La Seyne_sur-Mer (Var)  La Seyne_sur-Mer (Var )
Retour au Sommaire
de l'Histoire de l'École Martini
Marius AUTRAN
jcautran.free.fr
Retour à la page d'accueil
du site
Histoire de l'École Martini (1982)
L'enseignement à La Seyne-sur-Mer (1789-1980)
CHAPITRE PREMIER
(Texte intégral du chapitre)

 

 

Après la Révolution de 1789, quelle instruction pour les jeunes Seynois ?

Après la Révolution de 1789, il faudra plus d'un siècle de luttes contre les forces rétrogrades héritières des principes de l'Ancien régime pour en venir à la conception d'un Enseignement qui soit d'abord un véritable service public, d'un Enseignement gratuit et laïque, d'esprit démocratique, capable de défendre les libertés inscrites dans la Constitution républicaine.

L'Assemblée constituante (1), l'Assemblée législative (2) et la Convention (3) ont élaboré des projets. Des idées ont été émises, des lois ont été votées.

(1) Assemblée constituante : nom que prirent les États Généraux du 9 juillet 1789, mettant fin à l'absolutisme royal au profit d'une monarchie constitutionnelle. Elle siégea du 9 juillet 1789 au 20 septembre 1791. Elle vota entre autres la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (26 août 1789). Elle contribua au développement du libéralisme économique sous l'impulsion de la bourgeoisie et c'est le libéralisme trop lâche en temps de crise qui provoqua, après la fuite manquée du Roi arrêté à Varennes, son remplacement par l'Assemblée législative.

(2) Assemblée législative : Elle fut élue au suffrage censitaire - seuls votaient les citoyens nantis - et siégea à partir du 1er octobre 1791. Composée essentiellement de représentants de la bourgeoisie. Elle refusa d'abolir complètement les droits féodaux comme le demandait alors Robespierre. Après les journées révolutionnaires du 20 juin et du 10 août 1792, l'Assemblée vota la suspension du roi et convoqua une nouvelle assemblée constituante, la Convention.

(3) La Convention : Fondée en 1792, ses membres sont élus selon un suffrage quasi-universel. On distingue trois conventions : la convention girondine (droite) jusqu'au 2 juin 1793, la convention montagnarde (gauche) jusqu'au 9 thermidor an II - 27 juillet 1794 - et la convention thermidorienne jusqu'au 26 octobre 1795. La première proclama la République, jugea Louis XVI et mena une guerre révolutionnaire de propagande à l'Europe de l'Ancien Régime et aux provinces fidèles à la monarchie (Vendée). La seconde fut plus encline à la conciliation, mais dut, sous la poussée populaire suscitée par l'aggravation de la crise, prendre des mesures radicales : comités de Salut Public et de Sûreté Générale, instituant une dictature révolutionnaire, levée en masse, organisation de la Terreur et contrôle économique. Par contre coup, les militants révolutionnaires se lassèrent des mesures draconiennes de Robespierre, Saint-Just et Couthon et provoquèrent leur chute le 9 thermidor an II. La Convention thermidorienne mit fin au mouvement révolutionnaire et marqua le retour à une politique libérale et modérée bourgeoise. Elle fonda le Directoire, rétablit le suffrage censitaire. Mais des mesures furent prises, notamment dans le domaine de l'instruction publique.

En 1793, la Convention, en décrétant l'instruction primaire obligatoire et gratuite, décida la création des écoles primaires.

Elle avait le désir de répandre l'instruction, de la donner, même à ceux qui ne pourraient pas la payer, d'entretenir aux frais de l'État ces établissements dont la mission, disait-elle, était de faire progresser les sciences.

Mais il y a loin du désir à la réalité.

Pourquoi?

Tout d'abord, comme toujours, se posait le problème financier et la Convention avait besoin d'argent pour faire la guerre.

Dans la séance du 13 août 1793, Danton (4) prononça ces phrases célèbres :

" C'est à vous, les Républicains, que j'en appelle ; mettez ici tout le feu de votre imagination ; mettez-y toute l'énergie de votre caractère, il faut doter le Peuple de l'éducation nationale. Quand vous semez le Champ de la République, vous ne devez pas compter le prix de la semence. Après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple ".

(4) Danton : Georges Jacques (1759-1794). Avocat au conseil du Roi, il prit parti pour la Révolution dès 1789 et ses qualités d'orateur lui valurent rapidement une grande popularité. Sous la Convention, son rôle politique fut discuté : parfois considéré comme un patriote sincère, parfois comme un opportuniste plus ou moins vénal. Il fut guillotiné début avril 1794, après avoir été compromis dans un scandale financier.

Une autre difficulté de taille était à vaincre : les paysans préféraient garder leurs enfants auprès d'eux pour les durs travaux des champs. Pour vaincre cette difficulté, on proposa même à la Convention de créer des classes du dimanche pour les enfants de la campagne.

Les lois de la Convention ne furent appliquées que de façon sporadique, l'État n'ayant pas dégagé les moyens financiers nécessaires. Il exista bien des écoles primaires et secondaires, mais elles furent libres d'enseigner comme ses dirigeants l'entendaient, des dirigeants qui, eux-mêmes, n'avaient reçu aucune formation pédagogique.

Un Ministre de l'Intérieur de l'époque disait : " Il faut que l'on n'emploie que de bonnes méthodes, sans exiger qu'elles soient les mêmes partout. Il faut préparer des hommes libres ! "

À la suite d'une séance, le 26 novembre 1793 relative à l'instruction publique, le Conseil Municipal de La Seyne adopta le principe de la création d'une école primaire.

 

À L'Hôtel de la Dîme, l'école de M. Sénès

La délibération prise à cet effet, disait :

" La Seyne, Conseil du 19 thermidor (5) an II.

(5) Thermidor : 11ème mois du calendrier républicain (20 juillet - 18 août). Le 19 thermidor correspond au 8 août.

Le 19 thermidor an II de la République, une et indivisible, est comparu devant nous, Maire et Officiers municipaux de la commune de La Seyne, le citoyen Pierre Sénès pour déclarer que son intention est d'organiser l'instruction publique conformément à la loi du 29 frimaire (6).

(6) Frimaire : 3ème mois de l'année républicaine (21 novembre au 21 décembre).

Le citoyen Pierre Sénès devra produire à la Municipalité un relevé fait mois par mois, portant les noms et prénoms des enfants qui auront assisté aux leçons et que, sur cette constatation, il lui sera délivré un mandat de trois mois en trois mois.

Sur quoi, le citoyen Pierre Sénès déclare se conformer très exactement au vu de la loi pour l'enseignement public.

Il a signé avec nous, Couret François, Maire de La Seyne ".

Déclaration de Pierre Sénès : " Je soussigné Pierre Sénès déclare enseigner à lire et à écrire les premiers éléments de la langue latine et l'arithmétique aux enfants, conformément à la loi du 29 frimaire. Fait à La Seyne, le 19 thermidor an II de la République une et indivisible, impérissable et démocratique ".

Cette école fut ouverte le 28 septembre 1794 au sous-sol de l'immeuble dit Maison de la Dîme (7) où se trouvait anciennement l'Intendant du Roi.

(7) Dîme : Chez les Juifs, dixième de la récolte qui était offerte à Dieu ou donnée aux lévites. Ici : Fraction variable de la récolte que l'Église prélevait au Moyen Age.

Son existence fut courte, comme l'avait été quelque années auparavant, celle de l'école de garçons dirigée par Messieurs Honoré et Lombard, ou la petite école de Filles fondée par J.-P. Daniel, ancien curé de La Seyne.

D'autres petites écoles privées de garçons ou de filles ont existé sporadiquement. Elles étaient généralement dirigées par des prêtres ou des membres de congrégations chargées d'enseigner. Mais rien n'était organisé de façon durable et un grand nombre d'enfants ne savait pas lire ni écrire. Au milieu du XIXe siècle, ne compte-t-on pas en effet encore 40 % d'illettrés dans la population française ?

Ceux des enfants qui avaient eu la chance de recevoir un niveau d'instruction valable et qui désiraient poursuivre leurs études devaient s'orienter vers le Collège municipal de Toulon dirigé par les Oratoriens.

S'il s'en trouvait, parmi eux, pour avoir les moyens intellectuels et pécuniaires pour prétendre à un enseignement supérieur, ils devaient aller à l'université d'Aix-en-Provence. Ce ne pouvait être que des enfants de familles aisées.

En somme, les équipements scolaires, à La Seyne comme dans bien d'autres villes françaises, en cette fin du XVIIIe Siècle, période si riche dans le domaine historique et intellectuel, sont quasiment inexistants.

Quant aux projets élaborés par les gouvernements successifs de la période révolutionnaire, ils ne reçurent guère d'applications.

 

Obstacles et embûches

Il faut bien dire aussi qu'à partir de 1792, la France allait connaître des guerres interminables : guerres de la Révolution, guerres de l'Empire. Et chacun sait que, même victorieuses, les guerres sont génératrices de ruines et de malheurs.

Notre pays allait donc traverser une période de troubles intérieurs et nos archives locales nous apportent la preuve que notre ville ne fut pas épargnée par la tourmente. On relève ainsi quelques échos locaux de la politique nationale.

Par exemple, lorsque fut décrétée la vente des biens nationaux confisqués au clergé par les révolutionnaires, les milieux croyants manifestèrent leur mécontentement en créant à La Seyne une Association anti-Jacobine (8) intitulée Les Amis de la Constitution (9). Une opposition s'organisa donc.

(8) Jacobins : Société révolutionnaire créée en 1789 et qui eut pour membres Mirabeau, Sieyès, Robespierre, etc. Elle fut l'âme de la Terreur lors de la période révolutionnaire dite de la Convention montagnarde et fut fermée lors de la réaction thermidorienne où Robespierre fut guillotiné.

(9) Le Club des Jacobins s'appelait aussi : Société des Amis de la Constitution.

On peut également citer l'organisation à La Seyne de la garde nationale après qu'ait été décrétée la Patrie en danger par l'Assemblée conventionnelle du 3 août 1792. Cette milice comptait un effectif de 729 hommes disposant d'un armement de 25 fusils et de 96 piques, ce qui veut dire que tous n'étaient pas armés en permanence, le service ayant lieu par roulement et les armes étant logées à la Mairie.

Mais voilà que la crise économique s'installe dans toute la France. Le ravitaillement en blé devient problématique. Les distributions de pain sont réglementées et les réquisitions dans les campagnes se multiplient.

Nos ancêtres, en proie à la disette et victimes de l'augmentation rapide du coût de la vie, s'affrontent chaque jour : les partis, les clans, s'accusent mutuellement d'être responsables d'une telle situation. Les Jacobins, au pouvoir, impuissants à régler les problèmes, usent souvent d'une violence implacable. C'est la Terreur.

Dans ces conditions dramatiques, comment le gouvernement de la Convention pouvait-il résoudre les problèmes de l'Enseignement, alors qu'il fallait assurer en priorité la défense nationale et que le peuple ne mangeait pas à sa faim ?

En outre, on connaissait alors une pénurie de maîtresses et de maîtres d'écoles. En témoigne une circulaire du District de Toulon qui parvint à notre Municipalité en brumaire (10) an III, lui précisant les moyens de créer une école. La Convention se souciait alors de trouver les sujets capables de former l'esprit des jeunes Républicains.

(10) Octobre-novembre 1794.

La Municipalité se plaignit de manquer de personnel enseignant, surtout depuis la fermeture des anciennes maisons religieuses. D'ailleurs, certaines communes faisaient remarquer qu'elles manquaient de locaux pour créer une école et l'administration centrale leur répondait qu'elle n'était pas tenue de leur en fournir.

 

Le siège de Toulon, le Directoire, le Consulat et le Premier Empire

C'est à La Seyne que se joua, en 1793, la phase décisive de la reprise de Toulon aux Anglais qui tenaient la ville, par les armées révolutionnaires (11).

(11) Siège de Toulon : Les monarchistes avaient livré Toulon à la flotte anglaise qui faisait partie de la coalition anti-révolutionnaire européenne. Quand, après de violents combats, Toulon fut reprise, en signe de représailles, on la débaptisa. La ville portera, par décret du 5 nivôse An II - 25 décembre 1793 - le nom de Port la Montagne, et retrouva son nom d'origine en 1794.

À l'occasion de ce siège, s'illustra un capitaine d'artillerie nommé Napoléon Buonaparte dont il sera question plus tard, après qu'il ait francisé son nom en Bonaparte.

Pendant la bataille, la majeure partie de la population seynoise avait été évacuée. Mais à la suite de ces événements, La Seyne connut un véritable exode - nombreux furent les Seynois qui ne réintégrèrent pas leur domicile, soit par crainte de représailles - les navires Anglais croisaient toujours au large - soit par peur du danger de guerre.

En 1794, peu après la reprise de Toulon, un recensement effectué mentionne 3.319 habitants à La Seyne, alors qu'en 1790 on en comptait 5.035…

Après la chute de Robespierre et des Jacobins, avec la Réaction thermidorienne, manifestation de la lassitude générale devant les massacres de la Terreur, après que Toulon fut retourné dans le giron de la jeune République, la vie va-t-elle reprendre son cours et, surtout, nos petits Seynois vont-ils pouvoir s'instruire normalement ?

Hélas ! Si la région a retrouvé son calme, n'oublions pas que les guerres révolutionnaires se poursuivent.

En 1794-1795, à l'Hôtel de Ville qui se trouve alors rue Berny, les Seynois viennent lire les bulletins de victoire des armées françaises.

Les années passent. La Convention cède la place au Directoire (12), auquel succédera le Consulat (13).

(12) Directoire : Institué par la Constitution de l'an III (août 1795), le Directoire est un régime dirigé par cinq membres, les Directeurs. Gouvernement de transition entre la Révolution et l'Empire, il liquide tout l'acquis populaire des mouvements révolutionnaires et se termine par le coup d'état du 18 brumaire an VIII (10 novembre 1799) permettant à Napoléon Bonaparte de devenir ler Consul.

(13) Consulat : Né du coup d'état du 18 brumaire an VIII, le Consulat va être l'occasion pour Napoléon Bonaparte, 1er Consul, de renforcer son pouvoir et de préparer l'Empire. Après les échecs économiques du Directoire, le Consulat amorce un redressement qui s'accompagne d'une centralisation accrue des pouvoirs entre les mains du ler Consul. Ce dernier sera nommé à vie le 4 août 1802. En même temps, la paix retrouvée permet une reprise du commerce et de l'économie, tandis que le monde ouvrier est sérieusement encadré : interdiction du droit de grève, livret obligatoire pour l'ouvrier, et que l'esclavage est rétabli dans les colonies.

Dans sa proclamation du 15 décembre 1799, le Premier Consul avait déclaré aux Français : " La Révolution est finie ". Mais la France allait connaître quinze ans de guerres ininterrompues, ce qui devait la conduire inéluctablement à la catastrophe. Napoléon Ier apporta une contribution considérable à la réorganisation administrative de la France, mais qu'en fut-il de l'éducation de peuple ?

Voyons de près quelles étaient ses conceptions en matière d'enseignement.

Il bouleversa les projets établis par ses prédécesseurs de la Convention. L'Université impériale instaura un contrôle strict sur la création des établissements d'enseignement. Ainsi put s'installer un monopole absolu.

Sur le plan de l'organisation, la France fut divisée en Académies.

Néanmoins, il faut dire qu'il négligea l'enseignement primaire abandonné aux Frères Ignorantins (14), alors qu'il veilla scrupuleusement à l'organisation des lycées. À partir de 1803, ces derniers établissements avaient remplacé les écoles centrales et cela dans l'intention de former les futurs officiers et les futurs fonctionnaires.

(14) Frères Ignorantins : Nom qu'avaient pris par humilité les religieux de l'ordre de Saint Jean de Dieu voués alors aux soins des malades indigents. Par extension et dénigrement, frères de la doctrine chrétienne chargés de l'enseignement.

Les élèves de ces lycées portaient l'uniforme. Les meilleurs devenaient sergents ou bien caporaux. Les professeurs revêtaient une toge noire garnie d'une épitoge (15) pour dispenser leur enseignement.

(15) Épitoge : Ornement fait d'une bande d'étoffe fixée à l'épaule gauche de la robe et garnie de une, deux ou trois bandes d'hermine selon le grade.

C'est le tambour qui réglait les mouvements. À partir de douze ans, les élèves recevaient une instruction militaire. Tous les programmes étaient conçus en vue de former des guerriers et de perpétuer le culte de l'Empereur.

Ce n'est donc pas sous le Premier Empire que l'on vit se réaliser quoi que ce soit de positif en faveur de l'instruction populaire.

 

De la Restauration à la chute du Second Empire

Le retour des Bourbons - Louis XVIII, puis Charles X - soutenus sans restrictions par le Clergé le plus rétrograde, n'apporta rien de plus à notre Enseignement public. Au contraire, la Restauration (16) est un régime monarchique de revanche qui s'emploiera à reconquérir le terrain perdu pendant les années de la Révolution.

(16) Restauration : Nom donné à la période de l'histoire française qui va de la chute de Napoléon Ier - 1814 - à la chute de Charles X en 1830, et qui est coupée par les Cents Jours (Napoléon, s'évadant de l'Île d'Elbe reprit un pouvoir qu'il perdra après le désastre de Waterloo - 1815). Une monarchie constitutionnelle est rétablie qui porte au pouvoir la branche aînée des Bourbons (Louis XVIII : 1814-1815 - 1815-1824, puis Charles X : 1824-1830). La Restauration est bien accueillie par le peuple lassé des aventures napoléoniennes et par la bourgeoisie qui espère une reprise des affaires. La noblesse y vit un retour à l'ancien régime et son aile la plus conservatrice - les ultras - mena alors une Terreur blanche. La Restauration fut marquée par le renforcement du régime autoritaire et, par contre coup, la naissance des premières théories sociales utopistes (Saint-Simon et Fourier). Elle aussi à l'origine du redressement financier qui profitera aux grandes dynasties d'affaires (les Schneider, de Wendel, etc.). Mais la détérioration du climat politique et social aboutira à la crise de juillet 1830 entraînant l'abdication de Charles X et la prise de pouvoir par Louis-Philippe, duc d'Orléans, qui instaurera la Monarchie de Juillet (1830-1848).

À La Seyne, il faudra de nombreuses années aux nouveaux dirigeants de la France pour reprendre en main sérieusement l'instruction de la jeunesse.

Nous avons écrit : la création de l'École Martini date de 1833. Ce n'est qu'en 1852, dix-neuf ans plus tard, que s'ouvrira l'École des Frères Maristes qui fonctionnera pendant longtemps dans un local attenant à l'église paroissiale. Cette école, transférée en 1882 sur le Boulevard du 4 Septembre, devait porter alors le nom d'École Saint-Joseph puis d'Externat Saint-Joseph.

Le Collège des RRPP Maristes, lui, avait été édifié en 1849 au début du Boulevard du 4 Septembre. Cet établissement qui fonctionne toujours, avait été créé à La Seyne pour le développement de l'enseignement supérieur. Son ouverture fut considérée à ce moment-là comme une grande victoire des milieux congréganistes de La Seyne. Quand l'autorisation d'ouvrir le pensionnat fut accordée, un ecclésiastique de notre ville que cette nouvelle avait particulièrement exalté s'adressa aux dirigeants de la future école en ces termes :

" C'est de La Seyne que le Capitaine d'Artillerie Bonaparte a pris la ville. C'est de La Seyne, si vous faites bien votre devoir que, par ce collège, la religion doit encore la prendre ".

En vérité, cette école acquerra une excellente réputation. Elle formait des ingénieurs et, plus spécialement, des candidats à l'École navale. Elle poursuit son œuvre de nos jours et on la connaît sous le nom d'Institution Sainte-Marie.

En créant ces deux écoles en 1849 et 1852, le milieu congréganiste montre qu'il reprend de l'autorité qu'il avait perdue dans le pays après la Révolution française. Il faut d'ailleurs ajouter que ce milieu ressentait encore une certaine rancœur qui ne s'était en rien édulcorée malgré le temps passé depuis que des mesures de contraintes avaient été prises à son encontre.

Mais revenons un instant aux lendemains de la Révolution de juillet 1830 qui entraîna la chute de Charles X (17). Les libéraux modérés comme Thiers (18) et Casimir-Perier (19), intriguèrent alors pour barrer la route aux Républicains et appelèrent au Pouvoir le Duc d'Orléans, Louis-Philippe Ier (20)

(17) Charles X : Petit-fils de Louis XV, frère de Louis XVI et de Louis XVIII. Il porta d'abord le titre de Comte d'Artois. Il fut un des premiers nobles à émigrer, dès le 17 Juillet 89, ce qui le rendit impopulaire. À la mort de Louis XVIII, en 1824, il monta sur le trône et se fit sacrer à Reims. Son règne fut marqué par un renforcement de la politique autoritaire et réactionnaire, ce qui provoqua, les 27, 28 et 29 Juillet 1830, le soulèvement du peuple de Paris et le contraignit à abdiquer en faveur de son petit-fils qui ne règnera pas.

(18) Thiers Louis Adolphe (1797-1877). Homme politique, journaliste et historien français. Avocat à Aix-en-Provence, il vint à Paris en 1821 où il entama sa carrière de journaliste dans les milieux libéraux. C'est en 1830 qu'il entre en politique et se voit confier différentes charges par Louis-Philippe. Sa carrière sera à éclipses et il sera condamné à l'exil par Napoléon III. À la chute du Second Empire, chef de l'exécutif, il provoque, puis réprime dans le sang la Commune de Paris. Président de la République, il œuvre au redressement de la France, profondément atteinte par la défaite de Sedan et négocie avec les armées victorieuses l'évacuation du territoire français amputé de ]'Alsace et de la Lorraine, jusqu'en 1873, date à laquelle il est renversé par la majorité conservatrice à l'Assemblée qui porte Mac-Mahon au Pouvoir. Thiers, député, siégera encore à l'Assemblée. Auteur d'une Histoire de la Révolution et d'une Histoire de l'Empire. Académie Française en 1833.

(19) Casimir-Perier (1777-1832) : Fils de l'industriel et banquier Claude Perier, il assuma la suite de son père et fut nommé Régent de la Banque de France. Élu député, il siégea au sein de l'opposition libérale et se rallia à Louis-Philippe en 1830. Ministre de l'Intérieur en 1831, il mena une politique de répression des troubles sociaux et de l'opposition (révolte des canuts de Lyon - nov.-déc. 1831).

(20) Louis Philippe Ier : Voir note (1) de l'Introduction.

C'est alors qu'avec le Ministre Guizot (21) des réformes longtemps attendues allaient enfin voir le jour. Ce qui ne signifie pas pour autant que leur application allait couronner toutes les espérances.

(21) Guizot : Voir note (2) de l'Introduction.

De plus en plus se posait le problème du transfert du pouvoir ecclésiastique au pouvoir politique de la responsabilité d'enseigner les jeunes Français. L'Église, en effet, n'avait pas su s'adapter à l'évolution sociale et intellectuelle de la société.

Depuis la Réforme (22) et le mouvement philosophique (23), elle n avait pas su jouer un rôle unificateur. Elle aurait pu le faire en renonçant à certaines de ses exigences, en faisant preuve de plus de souplesse, au lieu de se compromettre sans cesse avec les ennemis du peuple, intriguant pour reprendre ses prérogatives de l'Ancien régime.

(22) La Réforme : Schisme survenu au XVIIe siècle dans le christianisme et qui donna naissance au protestantisme.

(23) Mouvement d'idées qui, dès le XVIIe siècle, vint émanciper les milieux intellectuels de l'influence de l'Église jusqu'alors maîtresse absolue dans le monde de la spéculation intellectuelle (philosophique et scientifique).

En fait, substituer la tutelle politique à celle de l'Église sur l'École ne fut pas permis par l'instabilité des institutions : la France n'a-t-elle pas connu SEPT régimes politiques différents (24) pour le seul XIXe siècle ? À chaque changement de tendance politique correspondra une loi ou des lois scolaires imposant des changements d'orientation de l'enseignement.

(24) Le Ier Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet, la IIe République, le IIe Empire, la Commune de Paris, la IIIe République.

 

À La Seyne, la vie scolaire au début du XX° siècle

Le désir de la Révolution, nous l'avons vu, a été de créer un service public affranchi de la tutelle de l'Église, un service gratuit favorisant l'accès à la connaissance de tout un peuple. Nous avons vu aussi qu'elle n'eut pas les moyens de sa politique.

Mais quelles étaient les conditions de la scolarisation, dans notre ville, à l'aube du XIXe siècle qui allait voir, avec la loi Guizot, puis avec les grandes lois laïques de 1881, 1882 et 1886, la naissance de l'Enseignement public ?

Monsieur Lombard, régent d'école - et ses collègues ne furent pas plus gâtés - enseigne dans une salle de la Mairie, tout à côté de son logement, ce qui lui permet sans doute par moments de vaquer à des occupations ménagères : par exemple, soigner sa femme et ses enfants s'ils sont malades.

Dans cette pièce unique, pompeusement appelée salle de classe, s'entassent des dizaines d'enfants à un point tel qu'il n'est pas possible de satisfaire toutes les demandes des parents.

Les équipements sont sommaires : point de tables pour travailler - où les aurait-on mises ? - le tableau noir n'apparaît guère que vers 1840. L'alphabet et quelques syllabes sont placardés au mur. Pas de cartes de géographie ni de matériel scientifique. Pas de livres, non plus : ils sont rares et chers et la plupart des familles ne pourraient pas les acquérir. Dans les quelques disciplines d'enseignement - lecture, grammaire, calcul - rien n'est uniformisé quant au contenu ou à la méthode. Il arrive même que des enfants apportent à l'école le vieux livre que leur père avait utilisé en son temps.

L'atmosphère de la classe est difficilement respirable. Une odeur infecte se dégage des corps et des vêtements malpropres.

N'oublions pas qu'à cette époque, il n'y a pas d'eau courante dans les habitations. On se lave rarement et sommairement. Les poux pullulent dans les chevelures hirsutes. Ne prétend-on pas alors dans certaines familles que les poux sur les enfants, c'est un signe de bonne santé parce que « ils sucent le mauvais sang » ?

Où les enfants prennent-ils leur récréation ? Où vont-ils satisfaire leurs besoins naturels ? Dans la rue Carvin ? Dans la rue Berny ? Dans le jardin attenant à la Mairie, côté sud ? On ne sait trop.

Comment sont-ils chauffés ? Quelquefois par un poêle dont le tirage est souvent défectueux.

On conçoit que de telles conditions interdisent l'application d'une discipline stricte pendant les heures de cours.

Les élèves n'arrivent pas toujours en même temps. D'ailleurs l'obligation scolaire n'existe même pas.

Pour compenser ces conditions défavorables, le maître se fait respecter en distribuant des punitions, des humiliations, comme le bonnet d'âne ou les coups de férule - baguette - et de lanière. Mais cela entraîne souvent la désertion de leurs victimes.

Voilà un tableau bien sombre mais réaliste de la vie scolaire au début du XIXe siècle. Cette situation va durer bien longtemps après la loi Guizot. Les errements vont se poursuivre, inhérents aux hésitations des régimes politiques successifs, inhérents aussi aux changements fréquents de régimes politiques. L'ensemble des problèmes de l'éducation n'avancera qu'à tâtons.

À La Seyne, entre 1828 et 1831, cinq instituteurs ou suppléants ont exercé : MM. Lombard, Honoré, Coste, Michel et Grasset. Vers la même période, plusieurs institutrices ont enseigné dans des établissements privés : Mmes Audibert, Fassy, Guirand, Vidal et Caffe.

Le nombre des enfants scolarisés n'est alors pas très élevé (138 garçons et 102 filles pour l'année 1830) à cause du manque de locaux et du fait que l'enseignement est payant.

La méthode d'enseignement individuel sera plus tard, nous le verrons, remplacée par une méthode dite d'enseignement mutuel, pour faire face à l'accroissement des effectifs.

Voyons maintenant comment, dans notre ville de La Seyne et sous le règne de Louis-Philippe Ier fut appliquée la loi Guizot.



Retour au Sommaire de l'Histoire de l'École Martini

Retour à la page d'accueil du site

Histoire de La Seyne-sur-Mer (Var)
Récits, portraits, souvenirs

jcautran.free.fr
Accès aux œuvres complètes
de Marius AUTRAN
Biographie
de Marius AUTRAN
Biographies familiales
et autobiographie de Marius AUTRAN
Pages généalogiques
Forum du site
Encyclopédie des
rues de La Seyne
Lexique des termes
provençaux
Dictionnaire du
Mouvement ouvrier et social seynois
Documents divers sur l'histoire
de La Seyne
Les élections à La Seyne depuis 1945
Chronologie de
l'histoire de La Seyne
La Seyne de A à Z
Archives, souvenirs et écrits divers
de Marius AUTRAN
Archives, souvenirs et écrits divers
de Jean-Claude AUTRAN
Avis de recherches
Informations
légales sur le site

© Jean-Claude Autran 2016