres environ du domicile. Sur cette place habituellement si paisible où les filets de pêcheurs étendus à même le sol voisinaient à toutes sortes d’instruments de pêche, d’autres engins de nature moins pacifique s'étaient présents à l’aube de cette triste journée. C’est là une véritable armada de camions, chenillettes et tanks d’une armée allemande arrivée dans la nuit. Les boches, venaient nous envahir et la flotte française qui n’avait pas voulu tomber entre leurs mains avait préféré s’envoyer par le fond.
Les portes du chantier fermées, mon père s’en retourna à la maison afin d’éloigner toute la famille de ce trop proche danger car dans l’enceinte même de ceux-ci se trouvaient des bâtiments de la marine nationale, objet de la convoitise ennemie.
Mes parents prirent la décision de nous éloigner et nous partîmes tous les cinq avec poussette, baluchon et quelques maigres provisions sur la route de l’exode, exode qui devait nous conduire vers Fabrégas où des amis allaient nous donner l’hospitalité.
Cette journée, dramatique pour notre pays, ne le fut pas tellement pour les enfants que nous étions, certes les avions étaient plus nombreux dans le ciel et les explosions entendues dans le lointain s’accompagnaient de hautes colonnes de fumée qui venaient ajouter une note noirâtre au tableau. Nous, nous découvrions d’autres gens, d’autres jeux et lorsque nos parents estimèrent le danger passé, ils décidèrent en fin de journée le retour au bercail par le même chemin emprunté le matin, avec les mêmes moyens de locomotion, les jambes. Les cinq kilomètres séparant Fabrégas aux Mouissèques nous parurent multipliées par trois.
Réfractaire à la marche (je le suis encore... et pour cause) je trouvais fort heureusement les épaules de mon père pour me reposer pendant que Nicole ma petite sœur âgée de deux ans était bien installée dans la poussette. Paul, le grand frère du haut de ses sept ans nous ouvrait courageusement la route.
Je garde toujours présent le souvenir de notre arrivée sur cette place des Mouissèques et cette acre fumée provenant des navires calcinés, de la présence des tanks allemands des camions et autres engins motorisés. L’image forte que j’ai aussi conservée est celle de ces marins français faits prisonniers et alignés en file indienne le long du mur, les mains sur la tête et gardés par la soldatesque ennemie. Il s’agissait là des marins dont les navires étaient en cours de réparation dans les chantiers et qui n’avaient pu s’échapper.
J’en aurai fini avec cette évocation après vous avoir écrit que dans la nuit qui suivit, un de ces marins qui avait réussi à tromper la vigilance de ses gardiens vint taper à notre porte et demander à mes parents un peu de nourriture et des habits civils. Ses effets militaires furent enterrés dans le jardin et l’homme pu retrouver la liberté en s’enfuyant en direction du bois de La Rouve.
La proximité des chantiers occupés alors par l’armée ennemie et la crainte de bombardements incitèrent mes parents à chercher un autre logement plus éloigné, un logement qu’ils trouvèrent à quelques kilomètres de là, au quartier Barban.Bretagne
Nous sommes restés plus d’un an dans cette maison, le temps de connaître d’autres familles comme nous déracinées de la ville et de nouveaux compagnons de jeux.
La garnison allemande la plus proche avait établi son camp dans le bois de Pignet à deux cent mètres à peine de notre domicile et une famille amie qui occupait la maisonnette située au bas de cette colline fut priée dans la hâte de déguerpir et leur maison canonnée. (Carnet d’enfance).
Quelques soldats italiens avaient quant à eux établi un campement encore plus prés de chez nous, leur cantine était adossée à une façade de notre maison, une cantine d’où nous parvenaient les bonnes odeurs d’une cuisine mais, nos parents nous avait interdit d’accepter quoi que ce soit venant d’eux. Nous avions pourtant et bien souvent le ventre vide et une ration de polenta ou bien quelques châtaignes grillées auraient satisfait nos estomacs de gamins, mais non, surtout pas, il ne fallait rien accepter de cette armée ennemie.
Ils n’étaient pourtant pas bien méchants ces soldats et surtout pas trop amis avec la garnison allemande. Ne disait on pas que militaires allemands et italiens, alliés de circonstance ne s’aimaient pas outre mesure et comment en eut il été autrement puisque dans les rangs de cette armée mussolinienne nombre de ses soldats retrouvaient à La Seyne des liens familiaux, et pour cela, plus enclin à se rapprocher de la population.
Le terrible bombardement du 23 Novembre 1943 effectué sur Toulon par l’aviation alliée fit un nombre important de victimes civiles et l’on dénombra plus de cinq cent morts et des centaines de blessés sur Toulon et La Seyne. De cette journée je n’ai qu’un très vague souvenir sinon celle des vagues d’avions et des lourdes explosions entendues dans le lointain. Mon frère qui se souvient mieux m’a rapporté que les aviateurs américains larguaient leurs chapelets de bombes d’une très haute altitude tandis que les anglais eux effectuaient des piqués pour mieux atteindre l’objectif visé.
L’objectif était naturellement d’atteindre l’arsenal de Toulon et les chantiers seynois mais hélas les bombes n’atteignirent pas que ceux-ci mais firent de considérables destructions dans toute l’agglomération.
Aux dangers des bombardements venait s’ajouter un autre fléau lié au manque de nourriture, les files commençaient à s’allonger devant les magasins et les points d’alimentation. Il était bien arrivé le temps des rutabagas, des tickets de rationnement et du marché noir et quatre pommes de terre cuites, denrées de luxe étaient le seul repas que mon père emportait pour sa journée de travail.
Avec mon frère, naturellement nous ne fréquentions plus l’école, une école que j’avais commencé à suivre à la maternelle Pissin (Malsert aujourd’hui).
Les familles seynoises, fortement encouragées à quitter des lieux devenus inhospitaliers étaient dirigées vers des régions présumées plus clémentes, la Haute Loire, l’Aveyron, la Drôme voire, la Loire où l’Ardèche mais pour nous et sur l’insistance des tantes bretonnes, sœurs de maman, notre condition de réfugiés se passerait en Bretagne dans un gentil petit bourg Morbihannais ayant pour nom Guilliers.Libération
Le voyage en train en direction de la Bretagne commença en janvier 43 avec un départ depuis la gare de Toulon, une gare bondée d’une populace apeurée et les scènes déchirantes de familles obligées de se séparer avec l’incertitude du lendemain et les cris de ces enfants séparés de leurs parents. Une cohue indescriptible avec des trains bondés ou la meilleure façon d’embarquer était le passage par les fenêtres. Chose facile pour les enfants et s’est cette solution qui s’offrit à nos parents. Tous les trois avons donc réussi avec l’aide de bras secourables à monter dans le wagon mais pendant de longues minutes, le train déjà en route, nous nous trouvions coincés dans un couloir pleurant à grosses larmes nos parents disparus.
Par chance ils avaient bien réussi à monter dans le train et il leur fallut de longues minutes pour nous retrouver. Des scènes de panique et d’épouvante dont je garde un très douloureux souvenir.
Pour rallier Paris il fallut deux jours à notre tortillard à cause des arrêts fréquents et du bon vouloir des autorités d’occupation plus enclins à privilégier l’acheminement des convois militaires allemands. Enfin l’arrivée dans une capitale et un changement de gare qui fut pour nous l’occasion de connaître l’atmosphère du métro.
Arrivés en pleine nuit dans une petite gare bretonne nous y étions attendu par mes deux tantes qui avaient dû accomplir plusieurs kilomètres à vélo pour nous accueillir, deux femmes et un long trajet de nuit parce que la veille les allemands avaient lors d’une rafle fait arrêter tous les hommes valides du bourg qui n’avaient pas réussi à se cacher. Cette rafle était une action de représailles envers les hommes du maquis, un maquis fort actif et efficace dans la région.
Les résistants arrêtés cette fois furent dirigés vers les camps de la mort d’où un seul en revint.
Nous avions quitté une ville sous les bombes pour un endroit retiré de la campagne bretonne et nous nous retrouvions dans un village avec les mêmes occupants encore plus boches, encore plus moches mais à la différence de La Seyne, ici nous pourrions mourir avec le ventre plein.
La solidarité familiale s’exprima pleinement sur le plan affectif tout d’abord mais aussi et surtout sur le coté matériel et mon père ne pouvant retourner à La Seyne comme il l’avait prévu dû se contenter de servir dans les fermes environnantes ou encore se faire embaucher quelque temps à la scierie locale. Nous n’avions même plus droit aux tickets de rationnement à cause de notre refus d’être des réfugiés comme les autres et d’avoir refusé d’aller dans la Drôme. La chose s’arrangeât plus tard grâce à une intervention énergique du maire du Guilliers Mr Jardigon.
Nous habitions un petit meublé au centre de ce bourg tout prés de l’église et de la mairie. Tout à coté étaient mes oncles et tantes réfugiés eux aussi, qui avaient dû quitter leur ville de Lorient, une ville soumise au feu de terribles bombardement et sinistrée à cent pour cent.
Avec mes cousins nous avons fréquenté l’école du village, la bonne école comme l’on disait alors et non l’école laïque appelée alors l’école du diable.
La vieille querelle de l’enseignement existait réellement et elle divisait le village en deux camps férocement opposés, les rouges et les blancs.
Dans cette région essentiellement agricole, le lait les légumes, la farine, les œufs et la viande ne manquaient pas, par contre ce qui faisait grandement défaut à ces braves paysans c’était une denrée indispensable pour la conservation des viandes et paradoxalement la seule que l’on pouvait trouver très aisément à La Seyne. Commença alors entre La Seyne et Guilliers un échange sel-nourriture ainsi nos parents et amis restés dans le Var purent avoir en échange d’un produit qui ne leur coûtait rien, provision de viandes, jambons et autres cochonnailles, patates ou autres haricots. Bien entendu la caisse faisait mais cette fois chargée de gros sel le trajet inverse.
Me restent d’autres histoires à vous raconter avant de clore ce chapitre et tout d’abord cette savoureuse histoire des chaussures.
En été à La Seyne, habitants la campagne comme tous les minots du quartier nous courions le plus souvent les pieds nus sans que cela ne choque la bonne conscience des voisins, leurs enfants faisaient de même mais en Bretagne (contrairement aux idées reçues il arrive certains étés que la température égale quelquefois celle du Sud) pour ne pas user nos belles espadrilles, l’idée nous vint de faire de même, c'est-à-dire aller pieds nus et quelle ne fut notre surprise et la honte de mes parents que de voir le lendemain, bien alignées devant notre porte, d’innombrables paires de godasses, sabots et galoches déposées là par des personnes bien charitables.
Episode tragi-comique aussi que cette équipée des hommes du bourg réquisitionnés un beau matin par les boches afin d’aller dans la lande planter des poteaux susceptibles d’empêcher les planeurs alliés de se poser. Mon père était du nombre et nous étions très inquiets très tard le soir à la maison de ne pas le voir revenir. Déjà dans les gens se remémoraient la triste journée de la rafle lorsque entendus de loin des bruits de rires et de chansons se firent entendre. C’était enfin le retour de nos hommes, plus ivres les uns que les autres et victimes des quelques bouteilles de cidre bouché emmenées le matin dans les musettes. Haut fait de résistance car bien peu de piquets furent plantés ce jour là.
J’ai vu partir enfin ces camions allemands, j’ai vu ces tractions peintes de croix de Lorraine et des FFI allongés sur leurs ailes avant les pourchasser, j’ai vu les gens partir pour Rennes voir le passage des troupes victorieuses et vu hélas ne revenir qu’un seul rescapé des camps de la mort, un de ceux arrêté lors de la grande rafle.
Avec tous les enfants de Guilliers j’ai crié vive De Gaulle, j’ai sonné les cloches de l’église et je crois bien que ce jour là la vieille querelle entre l’école du diable et celle du bon dieu fut oubliée.
(Textes écrits par Henri Giovannetti et publiés, avec son autorisation, le 27 novembre 2012, à l'occasion du 70e anniversaire du sabordage de la flotte de Toulon)