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Marius AUTRAN
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Biographies de familles amies
écrites par Marius et Jean-Claude AUTRAN

 

Après la publication de ses 10 ouvrages d'histoire locale (entre 1982 et 2001), Marius AUTRAN, tant qu'il a pu écrire, c'est-à-dire jusque vers 2005 (95 ans), s'est consacré à diverses rédactions, notamment à des biographies de ses ancêtres, et à son autobiographie. Ces textes sont en cours de publication sur ce site à l'adresse suivante :

http://jcautran.free.fr/archives_familiales/autobiographies/autobiographies.html

Parallèlement à ces biographies familiales, nous avons jugé intéressant de publier des biographies illustrées de documents photographiques de quelques amis de Marius Autran, ainsi que de quelques familles qui ont toujours été étroitement amies de la nôtre. Dans certains cas, les personnes ou les familles en question n'ont pas de descendant direct.Dans d'autres cas, lorsqu'il y a eu des descendants, nous avons complètement perdu la trace. La publication de ces biographies et de ces photos sur internet pourra peut-être permettre de les retrouver.

Jean-Claude AUTRAN
Jean LAMBERT
La famille GAUTRAY
La famille SAVART
La famille SICARD (de Montmeyan et du Luc-en-Provence) 

 

A suivre...

 Page en travaux

 


Jean LAMBERT
1898-1961


Je ne l’ai connu que peu d’années, 3-4 ans environ, et mon père guère plus, mais il joua une place importante dans ma famille par sa forte personnalité, sa grande culture, sa vie hors du commun, et sa fin tragique et prématurée.

C’est vers 1957, je crois, que mon père commença à parler de lui, le « camarade LAMBERT ». Il était arrivé à La Seyne depuis peu et avait emménagé dans un appartement situé au troisième et dernier étage d’un immeuble, au 14 bis boulevard Staline, presque en face du nôtre. [Les GAUTRAY - voir biographie plus bas dans ce fichier - étaient au N° 16]. Nous étions ainsi voisins, nous l’apercevions très régulièrement, et mon père devint son ami et entretint avec lui des conversations fréquentes et souvent approfondies.

Appartement de Jean LAMBERT au 3e étage du 14 bis boulevard Staline à La Seyne-sur-Mer

Mon père l’avait croisé - et avait rapidement mémorisé son nom et sa haute stature - lors de petites réunions locales du Parti auxquelles il participait souvent dans l’un ou l’autre des villages environnants. Avant de s’installer à La Seyne, Jean LAMBERT habitait (depuis 1949 ou 1951 ?) Le Beausset, quartier Pouirou, dans une petite maison isolée, sur la gauche de la route départementale, au début de la montée du Camp. (Il me semble qu’il avait eu alors une motocyclette pour se déplacer jusqu’au village).

Arrivé à La Seyne vers 1956, il essaya (il était militant communiste depuis de longues années) de se rapprocher d’une cellule seynoise du Parti. Une réunion de cellule de notre quartier La Gatonne ayant lieu un soir dans un bistrot (celui de La Corderie, peut-être), il s’installa discrètement à une table proche de celle où les militants commençaient à tenir leur réunion. C’est mon père qui reconnut cet homme [pour l'avoir aperçu lors de précédentes réunions du Parti dans l'un des villages voisins], qui semblait s’intéresser à la réunion, mais qui gardait un comportement timide. Mon père crut le reconnaître et lui dit : « Mais vous êtes bien le camarade LAMBERT ? ». C’était bien lui, et il se joignit alors à la réunion et, à partir de ce jour, il participa aux activités de la cellule, y joua un rôle croissant par le niveau de ses analyses politiques et la puissance de son raisonnement - qui surpassait de beaucoup le niveau moyen des militants du quartier. Il apparut comme un homme peu ordinaire, d’une culture exceptionnelle et ayant eu apparemment une vie riche en expériences.

Mon père le sentit et se lia avec lui d’une profonde amitié. A la maison, mon père parlait très très souvent de ses conversations avec « LAMBERT ». Mon père cherchait à l’inviter à manger chez nous pour que nous en fassions aussi la connaissance, mais il refusait toujours, sauf une fois, pour prendre simplement un café ou un dessert, vers 1959. Il ne voulait pas s’imposer, ne voulait pas déranger. Sa santé, aussi, y était pour quelque chose. Au fil des mois, cependant, après de nombreuses discussions avec mon père, une partie du mystère qui planait sur sa vie, et surtout sur sa vie antérieure, fut levé. En partie seulement.

Les seuls détails qu’il confia un jour sur sa famille étaient qu’il avait eu un frère aîné, ancien élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, qui fut tué pendant la guerre de 1914-1918, et une sœur, vivant à Nice, professeur, célibataire : Mlle LAMBERT, qu’il ne voyait que rarement.

Jean LAMBERT vivait donc seul à La Seyne, comme un vieux célibataire, dans son appartement. Il avait une immense collection de livres et lisait beaucoup. Il achetait 3 journaux chaque jour : Le Petit Varois, L'Humanité et Le Monde. Mais on ne lui connaissait pas de relation féminine. Il n’en parlait pas. Mais il avait sans doute une vie privée car il prenait le car presque tous les après-midi pour Toulon, où personne ne savait ce qu’il faisait, ni qui il rencontrait.

Pourtant, il se déplaçait assez difficilement, il marchait toujours avec une canne, et devait éprouver beaucoup de difficulté à faire ses courses et à monter et descendre chaque jour les marches pour atteindre son appartement du 3e étage. On apprit ainsi qu’il souffrait du diabète, qu’il était contraint de peser tous ses aliments notamment glucidiques et à se faire quotidiennement des piqûres d’insuline. Il confia à mon père que sa maladie ne pourrait que s’aggraver et que sa vue baissait peu à peu (il portait déjà des verres très épais) et qu’il risquait de la perdre complètement si jamais son diabète lui entraînait un décollement de la rétine. Et dans ce cas, le jour où il ne pourrait plus lire, ce qui était sa grande occupation et passion, il lui confia qu’il mettrait fin à ses jours. Il avait la volonté - et les moyens - de le faire.

Ce que fut sa vie professionnelle antérieure, mon père l’apprit peu à peu.

Acte de naissance de Jean LAMBERT à Dijon en 1898
« Acte de naissance # 1198 du 24 Novembre 1898. LAMBERT Jean Maurice Jules, fils de Charles Henri LAMBERT, 33 ans, professeur, demeurant à Dijon, Marié au Puy (43) le 6 Avril 1892 avec Marie Félicie Carbasse, 26 ans. Marié le 26 Juin 1926 à Issy-les-Moulineaux (92) avec Anna Jehanne Truitard ». Décédé à Saint-Pardoux-la-Croisille (Corrèze), Dijon [date de transcription], le 14/9/1961. [Décédé en réalité le 31 août 1961]
Second prix de calcul obtenu en classe de 8e par Jean LAMBERT au Lycée Carnot à Dijon en 1907

Jean LAMBERT était né à Dijon, issu d’une famille de gens très cultivés. Son père était recteur de l’Académie de Dijon et possédait une riche collection d’ouvrages, des ouvrages dont nous reparlerons beaucoup ci-dessous. Je crois qu’il avait eu (au moins) deux fils et une fille. L’un des fils, ancien élève de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm fut tué au cours des combats de la guerre de 14-18. Je ne me souviens pas de ce qui se passa pour Jean LAMBERT au cours de cette guerre. Il semble qu'il avait été mobilisé (il avait 20 ans en 1918), comme cela est rapporté dans la biographie qui sera publiée après sa mort (voir ci-dessous). Ce dont je me souviens c’est qu’il commença des études de médecine. Il franchit les premières années. Témoins, des récits sordides de dissection de cadavres qu’il faisait à mon père et des photos qu’il lui avaient montré où il posait avec un autre camarade, tous deux en blouse blanche, arborant un grand sourire, avec un « macchabée » qu’ils maintenaient debout entre eux, bras dessus - bras dessous. Mais il ne termina pas sa médecine, s’apercevant que finalement il n’appréciait pas l’esprit et la mentalité du corps des médecins.


Après de nouvelles études à l'école d'électrochimie de Grenoble, où il obtint le diplôme d'ingénieur chimiste et électricien, il présenta finalement le concours de l’école coloniale et y fut brillamment admis. On le retrouva alors Administrateur des Colonies, en Côte d'Ivoire, et au Tchad (Fort-Lamy). On le vit photographié aux côtés de René Pleven et de Charles de Gaulle lors de visites aux Colonies françaises en 1945 ou 1946. Mais son esprit généreux, humanitaire et anticolonialiste entraîna la fin de sa carrière de gouverneur. Il prit en effet souvent le parti des peuples colonisés, contre le pouvoir français. Il se lia d’amitié avec beaucoup de noirs, qui le portaient dans leur cœur, ce qui ne satisfaisait pas nombre de colons. Il eut une grande affection pour les noirs, et mon père le suivait sur ce point (mon père ayant vécu plusieurs de ses jeunes années en Tunisie et avait aussi acquis un solide sentiment anticolonialistes). Il parlait des noirs avec beaucoup de respect et d’amitié. « Les noirs ont un cœur d’or ». Beaucoup se seraient fait tuer pour lui, étant reconnaissant du soutien qu’il leur apportait. Un jour, en effet, dans un village, il fut pris d’une fièvre brutale et très grave et sans soins rapides, ce mal était en principe fatal. Un cercueil lui avait même été commandé [Ce cercueil inutilisé fut conservé, paraît-il, par la suite, sous une couverture et servait de banquette dans la maison. Aux gens qui y étaient assis, on disait pour les effrayer : vous êtes assis sur le cercueil de Monsieur LAMBERT ! Et les gens se levaient et changeaient de place]. Donc, ses jours étaient en danger et le médecin le plus proche se trouvait à deux jours de marche du village où il se trouvait. Et des noirs qui l’avaient en adoration décidèrent de le porter sur un brancard de fortune ; ils se relayèrent en marchant ou courant jour et nuit et arrivèrent à l’amener encore vivant chez le médecin et Jean LAMBERT fut sauvé. Sa reconnaissance pour ses amis noirs, et pour tous les noirs en général, ne fit que s’accroître.

A tel point que cela fut fatal à sa carrière. Il racontait qu’un jour, à Fort-Lamy (en 1945 sans doute), il reçut la visite de Charles de Gaulle, alors Président du Conseil. De Gaulle lui dit : « Gouverneur, je constate qu’il n’y a pas d’église à Fort-Lamy ». Il osa répondre : « Mon Général, il n’y a pratiquement pas de catholiques à Fort-Lamy ». Et De Gaulle répondit en substance : « Là n’est pas la question, vous allez faire construire une église. Je vous débloque un crédit d’un million pour cela ». Le même jour, ou à quelques jours de là, le gouverneur LAMBERT reçut une délégation de musulmans qui lui dirent : « Monsieur le Gouverneur, nous sommes nombreux et nous n’avons pas de mosquée à Fort-Lamy ! ». Que fit Jean LAMBERT ? Il brava le pouvoir français et utilisa le million de francs de De Gaulle pour faire construire une mosquée à Fort-Lamy ! Un an après (1946), le Général repassa à Fort-Lamy et... trouva une mosquée au lieu de l’église dont il avait ordonné la construction ! Et le lendemain, Jean LAMBERT rentrait en France en avion « entre deux gendarmes », selon son expression, mis d’office à la retraite. Sa carrière de gouverneur était terminée. Il ne retourna plus en Afrique et se retrouva désormais habiter (pour quelle raison ?) le sud-est de la France, successivement à Menton, au Beausset (1949), à Marseille, puis à La Seyne (vers 1956).

Retraité à 48 ans. Il avait de quoi vivre et n’était pas sans fortune. Il me semble qu’il parlait de quelques lingots d’or (??) et de gains en bourse qu’il aurait fait, ce qui lui aurait payé le voyage en URSS qu’il fit par la suite et dont on reparlera.

Je ne sais à peu près rien de ses activités au cours des 10 premières années qui suivirent sa retraite anticipée. Sinon qu’il lisait beaucoup, qu’il se cultivait énormément et pouvait aborder en connaissance de cause à peu près tous les sujets scientifiques, techniques, économiques, géographiques (surtout l’Afrique), historiques, politiques, etc. Et qu’il avait adopté les thèses communistes et marxistes. Nombre d'ouvrages qu'il avait lus étaient annotés, parfois de manière humoristique, parfois corrigés pour des erreurs qu'il avait relevées. C'est le cas d'ouvrages sur l'Afrique, et aussi d'ouvrages scientifiques. On a même retrouvé dans sa bibliothèque un ouvrage de mathématiques écrit par Emile Borrel (Académie de Mathématiques) dans lequel Jean LAMBERT avec corrigé une équation !

Une anecdote de cette époque, que j’avais oubliée, mais dont j’eus la preuve bien plus tard à la lecture de vieux journaux des années 50, c’était le « service » qu’il rendit un jour au journal « Le Petit Varois ». Ce journal qui était alors, comme il le sera plusieurs fois dans son histoire, en grave difficulté financière, avait imaginé la vente de « bons de soutien de Noël », dont le gros lot était une voiture (mon père racontait cette histoire en parlant d’une 4 CV Renault, mais c’est d’une « traction » Citroën qu’il s’agissait !). Le Journal n’avait évidemment pas les moyens d’acheter une voiture pour la mettre en lot de tombola ! Il s’agissait donc d’une arnaque, pour la bonne cause, évidemment : il fallait sauver le journal. Les bons de soutien furent vendus et il s’agissait alors de trouver un lecteur complaisant et de confiance qui aurait « gagné » la traction. Et c’est Jean LAMBERT, « un lecteur du Beausset », discret et peu connu, qui fut photographié et interviewé devant une « traction » anonyme (on ne voit pas son immatriculation) qu’il avait soi-disant gagnée grâce à son billet N° 172.776. Mais Jean LAMBERT ne fut jamais possesseur de la moindre voiture !

Le Petit Varois, 23 et 25 décembre 1953

Un jour de 1957 ou 1958, mon père lui rend visite et le trouve au milieu de livres et de cahiers écrits en caractères cyrilliques. Il lui demande : « qu’est ce que tu fais ? ». « Ben, je suis en train d’apprendre le russe ! ».

Son projet était de se rendre en URSS l’année suivante, au moment de l’anniversaire (43e) de la Révolution d’Octobre. Et, voulant se débrouiller tout seul un minimum, il avait décidé, à près de 60 ans, d’assimiler les bases de la langue russe. Et il avait en effet accompli ce voyage, était revenu enchanté, malgré la difficulté qu’il avait à se déplacer, et avait ramené des souvenirs essentiellement positifs. Ce fut après ce voyage qu’il accepta de venir un soir chez nous et, avec quelques petits cadeaux, qu'il nous conta quelques faits marquants de son voyage. Il m’en reste deux en souvenir. L’un était une invitation au domicile d’amis russes qui avaient insisté pour lui faire goûter à un gros et riche gâteau au miel et qui ne comprenaient pas son refus dû au diabète. Pour ne pas les vexer, il avait dû accepter d’en avaler une grosse part, mais le soir il avait dû se faire une « énorme piqûre d’insuline ». L’autre souvenir est sa rencontre, un jour dans la campagne avec un groupe de jeunes filles pionnières ou « komsomolsk ». Voyant se déplacer ce « pauvre vieux » avec sa canne, l’une voulut l’aider à marcher et, ne voulant pas le quitter sans lui faire cadeau de quelque chose,  elle dénoua le foulard rouge qu’elle portait et le lui noua autour du cou. Revenu en France, ce foulard, il le montrait toujours avec beaucoup d’émotion. Il porte l'insigne d'origine « Vsegda gotov » (Toujours prêts). Ce foulard, c’est mon père qui en hérita par la suite. Il le garda très précieusement pendant plus de 45 ans. J'en ai hérité à sa mort, en 2007, et j'ai décidé en occtobre 2016, de le transmettre à mon petit-fils Vitaly pour son 9e anniversaire.

A mon petit-fils Vitaly pour son 9e anniversaire :


A son retour d'URSS, il fit une conférence sur son voyage dans la salle de la section de La Seyne du Parti communiste, conférence relatée dans l'article ci-après du
Le Petit Varois - La Marseillaise :

Le Petit Varois - La Marseillaise, 27 novembre 1960

Il avait encore le projet de retourner en URSS, en 1967, pour le 50e anniversaire de la Révolution, mais il ajoutait : « si j’suis pas crevé !... ».

Dans les années 1958-60, on le vit souvent à La Seyne, dans de nombreuses commémorations ou manifestations. Sa haute stature le faisait facilement reconnaître sur les photos. Mais sa santé ne s’améliorait pas.

Le Petit Varois - La Marseillaise, juin 1958

En juillet 1958, il publie une tribune dans le Le Petit Varois - La Marseillaise pour défendre le 1er adjoint Philippe Giovannini poursuivi en justice pour avoir adressé une lettre « désapprouvant la guerre » aux soldats seynois appelés en Algérie :

Le Petit Varois - La Marseillaise, 7 juillet 1958

Le 13 février 1961, il est présent au déjeuner servi dans la salle des fêtes de l'hôtel-de-ville de La Seyne en présence de Maurice Thorez, secrétaire général du P.C.F., venu le matin à Toulon inaugurer la nouvelle maison du Parti.


Le Petit Varois - La Marseillaise, 13 février 1961

Au printemps 1961, je me souviens qu'il avait encore une fois rendu visite à sa sœur, à Nice, une sœur ne partageait pas les idées révolutionnaires de Jean. Peu de jours auparavant, il y avait eu le premier envoi dans l'espace, par les Soviétiques, d'un vaisseau habité avec le célèbre Youri Gagarine. Jean était présent un jour où sa sœur avait invité chez elle l'une de ces amies à prendre la café ou le thé et les deux femmes saisissaient toutes les occasions pour critiquer la Russie soviétique, ce à quoi Jean ne manquait pas de répliquer avec fermeté ou avec humour. Aussi, dit l'amie : « Ils auraient pu choisir quelqu'un avec un nom moins ridicule pour l'envoyer dans l'espace. Car Gagarine, en français ça commence par gaga... ». Et Jean, devant le niveau primaire de cette argumentation, avait répliqué en disant à l'amie [qui s'appelait Mme ou Mlle Clusel] : « Mais vous, en dialecte bantou (ou bambara ?), si l'on prend le début de votre nom (cluse), savez-vous ce que ça signifie ? Ça désigne l'endroit où l'on place les suppositoires... Alors, je vous en prie, réfléchissez avant de vous moquer d'un nom qui commence par Gaga... ».

Pendant deux ou trois étés successifs il était parti se reposer et changer d’air dans une pension (Hôtel Beau Site) tenue par un camarade (je crois que la publicité en était faite dans le journal L’Humanité Dimanche), dans la Corrèze, à Saint-Pardoux-La-Croisille exactement.


Annonce de l'Hôtel Beau Site à Saint-Pardoux-la-Croisille, dans L'Humanité Dimanche


L’été 1961, il y alla aussi, mais les semaines précédentes, il apparaissait inquiet de sa santé et de sa vue qui baissait. Arriva le début du mois de septembre, on se disait : il devrait bientôt rentrer. Mais les jours passèrent. Vers la mi-septembre, un ami et voisin du boulevard Staline, M. Cabras, passe chez le marchand de journaux, qu’il voyait tous les jours, et ce jour-là ce bonhomme, pas très futé, lui dit : « vous le connaissiez vous, ce M. LAMBERT ? ». Et il lui révèle un fait datant de plus de 10 jours, le passage d’enquêteurs de la police auprès de divers voisins, chargés de rechercher une éventuelle famille à M. LAMBERT, qui était décédé à son lieu de vacances !

Ainsi, « LAMBERT » était mort ! Depuis le 1er septembre 1961, à l’âge de 63 ans. Nous ne l’avions pas su. Cet abruti de marchand de journaux avait laissé repartir les policiers sans même leur indiquer que Jean LAMBERT comptait bien des amis à proximité, qui eux, auraient pu leur fournir des renseignements utiles sur lui et la famille qui lui restait.

Que s’était-il passé ? Je ne sais plus comment on l’apprit, peu à peu. LAMBERT avait dû perdre espoir en voyant sa vue diminuer et il décida de disparaître dans sa chambre de la pension de Saint-Pardoux. D’après le directeur de la pension, il avait laissé un billet sur sa table de nuit disant, je crois : «  J’en ai marre. Enterrement civil. Ni fleurs ni couronnes ». Je ne crois pas qu’on ait su les causes exactes de la mort. S’était-il injecté quelque produit mortel, comme il l’avait vaguement évoqué auparavant, lorsqu’il rappelait qu’il avait fait des études de médecine ? Ou avait-il simplement interrompu ses piqûres d’insuline, ce qui avait dû le faire rapidement tomber dans le coma et entraîner ensuite sa mort ? Il fut enterré au cimetière de Saint-Pardoux-la-Croisille. On apprit par la suite que sa mort, dans la pension, avait créé bien des soucis au directeur et au personnel, d’autant que le corps avait été découvert au moment où un repas de mariage était célébré dans l'établissement, et où il avait fallu beaucoup de sang-froid pour faire face simultanément à l’affluence de clients en liesse, la présence d’un cadavre dans une chambre et l’enquête de police...



Le Petit Varois - La Marseillaise, 18 septembre 1961
(Article signé LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS, mais écrit en très grande partie par Marius AUTRAN)

Ce fut évidemment la consternation pour mon père et notre famille, ainsi que pour tous ses anciens amis et camarades du quartier.

Il revenait alors à l’ami le plus proche, mon père, évidemment, de prévenir l’unique membre de la famille de Jean LAMBERT dont il avait connaissance (sa sœur) de son décès. Mais il fallait agir le plus délicatement possible. Je crois qu’il obtint son adresse et lui écrivit que son frère était au plus mal et que sa présence était requise. (Il n’était en effet pas convenable d’annoncer brutalement le décès d’un frère par courrier ou par téléphone). Mlle LAMBERT répondit qu’elle avait des problèmes de santé, des difficultés à se déplacer et qu’elle hésitait à entreprendre ce voyage. Mon père reprit alors contact et lui dit que si elle tardait trop, elle risquait de ne plus revoir son frère vivant. Et Mlle LAMBERT vint donc à La Seyne, chez nous, où mon père devait lui annoncer la nouvelle. Nous fûmes surpris en la voyant arriver : cette vieille demoiselle avait exactement la même stature que son frère et se déplaçait aussi difficilement que lui, avec une canne. Elle monta avec peine les deux étages et une fois assise, elle demanda évidemment :  « Alors, où est-il ? ». Et je souffrais pour mon père et admirais sa délicatesse puisqu’il trouva les mots difficiles, appropriés pour ce genre de situation. « Je n’ai pas de bonnes nouvelles à vous annoncer. Et même de très mauvaises... Eh oui, il est décédé ». Et je me souviens de Mlle LAMBERT disant : «  Ah mon Dieu ! » en tirant son mouchoir pour essuyer des larmes. Mon père lui expliqua le lieu du décès de son frère, et le fait qu'il reposait déjà au cimetière de Saint-Pardoux. Je ne me souviens pas s'il évoqua le fait que Jean LAMBERT avait probablement mis volontairement fin à ses jours. La suite de la conversation, je ne m’en souviens plus. Sauf un point capital. Lorsqu’il fut question de la famille de Jean LAMBERT, Mlle LAMBERT dit : « Mais il faut prévenir ma belle-sœur » (!!!). « Mais Jean était marié ! Il n’en avait jamais parlé ! ». Ainsi, il existait une Madame LAMBERT !

Je ne sais plus comment il fut possible de pénétrer dans l'appartement de Jean LAMBERT. Ses effets personnels avaient-ils été rapatriés depuis Saint-Pardoux ? Mon père était présent lors de l'ouverture de l'appartement. Il fut rapidement trouvé sur son bureau une enveloppe « Ceci est mon testament ». Je ne me souviens plus de tous les détails qui y étaient mentionnés, sauf la phrase « Au camarade Autran, je lègue ma collection de livres ». Une phrase importante car, les livres, c'est à peu près tout ce qu'il possédait. Les murs de son appartement, séjour, chambre, couloirs, étaient recouverts d'étagères en bois remplies d'ouvrages de toutes sortes. Des milliers d'ouvrages.

Je ne sais plus comment Madame LAMBERT fut contactée, sans doute par sa belle-sœur qui avait certainement ses coordonnées. Elle résidait à Paris, et elle était je crois aide-maternelle (ou un emploi similaire) dans une école. Nous la vîmes arriver un jour. Elle héritait de l'appartement de Jean et pouvait s'y installer lors de ses visites. C'était une femme d'assez petite taille, qui contrastait avec Jean LAMBERT. C'était donc elle, Anna Truitard, que Jean LAMBERT avait épousée le 26 Juin 1926 à Issy-les-Moulineaux (cf. les mentions marginales de l'acte de naissance de Jean LAMBERT ci-dessus, ainsi qu'un relevé de son acte de naissance retrouvé depuis sur Geneanet, et qui indique : Anna Jehanne Truitard, née le 14 octobre 1898 à Bois-Colombes (92)). Des conversations avec elles, nous eûmes davantage de détails sur ce qu'avait été la personnalité de Jean LAMBERT, que ce dernier n'avait jamais confiés. En particulier, ils avaient eu une fille ! Et c'est à partir de là, pour des raisons très personnelles dans lesquelles nous n'avons pas à entrer, qu'ils se seraient séparés. Cela devait se situer à l'époque où Jean était en poste en Afrique, et nous ne savons pas s'il connut ou non sa fille.

On en apprit aussi davantage sur la vie qu'ils avaient menée aux Colonies. Ils avaient souvent fait la fête entre blancs. Ils avaient aussi, tous les 3-4 ans, de longues périodes de congé (6 mois), mais il fallait parfois plusieurs semaines de déplacement en bateau sur les rivières africaines pour atteindre la côte et s'embarquer pour la métropole. Sur ces bateaux, on buvait aussi beaucoup. Et Madame LAMBERT racontait que son mari, ivre à ne plus tenir debout après avoir consommé une forte quantité de pippermint, avait réussi à ne pas perdre la face lors de l'arrêt à un point de contrôle.

C'est vers octobre ou novembre 1961 que nous avions reçu Mme LAMBERT, accompagnée de sa fille, à déjeuner dans notre appartement du boulevard Staline [Nous ne devions quitter cet appartement pour habiter notre nouvelle maison du quartier Châteaubanne qu'aux vacances de Noël 1961]. Je revois encore la fille de Jean LAMBERT, de quelques années plus âgée que moi, de stature comparable à clle de son père. Je ne sais plus ce qu'elle faisait, quelles avaient été ses études. Je me souviens qu'elle m'avait interrogée sur mes propres études et mon avenir alors que je m'apprêtais à entrer en classes préparatoires aux grandes écoles, un domaine qu'elle semblait bien connaître. Mais la discussion au cours du repas avait été assez tendue avec mon père sur les aspects politiques. La mère et la fille ne partageaient pas du tout les idées de Jean LAMBERT et avaient vivement critiqué l'idéologie communiste et le régime soviétique - « la fin justifie les moyens » avait dit la fille de Jean. Il semblait y avoir eu aussi surprise et incompréhension de la part de l'épouse et de la fille de Jean, qui gardaient surtout de lui l'image négative d'un homme qui avait quitté sa famille pour mener sa vie ailleurs, tandis que les amis seynois de Jean - qui ignoraient tout de sa vie antérieure - le considéraient comme un être hors du commun pour son calibre intellectuel, son immense culture et la puissance de son raisonnement.

Mme LAMBERT avait souhaité que le maximum soit enlevé rapidement pour rendre l'appartement habitable. Un travail de déménagement important et mon père (qui devait aussi aider Mme LAMBERT pour diverses formalités) n'avait guère le temps avec son travail, la mairie, la maison que nous étions en train de faire construire au quartier Châteaubanne, plus, à la même époque, mon grand-père qui était en fin de vie et qui exigeait des soins et de la présence. Ce que je n'avais pas réalisé moi-même. Je le savais malade et je savais qu'il souffrait beaucoup, mais ce n'est précisément que lors d'une conversation entre mon père et Mme LAMBERT que mon père, disant qu'il était débordé, prononça, devant moi, la phrase « ... et en plus, j'ai mon père qui meurt d'un cancer du poumon ! ». On ne me l'avait jamais dit ainsi. Et Mme LAMBERT qui rajouta « C'est terrible, il doit s'étouffer ». Et effectivement, mon grand-père mourut le 30 mars 1962, sans avoir d'ailleurs jamais vu la maison de Châteaubanne terminée, alors que nous y habitions depuis 3 mois.

Nous avions donc déménagé (depuis le 3e étage de l'appartement de Jean) un grand nombre d'ouvrages, ainsi que la plupart des rayonnages en bois sur lesquels les ouvrages se trouvaient et nous en avions conservé une partie (les plus précieux dans notre appartement du boulevard Staline), une autre partie ayant été directement transportés dans notre maison, alors en fin de construction, au quartier Châteaubanne, où mon père avait déjà commencé à installer son petit bureau dans une pièce du rez-de-chaussée.Certes, nous avions déjà pas mal de livres, scolaires, politiques, romans, etc. Mais avec cet héritage, notre fonds tripla ou quadrupla, pour le moins.

Mais nous n'avions pas pu tout récupérer et même pas pu tout trier car cela nous aurait demandé des jours et des jours. Nous avions donc rapidement mis de côté ce qui paraissait le plus utile, le plus précieux, le plus intéressant (le Larousse du XIXe siècle en 17 volumes - qui avait dû appartenir au père de Jean, à Dijon, le Larousse du XXe en 6 volumes, le Littré de 1875 en 4 volumes, de nombreux romans et autres ouvrages traduits du russe, de nombreux dictionnaires, de nombreux ouvrages scientifiques,... Et surtout de nombreux ouvrages ou plaquettes à caractère politique, notamment les principaux classiques du marxisme. Ce qui m'avait permis, alors que j'étudiais la philo à Beaussier avec un prof éminemment marxiste, de me plonger et de passer un temps excessif dans la lecture du Capital, de l'anti-Dühring, et de bien d'autres œuvres de Marx, Engels ou Lénine. D'ailleurs au détriment de mes études scientifiques, qui n'avaient pas été extraordinaires au cours de ce premier trimestre de terminale.

Le reste des ouvrages que nous n'avions pas pu conserver (car il y avait aussi nombre de romans policiers ainsi que quelques ouvrages érotiques) avait été déménagé par les cantonniers de la mairie jusqu'au local provisoire de la rue Messine où se trouvaient à l'époque les collections de livres scolaires, et une partie avait été transportés à la bibliothèque municipale de la ville.

Au fil des années, mon père élimina un certain nombre d'ouvrages qui étaient soit endommagés, soit de peu d'intérêt pour la famille. Mais, ayant hérité des biens de mon père en 2007, je possède encore un bon nombre de ces ouvrages de Jean, entre 400 et 500, que je conserve précieusement après les avoir répertoriés dans le fichier informatique de ma bibliothèque.

Grâce aux annotations que l'on trouve dans nombre de ses livres, notamment de la datation qu’il inscrivait quelquefois au début des livres qu’il avait acquis, avec une mention du type « Le Beausset, 18-2-53 », ou « La Seyne, 29-1-58 », quelquefois précédée de ses initiales (JL) entrecroisées, on peut tenter de reconstituer le parcours de Jean LAMBERT entre 1948 et 1958. Certes, il n’est pas certain que tous les lieux écrits correspondent à une adresse qu’il ait eue (car on ne peut pas exclure que ce puisse être parfois la ville où il a acquis l’ouvrage et où il ait été simplement été de passage). Mais la répétition de certaines villes donne cependant des indices sur son parcours. Ainsi, je suis certain qu’il a habité Le Beausset (Var), apparemment entre 1951 et 1953, et La Seyne de 1955 environ jusqu’à sa mort. En ce qui concerne les autres lieux, il est intéressant de noter Saint-Louis en 1948 et plusieurs fois Nice (où résidaient sa sœur et son père).

Saint-Louis, 8-6-48
Nice, 7-3-49
Le Beausset, 12-2-51
Toulon, 27-2-1951
Marseille, 15-6-1951
Le Beausset, 2-2-52
Nice, 20-5-52
Toulon, 6-4-52
Toulon, 7-8-52
Le Beausset, 18-2-53
Nice, 16-6-53
Beausset, 6-7-53
Toulon 8-8-53
Paris, 25-5-56
La Seyne, 29-1-58
La Seyne, 8-6-58

Jean LAMBERT avait aussi conservé une assez grande quantité de timbres, peut-être 10 000, de tous les pays, notamment des planches de timbres neufs des colonies françaises. Je passai alors beaucoup de temps à reclasser tous ces timbres qui étaient en vrac pour la plupart. J'en échangeai aussi quelques-uns chez un marchand philatéliste de la rue Franchipani. Cet échange m'avait permis d'obtenir sans rien dépenser quelques séries intéressantes de timbres de France des années 1960-62 et ce fut un nouveau départ pour ma petite collection de timbres de France que je repris alors systématiquement avec un nouvel album, et que je n'ai jamais cessé d'enrichir depuis (52 ans déjà !).

Jean LAMBERT possédait aussi quelques autres objets dont la fonction ne nous était pas connue.

Mon père n'étant censé hériter que des ouvrages de la bibliothèque, nous n'avions pas souhaité récupérer grand-chose d'autre, sauf s'il s'agissait d'objets dont Mme veuve LAMBERT souhaitait se débarrasser (parmi le bric-à-brac qu'elle avait trouvé dans l'appartement de Jean). Mon père avait dû récupérer quelques objets divers, mais qui se sont plus ou moins dispersés au fil des années. Je possède encore des accessoires d’optique, lentilles, miroirs, une « alidade nivelatrice du Colonel Goulier », une boîte contenant des griffes de lion ou de panthère et des dents d’animaux, ainsi que le foulard de Pionnier ramené de son voyage en URSS.

Mais d'autres anciens camarades de Jean rendaient parfois des visites intéressées à Mme LAMBERT et en profitaient pour subtiliser quelque objet qu'ils convoitaient...

Je me souviens que la fille de Jean avait heureusement emporté la machine à écrire portable de son père et sans doute les principaux souvenirs de sa famille. Jean possédait une série de photos de 1944-1945 où il apparaissait en uniforme d'Administrateur (sans doute à Fort-Lamy), notamment aux côtés de Charles de Gaulle et de René Pleven. J'espère que ces documents rares et précieux pour la famille de Jean avaient bien été conservés et qu'ils existent encore quelque part.

Quelques années passèrent où Mme LAMBERT revint régulièrement, notamment l'été, séjourner quelques semaines à La Seyne en occupant l'appartement de Jean. Un jour, vers 1965 ou 1966 (?), il nous sembla qu'elle avait cessé de venir à l'appartement et nous n'avons jamais plus eu de nouvelles d'elle, pas plus que de sa fille que je n'avais donc rencontrée qu'une seule fois, en octobre ou novembre 1961.

En septembre 1964, mon père mit à exécution le projet qu'il avait depuis la disparition de Jean LAMBERT : se rendre sur sa tombe à Saint-Pardoux-la-Croisille, en Corrèze. J'avais accompagné mon père à cette occasion et nous avions pu nous relayer au volant de la 403. Nous avions logé 2 nuits à l'hôtel même où Jean avait l'habitude de séjourner et nous nous étions présenté au patron qui nous avait alors évidemment conté le drame de la disparition de Jean dans son établissement, un évènement qui l'avait beaucoup marqué et qu'il n'était pas près d'oublier. Nous avions alors recherché la tombe dans le cimetière, l'avions trouvée et y avions déposé un souvenir funéraire portant l'inscription « Un ami de La Seyne ». Mais, je ne sais pas pourquoi, aucune photo n'avait été prise de la tombe ce jour-là.

Carte postale ancienne de l'hôtel Beau Site, à Saint-Pardoux-la-Croisille (Corrèze), où Jean LAMBERT avait plusieurs fois séjourné et où il est mort le 31 août 1961

Près de 30 ans se sont encore écoulés avant que je ne repasse dans la région. C'est le 30 juillet 1991, alors que nous étions à notre maison de campagne de l'Aveyron et que nous avions, je crois, visité Rocamadour, que j'eus l'idée de pousser une pointe un peu plus loin vers le nord jusqu'en Corrèze et m'incliner ainsi, une seconde fois, sur la tombe de Jean LAMBERT. Il n'y eut pas de photo non plus, mais une séquence video du cimetière avec quelques zooms sur la tombe et la photo de Jean. Voici ci-dessous un arrêt sur image montrant la pierre tombale, telle qu'elle était il y a plus de 20 ans déjà. Je n'y suis jamais retourné depuis mais le souvenir de Jean LAMBERT ne s'est jamais effacé en moi.



Pour terminer, quelques autres documents émouvants retrouvés parmi les ouvrages de la bibliothèque de Jean, notamment des correspondances destinées à son frère Paul, élève de l'Ecole normale supérieure de la rue d'Ulm, mobilisé en 1914 et tué au combat en 1915.


Je termine ici cet hommage à Jean LAMBERT, un personnage hors du commun qui a tenu une place importante dans la vie de ma famille. Il n'est pas dans mes habitudes de divulguer sur mon site internet des détails d'ordre personnel ou familial. Mais peut-être que cette « bouteille jetée à la mer », qui contient volontairement beaucoup (peut-être trop ?) de détails d'ordre privé permettra-t-elle justement de rétablir un contact avec la fille de Jean ou ses descendants, ou d'autres membres de sa famille qui ignorent vraisemblablement nombre d'informations que je détiens sur leur illustre ancêtre.

 
Jean-Claude AUTRAN
8 décembre 2009, complété le 2 août 2013

 

Jean LAMBERT (suite)

La « bouteille jetée à la mer » a été retrouvée !

En effet, le 31 octobre 2012, je reçus un premier message électronique provenant de Montréal, Canada, de la part de Monsieur GL, petit cousin de Jean LAMBERT, qui « cherchait depuis des années à retrouver cette branche de la famille LAMBERT totalement perdue de vue ». Il ne connaissait que son prénom, celui de sa sœur et de son frère, effectivement disparu à la guerre de 14. Monsieur GL me remercia de ce partage d’informations qui constituait pour lui « un cadeau inappréciable, celui d’une vie sortie de l’oubli ». Car,  intéressé par la généalogie, ce qu'il cherchait, c'était « pas simplement des noms mais des témoignages de vie, c’était de pouvoir enrichir le coté humain des personnages que l’on rencontre et de pouvoir redonner vie aux branches disparues ».

A partir de jour, pendant environ 15 mois, nous avons eu plusieurs échanges qui ont permis à chacun de nous de progresser - bien au-delà de nos espérances - sur la connaissance de Jean LAMBERT, ses origines, ses convictions, sa vie personnelle, familiale et professionnelle. Une vie encore plus riche et plus complexe que ce que mon père n'aurait pu l'imaginer. Le détail de ces échanges ne sera pas divulgué car GL ne souhaitait pas les voir publiés sur internet. Mais quelques précisions d'ordre généalogique ont été relevées et ont été rajoutées pour compléter la biographie de Jean LAMBERT.

J'appris ainsi que la famille LAMBERT était originaire des Ardennes, de Villemontry. Le père de Jean (Charles), né dans les Ardennes, avait eu plusieurs postes d’enseignant : au Puy en Velay où il s’était marié, à Annecy où il avait eu ses deux premiers enfants, puis à Dijon (où Jean était né) et où il avait fini sa carrière. Il s’était ensuite retiré à Nice où il était décédé en 1960. Il était donc à Nice quand Jean était à La Seyne. Sa mère était décédée longtemps auparavant, en 1922.

J’ai pu ainsi retrouver, dans le recensement de Dijon (sur le site internet des Archives départementales de la Côte d'Or) la page du recensement de Dijon de 1896 où figure la famille LAMBERT ), la composition de la famille LAMBERT de l’époque au n° 2 de la rue de l’Ecole de Droit (l’adresse qui figure sur l’acte de Naissance de Jean LAMBERT en 1898). Voir le document ci-dessous.



Extrait du recensement de Dijon de 1896, au 4 rue de l'Ecole de Droit. On y trouve Charles LAMBERT, professeur, 30 ans, Félicie Carbasse, 24 ans, son épouse, leurs deux premiers enfants : Paul, 2 ans et Odette, 5 mois [sans doute les deux enfants nés à Annecy], ainsi que le beau-père et la belle-mère de Charles LAMBERT. Jean LAMBERT n'était pas né à cette date. Il naîtra à Dijon en 1898.


 On y trouve effectivement :

LAMBERT Charles, 30 ans, professseur
CARBASSE Félicie, 24 ans, femme
LAMBERT Paul, 2 ans, fils
LAMBERT Odette, 5 mois, fille
CARBASSE Etienne, 55 ans, beau-père
NÉGRIER Clotilde, 49 ans, belle-mère
CHÂTELAIN Gabrielle, 15 ans, domestique

Paul était donc l’aîné de 4 ans environ, de Jean. Odette, née vers 1895, était sans doute la sœur aînée de Jean, qui était venue à La Seyne en 1961.

Je n’avais cependant pas retrouvé les actes de naissances de Paul ni d'Odette à Dijon. Ni l’acte de mariage de leurs parents. Peut-être étaient-ils récemment arrivés à Dijon en 1896 et, si Jean y est bien né en 1898, ses deux aînés étaient apparemment nés ailleurs, mais je n’avais aucun idée du lieu, ni de l’origine géographique de leurs parents.

Enfin, j’avais retrouvé aussi dans des notes généalogiques du site Geneanet, quelques informations sur l’épouse de Jean LAMBERT :
« Anna Jehanne Truitard, née le 14 octobre 1898 à Bois-Colombes (Hauts de Seine) ».

Mais nous n'avions encore aucune trace de leur fille. Je ne me souvenais pas de son prénom. Je ne l’avais vue qu’une fois en 1961. Elle avait alors quelques années de plus que moi, peut-être 23-25 ans à l’époque. Elle serait donc née vers 1936-1938. Mais qu’était-elle devenue ? Je me souviens qu’elle avait été très surprise qu’à La Seyne, on avait son père en grande estime, et qu’on le considérait comme une personnalité d’exception – car, elle, ne l’avait pas connu, et  sa mère ne lui avait en peut-être jamais dit grand chose, et peut-être pas en bien ? Donc, si elle a eu des enfants et des petits-enfants il est à craindre qu’ils n’aient jamais beaucoup entendu parler de leur grand-père et arrière grand-père Jean et qu’ils n’aient pas cherché jusqu’ici à savoir qui il était ?? Nous trouvions dommage que la fille de Jean Lmabert ne connaisse peut-être jamais son histoire familiale, mais sait-on jamais…

Dans les échanges qui ont suivi, je fis parvenir à Monsieur GL le maximum de détails que j'avais pu retenir ou retrouver, notamment des feuilles ou des lettres intercalées dans les livres ayant appartenu à Jean LAMBERT.

Mais nous n'avions toujours pas d'information objective sur le parcours de Jean pendant la guerre de 1914-1918, sur les entreprises dans lesquelles Jean LAMBERT avait travaillé comme ingénieur avant de faire l’École coloniale, et dans quels pays il avait travaillé comme administrateur colonial ? Quelques dates relevées dans ses ouvrages pouvaient seulement laisser imaginer son parcours après la seconde guerre mondiale (
Abidjan, 1947 ; Saint-Louis, 1948 ; Nice, 1949 ; Le Beausset et Toulon, 1951-1953 ; Paris, 1956 ; La Seyne, 1958). La découverte de la mention d’Abidjan en 1947 m'apparut cependant importante car elle semblait confirmer le souvenir que j’avais d'une conversation de Jean avec mon père sur la Côte d’Ivoire et sur sa rencontre avec Houphouët-Boigny.  Ceci se passait donc après qu’il dût quitter son poste à Fort-Lamy, sanctionné par de Gaulle. (Il disait qu’il avait été ramené en France par avion « entre deux gendarmes »). Ces dates de 1947 et 1948 montrent qu’il serait retourné dans plusieurs pays africains après ces évènements (de Gaulle ayant quitté le pouvoir en janvier 1946).

Comme élément nouveau, j’avais retrouvé un échange de courriers de 1958 entre Jean LAMBERT et l’auteur du livre “Le poids de l’Afrique” (Charles-Henri Favrod), qui rapportait de manière critique l’action de Jean LAMBERT au Tchad. Courrier dans lequel Jean LAMBERT avait relevé des “erreurs flagrantes”, suivi par la réponse de l’auteur du livre qui reconnaît avoir été de bonne foi mais abusé par des informations inexactes venant de la part d'une personne qui lui avait paru être une caustion suffisante... Egalement, on rencontrait dans plusieurs ouvrages de Jean LAMBERT des annotations de sa main qu’il portait parfois en marge au cours de ses lectures. C’étaient souvent des critiques, parfois acerbes, souvent avec humour. Et l’on trouve de ces annotations dans tous les types d’ouvrages, qu’il s’agisse de politique, de philosophie, de romans, de mathématiques, etc., preuves de son immense culture et de ses convictions. Il est notamment très dur avec Simenon : « (...) ce n'est qu'un aspect de son racisme, si bien partagé entre la presque totalité de la bourgeoisie française ». Cela renseigne aussi sur son écriture, très caractéristique et toujours très fine.

Un autre élément à prendre en compte était la tombe de Jean LAMBERT à Saint-Pardoux-la-Croisille que j'avais sur laquelle j'avais remarqué, en 1991, l’inscription “Jean LAMBERT – Ami du peuple” et sa photo - qui ne figuraient pas lors de ma première visite en 1963. Elles avaient été rajoutées (mais par qui ?).

Précisément, en juin 2013, Monsieur GL envisagea de se rendre en France et de passer notamment à Saint-Pardoux-la-Croisille pour savoir si la tombe de Jean LAMBERT n'était pas en déshérence. Et il eut la surprise de découvrir que la femme de Jean LAMBERT avait été inhumée avec lui et que la tombe était parfaitement entretenue. Un extraordinaire hasard a fait qu'ils aient pu parler aussi avec Monsieur TOURETTE, qui était le propriétaire de l’hôtel au moment du décès de Jean LAMBERT et qui était précisément de passage à Saint-Pardoux où il ne réside plus depuis longtemps (l'hôtel ayant maintenant fermé). Monsieur TOURETTE se souvenait (52 ans après !) des derniers jours de Jean LAMBERT qui, la veille de sa mort « avait rencontré un médecin à Tulle qui lui avait annoncé qu’il allait devenir aveugle dans les six mois ». Il se souvenait aussi « de la femme et de la fille de Jean LAMBERT qui étaient venues au moment du décès ainsi que de personnes de la Seyne-sur-Mer venues après le décès.
 

Tombe de Jean LAMBERT et de son épouse à Saint-Pardoux-la-Croisille en 2013
(Photos GL)

A ce moment-là (juin 2013), voici comment je pouvais résumer les informations en ma possession :
- Un fait  nouveau, c’est tout d’abord le fait que la femme de Jean LAMBERT ait été inhumée auprès de lui. Je n’avais d’ailleurs jamais su la date de décès exacte de Jeanne LAMBERT (Anna Jehanne TRUITARD, d’après l’état-civil). Lors de mon dernier passage à Saint Pardoux la Croisille, le 30 juillet 1991, il n’y avait aucune plaque mentionnant Jeanne LAMBERT, décédée pourtant 2 ans auparavant. Le corps de cette dernière a donc dû être transféré auprès de celui de son mari après 1991. La tombe est en effet parfaitement entretenue, la pierre tombale, qui apparaissait déjà dégradée en 1991, a été remise à neuf, sans doute à une date récente. Ce qui indique que des descendants s’en occupent. Sa fille ? Des petits-enfants ??
 - Il est extraordinaire que l’ancien propriétaire de l’hôtel après autant d’années et qu’il ait conservé de Jean LAMBERT et de son décès des souvenirs aussi vivaces. Ce décès brutal dans son établissement (et, je crois, pendant des festivités locales - ce qui avait compliqué les choses car il avait fallu mettre de la discrétion dans la venue de gendarmes à l’hôtel et l’enlèvement du corps).
- Ce que j’ignorais aussi (ou que j’avais peut-être oublié), c’est que Jean avait rencontré la veille un médecin à Tulle. Certes, il avait dit à mon père au cours des mois précédents que, comme conséquence de son diabète, il risquait d'avoir progressivement un décollement de la rétine et que, si cela se produisait et qu’il devenait aveugle, vu que sa grande passion était la lecture, il mettrait fin à ses jours. Et quand nous avons appris son décès (et qu’il avait laissé un mot sur sa table de nuit, dont je crois me souvenir que c’était : « J’en ai marre. Obsèques civiles. Ni fleurs ni couronnes », nous avions compris que son mal avait progressé. Mais cette visite à un médecin de Tulle la veille de son décès ne nous avait jamais été rapportée, du moins je ne m'en souviens pas.
- Ce qui me surprend dans le souvenir du directeur de l’hôtel, c’est la venue de la femme et de la fille de Jean « au moment du décès ». Car il me semble que le décès fut ignoré de ses amis et de sa famille pendant une certaine période. Ignoré de sa famille, car c’est mon père qui, le premier, avait réussi à joindre la sœur de Jean à Nice, qu’il lui avait demandé de venir au plus vite en prétendant que Jean était au plus mal. La sœur, qui se déplaçait difficilement, avait hésité à entreprendre le voyage. Mon père avait dû la rappeler et insister pour qu’elle vienne chez nous, et c’est seulement là qu’elle avait appris le décès et qu’elle avait dit qu’il fallait prévenir « ma belle-sœur ». Nous ne savions pas alors que Jean avait été marié et avait une fille. Sachant que le décès ne fut connu de mon père que 1-2 semaines après (vu que la police était venue à l’appartement de Jean sans succès et avait ensuite interrogé des voisins dont le marchand de journaux d’en face qui n’avait pu renseigner la police sur le moindre membre de la famille qui aurait pu être retrouvé, et qui n’avait signalé le décès de Jean à un ami de mon père qu’incidemment, je crois 1-2 semaines après le 1er septembre. Ceci pour dire que le décès ne fut connu de la sœur de Jean, puis de sa femme et de sa fille que vers la fin septembre. Elles n’avaient donc pu aller à Saint-Pardoux au moment du décès. Elles ont dû évidemment s’y rendre ensuite, peut-être en octobre, et ont dû s’occuper de la tombe à ce moment-là.
- La tombe, je l’ai vue, avec mon père, 3 ans plus tard, fin août ou tout début septembre 1964. (Et non 1963 comme j’avais dû l’écrire initialement). Et nous avions logé chez M. Tourrette et parlé naturellement avec lui de Jean LAMBERT. S’il se rappelle de personnes venues de La Seyne-sur-Mer, c’est peut-être de nous. Mais il n’est pas impossible que d’autres amis de Jean soient venus sur sa tombe dans les mois ou les années qui ont suivi son décès.
Voilà ce que je pouvais dire en me replongeant dans mes souvenirs (d’il y a plus de cinquante ans !) et en indiquant les points qui me paraissaient correspondre exactement à mes souvenirs et ceux que j’ignorais ou dont je n’avais pas le même souvenir. Restait à ce moment-là (juin 2013) à retrouver ceux ou celles qui avaient continué à entretenir la tombe de Saint-Pardoux, ce qui aurait pu amener à rétablir le contact avec la fille de Jean LAMBERT ou ses descendants, car d’autres documents originaux sur Jean LAMBERT (je pensais aux photos de Jean, en uniforme d'Administrateur, à Fort-Lamy, avec Charles GAULLE et René PLEVEN, photos que sa fille avait précieusement recueillies) étaient certainement en leur possession.

Or, quelques semaines plus tard, le 30 juillet, Monsieur GL m'informa que les choses avaient beaucoup avancé : c'était bien la fille de Jean LAMBERT, Paule LAMBERT [un prénom qui rappelle bien sûr
Paul LAMBERT, frère aîné de Jean, normalien tué à la guerre en 1915], qui avait fait rajouter sur la tombe une plaque au nom de sa mère et qui chargeait quelqu’un de l’entretien de la tombe. Paule LAMBERT l'avait contacté. Elle était maintenant âgée de 80 ans et vivait aux États-Unis depuis une trentaine d’années. Elle n’avait pas de descendants. Paule s'était montrée très désireuse de pouvoir parler avec quelqu’un qui avait connu son père, et j'acceptai naturellement de lui communiquer mes coordonnées téléphoniques. Mais je n'arrivai pas à réaliser que la fille de Jean pouvait avoir aujourd’hui 80 ans ! Il est vrai que, lorsque je l’ai rencontrée, une seule fois, en 1961, j’avais 17 ans et elle avait quelques années de plus que moi, entre 25 et 28 ans, me semblait-il.

Fin août 2013, je fus en effet appelé pour la première fois au téléphone par Paule LAMBERT
. Ce fut une grande joie et une grande émotion. Nous avions parlé plus de 45 minutes et elle m’avait conté les principaux épisodes de sa vie, de celle de sa mère et de celle de son père, telle qu’elle avait pu la reconstituer d’après tout ce qu’avait pu lui dire sa mère, son grand-père ou d’autres membres de la famille. J’ai essayé d’écrire rapidement, au fur à mesure, ce qu’elle me disait, mais je n’ai évidemment pas pu tout noter tant elle avait de détails à me livrer. Je n’ai pas pu, non plus, faute de temps, lui demander un certain nombre de choses sur elle, notamment pourquoi elle était partie un jour pour les États-Unis et y était restée.

Finalement, elle savait beaucoup plus de choses que je ne le pensais sur son père, et elle m’en a aussi beaucoup appris. Parfois, l’histoire coïncidait très bien avec ce que j’en savais par mon père. Mais, concernant de nombreux aspects de sa vie, au contraire, bien qu’il ait passé de très nombreuses heures à bavarder avec mon père, Jean ne les avait jamais évoqués. A commencer bien sûr par le fait qu’il était marié, qu’il avait une fille, qu’il avait revu sa femme à plusieurs reprises, ou que son père était décédé en 1960, à Nice. Ce que j’ai découvert aussi, c’est que Mme LAMBERT et sa fille étaient revenues régulièrement, et pendant de nombreuses années, à La Seyne, à l’appartement de Jean. Et que ce n’était que récemment que Paule avait mis l’appartement en location et l’avait vendu. J’étais persuadé, aux dires de mes parents, comme je vous l’avais écrit, que Mme LAMBERT y était venue seulement quelques années et qu’ils ne l’avaient plus vue après 1965 ou 1966. Paule me dit au contraire qu’elles avaient essayé de retrouver la trace de mon père mais que, dans le quartier, on lui avait dit que nous étions partis, sans autre précision. Il est vrai que nous avions déménagé entre temps, mais ce n’était qu’à quelques centaines de mètres, et il est regrettable que le contact ait été ainsi rompu alors que Paule et sa mère étaient revenues tout près de chez nous pendant encore une vingtaine d’années, jusque dans les années 1980.
 
J’ai toujours pensé que Jean LAMBERT était un personnage d’exception, tel qu’on en rencontre très peu dans une vie (pour les modestes habitants d’une petite ville de province que nous étions), qu’il avait eu une existence et une carrière hors du commun (
début d’études médicales, qu'il abandonne ; mobilisé en 1918 comme médecin-auxiliaire ; études d’ingénieur (chimie, électronique) à Grenoble ; il ne peut jamais garder longtemps ses emplois de cadre car il soutient toujours les pauvres et les faibles, il défend toujours les ouvriers et les incite à se révolter ; il est donc renvoyé de partout ; il entre à l'École coloniale et fait carrière en Afrique ; mais, là aussi, il soutient toujours les Indigènes contre les Européens et il est finalement limogé par de Gaulle ; il gagne plus tard son procès en Conseil d'État et obtient en réparation le versement de 5 ans de salaire). Bien qu'ayant eu une éducation bourgeoise, raffinée (grand père inspecteur d’académie, père doyen d’université), rapidement, sa nature révoltée prend le dessus, surtout après la mort de son frère (1915) et de sa mère (1922), et il quitte très vite sa famille. Mais c’était aussi apparemment une nature complexe, et, il me semble, difficile à décrypter. Quelqu'un d’une curiosité et d’une culture encyclopédique, et qui devait être fascinant, mais peut-être à l’étroit dans la vie quotidienne.Je ne crois pas que sa fille soit parvenue à comprendre ou expliquer de manière rationnelle les raisons du comportement de son père avec elle et avec sa mère. Un certain nombre de choses nous échappent peut-être, pour lesquelles Jean, homme particulièrement intelligent, avait sans doute ses raisons, que nous ne connaîtrons jamais. J’ai parlé à Paule LAMBERT des photos (avec Charles de Gaulle et René Pleven, entre autres) que Jean avait montrées à mon père. Elle les avait conservées, effectivement, et m’en a envoyé des copies que j’ai reçues il y a quelques jours. Dans un courrier du 3 septembre, elle m’a envoyé aussi de nombreuses photocopies de la carrière professionnelle de Jean et de ses activités dans la Résistance au régime de Vichy, qui lui avaient valu saisie de tous ses biens et même condamnation à mort.

3 septembre 2013 : Premier courrier de Paule LAMBERT

Chers amis,

Voici enfin les documents promis. J'ai eu beaucoup de plaisir à parler avec vous au téléphone et j'aime revivre tous les souvenirs attachés à mon père que vous avez mieux connu que moi. Je ne sais plus très bien ce que je vous ai dit car, en même temps, j'ai parlé à GL plus ou moins des mêmes choses. Donc, si vous avez des questions, quelles qu'elles soient, je serai heureuse d'y répondre.

L'histoire de la traction avant m'a bien amusée.

Très amicalement

PL

Jean LAMBERT à  l'École Coloniale (année 1926/1927) : le 4e assis en partant de la droite


Photos d'identité et de famille

Photo de la carte de la Bibliothèque Nationale 1929/1930

Jean LAMBERT et son épouse, en route pour l'Afrique

Photo d'identité, non datée

Photo d'identité, non datée


Photos d'Afrique














1943


Cérémonie autour du monument funéraire (Sassandra, Côte d’Ivoire) qui rend hommage aux victimes du torpillage du s.s. Dumana le 24 décembre 1943. La photo du bas représente le monument aujourd'hui

Photos d'un lieu inconnu (à identifier)




J’ai été très ému de découvrir ces photos de Jean, beaucoup plus jeune, avec encore des cheveux ! dans sa tenue blanche d’Administrateur en Afrique. Si mon père (décédé il y a 6 ans), qui avait une estime infinie pour Jean, était encore de ce monde, il aurait été extrêmement intéressé de revoir ces photos et de découvrir aussi tous ces aspects de la vie de Jean, qu’il a ignorés. Et il aurait admiré comment, grâce à internet, il était devenu possible de renouer des contacts avec des familles amies, aussi éloignées et si longtemps après !

Jean LAMBERT est mort, il y a maintenant 52 ans, et pourtant, à La Seyne-sur-Mer, plusieurs responsables politiques de l’époque (à qui j’ai parlé de Jean récemment), tous octogénaires, se rappellent parfaitement de lui, de son visage et de sa stature, bien qu’ils ne se souviennent plus très bien de son parcours (administrateur ? Afrique ? écrivain ?). Ils m’ont rappelé qu’au début des années 1960, peu après la disparition de Jean, une Cellule du Parti communiste du quartier Berthe (un quartier populaire de La Seyne), avait été dénommée « Cellule Jean LAMBERT ».

Il y eut par la suite deux autres conversations téléphoniques et deux autres courriers de Paule LAMBERT avec, à chaque fois, de nouvelles précisions et l'envoi de nouvelles photocopies de documents retrouvés sur la vie et la carrière de Jean LAMBERT.

Mais la date et le lieu des photos prises en Afrique, notamment lors d'une visite de Charles de GAULLE n'ont toujours pas pu être déterminés avec certitude. Certaines photos auraient pu être prises à Fort-Lamy, à l'époque ou Jean LAMBERT y fut Administrateur-Maire et de GAULLE et PLEVEN se sont rendus plusieurs fois, ce pays s'étant, le premier d'Afrique, à s'être rallié à la France Libre (PLEVEN dès 1941). J'ai en effet le souvenir que Jean LAMBERT fut limogé par de GAULLE après l'affaire de la mosquée de Fort-Lamy. Il y a pourtant, dans la série de photos, celle d'une cérémonie autour du monument funéraire qui rend hommage aux victimes du torpillage du s.s. Dumana le 24 décembre 1943, monument qui se trouve, aujourd’hui encore, à Sassandra, en Côte d’Ivoire. Alors, ces photos (si elles sont vraiment toutes de la même série) pourraient plutôt dater de la période en Côte d’Ivoire, après septembre 1943. A partir de cette époque, Jean LAMBERT est en effet affecté au poste d'Administrateur, Chef de cabinet de M. le Gouverneur de Côte d'Ivoire. Mais pourtant de Gaulle ne semble être venu pour la première fois à Abidjan que le 15 janvier 1944. Jean LAMBERT n'aurait alors pas été limogé par de GAULLE à Fort-Lamy, mais il l'aurait été plus tard,
en 1947 (et ce n'était plus par de GAULLE lui même, qui n'était plus au pouvoir), et pour ses idées politiques, au moins autant que pour cette affaire de mosquée.


28 novembre 2014 : Courrier à Paule LAMBERT

Bonjour Paule,

J’avais promis de vous faire parvenir de nouveaux textes biographiques de votre père. (...) Vous trouverez donc ci-joint deux textes biographiques destinés au Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier et Social Français (dont il existe une version imprimée et une version en ligne) :

- L’un qui avait été écrit par un historien de la région de Grenoble (Pierre Broué) et qui s’arrête en 1924, l’auteur ayant alors perdu la trace de Jean LAMBERT dans les archives locales.
- L’autre qui prend en compte la suite de la vie de votre père à partir des informations en ma possession, complétées par les échanges que j’ai eus avec Gérard LAMBERT et avec vous, le tout remis en forme dans le style standardisé de ces notices biographiques (écriture au passé, ton neutre, état civil contrôlé, sources) par mon ami historien Jacques Girault (qui habitait autrefois le même immeuble que ma famille et qui avait donc aussi connu votre père à la fin des années 50).

Pendant de nombreuses années, seule la première version de la biographie de votre père avait figuré, sans que nous nous en doutions, dans le Dictionnaire. Jacques Girault a maintenant adressé la version complétée à l’Éditeur pour qu’elle remplace l’ancienne.

Je pense que la première version retiendra particulièrement votre intérêt car elle témoigne des opinions et des actions extrémistes voire anarchistes de votre père à cette époque, sans doute, comme vous me l’avez expliqué, en réaction à la disparition tragique de son frère, puis de sa mère.

La dernière version de la biographie, qui a été mise sur internet, peut toujours faire l’objet de compléments ou de rectifications. Donc, si vous constatez des anomalies ou des oublis, vous pouvez m’en informer pour que nous opérions les corrections que vous souhaiteriez voir apparaître.

Dans cette attente, recevez toute mon amitié.

Jean-Claude Autran


4 décembre 2013 :
Courrier de Paule LAMBERT

Bonjour Jean-Claude,
 
Merci infiniment de m'avoir envoyé ces deux biographies qui me sont très précieuses. Comme vous l'avez deviné, cela m'a beaucoup interessée de découvrir ce que faisait mon père avant d'entrer dans la vie de ma mère. Ces informations sont nouvelles pour moi mais correspondent bien à l'état d'esprit qui dut être celui de mon père, esprit de révolte après la mort de son frère dans les tranchées et toutes les pertes de vie qui ont marqué la guerre de 1914. GL me disait aujourd'hui que la moitié de la promotion de Paul a l'ENS y a perdu la vie : 9 élèves sur 18. N'est-ce pas affreux ? N'est-ce pas un gachis abominable et une perte de cerveaux remarquables qui auraient pu apporter beaucoup à la société ?
 
Merci aussi de la photo de votre famille que je viens d'imprimer. Je peux ainsi mieux vous imaginer. Quelle belle famille ? Vous avez l'air très heureux tous les cinq sous le beau ciel de Provence.
 
Merci encore, cher Jean-Claude.
 
Toutes mes amitiés, à vous, à Yolande et à vos trois fils.

PL


21 janvier 2014 : Courrier de Paule LAMBERT

Cher Jean-Claude,

J'ai retrouvé des papiers relatifs à mon père, qui sont susceptibles de vous intéresser. Ci-joint les copies :

    1) Récapitalatif des activités de Jean LAMBERT jusqu'en 1945.
    2) Affectations successives en Afrique.
    3) Rapport officiel (par l'administration de Vichy) du passage clandestin de mon père au Libéria.
    4) Jugement par contumace prononcé par le tribunal militaire de Dakar.
    5) Appel lancé à la radio d'Accra.
    6) Demande d'affectation au corps expéditionnaire indochinois (Je n'avais jamais eu connaissance de cette démarche qui semble ne pas avoir abouti).

Il apparaît que mon père s'est aussi engagé volontaire pour combattre dans l'armée française en mai 1940 (il devait avoir une idée derrière la tête), que, dans ce but, il s'est rendu à Sète, mais que cette affectation lui a été refusée et qu'il a été estimé plus utile de lui redonner un poste en Afrique après son congé en France (c'est la période où nous avons vécu ensemble, tous les trois, à Dijon). Il a été alors affecté en Côte d'Ivoire, d'où il s'est enfui pour se rendre au Libéria et rejoindre les Forces Françaises Libres.

En février 1942, il est affecté au Tchad, à Fort-Lamy, et c'est là que les photos ont dû être prises avec de Gaulle.

Les pièces du puzzle se mettent peu à peu en place et, grâce à vous, je commence à avoir une vision d'ensemble et j'en suis ravie.

J'espère que vous n'avez pas été touchés par les inondations qui affectent tout le Var. Ici, nous entrons encore dans une tempête de neige et il fait très froid.

A vous et à Yolande, j'envoie toutes mes amitiés les plus sincères.

PL


Jean Lambert : activités jusqu'en 1945

- Né à Dijon le 22 novembre 1898.
- Baccalauréat en 1914 et 1915.
- Étudiant en médecine en 1915-1916-1917.
- Mobilisé en avril 1917.
- Infirmier de 2e classe, puis médecin-auxiliaire.
- Front des Vosges, puis Macédoine.
- Démobilisé en février 1920.
- Adhère à la section de Dijon du Parti en mars 1920.
- Participe à la lutte pour le rattachement à la 3ème Internationale.
- Arrêté lors de la manifestation vontre l'inauguration du monument de Bossuet et condamné par le tribunal de simple police à 5 francs d'amende.
- Licencié ès-sciences en juillet 1921.
- Étudiant à l'Institut Électrotechnique de Grenoble d'octobre 1921 à juillet 1923. Fait partie de la section de Grenoble.
- Secrétaire-adjoint de la Fédération Communiste de l'Isère.
- Condamné en mai 1923 par le Tribunal correctionnel d'Annecy à 800 francs d'amende pour un article paru dans le journal local du Parti, "Le Travailleur de l'Isère".
- Diplômé Ingénieur électricien en juillet 1923.
- En juillet 1923, à sa sortie de l'
Institut Électrotechnique, le directeur de l'Institut refuse de le placer à cause de ses opinions politiques.
- S'embauche comme manœuvre dans une usine de produits chimiques de Saint-Fons (banlieue de Lyon).
- Milite à la section de Saint-Fons.
- Secrétaire du syndicat (C.G.T.U.) des Produits Chimiques de Lyon.
- Participe en janvier 1924 au congrès de Lyon du Parti.
- Désigné par le congrès comme membre de la délégation qui devait assister aux obsèques de Lénine. (La délégation n'est d'ailleurs pas partie, les obsèques ayant eu lieu sans délai).
- Mars 1924 : Ingénieur électricien aux "Exploitations électriques à Langres". Milite à la section de Langres.
- Octobre 1924 : Ingénieur chimiste aux usines du "Bi-Métal" à Alfortville.
- Secrétaire-adjoint du rayon d'Alfortville.
- Secrétaire-adjoint de la Fédération des Produits Chimiques
(C.G.T.U.).
- Octobre 1925 : Ayant porté la contradiction au nom du Parti à une réunion publique à Alfortville, est renvoyé des usines du "Bi-Métal".
- Ingénieur aux usines de la S.E.V. (Issy-les-Moulineaux).
- Milite à la cellule de l'usine.
- Ayant fait grève le 1er mai 1926, est renvoyé de la S.E.V. le 2 mai.
- Ingénieur-chimiste au Comptoir des Alcaloïdes à Noisy-le-Sec.
- Janvier 1927 : Entre dans l'administration coloniale comme Adjoint des Services Civils de l'A.E.F.
- Affecté aux chantiers du chemin de fer Congo-Océan, a fourni les éléments de la campagne menée par le Parti en 1929 et 1930 contre les abus commis au Congo-Océan.
- A cessé de cotiser au Parti en 1927 car il n'existait pas de section en A.E.F.
- 1930 : Nommé Administrateur-Adjoint des Colonies. Affecté au Tchad.
- 1937 : Affecté au Moyen-Congo. Dénonce officiellement les abus commis par la mission catholique de Franceville et par l'évêque de Libreville, TARDY.
- Mai 1939 : Nommé
Administrateur des Colonies.
- Mai 1940 : Rapatrié en France, malade.
- Novembre 1940 : Affecté en A.O.F., en Côte d'Ivoire.
- Août 1941 : Muté de Gagnoa (Côte d'Ivoire) à Touba (Côte d'Ivoire) pour avoir « saboté les cérémonies de la Semaine impériale de Pétain ».
- Décembre 1941 : Abandonne son poste de Touba et gagne le Liberia pour rejoindre les F.F.L. Après un emprisonnement de 15 jours au Liberia, traverse à pied tout le Liberia et s'embarque à Monrovia.
- Février 1942 : Affecté à la mission des Forces Françaises Libres d'Accra (Côte de l'Or) où il est chargé du bulletin d'information de la station de radio.
- Avril 1942 : demande à partir à l'armée Leclerc. Affectation refusée. Est affecté au Tchad [dont le gouverneur Félix Éboué proclame le 26 août 1942 le ralliement à la France Libre]. Administrateur-Maire de Fort-Lamy, puis chef du département de Batha (Tchad).
- 5 septembre 1942 : Condamné à mort pour "trahison" et à la confiscation des biens par le Tribunal militaire de Dakar.
- Septembre 1943 : Affecté en Côte d'Ivoire par le Gouvernement provisoire d'Alger. Chef du Cabinet du Gouverneur de la Côte d'Ivoire, puis Chef du Bureau des Affaires politiques de la Côte d'Ivoire.
- Août 1945 : Rentre en France en permission de détente. Reprend sa carte du Parti à Dijon. Médaillé de la Résistance Française.


Affectations successives de Jean LAMBERT en Afrique (de 1927 à 1940) :

I° séjour
Février 1927
Janvier 1929
Novembre 1929
Chargé des cultures vivrières des chantiers du chemin de fer Congo-Océan
Congé de convalescence de six mois
Stagiaire à l'Ecole Coloniale
2° séjour
26-5-1930
Juin 1930
Juin 1932
Affectation à l'A.E.F.
Chef de subdivision de Massakory
Congé administratif de 6 mois
3° séjour
Mars 1933
Août 1933
Juin 1934
Décembre 1934
Mars 1936
Chef de subdivision de Ngouri
Adjoint au chef de circonscription du Kanem
Adjoint au chef de circonscription du Mayo-Kebbi
Chef de subdivision de Fianga
Congé administratif de 9 mois
4° séjour
Février 1937
Septembre 1937
Février 1938
Juillet 1938
Avril 1939
Décembre 1939

Chef de subdivision de Franceville
Chef de subdivision d'Okondja
Évacué sur l'hôpital de Brazzaville
Chef de subdivision d'Aboudéia
Chef de département intérimaire du Salamat
Chef de subdivision d'Aboudéia
Évacué sur l'hôpital de Fort-Archambault : hospitalisé le 5-2-1940

6 février 2014 :
Courrier à Paule LAMBERT

Chère Paule,

Encore un grand merci pour tous les précieux documents que vous venez de m’adresser.

La vie et le parcours chronologique de votre père nous sont ainsi connus avec encore plus de précisions. Et tous les détails nouveaux que j’ai découverts me confortent dans l’idée qu’il fut vraiment un personnage hors du commun et animé d’un courage, d’une conviction, et d’un patriotisme extraordinaires.

Vos documents nous font découvrir des choix importants qu’il avait faits (demande d’engagement volontaire en 1940, demande à partir dans l’armée Leclerc en 1942, demande à d’affectation au corps expéditionnaire indochinois en mars 1945), et qui n’apparaissaient pas dans les documents biographiques rassemblés jusqu’ici. Ils nous permettent aussi de bien compléter certaines périodes de sa vie qui étaient encore obscures, à la fois au niveau de ses affectations professionnelles en France (et son activité constante de militant communiste qui dut être classé parmi les « durs » de l’époque), et surtout en ce qui concerne la chronologie de ses affectations en Afrique.

Cela va nous amener à déjà corriger certains points de la notice biographique qui avait été rédigée il y a quelques mois sur votre père en vue du Dictionnaire du Mouvement Ouvrier et Social Seynois. En particulier, pour ce qui concerne ses affectations en 1917-1918 sur le Front des Vosges, puis en Macédoine (la notice faisait état d’une affectation au Moyen-Congo, ce qui ne sera le cas qu’en 1937 - car le Fascicule de Mobilisation - classe 1918 - sur lequel je m’étais appuyé est en fait un document de mobilisation pour la Seconde guerre mondiale et non de 1918).

Je n’ai peut-être pas encore étudié avec suffisamment de soin toutes les dates et tous les lieux de missions en Afrique, mais j’ai encore quelques doutes sur l’épisode de la fameuse mosquée qu’il avait fait construire avec les crédits attribués par de Gaulle. Dans les souvenirs transmis par mon père, il me semble que cela se situait à Fort-Lamy et je me souviens qu’il avait alors des fonctions de « Maire », ce qui est confirmé par vos documents (« Administrateur-Maire » en avril 1942). Et pourtant je ne suis pas certain que les photos avec de Gaulle soient de Fort-Lamy, car il y dans la même série de photos une cérémonie autour du monument funéraire qui rend hommage aux victimes du torpillage du s.s. Dumana le 24 décembre 1943, monument qui se trouve, aujourd’hui encore, à Sassandra, en Côte d’Ivoire. Ces photos (si elles sont toutes de la même série) pourraient donc plutôt dater de la période en Côte d’Ivoire, après septembre 1943.

Je vais voir si l’on peut retrouver le parcours exact de de Gaulle dans cette période. Le gouverneur Félix Eboué avait proclamé le ralliement du Tchad à la France Libre le 26 août 1942. Je ne sais pas si de Gaulle s’est vraiment rendu au Tchad entre août 1942 et septembre 1943, date à laquelle votre père était affecté en Côte d’Ivoire. Et si l’épisode de la mosquée s’était effectivement déroulé à Fort-Lamy, il aurait fallu que de Gaulle y soit passé une première fois pour donner ses directives et une seconde fois pour constater que votre père avait désobéi. Or, il me semble que c’est lors du second passage que votre père avait été limogé et qu’il avait été aussitôt renvoyé en métropole « entre deux gendarmes », comme il le racontait. Ce qui n’a pas pu se produire en 1942 ni en 1943 puisque sa carrière en Afrique s’est poursuivie jusqu’en août 1945.

Peut-être avez vous davantage d’idées sur la question. J’essayerai de vous téléphoner un de  ces prochains jours pour bavarder un peu avec vous sur ce point et sur tous les autres sujets.

Merci de prendre de nos nouvelles au sujet des inondations qui ont, encore une fois, touché certaines parties du département du Var. Mais personnellement, nous ne risquons rien car nous habitons sur une zone un peu élevée. Ce sont surtout les plaines alluviales des rivières du Var et des zones littorales plates qui sont, de plus en plus régulièrement, victimes d’inondations. Mais le phénomène des vagues de submersion est tout de même bien moins importants que sur toute la côte atlantique. Mais ce n’est pas terminé car hier encore le Var a été classé en « alerte orange inondations » et que de fortes pluies sont encore attendues demain. Mais, contrairement à votre région, aucune neige n’est ici prévue et l’hiver pourrait bien se terminer sans qu’il y ait eu la moindre température négative.

Avec toutes nos amitiés.

Jean-Claude Autran


25 février 2014 : Courrier de Paule LAMBERT

Cher Jean-Claude,

Voici quelques documents qui pourront vous intéresser. N'hésitez pas à me poser des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre et je suis heureuse que vous vous intéressiez à la vie de mon père. En fait, vous m'avez appris beaucoup de choses sur lui et j'en suis ravie. Je vous en remercie profondément.

Toutes mes amitiés à vous et à Yolande.

PL


9 juillet 2014 : Courrier à Paule LAMBERT

Bonjour Paule,

Veuillez me pardonner d'avoir tant tardé à reprendre contact avec vous après l'envoi de vos derniers documents sur votre père, il y a déjà plusieurs mois. (...).

J'ai enfin trouvé le temps de me repencher sur l'ensemble des documents, copies de courriers et photos, que vous m'aviez adressés en plusieurs envois. Je les ai reclassés par ordre chronologique et je les ai résumés dans une liste qui, bien que comportant encore quelques périodes incertaines, permet d’effecteur un maillage plus précis de la vie de votre père et de mieux suivre, année par année, les péripéties de son parcours professionnel et politique. (Je n'y ai pas fait figurer les questions qui sont d'un ordre familial plus intime). Je vous adresse ci-joint ce résumé. (Naturellement, vous pourriez y relever des oublis ou des erreurs d’interprétation de ma part, que vous remercie par avance de bien vouloir me signaler).

Les deux périodes que je n'arrive pas encore à bien comprendre sont :

1) L'année 1942-1943 où votre père est nommé Administrateur-Maire de Fort-Lamy (sous le régime des Forces Françaises Libres) (*). Mais en octobre 1942, un courrier fait état d'un grave différend entre l'Administrateur-Maire et le Comité de l'Eglise de Fort-Lamy. Des souvenirs que j'avais, il me semblait que l'épisode de la mosquée se situait à Fort-Lamy et que votre père avait alors été limogé par de Gaulle « renvoyé en France entre deux gendarmes ». Je pensais que sa carrière aux Colonies avait pris fin après ce limogeage [mais après tant d'années, peut-être les souvenirs se sont mélangés dans ma mémoire, d'autant que j'avais reçu ce souvenir par l'intermédiaire de mon père qui l'avait peut-être lui aussi inconsciemment transformé ou édulcoré]. Or, bien qu'il n'ait pas été retrouvé de document écrit sur la période octobre 1942 - septembre 1943, il est certain qu'en septembre 1943, votre père est bien « de retour en Côte d'Ivoire et affecté au poste d'Administrateur, Chef de cabinet de M. le Gouverneur de Côte d'Ivoire ». Même s'il avait peut-être été sanctionné pour sa « raideur excessive dans ses rapports quotidiens avec les Européens » [ce télégramme du  29 juillet 1944 n'est pas très explicite : « Solution proposée me paraît bonne... ?], sa carrière a néanmoins continué à un niveau élevé de responsabilités, jusqu'en mars 1947. Peut-être avait-il été muté de Fort-Lamy à Abidjan après cet incident autour de l'église et de la mosquée ? Mais de Gaulle ne devait pas alors lui garder trop de rancune puisqu'il avait accepté de le voir Chef de cabinet du Gouverneur de Côte d'Ivoire et avait aussi signé l'attribution de sa Médaille de la Résistance en 1945.
(*) Il est possible que les photos avec de Gaulle soient de cette époque car j'ai vérifié que de Gaulle (et Pleven) sont venus plus d'une fois au Tchad, premier territoire africain à s'être rallié à la France Libre. Mais il y a probablement certaines autres photos qui sont de Côte d’Ivoire, notamment celles du monument qui rend hommage aux victimes du torpillage du s.s. Dumana, qui se trouve à Sassandra, en Côte d’Ivoire.

2) La période 1947-1949. Que s'est-il passé en 1947 avant cette passation de pouvoirs à M. Charles Claverie ? Est-ce là qu'il a été véritablement limogé ? Sans doute pour ses idées politiques en général, mais y a-t-il eu une cause précise à ce moment-là ? Si je comprends bien, il quitte la Côte d'Ivoire définitivement en mars 1947. Il est présent à Saint-Louis (Sénégal) en 1948 [Il avait dû y récupérer les copies certifiées conformes de sa condamnation à mort - qui portent un cachet de Saint-Louis]. Mais les décrets portant sa révocation ne sont datés que des 28 mars et 21 novembre 1949. Sait-on quelles raisons précises sont invoquées pour qu'il ait été révoqué ? Il avait dû vraisemblablement continuer à percevoir son salaire entre 1947 et 1949 car l'indemnité en réparation du préjudice subi prend en compte une période commençant le 1er avril 1949.

Voilà quelles sont les questions que je me pose encore sur le parcours riche et complexe de votre père.

Peut-être avez vous de votre côté quelques éléments de réflexion ou autres documents qui permettraient de mieux m'éclairer sur les points qui demeurent encore obscurs pour moi. Je serais heureux de poursuivre les échanges avec vous.

Ayant rassemblé tous les éléments disponibles sur la carrière de votre père, je serai alors amené à rectifier sa fiche dans le « Dictionnaire du Mouvement Ouvrier et Social Seynois », celle-ci ayant été rédigée avant réception des derniers documents détaillant ses affectations successives en Afrique et comportant donc des omissions (Congo, Moyen-Congo) et des erreurs dans la chronologie.

Avec toutes mes amitiés. J’espère que tout va bien pour vous.

Jean-Claude


Voici la liste des différents documents rassemblés sur Jean LAMBERT, reclassés par ordre chronologique, avec le détail des principaux éléments de leur contenu :
(rajoutés en bleu, les documents reçus lors de l'envoi d'octobre 2014, et en violet, ceux reçus lors de l'envoi de janvier 2015)

- Acte de naissance de Jean LAMBERT à Dijon en 1898 : « Acte de naissance # 1198 du 24 Novembre 1898. LAMBERT Jean Maurice Jules, fils de Charles Henri LAMBERT, 33 ans, professeur, demeurant à Dijon, Marié au Puy (Haute-Loire) le 6 Avril 1892 avec Marie Félicie Carbasse, 26 ans ». Mentions marginales : « Marié le 26 Juin 1926 à Issy-les-Moulineaux (92) avec Anna Jehanne Truitard » et « Décédé à St-Pardoux-la-Croisllle Corrèze - Dijon le 14/9/1961 ».

- Second prix de calcul obtenu en classe de 8e par Jean LAMBERT au Lycée Carnot à Dijon en 1907.

- Document du Secrétariat de l'École de Médecine et de Pharmacie de l'Université de Dijon, daté du 16 février 1918, certifiant que LAMBERT Jean, Maurice, Jules, « est actuellement pourvu de six inscriptions en vue d'obtenir le diplôme de Docteur en médecine ».

- Courrier du 11 mars 1929 du Service Colonial de Bordeaux qui l'avise qu'il est autorisé à présenter le concours d'admission au stage à l'École Coloniale, les 2_3 avril au centre de Paris, courrier qui est adressé à Monsieur LAMBERT « adjoint des Services Civils », 110 rue des Boulets, Paris 11e.

- Appréciation et notation de M. LAMBERT, daté de Fort-Lamy, 15 janvier 1931 : « M. LAMBERT a obtenu à Massakory des résultats très remarquables. En cinq mois, il a ramené la paix et rétabli l'ordre dans une région mise en coupe réglée depuis des années par les pillards et les brigands de grand chemin qui l'habitaient. Cette transformation n'a nécessité aucune rigueur inutile, elle a été réalisée par la seule mise en œuvre de sanctions judiciaires et d'une incessante activité, grâce à une compréhension merveilleusement exacte des moyens à employer. L'intelligence de M. LAMBERT, sa vaste culture, ses talents administratifs, son admirable conscience professionnelle, la parfaite dignité de sa vie sont dignes de la plus haute considération et le désignent particulièrement pour un avancement qui n'aura jamais été mieux mérité. M. LAMBERT a droit à un avancement. Je le propose pour le grade d'Administrateur Adjoint de 1° classe ». Code numérique: 20/20.

- Poème intitulé « SANS ELLE » écrit dans la nuit du 11 au 12 avril 1933 par Jean LAMBERT « après son retour en Afrique lorsqu'il eut laissé ma mère en France pour me donner naissance » (PL).

- 1939 ? Fascicule de mobilisation, classe 1918, profession : administrateur-adjoint, grade : médecin auxiliaire, domicilié à Franceville, département du Haut Ogooué (Moyen Congo), affecté au Bataillon de Réserve du Moyen Congo stationné à Brazzaville.

- Formulaire de déclaration pour les personnes pénétrant en territoire français - du lieu de délivrance dans une colonie française (Bangui, A.E.F.). Jean LAMBERT, administrateur de 3ème classe des Colonies. Motif : congé de convalescence (fin avril 1940, 3 mois sauf prolongation, Bordeaux ou Marseille). Fait à Bangui (territoire de l'Oubangui-Chari, A.E.F.) le 9 mars 1940 : « L’intéressé a droit au rapatriement. Une réquisition de passage en 1ère classe lui sera délivrée sur le paquebot de la Compagnie des Chargeurs Réunis qui quittera Pointe-Noire le ( ?) à destination de Bordeaux. A l’expiration de son congé, il aura droit au transport gratuit de sa famille à destination de la Colonie » (Bangui, le 9 mars 1940) ».

- Note confidentielle de 2 pages du Gouverneur de la Côte d'Ivoire (signée H. Deschamps, Abidjan, 7 janvier 1942) à M. le Gouverneur Général, Haut Commissaire de l'Afrique Française, Direction du Personnel, Dakar, relatant en détail « les circonstances dans lesquelles M. LAMBERT, Administrateur-adjoint des Colonies, Chef de Subdivision de Touba, est passé au Libéria », avec notamment le paragraphe suivant : « Il est incontestable - ainsi que je le signalais dans les dernières notes - que M. LAMBERT avait une nette tendance au déséquilibre mental. Provenant du Tchad, il été hanté périodiquement par l'idée de ses camarades demeurés là-bas. Le sort de sa famille demeurée en France paraissait lui importer assez peu. D'un caractère sombre, sujet à des colères brusques, cet Administrateur, qui ne fréquentait personne, n'avait su se créer aucune sympathie. Ses fantaisies dans l'Administration de la Subdivision de Gagnoa m'avaient amené à le muter à Touba, poste moins important, et à lui adresser des observations sévères ». « J'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir proposer au Département la révocation de M. LAMBERT, à compter du 8 décembre [1941], date à laquelle il a quitté son poste sans autorisation pour se rendre dans une colonie étrangère ». « D'autre, part, M. LAMBERT étant détenteur, par ses fonctions de Chef de Subdivision, de secrets intéressant la Défense Nationale, et sur la situation militaire, politique et économique de la colonie, il est à présumer qu'il les communiquera aux dissidents qui demandent, à chaque transfuge, un rapport sur ce qu'il a vu, et entendu en territoire français. Il y a donc présomption de trahison ».

- Transcription d'un message radio du 19 janvier 1942 à Monrovia, Libéria : « JEAN LAMBERT CHEZ ARRIVETS MONROVIA LIBL NO 46/CC VOUS ADRESSE MES FELICITATIONS LES PLUS VIVES STOP PRESENTEZ VOUS CAPITAINE DE VILMORIN LIBERIA QUI VOUS DIRIGERA SUR POINTE NOIRE OU ETES ATTENDU ». Signé : SICE

- Appel prononcé à Radio Accra le 26 février 1942 : « L'Administrateur LAMBERT parle à la Côte d'Ivoire » (extrait du Bulletin d'informations de l'Afrique Française Libre - N° 45 du 12 Mars 1942) « (...) La raison de mon départ peut se résumer en quelques mots : je ne voulais pas travailler pour les boches. Ce projet de rejoindre la France Libre, je l'avais formé dès la capitulation de juin 1940. Envoyé de France à Gagnoa en décembre 1940, j'ai tout fait pour me faire enlever de ce poste, situé à mon goût beaucoup trop au milieu de la colonie. Dès mon arrivée à Touba, je préparai mon évasion (...). Je m'avoue impuissant à vous décrire l'émotion qui m'a saisi plus tard lorsque j'ai revu enfin le drapeau français flottant librement, ses soldats et des officiers ayant dans le regard leur fierté d'hommes qui savent pourquoi ils se battent, qui ont foi dans un chef n'obéissant qu'à sa conscience de Français (...). Je fais appel à tous mes camarades administrateurs de la Côte d'Ivoire pour qu'ils viennent à leur tour rejoindre les Forces Françaises Libres (...). Le beau café de la Côte d'Ivoire est allé réchauffer les soldats nazis qui essaient en vain d'asservir le peuple russe (...). Quant au coton et aux corps gras, j'espère qu'aucun d'entre vous n'a jamais eu de doute sur leur véritable destination. Ces produits se transforment en explosifs qui tuent les Français Libres en Lybie et les soldats alliés luttant partout contre l'Allemagne (...). Vous avez pu constater l'accueil respectueux réservé à ces boches en Côte d'Ivoire... N'est-ce pas M. l'Administrateur C alors Commandant du Cercle de Sassandra, qui avez trouvé dans cette boue la promotion que vous n'espériez plus ? (...). Depuis que j'ai rejoint les Forces Françaises Libres, j'ai eu bien des occasions de constater que les " collaborationnistes " étaient tombés plus bas que je ne le croyais. Les colonies anglaises d'A.O.F. reçoivent par petits paquets des tracts annonçant la victoire de Hitler et vantant le régime nazi. Ces ordures portent le nom de " French Bulletin ", imprimées à Dakar, elles passent la frontière par les soins des autorités françaises. N'est-ce pas M. l'Administrateur maire de Lomé et M. le Chef de la Subdivision d'Assinie ? (...). Mes camarades de la Côte d'Ivoire, la France vous le demande, ne continuez plus cette besogne dégradante qui répugne à la plupart d'entre vous et que les indigènes ont déjà jugée (...). Venez rejoindre les Forces Françaises Libres, vous aurez la joie de préparer ce jour dont actuellement vous n'osez même pas prononcer le nom : Le jour de la délivrance. Vive le général de GAULLE, vivent nos courageux alliés. Vive la France ».

- Ordre de mission des Forces Françaises Libres (Lagos, 28 février 1942) : « Monsieur Jean LAMBERT, Administrateur des Colonies, rallié à la France Libre, se rendra en Gold Coast par les voies les plus rapides pour une mission de courte durée. Dès son arrivée à Accra, il se présentera au Chef de la Mission Française Libre de Gold Coast, et se mettra à sa disposition pour lui fournir tous les renseignements utiles » (Signé : pour le Colonel Adam, absent, le capitaine Tourot, chargé de l'expédition des affaires courantes) - Vu au passage à Accra, du 29 février au 4 mars 1942, le Chef de Bataillon Ponton.

- Autre appel à Radio Accra : « Lâcheté allemande » : « Comme ils se sont servis des réfugiés pour couvrir leur avance en mai et juin 40. (...) Comme ils se sont servis des petits enfants de France affamés pour détendre le blocus britannique et voler pour nourrir leurs soudards ce que nos alliés destinaient à nos mioches (...). Avec une cruauté toute germanique le général von Stupnagel informé de l'arrivée des avions britanniques a interdit que l'alerte fut donnée. Avec toute sa férocité de boche, il a voulu mettre à profit l'émotion créée par le bombardement des usines Renault pour assassiner quand même au petit jour les vingt otages innocents dont l'agonie morale révoltait le cœur des Parisiens. (...). Réfléchissez à leur stupidité de bêtes à nuque plate (...). Mais ils ne sont pas capables; ces brutes, ces scientifiques du crime, ces organisateurs de massacres en série d'un sentiment d'humanité, même calculé, même intéressé (...). Aujourd'hui, les de Brinon, les Darlan et la pauvre vieillard lui-même qui avait dit " Je reste pour vous protéger " tremblent devant la France et les Français ».

- Jugement par contumace par le Tribunal Militaire de Dakar : " Au nom du peuple français " a rendu le jugement suivant : « Aujourd'hui cinq septembre 1942, le Tribunal Militaire de Dakar, ouï le Commissaire du Gouvernement dans ses réquisitions et conclusions, a déclaré le nommé LAMBERT Jean Maurice Jules, de nationalité française, Administrateur adjoint de 3e Classe des Colonies, Commandant de la Subdivision de Touba, Cercle d'Odienné (Côte d'Ivoire), absent et contumax, à la majorité, coupable de TRAHISON pour avoir, le 11 décembre 1941, en temps de guerre, entretenu des intelligences avec une puissance étrangère ou avec ses agents en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre la France, en quittant sans autorisation le territoire français (Guinée française) pour se rallier aux troupes dissidentes de l'ex-général de Gaulle en Libéria. En conséquence, le dit Tribunal l'a condamné par contumace, à la peine de MORT, aux frais envers l'État et a, en outre, ordonné la confiscation au profit de la Nation, de tous les biens présents et à venir du condamné, de quelque nature qu'ils soient, meubles, immeubles, divis ou indivis, le tout par application des articles (...) du Code de Justice militaire et de la loi du 5 février 1941. (...) à rembourser sur ses biens présents et à venir, le montant des frais du procès (...). Signalement du nommé LAMBERT Jean Maurice Jules ». En marge figure la mention suivante : " Jugement annulé par arrêt du 8 novembre 1943 de la chambre de révision en A.O.F. (application de l'ordonnance du 6 juillet 1943 portant légitimation des actes accomplis en faveur de la libération de la France"). [Copie certifiée conforme, Saint-Louis, le 14 février 1948].

- Document du Haut Commissariat de l'Afrique Française - Cabinet Militaire - Bureau M.A. - N° 1900/MA.80, 8 septembre 1942 : Audience du Tribunal Militaire Permanent de Dakar du 5 septembre 1942 : « LAMBERT Jean Maurice Jules, ex-Administrateur adjoint des Colonies, ex-Chef de la Subdivision de Touba (Côte d'Ivoire) - CONTUMAX - MORT - CONFISCATION DES BIENS, pour "TRAHISON". A quitté le territoire français pour se rallier aux troupes dissidentes »

- Lettre dactylographiée de Paul-Zahé DOMORO, Commis-Expéditionnaire, de Touba, le 25 septembre 1943 : « Bien cher Monsieur LAMBERT, C'est avec une joie indescriptible que j'apprends l'heureuse nouvelle relative à votre retour à la Colonie et avec le titre d'Administrateur, Chef de cabinet de M. le Gouverneur. Jamais joie n'a été aussi immense dans la profondeur de mon humble cœur que cette nouvelle d'apaisement et de sérénité, qui vient enfin, après tant de soucis, de regrets amers et d'inquiétude qui me furent causés par votre brusque et cruelle disparition en Décembre 1941. Je ne suis pas étonné par votre réussite glorieuse, connaissant la bonté, la droiture et l'intégrité sans pareilles qui vous caractérisent dans le Service, ces nobles qualités qui ne peuvent que vous conduire à une ascension ininterrompue, et mieux encore, le public l'affirmant et Dieu sait, votre disparition ne pouvait être qu'éphémère et donner, comme elle l'a fait, un résultat probant, brillant et bien mérité. Je vous en félicite vivement ! (...) Puisse le Ciel vous bénir dans vos nouvelles fonctions et vous préserver de toutes maladies dans ce séjour colonial. Longue vie et bonne santé ! Voilà des vœux que forme mon cœur pour vous, Bien Cher Monsieur LAMBERT, celui qui reste votre attaché dévoué et pour toujours ».

- Lettre dactylographiée de Jean LAMBERT (« Administrateur de 2ème classe des Colonies, Chef du département du Bas-Chari, Administrateur-maire de Fort-Lamy ») au Comité de l'Église de Fort-Lamy (23 octobre 1942) : « Messieurs, J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre du 21 octobre 1942. Je regrette profondément que vous ayez cru devoir signer un pareil document. De cette lettre, il résulte : I° Que votre désir de collaboration avec  l'Administration que vous confirmez les termes d'une lettre adressée par vos représentants à l'Administrateur-Maire, lettre qui contenait deux passages inadmissibles pour un fonctionnaire français. 2° Que votre hâte d'avancer les travaux de l'Église - hâte tant de fois exprimée de toutes les manières telles que vous remettez la solution des questions pendantes après ma passation de service à mon successeur. Cette attitude est vraiment curieuse. J'ai, en particulier, peine à croire que tous vos membres auraient accepté de recevoir des lettres écrites sur un pareil ton. Laissez-moi admirer votre action de Haute Propagande en faveur de l'Œuvre qui vous a été confiée. Je ne peux que vous rappeler le dernier paragraphe de ma lettre N° 553 du 15 Octobre 1942. Veuillez agréer, messieurs, l'assurance de mon entière considération ».

- Lettre manuscrite de Mouassi KOUAKOU, Moniteur Auxiliaire de l'École Régionale d'Agboville, d'Agboville, le 22 Octobre 1943 : « Monsieur LAMBERT, je vous souhaite bon retour, bonne arrivée dans notre Colonie. Ce matin, en fouillant le J.O., j'ai été surpris d'apprendre votre arrivée. Il y a surtout du changement dans votre situation ! Je vous félicite pour l'important poste que vous occupez (...).

- Lettre manuscrite de Mory Gadiga, de Touba, le 8 mai 1944 : « Monsieur l'administrateur LAMBERT, je viens respectueusement vous apprendre que je suis arrivé en bonne santé à Touba. L'oncle Gamoussa et toute la famille Gadiga se joignent à moi pour vous remercier de la gentillesse que vous avez subi à mon égard pendant mon séjour à Abidjan. Je vous remercie surtout d'avoir bu de la limonade avec un grand chef, dans vos propres verres, dans lesquels un petit noir comme moi, ne songerait à y boire. Je ne puis faire que vous souhaiter un bon séjour en Côte d'Ivoire. Dieu seul vous récompensera de votre bonté irréprochable. Comme il a le devoir de récompenser tous les bienfaiteurs de l'humanité. Monsieur l'administrateur, nous vous souhaitons une longue et heureuse vie et la réussite de votre bonheur ». Signé de « Votre dévoué Mory Gadiga, demeurant à Touba ».

- Télégramme N° 593/C du 5 juillet 1944 de LATRILLE à GOUGAL, Dakar : « Ai communiqué LAMBERT essentiel de votre 722 le concernant - STOP - Intéressé estime relève poste dans de telles conditions constituerait sanction qui aurait conséquence toute sa carrière - STOP - LAMBERT demande qu’avant toute décision dossier affaire lui soit communiqué pour qu’il puisse au moins connaître les faits qui lui sont reprochés et présenter défense avant d’être jugé - STOP - demande LAMBERT est logique - STOP - Je ne peux croire que votre 722 ait pu être provoqué suite cabale menée par éléments douteux Côte d’Ivoire lors votre dernière tournée ». Signé LATRILLE.

- Télégramme de « Colonies Alger à Gougal  Dakar », du 29 juillet 1944. N° 1549 : « Solution proposée me paraît bonne stop Ce qu'on reproche essentiellement à LAMBERT est raideur excessive dans ses rapports quotidiens avec Européens stop D'autre part je n'entends pas que sa mutation paraisse être un désaveu de la politique suivie par LATRILLE qui est celle voulue par gouvernement. Dans ces conditions je n'ai pas objections au retour de LATRILLE à Abidjan directement stop veuillez bien montrer ce télégramme à LATRILLE.


- Lettre dactylographiée de Félix HOUPHOUET (Syndicat Agricole Africain de la Côte d'Ivoire - Korhogo, 4 janvier 1945) :
« Cher Monsieur LAMBERT, Malgré la recommandation parue dans la presse du 29 dernier, je me serais rendu à Abidjan tant en mon nom qu'au nom de mes camarades, la bonne et heuresue année à Monsieur le Gouverneur LATRILLE et à vous, son digne collaborateur, si l'embauchage des manœuvres volontaires ne m'avait point éloigné de la Capitale. En rentrant en France, en cette France que vosu avez dû quitter afin de la mieux servir, je souhaite de tout mon cœur que vous retrouviez tous les vôtres en bonne santé.
Il faut parcourir la Colonie comme je le fais depuis quatre mois pour comprendre l'affection vraie que la masse laborieuse de ce Pays témoigne à ce grand chef, à ce chef si juste, si humain. En très peu de temps, Monsieur le Gouverneur LATRILLE a pu faire la conquête si difficile de nos cœurs. Il était temps..... Depuis la guerre surtout par une politique indigne de Français, ses prédecesseurs et les Colons qui les soutenaient afin de les détourner de leur noble mission, allaient nous détacher de la France à qui nous devons cependant tout : la paix, la liberté, la joie de vivre.
Tous les Indigènes souhaitent la suppression radicale de cette autre forme de l'eclavage ; le travail forcé qui rend si inhumain ceux qui en tirent de si gros et honteux bénéfices.
Nous planteurs africains avons compris le côté humain de cette question de main d'œuvre. Les sacrifices en argent que nous avons librement consentis et que nos collègues européens ne veulent point accepter nus paraissent légers, très légers devant le but à atteindre : une production accrue avec une main d'œuvre heureuse de travailler, de concourir largement au ravitaillement de notre malheureuse France qui  sortira victorieuse de cette guerre, mais combien ruinée, combien meurtrie par quatre années de la plus barbare occupation que l'histoire ait enregistrée.

Ma tâche n'est nullement facilitée par Messieurs les Administrateurs complices apeurés de Colons fanfarons et cupides.

Partout c'est le même refrain chaque fois que je me présente : "les Indigènes ne veulent rien entendre du volontariat". Calmement, je leur demande l'autorisation de m'adresser directement à ces Indigènes (en leur présence), de leur expliquer ce qu'ils peuvent attendre de nous et ce que nous attendons d'eux, l'intérêt pour eux comme pour nous de travailler courageusement, librement. Partout les Administrateurs ont été déçus. J’ai eu, j'aurai partout de volontaires. J’en aurai beaucoup à Korhogo. Il se peut même que j'en trouve plus qu'il n'y en ait de disponibles d'après les estimations de l'inspection de travail. Dans ce cas je vous demanderai de prier Monsieur l'inspecteur de Travail de réduire d'autant le nombre de recrutés forcés que d'autres régions où je ne pourrai me rendre fourniront. Messieurs les Administrateurs de Ferké et Korhogo déclarent que malgré qu'il ait distribué ici des cartouches et de l'argent Mr. LAGAROSSE n'a réussi à embaucher un seul volontaire sénoufo. Mr. LAGAROSSE a offert 4 francs de salaire journalier !.... C'est regrettable que pas un des quelque dix mille manœuvres qui ont passé depuis dix ans sur les chantiers ne se soit souvenu de bons traitements reçus pour répondre à son appel. Sans distribution de cartouches ou d'argent, avec la seule promesse formelle de reconnaitre les droits du travailleur, droit de vivre, bien vivre à l'ombre du drapeau français, promesses qui seront tenues, tout le monde en est persuadé malgré la honteuse campagne de nos détracteurs par trop intéressés, j'ai réussi là où un des "pontifes" du Pays a échoué.
J'ai appris que Mr. le Gouverneur LAURENTIE passera à Abidjan dans la première quinzaine de Janvier. Je serais très heureux si je pouvais faire entendre à ce grand chef la voix des Africains travaillant en Côte d'Ivoire. Il saura de quel côté se trouve la bonne volonté d'œuvrer pour la grandeur et l'honneur de la  France.
Veuillez recevoir, cher Monsieur LAMBERT, avec mes vœux les meilleurs du nouvel an, l'assurance de mon bien sincère attachement.
Signé : F. HOUPHOUET

- Lettre manuscrite de M. Albert Balibié (Bouaké, 5 mars 1945) à M. l'Administrateur : « C'est avec enthousiasme que je viens de savoir que vous êtes dans la Capitale de notre colonie (...) ». Je me presse de vous adresser un bonjour respectueux. C'est un fait que votre haute personnalité voudrait bien admettre puisque, moniteur vétérinaire, je servais sous vos ordres en 1941 à Gagnoa. Vous éprouviez même une certaine satisfaction pour le zèle et le dévouement que je déployais à exécuter vos ordres auprès des planteurs-éleveurs européens et indigènes de cette région. Je me souviens avec plaisir de la poignée de mains toute paternelle que vous m'accordiez pour me dire « au revoir » et de continuer à bien travailler, lors de votre départ pour Toulon. Ce départ, que tous les fonctionnaires noirs regrettaient à cause de votre bonté et de votre savoir commander. Lorsque poussé par votre parfaite clairvoyance des choses, vous entrepreniez le périlleux voyage à travers les mers pour aller collaborer aux côtés du général de Gaulle, le sauveur providentiel de la France qui désespérait, un frisson de peur nous avait traversé ; nous nous demandions si vous n'alliez pas rencontrer malheur ou accident au cours de cette traversée. Soyez sûr, monsieur l'administrateur, que tous mes anciens collaborateurs de Gagnoa et moi, nous bénissons vivement les circonstances qui vous ont fait revenir en Côte d'Ivoire parmi nous. Parti de Gagnoa en septembre 1943, je suis actuellement à Bouaké, nouveau poste d'affectation. Pour finir, je voudrais vous parler de ma situation qui ne s'améliore jamais. J'ai souvent été lésé dans les avancements aux grades élevés de mon cadre. Je ne sais à quoi cela est dû. Cette année, je m'attendais à être moniteur-vétérinaire adjoint de 2e classe pour la promotion de juillet 1945. Je viens d'être encore déçu ; mon nom ne figurait pas au tableau d'avancement. Monsieur l'administrateur, j'ai l'honneur d'avoir recours à votre haute intervention pour ma nomination de juillet prochain. Si vos souvenirs ne sont plus exacts sur moi, veuillez demander des renseignements à Paul Taucogue et à Kouakou qui sont auprès de vous à Abidjan. Je vous adresse une fois de plus, mes souhaits de bonne santé et de bon courage pour les hautes responsabilités du gouvernement ».


- Lettre dactylographiée de l'Administrateur de Ière Classe des Colonies LAMBERT Jean en service à Abidjan (Côte d'Ivoire) à Monsieur le MINISTRE des Colonies à PARIS (Sous le couvert de Monsieur le GOUVERNEUR de la Côte d'Ivoire) : « Monsieur le MINISTRE; J'ai l'honneur de solliciter de votre haute bienveillance mon affectation au Corps expéditionnaire indochinois dont la constitution vient d'être annoncée par la radio-diffusion française. J'appartiens à la classe 1918. J'ai servi en Macédoine au 10ème Bataillon Indochinois. J'ai le grade de Médecin-auxiliaire de réserve mais je suis volontaire pour servir dans n'importe quelle arme avec n'importe quel grade. Je me permets de rappeler respectueusement les faits suivants : Le 10 Mai 1940, me trouvant en congé en France, j'ai adressé une demande de mobilisation dans une unité combattante de la Métropole. Cette demande a reçu une réponse favorable sous le N° 3997 I/D.S.M. du 31 Mai 1940 dont copie ci-jointe. La réponse m'est parvenue à Dijon au moment des évènements de Juin 1940. Je suis allé me mettre à Sète à la disposition des Autorités Militaires le 19 Juin 1940 pour être incorporé dans une unité combattante. L'annotation portée sur la lettre 3997 en fait foi. N'ayant pu arriver à mes fins, j'ai été envoyé en Côte d'Ivoire (A.O.F.) en tant qu'Administrateur. Le 8 Décembre 1941, j'ai quitté mon poste et j'ai rejoint les Forces Françaises Libres en traversant le Libéria. Pour ce fait, j'ai été condamné à mort par contumax par le Tribunal Militaire de Dakar le 5 Septembre 1942. En 1942 j'ai été affecté à la Mission Française Libre d'Accra puis au Tchad. Je suis revenu en Côte d'Ivoire en Septembre 1943 où j'ai servi comme Chef de Cabinet du Gouverneur puis comme Chef du Bureau des Affaires Politiques et Sociales de la Côte d'Ivoire. Je serais heureux si je pouvais participer à la libération de l'Indochine. J'ajoute qu'étant inscrit en tête de la deuxième liste de la relève en A.O.F., je devrais quitter la Côte d'Ivoire dans quelques semaines ; mon affectation au Corps expéditionnaire d'Indochine ne diminuerait donc pas le nombre des Administrateurs en service en Côte d'Ivoire. Veuillez agréer, Monsieur le MINISTRE, l'assurance de mon profond respect et de mon entier dévouement ». (Vu et transmis à Monsieur le GOUVERNEUR GENERAL de l'A.O.F. pour suite à donner. Cette demande est une preuve supplémentaire de patriotisme fervent et agissant qu'a toujours manifesté l'Administrateur LAMBERT. Je ne puis que m'associer à  des sentiments aussi élevés et je transmets cette demande avec un avis très favorable. Abidjan, le 26 Mars 1945. LE GOUVERNEUR. Signé A. LATRILLE).

- Lettre dactylographiée de Antoine H. ZINSOU, commerçant en produits coloniaux à Abidjan (Côte d'Ivoire), du 12 avril 1945, à Monsieur LAMBERT, Administrateur des Colonies, CHEF DU BUREAU DES AFFAIRES SOCIALES et POLITIQUES à ABIDJAN : « Monsieur et cher PROTECTEUR, Je mets du temps pour vous écrire parce que fou de joie depuis je ne sais exactement pas quoi vous écrire. En me confiant à vous, je ne m'étais pas trompé, car je n'ignore pas votre sollicitude envers vos administrés, plus que jamais, tous ici, en Côte d'Ivoire ont su apprécier votre promptitude à trouver l'heureuse solution à tous les problèmes d'une administration difficile, à la satisfaction de tous les hommes qui sentent et dont la bonne foi n'est pas en doute. C'est dans cet esprit, qu'une fois de plus, je me fais un devoir impérieux de vous adresser l'expression de ma gratitude infinie pour votre efficace et salutaire intervention ayant abouti à maintenir votre auxiliaire Madame ZINSOU sage-femme à son poste de Treichville. Ce faisant, je ne puis cacher, que vous avez contribué à sauvegarder les intérêts supérieurs d'une famille nombreuse dont le CHEF n'entend que servir loyalement la cause française. Comme COLONISATEUR, vous en êtes digne, car les éminents services que vous rendez et dont vous n'avez cessé de rendre jusqu'ici à des malheureux noirs qui s'adressent toujours à vous, seront connus des générations futures. Ma grande joie serait de vous voir un jour en personne afin de pouvoir vous adresser de vive voix mes remerciements. PUISSENT MES VŒUX, faire que dans les temps à venir, je vous revois, soit à la tête de la Côte d'Ivoire, soit à celle de ma colonie d'origine, le Dahomey, afin que je puisse rester éternellement votre protégé. Je vous prie d'agréer, Monsieur et bien Cher PROTECTEUR l'expression respectueuse de mes sincères sentiments ».

- Lettre manuscrite des Elèves Instituteurs, Dabou, 25 Avril 1945 : « Cher Monsieur, Nous venons d'apprendre votre départ en congés et nous tenons à vous remercier de tout cœur. Vous nous avez fait un bien inoubliable et c'est grâce à votre générosité, à celle de Monsieur le Gouverneur, que nous serons désormais instruits en vrais Français et possèderons les plus nobles sentiments patriotiques. Il nous manque des phrases pour vous témoigner cette reconnaissance car elle demeure grande. Nous vous promettons de travailler, d'aimer toute notre vie la Mère-Patrie dont vous êtes les plus nobles représentants. "Courage ! Effort ! Confiance !" ces trois célèbres mots du grand Chef français, le Général De Gaulle, resteront toujours gravés dans nos cœurs. Vous nous avez déjà montré la voie du Courage et de la Confiance. L'Effort seul dépendra de nous. De nos âmes débiles, vous avez fait des âmes justes, des âmes de vrais Français. Grâce à vous et au chef de la Colonie, nous avons le courage total de perpétuer dans les cœurs de nos futurs élèves l'amour de la France, de cette France qui a compris, la première, la valeur de notre race et l'obligation sacrée de respecter et d'accroître cette valeur. Nous avons confiance en vous et nous vous laissons en souvenir la photo de la promotion. Bonne traversée, heureux séjour et prompt retour parmi nous ».

- Décret du 17 juillet 1945 du GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE portant attribution de la Médaille de la Résistance Française à M. LAMBERT Jean, Administrateur des Colonies (...). Le présent décret sera publié au journal officiel de la République Française. Signé C. DE GAULLE (Par le Gouvernement Provisoire de la République Française, Le Ministre des Colonies P. GIACOBBI).

- Note du 5 août 1945 du Gouverneur A. LATRILLE (Abidjan, 5 août 1945) : « Depuis 23 mois, M. LAMBERT est mon collaborateur immédiat. Il a pris sa très large part, sans aucun répit, dans la tâche lourde et délicate que j'ai entreprise pour redresser la situation en Côte d'Ivoire tant sur le plan politique et économique que sur le plan social. L'Administrateur LAMBERT a l'étoffe d'un chef. L'Administration se doit de le pousser aux emplois élevés : il y sera à sa place car il n'a d'autre souci que de bien servir l'intérêt général Je regrette infiniment que mes deux propositions antérieures au grand choix pour le grade d'Administrateur en Chef n'aient pas été retenues. Je le propose à nouveau et très instamment pour le grade d'Administrateur en chef avec la cote maximum et me fais un devoir d'insister pour qu'il soit promu au très grand choix ».

- Ordre de Mission du Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française - Colonie de la Côte d’Ivoire du
7 août 1945 :« Rejoindre Dijon, 1 rue Viollet-le-Duc, seul, par voie aérienne et terrestre ».

- Ordre de Mission du Gouvernement Provisoire de la République Française, Ministère des Colonies, du 14 août 1945 : « Le Ministre des Colonies ordonne à M. LAMBERT Jean, Administrateur des Colonies, 1 rue Viollet-le-Duc, Dijon (...) de se rendre en mission à Dijon pour RAPATRIE sanitaire de la COLONIE REJOINT SA RESIDENCE. Moyens de transport : Voie ferrée - Train 57 à 19h05-Ière classe. Date de départ 18 août 1945. Les Frais de mission seront imputés sur le budget colonial Côte d'Ivoire. N° du Passeport 436 délivré à Abidjan le 7-8-1945.

- Lettre manuscrite de 8 pages de Félix Houphouët (Abidjan, 19 août 1945) : « Cher Monsieur Lambert, Je suis malade depuis hier. Il est 15 heures. A 16 h 30, je dois remettre cette lettre à M. Cherineau (?). Malgré mon état de santé et le peu de temps dont je dispose, je ne puis manquer l'heureuse occasion qui m'est offerte de vous donner directement et brièvement de mes nouvelles.
Votre départ. — Inutile de vous dire que M. le Gouverneur Latrille et vous êtes regrettés par tous les Africains de la Côte d'Ivoire Française. Nos vœux les plus chers, c'est de vous voir revenir frais et dispos après ce repos bien mérité. Vous avez fait du beau travail pour nous, pour la Côte d'Ivoire, pour la France éternelle. Nous ne l'oublierons jamais.
Nouvelles locales. — Tous vos détracteurs, ceux qui veulent sacrifier l'intérêt supérieur de l'Empire à leurs intérêts particuliers sont désemparés. Nous tenons bon. Ils craignent l'union qu'ils sont venus nous prêcher et l'évolution de la masse, évolution pour laquelle tant des leurs ont versé sur cette terre de l'Afrique le plus noble de leur sang, consenti les plus durs sacrifices. Ils traitent d'anti-Français ceux qui veulent l'union sincère de tous les enfants de l'Empire. Nous travaillons contre ce qui divise. L'union est impossible sans une justice sociale. Pour le moment nous faisons de la politique économique : la politique du ventre, des muscles.
En voulant me persécuter, ils ont, sans le vouloir, contribué à l'union des Africains autour de ma chétive personne. Je représente pour eux l'ennemi public n° 1. Mais que me reprochent-ils ? Ils sont très embarrassés de le dire : je veux que tout le monde travaille, je veux que le travail soit payé. Petit-fils de tyran, je connais la tyrannie. Est-ce un mal à qui je dois cette heureuse évolution ? A la France. Je le reconnais. Tous ceux qui me suivent le reconnaissent également. Mais les Colons veulent à tout prix me combattre? C'est un crime d'aimer son pays et de travailler avec désintéressement pour ce pays. Mais ce pays, celui pour lequel nous nous sommes activement mis au travail dans la paix et l'ordre retrouvé grâce à Mr le Gouverneur Latrille, fait partie de l'Empire Français. Qu'importe. Les Colons ont décrété que je suis dangereux et il faut qu'ils me fassent disparaître ou qu'ils dressent un Africain contre moi. Ils n'ont pas pu en trouver en Côte d'Ivoire. Ils sont allés en chercher en France. C'est Mr Coffi Pierre. Celui-ci même qui, sans notre consentement, s'est fait le délégué africain de la Confédération Générale de l'Agriculture. C'est un jeune afnis(?) qui est parti de la Côte d'Ivoire en 1939 avant la guerre. Il a débarqué à Miara--(?) avec 13 frs en poche ayant voyagé clandestinement à bord d'un paquebot. En 1944, nous apprenons qu'il est membre fondateur d'une société UCA (Union Commerciale Africaine) représentée en Côte d'Ivoire par M. Vilasco. Les membres français connus de nous sont messieurs Colligu(?) et Cohué(?). Pour qui connaît les antécédents de M. Vilasco, cette société ne ppeut inspirer confiance. M. Vilasco a tenté d'entrer en contact avec nous. Il a échoué.
Pierre Coffi arrive le 9 août chargé de mission en Afrique par le ministère de l'Agriculture. Coffi, qui n'avait que le certificat d'études primaires supérieures à son départ d'Abbidjan, nous revient avec ces titres très flatteurs : Membre de l'Institut de Recherches de Caoutchouc et de la Société Botanique de France. Délégué de l'A.O.F. pour la Confédération Générale de l'Agriculture. La France traverse toujours une triste période. Le ministère des Finances a dû être trompé par ce jeune homme dont vous lirez ci-joint la prose. Celui que je plains bien sincèrement, c'est l'ami Lamine Guège(?) dont Coffi Pierre a une piètre opinion.
Nous avons pu saisir sur Coffi Pierre des brouillons de lettre dont Mr Chevineau (qui demande aujourd'hui des renseignements plus précis à Dakar) peut attester l'authenticité. Le ministère des Colonies doit ignorer la mission de Coffi Pierre. Mais messieurs Jourdain, Bordarier et les Colons ont vu en l'arrivée de Coffi l'aubaine attendue. Ce jeune escroc s'est présenté à M. Bordarier comme un radical-socialiste. Il prétend venir de France pour combattre ce qu'il appelle ma politique. Ce courtier de l'UCA, de financiers très probablement véreux, a osé me demander de lui communiquer nos documents. Il est reparti confus. Sa propagande, bien que soutenue par vos détracteurs, sera sans effet. Le pays m'a jugé.
J'ai contrattaqué. Par des documents dont ci-joint copie, j'ai demandé à Mr Jourdain de faire la lumière sur cette mission. Coffi tremble...
Les élections. — Cette attaque brusquée et ma vigoureuse riposte coïncide avec les élections au conseil municipal. Je patronne la liste des Africains contre celle des Colons et contre celle que veut présenter M. Brochorion(?) qui a eu le tort de me taxer d'anti-Français devant des camarades qu'il croit de mes ennemis. La lutte est dure. Toute la liste a été sabotée. Devant nos véhémentes réclamations, M. Faignel(?) s'est fait porter malade. La Côte d'Ivoire, grâce à Mr le Gouverneur Latrille, s'est réveillée de sa torpeur. Nous ferons de cette Colonie aux possibilités infinies une des plus belles provinces de l'Empire français. La liste que je patronne passera malgré les millions pris sur notre dos qui seront distribués. Cette première victoire sera suivie d'une autre, celle que craignent tous les Colons.
Les élections à la Constituante. — Hélas, bien que candidat sollicité par le pays, je ne suis pas certain de pouvoir me présenter devant les électeurs. Je ne suis pas citoyen français. Et je ne sais si les citoyens à statut de (dont je serai) sollicités par les Etats Généraux de la Renaissance Française prendront part au vote. Si les seuls citoyens et citoyennes sont appelés à élire un ou deux députés, je soutiendrai la candidature de Marcel Auguste Denise et celle d'Alphonse Boni, le magistrat baoulé actuellement à Kayes. Je sais que Sénégalais et citoyens autochtones reportent sur tous ceux que je patronnerai l'affection qu'ils ont pour moi. Ce qui compte pour moi, c'est l'intérêt supérieur du pays.
Je prépare également les élections à la Chambre d'agriculture. Soyez tranquille, c'est une majorité africaine que recevra cette année cette chambre qui a toujours travaillé contre les intérêts des planteurs africains.
Le Moro, Cybo(?) Coulibaly avec leurs propriétaire de 50 bœufs sont avec moi. Le Moro sera sur ma liste s'il ne se désiste en faveur de son frère. J'ai reçu un télégramme qui a dû faire trembler ceux qui s'intéressent à ma correspondance. Aboufourou(?) et Dimbokro seuls m'assurent la majorité.
Mr Maniglier a écrit à M. Jourdain pour lui annoncer la grève à Aboufourou. En fait de grève, c'est le nettoyage des routes de l'Indénis(?) effectué dans l'enthousiasme par tous les Indigènes. Mr Modeste continue ses attaques contre vous.
Vous recevrez bientôt copie de nos pétitions en faveur du retour de Mr le Gouverneur Latrille en Côte d'Ivoire.
Je serais heureux de recevoir de vous et de vos de bonnes nouvelles et des précisions sur la Représentation nationale..
Veuilles présenter mes hommages à Mr le gouverneur Latrille et recevoir vous-même avec mes sincères remerciements l'expression de mon respectueux dévouement.
Signé : F. Houphouët

- Décision n° 198 du Gouverneur des Colonies, chef du Service Colonial de Bordeaux (Ministère de la France d'Outre-Mer) (daté du 21.3.1946, vu l'avis du 24.1.1946 du Conseil Supérieur de Santé des Colonies). Décide : « Un congé de convalescence de 3 mois est accordé à M. LAMBERT Jean, Administrateur des Colonies de la Côte d'Ivoire, 18 avenue des Gobelins, Paris, avec effet du 21.11.1945 au 20.3.1946 ».

- Avril 1946 : Retour en Côte d’Ivoire comme Chef du Bureau des Affaires Politiques. Il fait libérer 22 détenus. Cela donnera lieu (voir ci-dessous, en 1948) à un courrier (non daté, non signé) : « Questions posées à M. L’Administrateur des Colonies LAMBERT concernant les conditions dans lesquelles ont été effectuées les libérations conditionnelles de BOUAKÉ en avril 1946 ».

- Lettre manuscrite de John Kunaké Creppy, notable, secrétaire de la Commune Indigène d'Anécho (Togo) à Monsieur LAMBERT, Administrateur des Colonies, Chef du Cabinet du Gouverneur, Abidjan, Côte d'Ivoire. Anécho, le 7 juin 1946 : « Mon Administrateur et Cher Ami, Votre retour en Côte d'Ivoire, toujours en compagnie de notre cher Gouverneur M. LATRILLE, a provoqué ici une joie sans borne. Les Togolais ont, une fois de plus, souvenance de votre bienveillance à leur égard (...). Le "Bon Apôtre" de la France, en votre haute qualité, ne fait que serrer davantage notre ardent amour à la Patrie et notre loyalisme sans aucune arrière-pensée envers la France, la noble et digne civilisation de la race attardée (...). Je vous souhaite une complète réussite dans vos gestions, surtout une santé de fer qui vous permettra de continuer qui vous permettra de continuer inlassablement la défense des gens de bonne foi et des faibles. Daignez agréer, mon Administrateur et Cher Ami, l'assurance de ma vive gratitude et de mes affectueuses cordialités ».


- 11 juillet 1946 : Lettre dactylographiée de 5 pages de l’Administrateur de 2° classe LAMBERT Jean, Chef du Bureau des Affaires Politiques et Sociales de la Côte d’Ivoire, à Monsieur le Gouverneur de la Côte d’Ivoire à Abidjan, rendant compte de la conférence qui s’était tenue la veille dans son bureau :

« J’ai l’honneur de vous rendre compte des faits suivants :
J’ai appris de source personnelle que le récit de la conférence qui s’est tenue hier 10 juillet au matin dans votre bureau s’était répandu dans Abidjan sous les formes les plus diverses.
Les Services de la Sûreté ont dû ou peuvent vous renseigner officiellement à ce sujet.
Comme ces récits plus ou moins fantaisistes dépasseront certainement le cadre de la Côte d’Ivoire, j’ai tenu à rappeler ci-dessous les faits exacts alors qu’ils sont encore récents et présents à la mémoire de tous.
Depuis plusieurs jours une lettre relative aux attributions d’importation à faire aux coopératives était soumise à votre signature.
Vous aviez bien voulu me demander, en tant que Chef des Affaires Politiques et Sociales, mon avis sur cette lettre.
L’opinion que je vous ai exposée était la suivante :
En mai 1946 vous aviez remis une note à Monsieur le Haut Commissaire demandant par quelle procédure pouvait être incluse la Coopérative des Planteurs Africains parmi les importateurs quoique cet organisme ne possédait pas d’antériorité d’importateur.
Par lettre N° 3976 en date du 3 juin 1946 Monsieur le Haut Commissaire a répondu que l’arrêté n° 276 du 23-1-1946 laissait à votre attribution 25 % des importations à des non antérioritaires et que vous pouviez en attribuer une part à la Coopérative des Planteurs Africains.
Je vous ai alors proposé de répartir ces 25 % de la manière suivante :
17 % à la Coopérative des Planteurs Africains
  2 % à la Coopérative “Les Planteurs du Sassandra”
  6% à la Coopérative des Fonctionnaires
Ce projet rencontra l’opposition absolue du Secrétaire Général et du Chef des Affaires Économiques. Vous avez alors résolu de réunir en votre présence et dans votre bureau le 10 juillet à 9 heures du matin une conférence à laquelle participeraient : Le Secrétaire Général, le Président de la Coopérative des Planteurs Africains, Le Chef de Cabinet, le Chef des Affaires Économiques et le Chef des Affaires Politiques et Sociales.
Je me suis présenté dans votre bureau à 8 h 55. Étaient déjà arrivés le Président de la Coopérative des Planteurs Africains, Le Chef de Cabinet et le Chef des Affaires Économiques. Après avoir salué tout le monde, je suis allé m’asseoir à côté du Chef des Affaires Économiques.
Peu après, arriva le Secrétaire Général qui vous salua ainsi que votre Chef de Cabinet et d’assit.
Le Chef de Cabinet fit un exposé de la question et un échange de vues s’engagea.
Le Secrétaire Général et le Chef des Affaires Économiques déclarèrent qu’ils s’opposaient formellement à l’attribution d’une part quelconque aux 3 coopératives pour les raisons suivantes :
1°- Les statuts de ces coopératives n’avaient pas été modifiés pour en faire des coopératives de consommation.
2°- Ces coopératives n’avaient pas de patente d’importateur.
3°- Les importations devaient, selon eux, être réservées aux maisons de commerce, c’est-à-dire aux organismes achetant ou revendant pour faire un bénéfice, ce qui n’est pas le cas des coopératives (sic).
4°- L’attribution d’un pourcentage quelconque des importations à une coopérative était contraire à la lettre de l’arrêté général n° 270 du 23-1-46.
5°- Que les délais fixés par cet arrêté n° 270 pour les importations des
6°- Que les 25 % réservés aux non antérioritaires avaient déjà été répartis par vous quelques jours auparavant entre 75 commerçants.
Sur le premier point, je répondis qu’il était inutile de modifier les statuts de ces 3 coopératives puisque ces statuts en faisaient déjà des coopératives de consommation.
Le Chef des Affaires Économiques déclara que lui, Chef des Affaires Économiques, avait été tenu dans l’ignorance des statuts de la Coopérative des Planteurs Africains.
Je lui fis observer que les statuts des 3 coopératives en question avaient paru au Journal Officiel de la Côte d’Ivoire ainsi que cela est réglementaire.
Sur le deuxième point, je répondis que la lettre n° 3979 du 3 juin 1946 du Haut Commissaire avait prévu l’octroi d’une patente “pro forma” aux coopératives.
Le Chef de Cabinet demanda alors au Secrétaire Général et au Chef des Affaires Économiques s’ils étaient d’accord pour l’octroi d’une pareille patente aux Coopératives.
Le Chef des Affaires Économiques déclara que cela n’avait pas d’importance et que la délivrance d’une patente ne donnait aucun droit à l’intéressé.
Sur les troisième et quatrième points je fis remarquer que la lettre n° 3979 du 3 juin 1946 du Haut Commissaire était très claire et que cette lettre exposait nettement que l’attribution d’une part des importations pouvait être faite au profit de la Coopérative des Planteurs Africains.
Le Secrétaire Général et le Chef des Affaires Économiques déclarèrent qu’une lettre ne pouvait modifier un arrêté.
Je répondis que cette lettre était un commentaire de l’arrêté n° 270 sur un point particulier, que cette lettre émanait de l’autorité même qui avait signé l’arrêté et que dans ces conditions nous devions nous en tenir aux instructions contenues dans la lettre n° 3979 du 3 juin 1946.
Le Secrétaire Général et le Chef des Affaires Économiques dirent qu’ils maintenaient leur point de vue.
Le Chef des Affaires Économiques ajouta alors que je voulais faire une “Révolution”.
Je lui ai répondu que ce mot ne m’inquiétait pas. J’ai précisé qu’en tant que Chef des Affaires Politiques et Sociales je désirais le développement des coopératives, conformément à la ligne politique actuelle du Gouvernement.
Sur le cinquième point, j’ai répondu que les délais étaient effectivement dépassés pour les importations relatives aux 1er et 2ème semestre 1946 puisque le dernier délai relatif au 2ème semestre était fixé au 1er juin.
Mais considérant que la lettre n° 3979 du Haut-Commissaire était datée du 3 juin 1946 et que le report du droit d’importation pour les coopératives au 1er semestre 1947 ne jouerait, en pratique, que pour les arrivages des derniers mois de 1947, on pouvait demander au Haut Commissaire de prolonger le délai fixé par l’arrêté pour les attributions de 1946.
Je vous avais, d’ailleurs, remis au début de la séance, un projet de télégramme au Haut Commissaire annonçant la répartition que j’avais proposée (17 % à la Coopérative des Planteurs Africains - 2 % à la Coopérative “Les Planteurs du Sassandra” - 6% à la Coopérative des Fonctionnaires) et demandant que cette répartition soit appliquée immédiatement malgré l’expiration des délais. Le projet signalait par ailleurs que vous aviez été saisi de demandes verbales de la part de la Coopérative des Planteurs Africains en janvier et en mai 1946, de demandes verbales de part de la Coopérative “Les Planteurs du Sassandra” et de la Coopérative des Fonctionnaires en mai 1946.
Continuant l’échange de vues, j’ai précisé que l’autorité ayant signé un arrêté pouvait fort bien proroger des délais inclus dans ce même texte. J’ai rappelé que cela s’était déjà produit dans un autres cas en faveur d’une maison de commerce.
Le Secrétaire Général et le Chef des Affaires Économiques maintinrent qu’ils s’opposaient à ce que soit faite une pareille demande de prorogation de délai.
L’échange de vue s’engagea ensuite sur le 6ème point de vue. Le Secrétaire Général et le Chef des Affaires Économiques déclarèrent que le retrait du pourcentage de 25 % aux 75 commerçants non antérioritaires allait provoquer chez les intéressés un violent mécontentement et que d’ailleurs les coopératives n’étaient pas en état d’absorber la totalité des importations qui leur était attribuée.
J’ai répondu qu’il fallait d’abord mettre les coopératives en état d’importer et que tout autre procédé remettrait indéfiniment la question sans jamais rien faire de réel.
Vous avez alors estimé qu’il serait impolitique de mécontenter trop violemment les 75 non antérioritaires, vous avez consulté le Président de la Coopérative des Planteurs Africains. Vous avez pris ensuite mon projet de télégramme précité et vous l’avez modifié de votre main. Vous proposiez ainsi au Haut Commissaire de faire la répartition suivante des 25 % réservés aux non antérioritaires :
6 % à la Coopérative des Planteurs Africains
1 % à la Coopérative “Les Planteurs du Sassandra”
3 % à la Coopérative des Fonctionnaires
les 15 % restant étant réservés aux 75 commerçants figurant sur la liste déjà établie. Vous demandiez en outre que les attributions aux coopérateurs commencent immédiatement malgré l’expiration des délais fixés par l’arrêté n_ 270 du 23 janvier 1946.
En somme le télégramme ainsi conçu ne contenait rein de définitif et soumettait la question au Haut Commissaire.
Dans un but de conciliation le Président de la Coopérative Africaine et moi-même avons déclaré nous rallier au projet de télégramme ainsi modifié.
Le Secrétaire Général et le Chef des Affaires Économiques déclarèrent alors s’opposer à l’envoi du télégramme et maintenir intégralement leur point de vue exposé au début de la conférence. Ils ajoutèrent que votre télégramme allait amener une violente réaction de la part des milieux du commerce et se permirent de déclarer que leur insistance était due à leur souci de “votre situation personnelle”.
J’ai objecté que le mécontentement ne pouvait pas être extrêmement vif. Les 75 commerçants visés figuraient sur une liste datant de 8 jours, ils n’avaient encore rien apporté jusqu’à présent ; de plus la nouvelle rédaction du télégramme ne proposait pas l’élimination des 75 intéressés ; elle se contentait de proposer la diminution du total de leurs attributions de 25 % à 15 %.
Finalement, vous avez tendu une feuille blanche au Chef des Affaires Économiques en lui demandant de rédiger suivant son point de vue le télégramme destiné au Haut Commissaire.
J’ai alors déclaré que les coopératives allaient être ainsi sacrifiées aux maisons de commerce. Le Chef des Affaires Économiques se tourna alors vers moi et me déclara d’un ton furieux que je l’accusais d’être au service d’une maison de commerce.
Simultanément, le Secrétaire Général se leva et se retira. Vous l’avez rappelé ; le Secrétaire Général continua à s’éloigner. Vous avez ensuite envoyé le Chef de Cabinet à sa recherche.
Pendant ce temps, le Chef des Affaires Économiques continua à manifester bruyamment sa colère. Je lui répétai à plusieurs reprises qu’il défendait les intérêts des maisons de commerce. Vous m’avez interpellé violemment en criant à plusieurs reprises “Non, Lambert”. Devant l’aspect que prenait la scène, j’ai déclaré que je préférais me retirer. Je suis sorti au milieu du silence de tous.
Dans l’escalier j’ai rencontré le Secrétaire Général qui remontait à votre bureau en compagnie du Chef de Cabinet. je lui ai dit “Vous pouvez rentrer, c’est moi qui me retire”. Il est passé sans répondre.
J’ignore ce qui s’est passé ensuite dans votre bureau.
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Pour les raisons exposées au début de cette lettre, j’ai tenu à faire le présent rappel des faits exacts dans une pièce officielle.
J. LAMBERT
Administrateur des Colonies

- Courrier classé CONFIDENTIEL, Abidjan, le 27 juillet 1946 de l'Administrateur de 1° Classe Pierre DELTEIL, Secrétaire Général de la Côte d'Ivoire à Monsieur le Ministre de la France d'Outre-Mer s/c de Monsieur le Gouverneur de la Côte d'Ivoire et de Monsieur le Haut-Commissaire de la République, Gouverneur Général de l'A.O.F. : « Monsieur le Ministre, J'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir me remplacer dans les fonctions de
Secrétaire Général de la Côte d'Ivoire. L'impossibilité dans laquelle je me trouve de travailler en liaison avec l'Administrateur LAMBERT, Chef du Bureau des Affaires Politiques, même quand, en l'absence du Chef de la Colonie, je suis chargé de l'expédition des affaires courantes, ne me permet pas d'assurer mon service dans des conditions satisfaisantes et efficaces. Je vous demande en outre de considérer que, depuis juin 1937 je n'ai bénéficié que detrois mois de congé. Durant les dix mois que je viens de passer à la Côte d'Ivoire, j'ai dû assumer de lourdes charges et j'éprouve un réel besoin de détente.
Je vous serais donc particulièrement reconnaissant 'autoriser mon retour anticipé sur la Métropole, ainsi que celui de ma famille. Signé : DELTEIL ».

- Procès-verbal de passation de service : « L'an mil neuf cent quarante sept et le dix huit Mars, Nous LAMBERT, Administrateur des Colonies, cessant à la date de ce jour nos fonctions de Chef du Bureau des Affaires Politiques & Sociales avons procédé à la passation de service et la transmission de toutes les archives appartenant au Bureau des Affaires Politiques & Sociales à M. CLAVERIE Charles, Administrateur des Colonies, Chef du Bureau des Affaires Politiques & Sociales nommé par décision N° 1365 CP du 18 Mars 1947 et qui prend à la date de ce jour ses fonctions. M. CLAVERIE reconnaît avoir reçu toutes les archives et dossiers. La présente passation de service n'a donné lieu à aucune remarque particulière et il il n'a été fait aucune réserve de part et d'autre ». Signé : LE CHEF DU BUREAU RENTRANT / LE CHEF DU BUREAU SORTANT.

- Ordre de Mission du Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française - Colonie de la Mauritanie - Bureau du Personnel su
14 août 1947 : « En exécution des prescriptions du Télégramme Officiel n° 125 du 14 août 1946, Monsieur l’Administrateur LAMBERT se rendra à Dakar en mission. Départ le 16 août 1947 par la Micheline. M. LAMBERT aura droit aux indemnités prévues par les réglements en vigueur ».

- Décision du 30 mai 1947 : «  Le Haut Commissaire de la République du Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française (…) décide : M. LAMBERT Jean, Administrateur de 2° classe en service en Côte d’Ivoire est mis à la disposition du Gouverneur de la Mauritanie ». Signé R. BARTHES. Visé par le contrôle financier, cachet daté du 23 mai 1947.

- Décision du 14 juin 1947 (de Saint-Louis) : Le Gouverneur de la Mauritanie, Officier de la Légion d’Honneur, (…) décide (…) : « M. LAMBERT Jean, Administrateur de 2° classe des colonies, nouvellement affecté en Mauritanie, est nommé Chef du Bureau du Personnel et de l’Administration Générale en remplacement de M. PERHIRIN François, Administrateur-adjoint de 2° classe, appelé à d’autres fonctions ».

- Courrier du 17 mai 1948 [mention SECRET] du Haut-Commissaire de la République, Gouverneur Général de l’A.O.F., à Monsieur le Gouverneur de la Mauritanie - Saint-Louis : « Conformément aux instructions que je viens de recevoir du Département, je vous serais obligé de bien vouloir inviter M. l’Administrateur des Colonies LAMBERT à répondre au questionnaire ci-joint » concernant les conditions dans lesquelles ont été effectuées les libérations conditionnelles de BOUAKÉ en avril 1946 en Côte d'Ivoire » (Copie conforme transmise à M. LAMBERT « pour notification ». Visé par le Cabinet de la Colonie de Mauritanie le 22 mai 1948) :

1°/ Quelles sont les raisons qui ont poussé M. LAMBERT, alors Chef du Bureau Politique de la Côte d’Ivoire à proposer la libération immédiate de 22 détenus, alors que les dossiers n’avaient pas été examinés et que les pièces nécessaires n’avaient pas été établies ?
2°/ M. LAMBERT ignorait-il que toute libération conditionnelle doit être précédée d’une enquête approfondie ?
3°/ M. LAMBERT ignorait-il que certains intéressés ne remplissaient pas les conditions nécessaires à une libération conditionnelle ?
4°/ M. LAMBERT est-il intervenu de façon pressante auprès du Gouverneur pour que les intéressés soient immédiatement libérés ? Quel a été son rôle et le sens de ses interventions ?
5°/ Quelle part M. LAMBERT a-t-il prise à la régularisation “à postériori” de ces libérations conditionnelles ?

- Certificat de déménagement : « Inventaire des bagages de M. LAMBERT (Jean), Administrateur de 2° classe des Colonies, en déplacement définitif ». Suivent le détail du contenu de chacune de 19 cantines métalliques. Visé par M. le Cdt de [illisible]. Daté du 19 mai 1948 (de Saint-Louis du Sénégal) avec le Cachet de l’Administrateur de la Colonie du Sénégal.

- Réponse manuscrite du 24 mai 1948, depuis Saint-Louis, de l’Administrateur de 2° classe des Colonies LAMBERT (Jean) « à un questionnaire sans références ni date qui lui a été notifié sous transmission n° 404/c du 22 mai 1948 par Monsieur le Gouverneur de la Mauritanie » :

« Avant de répondre séparément aux 5 questions qui me sont posées, je tiens à signaler qu’elles concernent des faits datant de plus de 2 ans et que mes réponses ne sont basées que sur des souvenirs. Il est donc possible que dans ces réponses, je commette involontairement des erreurs partielles dues à l’éloignement des faits ».

Question n° 1. Réponse : « En 1942 ( ?), plus de vingt enfants et tout jeunes gens furent condamnés par le Tribunal de Bonaké (Justice Indigène) pour une série de larcins commis principalement sur le marché de cette localité. Ils furent condamnés en bloc à 7 ans de prison pour “Association de malfaiteurs”.

Vers le temps où ils eurent accompli la moitié de leur peine, quelques-uns des condamnés (2 ou 3) établirent des demandes de libération conditionnelle qui suivirent la procédure régulière. Les dossiers parvinrent au Bureau Politique de la Côte d’Ivoire. Leur examen attira particulièrement mon attention car il en ressortait deux points frappants : d’une part, la sévérité apparente dont il avait été fait preuve à l’égard de jeunes délinquants primaires n’ayant commis que des larcins, d’autre part, le fait que les requérants déclaraient n’avoir pas atteint la majorité pénale au moment de leur condamnation.
Ce fut donc, pour moi, l’occasion d’étudier à fond cette affaire. Les premiers requérants furent mis en liberté conditionnelle après qu’eurent été accomplies toutes les étapes de la procédure habituelle.
Dès ces mises en liberté, plus de quinze familles d’autres emprisonnés de la même affaire écrivirent directement au Chef du Territoire pour demander la même mesure à l’égard de leurs enfants. Toutes ces lettres insistaient sur le jeune âge des délinquants et sur la dureté de la peine infligée.
Le Gouverneur devait, précisément, se rendre en tournée à Bonaké et il fut décidé de constater sur place l’âge apparent des détenus.
Dès son arrivée à Bonaké, le Gouverneur reçut de nombreuses demandes d’audience de parents des jeunes condamnés. Les détenus furent convoqués. Je ne me souviens plus de leur nombre précis. La moitié, au moins, d’entre eux avaient un âge apparent de 17 à 19 ans ; aucun ne dépassait 22 ou 23 ans.
Si l’on tient compte du fait qu’ils avaient été jugés près de 4 ans auparavant et qu’ils venaient de subir près de 4 ans de prison (cause de vieillissement prématuré), on pouvait en déduire qu’ils avaient tous été condamnés très jeunes et que beaucoup d’entre eux n’avaient pas, alors, atteint l’âge de la majorité pénale.
Je fis la constatation qu’il n’existait au dossier aucune pièce d’état-civil établissant l’âge des délinquants. Les pièces d’interrogatoire leur donnaient 17 ans ou plus, sans la moindre preuve de cette affirmation.
L’affaire se présentait donc ainsi :
- Plus de 20 enfants et jeunes gens avaient été condamnés à une peine de 7 ans de prison à la suite de larcins divers.
- La condamnation avait été prononcée en bloc, par un même jugement, retenant un délit collectif d’“Association de malfaiteurs”.
- Deux (ou trois) de ces condamnés avaient déjà été remis en liberté conditionnelle, après la procédure habituelle. A cette occasion, les différentes consultations normales avaient été faites ; toutes avaient conclu en faveur de la libération.
- Si l’on avait voulu reprendre toute la procédure pour les jeunes détenus qui restaient en prison, cela aurait demandé plusieurs semaines, pour une formalité superflue puisque tous les avis à recueillir avaient déjà été donnés sur cette affaire. La conséquence aurait été de maintenir en prison pendant tout ce temps ces jeunes condamnés qui avaient déjà accompli une peine bien dure.
- Le dossier avait été examiné à fond.
J’ai donc proposé à Monsieur les Gouverneur de la Côte d’Ivoire de signer sans plus tarder leur mise en libération conditionnelle afin que ces enfants et jeunes gens soient remis immédiatement à leurs familles.
Ce faisant, j’ai agi par un sentiment d’humanité élémentaire ; j’ai été également poussé par le point de vue social de l’affaire : il était de l’intérêt général que ces jeunes gens, tous délinquants primaires, soient enlevés le plus rapidement possible à la promiscuité des prisons qu’ils subissaient déjà depuis trop longtemps
J’ajoute qu’aujourd’hui, au souvenir de cette affaire, j’éprouve toujours les mêmes sentiments ».

Question n° 2. Réponse : « Je ne crois pas ignorer la procédure employée pour les libérations conditionnelles ».

Question n° 3. Réponse : « Je ne me souviens pas d’un fait pareil ».

Question n° 4. Réponse : « Je n’ai pas eu à intervenir de “façon pressante” auprès de Monsieur le Gouverneur qui venait de recevoir les familles. Mon rôle s’est borné à lui expliquer à nouveau l’affaire qu’il connaissait déjà, en y ajoutant le résultat de mes derniers examens des dossiers. En conclusion, j’ai proposé la mise en liberté conditionnelle sans plus tarder des condamnés encore détenus ».

Question n° 5. Réponse : « Je n’ai aucun souvenir à ce sujet et ne vois pas ce dont il peut être question ».

- Bulletin individuel de notes (document "très confidentiel" du Ministère des Colonies - Gouvernement Général de l'A.O.F. - Colonie de la Mauritanie), avec : Nom, prénoms, grade, fonctions (chef des bureaux du Personnel et de l'Administration Générale, Saint-Louis), date d'entrée en service (24 janvier 1927) (...), langues étrangères (allemand, arabe, tchadien), distinctions honorifiques (Condamné à mort (Tribunal Militaire de Dakar 7-9-1942), Médaille de la Résistance), durée des services calculés jusqu'au 30 juin 1948 (en France : 7 ans, 3 mois, 14 jours ; à la mer ou aux colonies : 17 ans, 8 mois; 18 jours ; total : 25 ans, 0 mois, 2 jours).

- Lettre recommandée du MINISTRE DE LA FRANCE D'OUTRE-MER à Monsieur Jean LAMBERT, Administrateur 3° échelon de la France d'Outre-Mer, Route de Marseille, LE BEAUSSET (VAR). Paris, le 15 octobre 1954 : « A la suite de la suppression de 53 emplois d'Administrateurs de la France d'Outre-Mer par voie budgétaire, je me suis vu contraint de procéder à des admissions à la retraite en application des dispositions de l'article 6 du décret du 9 août 1953 relatif au régime des retraites du personnel de l'État et des Services publics. Cette mesure a été appliquée aux administrateurs qui ont déjà attient leur ancienne limite d'âge personnelle ou qui l'atteindront prochainement et qui ont droit à pension d'ancienneté. Seul un critère automatique de date est intervenu dans l'établissement de la liste de ces administrateurs. Né le 22 novembre 1898, vous avez été atteint par cette limite d'âge le 22 novembre 1953. En conséquence, j'ai l'honneur de vous faire parvenir ci-joint, pour valoir notification, copie du décret du 4 août 1954 vous admettant à faire valoir vos droits à une pension de retraite pour ancienneté de services ». Pour le Ministre et p.o. Le Directeur du Personnel L. PECHOUX.

- Décision de la Direction du Personnel, 2° bureau - I° Section, 4 février 1955, Paris : Portant attribution d'une indemnité à un Administrateur de la France d'Outre-Mer réintégré. LE MINISTRE DE LA FRANCE D'OUTRE-MER ; VU le décret du 2 mars 1910 portant règlement sur le solde et les allocations accessoires des fonctionnaires coloniaux et les textes qui l'ont modifié et complété ; VU la décision du Conseil d'État en date du 29 juillet 1953 annulant les décrets du 28 mars 1949 et du 21 novembre 1949 portant révocation de M. LAMBERT Jean, Administrateur de 2° classe des Colonies, pour compter du Ier avril 1949 ; VU l'arrêt du Conseil d'État, en date du 26 mars 1947, au terme duquel un Gouverneur des Colonies (M. GIACOBBI) dont l'admission à la retraite est annulée ne peut prétendre, en l'absence de service fait, à un rappel de traitement mais doit recevoir une indemnité en réparation du préjudice subi ; DECIDE : ARTICLE I - « Il est attribué à M. LAMBERT Jean, Administrateur 3° échelon de la France d'Outre-Mer, une indemnité égale au montant des émoluments qu'il aurait perçu s'il était resté en service dans la Métropole, du Ier avril 1949 au 4 août 1954 ». ARTICLE 2 - « De l'indemnité allouée à M. LAMBERT seront déduits : I°/ Les retenues réglementaires pour pension qui auraient été normalement précomptées sur sa solde de grade du Ier avril 1949 au 4 août 1954. 2°/ Les arrérages de pension et les rémunérations publiques et privées dont M. LAMBERT a bénéficié du Ier avril 1949 au 4 août 1954 ». ARTICLE 3 - « Le montant de l'indemnité revenant à M. LAMBERT, liquidée à la somme de (...), selon décomptes joints, sera imputable au chapitre 031-01 du Budget de l'État (Ministère de la France d'Outre-Mer) ». (Fait à Paris le 4 février 1955. Pour le Ministre et par délégation Le Directeur du Cabinet A. GRIMALD).

Ce qui permet de faire un maillage aussi exhaustif que possible de la vie de Jean LAMBERT, reconstituer son parcours et ses activités avec aujourd'hui davantage de précisions


- 9 février 1866 : Naissance à Mouzon (Ardennes) de Charles Henri LAMBERT, père de Jean LAMBERT. Il sera professeur d'Université, ami de Gaston BACHELARD, exercera successivement au Puy-en-Velay (Haute-Loire), à Annecy (Haute-Savoie), puis à la Faculté des lettres de Dijon (Côte d’Or), où il devint Doyen, tout en étant par ailleurs très engagé dans la diffusion de l’espéranto.

- 29 décembre 1871 : Naissance à Maurs (Cantal) de Marie Félicie CARBASSE, mère de Jean LAMBERT.

- 6 avril 1892 : Mariage des parents de Jean LAMBERT au Puy-en-Velay (Haute-Loire).

- 27 février 1894 : Naissance de Paul Jean Etienne LAMBERT, frère aîné de Jean LAMBERT, à Annecy (Haute-Savoie).

- 13 octobre 1895 : Naissance d'Odette Pauline Thérèse LAMBERT, sœur aînée de Jean LAMBERT, à Annecy (Haute-Savoie). Elle sera plus tard (dès les années 1930) professeur d'histoire et géographie à Nice.

- 22 novembre 1898 : Naissance de Jean LAMBERT à Dijon en 1898 : « Acte de naissance # 1198 du 24 Novembre 1898. LAMBERT Jean Maurice Jules, fils de Charles Henri LAMBERT, 33 ans, professeur, demeurant à Dijon, Marié au Puy (Haute-Loire) le 6 Avril 1892 avec Marie Félicie CARBASSE, 26 ans ». Mentions marginales : « Marié le 26 Juin 1926 à Issy-les-Moulineaux (92) avec Anna Jehanne (Jeanne) TRUITARD » et « Décédé à St-Pardoux-la-Croisllle Corrèze - Dijon le 14 septembre 1961 ».

- 1907 : Jean LAMBERT est en classe de 8e au Lycée Carnot à Dijon et obtient un second prix de calcul.

- 1914 et 1915 : Baccalauréat.

- 13 mars 1915 : Paul Jean Etienne LAMBERT, frère aîné de Jean LAMBERT, 21 ans, élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm à Paris, caporal au 20e Régiment d'Infanterie, est tué au combat à Fontenoy-sur-Aisne.

- 1915-1916-1917 : Jean LAMBERT est étudiant en médecine [Un document du Secrétariat de l'École de Médecine et de Pharmacie de l'Université de Dijon, daté du 16 février 1918, certifie que LAMBERT Jean, Maurice, Jules, « est actuellement pourvu de six inscriptions en vue d'obtenir le diplôme de Docteur en médecine »].

- Avril 1917 : Mobilisation comme Infirmier de 2e classe, puis Médecin-auxiliaire.

- Affecté sur le Front des Vosges, puis en Macédoine dans le 10e Bataillon Indochinois.

- 1920 : Démobilisé avec le grade de Médecin-auxiliaire de réserve.

- Mars 1920 : Adhère à la section de Dijon du Parti (socialiste) et participe à la lutte pour le rattachement à la IIIème Internationale.

- Arrêté lors de la manifestation contre l'inauguration du monument de Bossuet et condamné par le tribunal de simple police à 5 francs d'amende.

- Ne poursuit pas ses études de médecine et semble s'être inscrit à la Faculté des sciences car il obtient une licence ès-sciences en juillet 1921.

- Octobre 1921 à juillet 1923 : Étudiant à l'Institut Électrotechnique de Grenoble. Fait partie de la Section de Grenoble du Parti communiste. Devient secrétaire-adjoint de la Fédération communiste de l'Isère.

- 1922 : Décès (vraisemblablement à Dijon) de sa mère. Son père se remariera par la suite et continuera de vivre à Dijon.

- Mai 1923 : Condamné par le Tribunal correctionnel d'Annecy à 800 francs d'amende pour un article paru dans le journal local du Parti, "Le Travailleur de l'Isère".

- Juillet 1923 : Obtient le diplôme d'Ingénieur Électricien. Mais, à sa sortie de l'Institut Électrotechnique, le directeur de l'Institut refuse de le placer à cause de ses opinions politiques.

- S'embauche comme manœuvre dans une usine de produits chimiques de Saint-Fons (banlieue de Lyon), devient Secrétaire du syndicat (C.G.T.U.) des produits chimiques de Lyon et milite simultanément à la Section de Saint-Fons du P.C.F.

- Janvier 1924 : Participe au congrès de Lyon du Parti. Il est désigné par le congrès comme membre de la délégation qui devra assister aux obsèques de LÉNINE. (Mais la délégation ne part pas, les obsèques ayant eu lieu sans délai).

- Mars 1924 : Recruté comme Ingénieur électricien aux "Exploitations Électriques" à Langres. Il milite à la Section de Langres du P.C.F.

- Octobre 1924 : Recruté comme Ingénieur chimiste aux usines du "Bi-Métal" à Alfortville. Il devient Secrétaire-adjoint du rayon d'Alfortville et Secrétaire-adjoint de la Fédération des Produits Chimiques (C.G.T.U.).

- Octobre 1925 : Ayant porté la contradiction au nom du Parti à une réunion publique à Alfortville, est renvoyé des usines du "Bi-Métal".

- Recruté comme Ingénieur aux usines de la S.E.V. (Issy-les-Moulineaux) et milite à la cellule du P.C.F. de l'usine.

- Ayant fait grève le 1er mai 1926, est renvoyé de la S.E.V. le 2 mai.

- Recruté comme Ingénieur chimiste au "Comptoir des Alcaloïdes" à Noisy-le-Sec.

- Dans ces années 1920, il est parfois « médecin marron » : il soigne les plus pauvres sans être médecin diplômé. C’est ainsi qu’il rencontre sa future épouse, alors infirmière, au chevet d’un malade.

- 26 Juin 1926 : Mariage avec Anna Jehanne (Jeanne) TRUITARD à Issy-les-Moulineaux (née le 14 octobre 1898 à Bois-Colombes).

- 1926/1927 : Présente le concours de l'École Coloniale où il est reçu major.

- Janvier 1927 : Entre dans l'administration coloniale comme adjoint des Services Civils de l'A.E.F. Il cesse, à cette date, de cotiser au Parti car il n'existait pas de section en A.E.F.

- Février 1927 : Affecté au Congo, aux chantiers du chemin de fer Congo-Océan (C.F.C.O.) [ligne ferroviaire longue de 510 km environ, à l'écartement de 1,067 m, située dans la République du Congo qui relie le port de Pointe-Noire sur l'océan Atlantique à Brazzaville sur le fleuve Congo. Il fut construit sous l'administration coloniale française entre 1921 et 1934 au prix de nombreuses pertes humaines - 17 000 personnes en raison du travail forcé]. Il y est chargé des cultures vivrières et fournit les éléments de la campagne menée par le Parti communiste en 1929 et 1930 contre les abus commis au Congo-Océan.

- Janvier 1929 : En congé de convalescence de six mois.

- Mars 1929 : Se trouve à Paris « adjoint des Services Civils », 110 rue des Boulets. 

- Novembre 1929 : Stagiaire à l'École Coloniale.

- 1930 : Nommé Administrateur-Adjoint des Colonies et affecté au Tchad (26 mai 1930) où il part avec son épouse.

- Juin 1930 : Nommé Chef de subdivision de Massakory où, en cinq mois, il « ramène la paix et rétablit l'ordre dans une région mise en coupe réglée depuis des années par les pillards et les brigands de grand chemin qui l'habitaient » (appréciation élogieuse de son supérieur, 15 janvier 1931).

- Juin 1932 : En congé administratif de 6 mois : rentre en France avec son épouse.

- Mars 1933 : Retourne en Afrique, laissant son épouse en France. Nommé Chef de subdivision de Ngouri, petite ville du Tchad, chef-lieu du département du Wayi, dans la région du Lac.

- Mars 1933 : Jean LAMBERT, malade, n'est prévenu que tardivement des « faits affreux » qui se sont déroulés à la prison de N'Gouri. Prévenu à 6 heures du matin, il se « traîne jusqu'à la prison » et « prend les mesures qui s'imosaient ».

- Juin 1933 : André LATRILLE est administrateur et chef de circonscription du Kenm lorsqu'a lieu une bataille rangée entre deux tribus antagonistes, faisant plus de 200 morts identifiés, y comprils les chefs des deux tribus. Désaccord entre le gouverneur LATRILLE et un gouverneur BRUNOT au sujet de cette bataille, LATRILLE ayant demandé aux officiers chefs de subdivisions qu'une enquête fût ouverte et qu'il soit procédé par la force aux arrestations nécessaires, ce qui ne fut pas fait.

- 7 juillet 1933 : Naissance de Paule LAMBERT en France.

- Août 1933 : Nommé adjoint au Chef de circonscription du Kanem (nord-est du lac Tchad).

- Juin 1934 : Nommé adjoint au chef de circonscription du Mayo-Kebbi (sud-ouest du Tchad, près de la frontière avec le Gabon).

- Décembre 1934 : Nommé Chef de subdivision de Fianga, petite ville du sud-ouest du Tchad, chef-lieu du département du Mont d'Illi (région du Mayo-Kebbi Est).

- Mars 1936 : Obtient un congé administratif de 9 mois.

- Non daté : Un fascicule de mobilisation « classe 1918, profession : Administrateur-adjoint, grade : médecin auxiliaire, domicilié à Franceville, département du Haut Ogooué (Moyen Congo) » indique qu'il est affecté au Bataillon de Réserve du Moyen Congo stationné à Brazzaville.

- Février 1937 : Nommé Chef de subdivision de Franceville, ville du Moyen Congo (aujourd'hui Gabon), chef-lieu de la province du Haut-Ogooué.

- Septembre 1937 : Nommé Chef de subdivision d'Okondja, chef-lieu du département de Sébé-Brikolo dans la province du Haut-Ogooué.

- Février 1938 : Évacué sur l'hôpital de Brazzaville (actuellement capitale de la République du Congo).

- Juillet 1938 : Nommé Chef de subdivision d'Aboudeïa, chef-lieu de la région de Salamat, au sud-est du Tchad.

- Avril 1939 : Nommé Chef de département intérimaire du Salamat.

- Décembre 1939 : Nommé Chef de subdivision d'Aboudeïa.

- 5 février 1940 : Évacué sur Fort-Archambault (ville du sud du Tchad, centre militaire très important, aujourd'hui Sarh, sur le fleuve Chari) et hospitalisé. C'est peut-être à ce moment-là que les indigènes lui ont sauvé la vie en le transportant jour et nuit.

- 9 mars 1940 : L'autorité de Bangui (territoire de l'Oubangui-Chari, A.E.F.) lui accorde un congé de convalescence (fin avril 1940, 3 mois sauf prolongation) et l'autorise à revenir en France : Une réquisition de passage en 1ère classe lui est délivrée sur le paquebot de la Compagnie des Chargeurs Réunis qui quittera Pointe-Noire le (?) à destination de Bordeaux.

- 10 mai 1940, se trouvant en congé en France, adresse une « demande de mobilisation dans une unité combattante de la Métropole ». Cette demande reçoit une réponse favorable le 31 mai 1940 qui lui parvient à Dijon au moment des évènements de juin 1940. Il se rend à Sète, à la disposition des Autorités Militaires, le 19 juin 1940 pour être incorporé dans une unité combattante. La précipitation des évènements politiques et militaires fait qu'il est trop tard pour qu'il soit incorporé.

- 27 août 1940 : Le Tchad est le premier territoire d'Outre-Mer à se rallier à la France Libre (télégramme du Gouverneur Félix ÉBOUÉ) [André LATRILLE est alors administrateur et chef du département de Fort-Archambault].

- Décembre 1940 : Retourne de nouveau en Afrique, affecté cette fois en Côte d'Ivoire, comme Administrateur-adjoint de 3ème classe des Colonies et Chef de la Subdivision de Gagnoa. Son comportement y est très critiqué par ses supérieurs [il écrira plus tard qu'il à tout fait pour se faire enlever de ce poste, situé à son goût beaucoup trop au milieu de la Colonie, le projet qu'il avait formé dès la capitulation de juin 1940, étant de passer la frontière et de rejoindre la France Libre]. Il reçoit des observations sévères et le Gouverneur de la Côte d'Ivoire le fait muter à Touba, poste moins important, chef-lieu de la région de Bafing, au nord-ouest du pays, mais proche de la frontière avec la Guinée et non loin de celle avec le Libéria.

- 8-10 décembre 1941 : Arrive à Man en camionnette, prétextant une mission d'inspection à la frontière pour repérer des points de passage de fuyards de Touba vers le territoire de la Guinée, il se rend à M'zo, à Danané (où il passe la nuit du 8 au 9), puis à Ghouhouyé, puis en direction de Danipleu. N'étant pas revenu le 10 au soir, son chauffeur et son interprète rejoignent leur poste.

- 12 décembre 1941 : Le chef de subdivision de Danané est informé que M. LAMBERT était passé au Libéria [via la Guinée ?] et qu'il renvoyait les clés du coffre de Touba « ne laissant ainsi aucun doute sur ses intentions [de rejoindre les F.F.L.] ».

- Après un emprisonnement de 15 jours au Libéria, traverse à pied tout le Libéria et d'embarque à Monrovia.

- 19 janvier 1942 : Arrivé à Monrovia, Libéria, reçoit un radio d'un correspondant (SICE) qui lui demande de se présenter au Capitaine de Vilmorin pour être dirigé sur Pointe Noire [Congo].

- Février 1942 : Affecté à la mission des Forces Françaises Libres d'Accra (Côte de l'Or, aujourd'hui Ghana) où il est chargé du bulletin d'information de la station de Radio.

- 26 février 1942 : Lance un appel à Radio Accra. Cite nommément tous les administrateurs qui collaborent avec les boches, notamment en dirigeant l'exportation au profit de l'Allemagne des principales productions agricoles de la Côte d'Ivoire, et demande à tous ses camarades administrateurs de la Côte de venir à leur tour rejoindre les Forces Françaises Libres. Dans un autre appel extrêmement virulent à la radio, stigmatise la « lâcheté allemande », la « férocité des boches, ces brutes, ces scientifiques du crime, ces organisateurs de massacres en série, incapables d'un sentiment d'humanité » auxquels les dirigeants de Vichy se trouvent associés.

- 28 février 1942 : Ordre de mission des Forces Françaises Libres (Lagos, Nigeria) : « à Monsieur Jean LAMBERT, Administrateur des Colonies, rallié à la France Libre », de se rendre en Gold Coast par les voies les plus rapides pour une mission de courte durée. Dès son arrivée à Accra, il se présentera au Chef de la Mission Française Libre de Gold Coast, et se mettra à sa disposition pour lui fournir tous les renseignements utiles »

- Vu au passage à Accra, du 29 février au 4 mars 1942.

- Avril 1942 : Demande à partir avec l'Armée Leclerc. Affectation refusée. Est affecté au Tchad. Nommé (sous le régime des Forces Française Libres) Administrateur de 2ème classe des Colonies, Chef du département du Bas-Chari (chef-lieu : Fort-Lamy), Administrateur-maire de Fort-Lamy, puis Chef du Département du Batha (Tchad). [On rappelle que le Tchad a été le premier territoire africain à se rallier à la France Libre : Le 26 août 1940, à la mairie de Fort-Lamy, le gouverneur Félix Eboué proclame, avec le colonel Marchand, commandant militaire du territoire, le ralliement officiel du Tchad au général de Gaulle, donnant ainsi « le signal de redressement de l'empire tout entier » et une légitimité politique à la France libre, jusqu'alors dépourvue de tout territoire. René Pleven, envoyé du général de Gaulle assistait à cette proclamation. Le 15 octobre Félix Éboué reçoit de Gaulle à Fort-Lamy, qui va le nommer, le 12 novembre, gouverneur général de l'Afrique Équatoriale Française].

- Octobre 1942 (ou 30 juillet 1942 ?) : André LATRILLE est nommé Gouverneur du Tchad. Il prend ses fonctions lors du départ de son prédécesseur, Pierre-Olivier LAPIE, le 12 décembre suivant.

- 5 septembre 1942 à Dakar, Sénégal : le Tribunal Militaire de Dakar qui, vu présomption de trahison pour avoir, le 11 décembre 1941, « en temps de guerre, entretenu des intelligences avec une puissance étrangère ou avec ses agents en vue de favoriser les entreprises de cette puissance contre la France, en quittant sans autorisation le territoire français (Guinée française) pour se rallier aux troupes dissidentes de l'ex-général de Gaulle en Libéria », le condamne par contumace « à la peine de mort et ordonne la confiscation au profit de la Nation, de tous ses biens présents et à venir » [Ce jugement sera annulé par arrêt du 8 novembre 1943 de la chambre de révision en A.O.F. (application de l'ordonnance du 6 juillet 1943 portant légitimation des actes accomplis en faveur de la libération de la France)].

- Octobre 1942 : A un grave différend avec le Comité de l'Eglise de Fort-Lamy (D'après courrier du 23 octobre accusant réception d'une lettre du 21 octobre).

- Septembre 1943 : De retour en Côte d'Ivoire et affecté au poste d'Administrateur, Chef de cabinet de M. le Gouverneur de Côte d'Ivoire (d'après le J.O.). Félicité par plusieurs anciens amis indigènes de Touba. [André LATRILLE devient Gouverneur de Côte d'Ivoire le 5 novembre 1943].

- 5 juillet 1944 : Menacé de sanction (« d'être relevé de son poste ») d'après télégramme du Gouverneur LATRILLE qui évoque des « faits qui lui sont reprochés », un « jugement » et une possible « cabale par des éléments douteux de Côte d'Ivoire ».

- Télégramme de « Colonies Alger à Gougal Dakar », du 29 juillet 1944. N° 1549 : « Solution proposée me paraît bonne stop Ce qu'on reproche essentiellement à LAMBERT est raideur excessive dans ses rapports quotidiens avec Européens stop D'autre part je n'entends pas que sa mutation paraisse être un désaveu de la politique suivie par LATRILLE qui est celle voulue par gouvernement. Dans ces conditions je n'ai pas objections au retour de LATRILLE à Abidjan directement stop veuillez bien montrer ce télégramme à LATRILLE.

- 4 janvier 1945 :

- 5 mars 1945 : Se trouve encore à Abidjan (d'après courrier élogieux de l'un de ses anciens collaborateurs de Gagnoa).

- 26 mars 1945 : Écrit au Ministre des Colonies pour demander son affectation au Corps expéditionnaire indochinois. Rappelle qu'il a servi en 1918 en Macédoine au 10ème Bataillon Indochinois ; qu'il a le grade de Médecin-auxiliaire de réserve mais qu'il est volontaire pour servir dans n'importe quelle arme avec n'importe quel grade ; qu'il serait heureux de pouvoir participer à la libération de l'Indochine ; qu'étant inscrit en tête de la deuxième liste de la relève en A.O.F., il devrait quitter la Côte d'Ivoire dans quelques semaines ; que son affectation au Corps expéditionnaire d'Indochine ne diminuerait donc pas le nombre des Administrateurs en service en Côte d'Ivoire. Demande transmise avec l'avis très favorable du gouverneur LATRILLE, « preuve supplémentaire de patriotisme fervent et agissant qu'a toujours manifesté l'Administrateur LAMBERT ».

- Avril 1945 : Est toujours Administrateur des Colonies et Chef du Bureau des Affaires Sociales et Politiques à Abidjan. [C'est vers cette époque qu'il rencontre et se lie d'amitié avec Félix HOUPHOUËT (médecin, puis chef de village, puis administrateur, puis planteur de caoutchouc, cacao, café et syndicaliste agricole). HOUPHOUËT se présente aux élections d'octobre 1945 pour devenir député de Côte d'Ivoire au Parlement français. Jean LAMBERT le conseille et l'aide à être élu [sous le nom de HOUPHOUËT-BOIGNY - boigny, signifiant le bélier], malgré des magouilles locales qui voulaient l'en empêcher. HOUPHOUËT-BOIGNY vouera à Jean LAMBERT une amitié et une reconnaissance indéfectibles].

- 25 avril 1945 : Départ en congé signalé dans une lettre de reconnaissance des élèves-instituteurs de Dabou (ville proche d'Abidjan) qui lui souhaitent « bonne traversée ».

- 17 juillet 1945 : Décret du Gouvernement Provisoire de la République Française (signé S. de GAULLE et P. GIACOBBI) lui attribuant la Médaille de la Résistance Française.

- 5 août 1945 : Le gouverneur LATRILLE écrit (c'est la 3e fois) au Ministère des Colonies pour recommander Jean LAMBERT « à une promotion au titre d'administrateur en chef aevc cote maximale et au très grand choix ». La demande n'est pas acceptée.

- 7 août et 14 août 1945 : Ordres de Mission du Gouvernement Provisoire de la République Française, Ministère des Colonies : lui ordonne de se rendre depuis la Colonie de Côte d'Ivoire en mission à Dijon (à sa résidence, 1 rue Viollet-le-Duc) comme rapatrié sanitaire (ou en permission de détente ?), seul, par voie aérienne et terrestre. Reprend sa carte du Parti communiste à Dijon.

- Le Gouverneur Latrille doit être muté à peu près à la même époque que Jean Lambert

- 19 août 1945 : Félix Houphouët lui fait parvenir depuis Abidjan une lettre manuscrite de 8 pages dans laquelle il lui donne des nouvelles de la colonie, de son départ (« le gouverneur Latrille et vous êtes regrettés »), de ses détracteurs, de la préparation des élections municipales et législatives. Il ne sait pas à ceoment-là s'il va pouvoir se présenter aux élections à la Constituant, n'étant pas citoyen français. [En fait, dans la biographie de Félix Houphouët, il est écrit : « En octobre 1945, Houphouët est projeté sur la scène politique ; le gouvernement français, décidé à faire participer ses colonies à l’assemblée constituante, organise l’élection de deux députés en Côte d’Ivoire : l’un représentant les colons, l’autre les autochtones. Houphouët se présente et, grâce aux nombreux soutiens qu’il a acquis par son action syndicale, est élu au premier tour avec plus de 1 000 voix d’avance. Malgré cette victoire, l’administration coloniale décide d’organiser un second tour, le 4 novembre 1945, qu'il remporte avec 12 980 voix sur 31 081 suffrages exprimés. Pour son entrée en politique, il décide d’ajouter Boigny, signifiant « bélier » (symbole de son rôle de meneur) à son patronyme, devenant ainsi Félix Houphouët-Boigny.]

- 21 mars 1946 : Le Chef du Service Colonial de Bordeaux lui accorde un congé de convalescence de 3 mois, à Paris, 18 avenue des Gobelins, avec effet du 21 novembre 1945 au 20 mars 1946.

- Avril 1946 : Retour en Côte d’Ivoire comme Chef du Bureau des Affaires Politiques. C'est à cette époque qu'il fait libérer 22 détenus à BOUAKE, ce qui donnera lieu (en 1948) à un courrier et à une demande de répondre à 5 questions concernant les conditions dans lesquelles ont été effectuées ces libérations conditionnelles ».

- Juin 1946 : Toujours en Côte d'Ivoire, en compagnie du Gouverneur LATRILLE. Félicité par plusieurs anciens amis indigènes Ivoiriens et Togolais.

- 10 juillet 1946 : En conférence dans le bureau du Gouverneur de la Côte d'Ivoire (*), avec le Secrétaire Général, le Président de la Coopérative des Planteurs Africains et le Chef de Cabinet. Il s'oppose vigoureusement au Secrétaire Général et au Chef des Affaires Économiques à propos des parts importations. Ces derniers souhaitent attribuer la totalité des parts d'importation à des maisons de commerce, alors que Jean LAMBERT demande à ce que 25 % des importations soient attribués à des coopératives de planteurs locaux. Devant la tournure que prend la discussion et ne se sentant pas soutenu par le Gouveneur, il quitte la réunion. Des récits plus ou moins fantaisistes de cette réunion s'étant immédiatement répandus dans Abidjan et risquant de dépasser le cadre de la Côte d'Ivoire, Jean LAMBERT rédige dès le 11 juillet un compte-rendu détaillé (5 pages)  « des faits exacts alors qu’ils sont encore récents et présents à la mémoire de tous » de la conférence.

(*) Qui était gouverneur de la Côte d'Ivoire à ce moment-là ? On sait [d'après sa biographie] qu'André LATRILLE (1894-1987) quitte le Tchad le 5 novembre 1943 (où Jacques ROGUÉ lui succède), pour la Côte d'Ivoire où il demeure jusqu'en 1945 [il a été choisi à ce poste par René PLEVEN, membre du Comité français de la Libération nationale, après que l’AOF a basculé dans le camp des Alliés, en remplacement de Jean-Francois TOBY]. Il l'est à nouveau d'avril 1946 à février 1947, en succédant à Henry De MAUDUIT. La biographie d'Henry de MAUDUIT indique par ailleurs que celui-ci fut « gouverneur de Côte d'Ivoire de 1945 à [avril] 1946, en remplacement d'André LATRILLE, puis de Mauritanie, puis du Tchad de 1949 à 1951 ». Il est donc remplacé à Abidjan en avril par André LATRILLE, à nouveau nommé au même poste. Lors de la réunion du 10 juillet 1946, c'était donc André LATRILLE qui était gouverneur de Côte d'Ivoire.

- 27 juillet 1946 : Le Secrétaire Général de la Côte d'Ivoire Pierre DELTEIL écrit au Ministre de la France d'Outre-Mer pour lui demander de bien vouloir le remplacer dans ses fonctions [en raison de l']'impossibilité dans laquelle [il se] trouve de travailler en liaison avec l'Administrateur LAMBERT, Chef du Bureau des Affaires Politiques (...).

- 18 mars 1947 : Passation de service et à transmission de toutes les archives appartenant au Bureau des Affaires Politiques & Sociales à Abidjan « entre M. Jean LAMBERT et M. Charles CLAVERIE, Administrateur des Colonies, Chef du Bureau des Affaires Politiques & Sociales, qui prend à la date de ce jour ses fonctions ».

- 30 mai 1947 : Affecté en Mauritanie. «  Le Haut Commissaire de la République du Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française (…) décide : M. LAMBERT Jean, Administrateur de 2° classe en service en Côte d’Ivoire est mis à la disposition du Gouverneur de la Mauritanie ». Signé R. BARTHES.

- 14 juin 1947 (depuis Saint-Louis) : Nommé Chef du Bureau du Personnel et de l’Administration Générale.

- 14 août 1947 : Ordre de se rendre à Dakar en mission. Départ le 16 août 1947.

- 14 février et 8 juin 1948 : Se trouve à Saint-Louis (Sénégal).

- 17 mai 1948 : Courrier [mention SECRET] du Gouverneur Général de l’A.O.F., l'invitant à répondre à un questionnaire en 5 points concernant la libération conditionnelle de 22 prisonniers en avril 1946 en Côte d’Ivoire.

- 19 mai 1948 (de Saint-Louis du Sénégal) : Certificat de déménagement : « Inventaire des bagages [en vue de déplacement définitif] ».

- 24 mai 1948 (depuis Saint-Louis) : Dans un document manuscrit, il répond, point par point, aux 5 questions du document qui lui a été notifié par le Gouverneur de la Mauritanie.

- Retour en France (dans le courant du mois de juin 1948 ?) : C'est à cette époque que se situe la fin de sa carrière. Il sera limogé en 1949 pour des raisons qui n'apparaissant dans aucun document dont nous disposons, mais qui sont très vraisemblablement liées à ses idées politiques et pour avoir souvent pris le parti des Indigènes contre les Européens, qu'il s'agisse d'attribution de parts d'importation aux planteurs africains (plutôt qu'aux maisons de commerce), de libération de prisonniers en Côte d'Ivoire ou de construction d'une église à Fort-Lamy.

- 30 juin 1948 : Totalise à ce moment-là 25 ans, 0 mois et 2 jours de services, dont 7 ans, 3 mois et 14 jours en France, et 17 ans, 8 mois et 18 jours en mer ou aux Colonies.

- 1948-1949 : Retour en France (sans doute pas à Dijon, car la maison de son père - qui habite Nice depuis les années 1930 - avait déjà été vendue), mais peut-être à Paris, quartier des Gobelins (?) . Il se trouve un certain temps sans salaire, ni retraite.

- Mars 1949 : Se trouve (ou est de passage) à Nice.

- 28 mars et 21 novembre 1949 : Décrets portant révocation de M. LAMBERT Jean, Administrateur de 2° classe des Colonies, pour compter du 1er avril 1949 [seront annulés par une décision du Conseil d'État en date du 29 juillet 1953].

- Février 1951 : Première mention de son adresse au Beausset (Var). De 1951 à 1953 (d'après la datation de ses livres), il évolue entre Le Beausset, Toulon et Nice (et Marseille ? et Menton ?).

- 22 novembre 1953 : Atteint par la limite d'âge (55 ans).

- 15 octobre 1954 : Habite toujours route de Marseille, Le Beausset (Var). Reçoit notification du décret du 4 août 1954 l'admettant à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour ancienneté de services.

- 4 février 1955 : Vu la décision du Conseil d'État du 29 juillet 1953 annulant les décrets du 28 mars 1949 et du 21 novembre 1949 portant sa révocation, il lui est attribué une indemnité en réparation du préjudice subi, indemnité égale au montant des émoluments qu'il aurait perçu s'il était resté en service dans la Métropole, du 1er avril 1949 au 4 août 1954, soit (…).

- Mai 1956 : Se trouve (ou est de passage) à Paris.

- 1956 : Achète un appartement à La Seyne-sur-Mer [seule municipalité communiste du secteur de Toulon-Ouest] au 3e étage du 14 bis, boulevard Staline.

- 1959 : Part en voyage seul en U.R.S.S., après avoir appris quelques bases de la langue russe.

- 1960 : Décès de son père à Nice (Alpes-Maritimes) où il s'était installé (avec sa seconde épouse) auprès de sa fille Odette dans les années 1930. (Sa seconde épouse était décédée avant 1960).

- 1960 : HOUPHOUËT-BOIGNY devient Président de la Côte d'Ivoire indépendante. Il va essayer de prendre des nouvelles de Jean LAMBERT. Mais ce dernier était mort quand l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en France retrouve sa trace. HOUPHOUËT-BOIGNY fait alors rechercher la famille de Jean LAMBERT pour lui exprimer sa reconnaissance.

Acte de décès de Jean LAMBERT à Saint-Pardoux-la-Croisille le 31 août 1961

- 31 août 1961 : Décès à Saint-Pardoux-la-Croisille (Corrèze) alors qu’il passait ses vacances dans une pension de famille. Inhumation au cimetière de Saint-Pardoux-la-Croisille, d’abord dans une fosse commune, puis transféré dans une tombe que sa veuve fera édifier.

- 8 juillet 1983 : Décès de sa sœur aînée, Odette Pauline Thérèse LAMBERT, à Cantaron (Alpes-Maritimes).

- 1989 : Décès (à Paris, Hôpital Saint-Antoine) de son épouse Jeanne TRUITARD. Ses cendres sont répandues au Jardin du Souvenir, au Père-Lachaise. L'ambassadeur de la Côte d'Ivoire assiste aux funérailles sur la demande du Président Houphouët-Boigny, qui envoie une énorme couronne de fleurs. C'est seulement par la suite que sa fille fera apposer une plaque sur la tombe de son père à Saint-Pardoux-la-Croisille (Corrèze) pour les réunir dans le souvenir, mais elle n'a pas vraiment été inhumée dans la même tombe.

R7. (5 octobre 2014, de Lynn, Massachusets)

Cher Jean-Claude,

Veuillez m'excuser d'avoir tant tardé à vous répondre, l'été est passé, je ne sais pas où et je voulais consulter encore des documents avant de vosu écrire.

Merci encore de m'avoir evoyé la chronologie de la vie de mon père. Les choses se rectifient dans mon esprit avec les dates qui se précisent. Alors que je croyais avoir vécu plusieurs mois à Dijon entre mon père et ma mère, je réalise qu'il s'agissait seulement d'un mois, car mon père a été rapatrié en mai 1940, en congé de maladie, et nous a quittés en juin 1940. Il avait été évacué à l'hôpital de Fort-Archambault le 5 février 1940. C'est peut-être à ce moment-là que les indigènes lui ont sauvé la vie en le transportant jour et nuit.

J'essaie de répondre à vos questions. Le décès de Larie Félicie Carbasse Lambert, la mère de mon père, a vraisemblablement eu lieu à Dijon, où ils demeuraient, dans la maison que mon grand-père avait fait construire; mais je n'ai pas de document précis.

L'hospitalisation de mon père à Montpellier n'a eu lieu ni en février 1938, ni en 1940. Elle serait postérieure à son retour en France, mais je n'ai aucune date précise.

Ma mère est décédée à Paris en 1989, à l'hôpital Saint-Antoine, et ses cendres ont été répandues au Jardin du Souvenir, au Père-Lachaise. L'ambassadeur de la Côte d'Ivoire a assisté aux funérailles sur la demande du Président Houphouët-Boigny, qui a envoyé une énorme couronne de fleurs. C'est seulement par la suite que j'ai fait poser une plaque sur la tombe de mon père pour les réunir dans le souvenir, mais elle n'a pas vraiment été inhumée dans la même tombe.

Il manque à coup sûr des documents sur ce qui s'est passé dans la période de 1947. En définitive, il ne semble pas que mon père ait été limogé en 1947, mais en 1949. Il a été affecté en Mauritanie entre ces deux dates. Vous trouverez ci-joint des documents qui le prouvent. Je pense que les lettres concernant la libération des jeunes gens vous intéresseront. Aurait-ce été le prétexte de leur renvoi ? Il avait beaucoup de détracteurs car il défendait les faibles contre les puissants. Ainsi, il s'élevait contre les abus des sociétés commerciales qui lésaient les planteurs africains.

Un certificat de déménagement (copie ci-jointe) avec un inventaire des bagages pour un déplacement définitif est daté du 19 mai 1948. Cela aurait donc marqué la fin de la carrière de mon père.

Les raisons n'en apparaissent pas. Malheureusement, je n'ai pas emporté tous les documents que maman avaient gardés à La Seyne. Lorsque j'ai dû vider l'appartement, très vite avant mon départ pour les Etats-Unis, je n'avais plus de contact avec votre famille, et maman n'était plus en état de participer.

Voilà, cher Jean-Claude, le résultat de mes recherches. Je me perds dans tout cela. Quant à l'histoire de l'église, je n'en avais jamais entendu parler et elle me paraît bizarre. Les dates ne semblent pas non plus correspondre avec le limogeage. Il n'est jamais rentré en France entre 2 gendarmes !

(...) sachez bien que je suis infiniment heureuse d'avoir l'occasion de me pencher avec vous sur la vie de mon père et de savoir combien il a été estimé et aimé.

Paule

Q8. (13 octobre 2014)

Bonjour Paule,

J’ai bien reçu vos deux derniers envois de documents relatifs à la carrière de votre père. Je vous en remercie beaucoup.

Bien des choses se sont en effet précisées peu à peu - par rapport à ce que nous savions il y a un an à peine.

Il est probable que plusieurs points obscurs vont subsister, soit parce que certains documents ont disparu, soit parce que la mémoire des souvenirs (que mon père avait recueillis et qu’il m’avait transmis, il y a maintenant plusieurs décennies !) a peut-être involontairement transformé les faits d’origine. C’est probablement le cas de cette église et de son renvoi “entre deux gendarmes” dont vous n’avez jamais entendu parler. Peut-être que le jour où votre père a conté cette histoire à mon père, peut-il lui a-t-il dit tant de choses ce jour-là que mon père à mélangé plusieurs souvenirs différents (le lieu : Fort-Lamy ? [Un document fait bien état d’un “grave différent avec le comité de l’église de Fort-Lamy”] et aussi car de Gaulle avait dit, je crois, “Monsieur le Maire” ; la date ? 1942 ou 1944 ou ultérieurement ? : le renvoi entre deux gendarmes ?? Peut-être qu’il ne s’agissait pas d’un renvoi en France après la question de l’église mais cela se rapportait-il à une autre sanction (?) à une tout autre date ? Il faut certainement être prudent avant de tirer des conclusions et cela va certainement amener à rectifier la fiche biographique de votre père, rédigée l’année dernière (à partir des documents et souvenirs que nous avions à l’époque) en vue du “Dictionnaire du Mouvement Ouvrier et Social”.

Je vais examiner avec soin vos derniers documents et essayer de les intégrer à la chronologie que j’avais essayé d’établir et tenter de l’affiner encore un peu. Toutefois, je ne vais pas avoir le temps d’examiner toutes ces pièces à court terme car je suis actuellement très pris par deux ou trois gros dossiers et conférences à préparer. Je ne pourrai sans doute m’y mettre que début novembre.

Je vous tiendrai au courant quand j’aurais pu vraiment m’y pencher.

Merci encore. Avec toutes mes amitiés.

Jean-Claude

R8. (18 octobre 2014)

Bonjour Jean-Claude,
 
Je viens de trouver votre message et vous en remercie. Je vous souhaite bon courage pour tout ce que vous avez à faire. Ici l'automne est flamboyant et la température est si douce que je vais de ce pas sur la plage pour tenter une dernière (?) baignade dans l'océan.
 
Bien amicalement,

Paule

Q9.

Chère Paule,

Deux mois et demi ont passé depuis vos derniers envois de documents. J'ai été encore plus occupé que prévu et c'est seulement mi-décembre que j'ai pu me repencher sur la chronologie de la vie de votre père.

J'ai examiné soigneusement tous les documents que vous m'avez adressés et j'ai été en effet extrêmement intéressé par les courriers et questionnaires concernant la libération des jeunes prisonniers de Bonaké (Côte d'Ivoire), ainsi que par la transcription détaillée des échanges relatifs à l'attribution des parts d'importation aux coopératives de planteurs locaux. Cette dernière affaire est particulièrement significative de la conduite de votre père au cours de ses années d'Administrateur des Colonies où il a chaque fois que possible défendu les intérêts des Indigènes contre les abus des Européens ou des maisons de commerce. Les derniers documents éclairent aussi parfaitement la période 1946-1948 avec son affectation en Mauritanie qui n'était pas apparue clairement jusqu'ici. Mais cela explique pourquoi certains documents (ainsi que plusieurs ouvrages annotés par votre père) portaient l'adresse de Saint-Louis. Car à l'époque, c'était Saint-Louis du Sénégal - capitale de l'AOF et du Sénégal - qui était la capitale administrative de la Mauritanie.

Vos derniers documents ont donc permis de compléter et d'affiner la chronologie que j'avais précédemment établie. Vous trouverez ci-joint le nouveau document, qui inclut (en rouge) les dernières modifications ou compléments. J'ai tenu à y faire figurer in extenso les textes concernant la libération des jeunes prisonniers et  la réunion sur l'attribution des parts d'exportations. Compte tenu de ces nouvelles informations, il m'est également apparu nécessaire de rectifier la biographie de votre père qui avait été publiée sur mon site internet dans la rubrique "Dictionnaire du Mouvement Ouvrier et Social Seynois" (projet de texte également ci-joint). Je vais également demander à mon ami Jacques Girault, qui en est le correspondant local, à ce que la biographie soit également rectifiée sur le site national du Dictionnaire du Mouvement Ouvrier. Je n'ai pas conservé l'histoire de la mosquée de Fort-Lamy pour laquelle nous n'avons pas d'élément historique valide qui serait venu étayer le souvenir de mon père : je n'ai fait que parler de "grave différend avec le comité de l'église de Fort-Lamy" (qui se serait sans doute situé en 1942 et non en 1944 en Côte d'Ivoire comme précédemment supposé).

Car il apparaît de plus en plus probable que le "limogeage" de votre père, acté en 1949, soit dû, non pas à un coup d'éclat ponctuel, mais à la somme d'un ensemble d'évènements ou d'actions qui résultaient des idées qu'il avait défendues depuis toujours et qui, en Afrique, ont consisté en son soutien affirmé aux populations locales, aux faibles, aux opprimés, et sa lutte contre les abus des Européens.

Naturellement, si vous observez la moindre erreur ou anomalie dans cette dernière version des textes, ou si certaines formulations ne vous conviennent pas, n'hésitez pas à m'en faire part. J'effectuerai alors les corrections que vous souhaitez.

Nous voici déjà à la fin de cette année 2014. Je suis heureux qu'en un peu plus d'un an nous ayons pu progresser de façon très significative dans le décryptage de la vie riche et complexe de votre père, bien que certains aspectsrisquent de ne jamais être élucidés totalement.

Je vous souhaite une bonne et heureuse année 2015 et espère pouvoir continuer à échanger avec vous, qu'il s'agisse de votre famille ou de tout autre sujet.

Avec mes amitiés, ainsi que ce celles de toute ma famille.

Jean-Claude

R9. (10 janvier 2015)

Cher Jean-Claude,
 
Voici les documents mentionnés lors de notre dernière communication téléphonique. Veuillez en excuser le retard. Il me faut aller faire les photocopies à l'extérieur et tout cela prend du temps.

J'espère que vous avez un hiver agréable, ce qui est souvent le cas sur la Côte d'Azur. Ici, malgré le soleil et la latitude (celle de Rome), nous avons des jours très froids (-28° this morning).

Merci encore une fois de tout ce que vous avez fait pour les biographies de mon père et merci de me les avoir communiquées.

Avec toutes mes amitiés

Paule

Q10.

Chère Paule,

J'espère que vous traversé l'épisode de neige et de grand froid qui a touché le nord est des Etats-Unis sans trop souffrir. D'ici, nous avons vu des images impressionnantes et nous avons bien pensé à vous. J'imagine que ce n'est toujours pas le moment pour vous de sortir pour aller consulter vos messages à la Bibliothèque. Et peut-être ne trouverez-vous celui-ci qu'avec un peu de retard.  Ici, dans le sud-est, nous avons eu également quelques jours de froid (relatif) avec des températures comprises entre +1° et + 9°, donc toujours aucune gelée. S’il y a eu beaucoup de neige  en France, ce fut surtout dans le sud-ouest, les Pyrénées, et naturellement le Jura et les Alpes. Mais rien sur la Côte d’Azur, sinon de le pluie et du ciel gris.

Encore un grand merci pour vos derniers documents. J'en ai pris connaissance en détail et je les ai tous retranscrits pour les intégrer à la liste chronologique des documents biographiques précédents de votre père. Les deux lettres signées de Félix Houphoët sont extrêmement précieuses et permettent bien de comprendre la situation en Côte d'Ivoire en 1945 et tous les aspects possibles des conflits entre Colons et Indigènes. Il y a dans ces lettres, à côté d'informations historiques, le détail de combinaisons locales sordides - tout ce que votre père n'a jamais pu supporter et ce qui a entraîné ses mutations successives  puis sa révocation - le tout raconté par Houphouët avec une franchise émouvante. On comprend mieux ainsi la situation que dans n'importe quel livre d'histoire. On se situe alors au point de départ de l'engagement politique national de Félix Houphouët, puisque (contrairement aux doutes qu'il exprimait dans sa lettre quant à sa possibilité d'être candidat), il sera élu. Voilà d'ailleurs ce qu'on retrouve écrit dans l'une de ses biographies :

« En octobre 1945, Houphouët est projeté sur la scène politique ; le gouvernement français, décidé à faire participer ses colonies à l’assemblée constituante, organise l’élection de deux députés en Côte d’Ivoire : l’un représentant les colons, l’autre les autochtones. Houphouët se présente et, grâce aux nombreux soutiens qu’il a acquis par son action syndicale, est élu au premier tour avec plus de 1 000 voix d’avance. Malgré cette victoire, l’administration coloniale décide d’organiser un second tour, le 4 novembre 1945, qu'il remporte avec 12 980 voix sur 31 081 suffrages exprimés. Pour son entrée en politique, il décide d’ajouter Boigny, signifiant « bélier » (symbole de son rôle de meneur) à son patronyme, devenant ainsi Félix Houphouët-Boigny. »

Et je comprends qu'Houphouët, pour écrire ce qu'il écrit, devait avoir une confiance totale en votre père et qu'il lui vouera une reconnaissance indéfectible car tous deux était parfaitement en phase sur l'appréhension de la situation politique, économique et sociale locale. Ainsi d'ailleurs qu'avec le gouverneur Latrille car ce dernier semble avoir suivi une route proche de celle de votre père et a eu des affectations et subi des mutations aux mêmes époques et sans doute pour les mêmes raisons. Je n'ai cependant pas retrouvé de preuve que Latrille était communiste. On trouve dans l'une de ses biographies la chronologie suivante :

« Le 5 novembre 1943, il quitte le Tchad, où Jacques Rogué lui succède, pour la Côte d'Ivoire, où il demeure jusqu'en 1945 ; il a été choisi à ce poste par René Pleven, membre du Comité français de la Libération nationale, après que l’AOF a basculé dans le camp des Alliés, en remplacement de Jean-Francois Toby. Il l'est à nouveau d'avril 1946 à février 1947, en succédant à Henry De Mauduit. Un boulevard d'Abidjan, situé dans le quartier de Cocody, le Boulevard Latrille, porte son nom ».

J'en déduis que, lors de la fameuse réunion du 10 juillet 1946 dans le bureau du Gouverneur, à Abidjan, c'était bien Latrille qui était à ce poste. Sans doute était-il dans une position difficile car, s'il partageait assez le point de vue de votre père, il avait dû être obligé de faire preuve d'un peu plus de souplesse face au Secrétaire général et aux représentants des Colons, et il avait semble-t-il essayé de calmer le jeu, contrairement à votre père qui n'avait pas hésité à aller au clash ce jour-là. Mais Latrille avait quand même été muté à un autre poste en 1947, à peu près en même temps que votre père. Mais je ne sais pas où Latrille avait poursuivi sa carrière ou s'il avait été un jour aussi révoqué. La biographie que j'ai ne le mentionne pas. Et il a pourtant eu une longue vie ensuite puisqu'il est décédé à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) le 10 novembre 1987 à l'âge de 93 ans.


Un dernier point : j'avais retrouvé il y a fort longtemps dans l'un des ouvrages qui avait appartenu à votre père : Le poids de l'Afrique (de Charles-Henri Favrod), un courrier qu'il avait adressé à l'auteur et lui signalant que plusieurs passages contenaient des erreurs flagrantes. Il y a aussi la réponse et les excuses de l'auteur qui reconnaît que certains de ses informateurs ont abusé de sa confiance et qui écrit [on est en 1958] que votre père « a gardé des ennemis virulents en Côte d'Ivoire et aussi rue Oudinot [au Ministère des Colonies] ». Ce qui est bien dans la logique de tout ce qu'on savait déjà sur les relations entre votre père et les Colons.  Je vous adresse ces documents en pièces attachées à ce message. (J'avais déjà communiqué ces pages à Gérard Lambert lors des premiers contacts que j'avais eus avec lui, mais il ne me semble pas vous les avoir communiquées. On y trouve aussi quelques compléments sur la chronologie du passage de votre père au Tchad, ainsi que celui de Latrille au Tchad et en Côte d'Ivoire).

Je vous souhaite bonne réception de ces derniers documents et vous dit : à une prochaine fois pour la poursuite de nos échanges si intéressants et fructueux.

Amitiés.

Jean-Claude


Q11. (24 mars 2015)

Cher Monsieur,

Professeur émérite de l'Université de Bourgogne en retraite depuis15 ans, je tente de ressortir de l'oubli des Bourguignons et des universitaires qui sont vraiment rangés comme des fossiles et que plus personne ne regarde. En ce moment je m'intéresse à l'Esperanto et les dijonnais au début du 20ème siècle… donc en particulier à Charles Lambert et je suis arrivé à votre site familial où j'ai pu découvrir des renseignements très intéressants sur Jean Lambert. Je peux vous apporter quelques compléments qui je pense intéresseront sa petite-fille.

 Aux Archives de la Mairie de Dijon, grâce à vos travaux : 

J'ai eu ce matin l'acte de décès de la grand mère paternelle de votre correspondante américaine à savoir : le 11 octobre 1920 à Dijon au 1 rue Viollet-le-Duc. Je vais aller voir sans doute demain si elle est enterrée au cimetière de Dijon.

J'ai pu avoir la date du second mariage de son grand père le 25 octobre 1926  à Dijon avec une tchécoslovaque Zdenka Krouzilkova,, Odette Lambert était l'un des témoins. Charles Lambert s'était beaucoup intéressé à la création d'une section tchèque au Lycée de Dijon.

D'autre part avec  les archives des Ardennes à Mouzon, j'ai pu en marge de  l'acte de naissance de Charles Lambert trouver la date de son décès à Nice le 30 juillet 1959 (il faudrait vérifier à Nice, ce que je n'ai pas encore fait) mais il y avait aussi la date de son second mariage qui est bien celle de Dijon.

Voilà. Je pense que ces résultats vous apporteront des renseignements pour enlever des "blancs".

Je veux bien vous envoyer les copies des actes de décès, de mariage et de naissance de Charles Lambert., ainsi que le texte que j'ai écrit (inachevé cependant) correspondant à la carrière de Charles Lambert et ses différents travaux via internet. J'avais,  il y a plus de10 ans été consulter son dossier aux Archives Nationales pour une exposition que j'avais faite au Centre culturel de l'Université et j'ai ressorti mes documents pour un travail que je fais sur les Bourguignons auteurs de dictionnaires ou grammaires et Charles Lambert en fait partie. 

J'ai trouvé aussi sur Internet en cliquant Charles Lambert et espéranto , puis IPERNITY une photographie dite de Charles Lambert mais je me méfie ! Pourriez-vous demander à sa petite-fille si elle a une photographie de son grand père à moins que vous en ayez une pour comparer.

Avez-vous des documents ou livres de Charles Lambert. dans l'héritage  des livres de son fils? 

Je tiens enfin à vous signaler que je suis totalement bénévole et que vous pouvez avoir quelques renseignements sur moi sur internet mais je n'ai pas de site personnel. Je suis très content, ce qui m'est arrivé plusieurs  fois, lorsque je fais découvrir à des petits-enfants ou arrière-petits-enfants qui était leur grand père … pour les grands-mères c'est plus difficile et je n'en trouve pas beaucoup, la parité n'existait pas beaucoup au début du 20ème siècle.!!!

Je me tiens donc à votre disposition

soit au téléphone : (...), soit par courriel (...), soit par lettre :(...)

Bien cordialement et de grandes félicitations pour tout votre travail sur la famille LAMBERT;

MP

R11.

Cher Monsieur,

Merci infiniment pour votre message et pour toutes les informations nouvelles que vous me communiquez sur Charles Lambert.

Je suis heureux que les éléments biographiques de mon site aient pu vous être de quelque utilité, mais je tiens surtout à vous féliciter pour l’œuvre très noble que vous avez entreprise dans le but de ressortir de l’oubli la mémoire de nos grands universitaires tels que fut Charles Lambert. Je n’avais sur Charles Lambert que des informations fragmentaires provenant de son fils Jean (qui parlait peu de son père et qui ne semble pas s’être rendu à ses obsèques à Nice) et de sa petite-fille Paule qui avait un peu connu son grand-père (davantage que son père d’ailleurs). J’avais noté que Charles Lambert avait perdu sa première épouse, Marie Carbasse, vers 1922 (sans certitude sur cette date) et s’était remarié par la suite (j’ignorais que ce fut en 1926 et avec une tchécoslovaque – je ne suis pas certain que sa petite-fille possède cette information). Il semble que Charles Lambert ait vécu d’abord à Dijon avec sa seconde épouse et soit venu s’établir à Nice auprès de sa fille Odette vers 1930 (date très approximative) et que cette seconde épouse soit décédée avant lui. J’avais noté, d’après une conversation avec Paule Lambert, que Charles Lambert était décédé à Nice en 1960, donc quelques mois seulement avant son fils Jean. Mais l’acte de décès porte bien la date du 30 janvier 1959. Cette date pourrait en effet être vérifiée avec l’état-civil de Nice, mais il est possible que Paule Lambert ne se soit plus souvenue à un an près de l’année exacte de décès de son grand-père.

Vous avez pu voir, d’après la reconstitution que j’ai tenté de faire, du parcours de Jean Lambert et de celui de sa famille, qu’on a affaire à des personnages d’exception, mais d’une nature difficile à décrypter et qui n’ont cessé d’entretenir des relations complexes (pour des raisons qui ne nous sont pas entièrement connues), particulièrement entre Jean Lambert, son père, sa belle-mère, son épouse, et sa fille Paule qu’il n’a pratiquement pas connue.

J’ai pu retrouver l’acte de naissance de Charles Lambert dans les archives des Ardennes en ligne. Mais je serais intéressé de recevoir les copies des actes de son mariage et de son décès, ainsi que le texte que vous avez écrit sur lui. Je vous en remercie par avance. Je suis certain que Paule Lambert (82 ans, vit maintenant près de Boston) sera vivement intéressée par ces nouvelles précisions sur sa famille, d’autant plus qu’elle n’a que peu connu ses ascendants et qu’elle se raccroche aujourd’hui au moindre détail qui peut les concerner et qui peut l’aider à mieux se les représenter.

Sur le site http://www.ipernity.com, j’ai bien retrouvé une photo de Charles Lambert qui, bien que la date de décès (1943) soit erronée, me paraît présenter une ressemblance avec son fils Jean lorsqu’il était jeune (vers 1929-1930). Je vais aussi faire parvenir cette photo à Paule Lambert et je pense qu’elle sera en mesure de dire s’il s’agit ou non de son grand-père.

A la question de savoir si j’ai conservé des documents ou livre ayant appartenu à Charles Lambert dans l’héritage de son fils, la réponse est oui. Ce dont je suis certain c’est : le Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse du XIXe siècle en 16 volumes, datés respectivement de 1867 (tome 1) à 1877 (tome 16, supplément), ainsi qu’un Littré en 4 volumes (1874 à 1878). D’autres ouvrages anciens nous sont venus de Jean Lambert, mais je n’ai pas la certitude qu’ils provenaient de la bibliothèque de son père, par exemple le traité de géographie physique de De Martonne (1929), un recueil de poésies lyriques de Goethe et Schiller (1909), la vie et les travaux des savants modernes (1904), etc. Je vérifierai à l’occasion si certains de ces livres ne porteraient une marque ou une signature de Charles Lambert [Jean Lambert, lui, marquait souvent ses livres de ses initiales JL, avec la date et le lieu d’acquisition – j’en ai plusieurs centaines qui sont ainsi marqués].

Je suis, moi aussi, entièrement bénévole. Mon site et toutes les informations qu’il contient sont d’un accès gratuit, sans aucune publicité, et sont à la disposition de tous. J’ai été moi aussi très heureux de retrouver, grâce à ce genre de “bouteilles jetées à la mer”, plusieurs anciens amis et même parents éloignés, et de mettre en communication entre elles des personnes qui s’étaient perdues de vue et qui cherchaient à renouer contact.

Je reste, moi aussi, à votre disposition. Je vous tiendrai au courant des réactions et des réponses de Paule Lambert à ces nouvelles informations que j’imagine tout à fait inattendues et inespérées pour elle.

Bien cordialement,

Jean-Claude Autran

Q12. (28 mars 2015)

Voici une première version (inachevée) de l'article sur Charles Lambert (pas terminée j'espère) car il y  a quand même un blanc entre 1926 (second mariage) et sa retraite en 1936 puis le blanc absolu entre 1936 et 1959 ! je n'ai rien trouvé à ce jour. Il faudrait peut-être voir avec Nice et une éventuelle possibilité auprès des espérantistes de Nice (s'il y en a) ou dans l'entourage de sa fille… mais peut-on encore avoir des contacts. Etait-elle connue  où elle est  décédée ?

Je vais essayer de voir auprès du Musée de l'Espéranto de Gray mais je pense avoir peu de chances.

Je rêve peut-être mais il me semble avoir lu un jour que Charles Lambert n'était pas très facile de caractère !!!! J'ai peut-être rêvé puisqu'il avait été doyen donc assez convivial. Il faut dire que le décès de son fils puis de sa première épouse n' a pas dû favoriser la sérénité ! Je n'ai rien trouvé sur sa nouvelle épouse tchèque. La documentation sur les tchèques à Dijon ne m' a rien apporté. Il n'y a pas de descendant a priori pour Charles Méray, donc rien de ce côté.

Les publications de Charles Lambert s'arrêtent en 1908 !!! Les papiers de l'Université sont quasi inexistants et pour les Archives Nationales consultées il y a bien longtemps je ne me rappelle que de ce que j'ai écrit dans la notice. Peut-être avez -vous des "papiers" de Charles Lambert pour nous éclairer (livres par exemple, copies d'articles). Personnellement à la Bibliothèque de l'Université il n'y a que les ouvrages et articles que j'ai indiqués.

Vous pouvez bien entendu envoyer copie de mon texte à sa petite fille mais il ne faut pas le diffuser en dehors de ce cercle restreint tant qu'il n'est pas terminé puisque je pense le mettre dans un ouvrage en cours sur les" Bourguignons et les dictionnaires et grammaires…" qui devrait paraître l'an prochain et ensuite je n'ai relu rapidement mon texte que sur écran et pas sur papier… ce qui est indispensable !!! et j'espère que d'ci là je pourrai le compléter un peu.

Je reste à votre disposition…mais je vous ai pratiquement dit tout ce que je sais sur Charles Lambert.

Encore un grand merci pour votre aide et bien cordialement.

MP

Vous pouvez donner mes coordonnées à la petite fille.

R12. (4 avril 2015)

Cher Monsieur,

Encore un grand merci pour toutes les informations que vous m’avez communiquées sur Charles LAMBERT et que j’ai transmises à sa petite-fille, Paule LAMBERT qui vit à Boston.

Celle-ci n’ayant pas d’informatique chez elle, ne consulte sa messagerie que de temps à autre à la bibliothèque municipale. Ce qui explique qu’elle n’en a pris connaissance qu’hier. Elle m’a aussitôt téléphoné pour en accuser réception et me demander de vous exprimer toute sa gratitude pour avoir effectué cette si précieuse recherche sur son grand-père, recherche qui lui a apporté de nombreux éléments nouveaux pour elle.

Elle confirme que la photo du site IPERNITY est bien celle de Charles LAMBERT.

Je lui ai communiqué vos coordonnées et elle m’a dit vouloir vous appeler prochainement pour parler avec vous de son grand-père. Peut-être l’a-t-elle déjà fait.

Encore merci pour tout.

Bien cordialement.

Jean-Claude AUTRAN

Q13.

J'ai bien reçu votre courriel et je vous remercie de faire le lien entre la France et les Etats- Unis. Je n' ai pas eu de contacts tėlėphoniques car nous sommes en ce moment à Nantes avant de rejoindre la Bretagne  du nord (Erquy) pour une dizaine de jours pour retourner ensuite en Bourgogne  et me replonger dans les esperantistes bourguignons et essayer de voir ce qu'est devenu Charles Lambert entre 1936 (sa retraite) et son décès !

Vous savez qu'Il faut être patient dans ce type de recherche et que des solutions arrivent quand on pense ne plus en trouver !

Bien cordialement.

Michel Pauty


Biographie de Charles Lambert, père de Jean Lambert


R11. (26 janvier 2016)

Cher Monsieur,

Un grand merci pour votre petit mot accompagnant la biographie de Charles Lambert que vous avez bien voulu m’adresser.

J’ai beaucoup apprécié la précision historique de son contenu et la qualité de sa présentation illustrée.

Je suis heureux si j’ai pu vous aider un peu, notamment grâce au contact établi avec Paule Lambert, dans la finalisation de ce très beau document.

Bien cordialement.

Jean-Claude Autran




La famille GAUTRAY


J’ai connu cette famille, amie de mes parents, à partir de la fin des années 40 et pendant seulement 6-7 ans puisqu’ils quittèrent définitivement La Seyne vers 1955. Mais j’en conserve des souvenirs très précis et surtout attristés après le très grand malheur qui les frappa en 1957.

J’ai connu le père, René GAUTRAY, né en 1905 ; la mère, Simone GAUTRAY, née MIGET en 1914 ; leur fille unique, Danièle, née en 1939 ; la grand-mère Jeanne MIGET, née en 1884. C’était vers 1948 environ. Ils habitaient alors Mar-Vivo, dans le quartier de mon grand-père Simon AUTRAN, et cela nous donnait l’occasion de nous rencontrer, avec mon grand-père, qui les connaissait bien.

Le père, René GAUTRAY, je ne connaissais pas sa profession à l’époque. Ce n’est que, bien plus tard, en explorant le recensement de La Seyne de 1954 que j’appris qu’il était « démarcheur en appareils à gaz ». C’était un homme de taille moyenne, brun, plutôt mince, et portant, je crois, des lunettes. Je ne me rendais pas compte qu’il avait une dizaine d’années de plus que son épouse. Dans mes souvenirs, il paraissait encore jeune quand ils quittèrent La Seyne, alors qu’il avait la cinquantaine, ce qui aurait dû le faire apparaître, à l’enfant que j’étais, comme un « vieux ».
 
Recensement de 1954, brd 4septembre prolongé
 
   Gautray René  1905  démarcheur en appareils à gaz
   Simone  1914  professeur technique
   Danielle  1939
   Jeanne Miget  1884

La mère, Simone GAUTRAY, je l’ai rencontrée beaucoup plus souvent car elle était collègue de travail de ma mère, au collège Curie, à partir du moment où ils arrivèrent à La Seyne (1947). Cette femme était, je crois, légèrement corpulente, avec un très beau visage et une belle chevelure blonde. Elle était aussi une proche de mon père car elle était militante au Parti Communiste, et elle fut d’ailleurs brièvement conseillère municipale sur la liste de Toussaint MERLE.
J’étais naturellement très timide à l’époque et toute personne étrangère à mes parents m’effrayait et me paralysait. Je refusais toujours d’ouvrir la bouche pour prononcer le moindre mot, et préférais disparaître ou me cacher plutôt que d’avoir à dire bonjour à quelqu’un... Une fois, sans doute à l’occasion de fêtes d’été aux Sablettes, nous étions, mes parents et mon grand-père, accoudés à un mur du côté de la plage. La famille GAUTRAY arriva. Mon grand-père les salua et, voulant que je les salue aussi, me dit : « Tu les connais bien ces personnes ? ». Je préférai alors détourner la tête en disant : « Non, non, je ne les connais pas du tout... ». Je me souviens que cette histoire fut ensuite maintes fois racontée par Madame GAUTRAY, pour illustrer ce côté amusant de mon extrême timidité, auprès de différentes collègues du Collège Curie.
 Sur la carrière de Madame GAUTRAY, on dispose de davantage d’éléments grâce aux biographies des enseignants seynois rédigées par Jacques GIRAULT en 2008 :
 
« GAUTRAY Simone, Germaine, née MIGUET*, née le 26 mars 1914 à Dijon (Côte-d'Or).
* Nous appelions sa mère Madame MIGET, et le recensement de 1954 indique bien Jeanne MIGET, née en 1884. On trouve aussi le patronyme MIGET dans les actes de naissances de 1882-1891 à Dijon, mais pas de patronyme MIGUET.
« Son père était employé aux chemins de fer. Après avoir obtenu le Certificat d'aptitude professionnelle et le brevet industriel (1929), Simone MIGUET fut reçue au diplôme national de PTA [Professeur Technique Adjoint].
« Elle se maria en juin 1932 à Dijon avec un employé de commerce devenu démarcheur en appareils à gaz. Le couple eut une fille en 1939.
« Simone GAUTRAY enseigna comme PTA auxiliaire de couture-lingerie au collège technique de Lisieux (Calvados) de décembre 1942 à octobre 1945, puis comme PTA à l'Ecole nationale professionnelle de jeunes filles La Martinière à Lyon jusqu'en 1947. Elle fut alors mutée au collège commercial et technique Curie à La Seyne. Le couple habita le quartier de Mar-Vivo, puis se rapprocha du collège et vint demeurer boulevard du 4 Septembre ».
 Plusieurs fois, nous étions allés chez les GAUTRAY, dans leur maison entourée de pins appelée « Les Diablotins » (je pense qu’ils n’étaient que locataires) située à l’intérieur de l’épingle à cheveux que fait la montée du boulevard de La Verne avec le début du chemin de Mar-Vivo à La Verne, à 150 mètres de la mer environ. Cette maison existe encore le même nom y est encore écrit sur un pilier du portillon. Elle ne semble pas avoir beaucoup changé depuis que je l’ai connue à la fin des années 40, sauf la façade qui était plus nettement jaune autrefois.
 
La maison habitée par la famille GAUTRAY entre 1947 et 1952 environ,
telle qu'elle apparaît de nos jours (2008)
La maison se nomme toujours « Les Diablotins »
 Une ou plusieurs fois, en été, nous avions dîné et passé la soirée chez eux. Je m’amusais alors avec Danièle, de 5 ans mon aînée. Nous étions tous deux enfants uniques. De leur terrasse, la vue s’étendait sur la rade de Toulon et sur les collines l’entourant. Une fois, nous avions assisté, de très loin (mais nous en avions néanmoins été effrayés) au grand incendie qui avait ravagé la pinède se trouvant encore sur les pentes sud et sud-est du Mont Caume. Etait-ce en 1950 ou 1951 ? Les pompiers avaient, je crois, réussi à circonscrire cet incendie, mais j’ai encore en mémoire, la nuit venue, les images de points rougeoyants espacés qui subsistaient sur les pentes du Mont Caume et qui formaient curieusement un « secteur semi-circulaire » (que je comparais à la pièce à trous du même nom que j’avais dans mon meccano). Nos parents devaient évoquer le courage des pompiers et les risques qu’ils prenaient sur les pentes en feu, car je me souviens que Danièle ajoutait son commentaire : « pauvres gens... ».
 Nous avions également reçu la famille GAUTRAY une fois dans notre propriété du quartier Bastian. C’était il me semble à l’occasion d’un retour (à pied) le soir de la fête annuelle du P.C. à Janas, au mois de mai 1950 ou 1951. Je vois encore M. GAUTRAY et mon père franchissant l’ancien petit portail de la propriété. Et même que M. GAUTRAY expliquait à mon père un problème de taille-crayon et qu’il faisait avec la main le geste du crayon qu’on fait tourner pour le tailler. Allez savoir pourquoi ce sujet de conversation ? Et pourquoi l'ai-je mémorisé ?
 C’est à cette époque que Simone GAUTRAY, qui militait déjà à l'Union des Femmes Françaises et au Parti Communiste, s’était impliquée dans la vie municipale seynoise.
 Lors des élections générales consécutives à l'érection de Saint-Mandrier, candidate sur la « Liste d'Union Républicaine et Résistante et de Défense des Intérêts Communaux » présentée par le P.C., elle fut élue conseillère municipale le 18 juin 1950. Elle entra donc au conseil municipal de La Seyne (donc en même temps que mon père). Mais elle ne termina pas son mandat : elle démissionna en 1952. Ce n’était pas parce que la famille quittait La Seyne, car c’était environ 2-3 ans auparavant. Il y avait dû y avoir quelque problème politique ou personnel, peut-être avec Toussaint MERLE. Je ne saurais pas le dire. Naturellement, Simone GAUTRAY, comme beaucoup de membres de l’équipe MERLE, avait fait l’objet de critiques de la part de leurs adversaires, critiques régulièrement rapportées par République, Le Provençal ou Le Méridional, notamment sous la plume d’Albert LAMARQUE et surtout d’Henri MIDON. On trouve ainsi la phrase : « des citoyens russes, « Cocomerle », Autran et la « Cocotte » Simone Gautray ».
 
Extrait du journal République, Juin 1950
 Le journal République, qui soutenait la minorité socialiste SFIO, le 12 juillet 1951, dans un article titré Veritas, l'accusa aussi de délaisser son enseignement, précisant qu'au dernier CAP, sur 23 élèves présentées, toutes avaient été recalées et commentait « qu'en pensent les papas et les mamans qui payent pour cette maîtresse si remarquable ? ». Aussitôt ses collègues réagirent et le 15, un article de mise au point, signé de la directrice et du personnel de Curie, précisait qu'avec ce « professeur de couture dévouée et consciencieuse », sur les deux CAP préparés, sur 19 présentées, 6 avaient été reçues au premier et 14 au second.
 Vers 1951 ou 1952, les GAUTRAY quittèrent Mar-Vivo, sans doute pour se rapprocher du Collège Curie. Ils vinrent habiter tout près de chez nous, boulevard du 4 Septembre prolongé (devenu ensuite boulevard Staline, et actuellement boulevard de Stalingrad), dans un immeuble de 3 étages, à base carrée, situé face à l’actuel marchand de journaux du square Etienne Gueirard. Ils habitaient le dernier étage. On se voyait donc plus souvent. Ce n’est que de cette époque que je garde le souvenir de la grand-mère, Madame MIGET. Je ne sais pas si elle était venue avec sa fille dès les débuts à La Seyne où si, veuve, elle était venue les rejoindre plus tard. Ma grand-mère avait sympathisé avec elle car elles étaient de la même génération. Je me souviens d’une chatte qu’elle gardait dans l’appartement. Cette chatte n'était descendue dans la rue que le matin et le soir. Je me souviens que Mme MIGET avait dit à ma grand-mère, qui s'en étonnait : « mais elle peut rester tout le jour sans pisser ». On m’avait raconté aussi que les cloches de Pâques (1952 ?) avaient apporté une bicyclette à Danièle. J’allais quelquefois jouer avec elle. Je me souviens d’une sorte de jeu de sept familles avec des œuvres d’art. Une fois, il me manquait uniquement « La Joconde » pour terminer ma famille. A chaque tirage de Danièle, je lui demandais : « La Joconde » et jamais je ne l’obtenais...
 En 1955, la famille quitta La Seyne pour s’établir à Orléans. Pourquoi ? Je ne le sais plus. M. GAUTRAY avait-il perdu son emploi à La Seyne ? Avait-il prévu de revenir un jour dans sa région d’origine ?? (Je ne sais pas d'ailleurs s'il était originaire d'Orléans). D’après la biographie rédigée par Jacques GIRAULT : « Pour suivre son mari, Simone GAUTRAY obtint un poste au collège technique d'Orléans en octobre 1955 ». Danièle avait alors 16 ans.
 Quelques mois plus tard, un courrier nous donnait de leurs nouvelles. Ma mère l’ouvrit et le lut à haute voix. Tout allait bien dans l’ensemble pour eux, jusqu’à arriver à la phrase : « Nous avons perdu Maman ». « Oh ! », s’exclama tristement ma mère. Et j'entends encore ma grand-mère : « Oh ! Madame MIGET ! ».
Le temps passa encore. Nous habitions toujours au n° 9 du boulevard Staline. Jusqu’à ce qu’un jour de mars 1957, je rentrai de l’école, j’ouvris la porte et j’entendis ma grand-mère et ma mère qui avaient, debout dans le séjour, une conversation inhabituelle. L’une d’elles dit : « c’est un gros malheur ». Et ma grand-mère m’annonça : « Danièle GAUTRAY est morte ». Je restai muet. J’avais 13 ans, je ne réalisai peut-être pas totalement, comme je le réaliserai par la suite au fil des années, pensant toujours à cette famille, et aujourd’hui encore.
 Je me souviens encore d’un commentaire que fit ma mère : « Je ne crois pas que Mme GAUTRAY puisse maintenant mettre au monde un autre enfant (née en 1914, elle avait alors 43 ans).
 Que s’était-il passé ? Mes parents avaient appris le décès par des amis qui étaient aussi très liés aux GAUTRAY et qui avaient gardé des contacts plus étroits que nous. Danièle avait eu au cours des derniers mois des saignements. Du sang se retrouvait fréquemment dans ses selles. On parlerait peut-être aujourd’hui d’un cancer du côlon ? Elle avait été opérée (très probablement à Orléans) mais sans doute trop tard, ou alors la maladie avait progressé de façon tellement massive que son état était désespéré. On avait dit qu’on lui avait retiré tout l’intestin (?). Ce à quoi le docteur seynois Georges RICHARD, à qui on avait raconté ce drame, avait dit : « impossible, une partie de l’intestin seulement ». A l’issue de l’opération, la température de Danièle était montée à 43°. On avait dit (c’est ce que j’ai retenu) qu’elle avait été placée dans de la glace pour refroidir le corps. Ses parents l’avaient encore vue au travers de la glace. Mais elle n’avait pas survécu très longtemps. Elle mourut le 5 mars 1957 à Orléans.
 J’imagine que mes parents avaient dû écrire à M. et Mme GAUTRAY. Je ne sais pas ce qu’ils avaient pu leur dire, quel encouragement à poursuivre leur existence avaient-ils pu leur prodiguer ? Probablement une référence au fait qu’ils avaient eux aussi perdu un enfant, le petit Robert, bien plus jeune il est vrai, à l’âge de 3 ans.
 Quelques semaines plus tard, nous avions reçu une photo de Danièle, âgée de 17 ans, prise à Orléans quelques mois avant sa mort. Un très beau visage, ressemblant beaucoup à celui de sa mère, dont je n'ai aucune photo, seulement le souvenir. Et aussi une carte avec un poème recopié de la main de Mme GAUTRAY.
 
Danièle GAUTRAY, Juillet 1956, 17 ans Poème de Colette WURTZ, recopié de la main de Simone GAUTRAY, mère de Danièle, décédée le 5 Mars 1957 à Orléans
 A ma connaissance, il n’y eut plus jamais aucun contact avec mes parents. Nous avions eu, je crois, de loin en loin, quelques nouvelles par des amis seynois. Mais je ne me souviens plus de ce qui avait été dit à propos du devenir du couple GAUTRAY. Nous passâmes une seule fois à Orléans, je crois de retour d’un voyage à Paris, début septembre 1960. Nous avions pensé à eux. Mais mes parents avaient-ils leur adresse ? Et avaient-ils le désir de revoir les GAUTRAY après ce drame ?
 Plus rien ensuite. D’après la biographie écrite par Jacques GIRAULT, « le couple habitait Fleury-les-Aubrais au milieu des années 1970 ».
 M. GAUTRAY, qui aurait près de 105 ans aujourd’hui est très certainement décédé. Je n’ai pu faire encore aucune recherche à ce sujet, l’état-civil du Loiret n’étant pas encore en ligne, et celui de la Côte d’Or s’arrêtant à 1902. Mme GAUTRAY avait été donnée décédée dans les relevés des anciens élus seynois effectués par M. Francisque LUMINET en 2007. Mais les recherches de Jacques GIRAULT dans l’état-civil de Dijon indiquèrent qu’en novembre 2008, aucune mention de décès n’était faite sur son acte de naissance. Aujourd’hui, elle aurait donc près de 96 ans, mais, d’après l’annuaire, elle n’habiterait plus le Loiret.
 Je ne sais rien de plus. J’ignore si M. et Mme GAUTRAY avaient des frères ou des sœurs. Si cela était le cas, il y aurait donc des cousins et cousines (et leurs descendants) de Danièle GAUTRAY, qui peut-être un jour trouveront ce texte, reconstitué à partir de mes propres souvenirs d'enfant, et la photo de Danièle.
 
Jean-Claude AUTRAN
28 décembre 2009
 
 

La famille SAVART

Cette famille, qui n'a jamais cessé d'habiter le département de la Marne, est devenue, par les hasards de la guerre de 1939-1940, une famille amie de la nôtre. A cause de l'éloignement, nos rencontres ne furent que très rares, mais pourtant, vu notre attachement respectif, les contacts se maintiendront pendant plus de 30 ans, essentiellement par courrier. Si ma mémoire est bonne, mon père ne rencontra les SAVART que 4 fois dans sa vie (1939, ≈1945, 1956 et 1957), ma mère et ma grand-mère 2 fois seulement (1956 et 1957), et moi-même 3 fois (1956, 1957 et 1966).

Les hasards de la guerre, c'est à l'origine le passage du régiment auquel appartenait mon père (3e Régiment d'Infanterie Alpine) dans la Marne, notamment dans le secteur de l'Argonne. La compagnie de mon père s'installa pendant quelques semaines dans le petit village de Charmont (arrondissement de). Mon père, et quelques autres officiers, fut logé dans une famille de ce village, les SAVART précisément. Dans ce contexte de la guerre, l'intendance devait repérer à l'avance un certain nombre de maisons pour y loger ses hommes et mon père et ses camarades officiers se présenta donc un jour chez les SAVART avec son « billet de logement » et tous furent logés dans les pièces disponibles de la maison que l'armée avait en quelque sorte réquisitionnées. A noter que le 3e RIA étant composé de militaires du Sud-Est, les SAVART furent surpris de voir tous ces hommes à la peau plutôt foncée ou bronzée, et Mme SAVART avouera par la suite qu'elle les avait pris, de prime abord, pour une bande de Marocains... Les habitants de la Marne, qui ne voyaient pas souvent le soleil et qui, à l'époque, ne devaient avoir ni l'occasion ni l'habitude de se faire bronzer, étaient des gens à peau très blanche, par rapport aux Méditerranéens...
 
 

Marius AUTRAN à Charmont
 La famille SAVART (qui avait déjà connu la guerre de 14-18 et la proximité de la ligne de front) logea ces officiers du 3e RIA très aimablement. Ils n'étaient pas tenus d'en faire davantage ni d'être chaleureux avec les soldats. Mais précisément, ils en firent davantage. Car un jour mon père fut malade, atteint, je crois assez sérieusement, d'une angine. Et les SAVART prirent l'initiative de le soigner et se dévouèrent pour lui jusqu'à sa guérison. Mon père n'oublia jamais ce geste. Et, lorsque le 3e RIA quitta le secteur, mon père conserva l'adresse des SAVART, se promettant de revenir les voir après la guerre, et de leur rendre service si l'occasion s'en présentait.
 Et l'occasion se présenta car les hordes allemandes ne tardèrent pas à occuper la région. Le village de Charmont fut dévasté et la maison des SAVART fut détruite ou du moins rendue inhabitable à la suite des bombardements et des tirs d'obus.
 A partir de cette époque, les parents et les SAVART échangèrent alors des courriers, se tenant au courant de leurs malheurs ou problèmes respectifs. Réalisant les conditions de vie précaire et même le dénuement dans lequel les SAVART se trouvaient à la fin du conflit (ils avaient été relogés dans un baraquement de fortune), mon père décida d'aller leur rendre visite et de leur apporter, avec son soutien moral, et quelques produits alimentaires prélevés sur le peu que nous avions en cette époque de restrictions et de cartes d'alimentation. C'était une manière d'exprimer sa reconnaissance pour les services que la famille lui avait rendus. C'était probablement en 1945. Pour l'avoir entendu raconté des années plus tard, ce voyage n'avait pas été de tout repos. Il n'y avait pas à l'époque d'horaires très précis, encore moins de réservation. Montait dans le train qui pouvait en jouant des coudes. Lors du retour, je ne sais plus dans quelle gare, les wagons étaient tellement bondés que mon père ne put que s'accrocher au train qui démarrait et passa un certain nombre de kilomètres à l'extérieur, sur le marchepied, se tenant d'une main à une poignée et retenant sa valise de l'autre main. Les gens le voyaient de l'intérieur, mais ils étaient tellement serrés (et la porte étant obstruée de l'intérieur par des grosses valises) que, malgré ses signes et ses appels désespérés, ils ne pouvaient pas lui ouvrir la porte. Finalement, après un certain nombre d'efforts, on finit par lui ouvrir et il put entrer dans le wagon. Quelle époque ! Naturellement, il dut faire la plus grande partie du voyage, de jour comme de nuit, debout.
 Pendant les années qui suivirent, il y eut des contacts réguliers entre les deux familles, mais uniquement par courrier. C'était toujours Mme SAVART qui écrivait, et c'était soit ma mère, soit mon père qui répondait. Mais il fallut attendre plus de 10 ans (et que nous ayons notre première voiture) pour qu'on puisse se voir réellement.
 Mais, de qui était composée cette famille SAVART à l'époque ?
 Lorsque mon père les connut, pendant et aussitôt après la guerre, ils étaient quatre : le père, Joseph SAVART (né en 1874) ; la mère, Sara (née LEROY en 1886) ; le fils aîné, Maurice (né en 1906) ; le fils cadet, Albert (né en 1918). Je crois bien que les parents SAVART avaient eu aussi une fille, mais elle devait être mariée et ne résidait plus à Charmont lorsque mon père y vint. Joseph SAVART était, je crois, agriculteur, et élevait aussi des animaux (vaches, cochons). Son épouse l'aidait dans ses travaux et, par exemple, bêchait la jardin potager. (Mon père s'extasiait de voir la qualité et la légèreté de leur terre, qu'une femme âgée pouvait travailler facilement à la bêche, en comparaison de la terre argileuse qu'il avait dans sa propriété de Bastian...). Le fils aîné, Maurice, était menuisier. Le fils cadet, je ne sais pas, peut-être travaillait-il aussi à la ferme. Le seul détail qu'il me fut conté sur lui c'est qu'il avait la passion des modèles réduits d'avion. Il en avait confectionné un certain nombre en bois léger et en toile, avec un petit moteur à essence ou à alcool (?). Lorsque mon père leur rendit visite vers 1945, et qu'ils habitaient encore le "baraquement" en bois, Albert SAVART, qui avait alors un peu moins de 30 ans, lui fit une démonstration de vol de ses avions. Mon père racontait ensuite : « Avec le contenu d'un simple compte-gouttes d'essence (ou d'alcool ?), l'avion décollait et volait plusieurs minutes au-dessus des prés ».
 

 

 

 

 
La famille SAVART, d'après les photos qui nous avaient été envoyées au début des années 50.
 Quelques années se passèrent avec ces échanges réguliers de courrier. Le nom des SAVART m'était devenu très familier. Leur visage aussi, grâce aux photos que mes parents avaient placées dans leur propre album de famille. J'avais observé que le fils aîné Maurice avait l'avant bras gauche coupé. On n'en sut que plus tard la cause.
 En 1954, une lettre de Mme SAVART vint nous annoncer la mort de son mari. Il est vrai qu'il avait 80 ans. Elle n'en avait encore que 68.
Et, seulement quelques mois plus tard, une autre lettre qui commençait ainsi : « C'est avec beaucoup de peine et de douleur que je dois reprendre la plume pour vous annoncer... la mort de mon fils Albert... ». Il n'avait que 36 ans, je crois qu'il était célibataire, tout comme son frère aîné Maurice, qui le restera, à ma connaissance, jusqu'à sa mort. La disparition de ce jeune fils des SAVART, avait beaucoup touché mes parents, et ils plaignaient particulièrement Madame SAVART, surtout qu'elle perdait la même année son mari et son fils cadet. Ce fut mon père qui dut répondre à leur courrier. Je ne sais pas ce qu'il put écrire à Madame SAVART. Moi, ça ne m'avait guère touché, j'avais 10 ans. Et la seule chose que j'avais retenue c'était le timbre de l'enveloppe. J'avais commencé depuis 1-2 ans une collection de timbres, grâce à mon ami Jacques GIRAULT. Et, début 1954 parut un timbre spécial, une Marianne de Gandon à 18 fr de 1951, avec une surcharge 15 fr. Ce timbre, relativement rare, qui manquait à ma collection et que je ne savais pas où trouver, m'arriva miraculeusement sur le courrier (posté à Reims, voir ci-dessous - car ce timbre est celui qui figure toujours dans ma collection France-oblitérés) annonçant le décès d'Albert SAVART. Et, alors que mes parents accusaient le coup : « Pauvre femme, juste après son mari, maintenant elle perd son fils », je me souviens que mon commentaire à moi fut (en pensant au timbre rare que j'avais récupéré) : « Ah ! Je suis content ! ». On est parfois ainsi quand on a 10 ans...
 

 

 
 1954, c'est aussi l'année où mon père passa son permis de conduire. Il avait 44 ans. Quelques semaines plus tard, en janvier 1955, mes parents achetèrent leur première voiture, une 203 noire, d'occasion. On commença à faire quelques sorties dans le Var, et l'idée de faire un jour un grand voyage, pour aller voir les SAVART, fut émise. D'ailleurs, au cours des années précédentes, Les SAVART n'avaient pas dû manquer de les inviter à venir un jour leur rendre visite à Charmont. L'année suivante, en 1956 donc, un échange de courrier avec Madame SAVART permis de préciser cette possibilité et de fixer une date dans le courant du mois d'août. Les SAVART et mes parents étaient ravis à cette perspective. C'était le premier grand voyage que nous allions faire en voiture, plus de 700 km ! Et avec une voiture d'occasion, qui plus est, avait déjà subi une grosse réparation après que le moteur eut gelé pendant les fameux froids de février 1956. Il était prévu, tant qu'à faire, de passer quelques jours chez les SAVART, et de prolonger le séjour dans la région en visitant un peu la région de Verdun, puis les Vosges (un hôtel avait été réservé au moins une semaine, fin août, à Remiremont).
 
Carte postale de Charmont (années 50) : La Place et l'Hôtel du Lion d'Or
(La maison des SAVART est indiquée par une croix bleue, en haut à gauche)
Carte postale de Charmont (années 50) : La Colonie de Vacances et le Centre
(Arrivée au village en venant de Vroïl)

Nous voici partis pour Charmont. Nous avions peut-être rendez-vous le 10 août, nous partîmes le 8. Ma mère avait donc prévu 3 jours pour ce voyage. C'était plus qu'il n'en fallait. La première nuit, nous couchâmes à Chalon-sur-Saône. C'était la première fois que je visitais cette région de France. Je me souviens des bords de La Saône, du Canal du Centre. Dans la soirée, je me souviens d'une promenade où nous assistâmes à la poursuite d'un gros rat par un groupe d'enfants et d'hommes sur les berges de la rivière. Le rat fut finalement tué et, comme ils ne savaient pas que faire du cadavre, l'un des hommes dit à un enfant : « Pousse-le en Saône ! ». Je m'étonnai de cette expression, avec l'accent des gens (en Sôôône !), et, avec mon père, cela nous fit longtemps rire. Car, dans notre pays, on aurait dit plus simplement « Fous-le à l'eau ! ».

Le lendemain, en milieu de journée, nous étions évidemment presque arrivés. Ma mère voulait faire une 2e étape, à Bar-le-Duc, afin d'arriver chez les SAVART le jour annoncé et non un jour plus tôt. Mais mon père trouva ridicule de coucher à l'hôtel si près du but et on préféra aller directement à Charmont dans l'après-midi. Mon père trouva assez rapidement la maison et gara la voiture. Il n'y avait personne, car, naturellement, ils ne nous attendaient pas ce jour-là. On attendit. Des voisins nous virent et allèrent prévenir Madame SAVART qui était quelque part dans le village. Celle-ci accourut et fut heureuse de faire connaissance de la famille AUTRAN au complet, mais désolée que nous soyons arrivée un jour plus tôt car elle espérait avoir le temps de mieux préparer notre accueil. Je reconnus facilement cette Madame SAVART, dont on me parlait depuis si longtemps, et qui était exactement comme sur les photos de notre album. J'ai dit qu'elle fut heureuse de nous voir, c'est évident, mais, sans exubérance particulière. Comme l'expliquait souvent mon père, dans ces pays, les gens sont plus froids, ne s'expriment pas avec les mêmes grands gestes et grands rires comme dans notre Midi. Et ma mère avait d'ailleurs prévenu Madame SAVART à notre arrivée qu'elle ne devait pas s'étonner de nous entendre parler et rire beaucoup et fort !

On visita la maison, qui était relativement neuve (ils n'y avait que peu d'années qu'ils avaient pu quitter leur "baraquement" et obtenir la construction de cette maison (dont les murs étaient curieusement bâtis, non en briques, mais de tuiles plates superposées). La maison était attenante à l'atelier de menuiserie de Maurice SAVART. J'admirai ces belles machines (raboteuse, scie à ruban, etc.), que j'avais déjà vues à l'école technique Martini, dans l'atelier de Pépé Lorenzini...) et cette bonne odeur de bois. Au tour de la maison, ils y avait aussi quelques bâtiments de ferme, dont l'un abritait un cochon que Madame SAVART engraissait, un potager, des tas de bois, des prés, mais ils n'avaient plus conservé de vache. Un peu plus tard dans l'après-midi, nous fîmes la connaissance de Maurice SAVART, un homme de bonne taille, à l'allure puissants, malgré son bras coupé. Mais un homme assez discret, avec un accent du nord-est de la France, avalant certaines parties des mots, au point que, tout comme avec sa mère, il fallait parfois leur faire répéter pour comprendre... Depuis la disparition de son père et de son frère, il vivait donc, célibataire, seul avec sa mère.

Je n'ai plus guère de souvenir de la maison, sauf la cuisine, qui communiquait plus ou moins avec la menuiserie. Il y avait dans cette cuisine un buffet en bois remarquablement travaillé. Madame SAVART ne put résister à nous dire immédiatement : « C'est Maurice qui a fabriqué le buffet ! ». J'en fus surpris car j'imaginais ce bonhomme sciant ou assemblant des planches brutes dans son atelier. Je ne l'imaginais pas, surtout avec un bras coupé, avec de tels talents d'ébéniste.

 Notre séjour dura au moins 7 ou 8 jours. De nombreux souvenirs très précis m'en sont restés. L'essentiel des souvenirs que j'ai de la famille SAVART et de leur village s'est constitué au cours de cette semaine-là.

Le type d'alimentation. Il était très différent du nôtre. Beaucoup d'aliments étaient bouillis, ce qui déconcertait ma grand-mère. Voyant Madame SAVART faire bouillir les girolles, elle lui disait : « Mais c'est pas comme-ça, il faut d'abord les faire revenir... ». Dialogue de sourds, on ne change pas des habitudes culinaires régionales ancestrales. Dans la Marne, on ne connaît pas les safranés au gril arrosés d'huile d'olive avec du thym. Mais dans l'ensemble, on était bien et copieusement nourris. On fit des découvertes, comme le potage à la ciboulette, le lait de vache qu'on pouvait boire à la ferme voisine directement après la traite, et aussi le cidre qu'ils avaient dans leur cave. Ce nom de boisson ne m'était pas inconnu mais je n'avais aucune idée de son goût et l'idée d'en goûter excita ma curiosité, alors que mon père en avait déjà goûté.

 Le village. On en avait fait plusieurs fois le tour. Charmont avait à l'époque quelques centaines d'habitants. On avait promené le long des routes qui en partaient, notamment la route de Nettancourt bordée notamment de poiriers. Nous nous étonnions que des arbres chargés de fruits mûrs puissent ainsi border les routes, sans clôtures et sans que les enfants du village ne viennent chaparder ou saccager. [Chez nous, la maraude existait et il y avait toujours des garnements qui s'attaquaient aux fruits mêmes verts, ou qui les abattaient à coups de pierre ou de bâton par simple esprit de méchanceté]. Les champs étaient constitués d'un grand nombre de parcelles étroites et imbriquées appartenant à des propriétaires différents à la suite d'héritages et de partages successifs. Ici elle avait une parcelle de betteraves, la bas une parcelle de pois, etc. Tout ceci sans clôtures et imbriqué. A un certain endroit, elle nous montra un arbre particulier, un poirier je crois aussi, c'était l'Arbre de la Liberté du village, qui, comme en beaucoup de communes de France, avait été planté lors de la Fête de la Fédération de 1790, premier anniversaire de la Révolution de 1789.

Les environs.

Les insectes et l'étang. 1956 c'était la fin de mon année de 5e. J'avais 12 ans.

Le cochon

Le baraquement

La sortie à Reims et Epernay. Repas au restaurant : Mme SAVART voulait payer. Visite chez sa fille ?

Verdun ?

Livre de papillons

Conversation sur la guerre de 14

 La blessure de Maurice. C'était au moment de la guerre de 1939-1940, pendant un tir d'obus allemand ou un bombardement aérien, je ne sais plus. Il était à bicyclette et, entendant les explosions, il s'était aussitôt couché dans la terre. Mais un éclat l'avait atteint, lui arrachant plus ou moins la main gauche et il avait du être amputé d'une partie de l'avant bras. Il racontait aussi que sa bicyclette était restée intacte à côté de lui, sauf la chaîne qui avait été coupée par un autre éclat d'obus.

 Conversations politiques. Conseil municipal

Repas ensemble. Soupe à la ciboulette

Le lait de vache et le champagne. Malade la nuit.

Matinée à Revigny, Heitz-le-Morupt

Donrémy ? Ste Menehould

 Le montage du hangar. L'essentiel de leur maison et des bâtiments annexes avait été reconstruit au milieu des années 50. Il y avait toutefois un hangar ouvert (piliers de bois et toiture) qui n'avait pas été remonté. Et c'est précisément la semaine où nous étions là qu'une entreprise devait venir le réinstaller à partir de matériaux entreposés dans le jardin, sans doute depuis plusieurs années. Tout était prêt mais les pièces métalliques avaient beaucoup rouillé depuis le temps. Une matinée où rien n'était prévu, mon père et moi, avec l'aide de clés empruntées à l'atelier de Maurice nous avions alors, pour nous occuper à quelque chose d'utile, travaillé à faire jouer et huiler tous les boulons de fixation qui était terriblement grippés. L'après-midi, le patron de l'entreprise pour commencer le montage du hangar. C'était un homme grand et ventru, à la gorge grasse et à la voix grave. Mon père lui dit aimablement : « On vous a préparé le travail ». Et il est vrai qu'on leur avait fait économiser un temps substantiel à une besogne ingrate. Et le gros homme lui répondit seulement : « Ouaaaais ! ». En aparté, mon père me dit : « Quel rustre ! On lui fait gagner du temps, et il ne dit pas le moindre merci ! « Seulement ce Ouaaaais ! ». Cette scène devint souvent par la suite entre nous un sujet de plaisanterie.

 Une récolte de champignons dans la forêt de l'Argonne. C'était dans la région une période favorable pour les champignons, particulièrement les girolles, expèce que je ne connaissais pas particulièrement puisque chez nous on se limitait aux safranés ou, faute de mieux, aux pissacans ou aux coulemelles. Ce fut l'occasion de s'enfoncer dans la célèbre forêt de l'Argonne dont la lisière n'était qu'à quelques km à l'est de Charmont. Nous y passâmes une matinée avec mon père et Maurice SAVART qui connaissait bien les coins et nous guidait. Car il y avait de quoi se perdre sous cette immense futaie, bien que parfaitement sillonnée de chemins forestiers réguliers. Nous étions allés dans une zone connue par la présence de deux arbres immenses, un chêne et un hêtre, qui avaient poussés côte à côte et qui paraissaient soudés par leur pied. Des girolles, il y en avait en abondance. Maurice SAVART nous apprit à bien les reconnaître et à les distinguer des « fausses girolles ». Il y avait aussi dans le sous-bois un grand nombre d'énormes limaces rouges, qui devaient dépasser les 15 cm. J'en avais déjà vu dans les Alpes, mais pas de si longues. Certaines se trouvaient en train de manger des girolles. Maurice SAVART, cuillant une girolle, tomba sur une de ces limaces et je me souviens que, la rejetant au sol, il s'exclama : « salope ! ».

 Les environs. Des noms connus : Nettancourt, Vroil, Possesse

Visité la région de Verdun, Points d'histoire : Varennes, Ste Menehould

On était allé au préalable rendre visite à Joseph Augias : Son père enterré à Blercourt

L'atelier de menuiserie. La table, ça presse sans presser.

400 habitants à l'époque, guère plus de 200 aujourd'hui

Aucune photo de prise

Promenade, différentes parcelles à eux, routes bordées de poiriers. L'arbre de la Liberté.

Le cidre, pour la première fois.

Conversation littéraire

Cimetière : la tombe, encore récente du père et du fils.

Aucune photo de prise !


Le jour du départ arriva. On se sépara en promettant de se revoir. Mes parents invitèrent la mère et le fils à leur rendre visite dans le Var, l'année suivante : 1957.
 
 
Un colis de provisions, avec du beurre fondu
 Année 1957
 La 403.
La carte au 50.000e
On habitait brd Staline.
Ils dormirent dans la chambre de ma grand-mère.
Ils restèrent peu. Mon père avait prévu qu'ils ne voudraient pas déranger et ne resteraient que 2 jours. Ils ne restèrent et effet que 2-3 jours.
 Le Gaou, la mer Méditerranée.
Visite à mon grand-père.
Montée au fort de Six-Fours !
Carte au 50.000e
Aucune photo
 Invitation à revenir, de manière à visiter plus largement la région. Elle avait parlé de Charleville-Mézières, peut-être aussi de Luxembourg ?
Le départ. Ils ne se reverront plus jamais.
 Les échanges régulier par courrier continuèrent, au moins une fois par an, à l'occasion des vœux du nouvel an.
 Mon père prenait maintenant plus souvent la plume. Mais le contenu de ses courriers était alors largement politique. Il sentait les Savart politiquement modérés et ne se privait pas d'enfoncer le clou de ses idées d'extrême gauche. Après l'arrivée u pouvoir du Général de Gaulle (que les SAVART soutenaient manifestement), je me souviens parfaitement mon père utilisa cette phrase dans une lettre : « la victoire du OUI me semble une gaffe immense pour la France... ». Madame SAVART n'appréciait pas ce discours et l'écrivit à ma mère : « Je préfère que ce soit vous qui me donniez des nouvelle, que M. AUTRAN... ».
 Ma mère ne comprenait pas pourquoi, après qu'ils eussent connu deux guerres, ils pouvaient ne pas être des pacifistes (donc d'extrême gauche, comme nous l'étions). Peu de différence entre gaullistes et hordes nazies...
 1958, 1959, 1960... Les années passèrent avec toujours les mêmes échanges réguliers de courriers. Mais nous ne pensions plus jamais nous revoir.
 En 1966, j'avais grandi, j'avais 22 ans, le permis de conduire depuis 4 ans et, à l'approche de mon mariage programmé pour la fin août, mes parents m'avaient acheté une Citroën 3CV d'occasion. Elle avait aussitôt servi une première fois pour aller faire un séjour à Allevard rejoindre mes futurs beaux-parents. Et au début d'août, il se trouve q
 Voyage d'Allevard à Verdun.
 Quelques jours chez les GUIFFANT. Quelques sorties aux environs.
 Je n'avais pu résister d'aller pousser une pointe jusque chez les SAVART. C'était loin, nous étions rentrés tard, PBs avec la famille. Mais j'avais revu une dernière fois les SAVART à Charmont, 10 ans après 1956. Le gamin de 12 ans en avait 22, il était fiancé. Les SAVART n'avaient guère changé, ni la maison, ni la cuisine. Et ils m'avaient naturellement reconnu. On n'était resté que 30 ou 40 minutes, ils nous avaient offert à boire dans la cuisine. Et on s'était séparés, cette fois pour toujours.
 De retour à La Seyne, j'avais annoncé cette rencontre, non prévue initialement à mes parents : « Et vous avez aussi le bonjour de... Madame SAVART ! ». Surprise et satisfaction. Mon père
 Encore quelques années passèrent et toujours des courriers. Aux vœux de 1967, Madame SAVART rappela la visite que je lui avait faite. Mais les courriers devinrent plus succincts et un peu moins lisibles. Madame SAVART avait alors plus de 80 ans. Puis il y eut une interruption de 2-3 ans et ma mère n'écrivit plus. On pensa que Mme SAVART devait être morte maintenant, ou du moins impotente. Et puis, un jour, surprise. Ce devait être vers 1973. Ma mère me dit : tu sais qui nous a encore écrit ? Madame SAVART ! Mais après cela il n'y eut plus guère qu'un ou deux courriers et les échanges cessèrent définitivement. Cette fois, on pensa que Madame SAVART était bien morte. Peut-être pas son fils, mais lui n'écrivait jamais.
 Mais quand était-elle morte ? Et Maurice ? On n'en avait aucune date, aucune preuve.
 Le seul moyen était d'aller à Charmont, au cimetière.
 Mais ce n'était pas sur mes routes habituelles qui étaient Paris, ou Toulouse, ou Nantes. Je n'étais même plus allé à Reims depuis plusieurs décennies. Or, justement, un contrat de recherche impliquant des collègues de l'Université de Reims entre 1995 et 1998 m'amena plusieurs fois dans cette ville. Je pensais bien sûr à Charmont et aux SAVART, mais je venais le plus souvent en train, et pour quelques heures. Il aurait fallu rester un jour de plus, louer une voiture... Je n'eus jamais l'occasion de le faire, mais l'idée demeurait en moi. Non plus pour revoir la famille vivante (En 1996, Madame SAVART aurait eu 110 ans !), mais pour en avoir le cœur net sur sa date de disparition. Ce fut en août 2002 (encore un mois d'août) , lors du mariage de Gaëtan Montels, neveu de Yolande, que l'occasion m'en fut enfin donnée. Nous étions partis en famille, en voiture cette fois-ci, dans l'est de la France. Le mariage avait lieu près de Provins, en Seine-et-Marne, mais nous avions pris quelques jours supplémentaires pour visiter quelques autres sites tels que Beaune, Colombey-les-deux-églises, Chaumont, Verdun, et les champs de bataille de la guerre de 14-18 notamment. Et... sur le trajet de Verdun à Provins... le détour ne fut pas grand pour faire une halte au petit village de Charmont. On était le 23 août 2002. Nous nous rendîmes aussitôt au cimetière, près de l'église.

Eglise et cimetière de Charmont (Marne)

 
 
Et les enfants, courant rapidement, trouvèrent en quelques secondes la tombe au nom de SAVART. Elle n'était pas là où je l'imaginais lorsque Madame SAVART nous y avait amenés en 1956 peu après la disparition de son mari et de son jeune fils. Peut-être mes souvenirs s'étaient-ils déformés avec le temps. Ou peut-être aussi la tombe avait-elle été reconstruite dans une nouvelle concession, plus élaborée que celle que j'avais vue, pour recueillir les restes de Joseph et d'Albert SAVART, soit du vivant de Sara et Maurice, soit après la mort de ces derniers, par leurs descendants ?
 La tombe, photographiée pour la montrer à mon père, portait alors 4 noms :
Joseph SAVART (1874-1954)
Albert SAVART (1918-1954)
Sara LEROY, épouse SAVART (1886-1981)
Maurice SAVART (1906-1986)
 
Tombe de la famille SAVART au cimetière de Charmont (Marne) - 23 Août 2002
 

Ainsi, Madame SAVART était bien morte, mais en 1981 seulement, donc bien après que les échanges de courriers ont cessé, 6 ou 7 ans après environ. Elle était morte à 95 ans. Et son dernier fils Maurice, 5 ans plus tard, il avait 80 ans. Ainsi la boucle était bouclée. J'en avais le cœur net en m'en trouvai en quelque sorte apaisé.

Mais je voulus savoir si la maison existait encore. Je fis plusieurs fois le tour du village en voiture et ne retrouvai pas l'endroit. Pourtant le village n'avait que 220 habitants seulement ! Alors, comme il était midi, nous avions pique-niqué aux alentours du village, en contrebas, dans un petit bosquet. Mais, après ce repas, à force de réflexion, il me sembla que je n'avais pas exploré un côté du village. J'y retournai donc et cette fois, je retrouvai bien leur rue en légère pente et la maison était bien là, identique à celle que j'avais connue 46 ans plus tôt. Bien sûr la façade avait dû être repeinte, mais c'était bien la même maison, avec, à droite, l'ancien atelier de menuiserie. Etait-ce toujours un atelier ou avait-il été transformé en extension de l'habitation ? Je ne sais pas. Je n'osai pas voir de plus près quel nom figurait sur la porte. Je me contentai de prendre la photo ci-dessous.
 
La maison autrefois habitée par les SAVART, rue neuve

 
 
 
Savart : - Nom donné dans les Ardennes, aux terres incultes qui servent de pâture. - Nom sous lequel on désigne, en Champagne, les terres crayeuses pauvres.
 Le patronyme SAVART est assez répandu dans la Marne : fin 2009, 48 SAVART figuraient au Pages Jaunes de la Marne, dont 6 à Reims, mais aucun au village de Charmont.
 Qu'est devenue la fille qui était, je crois à Epernay ? Son nom de mari ? Ses descendants ?
 

Samedi 6 décembre 2014 : Une réponse !

Bonsoir,
 
Je me présente, je m'appelle BP, j'ai 32 ans et j'ai passé toute mon enfance avec mon frère cadet de 3 ans dans un petit village qui se prénomme Charmont.
Une connaissance vient de me faire part de cette Biographie où on y voit une photo de la maison de mes parents située au 13 rue Neuves qui était celle de la famille SAVART.
Pour répondre à vos interrogations, l'annexe est toujours un atelier où mon père y a également installé ses machines à bois (scie à ruban, toupie, tour à bois, etc...).
Cela me donne beaucoup d'émotions de connaitre une partie de l'Histoire des personnes qui ont vécu avant nous dans ce lieu qui nous est si cher ma famille et moi même.
Merci pour ce partage.
 
Cordialement,

BP

Mardi 9 décembre : Ma réponse

Bonjour,

Merci pour votre message. Je suis extrêmement heureux que cette « bouteille jetée à la mer » il y a plusieurs années soit parvenue à quelqu'un qui à su en apprécier tous le sens. Et que ces vieux souvenirs conservés depuis les années 50 au fond de ma mémoire aient pu vous être utiles et même vous apporter de l'émotion.

Je ne sais pas depuis quand la famille SAVART habitait Charmont. D'après les archives de l'état-civil, Joseph SAVART et son épouse Sara LEROY n'y étaient pas nés. Je ne sais pas exactement où ils étaient nés. Ils avaient connus la Première guerre mondiale, mais je sais pas s'ils habitaient à Charmont à l'époque. Il est certain qu'ils y étaient pendant la Seconde guerre mondiale car c'est là que mon père les avait connus. Leur maison avait ensuite été détruite et ils avaient été logés pendant quelques années dans ce qu'ils appelaient le "baraquement". La maison de la rue Neuves, avec l'atelier de menuiserie) avait alors été construite, je pense, vers 1952-1954, mais probablement pas à l'emplacement de leur maison précédente. C'est dans cette rue que je les ai connus lors de mes deux visites à Charmont (1956 et 1966), avant que n'y repasse en août 2002, année où j'ai photographié la maison.

Sara SAVART étant morte en 1981 et son fils Maurice en 1986, je ne sais pas si c'est à cette famille que vos parents avaient acheté leur maison, ou s'il y avait eu d'autres propriétaires entre temps. Je pose cette question car, les fils SAVART n'ayant pas eu de descendant direct, les seuls membres de leur famille qui aurait pu hériter de leurs biens ne pouvaient être que du côté de la sœur cadette de Maurice SAVART (que je n'ai pas connue et dont je ne me souviens pas du prénom) qui habitait, je crois Epernay dans les années 50 - ou des descendants de celle-ci. Ma « bouteille jetée à la mer » sur internet était également destinée à retrouver les éventuels descendants de cette fille SAVART, qui auraient été sans doute intéressés de voir des photos de leurs ancêtres qu'ils n'ont peut-être pas connus, ou dont ils n'ont plus le souvenir. C'est pour cela que je me demandais si vos parents avaient acheté leur maison à de la famille SAVART et s'ils avaient eu une idée de ce qu'étaient devenus les descendants SAVART du côté de la sœur d'Epernay.

Bien cordialement.

Jean-Claude AUTRAN

Dimanche 11 janvier 2015 : Voici les précisions que j'espérais recevoir :

Bonjour,

Voici comment nous sommes devenus acquéreur de cette maison. Moi fille d'agriculteur originaire de Possesse 5 km de Charmont, mon mari originaire de Villers le sec et dont les grands parents habitaient Charmont, connaissions bien ce village.

En 1980, alors que nous venions rendre visite à la famille, nous sommes passés devant cette maison, une grande affiche était collée à la porte d'entrée, c'était la vente aux enchères du mobilier et de l'outillage. Nous sommes entrés dans cette maison et assisté à cette vente aux enchères.

En 1981 nous nous sommes mariés, habitions dans un immeuble à Sermaize Les Bains, notre vie à la campagne nous manquait ainsi que les grands espaces.
En 1982, nous avions décidé de trouver une maison en location ou à acheter. C'est alors qu'en passant de nouveau devant cette maison, un panneau à vendre était suspendu au grille de la fenêtre. Avec le notaire nous avons visité la maison, les dépendances, le terrain, nous sommes tombés sous le charme malgré les travaux importants à réaliser. Tout était à faire. Il y avait un moment qu'elle n'était plus habitée.

En juin 1983 nous sommes devenus acquéreur de cette maison. Les vendeurs, Madame Lucienne Savart née à Grandpre ( Ardennes) le 25 mars 1908 sans profession, épouse de Monsieur Lucquin Maurice  demeurant à Saulchery (Aisne) et Monsieur Savart Marcel Maurice  né à Grandpré le 16 janvier 1906  demeurant à la maison de retraite de Thieblemont Faremont

Nous pensons que Lucienne à une fille car le jour des obsèques de Maurice elle est passée devant la maison et dit c'était mes grands parents qui habitaient ici. Voilà tout ce que l'on peut vous dire de cette famille

Cordialement

JLCP

Mardi 13 janvier 2015 : Ma réponse :

Bonjour,

Un très grand merci pour votre message et pour les précieuses informations que vous m’avez communiquées sur la famille Savart.

La date d’acquisition de votre maison correspond bien à l’époque qui a immédiatement suivi le décès de Madame Sara SAVART, née LEROY (1886-1981), tandis que Marcel Maurice SAVART était encore vivant puisqu’il n’est décédé qu’en 1986. Comme je le pensais, les parents Savart avaient bien aussi une fille. J’avais oublié qu’elle se prénommait Lucienne et qu’elle était née en 1908. (Nous étions allés chez elle à Epernay avec mes parents et Mme Savart en 1956). En 1982, les vendeurs de votre maison étaient donc naturellement les deux héritiers encore vivants : Lucienne et André Maurice Savart.

Un point très important que vous m’apprenez aussi est le lieu de naissance des enfants Savart : Grandpré (Ardennes). Ils n’étaient donc pas natifs de Charmont, et effectivement, je me souviens vaguement que la famille avait des attaches dans les Ardennes.

J’ai retrouvé dans un site généalogique que Sara Leroy était, elle, née à Senuc (Ardennes), une commune voisine de Granpré, qu’elle était la cadette d’une fratrie de 8 frères et sœurs, et qu’elle avait épousé Maurice (Joseph ?) Savart (le père) « à Charmont [à l’âge de 16 ans], le 22 novembre 1902 » (voir pièce ci-jointe). Mais je n’ai pas pu retrouver l’acte de mariage dans les archives de l’état-civil de Charmont en ligne sur internet, il y a certainement une erreur de date ou de lieu. Je n’ai pas encore pu comprendre le lien qu’avait le père Savart avec Charmont et je n’ai pas retrouvé sa naissance dans les archives de l’état-civil de Charmont, ni dans les recensements, ni dans les archives des Ardennes (cette époque n’étant d’ailleurs pas en ligne). Je ne sais pas pourquoi le couple se serait marié à Charmont puisque leurs deux premiers enfants sont nés plus tard à Grandpré. Mais ils seraient certainement venus définitivement  s’installer à Charmont un peu avant ou un peu après la Première guerre mondiale. Je vais essayer de poursuivre les recherches avec les Archives des Ardennes ou avec des généalogistes locaux.

Par ailleurs, vous me confirmez qu’il y avait effectivement une petite-fille Savart (probablement la petite fille celle que l’on voit sur des photos de la famille Savart au début des années 1950) et qui doit donc aujourd’hui avoir approximativement mon âge (70) et vous m’apprenez que le nom de mari de Lucienne Savart était Lucquin. Peut-être en faisant figurer ce nom en complément de la biographie que j’avais écrite sur les Savart, cela va-t-il permettre aux descendants de s’identifier un jour et de découvrir les souvenirs de leurs ancêtres que j’ai fait figurer dans mon site internet.

Un grand merci encore pour toutes ces précieuses informations que vous avez bien voulu me communiquer. Cela m’a déà fait beaucoup progresser.

Bien cordialement.

Jean-Claude Autran


Fratrie de Sara Leroy, épouse Savart (extrait de l'abre Geneanet de Bernadette Leroy)

 

 


 
 
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