La Seyne-sur-Mer (Var)  La Seyne-sur-Mer (Var)
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du site de Marius Autran
Promenades seynoises
Ecrits rimés de
Henri GIOVANNETTI*
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du foru
* Textes écrits par Henri Giovannetti et reproduits, avec son autorisation, sur le site Marius Autran - à qui Henri avait d'ailleurs dédié ses premières poésies

Biographie

Préambule

A Marius Autran

Promenades seynoises (textes N° 1 à 14)

Promenades seynoises (textes N° 15 à 26)

Allez La Seyne... (On n'a pas tous les jours... cent ans)

Les contes de... Henri (sur le site Six-Fournais Solimages)

Autres textes d'Henri Giovannetti : Napoléon, Décembre 1793, Retour de bâton, Souvenirs du sabordage de la flotte, Quartier Barban, Bretagne, Libération




Biographie

Henri Giovannetti est né en 1938 à La Seyne (aux Mouissèques) dans une famille dont les racines sont à la fois toscanes (Buti) et bretonnes par sa mère. Curieux mélange que l'on doit principalement au déplacement de son père vers 1934 à Lorient avec les chantiers de La Seyne.

Pendant la guerre, d'ailleurs, toute sa famille ira se réfugier dans un petit bourg breton, Guilliers, refuge de ses tantes et cousins, son père, lui, étant resté à La Seyne, réquisitionné.

Revenu dans notre ville, il a intégré l'école Martini jusqu'en cinquième, après avoir connu comme instituteurs ou professeurs : Mmes Roumieu, Arnaud, Robin, et MM. Vaquero, Arène, Laure, et Marius Autran.

Après la cinquième, ses parents, pressentant qu'il ne deviendrait ni médecin ni avocat l'orientèrent vers l'école d'apprentissage des F.C.M. où il réussit le concours d'entrée.

Jeune, il a joué de nombreuses années au rugby au sein de l'U.S. Seynoise et, aujourd'hui encore, il reste profondément attaché à ses couleurs. Il est co-auteur, avec Jean-Marc Giraudo, de l'ouvrage Un Dimanche à la Muraillette - Un siècle de rugby à La Seyne.

Il est malheureusement atteint depuis 20 ans d'une maladie sournoise et méchante qu'on appelle la sclérose en plaques qui l'empêche de marcher et l'oblige à se déplacer en fauteuil. Heureusement, son épouse, ses enfants, ses 4 petites filles et ses nombreux amis l'aident dans sa lutte de tous les jours et l'amour qu'il porte à sa ville et à ses souvenirs sont aussi d'agréables moments d'évasion.

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Préambule
 
Dans ces textes un peu fous, j'ai raconté ma ville
Ses rues et ses quartiers, ses sportifs, ses sentiers
J'ai raconté souvent mes rêves imbéciles
Et commis des écrits... simples et familiers.

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A Marius AUTRAN...
 
A...La Seyne, ma ville
U...ne ville de bleu
T...out y semble tranquille.
R...ieuse aux très beaux yeux.
A...moureuse et très fière
N...aturelle et prospère.
 
M...arius a fait chanter
A...rbousiers et aubépines
R...espirer ses sentiers
I....magé ses collines.
U...ne fois terminé ce poème fada,
S...uivez la belle piste qui mène à Fabrégas.
 
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Promenades seynoises (textes N° 1 à 12)

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Texte N°1
 
Ma ville de mer
 
Qu'elle est belle ma ville aux quarante collines
Ces mots de Caminade*, j'aime les répéter
Belle comme un printemps dans sa senteur marine
Qui attend, impatient de revoir son été.
 
Du chemin Paradis à celui de l'Oïde
De la Colle d'Artaud à la tour Balaguier
On semble deviner l'envol des chrysalides
Préparant leur envol vers la forêt du Mai.
 
La colline aux moulins aujourd'hui n'est plus fière
Lassée d'attendre en vain un généreux pardon
Du fort Napoléon pour lui avoir naguère
Fait un siège sanglant et tiré au canon.
 
Allons vers Tamaris pour contempler la mer,
Respirer un instant les odeurs d'Orient,
Pensons à George Sand et aux frères Lumière
Puis à Michel Pacha. Que l'endroit est charmant !
 
Venant du Bois Sacré, les flots de vacanciers
Pressés de retrouver la plage des Sablettes
Pourront voir, c'est nouveau, le parc paysager.
C'est ma ville tout ça, il n'y a pas que Berthe.
 
Au jardin on verra mille joueurs de boules
Car la pétanque ici, est un sport national
La pêche du matin... une sieste... et ça roule
C'est La Seyne sur mer... c'est ma ville natale.
 
HG
 
* Pierre Caminade. Journaliste et poète seynois. Académie du Var.

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Texte N°2
 
Je me présente
 
En mil neuf cent trente-huit et le vingt-trois Mai
Je me suis présenté... Boudiou qué belle perle !
L'endroit... attendez donc... Boul' vard Albert Premier
Qui doit être aujourd'hui... l'Avenue Toussaint Merle.
 
Mon frère est déjà là et... Mémé Philomène
Entre deux chapelets et un Pater Noster
Maîtresse et forte femme d'origine italienne
Veille sur la famille et tous ses êtres chers.
 
Pépé Paul, lui, n'a que trois mètres à faire
Pour rentrer au chantier et calorifuger
Des longueurs de tuyaux, l'amiante est son affaire.
Il ignore le pauvre qu'elle va l'emporter.
 
La maistrance, en ce temps, était allée chercher
Sa main d'œuvre hors des murs et jusqu'en Italie
Piémontais, Espagnols, tout un monde arrivait
Les miens avaient quitté leur Toscane et Buti.
 
Je vais arrêter là cette énumération
Pour vous, sans intérêt... qu'est ce que ça peut vous faire
De savoir qu'une sœur en troisième position
Est ensuite arrivée... enfin, une dernière.
 
Pour clore ce tableau je ne dois d'oublier
De vous parler aussi de Marius et Denise
Car c'est à vous mes chers, que je veux dédier
Ces mots. Dormez en paix, la douleur est permise.
 
HG

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Texte N° 3
 
Chemins faisant...

Mireille et Jean Nohain c'est vrai m'ont devancé
Et chanté des chemins avec un grand bonheur
A La Seyne, vois-tu, je ne peux oublier
Les vieux chemins d'antan aux noms évocateurs.
 
Du côté des Mouissèques est le chemin des Roses
Qui nous conduit tout droit au sommet du côteau
Accélère le pas, il faut voir autre chose
Et, nous montrant la mer, le chemin du Manteau.
 
Au Nord, à Brégaillon chemin du Pays Bleu,
Près des Quatre Moulins se présente Laffran
Plein Soleil, Evescat aux souvenirs charmants
Sans oublier bien sûr, ce joli Gai Versant.
 
Chemin du Vieux Reynier, Bonjour Marius Autran !
Je ne peux m'arrêter, il faut "que je me bouge"
L'ondée s'annonce au loin et n'ai que peu de temps
Pour rentrer d'un bon pas, direction Le Baou Rouge.
 
Chemin de Paradis à l'ombrage parfait
De la Croix de Palun à l'odeur buissonnière
Chemin des Bégonias et chemin du Rouquier
Aussi Chemin de l'Oïde et Chemin du Cannier.
 
Le Chemin de La Ferme m'emmène à Fabrégas
Celui du Bord de mer présente Mar-Vivo
Chemin Léon Mary, salut, je n'oublie pas
Et Chemin des Sablettes qui annonce les flots.
 
Tous ces tracés charmants me reviennent en tête
Mais en s'élargissant ils vont perdre leur âme
Alors, si par bonheur, un jour tu t'y arrêtes
Regarde dans leurs branches, tu y verras des larmes.
 
HG

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TEXTE N° 4
La guerre... [histoire vraie]

Je me souviens encore, je n'avais que cinq ans
De la sinistre guerre, des sirènes, des boches
Et des marins français coincés par l'Allemand.
C'était le sabordage, tout ça était bien moche.

De noires escadrilles n'annonçant rien de bon
Récitaient au hasard malgré les fumigènes
Leurs mornes chapelets sur nos tristes maisons
Le pays tout entier ne ressentait que haine.

Les familles nombreuses étaient alors forcées
De dégager les lieux,« Raoust ! »* via la Drôme
Le Cantal ou la Loire fortement conseillés.
Pour tous les miens enfin, direction : Puy-de-Dôme.

Aux odeurs du fumier on s'est habitué
Des vaches, des pommiers et la grande scierie
Qui employait mon père, il fallait bien manger
Se transformait la nuit, en chantier du maquis.

Tranquille avez-vous dit ? J’entends toujours le bruit
Des bottes sur le sol et des cris sans bémol
Menaçant de tirer sur la fenêtre où luit
Le semblant de lumière de la lampe à pétrole.

L'école du « Bon Dieu » et son instituteur,
Sévère, juste et bon, te sera profitable
Faudra payer les cours à ton frère, à tes sœurs
Maman ne voulait pas de « l'école du diable ».

Enfant, de cette époque, je garde ces images,
Mais quel triste, retour dans ma ville meurtrie
Ses immeubles détruits où l'on voit des visages
Blêmes et amaigris. Guerre, je te maudis.

HG

* J'ignore si c'est de l'allemand, mais ce mot était en tout cas très employé

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TEXTE N° 6

Les deux chênes... et les bambous

Ils se dressaient bien fiers dans notre paysage,
Tutoyant les sommets, du Mai au mont Faron
Robustes centenaires, sages parmi les sages
Ces géants, au quartier, ils ont laissé leur nom.
 
Le grand de La Fontaine n'a pas toujours raison,
La preuve en est donnée ici à Fabrégas
Car, face à des bambous prétentieux et bouffons
Les chênes ont résisté. Je vais vous conter ça.
 
Ils ont vécu des siècles ces robustes gaillards
Pendant que ces morveux, par la fable, grandis
Les narguaient, bien trop sûrs et gardant un espoir
De les voir par grand vent, déracinés, partis.
 
L'histoire est une chose, la vérité... contraire
Et pour des cannes à pêches ils furent tous coupés
Par l'homme de la mer. Par celui de la terre
En piquets de tomates ils furent transformés.
 
Enfin débarrassés, nos deux monstres feuillus
Vécurent l'amitié et l'amour sans partage
Abritant dans leurs branches, les printemps revenus
Tout plein de chants d'oiseaux et de jolis ramages.
 
Le mistral, même lui ne pouvait rien contre eux
Mais un danger guettait, cancer arboricole
Le chancre coloré les a rongés tous deux.
Adieu chênes aimés, vous teniez un grand rôle.
 
HG

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TEXTE N° 7
Le laboureur et ses enfants (Version seynoise et rigolote)
 
Un riche laboureur, bien dans sa soixantaine
Appela ses enfants, leur parla sans témoins.
"Je pars pour l'hôpital communal de La Seyne
Y suivre un traitement, et divers examens."
 
Prenez soin leur dit t'il, de bien entretenir
Le blé qui va lever, les vignes, le verger
Veiller sur les semis, biner... et puis finir
De nettoyer l'étable puis, sortir le fumier.
 
"Pour nourrir les cochons, allez chercher des glands
Dans les bois de Janas cela ne manque pas,
Les asperges sauvages ont poussé par ce temps
Et pour vous, ça fera un excellent repas."
 
Le domaine est immense, très bien ensoleillé
Il doit valoir bien sûr quelques lingots qui brillent
Alors, nos rejetons, par le fric, alléchés
Songèrent à liquider le bien de la famille.
 
Ils tirèrent des plans, ils tracèrent des voies
Oubliant les promesses, instructions paternelles
Dirent adieu au maïs, aux fèves, aux petits pois
Pour revêtir costards et chemises en flanelle.
 
"Pourquoi donc s'emmerder c'est bien mieux à présent
De simples paysans, nous voilà promoteurs"
Et ont, pour le pognon, abandonné les champs
Mais la fin de l'histoire... est remplie de malheur.
 
Fin triste et remplie de malheur.
 
Notre ancêtre, un beau jour finit ses perfusions
Et... tout ragaillardi s'en revint au logis
Mais, devant ce spectacle et l'atroce vision
Il tomba raide mort. C'était une embolie !
 
HG

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TEXTE N° 8

La peste

La Provence connut en 1720 une terrible épidémie de peste ainsi qu'en 1835 et 1845.

Cette épidémie fit des ravages dans notre commune et l'on a dit qu'elle était arrivée avec un lot de cotonnades se trouvant à bord d'un navire faisant escale à Marseille et en provenance d'une ville d'Orient.

Ce navire fut consigné à quai, mais des trafiquants avides de gain s'employèrent à dévaliser le navire avant qu'il ne soit coulé au large. Parmi eux, un voleur de la région qui emmena quelques ballots infestés jusqu'à Toulon.

A la peste et au choléra s'ajoutèrent également d'autres fléaux par les invasions barbares.

L'hygiène, aux temps lointains lui était inconnue
Et notre bonne ville, comme celles autour
Dut subir maintes fois, les chaleurs revenues
Bien des épidémies et maux des vilains jours.
 
Le choléra, la peste faisaient mille ravages,
Par centaines les morts étaient alors comptés
Simples linceuls de chaux pour l'ultime voyage
Et la cloche lugubre pour les accompagner.
 
Cette fois paraît t-il le mal vient de Marseille
Emmené dans les flancs d'un navire marchand
On dit, mais est-il vrai, qu'un trafiquant la veille
En venant par les gorges, l'a ramené céans.
 
Les ruisseaux, les égouts, les rejets de la ville
Sont visibles partout, fleuves nauséabonds,
Au détour des chemins, ces odeurs imbéciles
Viennent ajouter du noir sur nos tristes maisons.
 
La chapelle des morts sonne le glas funeste
Des tombereaux chargés des âmes à emporter
Courageux nos aïeux qui, dans un dernier geste
Prient en s'agenouillant et oublient de pleurer.
 
Ces moments, nos anciens hélas les ont vécus
Pillages, incendies, guerres de toutes sortes
Saccages, incursions de visages barbus
Sans que jamais la nuit ne tombe sur leurs portes.
 
HG

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TEXTE N° 9

Le jugement de JEAN

Ce Jean de la Fontaine a tout exagéré,
L'histoire du héron jusqu'à celle du rat
Aussi, les pauvres bêtes ont dû se "cégéter"
Et, devant la justice traîner le scélérat.
 
Le renard en premier est venu témoigner
Devant les perruqués du prétoire animal
Et sur sa belle queue il a craché, juré
Que jamais de fromage aux repas il n'avale.
 
Il parla calmement, il discuta régime
Entortilla de belle tous ces hauts magistrats
"Méfiez vous messires, des lettres anonymes
De ce noir volatile, charognard des hauts bois"
 
Dame cigale aussi souhaita réparation
"Car je chante messieurs, pour plaire à l'estivant"
Son contrat il est vrai ne dure que saison
Et n'a pas pour l'instant, statut d'intermittent.
 
A leur tour, arrivèrent en criant leur colère
Le rat des champs, le coq et le timide agneau,
Le cochon, le dindon, le paon plein de manières
L'âne et les lapereaux, les pigeons et les veaux.
 
Même un loup édenté, par meute délégué
Voulut parler justice et indemnisations
Puis, un lièvre insista pour aussi témoigner.
"La hâbleuse tortue a triché sans façon,
Plusieurs témoins sérieux, dignes et de bonne foi
Ont vu cette tricheuse prendre des raccourcis
Messieurs, depuis ce jour, on se moque de moi,
Et ça n'en finit pas des rires et moqueries".
 
Les poissons quant à eux, boycottèrent l'audience
Seule, la vieille carpe tint à tout exprimer
Dire en ouvrant sa bouche toutes ses doléances
Mais nul n'a rien compris. C'est dur d'être muet.
 
"L'affaire est très sérieuse, dit le singe prud'homme,
Elu par tous ces pairs pour tenir la séance.
"Je veux expressément que l'on châtie cet homme!
Car celle des humains ne nous porte pas chance".
 
Ces mots eurent effet de contenter la foule
Des cris et des bravos, mille exclamations
Montèrent de la salle, surtout du coin des poules.
"Silence au poulailler ou je clos la session !".
 
Un lion fit son entrée pour porter témoignage,
Superbe, pomponné, tout lustré de crinière.
En des termes choisis il s'adressa aux sages
En plaidant l'amnistie sans aucune manière.
 
Les jurés, apeurés, laissèrent à l'inculpé
La liberté totale de tous ses mouvements,
Le lion était heureux, l'homme était libéré
Quand, l'appétit venant...il bouffa maître Jean.
 
Moralité.
 
A charge ou à décharge,
Méfiez vous toujours... des témoignages.
 
HG

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TEXTE N° 10

à mon MAITRE

Mon maître m'a quitté.
Il m'avait tout appris,
Le calcul, le français
Et l'amour de la vie.

Pendant près de cent ans
Il a dépeint sa ville
Narré ses habitants
Avec des mots habiles.

Vous étiez le gardien
Le guide inégalé,
Chercheur jusqu'à plus faim
De nos heures passées.

Adieu Marius Autran !
Adieu les belles pages !
Adieu le bon vieux temps
Et ses belles images.
 
HG
 

A Marius AUTRAN... (suite)

Curieux depuis toujours, l'idée me vint soudain
De lorgner le rétro afin d'y rechercher
Mes anciennes écoles. Allons donc à Pissin.
C'est Jean Jaurès Monsieur, pour sûr, vous retardez.

Guilliers, c'est en Bretagne, pas question de partance.
Bigophone aussitôt. Allô c'est la mairie ?
Pourrais-je visiter lors des grandes vacances
L'école Saint François où petit j'ai appris ?

C 'est que... très cher ami, votre école en question
Existe bien encore mais, elle est aujourd'hui
Revenue aux laïques et sert de formation
A des barbus âgés, les cadres du Parti.

Pas de chance à ce jour, vas-y, Lycos, recherche.
Collège Martini, où est-il aujourd'hui ?
Monsieur, ça serait pas du côté de la crèche.
Mais non, c'est le parking et il est pas gratuit.

L'homme se moque bien du passé, des vieux murs
Bien d'accord pour casser les signes, les blasons,
Pourvu que sa bagnole soit garée en lieu sûr
En plus, pour pas un rond, il n'en est pas question.

Boudon, Camoin, Troubat et Madame Roumieux,
Reposez bien en paix, ne vous réveillez pas
Ils ont tout démoli, ce n'est plus votre lieu
Et merci cher Autran d'avoir noté tout ça.

Démolir une école, ça devrait être inscrit
Dans le code pénal à la page des crimes.
Pailleron, je veux bien, mérite que mépris,
Mais notre Martini avait droit à l'estime.

J'ai presque terminé, mais non, je prends la peine
D'aller un peu plus loin , du côté des chantiers
Bonjour Monsieur Christol, j'ai souvenir quand même
Des premiers exercices, des premières dictées.

Ici aussi le vide. Le centre, disparu
Andréozzi, Turrière, c'est bien moi aujourd'hui
Qui doit faire l'appel, gaffe à la retenue.
Le grand silence encore. Ils sont déjà partis.

HG


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TEXTE N° 11

Je voudrais

Je voudrais un pays où l'amour serait roi
Qui n'ai pas de monnaie, encore moins de frontières
Je voudrais un pays sans prisons, sans soldats,
Sans drapeau, sans canons, sans trompette guerrière.
 
Je voudrais un pays sans hymne, sans galons
Et, pour encourager, le son du galoubet
Des fantassins armés de rimes et de chansons,
Un général farceur, un comique troupier.
 
Je voudrais un pays qui repousse les haines,
La morsure du froid, la peur et la misère.
Je voudrais un pays sans ses noires sirènes
Et des pétales bleus en guise de parterre.
 
Je voudrais un pays avec plein d'enfants sages,
Un coin de paradis, un arc en ciel de fleurs,
Un endroit bien caché à l'abri des nuages
Et, sur une pancarte... "Réservé au bonheur".
 
Je voudrais un pays qui ignore la nuit,
Qui aurait pour devise... "Amour et Amitié"
Qui aurait pour toujours vaincu la maladie...
Je voudrais. Je voudrais. Je voudrais. Je voudrais.
 
HG
 

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TEXTE N° 12
Le temps disparu...

 Ce matin de printemps, je dois aller très vite

Avec mon gros couffin pour me rendre au marché,
Car mon vieux cours Louis Blanc me fait signe et m'invite
A humer des senteurs que j'avais oubliées.
 
"Ah mes belles tomates, asperges, céleris !
Bécaud, ne t'en fais pas, je ne te copie pas
Mon marché de Provence c'est bien celui d'ici
Et La Seyne sur mer, c'est mon pays à moi !"
 
Ninon, des paquets d'herbes s'est absentée sans bruit
Ignorant que Gory s'est refait en couleurs
Que plus haut, Castillo et ses charcuteries
A parfumé le coin de fort bonnes odeurs.
 
Enfin, visage ami s'offrant comme un cadeau
Il est là, devant moi et ses pommes de terre
Je l'ai bien reconnu mon ami Navarro.
Moi, j'étais un avant lui, il était arrière.
 
Mais mon couffin est vide et rit de tout ses trous
Quelques poivrons d'abord comme premier achat
Un peu de basilic pour la soupe au pistou
Et puis, des haricots, un melon et... basta.
 
C'est la poissonnerie qui m'offre ses éclats
"Ah! mes belles rascasses et mes jolies favouilles
C'est pêché du matin, tè, reluque moi ça,
Tu vas te régaler, oh... n'oublie pas la rouille !"
 
Mais où est donc la cade et sa Madame Roy
Où sont le Petit Louvre, Lambert et Cambrésier
Et, que sont devenus le grand marchand d'anchois
Gaudin le quincailler, Verdagne le boucher ?
 
Une odeur de pain chaud me rappelle Erutti
Oh p... ! c'est dimanche, ma boîte de gâteaux
Est commandée en face dans la pâtisserie
J'y pénètre, oh gourmand ! mais ce n'est plus Tisot.
 
Mon rêve s'évanouit, mes rues ont disparu
Et je prends cinq minutes pour me faire un tiercé
Me descendre un Ricard au bar du PMU
En pensant, tristement... à ce temps disparu.

HG

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TEXTE N° 13
 La naissance et la mort...
 J'ai vu partir vers l'eau des coques d'espérance
Écouté les flonflons de fanfares riantes
J'ai vu vers l'élément, glisser des formes immenses
Entendu les bravos et les sirènes hurlantes.
 
J'ai vu des paquebots habillés de drapeaux
Rejoindre l'onde bleue d'une mer souveraine
Et, sans doute pressés de quitter leur berceau
Filer dans un fracas du grondement des chaînes.
 
Des croiseurs, des cargos, des bananiers rougis
Descendre de leur cale, abandonnant leurs tins
Et dans l'odeur de suif, de graisse et de cambouis
Pour découvrir un monde, un univers marin.
 
Pourquoi faut-il qu'en face, sur un quai de misère
Des ouvriers tout gris, armés de chalumeaux
Démolisseurs experts, disciples à Lucifer
Attendent impatiemment la mort des vieux vaisseaux.
 
Je fus un jour témoin de l'agonie sublime
D'un fier et vieux cargo, l'Éridan de son nom
Lui, préférait mourir au profond des abîmes
Voir une fois encore le large et l'horizon.
 
Alors, le vent de l'est a soufflé sa colère
Pour contrarier l'effort des puissants remorqueurs
Et le vieil Éridan en réaction dernière
Par ses noirs écubiers, a versé quelques pleurs.
 
(Face au chantier naval ou naissaient tant de navires, il existait en face, d'importants chantiers de démolition.
L'agonie de l'Eridan est réelle et les remorqueurs de la DP ont eu grand mal pour l'amener à sa dernière demeure).


TEXTE N° 14
Bugadières*...


Depuis la veille au soir la charrette est chargée

D’énormes et lourds ballots de linge à laver

Ramassés sur le tard dans des foyers prospères.
Départ au petit jour, direction Les Moulières.

L’ânier n’est pas tout seul pour s’en aller matin
Des filles l’accompagnent pour faire le chemin
Elles chantent gaiement pour se donner courage
Car là haut au bassin, c’est le jour du lavage.

Que la côte est abrupte au départ de l’église,
Pour un peu l’oublier on dit mille bêtises
Des histoires de lit, des histoires coquines
C’est le moment rêvé d’habiller** sa voisine.

Après être arrivé presque aux Quatre Chemins,
La caravane stoppe et se repose enfin.
Elles ont tant à faire nos belles bugadières
Mot traduit en seynois qui se dit lavandières.

Au vallon des Moulières une fois arrivées
C’est un concert d’oiseaux, le bruit d’un ruisselet
Un bruissement de vent, un frisson d’aubépines
Qui sont venus chanter nos belles citadines.

Et puis, agenouillées comme dans la prière
La brosse et le battoir en guise de bréviaire
Caquetant, commentant ces ragots imbéciles
Qu’elles répèteront le soir, au retour dans la ville.



  * C’est au vallon des Moulières sur la route du Mai, que nos bugadières (lavandières) venaient depuis La Seyne laver leur linge et aussi celui des autres. En suivant le  chemin de La Ferme en direction de la forêt, on peut retrouver par un petit chemin vicinal, les vestiges du bassin. On peut aussi apercevoir sur la façade d’un immeuble au bas de la rue Jacques Laurent, une plaque portant l’indication, Les Moulières 4 km500.
 
 ** Habiller quelqu’un, dans le langage local c’est principalement lui tailler un costume à sa mesure.





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Promenades seynoises (autres poèmes N° 15 à 12)

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TEXTE N° 15

à J.C M...... (farce rugbystique) [histoire presque vraie]

Nous arriva un jour d'un tournoi d'atelier
Un jeune homme ma foi, d'assez belle prestance.
Il lui fallait d’abord, s'imposer en mêlée
Face à Henri hélas, bien mince était sa chance.

Ce dernier au passé auréolé de gloire
Comptait sur son métier, et sa longue expérience
Pour plier le coquet sans l'ombre d'une histoire.
La suite, vous l'allez voir n'est pas celle qu'on pense.

Aux premières mêlées à peine relevées
Le jeune homme essayait de résister, normal
Et face à ce champion du labeur, harassé
Il entreprit causette ce qui n'est pas banal.

« Laisse-moi, lui dit-il, dans le creux de l'oreille,
Les dirigeants seynois me testent et veulent voir
Les espoirs mis en moi et je pense à l'oseille
Qu’il doivent expressément me remettre ce soir. »

Le champion de joueur savait qu'un jour ou l’autre
Un prétendant plus jeune devrait le relever
« Celui-ci me paraît pas plus con que les nôtres
Aussi je ferais tout pour ne point l'inquiéter ».

Kéké, le jeune héros vous l'avez deviné
A brillé ce jour-là, sûr, il avait promis
De donner à l’aîné une part de billets
Ce qu'il n'a jamais fait, c'est pas joli joli.

La route de Kéké ensuite fut fleurie
De titres de champions, de banquets et d'honneurs.
Mais qu'il n'oublie jamais qu'un jour, le bon Henri.
Lui a permis ainsi de goûter au bonheur.

HG


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TEXTE N° 16

Celle du cinquième... [dialogue : une histoire de bazarettes*]


Je voudrais aujourd'hui me confier à vous,
Vous dire dans l'oreille un secret. Mais j'entends
Venir quelqu'un par là, un instant, cachons-nous.
- Gare aux mauvaises langues, les gens sont si méchants.

« Il paraît voyez-vous, que celle du cinquième
- Bonjour ancien voisin cela me fait plaisir
De vous revoir ici, vos remplaçants car même*
On les pleurera pas si on les voit partir ».

Le monsieur est parti, et le secret aussi.
C’est sur lui à présent que l'accorte mégère
Déverse ses couplets « Voyez-vous, chère amie,
Ils se sont débinés, les huissiers au derrière ».

Pour celle du cinquième, il vous faudra attendre
- Monsieur, y a l’ascenseur, ne vous en privez pas
« Celui-là je crois bien, on l'a chopé à vendre
Des choses pas très belles, on le dit çà et là ».

Le dénouement approche, va-t-on enfin connaître
De l’étage du haut le fin mot de l’énigme ?
Pas encore. « Attendez, reluquez la fenêtre
Avec cette pétasse ? C'est pour quand le régime ? ».

On discute, on discute il est presque midi
« Bonjour mademoiselle, vous n’êtes plus la même
Votre coiffure est belle et votre robe aussi
Vous avez de la chance d'habiter au cinquième ».

HG

* Bazarette, car même : parler d'ici

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TEXTE N° 17

Deux mondes...*


C'est calme sur le port en ce soir ordinaire
La calèche est passée en laissant derrière elle
Des tas encore fumants de crottes ordurières.
Plus loin des matelots s'esclaffent et s'interpellent.

Le vapeur de La Seyne ronronne sans douceur
Emmenant vers Toulon pour la bordée nocturne
Marins et militaires en quête d’âme sœur
Ils reviendront matin, le cœur plein d’amertume.

Au retour, d'autres gens formeront l’équipage,
Des dames chapeautées et des messieurs poudrés,
Impatients d’étaler leur restant d’héritage
Sur les grands tapis verts des casinos côtiers.

Tamaris, Le Manteau, roulette, impair et passe
Gens de la société, comme on disait avant
Vous n’avez point perçu dans les maisons d’en face
Les rêves de révolte du peuple de manants.

Au chantier du matin, y aura-t-il de l’embauche ?
Le cuirassé Paris est presque terminé,
Le patron est heureux, il en a plein les poches
Et le pauvre ouvrier a les yeux pour pleurer.

HG

* Celle de mes poésies que j'aime le moins

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TEXTE N° 18

En allant à l'école...


Curieux depuis toujours, l'idée me vint soudain
De lorgner le rétro afin d'y rechercher
Mes anciennes écoles. Allons donc à Pissin.
C'est Jean Jaurès Monsieur, pour sûr, vous retardez.

Guilliers, c'est en Bretagne, pas question de partance.
Bigophone aussitôt. Allô c'est la mairie ?
Pourrais-je visiter lors des grandes vacances
L'école Saint François où petit j'ai appris ?

C 'est que... très cher ami, votre école en question
Existe bien encore mais, elle est aujourd'hui
Revenue aux laïques et sert de formation
A des barbus âgés, les cadres du Parti.

Pas de chance à ce jour, vas-y, Lycos*, recherche.
Collège Martini, où est-il aujourd'hui ?
Monsieur, ça serait pas du côté de la crèche.
Mais non, c'est le parking et il est pas gratuit.

L'homme se moque bien du passé, des vieux murs
Bien d'accord pour casser les signes, les blasons,
Pourvu que sa bagnole soit garée en lieu sûr
En plus, pour pas un rond, il n'en est pas question.

Boudon, Camoin, Troubat et Madame Roumieux,
Reposez bien en paix, ne vous réveillez pas
Ils ont tout démoli, ce n'est plus votre lieu
Et merci cher Autran d'avoir noté tout ça.

Démolir une école, ça devrait être inscrit
Dans le code pénal à la page des crimes.
Pailleron, je veux bien, mérite que mépris,
Mais notre Martini avait droit à l'estime.

J'ai presque terminé, mais non, je prends la peine
D'aller un peu plus loin , du côté des chantiers
Bonjour Monsieur Christol, j'ai souvenir quand même
Des premiers exercices, des premières dictées.

Ici aussi le vide. Le centre, disparu
Andréozzi, Turrière, c'est bien moi aujourd'hui
Qui doit faire l'appel, gaffe à la retenue.
Le grand silence encore. Ils sont déjà partis.

HG

* Lycos = moteur de recherches sur internet


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TEXTE N° 19

Il est revenu... [allez l'OM]

Du Panier à Endoume, en passant par les quais
Il paraît que ce soir, l'annonce est officielle
Au vieux port, les pointus se mettent à danser
Des autos, les klaxons annoncent la nouvelle.

Le message est reçu jusqu'à la Canebière
De Saint-Charles, c'est sûr, il partira au loin
Certains montent prier, merci la Bonne Mère
Pour cet événement, ça se mérite bien.

Au stade vélodrome c'est jour d'entraînement
Quelques Ultras* sont là demain, c'est Saint-Germain**
Là-bas sont les Yankees*, quel silence pesant
Chacun retient son souffle, motus c'est pas certain.

A la Timone proche, en pleine intervention
Le chirurgien, penché sur une appendicite
Est tenu au courant de cette information.
- Tant pis, j'ai plus le temps, refermez le très vite.

Au tunnel Carénage l'annonce est affichée
Gratuité tout le jour bonnes gens, c'est la fête
Bonne route et merci les frères marseillais.
C’est du bonheur aussi qui atteint les Baumettes.

A Vivaux même fièvre, le speaker est pressé
D'annoncer la nouvelle, il ne résiste plus
Il règle son micro. Allô Allô, c'est vrai
Notre Ohème est sauvé, Tapie est revenu.

HG

* Groupes de supporters
** P.S.G.

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TEXTE N° 20

J'ai fait un rêve...


Mais qu’avez-vous donc fait de notre grand chantier ?
Dans son habit rouillé, seul le pont aujourd’hui
Semble observer de haut ce sinistre charnier.
Avant de m'endormir, écoutez ce qui suit.

L'entrée ouest qui encore nous présente sa tour
Voyait passer sous elle à des heures précises
Les gens de l'écriture et bureaux d'alentours
Les cadres, ingénieurs et autres blouses grises.

Après le barrotage et la chaudronnerie
C'est la serrurerie, l’atelier du zingage
Fourmilière d'un monde tout habillé de gris.
Je revois tous ces gars, ce n’est pas un mirage.

Ces plates formes aussi, garnies de blocs immenses
Assemblés et soudés pour devenir plus· loin
D’importants éléments de charpente et, j'avance
En passant sous les grues pour descendre au bassin.

Les menuisiers prudents, ont mis leurs établis
En dehors des murs gris et c'est bien pour cela
Que le démolisseur lorsqu’il a entrepris
Son sinistre travail, n’a rien vu de tout ça.

Revenons un instant au pays des titans
Les cales, la grand nef, le bureau du dixième
Et puis redescendons sur le quai d’armement
Voir les navires prêts pour des courses extrêmes.

Je continue mon rêve, j'aperçois, c'est pratique,
Par-dessus les ferrailles prêtes à grenailler
Berceau de ma famille, l'atelier mécanique
Qui résiste toujours bien qu’à moitié pillé.

Attention aux autos pour traverser la route
Nous voici à présent, par chance, j’entends du bruit
Là, c'étaient les chaudières, et j'aperçois nul doute
De longs escalators déroulant leurs tapis.

Dans un désert funèbre je retourne à présent
Le sifflet me surprend je crois, allons, allons,
Direction la sortie, c'est l’heure maintenant,
De filer vers la porte déposer le marron*.

HG

* Marron = jeton de présence


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TEXTE N° 21

Les hommes sans peur

Décembre, mille neuf cent quatre-vingt-treize
Désireux de revoir la fleur de lys en France
De riches toulonnais guettaient de leurs falaises
L'arrivée de l'Anglais et sa flotte d'alliance.

Toulon a récusé la jeune République
Ouvert ses portes grand à la flotte ennemie
Des sardes, espagnols et toute cette clique
Qui veut réinstaller le royaume à Paris.

Des Alpes, de Savoie vont alors arriver
Des troupes en haillons avec de vieux canons
Jacobins, Carmagnoles, armée de Marseillais*
Sur les hauts de La Seyne ils prennent position.

L'envahisseur anglais a quitté ses vaisseaux
Et installé ses feux sur la colline Caire**
Face à lui, Bonaparte, le général Carteaux,
L'armée républicaine, le jeune Robespierre.

Braves et valeureux, depuis leurs batteries
Nos courageux soldats se couvriront d'honneur
Dans un assaut sanglant dans le froid, sous la pluie
Lancé la nuit venue par ces hommes sans peur.

Le feu s'est apaisé, l'ennemi rejeté
Toulon débaptisé verra la guillotine,
Vision d'horreur extrême, jour et nuit fonctionner,
Triste fin aux promis à l'atroce machine.

Caire c'est aujourd'hui le Fort Napoléon
Lieu de guerre jadis, on y voit plus d'armée
On y danse à présent, on entend des chansons
Et l'anglais bienvenu... s'il vient chanter la paix.

HG

* Régiment de marseillais. C'est cette unité qui quelques mois auparavant avait chanté à son entrée dans Paris et pour la première fois le Chant de guerre pour l'armée du Rhin de Rouget de Lisle. Ce chant est devenu depuis notre hymne national, La Marseillaise.

** Les Caire étaient une grande et richissime famille seynoise qui possédaient un très vaste domaine allant de La Rouve jusqu'aux collines vers Tamaris. Ils collaborèrent durant ces tragiques évènements avec les royalistes ce qui les obligea à quitter le pays pour l'Angleterre avec l' escadre des vaincus.


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TEXTE N° 22

Ô Bonne Mère [histoire vraie]


Le journal ce matin m'apprend sur la première
Qu'à Marseille bientôt, s'ouvriront les travaux
Afin de redonner à notre Bonne Mère
Un aspect plus correct, un bon coup de pinceau.

Respectueux je suis de notre religion
Aussi ne prenez pas ceci comme une offense
Avant de commencer, voyez ma suggestion
Allongé sur mon lit c'est à ça que je pense.

Mon lit de La Timone, je précise aussitôt.
Ô ! Bonne Mère en or, ne pourrais-tu un peu
Pivoter sur ta base, ne plus tourner le dos
A tous ceux qui en bas sont bien mal dans leur peau.

Tu regardes il est vrai un très bel horizon
La mer et ses voiliers, le château d'If, les quais
Positionnée ainsi, ta nouvelle fonction
Serait de mieux encore garder les Marseillais.

Je déraisonne à bloc. Complètement fada
J'ai dû le devenir. Ne m'en veux pas Marie.
Et rétabli enfin, quand le mal cessera
Je te ferais visite. A bientôt c'est promis.

HG

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TEXTE N° 23

Parties de pétanque [et mauvaises habitudes]


Si tu passes en été, dans mon coin de Provence
Tu pourras observer, à l’ombre des platanes
Quelque rassemblement. Approche donc, avance
En gardant ton silence, viens voir les boulomanes.

A l'ombre des platanes, ou même des grands pins
Peu importe le lieu, ces moments de détente
On les vénère ici. Langage de nos mains
Ces opéras des rues méritent qu'on les chante.

La bâche retournée bien calée sur la tête
L'un des joueurs hésite, le tir où l'amorti
- Si tu la frappes au fer, je mange ma casquette
Fais la rouler plutôt « tu seras pas Fanny ».

Faire Fanny ici, c'est perdre son honneur
L’exécution publique du règlement local
Qui veut que tu embrasses le très beau postérieur
De la belle en question, pour la scène finale.

La boule a donc roulé, elle est près du bouchon
- Trop près du cochonnet, en tirant il annule
Tu aurais dû plutôt la « mettre un peu plus long »
Jamais tu ne m’écoutes, tu es une vraie mule.

On n'a jamais connu le vainqueur de la joute
Car hélas, il est l’heure, il faut déjà rentrer
Retrouver le camping, et refaire la route
Ne pas rater surtout le film à la télé*.

HG

* Savez-vous que la moitié des campeurs possèdent la télé dans leur caravane ?
Et les soirées, même en vacances, se passent devant — le film —

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TEXTE N° 24

Tout compte fait... [actualité]


A te dire l'ami, je n'y comprends plus rien.
Qu'est-ce qu'elle est compliquée notre vieille monnaie
Du profond de mes fouilles, écoute le refrain
Des piécettes qui tintent. Tu vas être fixé.

L’écu, j'ai pas connu, c'était au temps des rois.
Mais tout gosse à maman, en m'y jetant au cou
Pour le denier du culte, « s'il te plaît donne-moi »
C'était là ma façon d'obtenir mes cinq sous.

Quelques années après, je vis mes premiers francs.
Pas les vrais je te dis, ceux sans la République.
Pétain l'avait voulu pour plaire à l'Allemand
Et marquer son État* proche du germanique.

Le franc, le vrai, le beau, a pris la liberté
De revenir plus tard pour retrouver nos poches
Allégé il est vrai par Antoine Pinay.
Jusque-là, tu me suis, c'est vachement fastoche.

De l'ancien au nouveau, ce fut long pour s'y faire
Du franc je parle encore, lorsque arrivée d'en haut
De Bruxelles je crois, l’ordonnance dernière
A dit de remplacer tous les francs par l’Euro.

Pour bibi, c'en est trop, je n'y comprends plus rien
Il faudra tout revoir de mon calcul mental
Un pastis au bistrot ça va faire combien ?
Dis, au fait, t'aurais pas la monnaie de cent balles ?

HG

* L'État français


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TEXTE N° 25

Vengeance... [méchant poème]


Ah que j'aurai aimé vous raconter c'est sûr
Mes prouesses scolaires et mes succès de fac
Mais très honnêtement, j'ai atteint l'âge mûr
En ignorant toujours les promesses du bac.

Tout petit à l'école je vous l'ai raconté
Avec le cours privé j'avais pris une avance
Et la guerre finie, Martini présenté
Merci Monsieur Roussin, vous m'avez porté chance.

En primaire, d'abord ce fut dame Roumieux
Les lignes d'écriture pleines et déliées
Et la sergent major qui crachait l'encre bleue
Sur des cahiers du jour gentiment coloriés.

C'est Monsieur Bottero qui me fit classe ensuite
A l'étage du haut, j'en suis presque certain
Puis le sieur Vacchero aux colères subites
Aussi fort sur ses thèmes et ses revers de mains.

Arène c'est après, pour l'entrée en sixième
Adieu tabliers noirs, adieu frises jolies
Demain viendra le tour des tristes théorèmes
Et des leçons d'anglais par un prof abruti*

Un demi-siècle après, c’est bon, je me défoule
Je dis merci à tous de m'avoir bien appris
Sauf à l'énergumène que je livre à la foule
En mettant bas les pouces. Pas de pitié ici.**

HG

* Ce prof pas gentil
** Quelle chute employer ?


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TEXTE N° 26

Vite deux courses...



Viens donc m'accompagner, je dois partir très vite
Dans les rues de la ville pour me rendre au marché.
Le cours Louis Blanc en vrai, est là qui nous invite
A humer des senteurs que j'avais oubliées.

Ah mes belles tomates, radis et céleris.
Bécaud, ne t'en fait pas, je ne te copie pas
Mon marché de Provence, c’est bien celui d'ici
Et La Seyne sur mer, c'est mon pays à moi.

Ninon s'est absentée, adieu mon paquet d'herbes
Marchons, un peu plus haut, on doit trouver Ficelle
Et ses tas de bois gras bien présentés en gerbes.
Personne à cet endroit, il nous a fait la belle.

Mon couffin pour l'instant n’admire que ses trous
Quelques poivrons d'abord, comme premier achat
Des brins de basilic pour la soupe au pistou
Et puis des haricots, un melon et basta.

Notre poissonnerie m'attend là, à deux pas.
« Ah mes belles rascasses, et mes jolies favouilles
C’est pêché du matin, tè, regarde-moi ça
Tu vas te régaler, oh, n’oublie pas la rouille. »

Assez pour aujourd’hui, de parcourir les rues
Je n'ai que peu de temps pour me faire* un tiercé
De descendre un pastis au bar du PMU
Enfin rentrer chez moi, les courses terminées.

HG

* Parler d'ici





Allez La Seyne... (On n'a pas tous les jours... cent ans)

A l'occasion du Centenaire de l'Union Sportive Seynoise 1902-2002, Henri Giovannetti avait écrit une brochure contenant 42 poèmes (dont quelques-uns figurent ci-dessus).
Cette brochure avait été édotée grâce au soutien de la Ville de La Seyne, de l'Union Sportive Seynoise et du Conseil Général du Var, et avait été préfacée par Jean-Louis Novelli et Alain Rinaldi, présidents de l'U.S.Seynoise. Nous en reproduisons ci-dessous la couverture et la première page.


Dans  ces textes un peu fous j'ai raconté ma ville
Ses rues et ses quartiers, ses sportifs, ses sentiers
J'ai parcouru souvent des rêves imbéciles
Et commis des écrits simples et... familiers

HG




Les contes  de... Henri : Récits proposés par Henri Giovannetti

Rappelons également  que 37 des poésies d'Henri Giovannetti (certaines figurant déjà ci-dessus, d'autres originales) sont reproduites et richement illustrées sur le site six-fournais ©Solimages :


http://solimages.arkasdogs.org/Six-Fours-La-Seyne/Henri-Giovanetti/les-contes.htm




Autres textes d'Henri Giovannetti


Napoléon

L'histoire qui suit n'est nullement un conte, une chronique biscornue sortant droit de mon imagination mais un fait historique qui a eu pour cadre notre commune et sa proche région.

Je ne suis pas corse et n'ai aucune sympathie particulière pour les chefs de guerre, les tyrans et tous les uniformes de quelle couleur qu' ils soient mais je voudrais par ces quelques lignes rappeler un évènement qui a contribué grandement et de manière définitive à la sauvegarde de notre République.


Décembre 1793

L' escadre Anglo-espagnole commandée par les amiraux Hood et Langara a débarqué sur les hauteurs environnant Toulon plus de 13000 hommes.

Côté républicain, le général Carteaux (ensuite relevé de ses fonctions car jugé incompétent) sera remplacé sur ordre de Robespierre le Jeune et Salicetti remplacé par un « Capitaine corse et instruit» répondant au nom de Napoléon Bonaparte. Vont alors être érigées sur les collines faisant face à la redoute Caire et sur les divers points hauts de la ville divers postes avancés, les batteries des Chasse Coquins, des Quatre Moulins , la Batterie de la Convention, etc...

L'une d'entre elles, la Batterie des Hommes-sans-Peur est placée directement sous le commandement du jeune capitaine et c'est de celle-ci que les Seynois se rappelleront le plus et qu'une image de la célèbre manufacture d'Epinal viendra même immortaliser. Une plaque posée sur le lieu de cette batterie au chemin de l'Evescat en 1922 par le Souvenir Napoléonien a été enlevée et seul un fragment de celle-ci est visible encore au musée du Fort Balaguier.

Curieusement, si à La Seyne on semble ne plus se souvenir de cette page d'histoire - un boulevard portait le nom des Hommes sans Peur ainsi qu'une école - à Toulon, par contre, une stèle élevée deux cent ans plus tard rend hommage aux victimes de... la barbarie Républicaine.

Ce monument situé dans le jardin du Champ de Mars sur le boulevard Georges Clémenceau porte l' inscription suivante :

« En décembre 1793, en cet endroit, des Toulonnais furent exécutés, d'autres périrent noyés ou dans les flammes. Ce monument a été élevé en leur mémoire. »

Il est vrai que la répression menée par Barras et Fréron envers la population toulonnaise fut rude et combien sanglante mais les vrais responsables eux réussissaient à fuir à bord des navires ennemis.

Des historiens avancent aussi l'idée que le célèbre amiral Nelson embarqué à bord du non moins célèbre navire amiral Victory participait au dit siège d' après une source rapportée le 01/10 /97 dans le journal VSD. C'est peut-être une chose à vérifier à Portsmouth où le Victory est pieusement conservé.

Maintenant une autre révélation qu' il ne faudra surtout pas répéter à nos voisins six-fournais qui entretiennent on le sait d'excellentes relations avec les gens de sa Gracieuse Majesté mais c'est bien un marin originaire du lieu qui a tué lors de la bataille de Trafalgar l’Amiral Nelson. Il s'agit de Robert Guillemard dont le nom a été donné à une artère toulonnaise.


Retour de bâton

Le Moniteur Universel du 5 nivôse de l'An II publiera par affichage les décisions de Convention Nationale, décisions qui seront rapportées dans toutes les communes par les crieurs publics. Oyez citoyens...

« La convention, après avoir entendu le rapport du Comité de salut Public décrète :

Article premier. L'armée de la République dirigée contre Toulon a bien mérité de· la Patrie.

Article II. Il sera célébré dans la République une fête nationale le premier Décadi qui suivra la publication du présent décret.

Article III. Les représentants du Peuple près l'Armée victorieuse sont chargés de recueillir les traits d'héroïsme qui ont illustré la reprise de cette ville rebelle.

Article IV. Ils décernent au nom de la République des récompenses aux braves citoyens de l'armée qui se sont fait remarquer par leurs grandes actions.

Article v. Le nom de Toulon est supprimé. La ville s'appellera désormais Port la Montagne*.

Article VI. Toutes les maisons à l'intérieur de la ville seront rasées*.

Il n'y sera conservé que Les établissements nécessaires à la guerre, ceux de la marine et des approvisionnements. »

* Le nom de Port la Montagne fut supprimé l'année suivante et fort heureusement, la décision de raser les maisons ne fut pas appliquée.




Je me souviens.
                                              Novembre 42.  Quatre ans six mois...

    C’était hier... et ma mémoire qui commence à lorgner vers le bon docteur Alzheimer, qui oublie la date de mon mariage ou le menu du déjeuner de midi a heureusement gardé précieusement dans quelque placard à neurones les images de ces journées tragiques d’une guerre arrivée à notre porte.

    Les historiens vous décriront mieux que moi cette noire période ou les Allemands envahirent Toulon, provoquant le sabordage de la flotte française mais je veux par ces lignes apporter le témoignage d’un enfant de... (voir titre du paragraphe) un enfant de La Seyne, un enfant des Mouissèques.


    Nous habitions dans ce quartier agréable une maisonnette dont le jardin s’ouvrait sur deux directions, l’une sur la place et le petit port, l’autre au sud vers le bois de la Rouve. Oui, amis seynois, vous avez bien lu La Rouve. La Rouve était autrefois un magnifique bois planté de pins majestueux bien que son nom vienne du provençal Rouvo (chêne), arbre qui servit durant des siècles à fournir en matière première les nombreux chantiers de construction navale établis sur notre littoral.


    Cette évocation d’un passé révolu m’a éloigné de mon récit que je reprends aussitôt pour vous dire qu’en haut de la propriété se trouvait la boulangerie Carle et sur l’autre coté de la route, le terrible coiffeur qui me faisait trembler d’effroi, le méchant Philipin.


    Aujourd’hui, il n’y a plus de forêt, plus de Philipin, plus de pins, encore moins de chênes mais seulement des barres d’immeubles HLM et heureusement encore... la boulangerie.


    Comme tous les matins mon père quittait la maison familiale pour se rendre à son travail à l’atelier des turbines dont l’entrée était située sur cette place des Mouissèques à cent cinquante mètres environ du domicile. Sur cette place habituellement si paisible où les filets de pêcheurs étendus à même le sol voisinaient à toutes sortes d’instruments de pêche, d’autres engins de nature moins pacifique s'étaient présents à l’aube de cette triste journée. C’est là une véritable armada de camions, chenillettes et tanks d’une armée allemande arrivée dans la nuit. Les boches, venaient nous envahir et la flotte française qui n’avait pas voulu tomber entre leurs mains avait préféré s’envoyer par le fond.


    Les portes du chantier fermées, mon père s’en retourna à la maison afin d’éloigner toute la famille de ce trop proche danger car dans l’enceinte même de ceux-ci se trouvaient des bâtiments de la marine nationale, objet de la convoitise ennemie.


    Mes parents prirent la décision de nous éloigner et nous partîmes tous les cinq avec poussette, baluchon et quelques maigres provisions sur la route de l’exode, exode qui devait nous conduire vers Fabrégas où des amis allaient nous donner l’hospitalité.


    Cette journée, dramatique pour notre pays, ne le fut pas tellement pour les enfants que nous étions, certes les avions étaient plus nombreux dans le ciel et les explosions entendues dans le lointain s’accompagnaient de hautes colonnes de fumée qui venaient ajouter une note noirâtre au tableau. Nous, nous découvrions d’autres gens, d’autres jeux et lorsque nos parents estimèrent le danger passé, ils décidèrent en fin de journée le retour au bercail par le même chemin emprunté le matin, avec les mêmes moyens de locomotion, les jambes. Les cinq kilomètres séparant Fabrégas aux Mouissèques nous parurent multipliées par trois.

Réfractaire à la marche (je le suis encore... et pour cause) je trouvais fort heureusement les épaules de mon père pour me reposer pendant que Nicole ma petite sœur âgée de deux ans était bien installée dans la poussette. Paul, le grand frère du haut de ses sept ans nous ouvrait courageusement la route.


    Je garde toujours présent le souvenir de notre arrivée sur cette place des Mouissèques et cette acre fumée provenant des navires calcinés, de la présence des tanks allemands des camions et autres engins motorisés. L’image forte que j’ai aussi conservée est celle de ces marins français faits prisonniers et alignés en file indienne le long du mur, les mains sur la tête et gardés par la
soldatesque ennemie. Il s’agissait là des marins dont les navires étaient en cours de réparation dans les chantiers et qui n’avaient pu s’échapper.

    J’en aurai fini avec cette évocation après vous avoir écrit que dans la nuit qui suivit, un de ces marins qui avait réussi à tromper la vigilance de ses gardiens vint taper à notre porte et demander à mes parents un peu de nourriture et des habits civils. Ses effets militaires furent enterrés dans le jardin et l’homme pu retrouver la liberté en s’enfuyant en direction du bois de La Rouve.

            Quartier Barban
    La proximité des chantiers occupés alors par l’armée ennemie et la crainte de bombardements incitèrent mes parents à chercher un autre logement plus éloigné, un logement qu’ils trouvèrent à quelques kilomètres de là, au quartier Barban.

    Nous sommes restés plus d’un an dans cette maison, le temps de connaître d’autres familles comme nous déracinées de la ville et de nouveaux compagnons de jeux.

    La garnison allemande la plus proche avait établi son camp dans le bois de Pignet à deux cent mètres à peine de notre domicile et une famille amie qui occupait la maisonnette située au bas de cette colline fut priée dans la hâte de déguerpir et leur maison canonnée. (Carnet d’enfance).


    Quelques soldats italiens avaient quant à eux établi un campement encore plus prés de chez nous, leur cantine était adossée à une façade de notre maison, une cantine d’où nous parvenaient les bonnes odeurs d’une cuisine mais, nos parents nous avait interdit d’accepter quoi que ce soit venant d’eux. Nous avions pourtant et bien souvent le ventre vide et une ration de polenta ou bien quelques châtaignes grillées auraient satisfait nos estomacs de gamins, mais non, surtout pas, il ne fallait rien accepter de cette armée ennemie.


    Ils n’étaient pourtant pas bien méchants ces soldats et surtout pas trop amis avec la garnison allemande. Ne disait on pas que militaires allemands et italiens, alliés de circonstance ne s’aimaient pas outre mesure et comment en eut il été autrement puisque dans les rangs de cette armée mussolinienne nombre de ses soldats retrouvaient à La Seyne des liens familiaux, et pour cela, plus enclin à se rapprocher de la population.


    Le terrible bombardement du 23 Novembre 1943 effectué sur Toulon par l’aviation alliée fit un nombre important de victimes civiles et l’on dénombra plus de cinq cent morts et des centaines de blessés sur Toulon et La Seyne. De cette journée je n’ai qu’un très vague souvenir sinon celle des vagues d’avions et des lourdes explosions entendues dans le lointain. Mon frère qui se souvient mieux m’a rapporté que les aviateurs américains larguaient leurs chapelets de bombes d’une très haute altitude tandis que les anglais eux effectuaient des piqués pour mieux atteindre l’objectif visé.


    L’objectif était naturellement d’atteindre l’arsenal de Toulon et les chantiers seynois mais hélas les bombes n’atteignirent pas que ceux-ci mais firent de considérables destructions dans toute l’agglomération.


    Aux dangers des bombardements venait s’ajouter un autre fléau lié au manque de nourriture, les files commençaient à s’allonger devant les magasins et les points d’alimentation. Il était bien arrivé le temps des rutabagas, des tickets de rationnement et du marché noir et quatre pommes de terre cuites, denrées de luxe étaient le seul repas que mon père emportait pour sa journée de travail.


    Avec mon frère, naturellement nous ne fréquentions plus l’école, une école que j’avais commencé à suivre à la maternelle Pissin (Malsert aujourd’hui).

            Bretagne
    Les familles seynoises, fortement encouragées à quitter des lieux devenus inhospitaliers étaient dirigées vers des régions présumées plus clémentes, la Haute Loire, l’Aveyron, la Drôme voire, la Loire où l’Ardèche mais pour nous et sur l’insistance des tantes bretonnes, sœurs de maman, notre condition de réfugiés se passerait en Bretagne dans un gentil petit bourg Morbihannais ayant pour nom Guilliers.

    Le voyage en train en direction de la Bretagne commença en janvier 43 avec un départ depuis la gare de Toulon, une gare bondée d’une populace apeurée et les scènes déchirantes de familles obligées de se séparer avec l’incertitude du lendemain et les cris de ces enfants séparés de leurs parents. Une cohue indescriptible avec des trains bondés ou la meilleure façon d’embarquer était le passage par les fenêtres. Chose facile pour les enfants et s’est cette solution qui s’offrit à nos parents. Tous les trois avons donc réussi avec l’aide de bras secourables à monter dans le wagon mais pendant de longues minutes, le train déjà en route, nous nous trouvions coincés dans un couloir pleurant à grosses larmes nos parents disparus.

    Par chance ils avaient bien réussi à monter dans le train et il leur fallut de longues minutes pour nous retrouver. Des scènes de panique et d’épouvante dont je garde un très douloureux souvenir.

   Pour rallier Paris il fallut deux jours à notre tortillard à cause des arrêts fréquents et du bon vouloir des autorités d’occupation plus enclins à privilégier l’acheminement des convois militaires allemands. Enfin l’arrivée dans une capitale et un changement de gare qui fut pour nous l’occasion de connaître l’atmosphère du métro.


    Arrivés en pleine nuit dans une petite gare bretonne nous y étions attendu par mes deux tantes qui avaient dû accomplir plusieurs kilomètres à vélo pour nous accueillir, deux femmes et un long trajet de nuit parce que la veille les allemands avaient lors d’une rafle fait arrêter tous les hommes valides du bourg qui n’avaient pas réussi à se cacher. Cette rafle était une action de représailles envers les hommes du maquis, un maquis fort actif et efficace dans la région.


    Les résistants arrêtés cette fois furent dirigés vers les camps de la mort d’où un seul en revint.

Nous avions quitté une ville sous les bombes pour un endroit retiré de la campagne bretonne et nous nous retrouvions dans un village avec les mêmes occupants encore plus boches, encore plus moches mais à la différence de La Seyne, ici nous pourrions mourir avec le ventre plein.


    La solidarité familiale s’exprima pleinement sur le plan affectif tout d’abord mais aussi et surtout sur le coté matériel et mon père ne pouvant retourner à La Seyne comme il l’avait prévu dû se contenter de servir dans les fermes environnantes ou encore se faire embaucher quelque temps à la scierie locale. Nous n’avions même plus droit aux tickets de rationnement à cause de notre refus d’être des réfugiés comme les autres et d’avoir refusé d’aller dans la Drôme. La chose s’arrangeât plus tard grâce à une intervention énergique du maire du Guilliers Mr Jardigon.


    Nous habitions un petit meublé au centre de ce bourg tout prés de l’église et de la mairie. Tout à coté étaient mes oncles et tantes réfugiés eux aussi, qui avaient dû quitter leur ville de Lorient, une ville soumise au feu de terribles bombardement et sinistrée à cent pour cent.


   Avec mes cousins nous avons fréquenté l’école du village, la bonne école comme l’on disait alors et non l’école laïque appelée alors l’école du diable. 


    La vieille querelle de l’enseignement existait réellement et elle divisait le village en deux camps férocement opposés, les rouges et les blancs.


    Dans cette région essentiellement agricole, le lait les légumes, la farine, les œufs et la viande ne manquaient pas, par contre ce qui faisait grandement défaut à ces braves paysans c’était une denrée indispensable pour la conservation des viandes et paradoxalement la seule que l’on pouvait trouver très aisément à La Seyne. Commença alors entre La Seyne et Guilliers un échange sel-nourriture ainsi nos parents et amis restés dans le Var purent avoir en échange d’un produit qui ne leur coûtait rien, provision de viandes, jambons et autres cochonnailles, patates ou autres haricots. Bien entendu la caisse faisait mais cette fois chargée de gros sel le trajet inverse.


   Me restent d’autres histoires à vous raconter avant de clore ce chapitre et tout d’abord cette savoureuse histoire des chaussures.


    En été à La Seyne, habitants la campagne comme tous les minots du quartier nous courions le plus souvent les pieds nus sans que cela ne choque la bonne conscience des voisins, leurs enfants faisaient de même mais en Bretagne (contrairement aux idées reçues il arrive certains étés que la température égale quelquefois celle du Sud) pour ne pas user nos belles espadrilles, l’idée nous vint de faire de même, c'est-à-dire aller pieds nus et quelle ne fut notre surprise et la honte de mes parents que de voir le lendemain, bien alignées devant notre porte, d’innombrables paires de godasses, sabots et galoches déposées là par des personnes bien charitables.


    Episode tragi-comique aussi que cette équipée des hommes du bourg réquisitionnés un beau matin par les boches afin d’aller dans la lande planter des poteaux susceptibles d’empêcher les planeurs alliés de se poser. Mon père était du nombre et nous étions très inquiets très tard le soir à la maison de ne pas le voir revenir. Déjà dans les gens se remémoraient la triste journée de la rafle lorsque entendus de loin des bruits de rires et de chansons se firent entendre. C’était enfin le retour de nos hommes, plus ivres les uns que les autres et victimes des quelques bouteilles de cidre bouché emmenées le matin dans les musettes. Haut fait de résistance car bien peu de piquets furent plantés ce jour là.

            Libération
    J’ai vu partir enfin ces camions allemands, j’ai vu ces tractions peintes de croix de Lorraine et des FFI allongés sur leurs ailes avant les pourchasser, j’ai vu les gens partir pour Rennes voir le passage des troupes victorieuses et vu hélas ne revenir qu’un seul rescapé des camps de la mort, un de ceux arrêté lors de la grande rafle.

    Avec tous les enfants de Guilliers j’ai crié vive De Gaulle, j’ai sonné les cloches de l’église et je crois bien que ce jour là la vieille querelle entre l’école du diable et celle du bon dieu fut oubliée.



(Textes écrits par Henri Giovannetti et publiés, avec son autorisation, le 27 novembre 2012, à l'occasion du 70e anniversaire du sabordage de la flotte de Toulon)


 

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