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Marius AUTRAN
Jean-Claude AUTRAN
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Archives familiales : Répertoire lyrique

MIREILLE

OPÉRA en 5 ACTES

Livret français de Michel CARRÉ
tiré du poème provençal de Frédéric Mistral, Miréio
Musique de Charles GOUNOD

Ouvrage créé le 19 mars 1864 à Paris, au Théâtre Lyrique.

L'année même de la création (16 décembre 1864), Gounod remanie son ouvrage en trois actes, version qui reste au répertoire jusqu'en 1889, date du retour (à l'Opéra-Comique) au découpage initial, mais avec des récitatifs à la place des dialogues et un final différent dans lequel Mireille et Vincent se marient. Le final primitif est repris en 1901 et la version originale en 1939 sous la direction de Reynaldo Hahn.

Distribution, rôles, voix
Artistes à la création (Paris, 1864)
MIREILLE (soprano)
VINCENT, son amoureux (ténor)
OURRIAS, gardien de taureaux (baryton)
MAÎTRE RAMON, riche métayer, père de Mireille (basse)
VINCENETTE, soeur de Vincent (soprano)
TAVEN, vieille femme, présumée sorcière (mezzo-soprano)
ANDRELOUN, berger (mezzo-soprano)
MAÎTRE AMBROISE, vannier, père de Vincent (basse)
CLÉMENCE (soprano)
LE PASSEUR (basse)
UN ARLÉSIEN
UNE VOIX D'EN HAUT (soprano)
Mme C. Miolan-Carvalho
M. Morini
M. J.-V. Ismaël
M. Petit
Mlle Reboux
Mme C. Faure-Lefèvre
 
M. Wartel
Mlle Albrecht
 
M. Ferrel
Mlle Mery
Mise en scène de M. ARSENE
Chef d'orchestre : M. DELOFFRE


Distribution, rôles, voix
Artistes à la reprise (Paris, 1939)
MIREILLE (soprano)
VINCENT, son amoureux (ténor)
OURRIAS, gardien de taureaux (baryton)
MAÎTRE RAMON, riche métayer, père de Mireille (basse)
VINCENETTE, soeur de Vincent (soprano)
TAVEN, vieille femme, présumée sorcière (mezzo-soprano)
ANDRELOUN, berger (mezzo-soprano)
MAÎTRE AMBROISE, vannier, père de Vincent (basse)
CLÉMENCE (soprano)
LE PASSEUR (basse)
UN ARLÉSIEN
UNE VOIX D'EN HAUT (soprano)
Mlle Jeanne Rolland
M. L. Arnoult
M. J. Beckmans
M. Etcheverry
Mlle Lucie Thelin
Mlle Madeleine Sibille
M. Derenne
M. Clavensy
Mlle Gaudinau
M. Barbero
M. Jean Ravoux
Mlle Martha Angelici
Mise en scène de Jean MERCIER
Chef d'orchestre : M. Reynaldo HAHN


En Arles et dans ses environs, au milieu du XIXe siècle.
 

Résumé

ACTE I 

Soucieux de se montrer dès l'abord fidèle à l'esprit du poème de Mistral et de situer l'aventure d'amour survenue à « deux beaux enfants de la nature provençale » dans son atmosphère rustique, Gounod n'a pas manqué, après avoir placé au début de l'Ouverture de Mireille la page qui servira d'introduction, au quatrième acte, à la grande scène dramatique de la Crau, de dégager le caractère pastoral et le parfum folklorique dont sa partition sera tout imprégnée.

Dans la campagne arlésienne, Mireille, la fille de maître Ramon, et ses jeunes compagnes cueillent les feuilles de mûrier dont se nourriront les vers à soie qu'on élève dans les magnaneries. Leurs voix sonnent joyeusement dans l'air matinal et le travail n'en souffre pas - « car la cueillette aime les chants... ».

C'est en vain que Taven, la sage sorcière, forte de son expérience, dispense à ces insouciantes jouvencelles de prudents conseils. Elle ne parviendra pas à les persuader qu'elles devraient se méfier du charme qui les attire. Prétendre leur faire entrevoir un avenir rempli de soupirs et de larmes demeure peine perdue. Elles n'en continuent pas moins à se laisser aller à leurs illusions extravagantes et à leurs rêves démesurés. Mireille, quant à elle, ne souhaite pas de connaître un destin aussi altier. Qu'un jeune garçon lui dise doucement : « je vous aime », fût-il jeune et timide, n'écoutant que son coeur, elle serait sa femme. Les autres n'ignorent point qu'en parlant de la sorte Mireille pense à Vincent, le vannier. Elles ont parlé sans malice et reprennent en toute sérénité, avant de s'éloigner, leur gai refrain.

Taven n'aura aucun mal à faire avouer à Mireille que ces indiscrètes ont deviné juste. Elle n'augure rien d'heureux, quant à elle, d'un semblable projet : « richesse et pauvreté s'accordent mal ensemble ».

Mais le bonheur qui habite le coeur de Mireille ignore toute crainte, et la venue de Vincent, si confiant, lui aussi, dans la puissance de leur amour, suffirait, s'il en était besoin, à fortifier son espoir. Il a une telle façon de savoir « gentiment tout dire », et, sous prétexte, de lui parler de sa soeur Vincenette, il met tant d'habileté à vanter la grâce et le charme enchanteur de celle qu'il aime qu'elle n'y saurait résister.

Rien ne pourra les séparer. S'il devait arriver, un jour, qu'ils fussent menacés par quelque malheur, ils se rendraient tous deux aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour implorer la protection d'en haut. Ils en font le solennel et tendre serment.

ACTE II 

Le deuxième acte de Mireille a pour décor une place adossée aux arènes d'Arles. La terrasse d'une auberge empiète à gauche sur une partie de la scène. C'est jour de fête, il règne une grande animation. Filles et garçons dansent la farandole et ne s'interrompent que pour demander à Mireille et à Vincent d'improviser quelque chanson d'amour. Alors, sur le timbre populaire de Magali, nos deux jeunes gens se plaisent à échanger les répliques d'un charmant colloque. Jeu subtil au cours duquel l'une ne s'astreint à imaginer avec une feinte coquetterie les successives métamorphoses grâce auxquelles il lui serait donné de reconquérir sa liberté élue pour fournir à son partenaire l'occasion d'inventer chaque fois, comme elle le souhaite, le moyen de l'en empêcher. Puis, tandis que la foule se hâte vers d'autres réjouissances, la farandole entraîne de nouveau « au bruit des chansons, les filles et les garçons ».

Mireille demeure seule en scène avec Taven. Entre deux couplets sentencieux sur la saison « où les galants font leur choix », la bienveillante sorcière révèle à sa protégée que plusieurs garçons briguent sa main : Alari le berger, Pascoul le gardeur de cavales, et le bouvier Ourrias. Qu'importe ! l'idée seule qu'elle pourrait épouser ou aimer un autre que Vincent, Mireille ne saurait l'admettre. Ni son père, ni Dieu même ne pourraient y rien changer. Elle l'affirme et le proclame avec une irrésistible conviction.

L'arrivée d'Ourrias inaugure la série des épreuves auxquelles va dorénavant se heurter la décision arrêtée de Mireille. La valeureuse jeune fille pense avoir raison du bellâtre avantageux, dont les vantardises étalées en deux couplets l'importunent, en lui cédant la place.

Elle n'en sera pas quitte si aisément. Ourrias peut en effet se targuer à bon droit d'avoir l'agrément de Ramon. Mireille ne s'en soucie guère et lui rit au nez. C'est le moment que choisit Ambroise, le père de Vincent, pour venir, à mots à peine détournés, demander à Ramon la main de Mireille pour son fils. Le fermier lui répond par un refus méprisant. Imbu des anciennes traditions qui reconnaissaient au père de famille une autorité absolue sur ses enfants, Ramon se vante de les maintenir avec une inflexible autorité. Mireille ne s'opposera pas moins à sa tyrannique volonté avant de tenter de fléchir par de touchants arguments l'intransigeance paternelle. Hélas ! tout ce qu'elle peut dire ne servira qu'à exaspérer le courroux de Ramon. Insensible aux larmes de sa fille, il commence par la chasser, par la renier, par la vouer à tous les diables. Finalement, il lui interdit de partir, dût-il lui « lier pieds et mains pour l'empêcher de courir les chemins ». Dans sa rage déchaînée, Ramon n'arrive pas à trouver assez d'injures pour en accabler Vincent et les siens.

ACTE III

Le troisième acte comporte deux tableaux. Le premier a pour décor un site sauvage qui domine l'immense plaine de la Camargue : le Val d'Enfer, par où l'on accède à la grotte des Fées qui sert d'abri à Taven. Lieu sinistre, choisi à souhait pour servir de cadre à l'action violente qui va s'y dérouler. Ourrias, en proie aux plus noirs desseins, est venu là surprendre son rival au passage. Ses amis ont beau vouloir le persuader qu'au lieu de s'acharner à tenter d'obtenir celle qui le refuse il ferait mieux de jeter son dévolu sur une autre fille, ils perdent leur temps. C'est Mireille qu'il aime. C'est elle seule, la plus belle, la plus sage, qu'il souhaite d'obtenir, il n'en veut pas démordre. Pour arriver à ses fins, peu s'en faut qu'il n'aille demander à Taven de lui procurer quelque breuvage magique. Ce n'est pas, en tout cas, en cherchant à l'effrayer avec des histoires de farfadets, de trêves ou de lutins qu'on arrivera à le détourner de sa vengeance. Que ses amis s'éloignent, s'ils craignent de voir apparaître « dansant au clair de lune » ces esprits follets ; quant à lui, il reste ici, impatient d'assouvir sa haine.

Aux imprécations, au chant de mort qu'il clame dans la nuit, répond la tendre plainte du pauvre vannier, errant triste et seul, loin de sa bien-aimée. Que les amants soient séparés ne suffit pas à calmer la fureur d'Ourrias. Mireille en est-elle pour autant moins éprise de ce va-nu-pieds ? « Au moyen de quel sortilège, à l'aide de quel philtre un vagabond sans feu ni lieu comme toi, lui demande-t-il, est-il parvenu à ce que cette belle le préfère au plus riche prétendant ? »

Pour ne pas céder à la colère qu'éveille en lui un pareil soupçon, pour ne pas laver un tel outrage dans le sang de son insulteur, Vincent doit faire appel à toute sa générosité d'âme. Cependant, le misérable bouvier bondit sur son rival et lui porte un coup terrible de son trident de fer.

Le meurtrier s'est enfui dans la nuit, abandonnant lâchement sa victime gisant à terre, que Taven recueillera et qu'elle guérira de ses blessures.

Second tableau. Les eaux du Rhône, éclairées par la lune, traversent dans toute sa largeur le fond de la scène. Une pointe de terre bordée d'ajoncs s'avance jusqu'au fleuve. C'est là qu'Ourrias, dont un allegro molto agitato dépeint les transes mortelles, s'arrête dans sa fuite. Il entre précipitamment, pâle, anxieux, bourrelé de remords. Obsédé par la crainte du châtiment qui l'attend, il implore grâce. Le calme de la nuit finit par chasser ses craintes et par lui rendre une passagère quiétude. Qu'il gagne l'autre rive et il recouvrera toute paix. Ourrias hèle avec force le passeur, et l'écho répète lugubrement son cri. Un chant mystérieux traverse l'espace, de blancs fantômes sortent des profondeurs de l'onde, une cloche lointaine sonne minuit. C'est l'heure où les trépassés, par la nuit de la Saint-Médard, surgissent des gouffres de l'au-delà, l'heure où les folles d'amour, qui noyèrent leur douleur dans le Rhône, se dressent, « les bras tendus vers Dieu », sur les flots. A l'appel réitéré d'Ourrias, une barque apparaît à l'avant de laquelle se tient debout un batelier enveloppé dans une cape noire. A peine Ourrias a-t-il mis le pied dans l'embarcation qu'elle s'enfonce dans l'eau mugissante avec ce passager maudit, traînant avec lui le poids de son crime.

ACTE IV 

Le premier tableau de l'acte IV se déroule dans la ferme de Ramon. Les moissonneurs célèbrent avec allégresse la fête de la Saint-Jean, qui marque la fin de leurs travaux. Leur chant s'interrompt lorsque Ramon et sa fille paraissent sur le seuil. Le maître les invite à se réjouir, cependant que les moissonneuses offrent à Mireille la gerbe d'épis et de fleurs, symbole traditionnel des coeurs liés d'un même amour. La jeune fille l'accepte sans un mot et se retire. A qui s'étonne de la voir si triste, Ramon se contente de répondre de façon vague et n'a d'autre hâte, en apparence, que d'entendre reprendre les chants joyeux. Mais, une fois les paysans partis, demeuré seul, le père, que nous avons vu naguère si infatué de son autorité, trouvera des mots désolés pour exprimer, avant de rentrer tristement dans sa demeure, la peine dont il souffre.

On entend alors Mireille murmurer en coulisse la chère phrase de Magali à laquelle Vincent savait prêter de si enchanteurs accents.

Au moment où son chant s'éteint, le chalumeau d'un berger, empruntant à l'orchestre le timbre bucolique du hautbois, fait entendre l'agreste motif d'une musette que la clarinette soutient d'un rythme simple et constant.

Sur les dernières notes de la musette entre en scène le berger Andreloun, dont l'aubade salue l'aurore qui se lève dans la lande désertique de la Crau. Que la libre existence du petit pâtre, comparée à la sienne, semble enviable à Mireille, et comme cet humble et innocent bonheur prend à ses yeux une valeur sans prix !

Encore ne sait-elle pas à ce moment l'étendue de son propre malheur, puisqu'elle ignore encore de quelle agression Vincent a été l'objet. Vincenette vient le lui annoncer. Elle commence par des mots rassurants, affirmant : « Il est sauvé », avant de dire le drame où Vincent, frappé par Ourrias, faillit perdre la vie. Que peuvent ces paroles contre les alarmes d'une amante prompte à imaginer le pire ! Vincent est plus gravement atteint qu'on ne veut le lui dire, Mireille en est sûre. Seule une intervention des puissances célestes pourrait le tirer de ce péril mortel. C'est aujourd'hui qu'a lieu le pèlerinage au sanctuaire des Saintes-Maries. Fidèle au serment qu'elle avait fait avec son bien-aimé, Mireille traversera la plaine torride pour aller dans leur chapelle miraculeuse implorer la protection de Dieu, auquel les deux jeunes filles adressent d'un même coeur fervent une ardente prière.

Le deuxième tableau du IVe acte se passe dans la plaine aride de la Crau. Une courte introduction, reproduisant le début même de l'Ouverture, précède l'entrée de Mireille. Dans son exaltation, sans surseoir, au mépris de toute prudence, impatiente de prendre pour modèle les héroïnes de la légende, Mireille s'est mise en chemin au péril de sa vie. Mais ses forces n'ont pas tardé à la trahir. Éblouie, trompée par un mirage, il lui semble voir surgir à l'horizon une vision divine. L'implacable soleil la blesse de ses rayons de feu, elle s'affaisse, épuisée. Sa volonté la redresse, mais elle ne retrouve l'énergie de marcher encore que pour retomber bientôt, mortellement frappée.

ACTE V

Devant l'église des Saintes-Maries passe, bannières en tête, la procession des fidèles appelant par leurs prières l'aide des puissances célestes.

Vincent accourt, rongé d'inquiétude, se demandant avec anxiété pourquoi, parmi la foule, il n'a pas aperçu Mireille. Puissent les anges du paradis étendre sur elle le manteau tutélaire de leurs ailes afin de lui épargner l'atteinte homicide du soleil !

Hélas ! les anges eux-mêmes ne sauraient désormais obtenir ce Miracle. A la voir se traîner, brisée et chancelante, on imagine à peine comment Mireille a réussi à parvenir jusqu'ici. Tandis que dans le sanctuaire résonne le pieux cantique des pèlerins, Mireille, illuminée d'une ineffable joie, rendra le dernier soupir dans les bras de son père et de son fiancé unis dans la douleur.

*
* *

Créée le 19 mars 1864 au Théâtre Lyrique, Mireille n'obtint pas de prime abord l'accueil escompté. L'ouvrage avait le tort de heurter les habitudes du public, qui lui reprochait sa fin tragique, de comporter cinq actes, contrairement à l'usage, et de ne point contenir d'airs brillants. On résolut de l'alléger, de supprimer plus d'un passage dramatique et de conclure par un mariage, au lieu de terminer sur la mort de l'héroïne. D'autres retouches furent préconisées, auxquelles souscrivit le compositeur. Il consentit, par exemple, à ajouter à sa partition, pour satisfaire à la demande de sa principale interprète, Mme Miolan-Carvalho, une valse-ariette à vocalises, propre à mettre en valeur sa virtuosité de chanteuse légère.

 

* Durée de l'ouvrage : entre 2 h 10 et 2 h 30.

 

CATALOGUE DES MORCEAUX
Scène
ACTE Ier
L'enclos des mûriers
1
2
3
3 bis
4
5
Introduction (la cueillette)
Récit (Taven, choeur)
Récit (Mireille, Taven, choeur)
Valse-ariette (Mireille)
Récit (Taven, Mireille)
Duo (Mireille, Vincent)
- Chantez, chantez, magnanarelles
- Écoutez-les chanter et rire
- Et moi, si, par hasard, quelque jeune garçon
- Ô légère hirondelle
- C'est donc vrai ?... Conte-moi ton secret à l'oreille
- Le ciel rayonne ! L'oiseau chante
Scène
ACTE II
Les arènes d'Arles
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
 
11
Choeur et danse
Choeur
Chanson de Magali (Mireille, Vincent)
Récit et chanson (Taven, Mireille)
Air (Mireille)
Couplets d'Ourrias
Récit (Ourrias)
Récit (Ramon, Ourrias)
Récit (Ambroise, Ramon)
Final (Ramon, Mireille, Ourrias, Vincent, Vincenette, Ambroise)
Final et choeur (Ramon, Mireille, Ourrias, Vincent, Vincenette, Ambroise)
- La Farandole, joyeuse et folle
- Amis, voici Mireille
- La brise est douce et parfumée
- Voici la saison, mignonne
- Trahir Vincent, vraiment ce serait être folle
- Si les filles d'Arles sont reines
- Elle fait fi de moi, la belle
- Eh bien ? On me refuse !
- Je viens vous demander, compère, un bon avis
- Un père parle en père
 
- Oui, que l'enfer de vous s'empare
Scène
ACTE III


 
1
2
3
 
1
2
Tableau 1
Scène et choeur (Ourrias)
Scène et duo (Ourrias, Vincent)
Récit (Taven)
Tableau 2
Scène (Ourrias)
Scène (Ourrias, le passeur, choeur des Trêves)
Le Val d'Enfer
- Voici le Val d'Enfer
- Ils s'éloignent
- Quelle sinistre plainte
Le pont de Trinquetaille
- Ah ! Qu'ai-je fait ?
- Voici minuit
Scène
ACTE IV


 
1
2
3
4
5
6
7
 
1
Tableau 1
Choeur des moissonneurs
Scène (Ramon, choeur)
Récit (Ramon)
Récit (Mireille)
Chanson (le berger Andreloun)
Cavatine (Mireille)
Duo (Mireille, Vincenette)
Tableau 2
Air (Mireille)
Le mas des Micocoules
- Amis, voici la moisson faite !
- Bien, réjouissez vous, amis
- Ah ! Malheureuse enfant !
- Ô Magali, ma bien aimée
- Le jour se lève et fait pâlir la sombre nuit
- Heureux petit berger
- Mireille ! Qui m'appelle ?
Le désert de la Crau
- Voici la vaste plaine et le désert de feu
Scène
ACTE V
La chapelle haute des Saintes-Maries
1
2
3
4
Marche religieuse (choeur)
Cavatine (Vincent)
Duo (Vincent, Mireille)
Scène finale (Mireille, Vincenette, une voix, Ramon, Vincent, choeur)
- Vous qui du haut des cieux
- Anges du Paradis
- Ah ! La voici ! C'est elle !
- Mireille !... Mon enfant !


ACTE I

L'enclos des mûriers.

SCÈNE PREMIÈRE

CHŒURS DES JEUNES FILLES ARLÉSIENNES

Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants!
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs.
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants
 
Fillettes rieuses
Et laborieuses,
Un rayon d'été
Nous met en gaîté
Nous sommes pareilles
Aux blondes abeilles,
Dont l'essaim léger
Sur les fleurs vermeilles
Aime à voltiger !
 
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs.
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants !
 
(Elles emplissent leurs corbeilles de feuilles de mûriers. Entre Taven la sorcière).
SCÈNE 2
TAVEN (s'arrêtant au fond, appuyée sur son bâton de houx)
 
Écoutez-les chanter et rire,
Ces fillettes au coeur joyeux !
Elles ne savent pas qu'un charme les attire
Au piège du chasseur, comme l'oiseau des cieux ;
Et qu'un jour vient où l'on soupire
Avec des larmes dans les yeux
Écoutez-les chanter et rire,
Ces fillettes au coeur joyeux

CLÉMENCE ET LES JEUNES FILLES (riant)

C'est Taven la sorcière
Avec son aiguillon,
Et son vieux cotillon,
Plus gris que la poussière !
Dans notre humble sillon
Elle a jeté sa pierre !
Dans notre humble sillon
Elle a jeté sa pierre !
C'est Taven la sorcière
Avec son aiguillon !
Avec son aiguillon !
Et son vieux cotillon,
Plus gris que la poussière !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Ah ! Ah !
 
Qu'il vienne, le chasseur!... nous rions de son piège.
Le vert printemps ne craint ni le froid ni la neige !
L'oiseau maître de l'air échappe aux oiseleurs !
Nos chansons feront fuir les soucis et les pleurs

(Taven va s'asseoir à l'écart, hochant la tête d'un air de doute).

CLÉMENCE

Moi, si par aventure,
Quelque prince amoureux venait m'offrir sa main,
Jeune, galant, bien fait et de noble stature,
De noble staturen
Je me ferais conduire au palais dès demain!
Impératrice et souveraine,
Avec un long manteau qui traîne,
Doublé d'hermine et brodé d'or,
Parmi vous, parmi vous, j'en ris à l'avance,
Je reviendrais pour voir encor
Mon pays de Provence !
Parmi vous, parmi vous, j'en ris à l'avance,
Je reviendrais pour voir encor
Mon pays de Provence !

(Mireille entre en scène, une corbeille à la main. Elle s'avance en souriant au milieu du groupe des jeunes filles).

SCÈNE 3

MIREILLE

Et moi, si, par hasard, quelque jeune garçon,
Me disait doucement : Mireille, je vous aime!
Fût-il pauvre et timide et honteux de lui-même,
J'écouterais mon coeur plutôt que ma raison ;
Et sans souci des rires ni du blâme,
Comme dans une eau claire ayant lu dans son âme,
Je lui tendrais la main et je serais sa femme.

LES JEUNES FILLES (riant)

Qui donc parle ainsi ?
Est-ce toi, Mireille ?

VIOLAINE

Vite, ouvrez. l'oreille !
Écoutez ceci, écoutez ceci :
La belle eut envie
D'un joli panier...

LES JEUNES FILLES

La belle eut envie
D'un joli panier...

AZALAIS

En adroit vannier
Vincent l'a servie...

LES JEUNES FILLES

En adroit vannier
Vincent l'a servie...

NORADE

Et voyez un peu
Comme tout s'arrange
Il eut en échange,
Un baiser d'adieu !

LES JEUNES FILLES

Il eut en échange,
Un baiser d'adieu !
Il eut en échange,
Un baiser d'adieu !
Il eut en échange,
Un baiser...

TAVEN (se levant et s'approchant de Mireille)

Silence ! vous mentez !
Mireille est la plus sage !

MIREILLE

Vincent pour son cadeau n'eut qu'un remerciement ;
Mais de bon coeur... je le dis franchement,
J'aurais voulu lui donner davantage !

LES JEUNES FILLES (avec un rire moqueur)

Qui de nous choisirait un vannier pour amant !...

(Elles reprennent leurs paniers et se dispersent sous les arbres).

Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs.
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants,
Car la cueillette aime les chants.


* Lorsque le rôle de Mireille est confié à un soprano léger, on ajoute généralement ici cette valse-ariette ajoutée par Gounod en 1889.

MIREILLE

Le ciel rayonne, l'oiseau chante !
Aujourd'hui, rien ne peut m'attrister
Ô légère hirondelle,
Messagère fidèle
Vers mon ami
Vole gaîment
Et conte-lui
Mon doux tourment,
Parle-lui pour moi-même,
Et dis-lui que je l'aime !
Vincent peut croire à mon serment !
Vole, vole gaîment ! Ah !
Ô légère hirondelle,
Messagère fidèle
Vers mon ami
Vole gaîment
Vole, vole gaîment ! Ah !

SCÈNE 4

TAVEN

C'est donc vrai ?... Conte-moi ton secret à l'oreille,
C'est donc vrai que Vincent est aimé de Mireille ?
Parle sans crainte, allons, parle !
Tu l'aimes ?

MIREILLE

Oui !

TAVEN (tristement)

Richesse et pauvreté s'accordent mal ensemble !
Je lis dans l'avenir, ô Mireille !
Et je tremble !
Écoute... Si jamais ton coeur navré d'ennui
S'alarme d'un malheur pour toi-même ou pour lui,
Souviens-toi de Taven !
Compte sur moi, mignonne,
Et viens là-bas me consulter.

(Elle s'éloigne à pas lents).

SCÈNE 5

MIREILLE (gaiement)

Adieu, bonne Taven !... Adieu !... Le ciel rayonne !
L'oiseau chante ! Aujourd'hui rien ne peut m'attrister !
MIREILLE

(Apercevant Vincent qui passe au fond, sous les arbres).

C'est toi, Vincent ?

VINCENT

Mireille !

(Il fait quelques pas pour s'éloigner).

MIREILLE

Où donc vas-tu si vite ?

VINCENT

À courir par les prés le beau temps nous invite.

MIREILLE

Ne peux-tu t'arrêter près de moi pour causer

(S'asseyant sur un banc de gazon).

Je suis lasse et je veux ici me reposer.

VINCENT (s'approchant de Mireille)

Ah ! si je suivais mon envie,
Mireille, à vos côtés je passerais ma vie !
Là-bas, dans notre humble maison,
Je suis seul en toute saison,
Avec ma soeur et mon vieux père.
Le vieux vannier ne parle guère,
Ma soeur travaille et chante... et j'écoute en rêvant.

MIREILLE

Ta soeur, Vincent jamais tu ne m'as parlé d'elle ;
Comment la nomme-t-on ? est-elle jeune et belle ?

VINCENT

Vincenette a votre âge et vous lui ressemblez.
Mais comme l'humble fleur des blés
Est soeur de la rose vermeille,
Vincenette est soeur de Mireille
Devant les garçons assemblés
Si vous paraissiez auprès d'elle,
C'est vous qui seriez la plus belle

MIREILLE (un peu confuse)

Oh ! c'Vincent,
Comme il sait gentiment tout dire
Son parler est si caressant
Qu'on ne peut s'empêcher d'en rire !
Oh ! c'Vincent

VINCENT

Comme Vincent,
Chacun ici peut vous le dire
D'un regard tendre et caressant
Chacun vous suit et vous admire,
Comme Vincent

MIREILLE

Ainsi ta soeur est belle fille,
Et plus qu'elle pourtant tu me trouves gentille !

VINCENT

Oui, certes, et de beaucoup

MIREILLE

Pourquoi, Vincent ?... Qu'ai-je de plus pour toi ?

VINCENT

De plus !
Et qu'a l'oiseau de Dieu qui vole et fend l'espace
De plus que le grillon
Caché dans le sillon,
Sinon la beauté même, et le chant et la grâce
De mes ennuis, par un refrain moqueur,
Vincenette parfois en riant me console
Mais de vous la moindre parole
Enchante mon oreille et réjouit mon coeur

MIREILLE

Oh ! c'Vincent
Comme il sait gentiment tout dire !
Son parler est si caressant
Qu'on ne peut s'empêcher d'en rire !
Oh ! c'Vincent !

VINCENT (l'attirant dans ses bras avec amour)

Comme Vincent, comme Vincent,
Chacun ici peut vous le dire
D'un regard tendre et caressant,
Chacun vous suit, chacun vous suit et vous admire,
Comme Vincent, comme Vincent !

MIREILLE

Mais le temps passe...
Et j'oublie à t'entendre
Que les autres sont à m'attendre.
Adieu, Vincent !
Adieu, gentil vannier ;
Viens m'aider à poser sur mon front mon panier.

LE CHŒUR (dans la coulisse)

Mireille !

MIREILLE (se dégageant de l'étreinte amoureuse de Vincent)

On me cherche !
On m'appelle !
Vite séparons-nous !...

VINCENT (effleurant son front d'un baiser)

Adieu, Mireille ! Adieu !...

MIREILLE (pâle et chancelante sous le baiser de Vincent)

Écoute et souviens-toi !
Sous le regard de Dieu,
Devant le seuil béni de l'antique chapelle,
Je te donne, ô Vincent, un pieux rendez-vous !
Si jamais le malheur vient frapper l'un de nous
Aux Saintes tous les deux !... Aux Saintes à genoux !

VINCENT

Oui, adieu, adieu !

MIREILLE

Adieu !

(Ils se séparent).

LE CHŒUR (dans la coulisse)

Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants
Comme les vertes sauterelles,
Au soleil, dans l'herbe des champs.
Chantez, chantez, Magnanarelles,
Car la cueillette aime les chants !


ACTE II

Les Arènes d'Arles.

SCÈNE PREMIÈRE

CHŒUR ET DANSE

La Farandole
Joyeuse et folle
Entraîne au bruit des chansons
Les filles et les garçons

LES BUVEURS

Quelles clameurs ! quelle joie !
De Nîmes à Tarascon,
Et d'Arles au pays gascon,
Tout s'ébaudit et festoye !
Le bon muscat de Baume et le férigoulet
Se boivent à la régalade !
Et les chants et le rire, amis du gobelet,
Guérissent plus d'un coeur malade...
Vivent le vin de Baume et le férigoulet !
SCÈNE 2

Les mêmes, Mireille, et toute la bande des jeunes filles Arlésiennes.

LES JOUVENCEAUX

Amis, voici Mireille,
La belle sans pareille !

LES JEUNES FILLES (bas, en riant entre elles)

Et l'amoureux Vincent, qui l'attendait là-bas,
S'empresse d'accourir au-devant de ses pas !

(Vincent accourt tout essoufflé ; il s'arrête à la vue de Mireille).

C'est pour lui qu'elle vient !
Et Vincent vient pour elle !
SCÈNE 3

LES JEUNES FILLES

Bonjour, Vincent !

LES JOUVENCEAUX

Bonjour, la belle !

LE CHŒUR (avec une intention maligne)

Chantez-nous à vous deux quelque chanson d'amour.

VINCENT

Eh bien, que Mireille commence...

MIREILLE

Puisque Vincent le veut, amis, faites silence,
Nous allons chanter tour à tour !

Chanson de Magali

La brise est douce et parfumée,
L'oiseau s'endort sous la ramée
Au fond du bois silencieux !
La nuit sur nous étend son voile
Et dans les cieux
Je vois une amoureuse étoile
Luire à mes yeux

VINCENT

Ô Magali, ma bien-aimée,
Fuyons tous deux sous la ramée,
Au fond du bois silencieux !
La nuit sur nous étend ses voiles
Et tes beaux yeux
Vont faire pâlir les étoiles
Au sein des cieux

MIREILLE

Non, non, je me fais hirondelle,
Et je m'envole à tire-d'aile !
Tu peux aller au bois seulet.

VINCENT

Adieu donc ! fuis à perdre haleine,
Pauvre oiselet !
L'oiseleur te prendra sans peine
En son filet.

MIREILLE

C'est en vain que tu me crois prise
Je suis nuage

VINCENT

Et moi, la brise,
Je t'emporte sur un rayon !

MIREILLE

Je suis le bleuet qui sommeille
Dans le sillon...

VINCENT

Pour t'avoir, je me fais abeille
Ou papillon.

MIREILLE

Le cloître enfin m'ouvre ses portes.

VINCENT

Je suis le missel que tu portes ;
C'est moi qui te consolerai.

MIREILLE

Si tu me suis au monastère,
Là je mourrai !

VINCENT

Alors je me ferai la terre
Et je t'aurai !

MIREILLE

Maintenant je me crois aimée !
Fuyons tous deux sous la ramée,
Au fond du bois silencieux !
La nuit sur nous étend son voile
Et dans les cieux
Je vois une amoureuse étoile
Luire à mes yeux !

VINCENT et MIREILLE

La nuit sur nous étend son voile
Et dans les cieux
Je vois une amoureuse étoile
Luire à mes yeux !

LES ARLÉSIENNES ET LES JOUVENCEAUX

Comme le jour au sein des cieux,
Comme une étoile,
Dans l'air sans voile,
L'amour rayonne dans leurs yeux !

(Fanfares joyeuses. Rires et cris confus au-dehors. Mireille et Vincent sont séparés par la foule qui envahit le théâtre).

UN ARLÉSIEN

Place, place aux coureurs !... sur l'arène brûlante
Au signal ils vont s'élancer !
Landry va disputer le prix à Lagalante !
Qu'ils se donnent la main et l'on peut commencer !

(Les coureurs se donnent solennellement la main. On entend un roulement de tambourins. À ce signal, la foule se précipite vers les portes du cirque).

VOIX DIVERSES

C'est le signal !... courons !... vite ! il faut se presser !

(Les coureurs s'élancent hors du cirque, suivis par toute la foule des curieux, Taven et Mireille se rencontrent au fond du théâtre).

SCÈNE 4

TAVEN

Eh bien ! Mireille, eh bien ! tu ne les suis donc pas ?

(Elle s'assoit sur un escabeau et lui fait signe d'approcher).

Viens là ! Je veux te dire une chose tout bas.

MIREILLE

Parlez, bonne Taven !

(Elle s'approche vivement de Taven).

TAVEN

Oui, oui, tu me crois bonne
Parce que j'ai promis mon aide à tes amours

MIREILLE (souriant)

Peut-être bien ! Dites toujours

TAVEN

Voici la saison, mignonne,
Où les galants font leur choix
L'amour vole et papillonne
Par les prés et par les bois
Les jouvenceaux sont en quête
De filles à marier...
La belle fait la coquette,
Le père se fait prier,
Et plus d'un anneau se donne,
Plus d'un anneau se donne,
Plus d'un anneau se donne,
Qui passe à de jolis doigts !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Voici la saison, mignonne,
Voici la saison, voici la saison
Où les galants font leurs choix !

MIREILLE (tristement)

Oui, c'est le temps des accordailles
Mais pourquoi parler de cela ?

TAVEN

Tout à l'heure, en rôdant par là,
Le long de ces vieilles murailles,
J'ai vu trois galants dont j'ai ri,
Se conter leurs amours rivales,
Ourrias le dompteur de taureaux, Alari
Le berger, et Pascoul le gardeur de cavales...

MIREILLE

Eh bien ?

TAVEN

À leurs propos, s'il faut ajouter foi,
Celle qu'ils ont choisie et qu'ils aiment... c'est toi !

MIREILLE

Moi !

TAVEN

Oui !...
Voici la saison, mignonne,
Voici la saison
Où les galants font leur choix
Où les galants font leur choix
L'amour vole et papillonne
Par les prés et par les bois
L'amour vole et papillonne
Par les prés et par les bois
Les jouvenceaux sont en quête
De filles à marier...
La belle fait la coquette,
Le père se fait prier,
Et plus d'un anneau se donne,
Plus d'un anneau se donne,
Plus d'un anneau se donne,
Qui passe à de jolis doigts !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Voici la saison, mignonne,
Voici la saison, voici la saison
Où les galants font leurs choix !

MIREILLE

Que j'épouse et que j'aime un autre que Vincent,
Non ! mon père ni Dieu n'ont pouvoir de le faire !

TAVEN

D'un père cependant redoute la colère
Prends garde ! Prends garde !
J'ai voulu t'avertir en passant.

(Elle s'éloigne à pas lents et disparaît en faisant un signe de la main à Mireille).

SCÈNE 5

MIREILLE (seule)

Trahir Vincent, vraiment ce serait être folle
Quand passe le bonheur, s'il n'est pris, il s'envole !
 
Mon coeur ne peut changer !
Souviens-toi que je t'aime !
Vincent, ô mon Vincent, pourquoi nous affliger ?
Ta triste solitude et ta pauvreté même
Avec toi, pour toujours, je veux tout partager
Mon coeur ne peut changer !
Dans ta pauvre maison je suis prête à te suivre
À ton foyer désert je suis prête à m'asseoir.
Cet humble sort m'enchante et ce rêve m'enivre !
Qui croit tenter mon âme emporte un fol espoir !
Mon coeur ne peut changer !
Souviens-toi que je t'aime !
Vincent, ô mon Vincent, pourquoi nous affliger ?
Ta triste solitude et ta pauvreté même
Avec toi, pour toujours, je veux tout partager
Mon coeur ne peut changer !
Non. Jamais, jamais, Ah !
 
À toi mon âme,
Je suis ta femme.
Malgré leur blâme,
Je t'appartiens.
Fière et ravie,
En cette vie,
Mon coeur n'envie
De plus doux biens.
Que Dieu m'entende,
Ma joie est grande,
Si dans la lande
Je suis tes pas,
Et si mon rêve
Sur l'humble grève,
Un jour s'achève
Entre tes bras,
À toi mon âme,
Je suis ta femme,
Malgré leur blâme,
Je suis ta femme
Je suis ta femme
Je suis ta femme
Je t'appartiens !
Ô mon Vincent
A toi mon âme !
Je suis ta femme
Je t'appartiens !
Pour jamais, je t'appartiens !

(Ourrias paraît au fond).

SCÈNE 6

MIREILLE

Ourrias !

(Elle fait quelques pas pour s'éloigner).

OURRIAS

Pourquoi fuir si vite à mon approche
Vous fais-je peur, la belle ? ou bien, sans le savoir,
Aurais-je mérité de vous quelque reproche ?

MIREILLE

Aucun vraiment ! J'ai plaisir à vous voir.

OURRIAS

Pourquoi de vous charmer n'ai-je pas le pouvoir ?
 
Si les filles d'Arles sont reines
Quand le plaisir les rassemble aux arènes
Si les filles d'Arles sont reines,
Les bouviers aussi, je crois,
Dans la lande en feu sont rois !
Oui, là-bas, ils sont rois !
Et s'ils veulent prendre femme,
La plus fière, au fond de l'âme,
Se soumet à leur choix, à leur choix !...
Mais fier à son tour de son doux servage,
Et quittant pour toi son désert sauvage,
Devant tous, ô belle ! Ourrias vainqueur
Se courbe à tes pieds
Se courbe à tes pieds, pour gagner ton coeur !
 
Ourrias, bouvier de Camargue,
N'est point de ceux qu'on dédaigne et qu'on nargue !
Ourrias, bouvier de Camargue,
Son trident de fer en main,
Peut braver le genre humain,
Et suit droit son chemin !
Le dompteur que rien ne dompte
Pour parler à qui l'affronte
N'attend pas à demain !...
Mais fier à son tour de son doux servage,
Et quittant pour toi son désert sauvage,
Devant tous, ô belle ! Ourrias vainqueur
Se courbe à tes pieds
Se courbe à tes pieds, pour gagner ton coeur !
 
Devant tous, Ourrias vainqueur
Se courbe à tes pieds
Se courbe à tes pieds, pour gagner ton coeur !

MIREILLE

Adieu !... permettez-moi de fuir... ou de me taire.

OURRIAS (avec dépit)

Pourquoi ?... parmi tous ceux qui cherchent à te plaire,
Ton père m'a choisi, croyant sagement faire,...
Et je veux...

MIREILLE (ironique)

Votre demande et vos tendres aveux
Me semblent, beau galant, dictés par l'amour même.
Mais, croyez-moi, pour qu'on vous aime,
Ne dites jamais, ne dites jamais
Ne dites jamais, jamais, jamais : je veux !

(Elle s'enfuit en riant).

SCÈNE 7

OURRIAS (seul)

Elle fait fi de moi, la belle !
SCÈNE 8

RAMON (s'approchant d'Ourrias et lui frappant sur l'épaule)

Eh bien ?

OURRIAS (avec dépit)

On me refuse !

RAMON (gaiement)

Je m'en doutais, voyant cette mine confuse.

(Ambroise paraît au fond avec Vincent et Vincenette. Il s'avance seul vers Ramon. Ourrias s'est écarté et semble chercher du regard Mireille. Vincenette et Vincent suivent, pleins d'anxiété, le récit d'Ambroise).

SCÈNE 9

AMBROISE (touchant l'épaule de Ramon)

Je viens vous demander, compère, un bon avis

(À Vincent et Vincenette)

Venez !

(Ramon se lève, Ambroise l'entraîne à l'écart)

Depuis longtemps vous connaissez mon fils
Je lui croyais le coeur bon, l'âme honnête
Mais savez-vous ce qu'il s'est mis en tête ?
Il a, je ne sais où,
Vu, par hasard, je ne sais quelle fille,
De bon renom et de riche famille,
Dont il s'est fait amoureux comme un fou.
Le pauvre enfant, compère !
Le pauvre enfant pleure et se désespère
D'un bon avis daignez me secourir.

RAMON

Bah ! la fille ni lui n'en mourront, je vous jure
Mais d'un refus certain épargnez-vous l'injure ;
Et s'il ne suffit pas de parler ferme et haut,

(Montrant le bâton qu'Ambroise tient à la main)

Pour lui guérir le coeur, vous avez ce qu'il faut.

AMBROISE (indigné)

Quand votre chien demande à boire, qu'on l'assomme !

(Mireille paraît au fond et s'arrête pour écouter. Vincent et Vincenette se rapprochent. Ourrias prend un air indifférent).

SCÈNE 10

RAMON

Un père parle en père, un homme agit en homme !
Le chef de famille autrefois
Était le maître et tout se courbait à sa voix
Et quand Noël voyait devant la table sainte
S'asseoir l'aïeul, avec sa génération,
Le doux vieillard calmait toute rébellion
Et faisait taire toute plainte,
En versant sur ses fils, en versant sur ses fils sa bénédiction
Mais que l'un d'eux osât braver sa loi suprême,
Dieu juste ! il l'eût tué peut-être

MIREILLE (s'élançant vers son père, pâle et agitée)

Tuez-moi !

(Montrant Vincent).

Je suis celle qu'il aime
Et devant Notre-Dame et devant Dieu lui-même,
Je vous jure que nul autre n'aura ma foi !

(Ramon reste frappé de stupeur. Ambroise s'élance vers son fils comme pour le protéger. Ourrias se lève de table, les yeux fixés sur Vincent. Long moment de silence).

RAMON

Saints du ciel !
Sur mon front c'est la foudre qui tombe !

VINCENT (avec désespoir, à Ambroise)

Avant peu dans la tombe,
Vos mains me descendront

VINCENETTE (bas, à Vincent)

Espère encore... Tes pleurs le toucheront !

AMBROISE (cherchant à entraîner Vincent)

Viens ! retournons là-bas puisqu'on nous fait affront !

OURRIAS (à part, avec rage)

C'est pour ce bel amant qu'elle me fait affront !

RAMON (saisissant Mireille par le bras)

Écoute !... il en est temps !... reprends cette parole
Démens ce fol aveu !...

MIREILLE

Non, je ne suis pas folle,
Et l'aveu que je fais s'échappe de mon coeur !

RAMON (la repoussant)

Eh bien ! eh bien ! va-t'en !
Brave la honte et le mépris moqueur !
Je ne te connais plus ! Je ne te connais plus !
Adieu ! Adieu ! ma fille est morte !
Suis ton amant, suis l'époux de ton choix !
Va ! va mendier ton pain de porte en porte,
Et chercher loin de nous un abri dans les bois !
Va ! va mendier ton pain de porte en porte,
Et chercher loin de nous un abri dans les bois !
Un abri dans les bois !

(Lui saisissant de nouveau la main).

Mais non, tu resteras ! Je le veux ! Je l'ordonne !
Quand je devrais te lier pieds et mains
Pour t'empêcher de courir les chemins
Quand je devrais...

(Il lève la main sur Mireille).

MIREILLE

Frappez... et que Dieu vous pardonne !

(Tombant aux pieds de son père)

A vos pieds, hélas ! me voilà !
Je suis sans défense et sans armes
Si ma pauvre mère était là,
Elle aurait pitié de mes larmes !...
Elle aurait pitié de mes larmes !...
Son âme était clémente et bonne,
Mes pleurs se séchaient sous sa main,
Et dans les cieux elle pardonne
À l'enfant qui vous prie en vain

(Ramon détourne la tête sans répondre)

Ah ! c'en est fait... je désespère
Si Dieu ne vient me secourir !...

(Elle se relève avec effort et cherche à retenir les mains de Ramon dans les siennes)

Vous voulez donc me voir mourir
Comme elle !
Répondez, mon père !

(Retombant à genoux)

A vos pieds, hélas ! me voilà !
Je suis sans défense et sans armes
Si ma pauvre mère était là,
Elle aurait pitié de mes larmes !...

RAMON

Relève-toi ! qu'attends-tu là ?
Je suis insensible à tes larmes

VINCENT

A ses pieds, hélas ! la voilà !
Il est insensible à ses larmes

AMBROISE

Viens, viens ! partons !... oublions-la !
Il est insensible à ses larmes

VINCENETTE

Partons, Vincent, et plaignons-la !
Il est insensible à ses larmes

OURRIAS (à part)

Elle prie et pleure... et voilà
Le père qui cède à ses larmes

(Quelques paysans passent au fond, et s'arrêtent pour écouter).

RAMON (repoussant Mireille et tournant sa colère contre Ambroise)

C'est toi, misérable vannier !
Toi, qui, traîtreusement, tu ne peux le nier,
As machiné ce rapt infâme !

AMBROISE (se redressant avec colère)

Morbleu ! la pauvreté n'avilit point notre âme !
Et, Dieu merci, ma vie est à l'abri du blâme !

RAMON

Quoi ! j'aurai sans repos travaillé si longtemps,
Pour assurer la paix de mes vieux ans,
Laisser mon bien à ceux de ma famille...
Et puis, ton fils me volera ma fille !
Tonnerre et sang !... c'est là ce que tu veux !

(Il saisit un bâton et menace Ambroise).

MIREILLE (s'élançant vers Vincent)

Vincent !

VINCENT (retenant Ambroise)

Mon père !

(Les deux hommes se mesurent un moment avec colère et semblent prêts à s'élancer l'un sur l'autre).

RAMON (jetant son bâton)

Allez au diable tous les deux !

(On accourt de tous côtés. La foule les entoure).

SCÈNE 11

RAMON

Oui, que l'enfer de vous s'empare !
Allons ! mordieu ! qu'on se sépare !
Et malheur à toi si demain...

AMBROISE

Garde ton trésor, vieil avare
C'est ton orgueil qui les sépare
Puisses-tu rencontrer demain
Honte et malheur en ton chemin !

MIREILLE (les bras tendus vers Vincent)

C'est en vain que l'on nous sépare !
Je t'appartiens ! voici ma main
À bientôt, Vincent ! à demain !

VINCENT (à part, avec désespoir)

Il me refuse ! il nous sépare !
Sa main repousse notre main
Je ne la verrai plus demain

VINCENETTE

Pauvres amants ! on vous sépare
Partons, Vincent ! Donne ta main,
Il faut nous remettre en chemin

OURRIAS (à part)

Allons, mordieu ! qu'on les sépare !
Et malheur à lui si demain
Je le rencontre en mon chemin !

LE CHŒUR (à Ramon)

Père cruel ! âme barbare !
C'est ton orgueil qui les sépare
Pour eux nous t'implorons en vain !
Le ciel te punira demain !

(Ramon arrache Mireille des bras de Vincent, Mireille pousse un cri et s'affaisse entre les bras de son père. Ambroise entraîne Vincent. Les jeunes filles arlésiennes s'empressent autour de Mireille évanouie).


ACTE III

Premier tableau : Le Val d'Enfer.

SCÈNE PREMIÈRE

(Ourrias est armé d'un long bâton à triple pointe de fer).

OURRIAS

Voici le Val d'Enfer et la grotte des fées,
D'où sortent à minuit les plaintes étouffées,
Les rires et les cris des noirs esprits d'en bas,
Dont Taven la sorcière excite les ébats.

LE CHOEUR

C'est ici qu'elle habite ?

OURRIAS

Oui, dans ce lieu sauvage.

(D'un ton railleur)

Si vous voulez, amis, on peut la consulter ;
Elle cache en lieu sûr, dit-on, certain breuvage
Dont les amants malheureux font usage
Et qu'il serait prudent peut-être d'acheter.

LE CHOEUR

À quoi bon te mettre en dépense ?
À quoi bon te mettre en dépense ?
Si l'on fait fi de toi, le plus sage, je pense,
Est de t'en consoler.

DEMI-CHOEUR

D'oublier l'aventure et de n'en plus parler.

LE CHOEUR

Tu trouveras sans peine une fille plus belle.

DEMI-CHOEUR

Et plus riche !

DEMI-CHOEUR

Et plus sage !

OURRIAS (avec emportement)

Où donc se cache-t-elle,
Cette fille plus belle et plus sage à vos yeux
Que Mireille elle-même ?
Qui la connaît ? Qui l'a vue ? En quel lieu ?
Moi, je n'en veux pas d'autre et c'est elle que j'aime !

(S'écartant brusquement de ses compagnons)

Mais la nuit vient. Suivons chacun notre chemin.

LE CHOEUR (avec crainte et à demi-voix)

Suivons chacun notre chemin.
Car c'est l'heure des mauvais rêves
L'heure où les farfadets, les lutins et les Trèves
Sur la pointe des flots et le sable des grèves
Dansent au clair de lune en se donnant la main !
Dansent au clair de lune en se donnant la main !

OURRIAS

Évitez leur rencontre. À demain !

LE CHOEUR

À demain !

(Ils se séparent. Ourrias reste seul accoudé contre un rocher).

SCÈNE 2

OURRIAS

Ils s'éloignent.
Et moi, le coeur gonflé de rage,
J'attends ici mon rival au passage.
On t'aime, heureux vannier !
On t'aime, misérable Vincent !
Sur mon âme et ma vie,
Tu paieras de ton sang
Ce bonheur que j'envie.
 
Tu veux donc que ma main te ploie
Et te brise comme un roseau,
Et te jette comme une proie
Aux loups affamés de la Crau !
N'affronte pas ma rage !
N'affronte pas ma rage !
Va ! va ! je te déteste je te hais !
Votre amour m'irrite et m'outrage !
Elle t'aime, et moi je l'aimais !...
 
Mort et malheur !
C'est lui !
Je ne me trompais pas !
Au fond de ce ravin sombre,
Où la nuit étend son ombre,
C'est l'enfer qui le jette au-devant de mes pas !
C'est l'enfer, c'est l'enfer qui le jette au-devant de mes pas !

(S'approchant brusquement de Vincent)

Te voilà donc, heureux garçon qu'on aime,
Galant vannier que l'on préfère à tous,
Et que Mireille même
A choisi pour époux !...

VINCENT

À mon bonheur, ami, ne porte pas envie
C'est en vain que son coeur m'a choisi
C'est en vain qu'elle m'aime
Son père a repoussé ma main
Et brisé d'un seul mot le rêve de ma vie !

OURRIAS

Qu'importent les refus d'un père et son mépris,
Si c'est toi dont le coeur de la belle est épris

(Avec une rage contenue)

Mais dis-moi par quel sortilège,
Par quel charme maudit tu l'as prise à ton piège ;
Parle, réponds
Quel philtre a troublé sa raison ?

VINCENT

Pourquoi m'outrages-tu par ce lâche soupçon ?

OURRIAS

Et comment donc se peut-il faire
Qu'à la face même de Dieu,
La belle au plus riche préfère
Un vagabond sans feu ni lieu ?...
Il faut bien penser, à ce compte,
Qu'elle a perdu l'esprit et perdu toute honte !

VINCENT

Tais-toi ! tais-toi ! c'est mal parlé !
Prends garde d'insulter Mireille !
La colère enfin se réveille
Au fond de mon coeur désolé.
Aussi vrai que Mireille m'aime,
Moi, le vannier, moi, Vincent,
Je vais tout à l'heure, ici même
Laver tes mépris dans ton sang !
Je vais tout à l'heure, ici même
Laver tes mépris...
Je vais tout à l'heure, ici même
Laver tes mépris dans ton sang !

OURRIAS (le repoussant avec colère)

À ma rage un démon te livre,
J'aurai ton sang, ah ! défends-toi !
L'un de nous doit cesser de vivre
Je ne suis plus maître de moi

VINCENT

Par l'enfer, la rage m'enivre,
Crains, Ourrias, prends garde à toi !
L'un de nous doit cesser de vivre
Je ne suis plus maître de moi !

OURRIAS

Malheur à toi !

VINCENT

Va-t'en !

OURRIAS

Malheur à toi !

VINCENT

Va-t'en !

OURRIAS

Misérable !

(Il frappe Vincent de son bâton ferré. Vincent pousse un cri et tombe)

Ah ! qu'ai-je fait ? Fuyons !

(Il disparaît parmi les rochers)

VINCENT

Mireille ! Mireille ! Je meurs, je meurs pour toi !
SCÈNE 3

TAVEN (paraissant au fond)

Quelle sinistre plainte
A traversé la nuit ? Mon coeur frémit de crainte !

(Elle s'avance et heurte du pied le corps de Vincent)

Un homme est couché là, le front baigné de sang,
Glacé ! Dieu tout-puissant !
Je reconnais ses traits dans l'ombre !
C'est Vincent !

(Se redressant avec colère)

Et lui, le meurtrier, le traître,
Qui fuit là-bas comme un bandit,
J'ai su le reconnaître !
Sois maudit, Ourrias ! Sois maudit !
Soit trois fois maudit !

(Elle se penche sur Vincent, et essuie avec un pan de son manteau la blessure de son front).

 

Deuxième tableau : Le pont de Trinquetaille

Les eaux du Rhône, éclairées par la lune, couvrent tout le théâtre et se perdent au loin dans la brume. Une pointe de terre, bordée d'ajoncs sauvages, s'avance au milieu du fleuve. C'est là qu'Ourrias s'arrête dans sa fuite.

SCÈNE PREMIÈRE

OURRIAS (seul)

(Il entre précipitamment, pâle, effaré et les cheveux en désordre).

Ah ! qu'ai-je fait ? Ah ! qu'ai-je fait ?
La main de Dieu courbe mon front coupable !
De mon forfait ! De mon forfait !
Le souvenir me poursuit et m'accable !
Le remords pour jamais est entré dans mon coeur...
J'ai peur ! J'ai peur ! J'ai peur ! J'ai peur !
 
Le sang versé ! Le sang versé !
Souille mes mains d'un signe ineffaçable !
Pâle et glacé, pâle et glacé,
Vincent, là-bas est couché sur le sable
Le remords pour jamais est entré dans mon coeur...
J'ai peur ! J'ai peur ! J'ai peur ! J'ai peur !
J'ai peur !

(Tombant à genoux)

Grâce ! Faites-moi grâce, archanges menaçants !
De moi, détournez votre glaive.
Ah !

(Après un silence)

Mais quel vain rêve
Trouble mes sens ?

(Il regarde autour de lui)

La nuit est calme et claire
La plage est solitaire...

(Il se relève)

Hâtons-nous de gagner l'autre côté de l'eau !
Holà ! passeur, amène ton bateau !

(Son appel, répété par un écho lointain, se perd dans le silence de la nuit. On entend un long soupir traverser l'espace)

Dieu ! quels accents funèbres
S'exhalent dans les airs !
Quels fantômes errants (hideux) passent sous les flots clairs,
Ou se dressent dans les ténèbres ?...

(Des lueurs livides glissent sur les eaux. De blancs fantômes semblent sortir des profondeurs du fleuve. Une cloche lointaine sonne minuit).

SCÈNE 2

CHOEUR DES TRÈVES

Voici minuit !
Un feu qui luit
Traverse l'ombre
Les trépassés
Sortent glacés
Du gouffre sombre !
Le ciel est bleu !
L'air nous enivre
Béni soit Dieu
Qui nous délivre !
Béni soit Dieu
Qui nous délivre !

LES FILLES MORTES D'AMOUR

Nous sommes les folles d'amour !
Les pauvres filles délaissées,
Que la mort, sans retour,
Au vieux Rhône a fiancées !...
Nous sommes les folles d'amour !

VOIX DIVERSES

Ô nuit ! ciel étoilé ! doux parfums de la terre !
Ô mort ! cruel exil ! lamentable mystère !

OURRIAS (avec terreur)

Je me souviens !...
C'est à minuit
Que les Trèves sans bruit
Sortent du gouffre sombre
Je les vois...
Je les vois glisser sous le flot bleu
Et se dresser dans l'ombre
Les bras tendus vers Dieu !

(Les voix se taisent. La funèbre procession disparaît dans la brume).

OURRIAS (se redressant)

À moi, passeur !... à moi, batelier de l'enfer !

UNE VOIX

Qui m'appelle ?

OURRIAS (agitant son épieu d'un air de menace)

Ourrias, l'homme au trident de fer !...

(Un bateau semble sortir soudainement du fond de l'abîme. Un batelier, au visage pâle, enveloppé dans une longue cape noire, se tient debout à l'avant du bateau).

LE PASSEUR

Me voici... hâtons-nous.

OURRIAS

Tu t'es fait bien attendre,
Passeur ! une autre fois tâche de mieux entendre.

(Il saute dans la barque).

Et maintenant, au large !

(Le passeur plonge sa gaffe dans l'eau pour faire marcher le bateau).

Saints du ciel !
L'eau se gonfle et mugit... et ton bateau s'arrête !
Traître ! tu répondras de mes jours sur ta tête
Et sur ton salut éternel !...

LE PASSEUR

Ourrias, ta colère est vaine
Mon bateau porte un poids maudit !
Songe à Vincent... frappé par toi !

OURRIAS

Qui te l'a dit ?

LE PASSEUR

Le Dieu vengeur
Dont la main nous entraîne !...

(L'embarcation s'enfonce dans l'eau mugissante).

OURRIAS

Ah !

CHOEUR

Voici minuit !
Un feu qui luit
Traverse l'ombre
Les trépassés
Sortent glacés
Du gouffre sombre !
Le ciel est bleu !
L'air nous enivre
Béni soit Dieu
Qui nous délivre !
Béni soit Dieu
Qui nous délivre !

ACTE IV

Premier tableau : Le mas des Micocoules (Lou mas di Falabrego)

La cour intérieure du mas. Au fond, un grand portail donnant sur la Crau. À gauche, la cour se prolonge sous des arcades, où sont les communs. A droite, la maison d'habitation de Ramon et de Mireille. Au premier plan, image ou statue de la Vierge. À gauche, une longue table continuant dans la coulisse, où sont assis les moissonneurs au lever du rideau. On devine dans la cour les feux de la Saint-Jean qui éclairent celle-ci et autour desquels les enfants forment une ronde joyeuse.

SCÈNE PREMIÈRE

CHOEUR DES MOISSONNEURS

Amis, amis, voici la moisson faite !
Entassez les fagots ; faites flamber le feu !
Entassez les fagots ; faites flamber le feu !
Et jusqu'au jour que chacun fête, que chacun fête
Saint Jean le moissonneur, Saint-Jean l'ami de Dieu !
Saint Jean le moissonneur, Saint-Jean l'ami de Dieu !
Saint Jean le moissonneur, Saint-Jean l'ami de Dieu !
Saint-Jean ! Saint-Jean ! Saint-Jean ! Saint-Jean !

(Ramon et Mireille paraissent sur le seuil. Les danses s'interrompent aussitôt, les voix se taisent. Les moissonneurs se lèvent et se découvrent avec respect).

SCÈNE 2

RAMON

Bien ! Réjouissez-vous, amis !
Voici le Maître !
Au diable les soucis et prenons du bon temps !
De vos rudes labeurs, dès que le jour va naître,
Vous serez tous payés en beaux écus comptants.

LES ENFANTS (entourant Mireille et lui offrant un bouquet)

Après la moisson finie,
A vous la gerbe bénie,
Faite d'épis et de fleurs.
Que bientôt ainsi Dieu même
Vous donnant à qui vous aime,
Lie à jamais vos deux coeurs !...
Après la moisson finie,
A vous la gerbe bénie
Faite d'épis et de fleurs.

(Mireille prend le bouquet et embrasse sans répondre l'enfant qui le lui offre).

LE CHOEUR (à demi-voix)

Qu'a-t-elle donc ?
Pourquoi cette mine attristée ?

RAMON (bas aux moissonneurs, en s'efforçant de rire)

Chut ! Mireille m'en veut !
Mireille est irritée !
Je vous dirai pourquoi demain.

(Mireille traverse lentement le théâtre et se retire dans sa chambre).

Allons, le verre en main, amis !
Le verre en main !

REPRISE DU CHOEUR

Le verre en main ! Le verre en main !
Le verre en main ! Le verre en main !
Amis, amis, voici la moisson faite !
Entassez les fagots, faites flamber le feu
Entassez les fagots, faites flamber le feu
Et jusqu'au jour que chacun fête, que chacun fête
Saint Jean le moissonneur, Saint-Jean l'ami de Dieu !
Saint Jean le moissonneur, Saint-Jean l'ami de Dieu !
Saint Jean le moissonneur, Saint-Jean l'ami de Dieu !
Saint-Jean ! Saint-Jean ! Saint-Jean ! Saint-Jean !

LES ENFANTS (au-dehors, dansant autour du brasier)

Saint Jean ! Saint Jean ! Saint Jean

(Les garçons de ferme ont enlevé la table. Les moissonneurs sortent en chantant. La porte du fond se ferme. Les dernières lueurs du brasier s'éteignent et les voix s'éloignent) (Ramon reste seul).

SCÈNE 3

RAMON (resté seul)

Ah ! Malheureuse enfant ! Ah ! maudites amours !
Cruels soucis qu'un sort funeste nous envoie
C'en est fait de ma joie,
Et du repos de mes vieux jours !...
C'en est fait de ma joie,
Et du repos de mes vieux jours !...

(Avec un accent désolé et le front penché vers la terre)

Aux jours d'été les grands orages !
Le ciel obscurcit l'horizon ;
L'éclair déchire les nuages ;
Le vent disperse la moisson
Ainsi le deuil frappe à ma porte !
Ainsi le malheur fond sur moi,
Brisant mon rêve qu'il emporte !...
Telle est de Dieu l'aveugle loi !...

(Ramon regagne tristement sa chambre. La scène est obscure, mais la fenêtre de Mireille est éclairée. Mireille, accoudée à sa fenêtre, fredonne doucement et tristement).

SCÈNE 4

MIREILLE (dans sa chambre)

Ô Magali, ma bien-aimée,
Fuyons tous deux sous la ramée
Au fond du bois silencieux !
Au fond du bois silencieux !
La nuit sur nous étend ses voiles,
Et tes beaux yeux
Vont faire pâlir les étoiles
Au sein des cieux !...
SCÈNE 5

(On entend la musette, pendant que le jour commence à poindre. Le berger apparaît sur les dernières mesures et chante).

LE BERGER

Le jour se lève
Et fait pâlir la sombre nuit.
Au loin, déjà l'ardente grève,
Que nulle brise ne soulève,
S'enflamme et luit !
Et dans les airs l'oiseau s'enfuit.
Et moi, tout seul avec mes chèvres,
La soif aux lèvres,
J'erre au hasard dans le désert brûlant,
D'un pas tranquille et lent.
Le lézard gris boit la lumière,
L'humble grillon, dans la poussière,
Chante au soleil,
Et moi couché dans la bruyère,
Je vais reprendre mon sommeil.

(Pendant les dernières mesures de la chanson du berger, Mireille est sortie de sa chambre et regarde le berger s'éloigner).

SCÈNE 6

VINCENETTE

(seule en scène)

Heureux petit berger,
Heureux petit berger,
Ah ! que ton sort me fait envie
Toujours libre, le coeur léger,
Les peines de la vie
Ne peuvent t'affliger,
Heureux petit berger !
Heureux petit berger !
 
Dans ce désert de feu
Tout seul avec tes chèvres,
Tu dors sous le ciel bleu,
Une chanson aux lèvres.
Et pendant ton sommeil
Les joyeuses cigales
Font tinter au soleil
Leurs bruyantes cymbales !...
Et pendant ton sommeil
Les joyeuses cigales
Font tinter au soleil
Leurs bruyantes cymbales !...
 
Ah ! Heureux petit berger,
Heureux petit berger,
Ah ! Que ton sort me fait envie
Toujours libre, le coeur léger,
Les peines de la vie
Ne peuvent t'affliger,
Heureux petit berger !
Heureux petit berger !
SCÈNE 7

(Vincenette entre par le portail du fond et s'avance rapidement vers Mireille)

VINCENETTE

Mireille !

MIREILLE

Qui m'appelle ? est-ce lui ?

VINCENETTE

Non, Mireille, c'est moi !
Mais parlons bas !... N'éveillons personne

MIREILLE

Qu'as-tu donc ? Qu'est-il arrivé ?

VINCENETTE

Calme ta crainte. Il est sauvé

MIREILLE

Sauvé, qui donc ? Grand Dieu ! Je tremble.

VINCENETTE

Le mauvais sort cette nuit les rassemble
Sur le chemin du Val d'Enfer,
Et le traître Ourrias, ivre de folle rage,
Le frappe au front de son trident de fer !

MIREILLE

Ciel !... Ourrias !... Vincent !

VINCENETTE

Attends et prends courage !
Taven m'a fait venir
Et m'a dit : « Ne crains rien.
Sa blessure est légère, il dort, tout ira bien ».

MIREILLE (avec anxiété)

Ah ! parle encore ! achève !... en tremblant je t'écoute !
Tu ne m'as pas tout dit ! tu me trompes sans doute
De peur de m'affliger !
Vincent m'attend ! sa vie est en danger !

VINCENETTE (lui prenant doucement les mains)

Non ! non ! que ton coeur se rassure
Taven a guéri sa blessure !
Ne pleure plus, ô Mireille ! et crois-moi
Si je tremblais pour lui, serais-je auprès de toi ?

MIREILLE (avec une exaltation croissante)

Eh bien, c'est aujourd'hui que l'église des Saintes
Ouvre sa porte aux malheureux !
Dieu même dans le ciel accueillera leurs plaintes,
Et les anges prieront pour eux !
Femmes, vieillards, enfants du pays de Provence,
Les pieds nus et les yeux en pleurs,
Iront porter là-bas leur humble redevance
D'épis mûrs, de fruits et de fleurs !
 
Moi, je veux, cette fois, arriver la première
Devant le porche du saint lieu ;
Et, dans l'ombre, à genoux, et, le front sur la pierre,
Pour mon Vincent implorer Dieu !
Implorer Dieu !
Et, dans l'ombre, à genoux, et, le front sur la pierre,
Pour mon Vincent implorer Dieu !
Implorer Dieu !
Pour mon Vincent implorer Dieu !

VINCENETTE

Ah ! chère soeur ! chère Mireille !
C'est le ciel qui t'inspire et que Dieu te conseille !
Moi, j'attends là-bas que ton père s'éveille.

MIREILLE

Colliers et bracelets, anneaux d'argent et d'or,
Rameaux de buis bénit, saintes palmes fleuries,
Tous mes pauvres bijoux, tout mon petit trésor
J'en fais don aux Saintes Maries !

(s'agenouillant)

Ô patronnes des amoureux !

VINCENETTE (les mains jointes et les yeux au ciel)

Ô refuges des malheureux !

MIREILLE

Saintes martyres !

VINCENETTE

Saintes femmes

MIREILLE

Dont le regard lit dans nos âmes

VINCENETTE

Dont la main peut sécher nos pleurs

MIREILLE

Et guérir toutes nos douleurs !

VINCENETTE

Ainsi qu'à Dieu même,
A vous j'ai recours !

MIREILLE

De celui que j'aime !
Protégez les jours !

(Se relevant).

Il est temps de partir ! allons, n'hésitons pas
Qu'un bon ange guide nos pas !

(Se tournant vers la chambre de son père).

Dieu me pardonnera ! Pardonnez-moi, mon père !
Adieu ! j'aime ! je crois ! j'espère !

(Elles sortent).

 

Deuxième tableau : Le désert de la Crau

Le désert de la Crau. Vaste étendue de terrain pierreux et aride, éclairé par un soleil ardent. Sur le premier plan, quelques arbres tordus par le vent. À droite, une vieille citerne en ruine à demi enfouie sous les herbes. Le silence n'est interrompu que par le chant monotone des cigales ou le cri aigu de quelque oiseau de proie traversant l'air. Mireille entre en courant, très pâle, les cheveux au vent et le corsage dénoué.

MIREILLE

Voici la vaste plaine et le désert de feu.

[* Cette scène, destinée à une voix de soprano dramatique, est coupée lorsque le rôle est confié à un soprano léger].

Dieu bon, fais que Mireille accomplisse son voeu !
En marche ! En marche ! En marche !
Ainsi que Maguelonne !
Les ailes de l'amour et le vent de la foi,
Les ailes de l'amour et le vent de la foi,
Sous le ciel ardent qui rayonne
Jadis l'emportaient comme moi !...
Ni de la mer l'onde écumante,
Ni les éclairs, ni la tourmente,
Ni les traits enflammés du jour,
N'ont arrêté la pauvre amante,
La pèlerine d'amour !
La pèlerine d'amour !

(Elle fait quelques pas).

Mais le ciel m'éblouit !... le jour m'aveugle !

(Elle s'arrête).

Où suis-je !
Je me sens prise de vertige !...

(Tendant les mains vers l'horizon).

Et là-bas, là-bas, ô prodige !
Dans l'azur transparent des cieux,
Quel rêve de terre promise
Tout à coup, tout à coup, surgit à mes yeux !

(On voit au loin se dessiner dans le ciel, par un effet de mirage, une ville miraculeuse au bord d'un grand lac entouré d'arbres).

Est-ce Jérusalem et sa pieuse église,
Ou le tombeau des Saintes de la mer ?
Ou le tombeau des Saintes de la mer ?

(L'image disparaît peu à peu et s'efface).

Mais non !... la vision s'évanouit dans l'air,
L'image ailée
S'est envolée !

(Elle s'élance en avant et s'affaisse tout à coup en poussant un cri de douleur et en portant ses mains à son front).

De sa flèche d'or
Le soleil m'a blessée !... Je meurs !...
Adieu, Vincent, adieu !... pleure ta fiancée !

(Mireille tombe à terre évanouie, cependant qu'on entend au loin la musette du berger. Sur les dernières mesures, Mireille revient à elle).

Non, non ! Je ne mourrai pas !
Je ne veux pas mourir ! Marchons encor ! Marchons encor !
En marche ! En marche ! En marche !
Ainsi que Maguelonne !
Les ailes de l'amour et le vent de la foi,
Les ailes de l'amour et le vent de la foi,
Sous le ciel ardent qui rayonne
Jadis l'emportaient comme moi !
Ni de la mer l'onde écumante,
Ni les éclairs, ni la tourmente,
Ni les traits enflammés du jour
N'arrêteront la pauvre amante,
La pèlerine de l'amour !
La pèlerine de l'amour !
Ni de la mer l'onde écumante,
Ni les éclairs, ni la tourmente,
Ni les traits enflammés du jour
N'arrêteront la pauvre amante,
La pèlerine de l'amour !
En marche !
En marche !
En marche !
Ah !

(Elle a disparu au loin en chantant la fin de cet air).


ACTE V

La chapelle haute des Saintes-Maries. On voit, au fond, la mer. Sur un des côtés, au premier plan, la chapelle, les saintes reliques, ex-voto, etc.

SCÈNE PREMIÈRE

Marche Religieuse

CHOEUR

Vous qui du haut des cieux
Voyez les pleurs de nos yeux,
Vous qui du haut des cieux
Voyez les pleurs de nos yeux,
Écoutez nos prières,
Saintes du paradis !
Guérissez nos vieux pères,
Et protégez nos fils !
Écoutez nos prières,
Saintes du paradis !
Guérissez nos vieux pères,
Et protégez nos fils !
Écoutez nos prières,
Saintes du paradis !
Saintes du paradis !
Saintes du paradis !

(Pendant le choeur, les fidèles traversent la scène. Vincent est entré, cherchant Mireille dans la foule).

SCÈNE 2

VINCENT (seul)

Mon coeur est plein d'un noir souci !
Qui l'arrête ? Pourquoi n'est-elle pas ici ?
Anges du paradis, couvrez-la de votre aile !
Dans les airs étendez votre manteau sur elle
Et toi, brûlant soleil d'été,
Fais grâce à sa jeunesse, épargne sa beauté
Je l'ai vue à travers mon rêve,
Dans la lande aux souffles de feu,
Accourant seule vers la grève,
Pâle et le front courbé, sous l'éclat du ciel bleu,
Invoquant les Saintes et Dieu !
Anges du paradis, couvrez-la de votre aile
Dans les airs étendez votre manteau sur elle
Et toi, brûlant soleil d'été,
Fais grâce à sa jeunesse, épargne sa beauté !

(Mireille paraît. Elle est pâle et chancelante. Ses mains cherchent un appui, ses regards s'arrêtent sur Vincent sans le reconnaître).

SCÈNE 3

VINCENT (poussant un cri et s'élançant vers Mireille)

Ah ! la voici c'est elle !

MIREILLE

Toi ! Vincent ami fidèle
C'est toi qui m'attendais
C'est toi je te revois (Elle se laisse tomber dans les bras de Vincent).
Ah ! mon coeur tressaille à ta voix !
Ah ! mon coeur tressaille à ta voix !
J'ai retrouvé tout mon courage !...

VINCENT

Ne te souviens-tu pas du pieux rendez-vous ?
Si jamais le malheur vient frapper l'un de nous,
Aux Saintes tous les deux : aux Saintes à genoux !

MIREILLE (relevant la tête avec effort)

Oui ! oui !...

VINCENT

Quelle pâleur sur ton visage !
Qu'as-tu donc ?

MIREILLE (souriant avec effort)

Rien. Rien. De ses traits de feu
Le soleil m'a blessée au front ; mais, grâce à Dieu !
Sous tes baisers, mon mal s'apaise
Sous tes regards, sous tes regards, mon coeur tressaille d'aise !

(On entend le chant des orgues dans l'église, accompagnant le cantique entonné par les fidèles).

CHOEUR (dans l'église)

Le voile enfin s'est déchiré
Le noir tombeau soudain s'est éclairé !
Voici le trésor sacré ! ...
Gloire aux Saintes Maries !
Gloire aux Saintes Maries !
Gloire aux Saintes Maries !
Gloire aux Saintes Maries !
Un ange descend du ciel bleu ;
Un doux parfum embaume le saint lieu
Un cri d'amour monte à Dieu !
Gloire aux Saintes Maries !
Gloire aux Saintes Maries !
Gloire aux Saintes Maries !
Gloire aux Saintes Maries !

MIREILLE (avec égarement)

Écoute ! c'est pour nous qu'ils prient !
Mireille et Vincent se marient
Le ciel a béni leurs amours !

VINCENT

Que dit-elle ?

MIREILLE

Aimons-nous ! Vincent ! Toujours !... Toujours !...
Sainte ivresse ! divine extase !
Pur transport dont mon coeur s'embrase
Rêve heureux ! doux enchantement !
Le ciel même s'ouvre et s'enflamme !
Et dans l'air et dans mon âme,
Dans l'air et dans mon âme,
Tout est joie et rayonnement !

(Mireille retombe épuisée dans les bras de Vincent).

VINCENT

Grand Dieu !

VINCENETTE (accourant)

Mireille !

VINCENT

Accourez !

VINCENT, VINCENETTE

Accourez !
SCÈNE 4

RAMON

Mireille !... Mon enfant !

CHOEUR

Mireille !

MIREILLE

Vous pleurez, vous pleurez !...

VINCENETTE, VINCENT, RAMON

Dieu ! quelle ardeur étrange
En ses yeux égarés !

RAMON

Ne meurs pas, chère enfant !
Ne meurs pas, et pardonne !

(A Vincent).

Toi, sauve-la, Vincent ! je te la donne !

MIREILLE

Il est trop tard ! Voyez, le ciel rayonne,
Et les Saintes viennent à moi
Pour me donner la main. Je les vois !... Je les vois !...

VINCENT

Ah ! je veux les suivre avec toi !

MIREILLE (et tout le monde)

Sainte ivresse ! Divine extase !
Pur transport dont mon coeur s'embrase
Rêve heureux, doux enchantement !
Le ciel même s'ouvre et s'enflamme,
Et dans l'air et dans mon âme,
Dans l'air et dans mon âme,
Tout est joie et rayonnement !
Et rayonnement !

(Avant la reprise de l'ensemble, les fidèles sont entrés peu à peu et entourent Mireille).

MIREILLE (extasiée)

Voyez ! Voyez ! l'onde étincelle !
La mer est calme et le ciel bleu
Adieu, Vincent ! Adieu ! (Elle meurt).

VINCENT

Ô mort ! Emporte-moi dans la tombe avec elle !

UNE VOIX (d'en haut)

Ô Mireille, suis-nous vers le divin séjour,
Viens goûter dans les Cieux la douceur infinie,
Et la grâce ineffable, et l'ivresse bénie
De l'éternel amour !

TOUT LE MONDE

Son âme a pris son vol vers Dieu !
Un doux parfum embaume le Saint Lieu !
Elle a pris son vol vers Dieu !

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