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Marius AUTRAN
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Archives familiales : Répertoire lyrique

FAUST

OPÉRA en 5 ACTES

Livret de MM. Jules BARBIER et Michel CARRÉ
d'après le Premier Faust (1808) de Goethe
Musique de Charles GOUNOD

Ouvrage créé le 19 mars 1859 au Théâtre Lyrique.

Première représentation à l'Académie Impériale de Musique (Opéra de Paris, salle Le Peletier) le 3 mars 1869. Première représentation au Palais Garnier en 1875.

Distribution, rôles, voix
Artistes (Paris, 1859)
LE DOCTEUR FAUST, savant (ténor)
MÉPHISTOPHÉLÈS, (baryton-basse)
MARGUERITE (soprano)
VALENTIN, soldat, frère de Marguerite (baryton)
SIEBEL, jeune villageois, épris de Marguerite (soprano)
WAGNER, étudiant (baryton)
DAME MARTHE SCHWERLEIN, voisine de Marguerite (mezzo-soprano)
Étudiants, Soldats, Bourgeois, Jeunes filles, Jeunes étudiants, Matrones, Choeur religieux, Choeur des démons, Choeur céleste
J. Barbot
Balanqué
C. Miolan-Carvalho
Reynald

L'action se passe en Allemagne, au XVIe siècle.

 

Résumé

ACTE I 

Le cabinet du docteur Faust - Désabusé par la vie et par l'inutilité de son savoir dans la quête de la vérité, Faust s'apprête à avaler une fiole de poison. Mais au moment de porter le poison à ses lèvres, les chants joyeux de jeunes villageois le font renoncer. Maudissant l'existence, Faust invoque Satan qui paraît en cavalier rouge et lui propose un pacte : en échange d'une jeunesse éternelle et de la belle Marguerite, Faust s'engage à donner son âme à Méphisto. Le diable fait apparaître Marguerite assise à son rouet et Faust cède et signe. Il est aussitôt transfiguré en jeune homme et se réjouit de pouvoir à nouveau profiter des plaisirs de la vie.

ACTE II 

La kermesse - Dans une auberge, un jour de kermesse. Valentin, le frère de Marguerite, confie sa sœur au fidèle Siebel avant de partit à la guerre. Méphisto et Faust apparaissent, interrompant la chanson du rat que chante Wagner. Méphisto entonne la ronde du veau d'or. Il prédit à Siebel que toutes les fleurs qu'il touchera se faneront et boit à la santé de Marguerite. Valentin le provoque en duel : lorsque son épée se brise dans les airs par la magie de Méphisto, il découvre l'identité de son adversaire et forme une croix devant lui. Méphisto disparaît aussitôt. La foule se rassemble et danse une valse qui permet à Faust d'aborder Marguerite. Faust lui propose d'accompagner sa promenade mais la jeune fille refuse.

ACTE III

Le jardin de Marguerite - Siebel, secrètement amoureux de Marguerite, a cueilli un bouquet dont chaque fleur se fane aussitôt ; il trempe sa main dans le bénitier et écarte le sortilège. Méphistophélès se propose pour aller chercher un cadeau plus somptueux. Resté seul, Faust se sent ému par l'atmosphère de pureté de cette demeure. Il attend Marguerite en chantant la romance : « Salut ! demeure chaste et pure». Méphisto lui apporte un coffret à bijoux et un superbe bouquet, qu'il substitue à celui de Siebel, puis se retire en entraînant Faust. Marguerite entre, encore troublée par le jeune homme rencontré à la kermesse. Elle revient à son rouet et chante la ballade du roi de Thulé ; mais, avant même de terminer ses couplets, elle découvre les bijoux dont elle se pare. Elle est surprise par une voisine, Dame Marthe. Faust et Méphistophélès reviennent. Tandis que Méphistophélès se charge d'éloigner Dame Marthe, Faust déclare son amour à Marguerite. Les jeunes gens se séparent en se promettant de se revoir le lendemain mais Méphistophélès retient Faust afin qu'il écoute les confidences que la jeune fille fait aux étoiles. Faust s'élance vers elle et Marguerite succombe à ses avances : Il la rejoint dans sa chambre.

ACTE IV 

L'église - Dans sa chambre, Marguerite se confie à Siebel : elle a été séduite par Faust qui l'a ensuite abandonnée. Mais elle l'aime toujours. Elle se rend à l'église où elle entend les voix de Méphisto, qui, dissimulé dans l'ombre, l'empêche de prier, et d'un chœur de démons qui lui rappelle sa faute. Terrifiée, Marguerite s'évanouit.

Devant la maison de Marguerite - Les soldats chantent au retour de la guerre et Valentin va rejoindre sa soeur chez elle. Faust, en proie au remords, veut revoir Marguerite. Méphistophélès chante une sérénade pour faire sortir la jeune fille, mais c'est Valentin qui paraît. Un duel s'engage avec Faust, dont l'épée, habilement guidée par Méphistophélès, blesse mortellement Valentin. Les deux hommes s'enfuient. Valentin expire en maudissant sa sœur.

ACTE V

La nuit de Walpurgis - Méphistophélès entraîne Faust dans les montagnes du Harz, où ce dernier s'enivre au milieu de courtisanes de l'Antiquité (ballet). Soudain, l'image de Marguerite apparaît à Faust, qui veut alors la rejoindre.

La prison - Marguerite est condamnée à mort pour avoir tué son enfant. Faust et Méphistophélès pénètrent dans sa cellule dans le but de la faire échapper, mais la jeune fille a perdu la raison. Reconnaissant Faust, elle évoque ses souvenirs depuis leur première rencontre. Méphistophélès les presse de partir mais Marguerite reconnaît en lui le démon et elle refuse de le suivre. Elle invoque Dieu et les anges et meurt en repoussant son amant. Tandis qu'elle monte au ciel, Méphisto entraîne Faust en enfer.

* Durée de l'ouvrage : entre 2 h 50 et 3 h 15.

 

CATALOGUE DES MORCEAUX


ACTE Ier


1
2
Scène et choeur
Duo
- Rien ! en vain j'interroge (Faust)
- Mais ce Dieu que peut-il pour moi ? (Faust, Méphistophélès)


ACTE II


3
4
5
6
Kermesse
Scène, récitatif et chanson
Scène et choeur
Valse et choeur
- Vin ou bière
- O Sainte médaille
- Merci de ta chanson
- Ainsi que la brise légère


ACTE III


7
8
9
10
11
Couplets
Cavatine
Scène et air des bijoux
Scène et quatuor du jardin
Duo
- Faites-lui mes aveux
- Quel trouble inconnu me pénêtre
- Je voudrais bien savoir
- Seigneur Dieu, que vois-je
- Il se fait tard, adieu !


ACTE IV


 
12
13
14
15
16
17
Récitatif
Scène (Marguerite au rouet)
Scène de l'église
Choeur des soldats
Scène et sérénade
Trio du duel
Mort de Valentin
- Elles ne sont plus là
- Elles se cachaient ah ! cruelles !
- Seigneur, daignez permettre
- Déposons les armes
- Qu'attendez-vous encore !
- Que voulez-vous messieurs ?
- Par ici, mes amis


ACTE V


18
19
La nuit de Walpurgis
Scène de la prison (trio final)
- Dans les bruyères
- Va-t-en !


Introduction

 

ACTE I
 
SCÈNE et CHOEURS
FAUST, CHOEURS

C'est la nuit, Faust est seul, assis à une table couverte de livres et de parchemins, devant lui un livre ouvert. La lampe est sur le point de s'éteindre

FAUST

Rien !...
En vain j'interroge, en mon ardente veille,
La nature et la Créateur ;
Pas une voix ne glisse à mon oreille
Un mot consolateur !
J'ai langui, triste et solitaire,
Sans pouvoir briser le lien
Qui m'attache encore à la terre !
Je ne vois rien ! je ne sais rien ! rien ! rien !

Il ferme le livre et se lève ; le jour commence à se lever

Le ciel pâlit ; devant l'aube nouvelle
La sombre nuit s'évanouit !...
Encore un jour ! encore un jour qui luit !...
O mort ! quand viendras-tu
M'abriter sous ton aile ?
Eh bien ! puisque la mort me fuit
Pourquoi n'irais-je pas vers elle ?

(Il verse le contenu d'un flacon dans une coupe)

Salut ! O mon dernier matin !
Salut ! O mon dernier matin !
J'arrive sans terreur
Au terme du voyage
Et je suis, avec ce breuvage
Le seul maître de mon destin !
Je suis, avec ce breuvage
Le seul maître de mon destin !

(Comme il porte la coupe à ses lèvres, des voix de femmes lui parviennent de l'extérieur)

CHOEUR

Ah ! Paresseuse fille
Qui sommeille encor !
Déjà le jour brille
Sous son manteau d'or
Déjà l'oiseau chante
Ses folles chansons ;
L'aube caressante
Sourit aux moissons ;
Le ruisseau murmure
La fleur s'ouvre au jour,
Toute la nature
S'éveille à l'amour !

FAUST

Vains échos de la joie humaine,
Passez, passez votre chemin !
Passez, passez.
O coupe des aïeux, qui tant de fois fus pleine,
Pourquoi trembles-tu dans ma main ?
Pourquoi trembles-tu dans ma main ?

(L'on entend de l'extérieur des voix d'hommes allant aux champs)

CHOEUR

Aux champs l'aurore nous rappelle
On voit à peine l'hirondelle,
Qui vole et plonge d'un coup d'aile,
Dans la profondeur du ciel bleu !
Le temps est beau ! la terre est belle !
Aux champs l'aurore nous rappelle,
Le temps est beau, la terre belle,
Béni soit Dieu ! Béni soit Dieu !
Béni soit Dieu !

FAUST

Dieu ! Dieu ! Dieu !

 

DUO

FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS

FAUST

Mais ce Dieu, que peut-il pour moi ?
Me rendra-t-il l'amour, la jeunesse et la foi ?
Maudites soyez-vous, ô voluptés humaines !
Maudites soient les chaînes
Qui me font ramper ici bas !
Maudit soit tout ce qui nous leurre,
Vain espoir qui passe avec l'heure,
Rêves d'amour ou de combat
Maudit soit le bonheur !
Maudites, la science, la prière et la foi !
Maudite sois-tu, patience ! À moi, Satan ! à moi !

MÉPHISTOPHÉLÈS (apparaissant soudain)

Me voici !
D'où vient ta surprise ?
Ne suis-je pas mis à ta guise ?
L'épée au côté, la plume au chapeau
L'escarcelle pleine, un riche manteau sur l'épaule,
En somme, un vrai gentilhomme !
Eh bien ! docteur, que me veux-tu ?
Voyons ; parle !...
Te fais-je peur ?

FAUST

Non !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Doutes-tu de ma puissance ?

FAUST

Peut-être !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Mets-la donc à l'épreuve !...

FAUST

Va-t'en !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Fi !... c'est là ta reconnaissance !
Apprends de moi qu'avec Satan
L'on en doit user d'autre sorte,
Et qu'il n'était pas besoin
De l'appeler de si loin
Pour le mettre ensuite à la porte !

FAUST

Et que peux-tu pour moi ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Tout, tout... mais dis-moi d'abord
Ce que tu veux ? est-ce de l'or ?

FAUST

Que ferais-je de la richesse ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Bon, je vois où le bât te blesse !
Tu veux la gloire ?

FAUST

Plus encor !

MÉPHISTOPHÉLÈS

La puissance ?

FAUST

Non ! je veux un trésor
Qui les contient tous !...
Je veux la jeunesse !
À moi les plaisirs,
Les jeunes maîtresses !
À moi leurs caresses,
À moi leurs désirs !
À moi l'énergie
Des instincts puissants,
Et la folle orgie
Du coeur et des sens !
Ardente jeunesse,
À moi tes désirs,
À moi ton ivresse,
À moi tes plaisirs,
À moi ton ivresse,
À moi tes plaisirs.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Fort bien ! fort bien ! fort bien !
Je puis contenter ton caprice.
Je puis contenter ton caprice.

FAUST

Et que te donnerai-je en retour ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Presque rien, presque rien :
Ici, je suis à ton service
Mais là-bas, tu seras au mien !

FAUST

Là-bas ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Là-bas !

(Tendant un parchemin)

Allons, signe !
Eh quoi ! ta main tremble !
Que faut-il pour te décider ?
La jeunesse t'appelle ;
Ose la regarder.

(Il fait un geste; une forme apparaît : Marguerite au rouet)

FAUST

O merveille !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Eh bien ! que t'en semble ?

(Il tend avec impatience le parchemin)

FAUST

Donne !...

MÉPHISTOPHÉLÈS

Allons donc !

(Faust signe le parchemin ; pendant ce temps Méphistophélès prend la coupe posée sur la table)

Et maintenant, Maître, c'est moi qui te convie
À vider cette coupe, où fume en bouillonnant
Non plus la mort, non plus le poison, mais la vie.

FAUST (prend la coupe et l'adresse à la vision de Marguerite)

À toi ! À toi ! À toi !
Fantôme adorable et charmant !

(Faust boit la coupe et se transforme en un jeune homme. La forme s'estompe)

MÉPHISTOPHÉLÈS

Viens !

FAUST

Je la reverrai ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Sans doute.

FAUST

Quand ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Aujourd'hui.

FAUST

C'est bien !

MÉPHISTOPHÉLÈS

En route !

FAUST

En route !
REFRAIN
À moi les plaisirs,
Les jeunes maîtresses !
À moi leurs caresses,
À moi leurs désirs !
À moi l'énergie
Des instincts puissants,
Et la folle orgie
Du coeur et des sens
Ardente jeunesse,
À moi tes désirs,
À moi ton ivresse,
À moi tes plaisirs...

MÉPHISTOPHÉLÈS

À toi les plaisirs
Les jeunes maîtresses !
À toi leurs caresses,
À toi leurs désirs !
À toi l'énergie
Des instincts puissants,
Et la folle orgie
Du coeur et des sens
Ardente jeunesse,
À toi ses désirs,
À moi son ivresse,
À moi ses plaisirs

ACTE II

 
LA KERMESSE
ÉTUDIANTS, WAGNER, SOLDATS, BOURGEOIS,

JEUNES FILLES, JEUNES ÉTUDIANTS, MATRONES

À l'une des portes de la ville, à gauche se tient une auberge dont l'enseigne représente Bacchus le Dieu du Vin

LES ÉTUDIANTS

Vin ou bière,
Bière ou vin,
Que mon verre
Soit plein !
Sans vergogne,
Coup sur coup,
Un ivrogne
Boit tout !

WAGNER

Jeune adepte
Du tonneau
N'en excepte
Que l'eau !
Que ta gloire,
Tes amours
Soient de boire
Toujours !

LES ÉTUDIANTS

Jeune adepte
Du tonneau
N'en excepte
Que l'eau !
Que ta gloire,
Tes amours
Soient de boire
Toujours !

LES SOLDATS

Filles ou forteresses,
C'est tout un, morbleu !
Vieux burgs, jeunes maîtresses,
Sont pour nous un jeu !
Celui qui sait s'y prendre,
Sans trop de façon,
Les oblige à se rendre
En payant rançon,
En payant rançon !

LES BOURGEOIS

Aux jours de dimanche et de fête ;
J'aime à parler guerre et combats ;
Tandis que les peuples là-bas
Se cassent la tête.
Je vais m'asseoir sur les coteaux
Qui sont voisins de la rivière
Et je vois passer les bateaux
En vidant mon verre !

LES JEUNES FILLES

Voyez ces hardis compères,
Qui viennent là-bas ;
Ne soyons pas trop sévères,
Retardons le pas...
Retardons le pas...
Retardons le pas...

LES JEUNES ÉTUDIANTS

Voyez ces mines gaillardes
Et ces airs vanqueurs !
Amis soyons sur nos gardes,
Tenons bien nos coeurs...
Tenons bien nos coeurs...
Tenons bien nos coeurs...

LES MATRONES

Voyez après ces donzelles
Courir ces messieurs !
Nous sommes aussi bien qu'elles,
Sinon beaucoup mieux...
Sinon beaucoup mieux...
Sinon beaucoup mieux...
CHOEUR

LES JEUNES FILLES

On voudrait plaire,
Mais c'est en vain !...
On voudrait plaire
Mais c'est en vain, en vain...

(Aux femmes les plus âgées)

De votre colère
Nous ne craignons rien !
Front qui se renfrogne
Rougit, voilà tout !
Un galant m'accepte,
Je le prends au mot...
Certes l'on doit croire
À vos beaux discours !...
De votre colère
Nous ne graignons rien...

Les Matrones

Vous voulez plaire,
On le sait bien !...
Vous voulez plaire
Le mot est fin !...

(Aux jeunes filles)

Vous voulez leur plaire,
Nous le savons bien,
Soyez sans vergogne.
Comme ils sont sans goût.
Il faut être inepte,
Je le dis tout haut,
Pour se faire gloire
De telles amours !...
Vous voulez leur plaire...
Nous le savons bien !...

LES BOURGEOIS

Allons, voisin !...
Vidons un verre de vin...
Allons, voisin !...
Vidons un verre du vin
Ma femme grogne
Sur tout.
Toujours il faut l'en croire...
Ma femme grogne, grogne sur tout
Il faut l'en croire, l'en croire toujours.
Vidons un verre, un verre de vin !
Allons, voisin !
Vidons, un verre de vin !

LES JEUNES ÉTUDIANTS

De cette affaire
Voyons la fin !...
Voyez leur colère,
Voyez leur maintien !
Leur front se renfrogne,
Elles ont du goût !
Gageons qu'on m'accepte
Dès le premier mot,
Fille au bras d'ivoire,
Voilà mes amours,
Oui, voilà, voilà mes amours !
Voyez leur colère...
Voyez leur maintien !...

LES ÉTUDIANTS

Vive le vin !
Vive le vin,
Vive le vin...
Le vin, le vin,
Vin ou bière,
Bière ou vin,
Que mon verre
Soit plein !
Sans vergogne
Coup sur coup,
Un ivrogne,
Boit tout.
Jeune adepte
Du tonneau,
N'en excepte
Que l'eau
Que la gloire,
Tes amours
Soient boire
Toujours!
Jeune adepte
Du tonneau
N'en excepte
Que l'eau,
Que la gloire
Tes amours
soient de boire
Toujours !
Vin ou bière,
Bière ou vin,
Que mon verre
Soit plein !...
Que mon verre
Soit plein...

LES SOLDATS

Vive la guerre !...
Métier divin !
Pas de beauté fière,
Nous savons leur plaire,
Nous savons leur plaire
En un tour de main !
Allons en besogne,
Sans peur ni vergogne,
À l'assaut partout...
De ce grand précepte
Fier soldat n'excepte
Femme ni château,
Et couvert de gloire,
Chante la victoire
Au bruit des tambours !...
Pas de beauté fière
Nous savons leur plaire...
En un tour de main !...
Nous savons leur plaire.

 

SCÈNE, RÉCITATIF et AIR

VALENTIN, WAGNER, SIEBEL, CHOEUR, MÉPHISTOPHÉLÈS

Valentin entre, tenant dans sa main une médaille

 

VALENTIN

O sainte médaille
Qui me viens de ma soeur,
Au jour de la bataille,
Pour écarter la mort,
Reste-là sur mon coeur !...

(Il met la médaille autour de son cou)

WAGNER

Ah ! Voici Valentin qui nous cherche sans doute !

VALENTIN

Un dernier coup, messieurs, et mettons-nous en route !

WAGNER

Qu'as-tu donc ?
Quels regrets attristent nos adieux ?

VALENTIN

Comme vous, pour longtemps, je vais quitter ces lieux !
J'y laisse Marguerite, et pour veiller sur elle,
Ma mère n'est plus là !

SIEBEL

Plus d'un ami fidèle
Saura te remplacer à ses côtés !

VALENTIN

Merci !

SIEBEL

Sur moi tu peux compter !

Choeur

Compte sur nous aussi !

VALENTIN

Avant de quitter ces lieux,
Sol natal de mes aïeux,
À toi, Seigneur et Roi de cieux
Ma soeur je confie.
Daigne de tout danger
Toujours, toujours la protéger,
Cette soeur si chérie,
Daigne de tout danger la protéger,
Daigne la protéger de tout danger.
Délivré d'une triste pensée.
J'irai chercher la gloire, la gloire au sein des ennemis,
Le premier, le plus brave au fort de la mêlée
J'irai combattre pour mon pays,
Et si, vers lui, Dieu me rappelle
Je veillerai sur toi fidèle
O Marguerite ! Avant de quitter ces lieux,
Sol natal des mes aïeux
À toi, Seigneur et Roi des cieux,
Ma soeur je confie !
O Roi des cieux, daigne exaucer mes yeux,
Protège Marguerite, O Roi des cieux !

WAGNER

Allons, amis ! point de vaines alarmes
À ce bon vin ne mêlons pas de larmes !
Buvons ! trinquons !
Et qu'un joyeux refrain
Nous mette en train,
Nous mette en train.

CHOEUR

Buvons ! trinquons !
Et qu'un joyeux refrain
Nous mette en train,
Nous mette en train.

WAGNER (montant sur un escabeau)

Un rat plus poltron que brave
Et plus laid que beau,
Logeait au fond d'une cave.
Sous un vieux tonneau...
Un chat...

MÉPHISTOPHÉLÈS (apparaît soudain et interrompant Wagner)

Pardon !

WAGNER

Hein !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Parmi vous, de grâce.
Permettez-moi de prendre place !
Que votre ami d'abord achève sa chanson !
Moi, je vous en promets plusieurs de ma façon.

WAGNER (descendant de son escabeau)

Une seule suffit, pourvu qu'elle soit bonne !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Je ferai de mon mieux pour n'ennuyer personne !

 

LA RONDE DU VEAU D'OR

MÉPHISTOPHÉLÈS, SIEBEL, TÉNORS, WAGNER, BASSES

MÉPHISTOPHÉLÈS

Le veau d'or est toujours debout !
On encense sa puissance...
On encense sa puissance...
D'un bout du monde à l'autre bout !
Pour fêter l'infâme idole,
Rois et peuples confondus,
Au bruit sombre des écus,
Dansent une ronde folle,
Autour de son piédestal,
Autour de son piédestal.
Et Satan conduit le bal, conduit le bal,
Et Satan conduit le bal, conduit le bal.

SIEBEL, TÉNORS

Et Satan conduit le bal, conduit le bal,
Et Satan conduit le bal, conduit le bal.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Le veau d'or est vainqueur des dieux !
Dans sa gloire dérisoire,
Dans sa gloire dérisoire,
Le monstre abject insulte aux cieux !
Il contemple, ô rage étrange !
À ses pieds le genre humain,
Se ruant, le fer en main,
Dans le sang et dans la fange,
Où brille l'ardent métal,
Où brille l'ardent métal.
Et Satan conduit le bal, conduit le bal,
Et Satan conduit le bal, conduit le bal.

WAGNER, BASSES

Et Satan conduit le bal, conduit le bal,
Et Satan conduit le bal, conduit le bal.

 

SCÈNE et CHOEUR

CHOEUR, VALENTIN, WAGNER, MÉPHISTOPHÉLÈS, SIEBEL, FAUST

CHOEUR

Merci de ta chanson !...

VALENTIN

Singulier personnage !

WAGNER (tendant un verre à Méphistophélès)

Nous ferez-vous l'honneur
De trinquer avec nous ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Volontiers !

(Il prend la main de Wagner et lui fait les lignes de la main)

Ah ! voici qui m'attriste pour vous !
Vous voyez cette ligne ?

WAGNER

Eh bien !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Fâcheux présage !
Vous vous ferez tuer en montant à l'assaut !

(Wagner retire sa main avec humeur)

SIEBEL

Vous êtes donc sorcier ?

MÉPHISTOPHÉLÈS (prenant la main de Siebel)

Tout juste autant qu'il faut
Pour lire dans ta main que le sort te condamne
À ne plus toucher une fleur
Sans qu'elle se fane.

SIEBEL (retirant vivement sa main)

Moi !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Plus de bouquets à Marguerite !...

VALENTIN

Ma soeur !
Qui vous a dit son nom ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Prenez garde, mon brave !
Vous vous ferez tuer par quelqu'un que je sais !

(Il prend la coupe de Wagner)

À votre santé !

(Il goûte le vin et le jette)

Pouah ! que ton vin est mauvais !
Permettez-moi de vous en offrir de ma cave.

(Il découvre un tonneau sur lequel figure la reproduction de Bacchus, cette dernière servant d'enseigne à l'auberge)

Holà ! seigneur Bacchus, à boire !

(Le vin coule à flot du tonneau)

Approchez-vous !
Chacun sera servi selon ses goûts !
À la santé que tout à l'heure
Vous portiez, mes amis, à Marguerite !

VALENTIN (lui arrachant le verre des mains)

Assez !
Si je ne te fais taire à l'instant, que je meure !

(Le vin s'enflamme dans la vasque placée au-dessous du tonneau. Valentin et Wagner tirent leurs épées)

WAGNER

Holà !

CHOEUR

Holà !

MÉPHISTOPHÉLÈS (se moquant)

Pourquoi trembler ! vous qui me menacez ?

(Valentin en position d'attaque; son épée fendant l'air. Il trace un cercle autour de Méphistophélès avec son épée, mais le fer de son épée se brise !)

VALENTIN

Mon fer, ô surprise,
Dans les airs se brise !

(Valentin, ainsi que les autres, s'avance vers Méphistophélès, pointant sur lui les gardes en forme de croix de leurs épées. Méphistophélès se retire)

 

CHORAL DES ÉPÉES

SIEBEL, VALENTIN, WAGNER, CHOEUR

MÉPHISTOPHÉLÈS, FAUST, SIEBEL, VALENTIN, WAGNER, CHOEUR

De l'enfer qui vient émousser nos armes,
De l'enfer qui vient émousser nos armes,
Nous ne pouvons pas repousser les charmes,
Nous ne pouvons pas repousser les charmes.
Mais puisque tu brises le fer,
Mais puisque tu brises le fer, regarde !
C'est une croix qui de l'enfer nous garde,
C'est une croix qui de l'enfer nous garde.

(Tous le monde s'en va. Méphistophélès reste seul, déprimé)

MÉPHISTOPHÉLÈS (remettant son épée au fourreau)

Nous nous retrouverons, mes amis !
Serviteur !

FAUST (entrant)

Qu'as-tu donc ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Rien !
À nous deux, cher docteur !
Qu'attendez-vous de moi ?
Par où commencerai-je ?

FAUST

Où se cache la belle enfant
Que ton art m'a fait voir ?
Est-ce un vain sortilège ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Non pas ! mais contre nous sa vertu la protège,
Et le ciel même la défend !

FAUST

Qu'importe ! Je le veux ! viens ! conduis-moi près d'elle,
Ou je me sépare de toi !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Il suffit !
Je tiens trop à mon nouvel emploi,
Pour vous laisser douter un instant de mon zèle.
Attendons !
Ici même, à ce signal joyeux,
La belle et chaste enfant
Va paraître à vos yeux !

 

VALSE et CHOEUR

MARGUERITE, SIEBEL, FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS et les CHOEURS

Les étudiants et les jeunes filles entrent bras dessus, bras dessous, suivis des musiciens. Les bourgeois et les villageois sont derrière eux. Les musiciens commencent à jouer

CHOEUR

Ainsi que la brise légère
Soulève en épais tourbillons
La poussière des sillons...
Que la valse nous entraîne !
Faites retentir la plaine
De l'éclat de vos chanson...

MÉPHISTOPHÉLÈS (à Faust)

Vois ces filles gentilles !
Ne veux-tu pas
Aux plus belles
D'entre elles
Offrir ton bras ?

FAUST

Non! fais trêve à ce ton moqueur,
Et laisse mon coeur à son rêve !

SIEBEL (entre)

C'est par ici que doit passer Marguerite !

Sopranos (s'approchant de Siebel)

Faut-il qu'une fille
À danser vous invite ?

SIEBEL

Non ! Non ! je ne veux pas valser !

CHOEUR

Ainsi que la brise légère
Soulève en épais tourbillons
La poussière des sillons...
Que la valse nous entraîne !
Faites retentir la plaine
De l'éclat de vos chansons.

(Marguerite paraît)

FAUST

La voici ! c'est elle !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Eh bien ! abordez-la !

SIEBEL (s'approche de Marguerite )

Marguerite !

MÉPHISTOPHÉLÈS (se tient devant Siebel et lui barre le chemin)

Plaît-il ?

SIEBEL

Maudit homme ! encor là !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Eh quoi ! mon ami, vous voilà !
Ah ! ah ! vraiment ! mon ami... vous voilà !

(Siebel recule devant Méphistophélès, lequel le chasse de la scène et se dirige vers les danseurs. Marguerite traverse la scène)

FAUST (accostant Marguerite)

Ne permettrez-vous pas,
Ma belle demoiselle
Qu'on vous offre le bras
Pour faire le chemin.

MARGUERITE

Non monsieur ! Je ne suis demoiselle, ni belle
Demoiselle, ni belle,
Et je n'ai pas besoin qu'on me donne la main !

(Elle s'en va)

FAUST (la contemplant)

Par le ciel !
Que de grâce, et quelle modestie !
O belle enfant ! je t'aime ! je t'aime ! je t'aime !

SIEBEL (revenant)

Elle est partie !...

MÉPHISTOPHÉLÈS (à Faust)

Eh bien?

FAUST

Eh bien ! On me repousse !

MÉPHISTOPHÉLÈS (riant)

Allons ! à tes amours,
Je le voix, cher docteur,
Il faut prêter secours !

(Il se retire avec Faust et prennent la même direction que Marguerite)

Sopranos (premier groupe de jeunes filles)

Qu'est-ce donc ?

Sopranos (deuxième groupe)

Marguerite, qui de ce beau seigneur refuse la conduite.

Choeur

Valsons ! valsons ! valsons !
Valsons encor ! Valsons toujours !...
Ainsi que la brise légère
Soulève en épais tourbillons
La poussière des sillons,
Que la valse vous entraîne !
Faites retenir la plaine
De l'éclat de vos chansons.
Jusqu'à prendre haleine,
Jusqu'à mourir,
Un Dieu les entraîne ;
C'est le plaisir !...
La terre tournoie
Et fuit loin d'eux,
Quel bruit ! quelle joie
Dans tous les yeux...
Jusqu'à perdre haleine,
Jusqu'à mourir
Un Dieu les entraîne ;
C'est le plaisir !...


ACTE III

 

COUPLETS

SIEBEL

Le jardin de Marguerite. À l'arrière plan, un mur et une petite porte ; à gauche, une tonnelle, à droite une maison avec une fenêtre tout proche des auditeurs. Des arbres, des arbustes... Siebel entre et s'arrête devant un parterre de roses et de lis

 

SIEBEL

Faites-lui mes aveux,
Portez mes voeux !
Fleurs écloses près d'elle,
dites-lui qu'elle est belle,
Que mon coeur nuit et jour
Languit d'amour !
Faites-lui les aveux,
Portez mes voeux !
Révélez à son âme
Le secret de ma flamme,
Qu'il s'exhale avec vous
Parfums plus doux !

(Il cueille une fleur)

Fanée ! hélas ce sorcier, que Dieu damne,
M'a porté malheur !
Je ne puis, sans qu'elle se fane
Toucher une fleur !

(Il tempe ses doigts dans un petit bénitier que se trouve sur le mur)

Si je trempais mes doigts dans l'eau bénite,
C'est là que chaque soir
Vient prier Marguerite !
Voyons maintenant ! voyons vite !

(Cueillant une autre fleur)

Elles se fanent ? Non !...
Satan je ris de toi !
C'est en vous que j'ai foi ;
Parlez pour moi !
Qu'elle puisse connaître
L'émoi qu'elle a fait naître,
Et dont mon coeur troublé
N'a point parlé !
C'est en vous que j'ai foi !
Parlez pour moi !
Si l'amour l'effarouche,
Que la fleur sur sa bouche
Sache au moins déposer
Un doux baiser
Un baiser, un doux baiser...

(Il s'éloigne)

 

Scène et Récitatif

FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS, SIEBEL

(Méphistophélès et Faust entrent prudemment)

FAUST

C'est ici !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Suivez-moi ?

FAUST

Que regardes-tu là ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Siebel, votre rival !

FAUST

Siebel ?

SIEBEL (de retour, ignorant la présence de Faust et de Méphistophélès)

Mon bouquet n'est-il pas charmant ?

MÉPHISTOPHÉLÈS (se moquant)

Charmant !

SIEBEL

Victoire ! Victoire ! Victoire !
Je lui raconterai demain toute l'histoire
Et, si l'on veut savoir le secret de mon coeur,
Un baiser lui dira le reste !

(Siebel attache le bouquet à la porte et s'en va)

MÉPHISTOPHÉLÈS (se moquant)

Séducteur !

(à Faust)

Attendez-moi là, cher docteur !
Pour tenir compagnie aux fleurs de votre élève,
Je vais vous chercher un trésor
Plus merveilleux, plus riche encor
Que tous ceux qu'elle voit en rêve !

FAUST

Laisse-moi !

MÉPHISTOPHÉLÈS

J'obéis ! Daignez m'attendre ici.

(Il s'en va)

 

Cavatine

FAUST

FAUST

Quel trouble inconnu me pénètre ?
Je sens l'amour s'emparer de mon être !
O Marguerite, à tes pieds me voici !
Salut ! demeure chaste et pure...
Où se devine la présence
D'une âme innocente de divine...
Que de richesse en cette pauvreté !
En ce réduit, que de félicité !...
O Nature,
C'est là que tu la fis si belle !
C'est là que cette enfant a dormi sous ton aile,
À grandi sous tes yeux.
Là que ton haleine
Enveloppant son âme,
Tu fis avec amour
Épanouir la femme
En cet ange des cieux !
Salut ! demeure chaste et pure !
Salut ! demeure chaste et pure,
Où se devine la présence
D'une âme innocente et divine !...
Scène

MÉPHISTOPHÉLÈS, FAUST

 

MÉPHISTOPHÉLÈS (de retour, transportant un écrin à bijoux)

Alerte la voilà !
Si le bouquet l'emporte
Sur l'écrin, je consens à perdre mon pouvoir.

FAUST

Fuyons: je veux ne jamais la revoir.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Quel scrupule vous prend ?
Sur le seuil de la porte,
Voici l'écrin placé ; venez, j'ai bon espoir.

(Il met l'écrin près des fleurs. Méphistophélès et Faust se cachent dans le jardin)

 

SCÈNE et AIR

MARGUERITE

(Marguerite entre par la petite porte et vient en silence sur scène)

MARGUERITE

Je voudrais bien savoir
Quel était ce jeune homme,
Si c'est un grand seigneur.
Et comment il se nomme ?

 

CHANSON DU ROI DE THULÉ

(Elle s'assied son rouet et tout en filant chante une veille ballade)

Il était un Roi de Thulé,
Qui, jusqu'à la tombe fidèle,
Eut, en souvenir de sa belle,
Une coupe en or ciselé.
Il avait bonne grâce, à ce qu'il m'a semblé.

(Reprenant sa chanson)

Nul trésor n'avait tant de charmes,
Dans les grands jours, il s'en servait
Et chaque fois qu'il y buvait
Ses yeux se remplissaient de larmes !
Quand il sentit venir la mort,
Etendu sur sa froide couche
Pour la porter jusqu'à sa bouche,
Sa main fit un suprême effort :
Je ne savais que dire, et j'ai rougi d'abord.

(Reprenant sa chanson)

Et puis, en l'honneur de sa dame...
Il but une dernière fois.
La coupe trembla dans ses doigts
Et doucement il rendit l'âme !
Les grands seigneurs ont seuls des airs si résolus,
Avec cette douceur !

(Elle range le rouet)

Allons, n'y pensons plus !
Cher Valentin ! si Dieu m'écoute,
Je te reverrai !
Me voilà toute seule !

(Remarquant les fleurs)

Un bouquet... C'est de Siebel, sans doute !
Pauvre garçon !

(Elle voit le coffret de bijoux)

Que vois-je là ?
D'où ce riche coffret peut-il venir ?
Je n'ose y toucher et pourtant...
Voici la clef je crois !...
Si je l'ouvrais !... ma main tremble !... Pourquoi ?
Je ne fais, en l'ouvrant, rien de mal, je suppose !

(Elle ouvre le couvercle)

O Dieu ! que de bijoux !
Est-ce un rêve charmant qui m'éblouit,
Ou si je veille ?
Mes yeux n'ont jamais vu
De richesse pareille !

(Elle pose l'écrin et s'agenouille pour regardes les bijoux. Elle prend les pendants d'oreilles)

Si j'osais seulement
Me parer un moment
De ces pendants d'oreilles !...
Ah ! Voici justement,
Au fond de la cassette,
Un miroir ! Comment n'être pas coquette ?...
 

L'Air des Bijoux

MARGUERITE

(Elle met les pendants d'oreilles et se regarde dans le miroir)

Ah ! je ris de me voir
Si belle en ce miroir...
Est-ce toi, Marguerite, est-ce toi ?
Réponds-moi... réponds-moi vite !
Non ! non ! ce n'est plus toi !... non... non
Ce n'est plus ton visage ;
C'est la fille d'un roi...
Ce n'est plus toi...
C'est la fille d'un roi
Qu'on salue au passage !
Ah ! s'il était ici !
S'il me voyait ainsi !
Comme une demoiselle
Il me trouverait belle...
Comme une demoiselle
Il me trouverait belle...

(Elle retourne vers le coffret à bijoux)

Achevons la métamorphose.
Il me tarde encor d'essayer
Le bracelet et le collier !

(Elle met le bracelet ainsi que le collier de perles)

Dieu ! c'est comme une main,
Qui sur mon bras se pose !
Ah! je ris de me voir si belle en ce miroir !...
Est-ce toi, Marguerite, est-ce toi ?
Réponds-moi... réponds-moi,
Réponds, réponds. Réponds vite !
Ah ! s'il était ici !
S'il me voyait ainsi,
Comme une demoiselle
Il me trouverait belle...
Marguerite, ce n'est plus toi
Ce n'est plus ton visage !
Non ! c'est la fille d'un roi
Qu'on salue au passage.

 

SCÈNE et QUATUOR

DAME MARTHE, MARGUERITE, MÉPHISTOPHÉLÈS, FAUST

 

DAME MARTHE (entre)

Seigneur Dieu, que vois-je !
Comme vous voilà belle, mon ange !
D'où vous vient ce riche écrin ?

MARGUERITE

Hélas ! On l'aura par mégarde apporté !

DAME MARTHE

Que non pas !
Ces bijoux sont à vous, ma chère demoiselle.
Oui, c'est là le cadeau d'un Seigneur amoureux !
Mon cher époux jadis était moins généreux !

(Entrent Méphistophélès et Faust)

MÉPHISTOPHÉLÈS (saluant)

Dame Marthe Schwerlein, si vous plaît ?

DAME MARTHE

Qui m'appelle ?

MÉPHISTOPHÉLÈS (à Marguerite)

Pardon d'oser ainsi nous présenter chez vous !

(Bas à Faust)

Vous voyez qu'elle a fait bon accueil aux bijoux !

(À haute voix)

Dame Marthe Schwerlein ?

DAME MARTHE

Me voici !

MÉPHISTOPHÉLÈS

La nouvelle que j'apporte
N'est pas pour vous mettre en gaîté.
Votre mari, madame,
Est mort, et vous salue.

DAME MARTHE

Ah ! grand Dieu !

(Elle s'évanouit)

MARGUERITE

Qu'est-ce donc ?

MÉPHISTOPHÉLÈS (réanimant Marthe)

Rien !

DAME MARTHE

O calamité !
O nouvelle imprévue !

MARGUERITE (à part)

Malgré moi
Mon coeur tremble et tressaille à sa vue !

FAUST (à part)

La fièvre de mes sens se dissipe à sa vue !

MÉPHISTOPHÉLÈS (à Marthe)

Malgré moi
Mon coeur tremble et tressaille à sa vue !

DAME MARTHE (à Méphistophélès)

Ne m'apportez-vous rien de lui ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Rien ! et pour le punir, il faut dès aujourd'hui
Chercher quelqu'un qui le remplace !

FAUST (à Marguerite)

Pourquoi donc quitter ces bijoux ?

MARGUERITE

Ces bijoux ne sort pas à moi,
Laissez, laissez de grâce...

MÉPHISTOPHÉLÈS (Affectant un certain empressement, vis-à-vis de Marthe)

Qui ne serait heureux d'échanger avec vous
La bague d'hyménée !

DAME MARTHE (à part)

Ah ! bah !

(à haute voix)

Plaît-il ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Hélas ! cruelle destinée !

FAUST (à Marguerite)

Prenez mon bras un moment !

MARGUERITE

Laissez, je vous en conjure !...

MÉPHISTOPHÉLÈS (offrant son bras à Marthe)

Votre bras...

DAME MARTHE (à part)

Il est charmant !

MÉPHISTOPHÉLÈS (à part)

La voisine est un peu mûre...

(Marguerite prend le bras de Faust et ils se promènent dans le jardin)

DAME MARTHE

Quelle noble allure !

FAUST

Ame douce et pure !

DAME MARTHE

Ainsi, vous voyagez toujours ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Toujours ! Dure nécessité, madame... Dure nécessité...

Sans amis, sans parents, sans femme ! Ah !

DAME MARTHE

Cela sied encore aux beaux jours...
Mais plus tard, plus tard ! combien il est triste
De vieillir seul, en égoïste...

MÉPHISTOPHÉLÈS

J'ai frémi souvent, j'en conviens...
Devant cette horrible pensée !

DAME MARTHE

Avant que l'heure en soit passée,
Digne seigneur, songez-y bien...

MÉPHISTOPHÉLÈS

J'y songerai !...

(Ils marchent ensemble dans le jardin. Faust et Marguerite reviennent)

FAUST

Eh quoi ! toujours seule ?

MARGUERITE

Mon frère est soldat,
J'ai perdu ma mère,
Puis ce fut un autre malheur,
Je perdis ma petite soeur !
Pauvre ange !... Elle n'était bien chère !
C'était mon unique souci...
Que de soins, hélas ! que de peines !
C'est quand nos âmes en sont pleines
Que la mort nous les prend ainsi...
Sitôt qu'elle s'éveillait
Vite, il fallait que je fusse là !
Elle n'aimait que Marguerite !
Pour la voir, la pauvre petite,
Je reprendrais bien tout cela !

FAUST

Si le ciel, avec un sourire,
L'avait faite semblable à toi,
C'était un ange, un ange !
Oui je le crois !

(Méphistophélès et Marthe reviennent)

MARGUERITE (à Faust)

Vous moquez-vous ?
Je ne vous crois pas !
Je ne vous crois pas !
Et de moi, tout bas,
Vous riez, vous riez sans doute !
J'ai tort de rester
Pour vous écouter...
Et pourtant... j'écoute...
Voici la nuit !
Laissez-moi !

FAUST

Non, non, je t'admire.
Laisse-moi ton bras...
Dieu, ne m'a-t-il pas
Conduit sur ta route ?
Pour redouter,
Hélas ! redouter,
D'écouter ?
Mon coeur parle...
Ecoute... mon coeur parle...
Chère...

(Marguerite s'écarte de lui et s'en va. Faust la suit)

Ah ! méchante, on me fuit !
Marguerite !...

MARTHE (à Méphistophélès)

Vous n'entendez pas...
Ou de moi tout bas
Vous riez sans doute !...
Avant d'écouter
Pourquoi vous hâter
De vous mettre en route...

MÉPHISTOPHÉLÈS (à Marthe)

Ne m'accusez pas...
Si je dois me remettre en route...
L'entretien devient trop tendre ;
L'entretien devient trop tendre ; esquivons-nous !

(Il se cache derrière un arbre)

MARTHE (à part)

Comment m'y prendre ?

(à haute voix)

Eh bien ! il est parti... Seigneur !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Oui... cours après moi...

MARTHE

Cher Seigneur !

(Elle court après lui)

MÉPHISTOPHÉLÈS

Ouf ! cette vieille impitoyable,
De force ou de gré, je crois,
Allait épouser le diable !

FAUST (dans la coulisse)

Marguerite !...

MARTHE

Cher seigneur !...

MÉPHISTOPHÉLÈS

Serviteur !...
Serviteur !...

 

Scène

MÉPHISTOPHÉLÈS

Il était temps !
Sous le feuillage sombre
Voici nos amoureux qui reviennent !...
C'est bien !
Gardons-nous de troubler un si doux entretien !
Nuit, étends sur eux ton ombre !
Amour, ferme leur âme aux remords importuns !
Et vous, fleurs aux subtils parfums,
Epanouissez-vous
Sous cette main maudite !
Achevez de troubler le coeur de Marguerite !

(Il disparaît dans l'ombre)

 

Duo

MARGUERITE, FAUST, puis MÉPHISTOPHÉLÈS

MARGUERITE (revient avec Faust)

Il se fait tard, adieu !

FAUST

Quoi ! je t'implore en vain !
Attends !
Laisse ta main s'oublier dans la mienne,
Laisse-moi, contempler ton visage...
Sous la pâle clarté
Dont l'astre de la nuit, comme dans un nuage,
Caresse, ta beauté.

MARGUERITE

O silence... ô bonheur !
Ineffable mystère !...
Enivrante langueur !...
J'écoute et je comprends cette voix solitaire
Qui chante, dans mon coeur !...
Laissez un peu, de grâce...

FAUST

Qu'est-ce donc ?

MARGUERITE (effeuillant les pétales d'une fleur)

Un simple jeu !
Laissez, laissez un peu !

FAUST

Que dit ta bouche à voix basse ?

MARGUERITE

Il m'aime, il ne m'aime pas...

FAUST

Oui, crois en cette fleur éclose sous tes pas...
Qu'elle soit pour ton coeur
L'oracle du ciel même !...
Il t'aime ! comprends-tu ce mot sublime et doux ?
Aimer !
Porter en nous une ardeur toujours nouvelle !...
Nous enivrer sans fin d'une joie éternelle !

MARGUERITE, FAUST

Éternelle !...

FAUST

O nuit d'amour ! ciel radieux !
O douces flammes !
Le bonheur silencieux
Verse les cieux, les cieux
Dans nos deux âmes !

MARGUERITE

Je veux t'aimer et te chérir !
Parle encore ! Je t'appartiens ! Je t'adore !
Pour toi je veux mourir !
Parle... parle encore !...
Ah ! je t'adore !
Pour toi je veux mourir...

(Elle s'arrache à son étreinte)

FAUST

Marguerite...

MARGUERITE

Ah partez !

FAUST

Marguerite ! cruelle...

MARGUERITE

Ah partez ! Je chancelle !

FAUST

Me séparer de toi ! cruelle...

MARGUERITE

Laissez-moi !...
Ah ! partez, partez, oui partez vite...
Partez, je tremble, hélas !... j'ai peur !
Ne brisez pas le coeur de Marguerite !...

FAUST

Tu veux, tu veux que je te quitte !
Vois ma douleur, hélas ! vois ma douleur !...
Marguerite !... tu me brises le coeur !...
Par pitié ! Marguerite...

MARGUERITE

Si je vous suis chère,
Par votre amour, par ces aveux
Que je devais taire,
Cédez à ma prière, cédez à mes voeux !...
Partez, partez, oui, partez vite !
Partez, je tremble hélas ! j'ai peur !
Ne brisez pas le coeur de Marguerite...

FAUST (maîtrisant son émotion)

Divine pureté !
Chaste innocence,
Dont la puissance
Triomphe de ma volonté !...
J'obéis ! mais demain...

MARGUERITE

Oui, demain, dès l'aurore, demain, toujours !...

FAUST

Un mot encore !
Répète-moi ce doux aveu !
Tu m'aimes ?

(Marguerite va vers la maison en toute hâte, elle s'arrête un instant sur le seuil de la porte et envoie un baiser à Faust)

MARGUERITE

Adieu !

FAUST

Félicité du ciel !
Ah ! fuyons !

(Il se dirige vers la porte du jardin. Méphistophélès lui barre le chemin)

MÉPHISTOPHÉLÈS

Tête folle !

FAUST

Tu nous écoutais ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Par bonheur !
Vous auriez grand besoin, docteur,
Qu'on vous renvoyât à l'école !...

FAUST

Laisse-moi 1

MÉPHISTOPHÉLÈS

Daignez seulement écouter un moment,
Ce qu'elle va conter aux étoiles,
Cher maître !...

(Marguerite ouvre sa fenêtre)

Tenez !
Elle ouvre sa fenêtre.

MARGUERITE

Il m'aime ! il m'aime !
Quel trouble en mon coeur !
L'oiseau chante,
Le vent murmure !
Toutes les voix de nature
Me redisent en choeur
« Il t'aime » ! « Il t'aime » !
Ah ! qu'il est doux de vivre !
Le ciel me sourit ;
L'air m'enivre, l'air m'enivre.
Est-ce de plaisir et d'amour
Que la feuille tremble et palpite ?
Demain ! Demain ! Ah ! presse ton retour, cher bien-aimé !
Viens ! Viens ! Ah !

(Elle se donne à l'étreinte de Faust. Méphistophélès sarcastique rit bruyamment tout en quittant le jardin)

FAUST (se précipitant à la fenêtre)

Marguerite !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Hein !

ACTE IV

Entracte et Récitatif

MARGUERITE - Choeur

MARGUERITE

Elles ne sont plus là...
Je riais avec elles
Autrefois... maintenant.

Choeur (soprani) (dans la coulisse)

La galant étranger s'enfuit et court encor !

 

Scène

MARGUERITE, SIEBEL

MARGUERITE

Elles se cachaient ! ah ! cruelles !
Je ne trouvais pas d'outrage assez fort !
Jadis, pour les péchés des autres !
Un jour vient où l'on est sans pitié pour les nôtres !
Je ne suis que honte à mon tour !
Et pourtant Dieu le sait,
Je n'étais pas infâme ;
Tout ce qui t'entraîna, mon âme,
N'était que tendresse et qu'amour !
Il ne revient pas...
J'ai peur, je frissonne
Je languis, hélas !
En vain l'heure sonne ;
Il ne revient pas !
Où donc peut-il être ?...
Seule à ma fenêtre,
Je plonge là-bas, Mon regard, hélas ! hélas !
Où donc peut-il être ?
Il ne revient pas !
Je n'ose me plaindre
Il faut me contraindre !
Je pleure tout bas...
S'il pouvait connaître
Ma douleur ! hélas !
Où donc peut-il être ?
Il ne revient pas !
Oh ! le voir, entendre le bruit de ses pas,
Mon coeur est si las,
Si las de l'attendre !
Il ne revient pas...
Mon seigneur, mon maître !
S'il allait paraître...
Quelle joie !
Hélas ! hélas !
Où donc peut-il être ?
Il ne revient pas !

(Siebel entre précipitamment)

SIEBEL

Marguerite

MARGUERITE

Siebel

SIEBEL

Encor des pleurs !

MARGUERITE

Hélas ! vous seul ne me maudissez pas...

SIEBEL

Je ne suis qu'un enfant,
Mais j'ai le coeur d'un homme
Et je vous vengerai de son lâche abandon,
Je le tuerai !

MARGUERITE

Qui donc ?

SIEBEL

Faut-il que je le nomme ?
L'ingrat qui vous trahit !...

MARGUERITE

Non, taisez-vous !...

SIEBEL

Pardon ! vous l'aimez encore ?

MARGUERITE

Oui ! toujours... toujours...
Mais ce n'est pas à vous de plaindre mon ennui,
J'ai tort, Siebel, de vous parler de lui,
Soyez béni, Siebel, votre amitié m'est douce !
Ceux dont la main cruelle me repousse
N'ont pas fermé pour moi les portes du Saint-Lieu !...
J'y vais, pour mon enfant et pour lui, prier Dieu !...

 

Scène de l'église

MARGUERITE, MÉPHISTOPHÉLÈS, Choeur des démons - Choeur religieux

Quelques femmes entrent dans l'église. Marguerite entre à son tour et se met à genoux

MARGUERITE

Seigneur, daignez permettre à votre humble servante
De s'agenouiller devant vous.

MÉPHISTOPHÉLÈS (apparaît derrière un pilier)

Non ! tu ne prieras pas !
Non ! tu ne prieras pas !
Frappez-la d'épouvante !
Esprits du mal, accourez tous !

Choeur des Démons

Marguerite!

MARGUERITE

Qui m'appelle ?
Je chancelle ! je meurs !...
Dieu bon ! Dieu clément !
Est-ce déjà l'heure du châtiment ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Souviens-toi du passé, quand sous l'aile des anges
Abritant ton bonheur,
Tu venais dans son temple,
En chantant ses louanges,
Adorer le Seigneur,
Lorsque tu bégayais une chaste prière
D'une timide voix,
Et portais dans ton coeur les baisers de ta mère,
Et Dieu tout à la fois !
Ecoute ces clameurs, c'est l'enfer qui t'appelle,
C'est l'enfer qui te suit !
C'est l'éternel remords, c'est l'angoisse éternelle
Dans l'éternelle nuit !

MARGUERITE

Dieu ! quelle est cette voix qui me parle dans l'ombre ?
Dieu tout puissant !
Quel voile sombre sur moi descend ?

Choeur Religieux

Quand du Seigneur le jour luira
Sa croix au ciel resplendira
Et l'univers s'écroulera !

MARGUERITE

Hélas ! hélas !
Ce chant pieux est plus terrible encore !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Non ! pour toi Dieu n'a plus de pardon !
Pour toi le ciel n'a plus d'aurore ! non ! non !

Choeur Religieux

Que dirai-je alors au Seigneur,
Où trouverai-je un protecteur,
Quand l'innocent n'est pas sans peur !

MARGUERITE

Ah ! ce chant m'étouffe et m'oppresse,
Je suis dans un cercle de fer !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Adieu les nuits d'amour,
Et les jours pleins d'ivresse !
À toi malheur ! à toi l'enfer !

MARGUERITE

Seigneur, Seigneur, accueillez la prière
Des coeurs malheureux !
Qu'un rayon de votre lumière
Descende sur eux !...
Seigneur, accueillez la prière
La prière des coeurs malheureux !
Qu'un rayon de votre lumière
Descende sur eux !...

Choeur Religieux

Seigneur, Seigneur ! accueillez la prière
Des coeurs malheureux !
Qu'un rayon de votre lumière
Descende sur eux !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Marguerite, sois maudite ! à toi l'enfer !

MARGUERITE

Ah !

 

Le Choeur des soldats

Choeur des soldats, VALENTIN, SIEBEL

À gauche, la maison de Marguerite

Choeur des soldats

Déposons les armes...
Dans nos foyers
Enfin nous voici revenus,
Nos mères en larmes,
Nos mères et nos soeurs
Ne nous attendront plus...

VALENTIN (remarquant Siebel)

Eh ! parbleu ! c'est Siebel !

SIEBEL (embarrassé)

En effet, je...

VALENTIN

Viens vite, viens dans mes bras !
Et Marguerite ?

SIEBEL

Elle est à l'église, je crois...

VALENTIN

Oui, priant Dieu pour moi...
Oui, priant Dieu pour moi...
Chère soeur !
Comme elle va prêter une oreille attentive
Au récit de nos combats !

Choeur

Oui, c'est plaisir dans les familles
De conter aux enfants qui frémissent tout bas,
Aux vieillards, aux jeunes filles,
La guerre et ses combats...
La guerre, la guerre et ses combats...
 
Gloire immortelle de nos aïeux,
Sois nous fidèle, mourons comme eux !
Et sous ton aile, soldats vainqueurs,
Dirige nos pas... enflamme nos coeurs !
Pour toi, mère partie,
Affrontant le sort,
Tes fils, l'âme aguerrie,
Ont bravé la mort.
Ta voix sainte nous crie :
En avant, soldats !
Le fer à la main... le fer à la main...
Courez aux combats !...
Gloire aux combats !...
Gloire..., etc.
Vers nos foyers, hâtons le pas,
On nous attend, la paix est faite,
Plus de soupirs ! ne tardons pas,
Vers nos foyers, hâtons le pas
Notre pays nous tend les bras
L'amour nous rit, l'amour nous fête.
Et plus d'un coeur frémit tout bas...
Au souvenir de nos combats...
Hâtons le pas, ne tardons pas...
Gloire..., etc.

(Les soldats s'en vont. Seuls restent Valentin et Siebel)

 

Récit

VALENTIN, SIEBEL

VALENTIN

Allons, Siebel, entrons dans la maison !
Le verre en main, tu me feras raison !

SIEBEL

Non... n'entre pas !

VALENTIN

Pourquoi ?... tu détournes la tête...
Ton regard fuit le mien...
Siebel, explique-toi ?

SIEBEL (avec un certain effort)

Eh bien !... non, je ne puis !

(Siebel se tient devant la maison)

VALENTIN

Que veux-tu dire?

SIEBEL

Arrête ! sois clément, Valentin !

(Il essaie de retenir Valentin)

VALENTIN

Laisse-moi, laisse moi !

(Il se précipite dans la maison)

SIEBEL

Pardonne-lui !
Mon Dieu ! je vous implore !
Mon Dieu, protégez-la !

 

Scène et Sérénade

MÉPHISTOPHÉLÈS, FAUST

Entrent Faust et Méphistophélès, ce dernier transporte une guitare. Faust se dirige vers la maison de Marguerite, puis s'arrête

MÉPHISTOPHÉLÈS

Qu'attendez-vous encore ? entrons dans la maison !

FAUST

Tais-toi, maudit !
J'ai peur de rapporter ici
La honte et le malheur.

MÉPHISTOPHÉLÈS

À quoi bon la revoir, après l'avoir quittée,
Notre présence ailleurs serait bien mieux fêtée !
Le sabbat nous attend !

FAUST

Marguerite !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Je vois que mes avis sont vains
Et que l'amour l'emporte !
Mais, pour vous faire ouvrir la porte,
Vous avez grand besoin du secours de ma voix.

(Faust plongé dans ses pensés, s'en va)

MÉPHISTOPHÉLÈS (s'accompagnant à la guitare)

Vous qui faites l'endormie,
N'entendez-vous pas...
O Catherine, ma mie,
N'entendez-vous pas
Ma voix et mes pas ?
Ainsi ton galant t'appelle...
Et ton coeur l'en croit.
Ah ! Ah ! Ah !...
 
N'ouvre ta porte, ma belle,
Que la bague au doigt...
Catherine que j'adore,
Pourquoi refusez...
À l'amant qui vous implore,
Pourquoi refusez un si doux baiser ?
Ainsi ton galant supplie...
Et ton coeur l'en croit.
Ah ! Ah ! Ah !
Ne donne un baiser, ma mie
Que la bague au doigt...
Ah ! Ah ! Ah !

 

Trio du duel

VALENTIN, MÉPHISTOPHÉLÈS, FAUST

VALENTIN (se précipite hors de la maison)

Que voulez-vous, messieurs ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Pardon ! mon camarade, pardon !
Mais ce n'est pas pour vous
Qu'était la sérénade !

VALENTIN

Ma soeur l'écouterait mieux que moi,
Je le sais !!

(Valentin brise la guitare de Méphistophélès)

FAUST (à part)

Sa soeur !...

MÉPHISTOPHÉLÈS

Quelle mouche vous pique ?...
Vous n'aimez donc pas la musique ?

VALENTIN

Assez d'outrage !... assez !
À qui de vous dois-je demander compte
De mon malheur, et de ma honte ?
Qui de vous deux doit tomber sous mes coups ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Vous le voulez ?... Allons, docteur, allons, à vous !

FAUST (à part)

Terrible et frémissant,
Il glace mon courage !...
Terrible et frémissant,
Il glace mon courage !...
Dois-je verser le sang
Du frère que j'outrage.

VALENTIN

Redouble, ô Dieu puissant !
Ma force et mon courage !
Redouble, redouble, ma force et mon courage !
Permets que dans son sang je lave mon outrage,
Dieu puissant !... redouble mon courage !

MÉPHISTOPHÉLÈS

De sont air menaçant,
De son aveugle rage...
Moi, je ris ! Mon bras puissant
Va détourner l'orage...

VALENTIN (serrant dans sa main la médaille pendue à son cou)

Et toi que préserva mes jours,
Toi qui me viens de Marguerite,
Je ne veux plus de ton secours...
Médaille maudite ! Je ne veux plus de ton secours !

(Il jette la médaille par terre)

MÉPHISTOPHÉLÈS (à part)

Tu t'en repentiras...
Tu t'en repentiras...

FAUST

Terrible et frémissant,
Il glace mon courage !...
Terrible et frémissant,
Il glace mon courage !...
Dois-je verser le sang
Du frère que j'outrage.

VALENTIN

Redouble, ô Dieu puissant !
Ma force et mon courage !
Redouble, redouble, ma force et mon courage !
Permets que dans son sang je lave mon outrage,
Dieu puissant !... redouble mon courage !

MÉPHISTOPHÉLÈS

De sont air menaçant,
De son aveugle rage...
Moi, je ris ! Mon bras puissant
Va détourner l'orage...

VALENTIN

En garde, et défends-toi !

MÉPHISTOPHÉLÈS (dit doucement à Faust)

Serrez-vous contre moi
Et poussez seulement, cher docteur, moi, je pare.

(Valentin engage le combat)

VALENTIN (tombe, mortellement blessé)

Ah !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Voici notre héros étendu sur le sable !
Au large maintenant, au large !

(Il entraîne Faust au loin)

 

Mort de VALENTIN

MARTHE, Choeur, VALENTIN, MARGUERITE, SIEBEL

Marthe et les Citadins entrent portant des torches

MARTHE

Par ici, par ici, mes amis !
On se bat dans la rue !...
L'un d'eux est tombé là ;
Regardez, le voici !

Choeur

Par ici, par ici, mes amis !
On se bat dans la rue !...
L'un d'eux est tombé là ;
Regardez, le voici !
Il n'est pas encor mort,
On dirait qu'il remue !
Vite, approchons !
Il faut le secourir !...
Il faut le secourir !...

VALENTIN (Il se relève avec un certain effort)

Merci ! merci !
De vos plaintes faites-moi grâce !
J'ai vu, morbleu ! la mort en face
Trop souvent pour en avoir peur !

MARGUERITE (et Siebel apparaissent)

Valentin ! Valentin !

VALENTIN

Marguerite, ma soeur,
Que me veux-tu ? va-t'en !

(Marguerite se fraie un chemin à travers la foule et s'agenouille devant Valentin)

MARGUERITE

O Dieu !

VALENTIN

Je meurs par elle !
J'ai sottement cherché querelle
À son amant !

Choeur

Son amant !

SIEBEL (à Valentin)

Grâce ! grâce !
Pour elle grâce ! Soyez clément !

MARGUERITE

Douleur cruelle !
O châtiment...

Choeur

Il meurt pour elle !
Il meurt frappé par son amant !

VALENTIN

Écoute-moi bien, Marguerite :
Ce qui doit arriver, arrive à l'heure dite !
La mort nous frappe quand il faut,
Et chacun obéit aux volontés d'en haut !
Toi ! te voilà dans la mauvaise voie,
Tes blanches mains ne travailleront plus !
Tu renieras, pour vivre dans la joie,
Tous les devoirs et toutes les vertus !
Va ! la honte t'accable !
Le remords suit tes pas !
Mais enfin l'heure sonne !
Meurs ! et si Dieu te pardonne,
Sois maudite ici-bas !...

Choeur

O terreur ! O blasphème
À ton heure suprême, infortuné...
Songe, hélas ! à toi-même ;
Pardonne, si tu veux être un jour pardonné !

VALENTIN

Marguerite, sois maudite !
La mort t'attend sur ton grabat !
Moi... je meurs de ta main... et je tombe en soldat.

Choeur

Que le Seigneur ait son âme
Et pardonne au pécheur.

ACTE V

La nuit de Walpurgis

Choeur, FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS

(Les montagnes du Hartz. Dans l'obscurité, les démons et les sorcières font un sabbat)

Choeur

Dans les bruyères
Dans les roseaux,
Parmi les pierres
Et sur les eaux,
De place en place,
Perçant la nuit,
S'allume et passe
Un feu qui lui.
Alerte, alerte !
De loin, de près
Dans l'herbe verte
Sous les cyprès.
Mouvantes flammes,
Rayons glacés,
Ce sont les âmes
Des trépassés...

FAUST

Arrête !

MÉPHISTOPHÉLÈS

N'as-tu pas promis
De m'accompagner sans rien dire ?

FAUST

Où sommes-nous ?

MÉPHISTOPHÉLÈS

Dans mon empire !
Ici, docteur, tout m'est soumis !
Voici la nuit de Walpurgis.

Choeur

Voici la nuit de Walpurgis.
Hou, hou...

FAUST

Mon sang se glace !

(Il veut fuir)

MÉPHISTOPHÉLÈS (le retenant)

Attends ! je n'ai qu'un signe à faire,
Pour qu'ici tout change et s'éclaire !

(La montagne s'entrouvre et lasse voir un vaste palais resplendissant d'or, au milieu duquel se dresse une table richement servie et entourée des riens, et des courtisanes de l'antiquité)

Jusqu'aux premiers feux du matin,
À l'abri des regards profanes,
Je t'offre une place au festin
Des reines et des courtisanes.

Choeur

Que les coupes s'emplissent,
Au nom des anciens dieux,
Que les airs retentissent
De nos accords joyeux.

MÉPHISTOPHÉLÈS

Reines de beauté
De l'antiquité,
Cléopâtre aux doux yeux,
Laïs, au front charmant,
Laissez-nous, laissez-nous
Au banquet prendre place un moment.

(à Faust)

Allons ! allons ! pour guérir la fièvre
De ton coeur blessé,
Prends cette coupe, et que ta lèvre
Y puise l'oubli du passé.

Choeur

Que les coupes s'emplissent,
Au nom des anciens Dieux,
Que les airs retentissent
De nos accords joyeux !
Ballet

MÉPHISTOPHÉLÈS

Que ton ivresse ô volupté,
Etouffe le remords dans son coeur enchanté !...

(Faust voit apparaître en vision Marguerite)

Qu'as-tu donc ?

FAUST

Ne le vois-tu pas, là...
Devant nous, muette et blême ?...
Quel étrange ornement
Autour de ce beau cou !
Un ruban rouge qu'elle cache !
Un ruban rouge,
Étroit comme un tranchant de hache !
Marguerite ! je sens se dresser mes cheveux !
Je veux la voir ! viens ! je le veux !

 

Scène de la prison

FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS, MARGUERITE

 

FAUST (à Méphistophélès)

Va t-en !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Le jour va luire ; on dresse l'échafaud,
Décide sans retard Marguerite à te suivre
Le geôlier dort, voici les clefs
Il faut que ta main d'homme la délivre.

FAUST

Laisse-nous !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Hâte-toi ! Moi, je veille au-dehors !

FAUST

Mon coeur est pénétré d'épouvante !
O torture !
O source de regrets de d'éternels remords !
C'est elle, la voici, la douce créature,
Jetée au fond d'une prison
Comme une vile criminelle !
Le désespoir égara sa raison !
Son pauvre enfant, ô Dieu !
Son pauvre enfant tué, tué par elle !
Marguerite ! Marguerite !

MARGUERITE (se réveille)

Ah ! c'est la voix du bien aimé !
À son appel, mon coeur s'est ranimé !

FAUST

Marguerite !

MARGUERITE

Au milieu de vos éclats de rire,
Démons qui m'entourez, j'ai reconnu sa voix !
Sa main, sa douce main m'attire !
Je suis libre ! il est là !
Je l'entends, je le vois !
Oui, c'est toi, je t'aime,
Oui, c'est toi, je t'aime,
Les fers, la mort même ne me fond plus peur !
Tu m'as retrouvée...
Ma voilà sauvée...
C'est toi, je suis sur ton coeur !

FAUST

Oui, c'est moi, je t'aime,
Oui, c'est moi, je t'aime,
Malgré l'effort même
Du démon moqueur,
Je t'ai retrouvée...
Te voilà sauvée,
C'est moi, viens, viens sur mon coeur !

(Il essaie de l'emmener, elle se retire des ses bras)

MARGUERITE (ses pensées vagabondent)

Attends !
Voici la rue
Où tu m'as vue
Pour la première fois,
Où votre main osa presque
effleurer mes doigts.
« Ne permettez-vous pas, ma belle demoiselle,
Qu'on vous offre le bras pour faire le chemin ? »
« Non monsieur,
Je ne suis demoiselle ni belle, demoiselle ni belle,
Et je n'ai pas besoin qu'on me donne la main ».

FAUST

Oui mon coeur se souvient...
Mais suis-moi, l'heure passe...

MARGUERITE

Et voici le jardin charmant,
Parfumé de myrte et de rose,
Où chaque soir discrètement
Tu pénétrais à la nuit close...

FAUST

Viens, viens, Marguerite.

MARGUERITE

Non !

FAUST

Viens, viens, fuyons !

MARGUERITE

Non ! non ! reste encore.

FAUST

O ciel ! Elle ne m'entend pas !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Alerte !... ou vous êtes perdus !
Si vous tardez encor, je ne m'en mêle plus !

MARGUERITE

Le démon... le démon ! le vois-tu ? là dans l'ombre...
Fixant sur nous son oeil de feu ?
Que nous veut-il ? chasse-le du Saint-Lieu !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Quittons ce lieu sombre, le jour est levé ;
De leur pied sonore
J'entends nos chevaux frapper le pavé,
Viens, sauvons-la !
Peut-être, il en est temps encore !

MARGUERITE

Mon Dieu, protégez-moi !

FAUST

Viens !

MARGUERITE

Mon Dieu, je vous implore !

FAUST

Fuyons ! Peut-être, il en est temps encore !

MARGUERITE

Anges purs, anges radieux
Portez mon âme au sein hes cieux !
Dieu juste, à toi je m'abandonne !
Dieu bon, je suis à toi, pardonne !
Anges purs, anges radieux,
Portez mon âme au sein des cieux !...

FAUST

Viens, suis-moi, je le veux !

MARGUERITE

Anges pur, anges radieux,
Portez mon âme au sein des cieux !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Hâtons-nous !

MARGUERITE

Dieu juste, à toi je m'abandonne !

FAUST

Viens ! suis-moi !... je le veux !
Viens, viens ! quittons ces lieux
Déjà le jour envahit les cieux !
Viens ! viens ! c'est moi
C'est moi que te l'ordonne !
Viens ! viens !quittons ces lieux !
Déjà le jour envahit les cieux !

MÉPHISTOPHÉLÈS

L'heure sonne !
Déjà le jour envahit, envahit les cieux !
Hâtons-nous, hâtons-nous de quitter ces lieux,
Déjà le jour envahit les cieux !
Suis nos pas...
Viens, ou je t'abandonne !
Hâtons-nous, hâtons-nous de quitter ces lieux !
Déjà le jour envahit les cieux !

FAUST

Marguerite !...

MARGUERITE

Pourquoi ce regard menaçant ?
Pourquoi ces mains rouges de sang ?
Va ! tu me fais horreur !

FAUST

Ah !

MÉPHISTOPHÉLÈS

Jugée !
 

Apothéose

Choeur céleste

Choeur céleste

Sauvée !
Christ est ressuscité !
Christ vient de renaître !
Paix et félicité
Aux disciples du Maître !
Christ vient de renaître !
Christ vient de renaître !
Christ est ressuscité !

(Les portes de la prison s'ouvert. L'âme de Marguerite monte au ciel. Faust, désespéré la contemple et tombe à ses genoux en priant. Méphistophélès se retire avant d'avoir à subir la gloire de l'épée de l'Archange).


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