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Marius AUTRAN
Jean-Claude AUTRAN
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Archives familiales : Répertoire lyrique

LA TOSCA

OPÉRA en 3 ACTES

Livret italien de Giuseppe GIACOSA et Luigi ILLICA, d'après la pièce de Victorin SARDOU La Tosca (1887)
Livret français de Paul FERRIER
Musique de Giacomo PUCCINI


Ouvrage créé le 14 janvier 1900 au Teatro Costanzi de Rome.
Joué pour la première fois en version française le 13 octobre 1903 à l'Opéra-Comique de Paris,
puis, le 24 novembre 1925 à l'Opéra de Paris.
Distribution, rôles, voix
Artistes à la création (Rome, 1900)
Floria TOSCA, (soprano)
Mario CAVARADOSSI, peintre (ténor)
Le Baron SCARPIA, chef de la Police (baryton)
Cesare ANGELOTTI, (basse)
Le Sacristain (baryton)
SPOLETTA, agent de police (ténor)
SCIARRONE, gendarme (basse)
Un geôlier (basse)
Un berger (enfant)
Un Cardinal - Le Juge du Fisc - Roberti, exécuteur - Un Scribe - Un Officier - Un Sergent. Soldats, Sbires, Dames, Seigneurs, Bourgeois, Peuple, etc.
H. Darclée
E. De Marchi
E. Giraldoni
Chef d'orchestre : L. MUGNONE


Distribution, rôles, voix
Artistes à l'Opéra-Comique de Paris (1903)
Floria TOSCA, (soprano)
Mario CAVARADOSSI, peintre (ténor)
Le Baron SCARPIA, chef de la Police (baryton)
C. Friché
L. Beyle
H. Dufranne
Chef d'orchestre : A. BALBIS


À Rome, en juin 1800.
 

Résumé

Acte 1

Angelotti, l'ancien consul de la République Romaine, a réussi à s'évader du Château Saint-Ange, où il était détenu comme prisonnier politique. Pour échapper à ses poursuivants, il se cache dans la chapelle de la marquise Attavanti, sa soeur, où le peintre Cavaradossi est en train de travailler à une Madone portant à ne pas s'y méprendre les traits d'une belle jeune femme dont la présence fréquente dans l'église a frappé l'artiste auquel, observée par lui lorsqu'elle était en prières, elle a servi sans le savoir de modèle (le portrait représente, comme Tosca et Scarpia lui-même n'auront pas de mal à s'en apercevoir, la soeur d'Angelotti qui a mis à profit ses visites à l'église pour dissimuler sous l'autel des vêtements féminins destinés à favoriser la fuite de son frère). Cavaradossi compare les traits de sa Marie Madeleine à ceux de sa maîtresse, la cantatrice Floria Tosca, ce qui provoque l'indignation du sacristain. Une fois que celui-ci a quitté l'église, Angelotti se croyant seul, s'apprête à prendre la fuite, mais tombe sur Cavaradossi, qui reconnaît en lui un ami politique auquel il n'hésite pas à offrir aide et protection contre le chef de la police, Scarpia et ses sbires. L'arrivée de Tosca force Angelotti à se cacher à nouveau ; il est ainsi le témoin involontaire des violents accès de jalousie de Tosca ainsi que des protestations d'amour émises par Cavaradossi, qui s'efforce d'apaiser sa maîtresse. Lorsque Tosca est enfin partie, un coup de canon révèle que la fuite d'Angelotti a été découverte ; Cavaradossi se hâte alors de conduire son ami vers la cachette qu'il lui offre dans sa propre demeure. Quelques instants plus tard Scarpia, qui dirige les recherches visant à retrouver Angelotti, pénètre dans l'église. Il s'entend à exciter la jalousie de Tosca qui, envahie de méfiance, est retournée à l'église. La foule des fidèles ne cesse d'augmenter et tandis que ceux-ci entonnent un solennel Te Deum, Scarpia, troublé, vante la beauté et les charmes de Tosca.

Acte 2

Dans un monologue, Scarpia dévoile son intention de se débarrasser de son rival Cavaradossi. Arrêté arbitrairement, le peintre est d'abord soumis à un interrogatoire puis entraîné à la chambre de torture parce que soupçonné de complicité dans la fuite d'Angelotti. Tosca, qui a été entre-temps mise au courant des faits, est témoin, dans la chambre de Scarpia, de la torture infligée à son amant dans la pièce à côté. Un hurlement de douleur du supplicié lui fait trahir la cachette d'Angelotti. Lorsque Cavaradossi, portant les stigmates de la torture, entonne avec enthousiasme un hymne à la liberté à l'annonce de la victoire de Napoléon à la bataille de Marengo, son destin est définitivement arrêté : il mourra, à moins que Tosca ne soit disposée à payer le prix requis par Scarpia pour se laisser corrompre, à savoir se donner à lui. Humiliée au plus profond d'elle-même, elle y consent, tout en réclamant un sauf-conduit qui lui permettra de conquérir sa liberté avec Cavaradossi. En présence de Tosca, Scarpia s'entretient alors avec Spoletta, son agent, de la manière dont devront se passer les choses : on procèdera comme on le fit dans le cas du comte Palmieri ; c'est-à-dire qu'on se livrera à un simulacre d'exécution de Cavaradossi avec des armes non chargées. Tandis que Scarpia est en train de rédiger le sauf-conduit, Tosca peut saisir un couteau dont elle le poignarde lorsqu'il s'approche d'elle pour réclamer son prix. Espérant que le meurtre restera encore quelques heures non découvert, Tosca se précipite, avec le sauf-conduit qu'elle a dû arracher à la main déjà raidie de Scarpia, en direction du château Saint-Ange pour retrouver Cavaradossi.

Acte 3

Cavaradossi, sachant qu'il n'échappera pas à la mort, prend douloureusement congé de la vie. Ses pensées ne peuvent se détacher de sa Tosca bien-aimée. A sa grande surprise, il voit soudain sa maîtresse arriver à la citadelle. Elle le met au courant des événements terribles qu'elle vient de vivre et l'informe du cours que prendra l'exécution, selon les ordres donnés par Scarpia. Mais lorsque le peloton d'exécution s'est retiré, elle constate l'épouvantable vérité : la parole de Scarpia n'était qu'une imposture. Cavaradossi est mort. Le meurtre du chef de la police ayant été entre-temps découvert, les sbires se sont lancés à la poursuite de Tosca et pénètrent déjà dans le château Saint-Ange. En prononçant les paroles "O Scarpia, avanti a Dio !", Tosca enjambe le parapet de la citadelle et se jette dans le vide.

* Durée de l'ouvrage : entre 1 h 50 et 2 h 00

 

CATALOGUE DES MORCEAUX
ACTE Ier


Solo de Cavaradossi
Solo de Tosca
- O de beautés égales
- Notre doux nid caché
ACTE II


Solo de Scarpia
Prière de Tosca
- Si pour de beaux yeux
- D'art et d'amour
ACTE III


Solo de Cavaradossi
Solo de Cavaradossi
- Le Ciel luisait d'étoiles
- O douces mains si blanches


ACTE PREMIER

L'Église Saint-André de la Vallée

 

À droite, la chapelle Attavanti ; à gauche, un échafaudage ; au-dessus, un grand tableau recouvert d'une toile ; tout l'attirail d'un peintre ; un panier.
Angelotti, en habits de prisonnier, déguenillé, défait, tremblant de peur. Il entre, courant et haletant, par la petite porte latérale. Il regarde vivement autour de lui.

ANGELOTTI

Ah ! Je respire !
Fut-il terreur pire ?...
Je voyais partout la face d'un sbire !

(Il a un moment d'effroi, puis regarde encore, attentif, mais calmé, pour reconnaître le lieu. Il a un soupir de soulagement en voyant la colonne où sont le bénitier et la Madone).

La vasque !... La colonne...
« Aux pieds de la Madone »
Ce mot me le rappelle !

(Il va vers la colonne. Il cherche la clé aux pieds de la statue de la Madone. Il ne la trouve pas ; très ému, il cherche encore. Il fait un geste de découragement. Il recommence à chercher. Enfin, il trouve la clé : un cri suffoqué de joie).

Voilà la clé !

(Il va rapidement vers la chapelle Attavanti).

Et voilà la chapelle !

(Il craint d'être épié, regarde de nouveau autour de lui ; puis il va à la chapelle, introduit avec précaution la clé dans la serrure. Il ouvre la grille, entre, referme la grille et disparaît. Le sacristain entre du fond, va de droite à gauche, s'occupant à mettre de l'ordre dans l'église. Il a des pinceaux à la main. Il s'approche de l'échafaudage et parle à haute voix, comme s'il s'adressait à quelqu'un).

LE SACRISTAIN

Et peste ! et diantre !
Ces pinceaux-là sont propres,
Pires que le collet crasseux d'un chantre !
Monsieur le peintre !

(Il regarde sur l'échafaudage, étonné de n'y voir personne).

Bon ! Personne !...
Et d'ordinaire, il est là lorsque je rentre,
Le chevalier Cavaradossi !

(Il pose les pinceaux sur l'échafaudage. Il regarde dans le panier).

Non ! bête ! voilà sa dînette !

(Il monte sur l'échafaudage. L'Angélus sonne ; il s'agenouille et prie à voix basse).

Angelus Domini nuntiavit Mariae,
Et concepit de Spiritu Sancto
Ecce ancilla Domini ;
Fiat mihi secundum verbum tuum
Et verbum caro factum est,
Et habitavit in nobis...

CAVARADOSSI (entre par la porte latérale et voit le sacristain à genoux)

Eh bien ?

LE SACRISTAIN

Je disais l'Angélus.

(Cavaradossi monte sur l'échafaudage et découvre le tableau : une Marie-Madeleine avec de grands yeux bleus et de longs cheveux dorés. Il contemple un moment son oeuvre. Le sacristain se retourne vers lui pour lui parler. Il voit le tableau découvert et pousse un cri de surprise).

Notre-Dame ! Son portrait !

CAVARADOSSI

De qui ?

LE SACRISTAIN

De l'inconnue,
Qui pour prier là, de toute son âme,
Tous ces jours était venue !

(Il a indiqué, d'une attitude pleine d'onction, la Madone au pieds de laquelle Angelotti a trouvé la clé).

CAVARADOSSI (se tournant vers le sacristain)

C'est elle ! Et sa ferveur était telle,
Sans être vu d'elle,
J'ai peint, discret hommage,
Sa douce image !

LE SACRISTAIN (scandalisé)

Vade, Satanas, retro !

CAVARADOSSI

Mais le temps presse !

(Cavaradossi peint rapidement ; et s'arrête souvent pour voir l'effet. Le sacristain, descendu, va et vient ; il reprend les pinceaux, qu'il lave dans une cuvette, au pied de l'échafaudage. Cavaradossi cesse de travailler ; il tire de sa poche un médaillon, qui encadre une miniature, et ses yeux vont de la miniature au tableau).

Ô de beautés égales,
Dissemblance féconde !
Brune est ma Floria,
Maîtresse tant aimée !

LE SACRISTAIN (grommelant à demi-voix)

De ces bourdes, les saints ne sont pas dupes !

(Il s'éloigne pour aller chercher de l'eau où rincer les pinceaux)

CAVARADOSSI

Et toi, beauté, qui m'es inconnue,
Le Seigneur te fit blonde !
Tes yeux d'azur sont pâles !
Ses yeux noirs scintillent !

LE SACRISTAIN (Il revient du fond et toujours scandalisé)

De ces bourdes, les saints ne sont pas dupes !

(Il recommence à laver ses pinceaux).

CAVARADOSSI

Et splendeurs triomphantes,
Je vous joins toutes deux en un acte de foi !
Mais, Tosca, tout de même,
C'est toi seule que j'aime !
C'est toi seule que j'adore,
Tosca ! C'est toi !

(Il continue à peindre).

LE SACRISTAIN

On flaire sous ces jupes,
En dépit de leur zèle apostolique,
Un parfum diabolique !

(Il essuie ses pinceaux, continuant à marmotter).

De ces bourdes les saints ne sont pas dupes !
Avec ces chiens,
Chiens de Voltairiens,
Tous ennemis de notre très saint Régime,
Me taire est ma maxime !

(Il pose la cuvette sur l'échafaudage, et les pinceaux dans un vase près du peintre).

Hors de nos lois,
Traînez votre existence

(Désignant Cavaradossi)

Vous trépasserez dans l'impénitence !
Faisons plutôt le signe de la croix !

(À Cavaradossi)

Excellence ! Bonsoir !

CAVARADOSSI

Fais à ta guise !

(Il continue à peindre).

LE SACRISTAIN (montrant le panier)

Et ce panier ? Faites-vous pénitence ?

CAVARADOSSI

Je n'ai pas faim.

LE SACRISTAIN

Oh ! combien triste !

(Il se frotte les mains ; il ne peut réprimer un mouvement de joie, avec un regard avide sur le panier, qu'il prend pour le mettre de côté. Il prend deux prises de tabac).

Vous fermerez l'église !

CAVARADOSSI (peignant)

Oui !

LE SACRISTAIN (sortant par le fond)

Bien !

(Cavaradossi, tournant le dos à la chapelle, travaille. Angelotti, croyant l'église déserte, paraît derrière la grille et introduit la clé dans la serrure pour l'ouvrir).

CAVARADOSSI (se retournant au bruit)

Quel bruit entends-je ?

(Au mouvement que fait Cavaradossi, Angelotti, terrifié, s'arrête, comme pour se réfugier dans la chapelle ; mais il lève les yeux et un cri de joie étouffé sort de sa poitrine. Il a reconnu le peintre et tend les bras vers lui, comme vers un sauveur inespéré).

ANGELOTTI

Vous ! Cavaradossi !
Dieu vous amène !

(Il s'approche de Cavaradossi, qui, ne le reconnaissant pas, demeure surpris sur son échafaudage. Il s'approche encore pour se faire reconnaître).

Soyez secourable !
La prison m'a donc rendu méconnaissable !

CAVARADOSSI (Il le reconnaît, pose sa palette et ses pinceaux et, descendant de l'échafaudage, s'approche d'Angelotti, non sans regarder avec précaution autour de lui).

Angelotti !
Le Consul de notre pauvre République romaine !

(Il court fermer la porte latérale).

ANGELOTTI (s'approche de lui mystérieusement)

Je viens de fuir hors du Château Saint Ange !

CAVARADOSSI (généreusement)

Comptez, frère, sur moi !

TOSCA (de dehors)

Mario !

(À la voix de Tosca, Cavaradossi fait vivement signe à Angelotti de se taire).

CAVARADOSSI

Rentrez ici !
Une femme... jalouse !
Un mot lui donnera le change !

TOSCA

Mario !

CAVARADOSSI (vers la porte d'où vient la voix de Tosca)

Me voici !

ANGELOTTI (pris d'un accès de faiblesse, il s'appuie à l'échafaudage et dit douloureusement :)

La force m'abandonne, je succombe !

CAVARADOSSI

(Il monte rapidement sur l'échafaudage, prend le panier et le donne à Angelotti).

Prenez ce panier ; mangez et buvez.

ANGELOTTI

Merci !

CAVARADOSSI

Vite !

(Il le conduit, en l'encourageant, vers la chapelle. Angelotti entre dans la chapelle).

TOSCA (nerveuse)

Mario ! Mario ! Mario !

CAVARADOSSI (feignant d'être calme, il ouvre à Tosca)

Voici !

(Tosca entre vivement et regarde, soupçonneuse, autour d'elle. Il s'approche pour l'embrasser. Elle le repousse brusquement).

Tu t'enfermes ?

CAVARADOSSI (avec une feinte indifférente)

Le sacristain l'exige...

TOSCA

Mais tu parlais ?...

CAVARADOSSI

À toi.

TOSCA

Tu parlais à d'autres, te dis-je ! Mario !

CAVARADOSSI

Quoi ?

TOSCA

Où est cette femme ?
J'entends son pas encore,
Et des froufrous de robe !

CAVARADOSSI

Folle !

TOSCA

Tu jures ?

CAVARADOSSI (avec passion)

Que je t'adore !

(Il lui tend les bras).

TOSCA (d'un air de doux reproche)

Oh ! pas devant la Madone !
Non mon amour !
Que d'abord je lui donne
Ma couronne !

(Elle va lentement vers la statue de la Madone dépose à ses pieds les fleurs qu'elle portait. Elle s'agenouille et prie avec une grande dévotion. Elle se signe et se lève. À Cavaradossi, qui s'est apprêté à reprendre son travail).

Écoute-moi maintenant : ce soir je chante !
Ce n'est pas un obstacle ;
Viens me voir après le spectacle,
Et vers ta villa, fuyons tous deux ensemble !

CAVARADOSSI (toujours rêveur)

Ensemble !

TOSCA

La lune brille, des lilas l'enivrante senteur
Emplit mon coeur !
Es-tu content ?

(Elle s'assied sur un gradin près de lui)

CAVARADOSSI (distrait)

Certes !

TOSCA (dépitée par la froideur de Cavaradossi)

Redis-le donc !

CAVARADOSSI (agacé)

Certes !

TOSCA (nerveuse)

Tu le dis mal !
Tu le dis mal !
Notre doux nid, caché dans la verdure,
De le revoir, dis-moi si le temps dure,
Plus désirable et plus cher chaque jour,
Plein de joie et plein d'amour !
Oh ! les paupières closes,
À l'heure des couchants dorés,
Entendre au loin les mille voix des choses !
Grands bois, vallons et sources
Prenant leur course...
Les vieux tombeaux des temps passés
Et les fleurs de l'été qui se cachent dans la mousse,
Tout a pris une voix
Et c'est conseils charmeurs,
Où s'amollissent les coeurs !
Fleuris, verte colline,
À mi-voix, souffle, brise marine,
Que s'illumine
L'ombre d'alentour !
Ah ! Dût mon coeur éclater dans ma poitrine,
Dans mon sang versez l'amour !

CAVARADOSSI

Ah !... qui pourrait te résister, Ô charmeresse ?

TOSCA (avec abandon)

Dans mon coeur c'est l'ivresse de l'amour !

CAVARADOSSI

Ma sirène, j'irai !

TOSCA

Cher amant !

(Elle appuie sa tête sur l'épaule de Cavaradossi, qui tout à coup regarde du côté par où l'Angelotti est sorti).

Il faut que je travaille !

TOSCA

Tu me chasses ?

CAVARADOSSI

Le temps presse, vois-tu !

TOSCA (nerveuse, se levant)

Adieu ! je pars !

(Elle s'éloigne, puis, se retournant pour regarder Cavaradossi, elle aperçoit le tableau et revient précipitamment).

Quelle est cette belle blonde,
Dis-moi ?

CAVARADOSSI (calme)

La Madeleine. Tu trouves ?...

TOSCA

Qu'elle est trop belle !

CAVARADOSSI

Critique étrange !

TOSCA

Raille !
Ces grands yeux bleus, je crois les reconnaître !

CAVARADOSSI (d'un air indifférent)

Il en est tant au monde

TOSCA (cherchant à se souvenir)

Attends... Attends...

(Elle monte sur l'échafaudage)

(Triomphante)

C'est l'Attavanti !

CAVARADOSSI (riant)

Brava !

TOSCA (jalouse)

C'est elle ! Cruel !

(pleurant)

Tu l'aimes ! Parjure !

CAVARADOSSI (s'efforçant de la calmer)

Pure rencontre !

TOSCA (sans l'écouter, rageuse de jalousie)

Tu l'aimes ! Tout me l'assure !
Ah ! C'est elle ! Elle était là !

CAVARADOSSI

Va ! Va !

TOSCA

Ah ! la coquette !

(menaçante)

Ah ! mais ! Ah ! mais !

CAVARADOSSI (sérieux)

Elle est venue, hier, et je l'ai vue,
Pendant sa prière ! j'ai pris sa ressemblance

TOSCA

Vrai ?

CAVARADOSSI (sérieux)

C'est vrai.

TOSCA (les yeux toujours fixés sur le tableau)

Quels yeux elle me lance !

CAVARADOSSI

Folie !

TOSCA

De haine et d'insolence !

CAVARADOSSI (il la presse doucement de descendre)

Folie !

TOSCA

(Elle descend, les mains dans ses mains, sans cesser de regarder le tableau).

(Avec un doux reproche).

Ah ! ces yeux-là !

CAVARADOSSI

(Il la presse tendrement sur son coeur, les yeux dans les yeux).

Mais quels yeux valent tes yeux, ma Reine,
Tes yeux noirs, tes grands yeux de sirène ?
Où de la nuit brillent les feux !
Tes beaux yeux amoureux,
Fiers et plus doux encore,
Comme un regard de Reine !
Ah ! quels yeux valent tes yeux, sirène,
Tes beaux yeux que j'adore ?

TOSCA (conquise, la tête sur l'épaule de Cavaradossi)

Qui peut si bien t'instruire
En cet art de séduire ?

(malicieuse)

Mais fais-lui les yeux noirs !

CAVARADOSSI (tendrement)

Ma jalouse !

TOSCA

Ma tendresse
Sans relâche, déraisonne !

CAVARADOSSI

Ma jalouse !

TOSCA

Je te blesse !
Mais pardonne !

CAVARADOSSI

Ma jalouse !

TOSCA

Je confesse
Ma faiblesse,
Mais fais grâce à ma douleur !

CAVARADOSSI

Ma Tosca, plus de larmes !
Mon coeur vibre à tous tes charmes !
Floria, ton courroux est pour moi plein douceur !

TOSCA

Je confesse
Mon erreur,
Mais fais grâce à ma douleur !
Parle encore, ta parole
Me console,
Parle encore !

CAVARADOSSI

Chère âme, tête folle,
Tu peux en croire ma parole !
O mon idole,
Pour jamais je suis à toi !

TOSCA (se dégageant des bras de Cavaradossi)

Dieu !... J'en suis confuse,
Tu m'as déchevelée !

CAVARADOSSI

Adieu ! Quittons-nous !

TOSCA

Toi, travaille bien jusqu'à cette veillée !
J'ai ta promesse ; sous aucun prétexte, aucune,
Blonde ou brune,
Ne viendra prier là !
Jamais aucune !

CAVARADOSSI

J'en fais serment ! Va !

TOSCA

Que tu me presses !

CAVARADOSSI (avec un doux reproche)

Encore ?

TOSCA (elle tombe dans ses bras et lui donne sa joue à baiser)

Non ! Pardonne !

CAVARADOSSI (souriant)

Et devant la Madone !

TOSCA (souriant aussi)

Elle est si bonne !

(Ils s'embrassent. Elle se décide à partir ; et regardant encore le tableau)

Mais fais-lui les yeux noirs !

(Elle sort rapidement. Cavaradossi est ému et rêveur. Il se souvient d'Angelotti, et écoute pour s'assurer que Tosca s'est éloignée ; il entrouvre la petite porte et regarde au-dehors. Tout est tranquille. Il court à la chapelle. Angelotti paraît derrière la grille. Cavaradossi l'ouvre. Angelotti passe. Ils se serrent affectueusement la main).

CAVARADOSSI

Elle est bonne, ma Tosca, mais à confesse pourrait livrer notre secret !
D'où mon silence !
Se taire, c'est prudence !

ANGELOTTI

Sans doute !

CAVARADOSSI

Mais... vos projets, en somme ?

ANGELOTTI

Mettre le gouvernail
Selon la brise !
Fuir ou rester dans Rome !
Ma soeur veille...

CAVARADOSSI

L'Attavanti ?

ANGELOTTI

Oui ! Elle a mis des vêtements de femme, là !
Sous cet autel ! robe, voile, éventail !
Avec la brume,
Grâce à ce costume...

CAVARADOSSI

Tout s'explique :
Ces airs pleins de mystère,
Cette ardente prière,
D'une beauté si fière,
C'était pour moi la trame d'un doux roman d'amour !
Tout s'explique !
Amour de soeur bien chère !

ANGELOTTI

Coeur magnanime,
Elle dispute à Scarpia sa victime !

CAVARADOSSI

Scarpia !
Satyre, Tartuffe qui nous opprime,
Mêlant la dévotion, le vice et le crime !
À la fois confesseur et bourreau !

(avec une énergie croissante)

Honte de la patrie !
Au péril de ma vie,
Comptez sur moi !
Mais tarder serait, je crois,
Peu sage !

ANGELOTTI

Le jour m'effraie !

CAVARADOSSI

Le clos voisin vous ouvre un sûr passage,
Une oseraie,
À travers champs, à ma villa vous mène !

ANGELOTTI

La porte ?

CAVARADOSSI

Cette clé l'ouvre !
Vienne la nuit, je vous rejoins !
Prenez, par prudence,
Ces vêtements de femme !

ANGELOTTI (il va prendre les vêtements cachés par sa soeur)

Est-ce utile ?

CAVARADOSSI

À l'occurrence,
Mais la route est déserte.

ANGELOTTI (près de sortir)

Adieu !

CAVARADOSSI (courant à lui)

Au cas d'une alerte,
Vous courrez au puits du jardin !
Les eaux sont basses ;
J'ai fait à mi-chemin
De la paroi du puits, creuser une ouverture :
Cachette étroite, inaccessible et sûre !

(Un coup de canon. Tous deux se regardent avec angoisse).

ANGELOTTI

Le canon du château !

CAVARADOSSI

La fuite est découverte !
Scarpia lâche sa valetaille !

ANGELOTTI

Adieu !

CAVARADOSSI (avec résolution)

Non, je vous suis !
Alerte ! Alerte !

ANGELOTTI

On vient, fuyons !

CAVARADOSSI (avec enthousiasme)

Et, s'il le faut, bataille !

(Ils sortent rapidement de la chapelle).

LE SACRISTAIN (il entre, courant, tout échauffé, criant)

Grande joie ! Excellence !

(Il regarde du côté de l'échafaudage, surpris de ne pas voir Cavaradossi)

Disparu ! Mauvaise chance !
De contrister un impie
Cela vaut une indulgence !

(Les enfants de choeur, entrent vivement de tous côtés).

La maîtrise, vite ! là ! Vite !

LE CHOEUR

Qu'est-ce ?

LE SACRISTAIN (il les pousse vers la sacristie)

En sacristie !

LE CHOEUR

Quelle affaire ?

(Ils entourent le sacristain ; d'autres accourent et se joignent aux premiers).

LE SACRISTAIN

Jour de liesse !
Bonaparte... la canaille
Bonaparte...

LE CHOEUR

Après ? Au but ?

LE SACRISTAIN

Il a perdu la bataille
Et descend chez Belzébuth !

LE CHOEUR

(Ténors)

Qui l'assure ?

(Enfants et soprani)

Erreur ! Folie !

LE SACRISTAIN

La nouvelle s'en publie !
Son désastre est péremptoire !

LE CHOEUR

Et l'on fêtait la victoire !

LE SACRISTAIN

Dès ce soir, car tout souci s'apaise,
Fête au dehors, fête au palais Farnèse !
Marche aux flambeaux et cantate nouvelle,
Par Floria Tosca !

(murmure de surprise du choeur)

Dans les églises, hymnes à Dieu !
Or ça ! Du zèle
Et pas de bruit !

(criant)

Chaud ! chaud ! Entrez par, là !

LE CHOEUR

Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !
Double paye !
Te Deum !...
Gloria !
Vive le Roi !
Pour célébrer tant de gloire
Grande fête patriotique !

LE SACRISTAIN

Moins de musique !

LE CHOEUR

Spectacle de gala,
Avec cantate et cantique,
Hymnes saints,
Chants de victoire !
Vive le Roi ! Vive le Roi !
Te Deum !...
Gloria !
Vive le roi !
Pour célébrer la victoire !

(Scarpia entre inopinément par la petite porte. A sa vue, tous s'arrêtent comme par enchantement).

SCARPIA

Ce vacarme à l'église ! Quelle audace !

(Spoletta et quelques sbires suivent Scarpia).

LE SACRISTAIN (tremblant et balbutiant)

Plus de joie que de décorum !

SCARPIA

Qu'on s'apprête pour le Te Deum.

(Tous s'éloignent, confus. Le sacristain voudrait s'esquiver. Scarpia, brusque, le retient).

Toi, reste.

LE SACRISTAIN (au comble de la peur)

Je trépasse !

SCARPIA (à Spoletta)

Et toi, va ! fouille chaque recoin, suis la moindre trace !

SPOLETTA

Bien, maître !

(Il fait signe à deux sbires de le suivre).

SCARPIA (à d'autres sbires)

Le guet aux portes !
Que rien ne transpire

(Au sacristain).

À ton tour !
Crains de ne pas tout dire !
Un prisonnier d'État, évadé du château Saint-Ange,

(avec énergie)

Vint se cacher ici !

LE SACRISTAIN

Jésus ! qu'entends-je

SCARPIA

Peut-être encore ?
Quelle
Est la chapelle
Des Attavanti ?

LE SACRISTAIN

La voici !

(Il va à la grille et la trouve ouverte).

Ouverte ! Je suis volé ! Quelque autre clé ?

SCARPIA

Bonne piste ! Entrons !

(Ils entrent dans la chapelle et en ressortent. Scarpia furieux serre nerveusement dans les mains un éventail fermé).

(à part)

Quelle sottise
Fut ce coup de canon' !
Entre les serres l'oiseau me glisse !
Mais il laisse une prise...
Heureuse !
Un éventail !
Quel complice
Dans sa fuite, l'aida ?

(Il reste un instant pensif, puis, regardant attentivement l'éventail, il aperçoit un écusson et s'écrie vivement :)

La marquise Attavanti ! Sa devise !

(Il regarde autour de lui, sondant du regard tous les côtés de l'église. Ses yeux s'arrêtent sur l'échafaudage, sur l'attirail du peintre, sur le tableau ; il reconnaît les traits de la marquise Attavanti dans le visage de la sainte).

Et son portrait !

(au sacristain)

De qui cette peinture ?

LE SACRISTAIN (de plus en plus effrayé)

Du chevalier Cavaradossi...

SCARPIA

Lui !

LE SACRISTAIN

(Un sbire sort de la chapelle, avec le panier que Cavaradossi avait donné à Angelotti)

Aïe ! ce panier !

SCARPIA (suivant ses réflexions)

Lui ! L'amant de la Tosca !
Suspect d'allure,
Et voltairien !

LE SACRISTAIN (ayant visité le panier, s'exclame, surpris)

Vide ! vide !

SCARPIA (voyant le panier dans les mains du sbire)

Achève ! Quoi donc ?

LE SACRISTAIN (prenant le panier des mains du sbire)

On a trouvé dans la chapelle
Ce panier là !

SCARPIA

Eh bien ! ensuite ?

LE SACRISTAIN

Dame ! de vrai, c'était le sien...

(balbutiant)

Mais... tout de même...

SCARPIA

Dis tout ce que tu sais !

LE SACRISTAIN (toujours plus tremblant, pleurant presque, lui montrant le panier vide)

Donc tantôt, Excellence,
Ou j'y perds la cervelle,
Je vis qu'il était plein.

SCARPIA (avec intention, pour tâter le terrain)

S'il a dîné ?...

LE SACRISTAIN

Dans la chapelle ?
Il n'avait pas la clé !
Et puis n'avait pas faim...
Me disait-il...
J'y guettais, par avance...
Ma pitance !

(épouvanté de l'attitude sévère et silencieuse de Scarpia)

(à part)

Libera me, Domine !

SCARPIA (à part)

Je tiens la voie !
Angelotti fit sa proie
Du souper du sacristain !

(Tosca entre, très nerveuse ; elle va droit à l'échafaudage, où elle s'étonne de ne pas voir Cavaradossi. Elle le cherche dans la nef centrale. À peine Scarpia a-t-il vu entrer Tosca, il se cache derrière la colonne, contre laquelle est le bénitier ; il fait impérieusement signe de rester au sacristain, tremblant, embarrassé, appuyé sur l'échafaudage).

Tosca ! Cachons-nous d'elle !
Pour servir sa vengeance, frêle attirail,
Jago n'eut qu'un mouchoir ! J'ai cet éventail !

TOSCA (elle se retourne vers l'échafaudage et, impatiente, appelle à voix haute)

Mario ! Mario !

LE SACRISTAIN (s'approchant d'elle)

Le seigneur Cavaradossi ?
Il n'est plus ici !
Comme un sylphe il a fui,
Et sans dire avec qui !

(Il se sauve).

TOSCA

Qu'il me trompe ?...
Non ! Non !
Mario pourrait me trahir ?
Horrible est le soupçon !

SCARPIA (s'approchant de Tosca, qui est embarrassée ; insinuant et respectueux)

Tosca divine,
À toucher ma main la vôtre hésite !
Mais quand je m'incline,
Ce que je sollicite
C'est... l'honneur
De vous offrir l'eau bénite !

TOSCA (elle touche les doigts de Scarpia, et fait le signe de la croix)

Merci, seigneur.

SCARPIA

Votre exemple à tous s'impose,
Demandant au ciel, par la prière,
La majesté de l'art pur et sincère,
Qui sur la foi repose !

TOSCA (distraite et songeuse)

Mille grâces !

(Les fidèles commencent à entrer dans l'église et se tournent vers le fond).

SCARPIA (avec intention)

La piété vous inspire,
Vous chantez sur la scène,...
Et venez à l'église pour prier !

TOSCA (surprise)

Qu'est-ce à dire ?

SCARPIA

D'autres viennent,
Qui de la Madeleine

(montrant le tableau)

Ont les habits, les yeux, le visage,

(avec intention)

Qui d'amour font commerce !

TOSCA

Quoi ?... d'amour !
La preuve ! La preuve !

SCARPIA

(montrant l'éventail)

D'un peintre est-ce là l'équipage ?

TOSCA (saisissant l'éventail)

Un éventail ?... Il était ?...

SCARPIA

Là,
Sur ces planches !
On troubla
Les amants !...
Je présume
Que l'oiselle en fuyant perdit sa plume !

TOSCA (examinant l'éventail)

La couronne !...
Les armes !...
C'est l'Attavanti !
Trahison infâme !

SCARPIA (à part)

Le trait porte en son âme !

TOSCA (avec un sentiment profond, retenant à peine ses larmes, oublieuse du lieu et de Scarpia)

Et je venais lui dire, toute en larmes :...
Ne m'attends pas à l'heure accoutumée.
Ta bien-aimée,
Est ce soir, prisonnière...

SCARPIA (à part)

De deuil son âme est pleine !

TOSCA

Ton amoureuse, hélas est prisonnière

SCARPIA (à part)

Le venin la dévore !

(doucereux)

Quelles alarmes
Voilent vos charmes ?
Sur ce visage pourquoi ces larmes ?
Quelle peine est-ce
Qui vous oppresse ?
Qui vous chagrine,
Tosca divine ?

TOSCA

Rien !

SCARPIA (avec une intention marquée)

Pour sécher ces pleurs, je donnerais ma vie !

TOSCA (sans l'écouter)

Je me lamente,
Et lui se rit de moi dans les bras de son amante !

SCARPIA (à part)

Ô jalousie !

TOSCA (avec une amertume profonde)

Où sont-ils ?
Les surprendre me serait facile !

(plus courroucée)

Sans aucun doute, à leur amour
La villa sert d'asile !

(avec une grande douleur)

Me trahir !... Me trahir !
O doux séjour
Qu'avilit le parjure !

(elle prend une résolution soudaine)

Non ! j'irai, vengeresse,

(elle regarde d'un air de menace le tableau)

En chasser la traîtresse !

(avec un cri aigu de désespoir)

Je le jure !

SCARPIA (scandalisé, comme avec reproche)

À l'église ?...

TOSCA

Dieu me pardonne...
Il a vu ma détresse,

(Elle pleure abondamment. Scarpia l'accompagne vers la porte, feignant de la rassurer. L'église s'est remplie de monde, qui se presse vers le fond de la scène où doit passer le cortège du Cardinal. Scarpia, après avoir vu sortir Tosca, retourne près de la colonne et fait un signe - Spoletta paraît. La foule attend, au fond, la venue du Cardinal ; certains agenouillés prient).

SCARPIA (à Spoletta)

Trois sbires... et une chaise
De poste !
Qu'on ne perde pas sa trace !...
Et vite !
En chasse !

SPOLETTA

Oui, maître !
Le rendez-vous ?

SCARPIA

Au palais Farnèse !

(Spoletta sort vivement).

SCARPIA (avec un sourire sardonique)

Va, Tosca !
Dans ton coeur Scarpia se glisse !...

(Paraissent le Cardinal et son cortège qui avacent vers le maître-autel).

SCARPIA (ironique)

Va, Tosca !

(Au loin, le canon).

C'est Scarpia, qui, pour s'en faire un complice
Arme ta jalousie.
De tout ton être là fureur s'est saisie !
Dans ton coeur Scarpia se glisse !

(menaçant)

Va, Tosca !

LE CHOEUR

(Basses du chapitre, parlé)

Adjutorum nostrum in nomine Domini

(Basses, ténors, enfants et soprani de la foule)

Qui fecit coelum et terram.

(Basses du chapitre)

Sit nomen Domini benedictum.

(Basses, ténors, enfants et soprani de la foule)

Et hoc nunc et usque in saeculum.

SCARPIA

Double est le but qui tente mon espoir !
Et tenir le rebelle est la moindre de mes joies.

(Le cardinal passe en bénissant la foule qui est prosternée).

Voir pâlir dans tes beaux yeux l'éclair qui m'embrase,

(avec une passion débordante)

Entre mes bras, dans un frisson d'amour, c'est là la proie,
Qu'on ne me prendra pas !
À lui la corde !
À toi l'étreinte de mes bras !

(Il reste immobile, les yeux perdus dans le vide)

LE CHOEUR

Te Deum laudamus :
Te Dominum confitemur !

SCARPIA (comme sortant d'un rêve)

Tosca, pour toi, j'oubliais Dieu !

(Avec une profonde dévotion, en même temps que le choeur)

SCARPIA ET LE CHOEUR

Te aeternum Patrem omnis, terra veneratur !

(Le rideau baisse rapidement).

 


ACTE II

Au Palais Farnèse
La chambre de Scarpia, à l'étage supérieur du palais. Une table servie. Une large fenêtre ouvrant sur la cour du palais. Nuit.

 

SCARPIA (Il est assis à table et interrompt souvent son souper pour réfléchir. Il regarde sa montre. Il est préoccupé et nerveux).

Gloire à toi, Tosca !
Déjà, je pense,
De mes limiers la meute a pris sa proie !
Demain l'aurore verra L'Angelotti et Mario, couplés à la potence !

(Il sonne. Entre Sciarrone).

A-t-on vu la Tosca ?

SCIARRONE

Un chambellan est parti pour la prendre...

SCARPIA (lui montrant la fenêtre)

Ouvre !

(Sciarrone ouvre la fenêtre ; de l'étage inférieur, où la reine de Naples, Maria Carolina, donne une grande fête en l'honneur du général Mélas, on entend les sons d'un orchestre).

L'heure s'avance...
Et la diva
Pourtant se fait attendre
Ils raclent des gavottes !

(à Sciarrone)

Guette la Tosca, dis-lui qu'en cachette...
Elle vienne en grand'hâte,
Dès après la cantate

(Sciarrone va pour sortir ; il le rappelle)

Fais mieux...

(Il se lève, va à son bureau et écrit précipitamment un billet).

Et remets-lui ce mot !

(à part)

Elle viendra !

(Sciarrone sort. Scarpia revient à table et se verse à boire).

Et l'amour de son Mario...
Oui, l'amour de son Mario,
Entre mes bras la jettera !
Des profondes amours
C'est la misère profonde,
La conquête brutale a des saveurs plus vives
Que l'accord bénévole ! Chansons plaintives,
Soupirs de coeurs qu'un clair de lune inonde !
Plaisir bizarre !
Je sais mal pincer de la guitare,
Faire parler les fleurs, larmoyer
En silence, roucouler comme un doux ramier ;
Tosca ! ce qui me plaît, je le pourchasse !
Je m'en lasse, et puis je passe
À d'autres caprices ! Dieu créa
Diverses beautés et vins divers... et c'est mon voeu
De me griser de ces oeuvres de Dieu.

(Il boit).

SCIARRONE (entrant)

Voici Spoletta

SCARPIA

Qu'il soit le bienvenu

(Scarpia, occupé à souper, interroge Spoletta sans le regarder).

Mon gentilhomme, fis-tu bonne chasse ?

SPOLETTA

(M'assiste Saint Ignace !)

De la Tosca nous suivîmes la trace.
Jusqu'à certain ermitage
Caché dans le feuillage
Elle y entra... et puis en sortit
Seule ! Suivi de mes gens les plus sûrs,
Du clos je franchis les murs
À l'abordage !

SCARPIA

Mon brave Spoletta !

SPOLETTA

J'entre... je cherche... fouille...

SCARPIA (irrité, les,sourcils froncés)

Ah ! l'Angelotti ?

SPOLETTA

On est bredouille !

SCARPIA

Ah ! traître ! Ah ! triple brute !
Ce sera ta sentence :
La potence !

SPOLETTA

Jésus !
L'autre était là...

SCARPIA

Cavaradossi ?

SPOLETTA

Il sait où le traître se cache...
Son air bravache,
Ses propos dédaigneux
M'ont donné méfiance, on l'a fait prisonnier !

SCARPIA

Ça, c'est mieux

SPOLETTA (montrant l'antichambre)

Il est là

(Scarpia va et vient, songeur ; tout à coup, il s'arrête. Par la fenêtre ouverte on entend la cantate exécutée chez la reine. Donc, Tosca est arrivée au palais ; elle est là, près de lui).

SCARPIA (saisi d'une idée soudaine)

Introduisez le chevalier !

(Spoletta sort. À Sciarrone).

Mande Roberti, et le juge fiscal !

(Sciarrone sort, Scarpia se rassied à table. Spoletta et trois sbires amènent Cavaradossi ; d'autre part, Sciarrone entre avec Roberti et le juge du fisc).

CAVARADOSSI

Qu'est ce piège ?

SCARPIA (avec une courtoisie étudiée)

Chevalier, veuillez prendre ce siège !

CAVARADOSSI

Je veux savoir...

SCARPIA

De grâce !

CAVARADOSSI

J'attends !

SCARPIA

Soit donc !
Vous savez qu'un rebelle...

(On entend la voix de Tosca qui chante sa partie dans la cantate).

CAVARADOSSI

C'est sa voix !

SCARPIA

... Un rebelle à nos lois
S'évada ce jour du château Saint-Ange ?

CAVARADOSSI

Qu'en sais-je ?

SCARPIA

Pourtant on assure
Qu'il a reçu de vous, à Saint-André,
Asile, habits et nourriture ?

CAVARADOSSI

Mensonge !

SCARPIA

Il serait demeuré
Dans votre villa prochaine ?

CAVARADOSSI

Non ! Les preuves !

SCARPIA

Un sujet de la reine...

CAVARADOSSI

Au fait ! Qui m accuse ? Vos sbires
Ont en vain fouillé la maison !

SCARPIA

Si la cachette est bonne ?

CAVARADOSSI

Soupçon de policier !

SPOLETTA

Il suivait nos recherches avec des rires !

CAVARADOSSI

Je ris encor ! Je ris encor !

SCARPIA

Ce n'est pas l'heure de rire !
Prenez garde ! Assez ! Répondez !

(Irrité et troublé par les voix qui chantent la cantate, il va fermer la fenêtre violemment).

Où est l'Angelotti ?

CAVARADOSSI

Je ne sais.

SCARPIA

Vous vous défendez de l'avoir vu ?

CAVARADOSSI

Oui !

SCARPIA

... Secouru ?

CAVARADOSSI

Certes !

SCARPIA

Et dans votre demeure
Il ne s'est pas caché ?

CAVARADOSSI

Non ! Non !

SCARPIA

Réfléchissez pourtant encore !
Daignez de provoquer des maux que déplore !
D'une loyale confession
Prenez le parti !
Je vous conseille, dites !
Où donc est l'Angelotti ?

CAVARADOSSI

Je ne sais.

SCARPIA

Une fois la dernière ! Parlez !

CAVARADOSSI

Je ne sais !

SPOLETTA (à part)

Les beaux coups de lanière !

(Tosca entre tout émue).

SCARPIA

Ah ! c'est elle !

TOSCA (elle aperçoit Cavaradossi et court l'embrasser)

Mario ! ici !

CAVARADOSSI (bas, à Tosca, qui fait signe qu'elle comprend)

Un seul mot de ce que tu vis,
Ma tête tombe !

SCARPIA

Mario Cavaradossi.
Le juge va suivre la procédure !

(À Roberti).

D'abord, à l'ordinaire et puis, à mes ordres !

(Le juge entre dans la chambre de torture. Les autres le suivent. Spoletta remonte à la porte du fond Restent Tosca et Scarpia).

Et maintenant, causons d'amitié pure !
Qu'est-ce encore qui vous soucie ?

TOSCA (s'asseyant et feignant d'être calme)

Mais je n'ai nul souci !

SCARPIA

L'éventail qui vous troubla ?

TOSCA

Absurde jalousie !

SCARPIA

Attavanti n'était donc pas à la villa ?

TOSCA

Non. Il était seul.

SCARPIA

Seul ? En êtes-vous certaine ?

TOSCA

Clairvoyante est la haine ! Tout seul ! Tout seul !

SCARPIA

Vraiment ?

TOSCA

Oui ! sûrement !

SCARPIA

Quelle flamme !
Craindriez-vous de vous trahir, madame ?
Sciarrone, que dit le chevalier ?

SCIARRONE (paraissant sur le seuil)

Il nie !

SCARPIA

Insistons !

(Sciarrone sort et referme la porte).

TOSCA

Oh ! à quoi bon ?

SCARPIA

Nous verrons, ma charmante !

TOSCA

Donc, pour ne pas vous contredire, Il faut mentir !

SCARPIA

Non ! Mais vous pourriez lui raccourcir
Une heure douloureuse !

TOSCA

Douloureuse ! Ah ! parlez !
L'angoisse est trop affreuse !

SCARPIA

Force reste à la loi ! Juste et sainte !

TOSCA

Mon Dieu !... J'ai peur !... Je meurs d'effroi !

SCARPIA

Eh bien ! votre amant porte au front
Un cercle armé de pointes, dont l'étreinte
À tout déni, serre et fait jaillir des gouttes de sang !

TOSCA

Est-ce vrai ? C'est le démon qui raille !

(Elle tend l'oreille, angoissée).

Je défaille ! Pitié ! Pitié !

SCARPIA

Sauvez sa tête !

TOSCA

Alors... que la torture cesse !

SCARPIA

Sciarrone ! Arrête !

SCIARRONE (sur le seuil)

Tout ?

SCARPIA

Tout !

(Sciarrone sort et referme la porte).

J'attends donc votre aveu ?

TOSCA

Le verrai-je ?

SCARPIA

Non !

TOSCA (elle a réussi un peu à s'approcher de la porte)

Mario !

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Tosca !

TOSCA

On te martyrise ?

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Non !... courage ! Tosca ! tais-toi Pour Dieu !

SCARPIA

Eh bien ?... Chose promise ?

TOSCA

Je ne sais rien !

SCARPIA

L'épreuve est indécise ?
Roberti, reprenons !

TOSCA

Non ! assez...

SCARPIA

Vous m'y forcez !

TOSCA

Non ! non ! Ah ! monstre ! Barbare !
Ma raison s'égare ! Ta haine l'assassine !

SCARPIA

Bien moins
Que ce fatal silence qui s'obstine !

TOSCA

Tu railles cette horrible peine !

SCARPIA

Jamais tragédienne n'eut des cris si beaux !
Ouvre cette porte !... Écoute ces plaintes !

(Spoletta ouvre la porte et se tient debout sur le seuil).

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Bourreaux !

SCARPIA

Encore ! encore !

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Je vous brave !

SCARPIA

Parlez donc !

TOSCA

Le puis-je ?

SCARPIA

Sans doute !

TOSCA

Ah ! je ne sais rien !
Ah ! puis-je mentir ?

SCARPIA

Où se cache Angelotti ?
Où se cache Angelotti ? Finissons-en !

TOSCA

Ah ! je succombe à tant d'horreur !
Ah ! vous brisez mon coeur !
Ah ! c'est trop souffrir ! Ah ! plutôt mourir !

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Ah !

(Tosca conjure Scarpia, qui fait signe à Spoletta de la laisser approcher. Elle va à la porte ouverte et, terrifiée par l'horrible vision, elle s'adresse à Cavaradossi).

TOSCA

Mario !... permets que je parle !

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Non !... Non !...

TOSCA

Par grâce ! c'est trop cruel !

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Folle ! Parler ?... Que sais-tu ?

SCARPIA (exaspéré de ce que dit Cavaradossi, il crie durement à Spoletta)

Mais faites-le donc taire !

(Spoletta entre dans la chambre de torture, et en ressort peu après : Tosca, vaincue par tant d'émotions, tombe sans forces sur le canapé, et, d'une voix entrecoupée de sanglots, s'adresse à Scarpia, impossible et silencieux).

TOSCA

Que vous ai-je fait, hélas ?
C'est moi de qui vous torturez l'âme !
Pauvre femme !
Vous brisez, oui, vous brisez, hélas ! mon âme !

SPOLETTA (marmotte dans l'attitude de la prière)

Judex ergo cum sedebit
Quidquid latet apparebit,
Nil inultum remanebit.

(Scarpia profite de l'anéantissement de Tosca pour s'approcher de la chambre de torture et fait signe de recommencer le supplice).

LA VOIX DE CAVARADOSSI

Ah !

TOSCA (à ce cri, Tosca se lève en sursaut et, d'une voix suffoquée, dit vivement à Scarpia)

Dans le puits du jardin !

SCARPIA

Là est l'Angelotti ?

TOSCA

Oui !

SCARPIA

Cesse, Roberti !

SCIARRONE (paraissant à la porte)

Il défaille !

TOSCA (à Scarpia)

Misérable ! Je veux le voir !

SCARPIA

Soit ! Apportez-le !

(Les sbires apportent Cavaradossi évanoui et le déposent sur le canapé. Tosca court à lui ; mais, saisie d'horreur, à le voir tout ensanglanté, elle s'arrête, se cachant les yeux de ses mains. Puis, honteuse de sa faiblesse, elle se jette sur Cavaradossi, qu'elle couvre de baisers et de larmes. Sciarrone, le juge, Roberti, le greffier sortent au fond. Restent, sur un signe de Scarpia, Spoletta et les sbires).

CAVARADOSSI (revenant à lui)

Floria !

TOSCA

Chère âme !

CAVARADOSSI

C'est toi ?...

TOSCA

Que j'eus de peine, mon pauvre amour !
Mais quelque jour, Dieu te vengera !

CAVARADOSSI

Tosca, ai-je parlé ?

TOSCA

Non, mon coeur !

CAVARADOSSI

Peut-être ?

TOSCA

Non !

SCARPIA

Dans le puits du jardin, va, Spoletta

(Spoletta sort).

CAVARADOSSI

Ah ! traîtresse !

TOSCA

Mario !

CAVARADOSSI (s'efforçant de la repousser)

Sois maudite !

SCIARRONE (il accourt, consterné)

Excellence, plus de fête !

SCARPIA

Quelle mine déconfite ?

SCIARRONE

Il court des bruits de défaite !

SCARPIA

De défaite ? Achève vite !

SCIARRONE

À Marengo...

SCARPIA

Sotte bête !

SCIARRONE

... Bonaparte fut vainqueur !

SCARPIA

Mélas ?

SCIARRONE

Non, Mélas est en fuite !

(Cavaradossi a écouté la nouvelle apportée par Sciarrone avec une émotion croissante, et, retrouvant sa force dans l'ardeur de son enthousiasme, il se dresse menaçant devant Scarpia).

CAVARADOSSI

Victoire ! Victoire !
Luis enfin, jour vengeur !
Aube des temps nouveaux,
Liberté sainte,
Fais pâlir les bourreaux !

TOSCA (désespérée, s'efforçant de calmer Cavaradossi)

Mario, tais-toi ! pitié pour moi !

CAVARADOSSI

Nargue les maux soufferts,
Si tu brises nos fers !
C'est toi qui trembles, ô Scarpia !
Cruel bourreau ! Cruel bourreau ! Cruel bourreau !

SCARPIA

Insulte ! Hurle ! Impie !
Que ta rage déborde !
En infamie !
Va, misérable ! tu mourras par la corde !
Va ! va !

(Crie aux sbires).

Jetez-le-moi dehors !

(Sciarrone et les sbires s'emparent de Cavaradossi et le traînent vers la porte. Tosca, essayant de toutes ses forces de le retenir, lutte obstinément contre les sbires).

TOSCA

Ah Mario ! Mario ! Nous deux !

SCARPIA (il repousse Tosca et referme la porte)

Vous, non !

TOSCA

Sauvez-le-moi !

SCARPIA

Moi ?... Vous !

(Il va à la table, voit son souper interrompu ; il redevient calme et souriant).

Vous permettez, mon souper me réclame !
Mais quelle angoisse !
Çà, ma belle madame,
Seyez-vous là !
Et nous allons chercher ensemble
Comment le sauver !
Voyons...
Cherchons... cherchons ensemble !
Rien qu'une larme de vin d'Espagne...
Deux gouttes... pour vous remettre !

TOSCA (s'asseyant en face de Scarpia et le regardant fixement)

Combien ?

SCARPIA

Combien ?

TOSCA

La somme ?

SCARPIA

Oui, l'on me dit vénal. Peut-être
Est-ce vrai ? Mais pour une belle, je me paie
De toute autre monnaie !
Si, pour de beaux yeux je dois
Trahir ma foi,
Il me faut un salaire où l'or n'est rien qu'un leurre !
Je l'attendais, cette heure !
Déjà l'amour brûlait mon être !
Mais tu viens de m'apparaître
Plus belle que jamais :
Tes pleurs, comme une lave,
Brûlaient mon âme !
Tes yeux dont la haine avivait la flamme,
Embrasaient ton esclave !
Et, malgré ta colère et cédant à l'ivresse,
J'ai juré que Tosca serait ma maîtresse !

(Il va vers elle, les bras étendus. Tosca qui écoutait, immobile, pétrifiée, se lève, recule et se jette derrière le canapé).

TOSCA

Ah !

SCARPIA (la poursuivant)

Je t'aurai !

TOSCA (elle ouvre la fenêtre)

Ah ! La mort avant l'outrage !

SCARPIA

Ton Mario reste mon otage !

TOSCA

Ah ! misérable, l'horrible marché !

(La pensée lui vient d'implorer la reine et elle court vers la porte).

SCARPIA (qui devine sa pensée, s'éloignant d'elle)

C'est bien ! Rien ne te retient, fais à ton gré !
La Reine ?...
Ton espérance est vaine.
C'est un mort
À qui va faire grâce la Reine !
Mais quelle haine !

TOSCA

Oh ! Dieu !

SCARPIA (s'approchant)

Voilà comment je t'aime !

TOSCA

Laisse-moi, démon d'enfer ! fourbe ! traître !
Lâche, je te hais ! Lâche !

(Elle fuit Scarpia avec horreur).

SCARPIA

Qu'importe ? Rage, amour.
L'ivresse est la même !

TOSCA

Lâche !

SCARPIA

Tosca !

(Il essaye de l'embrasser).

TOSCA

À l'aide ! À l'aide !

SCARPIA

Entends !... le tambour
Écoute !
Dernière escorte
Des condamnés, qui passe !
L'heure est suprême !
Là, pour punir, avant que la nuit s'achève,
Là l'échafaud s'élève !
À ton Mario, et par ta faute, il ne reste qu'une heure à vivre !

TOSCA (elle tombe accablée sur le canapé. Froidement, Scarpia la regarde toujours)

D'art et d'amour je vivais toute,
Sans faire le mal au long de ma route !
Nulle misère
Où ma pitié demeurât étrangère !
Et dans ma foi sincère,
De ma prière
Le pur encens montait vers l'Éternel !
Au Seigneur ma prière,
Et mes fleurs à l'autel,
À l'heure où tout m'accable,
Pourquoi, Dieu secourable
Pourquoi
Récompenser ainsi ma foi ?
De mes joyaux j'ai paré la Madone,
Dans la chapelle ma voix montait vers le ciel qui rayonne !
Aux heures de douleur,
Pourquoi, pourquoi, Seigneur
Ah ! pourquoi
Récompenser ainsi ma foi ?

SCARPIA

Décide !

TOSCA

À genoux je te supplie !
Grâce !
Les mains jointes j'implore encor !
Grâce ! Grâce !
Devant toi mon orgueil s'humilie !

SCARPIA

Elle est trop belle, Tosca, quand elle pleure !
Soit donc ! À chacun son trésor !
Tu veux sa vie, moi, je te demande une heure !

TOSCA (se levant, avec tout son mépris)

Non ! Non ! Tant d'infamie !

(On frappe à la porte).

SCARPIA

Qui vient ?

SPOLETTA

Excellence !
Sitôt pris, Angelotti s'est fait justice !

SCARPIA

Eh bien ! mort, qu'on l'attache à la potence !
Et l'autre prisonnier ?

SPOLETTA

Le chevalier
Cavaradossi ? Tout est prêt pour le supplice !

TOSCA

Dieu m'assiste !

SCARPIA (à Spoletta)

Arrête !

(Bas, à Tosca).

Eh bien ! donc ?

(Tosca fait signe de la tête qu'elle accepte, puis, honteuse du marché-elle se cache la tête dans les coussins du canapé. À Spoletta).

Ecoute !

TOSCA (interrompant vivement Scarpia)

À l'instant j'entends qu'on le délivre !

SCARPIA

Il faut dissimuler ! Le pardon
Veut du mystère !
Il faut qu'il ait cessé de vivre
Aux yeux de tous, ici.

(Montrant Spoletta).

Fiez-vous à l'homme que voici !

TOSCA

Mais qui m'assure ?

SCARPIA

L'ordre que je donne en votre présence.
Spoletta ! ferme !

(Spoletta va vivement fermer la porte et revient vers Scarpia).

Je change la sentence :
Le prisonnier sera fusillé...
Ecoute ! Comme
Nous fîmes du comte Palmieri...

(Il regarde avec intention Spoletta, qui, de la tête, fait signe qu'il devine la pensée de Scarpia).

SPOLETTA

Le simulacre...

SCARPIA (vivement, avec une intention marquée)

L'apparence ! Comme on fit avec Palmieri !
Est-ce compris ?

SPOLETTA

Oui, Excellence !

SCARPIA

Va !

TOSCA

Je veux l'avertir moi-même.

SCARPIA

D'accord ! Madame est libre !

(Il désigne Tosca à Spoletta).

À la quatrième heure !

SPOLETTA

Bon ! comme Palmieri...

(Scarpia écoute, à la porte, le pas de Spolelta qui s'éloigne puis le visage et le geste changés, il s'approche de Tosca, avec passion).

SCARPIA

J'ai tenu ma promesse...

TOSCA

Pas entière !
Je veux un sauf-conduit
Pour pouvoir franchir la frontière avec lui !

SCARPIA

Vous partiriez, cruelle ?

TOSCA

Oui, sans doute !

SCARPIA

Soit fait à votre guise !

(Il va au secrétaire et se met à écrire. Il s'interrompt pour demander à Tosca).

Et par quelle route ?

TOSCA

La plus courte !

SCARPIA

Civita-Vecchia ?

TOSCA

Oui...

(Pendant qu'il écrit, Tosca s'est approchée de la table. et, d'une main tremblante, prend le verre de vin que Scarpia avait versé ; mais prête de le porter à ses lèvres, elle aperçoit sur la table un couteau affilé en pointe ; elle jette un coup d'oeil rapide sur Scarpia, qui, en ce moment, est occupé à écrire, et, avec des précautions infinies, elle réussit à saisir le couteau, qu'elle cache derrière elle, appuyée à la table, et ne cessant d'épier Scarpia. Celui-ci a achevé d'écrire le sauf-conduit ; il y applique son cachet, plie le papier, puis, ouvrant les bras, s'approche de Tosca pour l'enlacer).

SCARPIA

Tosca, sois enfin à moi !

(Mais le cri de volupté se change en un cri terrible. Tosca l'a frappé en pleine poitrine).

Ah ! maudite !

TOSCA

C'est le baiser de Tosca !

(Chancelant, il s'efforce de se retenir à Tosca qui recule épouvantée).

SCARPIA

A l'aide ! Je meurs ! Ah !

TOSCA

Le sang te suffoque !
Tu râles, infâme !
Ah ! Meurs des mains d'une femme !
Tu m'avais brisé l'âme !
N'entends-tu pas ? parle ! Vois-moi bien !
C'est Tosca !
Ô Scarpia !

SCARPIA

J'étouffe ! à l'aide !

TOSCA

Meurs comme un damné !... meurs !... meurs !... meurs
C'en est fait ! Je lui pardonne !

(Sans quitter des yeux le cadavre de Scarpia, elle va à la table, prend une carafe, mouille une serviette et se lave les doigts ; puis elle va à la glace et rajuste ses cheveux. Elle pense au sauf-conduit, le cherche vainement sur le secrétaire, le cherche encore, et le voit enfin dans la main raidie de Scarpia. Elle soulève son bras, qu'elle laisse retomber inerte, après avoir pris le sauf-conduit qu'elle cache dans son sein).

Et c'est cela qui faisait trembler Rome !

(Elle va pour sortir, mais se ravise. Elle va prendre, deux flambeaux qui sont sur la console, à gauche, et les allume au candélabre, sur la table, qu'elle éteint ensuite. Elle pose un flambeau à droite de la tête de Scarpia, l'autre à gauche. Elle regarde de nouveau autour d'elle, aperçoit un crucifix sur le mur, le décroche et le porte religieusement, s'agenouillant pour le placer sur la poitrine de Scarpia. On entend les tambours au lointain. Elle se relève et sort avec précaution, refermant la porte derrière elle).

 


ACTE III

La plateforme du Château Saint-Ange

La plate-forme du château Saint-Ange. À gauche, une casemate ; une table avec une lampe, un gros registre et ce qu'il faut pour écrire. Un banc, une chaise. Sur un des côtés, un crucifix devant lequel une lampe est accrochée. À droite, l'ouverture d'un escalier étroit par lequel on monte à la plate-forme. Au loin, le Vatican et Saint-Pierre. La nuit. Le ciel clair resplendit d'étoiles.

(On entend, au loin, les clochettes d'un troupeau dont le bruit va s'affaiblissant).

LE PÂTRE

Ma pastourelle,
Quand je languis pour elle,
Trouve des charmes
À rire de mes larmes !
Las de souffrir
Tes mépris mêmes,
Si tu ne m'aimes,
Je veux mourir.

(Lumière incertaine et grise qui précède le jour. Des cloches diverses sonnent matines à diverses distances. Un geôlier, avec sa lanterne, monte par l'escalier, vu à la casemate, allume la lampe accrochée devant le crucifix puis celle qui est sur la table. Il va au fond et regarde dans la cour, pour voir si le piquet de soldats qui amènera le prisonnier ne parait pas encore. Il rencontre une sentinelle qui monte la garde autour de la plate-forme. et, après avoir échangé un mot, il revient vers la casemate et s'assied, attendant à demi endormi. Un piquet commandé par un sergent, paraît sur la plate-forme, accompagnant Cavaradossi. Le piquet fait halte. Le sergent conduit Cavaradossi dans la casemate. À l'entrée du sergent, le geôlier se lève et le salue. Le sergent lui communique une feuille de service. Le geôlier l'examine, s'assied à la table, ouvre le registre et écrit, tandis qu'il interroge Cavaradossi).

LE GEÔLIER

Mario Cavaradossi ?

(Cavaradossi acquiesce d'un signe de tête).

À vous !

(Le geôlier donne la plume au sergent qui signe sur le registre, puis descend l'escalier, suivi du piquet de soldats).

Une heure encore ! Mais vous, peut-être,
Voulez-vous voir un prêtre ?

CAVARADOSSI

Non. Il n'est qu'une grâce qu'ici j'implore...

LE GEÔLIER

Laquelle ?

CAVARADOSSI

Je laisse au monde un être que j'adore !
Pourrai-je écrire un mot à son adresse ?

(Il retire un anneau de son doigt).

Dernier vestige de ma richesse,
J'ai cet anneau... Pour me promettre
De lui remettre une dernière lettre,
Je vous l'offre !

LE GEÔLIER (il hésite d'abord, puis accepte et fait signe à Cavaradossi de s'asseoir à la table. Il va s'asseoir sur le banc)

Écrivez !

CAVARADOSSI (il demeure un instant pensif puis il commence d'écrire. À peine quelques lignes tracées, il s'arrête, envahi par ses souvenirs)

Le ciel luisait d'étoiles,
Dans la nuit sans voiles !
Par la porte entrouverte,
Elle entrait soudain, vive, alerte
Et se pressait, fidèle,
Sur mon coeur tout plein d'elle !
Oh ! doux baisers ! délicieuse ivresse !
Grâce divine d'une maîtresse
Entre mes bras pâmée !
Il est fini, ce rêve heureux d'amour !
L'heure est enfuie,
Et c'est mon dernier jour !
Je meurs désespéré !
Et je n'aimai jamais autant la vie !

(Il éclate en sanglots, la tête dans ses mains. Par l'escalier monte Spoletta, accompagné du sergent. Tosca les suit. Le sergent porte une lanterne. Spoletta indique à Tosca où est Cavaradossi ; puis il appelle le geôlier et sort avec lui et le sergent, après avoir donné à la sentinelle qui monte la garde au fond, l'ordre de surveiller le prisonnier. Tosca qui, durant ce temps-là, attendait angoissée, voit Cavaradossi qui pleure. Elle s'élance vers lui, et l'émotion trop forte l'empêchant de parier, elle dégage sa tête de ses mains et, en même temps, lui présente le sauf-conduit. À sa vue, Cavaradossi se lève surpris, et lit la feuille que Tosca lui montre).

CAVARADOSSI (il lit)

Ah ! Franchise à Floria Tosca

(Tosca lit avec lui).

Et au cavalier qui l'accompagne...

TOSCA

Tu es libre !

CAVARADOSSI (gardant la feuille et lisant la signature)

« Scarpia ! » Clémence étrange !
Cette grâce est sa première !

TOSCA (reprenant le sauf-conduit qu'elle met dans une aumônière)

Et sa dernière !

CAVARADOSSI

Qu'entends-je !

TOSCA

Il voulait ta vie ou mon amour !
Le coeur sourd à ma prière...
En vain, moi, tour à tour,
J'invoquais Dieu,
J'implorais la Madone...
Il raillait ma tendresse !
« Dans la nuit, disait-il, l'affreux gibet se dresse ! »
J'entendais le tambour !
Ah ! d'y songer encore je frissonne !
Comme il riait de ma douleur !
Le lâche !
Moi, j'osai tout promettre à tant de flamme !
D'un couteau je vis briller la lame...
Il signa l'ordre libérateur,
Et repoussant l'infâme...
Je lui plantai le couteau dans le coeur !

CAVARADOSSI

Toi !... de tes mains, noble femme,
Toi, bonne, toi, pieuse, et pour moi !

TOSCA

J'ai de son sang effacé les souillures !...

CAVARADOSSI (prenant amoureusement les mains de Tosca dans les siennes)

Ô douces mains... si blanches et si pures,
Douces mains faites pour les plus saintes choses.
Caresser les enfants, cueillir les roses,
Des coeurs meurtris panser les blessures,
C'est en vous, chères mains tant adorées,
Que la justice a mis ses armes sacrées !
Vous châtiez crimes et forfaitures !
Ô douces mains... si blanches et si pures !

TOSCA

Mario ! l'heure s'avance...
J'ai dans ma bourse or et parures !
Une voiture est prête, mais d'abord,
Ris, mon amour, ris, tu seras
Fusillé. Les armes ne seront pas
Chargées ! Tous sont d'intelligence !
Au coup tu tombes ! Les soldats
Se retirent ! Ta vie est sauve !
Ta vie est sauve !
Puis à Civita-Vecchia...
Une tartane ! et vite en mer !

CAVARADOSSI

Libres !...

TOSCA

Libres !

CAVARADOSSI

Sur les mers !...

TOSCA

Et l'oubli des maux soufferts !
Douce, douce espérance !
Ah ! mon âme tremble et vibre !
Vienne l'aube, tu seras libre, libre !

CAVARADOSSI

C'était pour toi que la mort m'était triste !
Et c'est pour toi qu'il m'est si doux de vivre !
Rayon d'amour par qui mon être existe,
Rends à mon coeur le rêve qui m'enivre !
Dans ton regard où l'univers se mire,
Je vois le ciel qui pâlit ou flamboie,
Ce sont tes pleurs, ange, et c'est ton sourire
Qui font seuls ma peine et ma joie !

TOSCA

L'amour vainqueur qui sauva ta vie
Nous guidera sur terre et sur la mer...
À toute chose, il prête sa magie !
Unis un jour dans les célestes sphères,
Nous reviendrons, aux heures crépusculaires.
Comme dans l'éther les vapeurs légères !

(Ils demeurent un instant, émus, silencieux. Rappelés soudain à la réalité des choses, Tosca regarde autour d'elle avec inquiétude).

Ils ne viennent pas !... mais toi,
Fais bien le mort ! Sur le coup, tombe sans une plainte.

CAVARADOSSI

Sois sans crainte,
Je saurai, je m'en vante, jouer mon rôle !

TOSCA

Tout m'épouvante,
Ne te fais pas de mal. J'aurais, comédienne,
L'usage de la scène !...

CAVARADOSSI

Ah ! parle encor, redis-moi ta tendresse !
Ta douce voix me berce et me caresse !

TOSCA

Unis dans notre exil et jusqu'à la mort !
Est-il plus pur dictame
Que l'accord de deux âmes ?

CAVARADOSSI

... que l'accord de deux âmes...

TOSCA, CAVARADOSSI

Dans la vie et la mort !
Divin accord !
Hosanna ! c'est l'espérance,
L'âme s'élance
Vers la splendeur d'un nouveau jour,
Et, d'un vol harmonieux,
Monte dans les cieux
Resplendissant d'amour !

(Le ciel s'éclaire : c'est l'aube du jour).

TOSCA

Pour tes sens embrasés j'aurai mes lèvres
Et pour calmer tes fièvres, mes baisers !

(Par l'escalier montent le geôlier, puis Spoletta, Sciarrone, un officier, un sergent, des soldats. Le geôlier s'approche de Cavaradossi, son béret à la main : puis il prend le registre et descend par l'escalier. Spoletta donne des instructions. Quatre heures sonnent, il fait jour).

LE GEÔLIER

L'heure !

CAVARADOSSI

Je suis prêt.

TOSCA (bas à Cavaradossi et souriant)

Toi, prends garde ! au coup de feu... mort !

CAVARADOSSI

Mort !

TOSCA

Et ne bouge, que d'abord je t'appelle !

CAVARADOSSI

Non, chère âme !

TOSCA

Qu'il t'en souvienne.

CAVARADOSSI

Comme la Tosca, en scène !

TOSCA

Ne souris pas !

CAVARADOSSI

Oh ! non !

TOSCA

Oh ! non !

(Pendant ce dialogue un peloton monte par l'escalier. Un officier les commande. Il les aligne au fond. Suivent le sergent et Spoletta, qui donne les instructions à l'officier. Cavaradossi salue Tosca et suit l'officier. Tosca se tient à gauche dans la casemate, de manière à pouvoir épier ce qui se passe sur la plate-forme).

Que l'attente est cruelle !
Pourquoi tarder ainsi ?...
Le jour se lève !
Qu'attendent-ils encor ? Ce n'est qu'un rêve...
Je sais... mais cette angoisse est éternelle !

(L'officier et le sergent disposent le peloton de soldats et leur donnent les derniers ordres).

Enfin ! Ils prennent leurs armes !
Comme il est beau, mon Mario !

(Voyant l'officier près d'abaisser son sabre, elle se bouche les oreilles de ses mains pour ne pas entendre la détonation, puis fait signe à Mario de tomber).

Là ! meurs ! C'est un artiste !

(Le sergent s'approche de Cavaradossi et l'observe attentivement. Spoletta le rejoint et l'entraîne, pour l'empêcher de lui donner le coup de grâce. L'officier aligne ses soldats. Le sergent retire la sentinelle qui restait au fond ; et tous, précédés de Spoletta, descendent l'escalier. Tosca a surveillé tous ces mouvements, craignant que Cavaradossi par impatience, bouge ou parle avant le moment opportun).

Ô Mario ! reste ainsi ! Ils s'éloignent d'ici !...
C'est fait !... Ils s'en vont... Ils s'en vont...
Ne bouge pas encore !...

(Elle court au parapet et se penche avec précaution pour observer au-dessous. Elle revient à Cavaradossi).

Maintenant, Mario ! Mario ! En hâte viens t'en !

(Troublée, elle le touche).

Ah ! Mort !... mort !... mort !...
Ô Mario ! mort !

(Elle se jette sur son corps).

Toi... ainsi ! Mourir comme ça !
Cela se peut-il ? Toi !... mort !... mort !

(Les voix de Spoletta, Sciarrone et quelques soldats d'au-dessous, avec grande rumeur).

VOIX

Assassiné, vous dis-je !...
Scarpia ?
Frappé par Tosca !
Qu'on la tue !
Des gardes à toutes les issues !

(Spoletta et Sciarrone paraissent en haut de l'escalier)

SCIARRONE

C'est elle !

SPOLETTA

Ah ! Tosca ! De ta vie, tu paieras sa vie !

TOSCA

Oui, bandit !

(Spoletta va se jeter sur Tosca, qui bondit et le repousse si violemment qu'il chancelle et va pour tomber dans l'entrée de l'escalier. Tosca court au parapet et debout crie :).

Toi, Scarpia, devant mon Dieu !

(Elle se précipite dans le vide, Sciarrone et quelques autres soldats, entrés confusément, courent au parapet et regardent. Spoletta reste interdit, atterré).

 


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