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Jean-Claude AUTRAN
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Conférences et écrits de Jean-Claude AUTRAN

Végétation des territoires de La Seyne-sur-Mer et de Saint-Mandrier
Texte publié (pp. 24-34) dans : Regards sur deux terroirs - La Seyne-sur-Mer et Saint-Mandrier, Cahiers du Patrimoine Ouest-Varois n° 14 (H. Ribot et A. Peretti, coordinateurs), Editions du Foyer Pierre Singal, Sanary-sur-Mer,, et Centre Archéologique du Var, Toulon, avril 2012, 712 p. + 32 planches couleurs hors texte




Les communes de La Seyne-sur-Mer et de Saint-Mandrier occupent la partie Est de la presqu’île de Sicié, la partie Ouest correspondant à la commune de Six-Fours-les-Plages.

Le massif de Sicié, ainsi que les îles d’Hyères et les Maures sont les témoins d’un vaste continent qui, à l’ère primaire, s’étendait plus au Sud, et qui s’est effondré à l’ère tertiaire suite aux mouvements qui provoquèrent la surrection des zones montagneuses de la Basse-Provence (Sainte-Baume, Siou Blanc, Gros Cerveau, etc.) (voir le chapitre Géologie de ce même ouvrage). Il constitue, avec les îlots des Embiez, l’extrémité la plus avancée vers l’Ouest de la Provence cristalline, et le sol de ses collines boisées est formé soit de schistes métamorphiques (phyllades) lardés de quartzites, soit (Fabrégas, La Verne, Saint-Mandrier) de grès roses ou rouges. Des plaines alluviales séparent le massif de Sicié des collines de Bandol-Sanary, du Gros Cerveau et du Croupatier qui appartiennent pour la plupart à la Provence calcaire.

Nous ne développerons pas la végétation des plaines alluviales, qui n’a rien de spécifique de la région méditerranéenne, et qui a par ailleurs beaucoup régressé avec le développement considérable de l’urbanisation. Nous nous concentrerons plutôt sur la végétation du massif de Sicié et de la forêt de Janas, qui est à certains points de vue particulièrement originale en raison de la localisation géographique de la presqu’île de Sicié.

D’une façon générale, compte tenu du climat de la région, la majeure partie de la flore naturelle est adaptée à la chaleur et à des sécheresses pouvant être prolongées. Ces plantes (dites xérophiles) peuvent présenter certains des caractères morphologiques suivants :

- Réduction de la surface des feuilles (Bruyère, Asperge, Pins, Genévrier, Rue,…), ou transformation de certains rameaux en épines (Calycotome, Salsepareille,..).
- Épiderme des feuilles rendu imperméable par une cuticule épaisse ou un enduit cireux (Chêne vert, Chêne-liège, Chêne Kermès, Olivier, Myrte, Laurier Tin, Arbousier, Filaires, Pistachier Lentisque, Nerprun,…) ou recouvert de longs poils (Cistes, Bonjeanie, Séneçon cinéraire,…).
- Plantes s'enveloppant d'essences odorantes pour réduire l'évaporation (Lavandes, Thym, Calament, Romarin, Psoralée, Rue, Inule,…).
- Modification des tissus donnant lieu à des sous-arbrisseaux ligneux (Thym, Romarin, Lavandes, Globulaire Alypum, Odontitès,…).
- Décalage de la période végétative avec repos d'été et floraison d'automne (Aster à feuilles de Sédum, Salsepareille, Asperge) ou d'hiver (Arbousier, Fragon, Laurier Tin,…).

Parmi les différents types de végétations que nous allons décrire, nous examinerons successivement la flore d’origine du massif (telle qu’elle était avant intervention de l’homme), puis quelques-uns de ses stades de substitution et de dégradation (maquis, garrigues, pelouses…), et enfin, plus brièvement, quelques autres types de végétations : plantes des rochers ou des éboulis, associations hygrophiles et halophiles. Les noms des végétaux seront énumérés en français (nom de genre en majuscule suivi du nom d’espèce en minuscule). Les végétaux les plus caractéristiques (140 espèces environ) feront l’objet, lors de leur première mention, d’un court paragraphe de description dans lequel seront donnés successivement le nom français et les noms vulgaires (caractères gras), le nom latin (italique) et quelques noms provençaux [italique, entre crochets] en utilisant la graphie mistralienne. Les noms suivis d’un astérisque (*) correspondent aux végétaux représentées dans les planches couleurs annexées au texte.


1) La chênaie de Chêne vert, ou yeuseraie (Quercetum ilicis)

C’est la végétation telle qu’elle était avant l’apparition d’activités humaines, ou telle qu’elle reviendrait vraisemblablement si l’homme cessait toute intervention (prélèvements d’arbres, débroussaillements, incendies). Pour le massif de Sicié, le Quercetum ilicis constitue ce qu’on appelle un climax, c’est-à-dire un état d’équilibre du développement végétal dans un milieu climatique précis.

On retrouve la chênaie de Chêne vert, floristiquement très complète, dans presque tous les vallons du massif, ainsi que dans les haies qui bordent de nombreux chemins. On sait d’ailleurs que, lorsqu’un type de végétation est réellement climacique il est difficile à éliminer complètement : il s’accroche et se maintient sur les rares points qui échappent à l’exploitation humaine, notamment sur les talus et dans les haies.

La composition floristique de la chênaie de Chêne vert est identique à celle des yeuseraies de Provence, bien qu’elle ne se présente le plus souvent que sous la forme de taillis ne dépassant pas ici les 10-12 m. On trouve ainsi dans la strate arborescente : le Chêne vert, le Chêne-liège, le Pin d’Alep et le Pin maritime.

- Le Chêne vert (*), ou Yeuse (Quercus ilex L.) [Prov. Éuse, Éusin, Éuve, Chaine verd], arbre pouvant atteindre 25 à 30 mètres de haut et vivre jusqu'à 1 500 ans, autrefois utilisé pour la fabrication du charbon de bois, mais aujourd’hui négligé et méconnu dans la région, en dépit de ses qualités exceptionnelles : il est peu inflammable, repousse après l'incendie et s'accommode de conditions extrêmes de température, de sècheresse, d'altitude et de composition des sols.
- Le Chêne-liège (*) (Quercus suber L.) [Prov. Suve, Suvié, Suvrié], arbre qui colonise les sols siliceux profonds, dont l’écorce très épaisse, récoltée tous les 8-10 ans, fournit les bouchons de liège et divers produits agglomérés.
- Le Pin d'Alep (*), Pin blanc, ou Pin de Jérusalem (Pinus Halepensis Mill.) [Prov. Pin blanc, Pin de Cavaioun, Pin dóu Leberoun], rencontré surtout sur les crêtes et versants Sud ainsi que sur toutes les pentes dominant la mer.
- Le Pin maritime (*), Pin mésogéen, Pin des Landes, ou Pin de Bordeaux (Pinus pinaster Soland, ou Pinus  maritima Lam.) [Prov. Pin marin, Pin bastard ; parfois Pinsot ou Pinastre], généralement limité au fond des vallons ou au bas des pentes Nord, mais qui s'est malheureusement raréfié après les ravages causés par divers insectes.

Dans la strate arbustive, à côté de Chênes verts de petite taille : la Bruyère arborescente, le Pistachier Lentisque, le Fragon piquant, le Laurier Tin, l’Arbousier Unedo, la Filaire à feuilles étroites, le Nerprun alaterne, la Salsepareille rude, le Calycotome épineux, le Chèvrefeuille entrelacé, la Garance voyageuse, l’Euphorbe Characias, l’Asperge sauvage, le Daphné Gnidium, la Clématite Flammette, le Lierre grimpant, la Ronce à feuilles d'Orme, la Filaire à feuilles larges, la Lavande Stœchas, etc.

- Le Pistachier Lentisque (*), ou Lentisque (Pistacia lentiscus L.) [Prov. Lentiscle], arbrisseau à feuillage persistant, dont les folioles sont en nombre pair et qui donne des fruits d’abord rouges puis noirs.
- Le Fragon piquant (*), ou Petit-Houx (Ruscus aculeatus L.) [Prov. Verbouisset, Verd-bouisset, Verd-bouis], qui donne des boules rouges semblables à celles du houx.
- Le Laurier Tin (*), ou Viorne Tin (Viburnum tinus L.) [Prov. Faveloun, Laurié-flouri, Pato-molo], arbrisseau qui décore les sous-bois et les haies par ses grandes têtes florales blanches apparaissant de novembre à mai, simultanément aux baies d’un bleu métallique de l’année précédente.
- La Filaire à feuilles étroites (*), Alavert, ou Aouret (Phillyrea angustifolia L.) [Prov. Aladèr mascle, Filaria], arbuste à feuilles persistantes dont les minuscules fleurs blanches donnent de petits fruits bleu violacé en automne.
- La Filaire à feuilles larges, Alavert, ou Aouret (Phillyrea latifolia L.) [Prov. Filaria, Fielagno, Gros alader], qui diffère du précédent par ses feuilles vert clair et plus larges.
- Le Nerprun alaterne (*), Alaterne, ou Bourgue-Épine (Rhamnus alaternus L.) [Prov. Alader, Daladèr, Daradèu, Taradèu], arbuste à feuilles coriaces et brillantes, légèrement dentées, produisant des baies rouges au printemps.
- Le Poirier à feuilles d’Amandier (Pyrus spinosa Forssk.), arbuste à rameaux épineux et à fleurs blanches, portant de petites poires sans intérêt.
- La Salsepareille rude, Salsepareille d'Europe, ou Liseron épineux (Smilax aspera L.) [Prov. Esglariat, Esclariat, Aglariat, Rin Viergé, Saliège], liane entièrement chargée d’épines rudes, qui bloque souvent toute progression en sous-bois, et qui donne en hiver des grappes de baies rouges.
- La Garance voyageuse (Rubia peregrina L.) [Prov. Rùbi, Garanço, Lisari, Arraparello, Rais-restèu, Rapeguiéu, Reboulo, Sauno-lengo], genre connu pour le colorant rouge que l'on peut extraire des racines (de sa forme cultivée).
- L’Euphorbe Characias (*), ou Grande Euphorbe (Euphorbia characias L.) [Prov. Éuforbi, Lachusclo], plante atteignant un mètre, évitée par les brebis. Son latex brûle la peau, peut réduire les verrues et fut autrefois utilisé par les braconniers pour fabriquer la glu.
- Le Daphné gnidium, Garou, ou Saint-Bois (Daphne gnidium L.) [Prov. Garou, San bois, Canto-Perdris, Herbo dóu cauteri], ancienne plante médicinale vénéneuse souvent confondue avec une Euphorbe, aux fleurs blanches odorantes suivies de drupes rouges.
- La Clématite Flammette (Clematis flammula L.) [Prov. Redorto, Aubavit, Entre-vediéu, Jaussemin bastard, Rivouerto, Viradello], liane, véritable corde végétale, rencontrée dans les terrains ouverts.
- Le Lierre grimpant (Hedera helix L.) [Prov. Èure, Èuro, Èuse], liane à feuilles persistantes en hiver et à baies bleu violet, en grappes, toxiques.
- La Ronce à feuilles d'Orme, ou Ronce arbrisseau (Rubus ulmifolius Schott.) [Prov. Róumi, Arróumi, Roume, Roumias], qui donne les mûres.

Enfin, dans la strate herbacée : la Thrincie tubéreuse (*) (Leontodon tuberosus L.), la Pulicaire odorante (*) (Pulicaria odora (L.) Rchb.), la Céphalaire à fleurs blanches, l’Asplénium Doradille-noire, et plusieurs poacées (Brachypode rameux, Paturin bulbeux, Lagure ovoïde, Flouve odorante, Dactyle aggloméré,...) formant un groupement caractéristique, la bauque (ou bauco) des provençaux.


2) Un stade particulier de substitution du Quercetum ilicis : la forêt de Chêne-liège, ou subéraie (Quercetum ilicis suberetosum)

La subéraie est probablement une création de l’homme dans l’ensemble de la Provence cristalline ou, du moins, l’homme en a assuré l’extension pour ses besoins. La répartition du Chêne-liège dans le massif de Sicié suggère l’idée de leur plus grande extension autrefois car de nombreux îlots subsistent un peu partout dans le maquis avec lequel la limite est difficile à tracer. La subéraie forme cependant une bordure plus importante dans les parties du massif les plus rapprochées des zones d’agglomération, ce qui donne bien l’impression d’une plus grande extension autrefois et d’un abandon progressif sur les hauteurs et d’une exploitation restant concentrée sur les zones les plus facilement accessibles, c’est-à-dire au bas des pentes et à proximité des agglomérations.

La comparaison de la subéraie et de l’yeuseraie, montre que la substitution du Chêne-liège au Chêne vert dans la strate arborescente n’entraîne pas de modification globale de la composition floristique, mais seulement des modifications quantitatives pour certaines espèces, telles qu’une réduction du Calycotome, de la Salsepareille ou du Pistachier Lentisque. Cela s’explique par le fait que le Chêne-liège n’assure qu’une couverture plus faible des strates sous-jacentes que le Chêne vert et indique que la subéraie n’est en fait bien qu’une sous-association de la Chênaie d’Yeuse. L’abondance du Chêne vert dans la strate arbustive, sous les Chênes-liège indique par ailleurs que le Chêne vert, dans des conditions naturelles, a l’avantage sur le Chêne-liège et doit ainsi le supplanter.


3) Les stades de dégradation de la chênaie de chêne vert

Si la chênaie de Chêne vert ne comporte aucune différence avec celle des Maures ou même de la Provence calcaire, il n’en est pas de même des divers types de maquis issus de sa dégradation - ces stades de dégradation pouvant d’ailleurs être considérés tout aussi bien comme des stades de retour à la chênaie originelle lorsque l’Homme cesse d’intervenir.

a) Le maquis élevé à Bruyère arborescente et à Arbousier

Il est surtout caractérisé par :

- La Bruyère arborescente (*) (Erica arborea L.) [Prov. Brugas mascle, Bruscas mascle, Brusc mascle], arbrisseau de 1à 4 mètres, qui donne au printemps de nombreuses fleurs odorantes blanches ou rosées.
- L’Arbousier Unedo (*), ou Arbre-aux-Fraises (Arbutus unedo L.) [Prov. Arbous, Arboussié, Faus-Fraguié], arbre de 1 à 10 mètres, à feuilles persistantes, luisantes au dessus, à bordure dentée, et aux fleurs en forme de clochettes blanches pendant en grappes, apparaissant à l’automne, en même temps que les fruits de l’année précédente, rouges et comestibles (arbouses).

Ce maquis forme des massifs continus et denses dans les Maures, mais il se dissémine de plus en plus lorsqu’on se déplace vers l’Ouest. Il semble à son optimum sur le cristallin, mais il n’est pas absolument lié à ce type de sol puisqu’il ne régresse que progressivement en allant vers la Basse-Provence calcaire. Le maquis à Bruyère arborescente et à Arbousier est ainsi plus rare dans le Massif de Sicié que dans les Maures et l’Estérel et il manifeste une nette tendance à se localiser sur le bas des versants Nord et dans les fonds de vallons (parties Ouest de la forêt de Janas, environs de l'ancien lavoir du Rayolet, pentes Ouest de la colline du Peyras, colline du Fort Napoléon) où il ne peut rechercher qu’une température plus fraîche et surtout une plus grande humidité. Pour les mêmes raisons, on l’observe davantage dans la presqu’île de Saint-Mandrier que dans le massif de Sicié.

La composition floristique de ce maquis est également différente. On est surpris par la faible abondance de l’Arbousier dans le massif de Sicié, alors que cette espèce est généralement co-dominante avec la Bruyère arborescente en Provence cristalline. Egalement, si la Bruyère arborescente est encore très abondante dans le Massif de Sicié, la Bruyère à balais ne se trouve guère qu’à Saint-Mandrier où elle forme un maquis particulier, moins élevé, en association avec la Lavande Stœchas et parfois une autre Ericacée, la Callune vulgaire (ou Bruyère Callune). D’autre part, dans ce maquis, le Calycotome épineux prend de l’importance et s’apprête à former un maquis très particulier décrit un peu plus loin.

Se retrouvent également dans ce maquis :

- Le Genévrier oxycèdre (*), Faux-Genévrier, ou Cade (Juniperus oxycedrus L.) [Prov. Cade, Cade picant], petit arbre à feuilles en aiguilles présentant deux bandes blanches sur la face supérieure. L’huile qu’on extrait de son bois est utilisée en dermatologie.
- Le Chèvrefeuille entrelacé, ou Chèvrefeuille des Baléares (*) (Lonicera implexa Aiton) [Prov. Pandecousto, Pantacousto, Cabrifuei, Maire sèuvo], aux feuilles coriaces entourant la tige, et qui porte au printemps  des fleurs à odeur suave semblant sortie directement des feuilles supérieures.
- La Dorycnie à cinq feuilles (*) (Dorycnium pentaphyllum Scop.) [Prov. Blanquetto, Badasse], sous-arbrisseau dense à base ligneuse, à nombreuses feurs blanches très mellifères.
- L’Asperge sauvage, ou Asperge à feuilles aiguës (*) (Asparagus acutifolius L.) [Prov. Espargo-fèro, Roumaniéu-couniéu, Espargasso, Pèd-de-ròumi], dont les jeunes pousses sont comestibles et très recherchées en mars-avril.
- Le Céphalanthère à feuilles en épée, ou Faux-Muguet (Cephalanthera longifolia (L.) Fritsch), orchidée aux fleurs d’un blanc pur.
- Le Carex glauque (Carex glauca Murr.).

Et d’autres végétaux déjà mentionnés (Pin d’Alep, Filaire à feuilles étroites, Salsepareille rude, Brachypode rameux, le Brachypode de Phénicie, l’Asperge sauvage, le Daphné Gnidium) ou dont il sera question plus loin (Romarin officinal, Ciste à feuilles de Sauge, Ciste de Montpellier, Lavande Stœchas, Sérapias en cœur, Orchis picta, etc.).

b) Le maquis bas à Bruyère à balais et à Lavande Stœchas (Ericeto-Lavanduletum stoechidis)

Ce type de maquis est surtout développé sur la presqu’île de Saint-Mandrier où il comporte, à côté d’Erica scoparia et Lavandula stœchas, une autre Éricacée, Calluna vulgaris, qui évoque régulièrement, en Provence cristalline, des lieux relativement humides. Mais ce type de maquis est rare dans la presqu’île de Sicié où l’on n’a pas retrouvé de Callune.

On voit souvent, cependant, un maquis bas où Erica scoparia et Lavandula stœchas abondent, mais alors le Calycotome devient également abondant et c’est l’ébauche du maquis à Calycotome annoncé ci-dessus qui paraît bien marquer lui aussi un caractère de transition entre la végétation de la Provence cristalline et celle de la Provence calcaire.

D'après un relevé effectué dans la Presqu’île de Saint-Mandrier, ce maquis bas présente la composition floristique suivante : Erica scoparia, Lavandula stœchas et Orchis picta (qui sont ses trois plantes caractéristiques), accompagnées de divers vestiges des stades antérieurs de dégradation tels que Filaire à feuilles étroites, Dorycnie, Bruyère arborescente, Arbousier, Chêne-liège, Ciste cotonneux, Chèvrefeuille, Lentisque, Asperge, Daphné Gnidium, Thrincie tubéreuse, etc., ainsi que, sur la zone littorale, Myrte commun et Genévrier de Phénicie.

- La Bruyère à balais (*) (Erica scoparia L.) [Prov. Brugas femèu, Brusc femèu, Brusc d'escoubo], autre bruyère, de plus petite taille que la Bruyère arborescente, à rameaux glabres et à floraison de printemps verdâtre. Elle a servi à la fabrication de balais ainsi que de panneaux de clôtures.
- La Lavande Stœchas (*), Lavande des Maures, ou Lavande à toupet (Lavandula stœchas L.) [Prov. Queirelet, Estacado], arbrisseau aromatique très ramifié au feuillage feutré blanc-gris et à superbe floraison de printemps : fleurs bleu violacé très odorantes surmontées de deux grandes bractées lilas soutenu.
- L’Orchis morio (*), ou Orchis bouffon (Orchis morio L., S.E. picta Lois.), orchidacée à fleurs de couleurs variées, du violet pourpre au lilas rose.
- Le Myrte commun (*) (Myrtus communis L.) [Prov. Nerto], arbuste buissonnant à feuilles vert foncé, vernissées, et à fleurs blanches portant une touffe centrale d’étamines et dégageant un parfum capiteux. Les baies pourpre noir sont utilisées pour produire une liqueur. Les vertus médicinales du Myrte sont connues depuis l’Antiquité.
- Le Genévrier de Phénicie, Morven, ou Lycien (Juniperus phœnicea L.) [Prov. Cade dourmihous, Cade mourven, Cade sourbin], qui se distingue du Genévrier cade par ses fruits marron rouge et par ses rameaux en écailles (et non à aiguilles), semblables à ceux du Cyprès.

c) Le maquis à Calycotome épineux (Argelas)

Il constitue un stade déjà avancé de dégradation. Lorsque le feu n’est pas passé depuis quelques années, il forme ainsi des peuplements denses, plus impénétrables que le maquis normal à Erica arborea et Arbutus unedo. C’est le groupement végétal qui couvre la plus grande partie du massif, que l’on soit en exposition Nord ou Sud, et il ne laisse parfois aux autres groupements que les fonds de vallons et le bas des pentes Nord. Mais, comme l’Arbousier et la Bruyère arborescente, le Calycotome s’efface progressivement lorsque l’on gagne vers l’Ouest.

A côté du Calycotome épineux, ou Argelas qui en est sa caractéristique, on y retrouve une partie des végétaux de la chênaie d’yeuse (Lentisque, Salsepareille (*), Nerprun, Filaires, Asperge, Chèvrefeuille, Brachypode rameux, etc.), du maquis bas (Lavande Stœchas) ainsi que des plantes des cistaies (voir ci-après) (Filago de France, Lin de France, Grande Brize, etc.) et diverses compagnes (Arisarum vulgaire, Pulicaire odorante, Sélaginelle denticulée, etc.).

- Le Calycotome épineux (*), Ajonc de Provence, ou Argelas (Calicotome spinosa (L.) Link.) [Prov. Argeiras, Genèsto pounchudo], forme des massifs infranchissables.
- L’Arisarum vulgaire (*), Arum Arisarum, Capuchon de moine, ou Gouet à capuchon (Arisarum vulgare Targ.-Tozz) [Prov. Capouchoun, Calèu, Figueiroun].
- Le Lin de France (Linum trigynum L.), autre Lin de petite taille, à fleurs jaunes espacées le long des rameaux.
- La Grande Brize (*), ou Amourette tremblante (Briza maxima L.) [Prov. Erbo à cimboul, Erbo d'amour, Erbo tremblanto, Pan de passeroun].
- La Sélaginelle denticulée (*) (Selaginella denticulata (L.) Link.), plante Ptéridophyte souvent confondue avec une mousse, dont les nombreux rameaux rampantes forment des tapis dans les lieux humides et ombragés.

d) La cistaie

L’abondance des Cistes - qui évoque l’idée d’une profonde dégradation de la végétation - est un caractère frappant de la végétation du massif du Cap Sicié. Le Calycotome y est presque toujours présent et les transitions vers le maquis à Calycotome décrit ci-dessus sont souvent insensibles. Les végétaux caractéristiques de cette association dite Cisto-Lavanduletalia qui constitue nos cistaies sont les suivants : Ciste de Montpellier, Ciste à feuilles de Sauge, Ciste blanc, Calycotome épineux, Lavande Stœchas.

Certaines Cistaies comportent les trois Cistes : Cistus salvifolius, Cistus Monspeliensis, Cistus albidus ; d'autres, deux seulement, et lorsque Cistus albidus est absent, cela indique que l'on tend vers le maquis à Calicotome spinosa ou à Erica arborea. D’ailleurs les Cistes sont toujours abondants dans le maquis de Sicié et d’autant plus qu’il est plus bas et plus clairsemé.

- Le Ciste de Montpellier (*) (Cistus monspeliensis L.) [Prov. Messugo negro], à nombreuses fleurs blanches. Il est surtout abondant dans les régions cristallines, mais on le voit également former de grands peuplements en région calcaire où il paraît cependant se localiser plus étroitement sur des sols anciennement cultivés et fréquemment parcourus par l’incendie.
- Le Ciste à feuilles de Sauge (*) (Cistus salvifolius L.) [Prov. Messugo trebo, Messugo tarébou], à grandes fleurs blanches. Il est assez fréquent sur les terrains cristallins et, sur les sols calcaires de la Provence, il recherche les sables dolomitiques et les grès siliceux.
- Le Ciste cotonneux (*), ou Ciste blanc (Cistus albidus L.) [Prov. Messugo blanco, Estènde-pedans, Badafo], à feuilles veloutées, blanchâtres et à grandes fleurs roses. Il est beaucoup plus localisé que les précédents sur les calcaires et on ne l’observe que rarement en Provence cristalline. Or il se mêle fréquemment aux espèces du maquis dans la Presqu’île de Sicié, par exemple autour du Peyras et sur les pentes Sud du Mai. Ce ciste est considéré comme caractéristique de la garrigue à Chêne Kermès, très représentative des affleurements calcaires en Provence calcaire occidentale et en Languedoc.

Nos cistaies sont souvent accompagnées d’une strate herbacée constituée de Filago de France, Trépane barbue, Petite Centaurée maritime, Bonjeanie hérissée, quelquefois de Cytinet hypociste, et de diverses plantes déjà citées ci-dessus (Grande Brize, Pulicaire odorante, Arisarum vulgaire, etc.).

- Le Filago de France (*), ou Cotonnière (Filago gallica, ou Logfia gallica L.) [Prov. Erbo à coutoun, Coutounado, Erbo di Tarnagas, Erbo-griso].
- La Trépane barbue, ou Œil-du-Christ (Tolpis barbata (L.) Gaertn.), astéracée annuelle, aux ligules extérieures jaune soufre et intérieures brun pourpre.
- Le Sérapias en cœur (*), ou Helléborine (Serapias cordigera L.), orchidacée attirante par la beauté de ses grandes fleurs d’un rouge violacé.
- La Petite Centaurée maritime (Centaurium maritimum (L.) Fritsch), petite gentianacée à corolle à long tube et à pétales jaunes.
- La Bonjeanie hérissée, ou Pied-de-Coq (Bonjeania hirsuta (L.) Rchb., ou Dorycnium hirsutum L.), légumineuse très velue, à fleurs blanches ou rosées à carène tachée de pourpre au sommet.
- Le Narcisse douteux (Narcissus dubius Gouan), petit Narcisse à fleurs blanches et à feuilles glauques, poussant habituellement sur du calcaire.
- La Linaire de Pélissier (Linaria Pelisseriana (L.) Miller), plante discrète, mais aux fleurs d’une grande beauté, violet pourpre veinées de blanc.
- Le Cytinet hypociste (*) (Cytinus hypocistis L.), plante minuscule et curieuse, sans chlorophylle, qui parasite les racines des Cistes.
e) La garrigue à Romarin

La garrigue à Romarin est, en principe, très représentative de la Provence calcaire (tout comme la garrigue à Chêne kermès) où elle occupe d’anciennes cultures et des sols marneux ou sablonneux. Mais elle est assez rarement présente dans la Provence cristalline.

Il est donc remarquable de la trouver dans la presqu’île de Sicié, notamment sur certains versants secs et chauds, ou dans les fentes de rochers bien exposés, par exemple au Nord de N.-D. du Mai, sans doute en raison d’arènes sablonneuses formées soit par décomposition des phyllades quartzeuses, soit par apports d’origine éolienne.

Les plantes caractéristiques de cette garrigue à Romarin sont :

- Le Romarin officinal (*) (Rosmarinus officinalis L.) [Prov. Roumaniéu], un des arbrisseaux les plus caractéristiques du Midi, plante mellifère, qui peut fleurir de janvier à décembre.
- La Globulaire Alypum (*), Globulaire turbith, ou Séné de Provence  (Globularia alypum L.) [Prov. Bè-de-passeroun, Erbo-terriblo, Erbo dóu bon pastour, Toundut], qui forme de petits buissons clairs à feuillage persistant et portant des fleurs bleues dès janvier.
- Le Fumana à feuilles de Thym (Fumana thymifolia (L.) Verlot)

On y rencontre également les compagnes suivantes :

- Le Thym vulgaire (*) (Thymus vulgaris L.) [Farigoulo, Farigoulette], arbrisseau aromatique, la plus connue des Herbes de Provence, employé aussi en parfumerie et en médecine.
- La Rue à feuilles étroites (Ruta angustifolia Pers.) [Prov. Rudo], sous-arbrisseau à odeur très désagréable.
- Le Chêne kermès, ou Chêne à cochenille (Quercus coccifera L.)  [Riganéu, Reganéu, Avaus, Avausse], arbrisseau de 0,5 à 3 mètres, aux feuilles persistantes, coriaces et épineuses. A noter cependant que ce chêne, qui a été signalé dans la partie six-fournaise de la forêt de Janas et au Brusc, n’a pas été récemment retrouvé sur la commune de La Seyne.
- Le Genêt d'Espagne, ou Spartier (Spartium junceum L.) [Pov. Ginesto], aux fleurs jaunes odorantes, plante très toxique.
- L’Aster à feuilles de Sédum, ou Aster âcre (Aster sedifolius L.), plante à feuilles très fines le long de la tige et à floraison automnale  bleue ou lilas.
- Le Salsifis à feuilles de Crocus, ou Salsifis à feuilles de Poireau (Tragopogon crucifolius L., ou Tragopogon porrifolius L.), liliacée à fleurs violet lilas, qui est la forme méridionale du Salsifis cultivé.
- Le Calament officinal, ou Calament Népéta (Calamintha officinalis Moench, ou Calamintha nepeta Clairville) [Prov. Menugueto], lamiacée  à fleurs d’été lilas violacé, à forte odeur mentholée.
- Le Séneçon livide (Senecio lividus L.) [Prov. Seniçoun, Erbo-di Cardelino), astéracée à feuilles bleuâtres et à odeur de Fenouil.
- La Leuzée à cône (Leuzea conifera (L.) DC.), qui présente de gros involucres brillants en forme de pommes de pin.
- La Lavande à larges feuilles (Lavandula latifolia (L.) Villars) [Prov. Lavando], forme sauvage d’une espèce bien connue utilisée en parfumerie pour son odeur camphrée.
- La Stéhéline douteuse (Staehelina dubia L.), sous-arbrisseau très ramifié, à feuilles blanchâtres et à fleurs roses.
- La Germandrée Petit-Chêne (Teucrium chamaedrys L.) [Prov. Calamandrié, Pichoun Rouve], petite lamiacée à floraison rose, de juin à octobre, autrefois utilisée en médecine.
- Le Limodore à feuilles avortées (Limodorum abortivum L.), orchidacée dépourvue de chlorophylle, semblable à une Orobanche, qui parasite des racines d’arbres.

Ainsi que divers végétaux déjà mentionnés ci-dessus : Pin d'Alep, Genévrier Oxycèdre, Euphorbe Characias, Filaire à feuilles étroites, Brachypode rameux, etc.

Cette garrigue à Romarin peut être considérée comme une véritable irradiation d’un groupement caractéristique de la Provence calcaire vers la Provence cristalline. Ainsi donc, certaines espèces propres à la Provence calcaire ou à la Provence cristalline, dépassent les limites de celle des deux Provence qu’ils caractérisent pour disparaître plus ou moins rapidement dans l’autre. Ils définissent bien une zone de transition entre les deux parties de la Provence et cette zone est particulièrement sensible dans la Presqu’île de Sicié qu’elle englobe. Certaines autres espèces font cependant exception puisque, par exemple, ni l’Amélanchier, ni l’Aphyllante de Montpellier, si communs sur le Gros Cerveau et sur les collines au nord de Toulon, ne se retrouvent dans le massif de Sicié.

f) Les bois de Pins

Les trois Pins (Pin d’Alep, Pin maritime et Pin pignon) sont présents dans le Massif de Sicié mais ne sont localisés dans aucune association végétale particulière.

Le Pin d’Alep (Pinus halepensis Mill.) est abondant partout, mais particulièrement sur les crêtes, les versants Sud et les bas coteaux entourant le massif. Il est le seul à pouvoir coloniser les pentes dominant la mer.

Le Pin maritime, ou Pin mésogéen (Pinus pinaster Soland), naguère très abondant, s’est raréfié. Exigeant davantage d’humidité que le Pin d’Alep, il recherche naturellement, comme dans  les Maures, les fonds de vallons et les bas des pentes Nord. Il n’est toutefois nullement cantonné sur les terrains cristallins car on le trouve sur calcaire des Alpes-Maritimes aux Bouches-du-Rhône ; il perd toutefois de la vitalité dans ces derniers départements probablement à cause des exigences climatiques précisées ci-dessus et qu’il y trouve moins bien réalisées que dans les Maures et l’Estérel.

Quant au Pin pignon, ou Pin parasol (Pinus pinea L.), il se trouve toujours en petits peuplements dans des fonds de vallons généralement remplis d’alluvions ou à proximité d’habitations où il a été certainement introduit. Sa présence est liée à l’existence d’arènes issues de la décomposition des roches cristallines.

g) Les pelouses

Stades de dégradation encore plus avancés, avant l’apparition du sol nu, plusieurs types de pelouses apparaissent en clairière, entre les zones de maquis ou de cistaies, en de nombreux points du massif.

La pelouse à Brachypode rameux (*) (Brachypodium ramosum (L.) R. et S.), que l’on trouve souvent en exposition Sud) a la composition floristique suivante :

- Le Fenouil commun, ou Fenouil poivré (Foeniculum piperitum Ucria.) [Prov. Fenoui], plante aromatique très appréciée en cuisine grâce à l’odeur anisée dégagée par ses feuilles et ses graines.
- La Picridie vulgaire (*), ou Reichardie Faux-Picris (Picridium vulgare Desf., ou Reichardia picroides (L.) Roth.) [Prov. Coustelino, Costo-Counihiero, Terro-Grèpio], dont les feuilles glauques se consomment en salade de goût incomparable.
- La Carline en corymbes (Carlina corymbosa L.) [Prov. Carlino, Carlineto], plante blanchâtre à feuilles très épineuses et dont les capitules jaunes sont entourés de bractées membraneuses et raides, de couleur dorée.
- L’Inule visqueuse (Dittrichia viscosa (L.) Greuter) [Prov. Nasco, Erbo-di-masco, Embriago], astéracée envahissante à tiges devenant ligneuses et à floraison jaune de fin d’été, toute glanduleuse-visqueuse et à odeur forte.
- Le Millepertuis perforé (Hypericum perforatum L.) [Herbo de San Jan, Herbo de l'oli rougé], plante médicinale dont les feuilles portent des poches sécrétrices transparentes donnant l’impression de multiples perforations.
- Le Lin dressé (Linum strictum L.), petite plante à tige droite portant des feuilles effilées et de petites fleurs jaunes groupées en cymes.
- Le Lin à feuilles étroites (Linum bienne Miller), plante de 30 à 50 cm à tige grêle, ramifiée et à pétale bleu pâle, proche du Lin cultivé.
- La Barlie de Robert (Barlia robertiana Greiter), ou Orchis géant (25-70 cm), autrefois appelé Loroglosse à longues bractées, orchidacée qui fleurit dès janvier et dont les fleurs dégagent une agréable odeur d’Iris.
- L’Odontitès jaune (Odontites luteus (L.) Rchb.), scrofulariacée annuelle, fortement ramifiée, à floraison d’automne jaune.
- Le Trèfle étoilé (Trifolium stellatum L.), petite légumineuse qui doit son nom à la forme de son calice qui, lors de la fructification, devient rouge et se déploie en une petite étoile à cinq branches
- Le Trèfle à feuilles étroites (Trifolium angustifolium L.), autre légumineuse qui se reconnaît à son inflorescence allongée en épi et portant de petites fleurs roses entourées d’un calice à dents acérées.
- De nombreuses poacées (Brachypode, Paturin, Lagure, Dactyle,...) formant un groupement caractéristique, la bauque (ou bauco) des provençaux.
La pelouse à Brachypode de Phénicie (Brachypodium phoenicoides R. et S.) s’observe plutôt sur les talus et dans les anciennes cultures. On y voit notamment, avec B. phoenicoides dominant, des plantes caractéristiques telles que :
- La Centaurée rude (Centaurea aspera L.), astéracée basse et ramifiée, à bractées épineuses, et à capitules de fleurs pourprées, les extérieures largement ouvertes.
- Le Galactitès cotonneux, ou Chardon élégant (Galactites tomentosa Mœnch), astéracée voisine des chardons, reconnaissable à ses tiges tomenteuses et à ses capitules de couleur lilas dont les fleurs tubulées extérieures sont grandes et rayonnantes
- La Molène à feuilles sinuées, ou Bouillon blanc (Verbascum sinuatum L.), scrophulariacée pouvant atteindre 2 mètres, couverte de poils cotonneux et portant de nombreux rameaux couverts de fleurs jaune soufre à étamines violettes.
- La Vipérine vulgaire (Echium vulgare L.) [bourrage-fèr], borraginacée à grandes tiges hérissées de longs poils rigides et portant des fleurs bleues.

Enfin, la pelouse à Hélianthème à gouttes, qui constitue un groupement particulièrement intéressant bien que moins riche en espèces que la pelouse correspondante des Maures. A Sicié, elle est caractérisée par :

- Le Filago de France, ou Cotonnière (déjà mentionné dans les Cistaies).
- L’Hélianthème à gouttes (*), ou Grille-Midi (Tuberaria guttata (L.) Fourr.) [Prov. Messugueto, Erbo-d’or], plante annuelle rencontrée dans les zones sablonneuses, dont la base des pétales est maculée de taches sombres.
- Le Silène de France (*), ou Silène à cinq plaies (Silene gallica L.), dont les pétales roses sont parfois ornés de belles macules rouges.
- Le Plantain de Bellardi (Plantago bellardii Allione), petite plante velue qui croît dans les terrains herbeux, sablonneux
- L’Andryala à feuilles entières (Andryala integrifolia L.), astéracée à tige ramifiée et très velue, à fleurs jaune citron.
- L’Asphodèle porte-cerise (*) (Asphodelus cerasiferus Gay) [Prov. Pourraco], liliacée atteignant 1,50 mètre, produisant de longues grappes de fleurs blanches striées de brun, se développant du bas vers le haut, résistant au feu et au débroussaillage grâce à ses nombreuses racines tuberculeuses.
- Le Panicaut champêtre, Chardon-Roland, ou Chardon roulant (Eryngium campestre L.), apiacée très épineuse qui dissémine ses graines grâce à ses pieds morts qui sont emportés en roulant par le vent.
- La Valériane tubéreuse (Valeriana tuberosa L.), plante de petite taille, à fleurs roses disposées en une tête terminale et à tige portant des feuilles profondément découpées en segments allongés.
- Le Centaurium en ombelles, ou Erythrée Petite-Centaurée (Centaurium erythraea Rafn.).

Et plusieurs poacées : La Grande Brize, l’Oryzopsis à aspect de Millet (Oryzopsis miliacea (L.) Asch-Schw.), l’Oryzopsis bleuissant (Oryzopsis cœrulescens (Desf.) Richt.), le Paturin bulbeux (Poa bulbosa L.), le Lagure ovoïde (Lagurus ovatus L.).


4) Quelques autres types de végétations

a) Les plantes des rochers et des éboulis

Le massif de Sicié comporte surtout des phyllades souvent lardées de lits de quartz qui déterminent des affleurements rocheux assez fréquents. Lorsque les lits de quartz sont abondants et rapprochés ils protègent, en effet, les phyllades, et l'érosion laisse ainsi des masses rocheuses en saillie sur lesquelles peut s’installer la flore rupestre.

Cette flore est notamment caractérisée par :

- Le Lavatère maritime (*) (Lavatera maritima Gouan), malvacée qui atteint un développement considérable sur les affleurements cristallins de Sicié notamment dans l’Est et le Sud-Est de la presqu’île.
- Le Centhrante rouge (*), Valériane rouge, ou Lilas d’Espagne (Centhrantus ruber (L.) DC.) [Prov. Lila d’Espagno], plante formant de grandes touffes, aux tiges et feuilles vert-grisâtre assez charnue, et dont la floraison est généralement rose, mais parfois rouge foncé ou blanc.
- L’Ombilic à fleurs pendantes (*), Nombril-de-Vénus, Gobelets, ou Ecuelles (Umbilicus rupestris Salisb.) [Prov. Erbo-de-Moulin, Coucarello, Coucoumello, Escudet], plante à feuilles charnues, circulaires, avec pétiole central, à fleurs verdâtres ou rougeâtres, pendantes, en longue grappe.
- L’Alysson maritime (*), ou Corbeille d'argent (Alyssum maritimum (L.) Lmk.), petite brassicacée à fleurs blanches, que l’on peut trouver en fleur pratiquement toute l’année.
- Le Phagnalon des rochers (*) (Phagnalon saxatile (L.) Cass.), astéracée à tiges blanchâtres et à petits capitules jaunes avec bractées brunâtres.
- L’Immortelle Stœchas (*) (Helichrysum stœchas (L.) DC.) [Prov. Inmourtalo, Eternalo, Flour dóu Bon Diéu], dont les fleurs dégagent une odeur de curry et que l’on peut conserver en bouquets secs presque aussi longtemps que son nom le laisse supposer.
- Le Liseron Fausse-Mauve (*) (Convolvulus althaeoides L.), plante rampante ou volubile, à feuilles supérieures lobées et à grandes fleurs roses à gorge foncée.
- La Coronille à allure de Jonc (*) (Coronilla juncea L.), sous-arbrisseau à tiges compressibles, à folioles étroites, glauques et charnues et à fleurs jaunes groupées en couronnes.
- Le Plantain Psyllium (*), Pucier, ou Herbe-aux-Puces (Plantago afra L.), petit plantain à tiges feuillée, à feuilles opposées, à épis floraux ovoïdes, et dont les graines ont divers usages dans la pharmacopée.
- La Glaucienne jaune (*), ou Pavot cornu (Glaucium flavum Crantz), plante à grandes fleurs jaunes, à feuilles glauques, dentées et épaisses qui sécrètent à la coupure un suc laiteux orangé.
- La Psoralée bitumineuse (*) (Bituminaria bituminosa (L.) C.H. Stirt.) [Prov. Herbo-dóu-quitran], légumineuse à fleurs bleuâtres ou violacées qui a l'étonnante particularité, surtout les feuilles, de sentir nettement le goudron.
- La Gesse Climène (*) (Lathyrus clymenum L.), légumineuse couchée ou grimpante, glauque, à fleurs violacées ou purpurines, souvent solitaires.
- La Petite Mélique (Melica minuta L.), ou Mélique pyramidale (Melica pyramidalis Lmk), poacée à tiges grêles, feuilles enroulées et à épi lâche et unilatéral.
- L’Urosperme de Daléchamp (Urospermum dalechampii (L.) Schmidt) [Prov. Cicòri amar], plante à grands capitules de fleurs jaune pâle, dont les jeunes feuilles se consomment en salade d’hiver.
- La Laitue vivace, ou Salade de lièvre (Lactuca perennis L.) [Prov. Bréu, Cendrau], plante à fleurs bleues ou violacées, à lait abondant, qui attire les amateurs de salades sauvages.
- Le Cétérach officinal, Herbe-à-dorer, Herbe dorée, ou Doradille (Asplenium ceterach L.) [Prov. Erbo-daurado, Daurado, Erbo-de-la-brasiero].
- L’Asplénium Trichomanes, Polytric officinal, ou Capillaire (Asplenium trichomanes L.) [Prov. Erbo de l'escaleto].
- Le Polypode vulgaire, Polypode du Chêne, ou Réglisse des bois (Polypodium vulgare L.) [Prov. Poulipòdi, Regalisse-bastard, Erbo-de-Sant-Brancàci].

Avec un certain nombre de compagnes déjà mentionnées ci-dessus, telles que : Arisarum, Romarin, Picridie, Dorycnie, Galactitès, Oryzopsis bleuissant, Lin dressé, etc.

Signalons en outre que diverses espèces appartenant à des associations caractéristiques de la Provence calcaire se retrouvent souvent dans les rochers ou les éboulis de Sicié : Rue à feuilles étroites, Thym vulgaire, Lavande à larges feuilles, Brachypode à deux rangs, etc.

b) Les associations hygrophiles

On les retrouve dans certains vallons frais ou ubacs de la forêt de Janas, avec notamment :

- Le Chêne blanc (*), ou Chêne pubescent (Quercus pubescens Willd.) [Prov. Chaine blanc, Roure, Rouve], arbre dont les feuilles sèchent sur pied et ne tombent qu’à la fin de l’hiver, et qui recolonise facilement les secteurs où existe une certaine humidité.
- Le Frêne à feuilles étroites (*) (Fraxinus angustifolia Vahl.) [Prov. Frais], arbre atteignant 10-15 mètres et dont les fruits sont des samares ovales arrivant à maturité en octobre.
- Le Peuplier blanc (*) (Populus alba L.) [Prov. Pibo], à feuilles lobées, blanches ou cotonneuses en dessous.
- Le Sorbier domestique (*), ou Cormier (Sorbus domestica L.) [Prov. Sourbiero], arbre à feuilles caduques dont les fruits brun rougeâtre à maturité ressemblent à de petites pommes.
- Le Sureau noir (Sambucus nigra L.) [Prov. Sambu, Sambuquié], arbuste nitrophile, à fleurs blanches et à baies noires comestibles.
- Le Prunier épineux, Prunellier, ou Épine-noire (Prunus spinosa L.) [Prov. Prunelié, Agrenas, Bouissoun negre, Palinambro].
- L’Aubépine du Roussillon (Crataegus azarolus L., S.E. ruscinonensis Gren.) [Prov. Arsinat, Pouméto de paradis].
- L’Eglantier (Rosa canina L.) [Prov. Gratto cuou].
- Le Tamier commun (*), ou Herbe aux femmes battues (Tamus communis L.) [Prov. Repouncho], liane (dont les jeunes pousses sont consommables comme des asperges), et dont les racines étaient autrefois employées en médecine populaire pour soigner les contusions ou les meurtrissures.

Egalement, à proximité des anciens lavoirs (Moulières, Vallon de l'Oïde, Rayolet, Belle-Pierre, Roumagnan), ou du ruisseau qui longe le camping de Janas, on trouve un certain nombre d'arbres ou arbustes, souvent plantés, caractéristiques des lieux humides, notamment :

- Le Cerisier des oiseaux, ou Merisier vrai (Prunus avium L.) [Prov. Cereisié-fèr].
- Le Figuier de Carie (Ficus carica L.) [Prov. Figuiero].
- L’Aulne (ou Aune) en forme de cœur (Alnus cordata (Lois.) Desf.) [Prov. Verno, Averno].
- Le Laurier noble, ou Laurier sauce (Laurus nobilis L.) [Prov. Baguié, Laurié, Lausié].
- Le Platane à feuilles d'Érable (Platanus acerifolia Willd) [Prov. Platano, Platanié].
- Le Peuplier noir (Populus nigra L.) [Prov. Piboulo, Piboulas, Pibo bastardo, Piboulo d'Itàli].
- Le Tilleul vulgaire (Tilia cordata Mill.) [Prov. Tihòu].
- Le Micocoulier austral, ou Falabreguier (Celtis australis L.) [Prov. Falabreguié, Petié].

Signalons enfin la présence de quelques espèces expérimentées pour le reboisement de la forêt (Cyprès, Eucalyptus, Mimosa), ainsi que d’une espèce curieuse, le Chêne chevelu (*) ou Chêne lombard (Quercus cerris L.), caractérisée par ses glands à cupule chevelue de 4 cm de diamètre, qui aurait été expérimentée dans les années 1930, mais abandonné en raison de sa croissance trop lente, et dont il subsiste quelques exemplaires en de rares points de la forêt de Janas.

c) Les associations halophiles

On les trouve sur toute la zone au contact de la mer (avec notamment Crithme maritime, Cakilier maritime, Lotier d’Allionii, Immortelle Stœchas, Laiteron glaucescent, Tamaris de France, Passérine hirsute, Plantain corne de cerf, Plantain en alène, Daucus Carotte, S.E. gingidium, etc.), mais souvent dégradées par la fréquentation humaine, et moins riche que du côté Embiez et Cap Nègre. Pour la description détaillée de cette flore très particulière - ainsi que pour celle de la brousse littorale dite à Olivier sauvage et Lentisque - nous renvoyons donc le lecteur au Cahier du Patrimoine Ouest-Varois N° 11 (Six-Fours-les-Plages).


Conclusions

1) L'ensemble des végétaux énumérés montre qu'on retrouve, sur le sol cristallin de Sicié, la végétation de la Provence cristalline, mais avec des caractères qui en font une zone de transition avec la végétation de la Provence calcaire occidentale.

Cette transition est marquée, d'une part, par une régression de l'Est vers l'Ouest, de plusieurs espèces caractéristiques de la Provence cristalline. Ainsi, l'Arbousier, la Bruyère arborescente, la Bruyère à balai, le Calycotome épineux, l’Hélianthème à gouttes, le Pin maritime,... sont bien moins représentés à Sicié que dans les Maures. Inversement, diverses espèces caractéristiques de la garrigue calcaire (le Romarin, la Globulaire Alypum, le Ciste cotonneux, la Germandrée Petit-Chêne, le Narcisse douteux, le Pin d'Alep, la Rue à feuilles étroites, la Lavande à larges feuilles, le Chêne Kermès et diverses espèces de la pelouse à Brachypode,...) débordent nettement vers les phyllades de Sicié.

Comment expliquer ce mouvement en sens inverse de certaines espèces caractéristiques de chacune des deux régions ?

Contrairement à ce qui a lieu dans la dépression de Cuers où les grès permiens constituent une zone de sol intermédiaire entre le calcaire et le cristallin, il n'y a pas, entre Sicié et les massifs environnants, de véritable transition pétrographique. Les grès ne se retrouvent en effet que dans le secteur de La Verne - Fabrégas - Saint-Mandrier et ne forment pas une bordure aussi régulière et continue que dans les Maures, les phyllades étant souvent les dernières roches cristallines rencontrées avant le calcaire ou les alluvions de la dépression de Six-Fours.

Le fait que des espèces considérées comme silicicoles débordent ici sur des calcaires et que d'autres, considérées comme calcicoles, débordent sur le cristallin ne peut donc être imputé aux seuls facteurs de sol. Selon Molinier (1956, 1960), il faut faire appel à d'autres caractères et notamment aux facteurs climatiques. On peut alors penser que le caractère de transition bien établi entre le climat tiède et humide de la Provence cristalline et celui, moins chaud et plus sec de la Provence calcaire, peut rendre compte du débordement local et de l'imbrication des aires géographiques de plusieurs végétaux par ailleurs caractéristiques de chacune des deux parties de la Provence.

Le massif de Sicié est donc bien un lieu de rencontre entre les végétations de la Provence calcaire et de la Provence cristalline, plus exactement des climats correspondant à ces deux régions.

2) L'évolution constatée dans le sens d'une dégradation de la yeuseraie vers les maquis, les cistaies, les pelouses n'est pas irréversible. L'évolution inverse, avec reconstitution de la yeuseraie primitive est a priori possible. La forêt de chêne vert doit reprendre naturellement son ancien domaine si, après avoir débroussaillé et éliminé notamment les dangereux vecteurs d'incendie que sont les cistes, on prend la peine d'entretenir le sous-bois. Les travaux poursuivis à Janas depuis un certain nombre d’années et la prévention efficace contre les départs d’incendies montrent d'ailleurs que ce reboisement est réalisable. Grâce notamment au chêne vert et au chêne-liège, les forêts méridionales ne sont pas perdues, elles ne demandent qu'à survivre et à proliférer pourvu que l'homme sache les exploiter judicieusement et prudemment.


Bibliographie

ARENES P. 1928. Les associations végétales de la Basse-Provence. Thèse de doctorat, Université de Paris.
AUTRAN Jean-Claude. 1974. La végétation de la région seynoise. Étraves, n° 31, pp. 18-24.
BARBERO M. 2008. La végétation de Sicié et de Saint-Mandrier. Les principaux usages. Conférence donnée le 2 Juin 2008 à l'Association des Amis de La Seyne Ancienne et Moderne. Le Filet du Pêcheur, 109, pp. 10-13.
BARBERO M. et LOISEL R. 1967. Nouvelles additions à la flore du département du Var. Annales de la Faculté des Sciences de Marseille, 39, 39-44.
BARBERO M. et LOISEL R. 1980. Le Chêne vert en région méditerranéenne. Revue Forestière Française, XXXII, 6.
FAVARD P. 1967. Le chêne vert contre l'incendie. Annales de la Société des Sciences Naturelles et d'Archéologie de Toulon et du Var, 19, 77-83.
FOURNIER P. 1961. Les quatre flores de France. Ed. Paul Lechevalier, Paris, 1105 pages.
LOISEL R. 1976. La végétation de l'étage méditerranéen dans le sud-est continental français. Thèse de doctorat ès-sciences, Université d'Aix-Marseille III, 380 p.
LOISEL R. et BARBERO M. 1966. Éléments biogéographiques de la Flore du département du Var. Annales de la Société des Sciences Naturelles et d'Archéologie de Toulon et du Var, 18, 76-95.
MOLINIER R. 1950. Aperçu sur la végétation des Maures occidentales. Compte rendus de la Société Biogéographique, n° 230.
MOLINIER R. 1953. La végétation des Iles des Embiez. Bulletin de la Société Linnéenne de Provence, XIX, Marseille.
MOLINIER R. 1954. Les climax côtiers de la Méditerranée occidentale. Vegetatio, vol. IV, fasc. 5.
MOLINIER R. 1954. Observation sur la végétation de la zone littorale en Provence. Vegetatio, vol. V-VI.
MOLINIER R. 1956. La végétation de la presqu'île du Cap Sicié (Var). Bulletin du Muséum d'Histoire Naturelle de Marseille, t. XVI, 1-23.
MOLINIER R. 1960. La végétation des collines formant le cadre montagneux de Toulon. Annales de la Société des Sciences Naturelles et d'Archéologie de Toulon et du Var, 12, 54-83.


Remerciements

A Madame Marie-Rose BRODY (Association des Amis de Janas et du Cap Sicié) et à Monsieur Daniel GUIVARCH (Société des Sciences Naturelles et d’Archéologie de Toulon et du Var) pour leur relecture attentive du manuscrit et leurs suggestions constructives.

Jean-Claude AUTRAN, novembre 2011



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