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Dictionnaire du Mouvement Ouvrier Seynois
Notices rédigées par
Jacques GIRAULT
 
ORSINI Toussaint
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ORSINI Toussaint, Louis, Elie.

Né le 18 juillet 1879, décédé le 10 mars 1952 à Toulon (Var) ; ouvrier ; responsable syndicaliste et communiste

Fils d'un ouvrier du port, d'origine corse, Toussaint Orsini se maria en avril 1906 à La Ciotat (Bouches-du-Rhône). Séparé très vite, il divorça en 1948 pour se remarier en septembre 1948 à Toulon.

Ouvrier riveur ou chaudronnier en fer aux Forges et Chantiers de la Méditerranée de La Seyne dont il fut congédié deux fois (1910 et 1919), Orsini travailla aussi aux chantiers navals de La Ciotat et de Bordeaux. Il fréquentait les milieux anarchistes du groupe de la Jeunesse libre à Toulon. Dirigeant du syndicat des métaux, il anima la grève des ouvriers riveurs aux chantiers en octobre-novembre 1910 et fut révoqué. Il entra alors à l'Arsenal maritime (atelier des bâtiments en fer) comme ouvrier auxiliaire et travailla au Mourillon. Membre du conseil d'administration du syndicat des travailleurs de la Marine le 5 février 1913, il devint secrétaire-adjoint. Inscrit au Carnet B, il participa aux actions pacifistes à l'Arsenal maritime en 1916-1917. Il quitta l'établissement militaire pour réintégrer les chantiers navals de La Seyne et devenir un des dirigeants du syndicat des métallurgistes (petits ateliers) en avril 1919. Lors du meeting du Premier Mai à la Bourse du Travail, il prit la parole au nom du syndicat dont il devint le secrétaire le 5 juin. La tension montait et le 10 juin, une grève commença et dura jusqu'au 28 juillet. Orsini en fut le principal animateur. Lors d'un meeting, le 17 juillet, il constata, "oui je suis bolcheviste". Plus tard, le 15 novembre, il se présenta comme secrétaire de la section communiste de La Seyne, nouveau parti animé par Péricat, protestant contre les ouvriers de l'Arsenal maritime qui se présentaient aux élections législatives sous l'étiquette communiste. Privé d'emploi, après l'échec du mouvement, le syndicat des constructions navales, le 3 août 1919, proposa de s'adresser à Renaudel pour essayer de caser les révoqués. Orsini s'éleva contre cette idée, répétant "les syndicats ne doivent se rattacher à aucun parti politique".

Dans le cadre de la préparation du congrès de l'Union des syndicats du Var, la question de remplacer le secrétaire général se posa. Une circulaire du syndicat international des ouvriers en constructions navales affirma qu'il fallait un "esprit révolutionnaire" comme Orsini. Le 8 février 1920, ce dernier fut désigné contre Obviet (voir ce nom) avec 13, puis 22 voix sur 38 votants et devint secrétaire permanent doté de 510 francs par mois.

Dès lors, son centre d'activité devint Toulon. Tout en habitant avec sa famille à La Seyne, Orsini restait très souvent coucher dans un petit hôtel de la place Puget. Principal orateur du meeting du Premier Mai au Théâtre, il affirma la force de la C.G.T. et lança un appel en faveur du régime soviétique. Dès que la vague de grève prévue par la C.G.T. commença, Orsini fut arrêté, le 5 mai avec Flandrin et Nebout (voir ces noms) inculpés "de complots contre la sûreté intérieure de l'Etat". Emprisonné avec un régime politique, objet de la solidarité ouvrière, il fut libéré avec Flandrin, le 6 juillet, un non-lieu intervenant le Ier août.

Orsini consacra alors son activité à la propagande minoritaire. Ainsi, le 29 août 1920, lors du congrès minoritaire régional à Marseille, se montra-t-il d'accord avec Péricat pour préconiser la scission immédiate. Evoquant le futur congrès nationale, il affirma

"Nous minoritaires, dirons qu'il faut que nous appartenions à l'Internationale de Moscou pour garantir notre mouvement révolutionnaire [É]" avant d'ajouter, "Nous ne pouvons plus suivre la C.G.T. avec ses méthodes".

Lors du congrès de la C.G.T. à Orléans (29 septembre-2 octobre 1920), détenant les mandats de cinq syndicats varois, il interrompit Jullien, des Bouches-du-Rhône, pour préciser que ce dernier ne s'exprimait pas au nom des minoritaires, anecdote significative d'une tension extrême. Au retour du congrès, il intervint régulièrement dans la presse pour soutenir les thèses minoritaires contre le réformisme. Il appela, le 20 octobre dans la presse, à la formation définitive d'un comité minoritaire. La presse, six jours plus tard, annonça sa démission du secrétariat de l'Union départementale "pour raisons personnelles". La police expliqua que ce retrait correspondait à la mauvaise santé financière de l'organisation. Argument peu convaincant par rapport aux enjeux. La minorité syndicale hésitait sur la tactique à suivre. La position tranchée d'Orsini se heurtait aux pratiques plus syndicales de Flandrin, plus soucieux de faire évoluer de l'intérieur la C.G.T. Orsini se libérait ainsi des responsabilités et décidait de couper les ponts avec "les tendances majoritaires" qui, comme il le nota plus tard, "mettaient à l'épreuve l'unité du syndicat".

Dès lors, Orsini mena son action dans plusieurs directions. propagande au sein du comité pour l'amnistie intégrale, essai d'organisation autonome dans la coopérative de production lancée par le secrétaire de la Bourse du Travail de La Seyne, Sabattini (voir ce nom)., continuation, par le biais du syndicat des métaux de La Seyne, de l'action pour une organisation syndicale indépendante, attitude qu'il manifesta à nouveau dans la motion présentée, dès l'assemblée générale de l'Union départementale, le 19 janvier 1921, préconisant la formation d'une C.G.T.U., demandant la convocation d'un congrès national et acceptant une neutralité d'un mois.

Enfin, Orsini se rallia très tôt au nouveau parti issu de la scission de Tours, formant dans les mois qui suivirent la section communiste de La Seyne, associant aux militants déjà communistes, des socialistes partisans du Comité de la Troisième Internationale, minoritaires dans ce bastion ouvrier. Membre du premier comité fédéral communiste et du comité de rédaction du futur journal, Le Var ouvrier et paysan, il participa aux premières actions, et notamment aux campagnes pour l'amnistie qui marquèrent fortement les premiers pas du communisme varois. Il se sépara avec éclat des ses anciens amis anarchistes du Comité pour l'amnistie intégrale dont il démissionna, le 7 novembre 1922. Outre les arguments politiques, une nouvelle fois apparurent des reproches qui ne cessèrent de l'accabler pendant toute sa vie militante : il profiterait de la liberté imposée par la vie militante pour étaler son refus du travail et son goût immodéré pour la vie facile. Outre les effets de polémiques fréquentes dans les milieux militants, il semble bien qu'Orsini ait mené la vie austère de nombreux révolutionnaires, mangeant peu, trouvant difficilement des embauches en dépit de ses qualités professionnelles reconnues.

Vers 1923, Orsini devint concierge de la Bourse du Travail de La Seyne. Membre des commissions exécutives de l'Union locale et de l'Union départementale C.G.T.U. (secrétaire-adjoint de cette instance), il participa aux discussions pour la création d'une XVIe région centrée sur Marseille. Il soutint la position de Flandrin concernant la nécessité d'un secrétaire permanent non inféodé à un parti politique. La police annonça, en octobre 1924, qu'il pourrait être ce secrétaire ; rien d'analogue ne se fit. Secrétaire de la section du Secours rouge international, Orsini développait des positions originales. Il refusa de poursuivre le soutien aux candidats d'amnistie pour le Conseil général dans le canton d'Hyères puisqu'il fallait établir des relations avec d'autres forces politiques. Il s'opposa à tout front unique qui risquait de conduire à un accord avec les réformistes. Il refusa de figurer parmi les candidats communistes aux élections législatives de 1924, préconisant la présentation d'emprisonnés. Le Cartel des Gauches arrivant au pouvoir, il dut, comme les révoqués de 1920, postuler un emploi à l'Arsenal maritime. Il signa une lettre ouverte à Renaudel et à Herriot indiquant son refus d'acquitter ses impôts puisqu'il était "interdit de travail dans les établissements de l'Etat" (L'Humanité, 20 novembre 1924). Sur toutes les questions débattues dans le Var, on le retrouva un conflit avec les dirigeants de l'Arsenal maritime, dont Viort (voir ce nom). Aussi, cessa-t-il d'exercer toute responsabilité dans le Parti communiste à la fin de 1924, conservant son poste de secrétaire-adjoint de l'Union départementale C.G.T.U. Il dut même aller travailler à Marseille puisqu'il fut délégué au congrès de la C.G.T.U. à Paris (26-31 août 1925) par le syndicat des métaux de Marseille. Son intervention, le 27, porta sur la stratégie des grèves.

Orsini revint définitivement à Toulon après sa désignation comme concierge de la Bourse du Travail, le 4 mars 1926, avec un salaire de 3 000 francs par mois. Dès lors, la surveillance de la Bourse redoubla et de nombreuses perquisitions montrèrent son rôle dans les réunions d'origine communiste. La rivalité d'Orsini avec Viort ne s'estompa pourtant pas. Ce dernier parvint même à le faire exclure du Parti communiste dans l'été 1926, alors qu'il était le secrétaire de la cellule numéro 2 de Toulon.

Orsini exerça de constantes responsabilités dans le mouvement syndical C.G.T.U. : secrétaire-adjoint de l'Union locale de Toulon, membre de la commission exécutive et secrétaire-adjoint de la IXe Union régionale C.G.T.U., orateur à diverses occasions (affaires Sacco-Vanzetti notamment), intérim du secrétaire régional Pothier (voir ce nom) pendant le congrès de l'Internationale syndicale rouge à Moscou. Toutefois, il fut mêlé à des nombreuses difficultés vers 1929 de la IXe Union régionale, conduisant à sa démission des responsabilités qu'il y exerçait en mars 1929.

En raison de ses difficultés, Orsini fut contacté par Louis Sellier (voir ce nom) lors de la formation du Parti ouvrier et paysan, en février 1930. Officiellement réintégré dans le Parti communiste, en mars 1931, il apparut à nouveau comme un des piliers de l'organisation communiste rétrécie. Membre du comité et du bureau du rayon communiste, présenté comme candidat communiste au Conseil général dans le canton de Besse, en octobre, il obtint 170 voix sur 1 777 inscrits et se retira à l'issue du premier tour. Il fit partie du secrétariat collectif du rayon, issu de congrès de Carnoules, le 15 mai 1932, avec Victor Etienne et Libert (voir ces noms), période où la crise s'accentua.

A partir de 1933, Orsini se retrouva en permanence dans les luttes, intervenant fréquemment dans des réunions comme responsable du Secours rouge international, dont il était devenu le responsable départemental en 1931. Le 7 février 1934, il participa à la réorganisation de l'Union locale C.G.T.U. et lors de la grève du 12, se montra fort actif dans les piquets de grève à la porte de l'Arsenal maritime. Lors de la manifestation contre Ibarnegaray, le 25 mars, il fut "sérieusement contusionné" dans les heurts avec le service d'ordre. Le 20 juin 1934, il signa, au nom du Parti communiste, avec Flandrin et Bartolini (voir ces noms), l'accord avec la section socialiste S.F.I.O. de Toulon pour des actions communes. Désigné comme candidat communiste au Conseil général dans le canton de Solliès-Pont, il fut remplacé en octobre. Lors des campagnes électorales communistes à Toulon, il fit partie des comités de soutien et prit souvent la parole, se présentant le plus souvent au nom du Secours rouge international, dont il fut élu secrétaire administratif, lors du congrès départemental du 9 février 1936.

Membre de la commission exécutive de l'Union locale C.G.T, le 23 avril 1938, membre du comité départemental décidé par l'Union départementale pour organiser la solidarité avec les sanctionnés à la suite de la grève du 30 novembre 1938, Orsini vit son poste de concierge de la Bourse du Travail supprimé par la municipalité de Toulon en septembre 1939. Le 6 octobre 1939, l'Union locale C.G.T. lui attribua une indemnité de 2 000 francs. Poursuivi pour outrages à l'armée, il fut condamné, le 16 janvier 1940, par le Tribunal militaire de Marseille à 18 mois de prison pour coups et blessures. Un rapport de police du 25 mai 1941 nota qu'il n'était pas interné.

Quand se reconstitua clandestinement l'Union locale C.G.T., à la mi-juin 1944, Orsini figura parmi les responsables. Il signa l'appel de la commission exécutive de l'Union locale paru dans Le Var libre, le 29 août 1944. Il fut réélu secrétaire-adjoint de l'U.L. lors du congrès du 25 mars 1945.

Orsini se suicida après avoir réglé ses cotisations politiques et syndicales.

SOURCES : Arch. Nat. F ICIII 1133, F 7/12975, 12976, 13021, 13090, 13107, 13164, 13165,

Arch. Dép. Var, 2 M 5 280, 4 M 41 4, 46, 47, 49 4 2, 3, 52, 53, 54, 55, 56 4, 7, 59 2, 4 1, 3, 3 Z 2 5, 6, 9, 10, 4 12, 21, 23, 24, 28, 29, 30. - Institut de Recherches marxistes, microfilm n° 186. - Arch. privées : J. Sauli. - Presse locale. - Sources orales. - Renseignements fournis par J.-M. Guillon et J. Masse.