Conférence au Rotary-cub de La Seyne-sur-Mer, Hôtel
Novotel, 21 mai 2008
Résumé de la conférence
Les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) constituent un sujet
d’actualité quelque peu brûlant, complexe, très médiatisé et
controversé. Nous allons essayer d’en parler en termes simples et d’en
donner un point de vue raisonnable et pondéré.
Les OGM sont des organismes vivants (plantes, animaux, bactéries) qui
ont été artificiellement modifiés par l’homme, le plus souvent pour
contenir un ou plusieurs nouveaux caractères génétiques qu’ils
exprimeront durant leur vie et qu’ils transmettront à leur descendance.
Quelques notions sur la cellule, le noyau, les gènes sont rappelées :
l’information génétique est contenue dans les chromosomes et codée dans
des molécules d’ADN grâce à un "alphabet" à 4 lettres ; le gène est un
segment d’ADN, une sorte de "phrase" qui décrit un caractère de
l’organisme. Chaque être vivant possède des dizaines de milliers de
gènes. Depuis près de 40 ans, on sait déchiffrer le code génétique et
découper l’ADN en des points précis. On a pu ainsi identifier de
nombreux gènes, les décoder, les extraire, les transférer d’un
organisme à un autre.
On obtient un OGM en prélevant un gène (végétal, animal, humain)
présentant un caractère intéressant, en le transférant (par
l’intermédiaire d’une bactérie) dans une cellule d’un autre organisme
(de la même espèce, ou de toute autre espèce végétale ou animale), et
en cultivant la cellule ainsi modifiée jusqu’à régénérer une plante ou
un animal entier, qui diffère alors de l’organisme d’origine par la
présence d’un gène supplémentaire.
Le principe est donc simple, mais la technique demeure extrêmement
sophistiquée et ne peut guère être pratiquée que par de grands
laboratoires ou de puissants groupes industriels - et pour résoudre les
questions les plus importantes économiquement, pour que l’opération
soit rentable.
En manipulant les gènes, est-on un « apprenti sorcier » ? Ou bien cela
ne donne-t-il un potentiel extraordinaire pour résoudre certains grands
problèmes de l’humanité ??
Pourquoi l’homme a-t-il créé des OGM ? D’abord comme outil de
connaissance des mécanismes de la vie et de l’origine des maladies.
Ensuite, pour améliorer (en un temps beaucoup plus court et de manière
moins aléatoire que par les procédés d’hybridation classique) le
rendement et la résistance des plantes ou des animaux d’élevage, ainsi
que leur qualité. De tout temps, l’homme a d’ailleurs utilisé tous les
moyens en sa possession (hybridation, culture de tissus, insémination
artificielle, fécondation in vitro, etc.) pour améliorer ses
productions végétales et animales.
Les domaines d’application de la technologie OGM concernent le médical
et l’agroalimentaire.
Dans le domaine médical, cela permet de fabriquer des modèles animaux
particulièrement précieux pour l’étude des maladies humaines, de
produire sans risque des molécules d’intérêt pharmaceutique (insuline,
hormone de croissance, vaccins), de pallier la déficience d’un gène
(thérapie génique). L’intérêt de telles applications n’est guère
controversé.
Dans le domaine agro-alimentaire, on a surtout cherché à produire des
plantes résistantes aux insectes ou aux herbicides (censées limiter le
recours à des agents chimiques), des plantes adaptées à des
environnements hostiles (plus économes en eau ou pouvant croître sur
des sols salés), des plantes à valeur nutritive modifiée (tomates ou
melons de longue conservation, riz doré, plantes ne causant plus
d’allergie, etc.)
Cette nouvelle technologie suscite naturellement (particulièrement
lorsqu’on l’utilise dans l’agro-alimentaire) de très nombreuses
craintes. Elle est très complexe et peu de gens comprennent vraiment de
quoi il s’agit ; son développement est intervenu dans un contexte
défavorable (après plusieurs scandales : sang contaminé, hormone de
croissance, vache folle, grippe aviaire, etc.) ; et les scientifiques
ne sont pas toujours d’accord entre eux : La technique est-elle
complètement maîtrisée ? Risque de dissémination de plantes OGM ?
Risques pour l’environnement, pour la biodiversité ? De nouvelles
allergies ? Et surtout, risque de voir le marché des semences
(notamment dans les pays en développement) contrôlé par une poignée de
firmes internationales.
En outre, dès le départ, le débat sur les OGM
semble s’être mal engagé.
Il a été médiatisé à
l’extrême. Dominé par différentes
idéologies et
par des intérêts économiques, il est très
vite devenu passionnel, avec
des outrances verbales, des phrases chocs et des affirmations
quelquefois sans preuve : « Apprentis sorciers », «
On veut empoisonner
les gens », « On sème la terreur », «
Chercheurs vendus aux firmes
internationales », « Les consommateurs en otages »,
« Main basse sur le
vivant », « Crimes contre l’humanité »,
etc.
Nous pensons donc qu’il faut savoir raison garder. Car, en toute chose,
dans toute technologie (le nucléaire, le pétrole, les engrais
chimiques, les transferts d’embryons, le séchage des aliments à très
haute température, etc.), il y a du positif et du négatif, il y a des
avantages et des inconvénients. Le métier de scientifique consiste à
produire de l’information objective pour la transmettre aux décideurs,
qui vont peser le pour et le contre, prendre leurs responsabilités et
dire, en connaissance de cause : on fait - ou on ne fait pas.
Il semble qu’avec les OGM ce débat, pourtant logique et habituel, ne
puisse pas être engagé. Beaucoup ne veulent voir que les aspects
négatifs, que les risques et pas les avantages. Tandis qu’en se
focalisant sur les OGM, on occulte beaucoup d’autres problèmes ou
dangers, qui sont, eux, bien avérés, notamment bactériologiques et
toxicologiques.
Certes, les OGM ne sont peut-être pas indispensables dans notre
assiette de consommateurs de pays riches. Mais y a aussi des problèmes
majeurs sur la planète, et il serait important de les résoudre, les OGM
étant un moyen possible et peut-être incontournable pour cela. Si nous
ne le faisons pas, d’autres le feront et en tireront profit, et nous
n’en aurons nous-mêmes aucune maîtrise.
En conclusion, il faut - bien évidemment - être très prudent et
utiliser au maximum le principe de précaution [Mais la France
n’est-elle pas déjà le pays dont la législation est la plus restrictive
? Car… si l’on soumettait aux mêmes tests des plantes alimentaires
acceptées depuis longtemps, certaines (la pomme de terre !) seraient
certainement recalées]. Mais il faut aussi avancer. Comme on l’a
toujours fait pour les autres technologies, il conviendrait de mieux
mettre en balance le potentiel considérable des OGM avec des risques
possibles. Et, au préalable, de remettre davantage de sérénité et
d’objectivité dans le débat.