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Dictionnaire du Mouvement Ouvrier Seynois
Notices rédigées par
Jacques GIRAULT
 
SPRECHER Jean
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SPRECHER Jean, Félix.

Né le 1er janvier 1930 à Constantine (Algérie), décédé le 24 avril 2006 à Toulon (Var), marié, deux fils, professeur, adjoint au maire communiste de La Seyne (Var) de 1977 à 1984.

Fils d'un chef de gare d'origine alsacienne (sa famille s'était installée en Algérie après 1871) dans diverses communes d'Algérie, puis à Philippeville, Ménerville et Tizi-Ouzou et d'une fille de cultivateurs d'origine italienne, tous deux respectueux des populations indigènes, Jean Sprecher reçut les premiers sacrements catholiques. Il commença sa scolarité secondaire au lycée de Philippeville avant d'aller, en 1946, en classe de première comme interne au lycée Bugeaud d'Alger où il fut présenté au concours général en histoire. Il obtint le baccalauréat Philosophie en 1948. Féru de poésie, il fréquentait la librairie tenue par Edmond Charlot, l'éditeur des écrivains de la France libre. Musicien amateur, il jouait dans un orchestre de jazz de Tizi-Ouzou. Lecteur d'Alger républicain et de Liberté, journaux de gauche, partisan du nouveau statut de l'Algérie proposé par le gouverneur Marcel-Edmond Naegelen, il fut déçu et irrité notamment par le sabotage de son esprit lors de l'élection de l'assemblée algérienne.

En 1950, après avoir suivi les cours pendant une année de la classe de lettres supérieures du lycée Bugeaud, titulaire de la propédeutique, Sprecher devint maître d'internat au lycée de Philippeville. Après un bref passage au lycée de Tizi-Ouzou, il occupa ces fonctions au lycée Bugeaud jusqu'en 1956. En 1956, candidat aux élections de la commission académique paritaire au titre du Syndicat national de l'enseignement secondaire, il fut battu par celui du SGEN dans la catégorie des MI-SE. Inscrit à la Faculté des lettres, ne pouvant suivre les cours en raison de son travail à Philippeville, il obtint le certificat d'études grecques.

Nommé à Alger, Sprecher rejoignit le groupe des étudiants progressistes ou "libéraux" et prit part aux manifestations qu'il organisait en 1954-1955. Devant la radicalisation, il participa, en 1955, à la diffusion d'un appel pour constituer un comité pour le respect de la neutralité à l'Université. Il avait suivi les cours de littérature et philologie latine en 1954 d'André Mandouze et prit part avec les étudiants de l'UGEMA, à la protection de ce dernier après la manifestation du 6 mars 1956 qui l'avait chassé de son poste. Aussi, avec ses camarades, refusa-t-il d'aller suivre les cours de son successeur. En septembre-octobre, il participa à la mise sur pied de la liste progressiste lors de l'élection de l'assemblée générale des étudiants d'Alger.

Appelé au service militaire, Sprecher rejoignit, le 1er novembre 1956, le régiment d'infanterie coloniale à Maisons-Laffitte (Seine-et-Oise). Il refusa de suivre le peloton des EOR car il ne voulait pas servir en Algérie comme officier. Le 30 décembre 1957, il fut affecté en Algérie dans le groupe du Plan Amale VI, dans un régiment d'infanterie stationné à Melliana dans le massif des Ouarsenis. Après avoir répondu négativement au référendum de septembre 1958, affecté dans un djebel, il fut libéré le 29 janvier 1959.

Sprecher devint alors adjoint d'enseignement au lycée Bugeaud et adhéra au SNES, maintenant épuré de ses éléments les plus à droite. Au printemps 1959, il adhéra au Comité étudiant d'action laïque et démocratique, affilié au Comité national d'action laïque, organisation qui servait de couverture pour des activités plus politiques. Son objectif était de s'opposer à l'Association générale des étudiants algériens présidée par Pierre Lagaillarde. Ils présentèrent une liste "Action syndicale et renouveau unitaire". Aux élections universitaires, des listes dans chaque corporation obtinrent environ 30 % des voix. Ils publiaient un bulletin, cherchaient une troisième voie, se rebellèrent en janviers 1960 contre les dirigeants de la "journée des barricades". Le 1er mai 1960, ils organisèrent un rassemblement dans les locaux du SNI et de la FEN. Mais à la fin 1960, le groupe se divisa entre partisans du maintien de l'Algérie libéralisée dans la France et partisans de l'indépendance, dont Sprecher. Le 3 novembre 1960, ils s'opposèrent à la grève de solidarité avec Lagaillarde et Susini, avec comme mot d'ordre, "Paix en Algérie, Lagaillarde au poteau, négociations". Les affrontements furent violents et la presse leur accorda une large place.

Depuis septembre 1959, Sprecher enseignait au lycée du populeux quartier Belcourt à Alger. Il devint responsable académique du SNES pour la catégorie des adjoints d'enseignement, votant régulièrement dans les élections internes pour la tendance B. Deux ans plus tard, il était délégué au congrès national du SNES à Strasbourg. Quand Letonturier présenta une motion favorable à l'ouverture de négociations avec le FLN, il fut le seul de la délégation de l'académie d'Alger à la voter. Il participa, en 1961, au lancement du journal L'Algérien dont un des animateurs était Auguste Lecoeur. Mais il prit très vite des distances.

Sprecher devint alors la cible des élèves et des professeurs partisans de l'Algérie française. Lors du putsch du 25 avril 1960, après avoir subi des menaces dans sa classe, Sprecher demanda sa mutation pour la France. Mais le proviseur ne donna pas suite à sa demande en raison de la fin du putsch. Ses parents avaient quitté l'Algérie pour Hyères (Var). Le 28 juin 1961, il partit d'Algérie avec l'intention de ne pas revenir. Arrivé en France, il se rendit au rectorat de Nice qui lui proposa un poste de maître auxiliaire au lycée de La Seyne. Il épousa, à Hyères en décembre 1961, une institutrice, fille d'un sympathisant communiste. En 1964, il s'installa à La Seyne où son épouse venait d'être nommée institutrice. Il fut par la suite affecté dans plusieurs postes dont Saint-Mandrier, Six-Fours, Sanary, Toulon, Cuers, La Crau, Saint-Raphaël, puis au collège Curie à La Seyne. Après avoir terminé sa licence de lettres à Aix, il fut titularisé en 1974 sur un poste de documentation aux lycées Tessé puis Bonaparte et au collège Pagnol à Toulon. Il accéda au grade de certifié et prit sa retraite en 1990.

Pendant cette période d'enseignement en France, Sprecher organisa deux voyages en Algérie (1979 avec Tourisme et Travail et 1990 avec la Fédération des oeuvres laïques).

Sprecher, au collège Curie à La Seyne, eut comme collègues Toussaint Merle, maire communiste de la ville, et Marius Autran, son adjoint (voir ces noms). Il adhéra au Parti communiste à la fin de 1962. A partir de 1964, installé à La Seyne aussi par choix politique, il entra au comité de section, puis au bureau de section, et devint membre du secrétariat de section aux côtés de Louis Puccini (voir ce nom) en 1964. Peu après, il devint secrétaire du comité de ville, en juillet 1973, où il eut à résoudre les oppositions entre la section communiste des Forges et Chantiers et la section-ville. Il le demeura jusqu'en 1981. Il devint membre du comité fédéral en 1967 et y demeura jusqu'en 1981. Il participa au bureau fédéral pendant quelques années.

En 1965, Sprecher refusa d'être candidat aux élections municipales. A la mort de Toussaint Merle en 1969, puisqu'il était secrétaire de section, il fut élu dans l'élection complémentaire. Réélu en 1971, quand l'adjoint au maire Leyret démissionna, en 1973, il devint adjoint délégué aux affaires culturelles, à la bibliothèque, à l'école des Beaux-Arts et au Centre médico-social. Il se montra, notamment dans les relations avec les enseignants communistes, soucieux de faire respecter strictement la ligne politique du Parti.

En 1977, réélu, Sprecher conserva sa délégation d'adjoint, cette fois, aux relations publiques et à l'information municipale. En 1978, devenu premier adjoint, il reçut les délégations du personnel communal et des relations publiques. En 1982-1983, il présida l'office municipal d'HLM. En 1983, il conserva son poste de premier adjoint. Après l'annulation par le Conseil d'État en 1984, la liste de gauche fut battue mais il fut élu conseiller municipal minoritaire, situation qui se prolongea après les élections municipales de 1989. Cette année-là, il se signala notamment par son opposition à la proposition du maire de droite de débaptiser l'école Jules Vallès. La société des amis de Jules Vallès se félicita de cette position. Depuis 1977, il était le président du groupe communiste au conseil municipal.

En 1995, Maurice Paul, tête de la liste de gauche, lui proposa d'être à nouveau candidat. Mais aucun conseiller municipal sortant ne recevant la même proposition, Sprecher refusa d'être le seul ancien. Par la suite, il fut un des conseillers les plus écoutés du maire communiste et il aida à négocier avec les autorités académiques pour l'installation de l'Institut universitaire de formation des maîtres sur le territoire communal.

Sprecher avait été, à deux reprises, le candidat au Parti communiste aux élections cantonales dans le canton de Saint-Mandrier. En 1976, après être arrivé en deuxième position au premier tour, avec 1726 voix, candidat unique de la gauche, il fut battu au deuxième tour avec 2961 voix. En mars 1982, avec 1836 voix, devancé par le candidat socialiste, il se désistait.

Sprecher quitta le Parti communiste en 1989 à la suite d'un désaccord national (à propos de la candidature d'André Lajoinie à la présidence de la République) et aussi pour des raisons locales. Il participa pendant peu de temps aux réunions des rénovateurs animée par le maire de La Garde, Maurice Delplace (voir ce nom). Il fut notamment un des 83 signataires de l'appel paru dans la presse, en novembre 1990, "Le parti se meurt, sauvons le parti !". Toujours resté proche des élus communistes au conseil municipal et du maire Maurice Paul, il choisit de soutenir ce dernier dans les divisions qui traversèrent les communistes de La Seyne à la fin des années 1990.

Sprecher écrivit, pendant cette dernière période, son témoignage sur sa jeunesse et sur l'attitude des étudiants de gauche en Algérie. Il y ajouta le témoignage de quelques amis d'opinions différentes.

SOURCES : Archives du Parti communiste français. - Presse locale. - Renseignements fournis par l'intéressé.

OEUVRE : Jean SPRECHER, A contre-courant. Étudiants libéraux et progressistes à Alger 1954-1962, Paris, Éditions Bouchène, 2000, 196 p.