|
L'enseignement à La Seyne-sur-Mer (1789-1980) |
|
Revenons aux réformes proposées par le Ministre Guizot qui seront le point de départ de notre École Martini.
Ministre de l'Instruction publique, Guizot fera approuver par le gouvernement de Louis-Philippe une loi que l'on doit considérer comme une première action positive en faveur de l'éducation populaire.
Aux termes de cette loi, les communes de plus de six mille habitants - et c'était le cas de La Seyne - devront ouvrir une École Primaire Supérieure. Des Écoles Normales, obligatoires dans chaque département, formeront les cadres.
Le budget de l'Enseignement primaire, qui était, dans les dernières années de la Restauration, inférieur à cinquante mille francs par an, passe alors à trois millions à la veille de la Révolution de 1848.
Mais cette loi réaffirme le principe de la liberté d'enseignement. Elle n'institue ni la fréquentation scolaire obligatoire, ni la gratuité absolue, celle-ci étant réservée aux enfants des familles indigentes. Elle n'institue pas davantage la laïcité, puisqu'elle stipule que l'instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l'instruction morale et religieuse.
L'augmentation importante des crédits que nous avons mentionnée plus haut, permit d'une part la création de salles d'asile - c'est ainsi que, encore dans notre enfance, on appelait l'école maternelle qui n'était alors qu'une garderie - et d'autre part la mise en route des cours pour adultes.
L'application de ces mesures eut des effets indiscutablement bénéfiques. La population scolaire passa de deux millions et demi à trois millions et demi d'élèves et la proportion d'illettrés tomba de cinquante à trente pour cent vers 1870.
En 1835, le Ministre Guizot fonda un corps d'Inspecteurs fonctionnaires laïques qui étaient toutefois tenus de juxtaposer leur contrôle à celui des évêques. On imagine combien devait, par la suite, être délicate la formulation des appréciations et l'harmonisation des méthodes de travail.
Une autre innovation fut l'élaboration de manuels scolaires. Dans ce domaine, de longues réflexions seront nécessaires avant de mettre au point les programmes d'enseignement.
En somme, cette loi Guizot a eu le mérite de créer des structures qui permirent, malgré leur insuffisance et leurs imperfections, une prise de conscience au plan national des problèmes capitaux de l'Instruction publique.
Décision de la Municipalité Berny
Le 5 Juillet 1833, le Conseil municipal présidé par son Maire Louis Balthazar Berny, boulanger, décida l'application de la loi Guizot.
Le problème des locaux se posa immédiatement que l'on résolut provisoirement. Qui devait le résoudre ? La Municipalité, c'est-à-dire l'autorité locale. Le Pouvoir central avait bien décidé du principe, mais il appartenait aux édiles de régler le problème dans le détail. Quand aujourd'hui l'État cherche à se décharger au détriment des communes, il n'invente rien !
Mais avant d'installer une école, il fallut que la Municipalité apporte une solution au problème que posait M. Lombard.
De 1803 à 1832 existait une petite école dont nous avons déjà parlé et qui fonctionnait dans une salle de la Mairie. Elle ne réunissait même pas l'effectif d'une classe et M. Lombard qui la dirigeait était, non pas instituteur, mais maître assistant breveté. C'était là son titre exact. Il logeait dans une salle de la Mairie, le premier Hôtel de Ville de La Seyne qui se trouvait dans une rue qui ne portait pas encore le nom de M. Berny.
M. Martini, qui avait été recruté, devait être installé dans le logement qu'occupait M. Lombard. Cela donna lieu à des querelles dont on peut retrouver traces dans nos archives locales. Le résumé de ce litige est intéressant pour ce qu'il nous apprend de la vie quotidienne de cette époque :
M. Lombard avait fait à ses frais quelques menues réparations dans le local qu'il habitait. Il prétendit en obtenir remboursement.
Dans la séance du 6 mai 1833, le Conseil municipal émit un refus catégorique à cette requête arguant des faits que M. Lombard n'avait jamais payé de loyer, qu'il enseignait, certes, à des enfants indigents, mais qu'il percevait, pour cela, une indemnité annuelle de cent cinquante francs et qu'il avait occupé ce local à titre précaire et sans conditions spéciales. Il devait donc, sans contestation, libérer les lieux pour loger le nouveau directeur.
Les instances municipales se réunirent souvent, entre 1833 et 1835 pour parfaire à l'application de la loi Guizot.
Pour installer M. Martini dans ses fonctions, il fut décidé d'utiliser l'ancienne chapelle de la Congrégation des Filles de la Miséricorde (extrémité ouest de la rue d'Alsace). Puis l'école fut transférée près de l'église paroissiale, dans un immeuble qui servit jusqu'au XVIIIe siècle d'Hôtel des Finances et que l'on appelait Hôtel de la Dîme. Les vieux Seynois emploient encore pour cet endroit le vocable de Daimé qui en est l'expression provençale.
C'est dans ce local que nos ancêtres, jusqu'à ce que la Révolution française abolisse les privilèges du Clergé, venaient payer cet impôt, la dîme, qui alimentait les caisses de l'Église.
Dans sa séance du 13 août 1833, le Conseil municipal mit au point le règlement de l'école qu'on appela École d'Enseignement Mutuel.
Que signifie cette expression ?
Par opposition à des méthodes d'enseignement individuel, le mode mutuel se caractérisait par des groupements de huit à dix élèves, quelquefois davantage ; ces groupes de niveau homogène étaient confiés à des élèves plus âgés qu'on appelait moniteurs qui recevaient une leçon spéciale du maître d'école.
On cherchait par ce moyen à instruire le plus grand nombre possible d'enfants, c'est ainsi qu'il y en avait plus d'une centaine pour un seul maître.
Mais c'était aussi un moyen commode de faire beaucoup avec peu de moyens, car un seul local suffisait et le pouvoir y voyait un remède à la pénurie d'enseignants et à l'insuffisance des crédits.
Mais que disait le règlement élaboré par la Municipalité ?
Il prévoit les devoirs du maître et des élèves, les heures des séances, les problèmes de disciplines, les dégâts commis aux locaux, les jours de vacances. C'est ainsi qu'on est étonné d'apprendre que la classe n'est fermée que du 15 au 25 septembre.
Difficultés financières et partis pris des élus
Une autre délibération du Conseil municipal nous fait comprendre les difficultés financières auxquelles il fallait faire face, en stipulant son refus de séparer les deux enseignements, primaire et supérieur, ce qui revient à refuser de créer un second poste d'enseignement.
L'argumentation développée repose sur l'idée qu'il n'est pas nécessaire de pousser les enfants trop loin dans leurs études car, dit le texte de la délibération, " en général, les élèves qui fréquentent les écoles primaires embrassent l'état de marin ou se placent dans l'arsenal de la Marine, à peine leur douzième année expirée ".
Et nos Édiles de l'époque de trouver presque naturel que des enfants de douze ans soient embauchés à l'usine ?
Nous sommes alors en 1834. Il faudra attendre 1874, c'est-à-dire encore QUARANTE ANS pour qu'une loi de la République interdise aux enfants le travail en usine (loi qui ne sera appliquée que 30 ans plus tard).
Dans sa séance du 8 octobre 1834, le Conseil municipal prend la décision suivante :
" Vu le brevet en due forme délivré le 26 août dernier à Monsieur J.-B. Martini par MM. les membres de la commission d'instruction primaire séante à Aix, constatant qu'il a fait preuve de la capacité requise pour donner l'instruction primaire supérieure.
Le conseil a unanimement délibéré que, tout en maintenant le sieur J.-B. Martini dans ses fonctions de directeur de l'école primaire et de l'École Primaire Supérieure de la Ville, le présente comme candidat au Comité de l'instruction primaire de l'arrondissement pour diriger spécialement l'école supérieure, dans le cas où les deux branches de l'enseignement pourraient être disjointes ".
En 1835, le 13 décembre exactement, l'éventualité de la disjonction des deux branches d'enseignement devient une réalité.
Contrairement aux décisions prises jusque-là, il faut en venir à la séparation des deux enseignements, primaire et supérieur, c'est-à-dire qu'il faut créer d'autres postes.
Mais les locaux sont alors insuffisants. Il faut agrandir, faire des travaux importants. La Municipalité demande à l'État un secours d'urgence de trois mille francs.
L'école fonctionne alors avec un directeur et deux adjoints. Le traitement du directeur est fixé à mille deux cent francs par an et son indemnité à cent cinquante francs par an. Le salaire mensuel de cent francs est relativement correct par rapport à ce que touchera un instituteur au début du XXe siècle, soit soixante-dix à quatre-vingt dix francs par mois.
Toujours en 1835, le premier adjoint instituteur percevra mille francs par an et son indemnité annuelle de logement s'élèvera à cent cinquante francs.
Dans cette même séance du 13 décembre 1835 que préside M. Berny, il est procédé à la présentation de M. Adrien Martini, pour occuper le poste d'instituteur communal de l'école élémentaire.
M. Adrien Martini, fils de Monsieur le Directeur, était alors élève de l'École normale de Brignoles. Au dossier de présentation sont jointes les pièces suivantes :
Une autre décision est intéressante à noter, c'est la fixation de la cote mensuelle de chaque élève, qui s'élevait à deux francs.
Nous aurons l'occasion de constater à la lecture d'autres textes, que les Conseils municipaux pouvaient exonérer certains élèves de cette redevance, si la situation de la famille relevait de l'indigence.
Dans la séance du 20 juillet 1840, les Élus décidaient d'augmenter la redevance.
Le phénomène de l'inflation se manifestant déjà, chaque élève de l'école primaire supérieure dut payer trois francs par mois, tandis que les élèves de l'école primaire qui ne payaient rien jusqu'alors, durent à la Ville une redevance mensuelle de un franc.
Il est vrai que dans le budget de 1841, le traitement annuel du directeur sera porté à mille cinq cents francs au lieu de mille deux cents francs.
À la lumière de ces exemples, on voit bien que les difficultés des communes étaient déjà dramatiques voilà plus d'un siècle. La politique du pouvoir central se limitait, à l'envoi d'ordonnances, comme celles du 10 octobre 1837 qui mentionne dans son article 3 :
" Dans les six années à venir, les Conseils municipaux prendront les mesures nécessaires pour se mettre en état d'acheter ou de faire construire des maisons d'école ".
C'était tout simple : aux municipalités de se débrouiller ! Elles adresseront bien des demandes de subventions, mais cela restera souvent sans effets.
Il était bien de proposer des réformes, mais il eut été encore mieux de prévoir les moyens de leur application.
Dans ces conditions, notre Municipalité de l'époque fut obligée de renoncer à des projets pourtant nécessaires.
Par exemple, en novembre 1836, elle rejeta la proposition d'établir une école de filles, faute de crédits. Par exemple, le même jour, elle rejeta pour les mêmes raisons la création de cours d'adultes.
Les Classes d'adultes recevaient alors des garçons à partir de 15 ans.
" Estimant que les enfants mâles ne fréquentent plus les écoles après douze ans, époque à laquelle ils embrassent une profession maritime pour la plupart et qui les tient constamment éloignés de leur pays... ", le Conseil municipal ne vit pas la nécessité de faire fonctionner ces cours d'adultes.
Quels arguments lamentables pour justifier des décisions de refus !
Développement des activités économiques.
Mais cette ville de La Seyne connaissait alors un développement rapide, irrésistible par le fait d'un phénomène majeur se manifestant avec force : la construction navale.
Certes, depuis longtemps on y construisait des navires : barques de pêche, tartanes pour le cabotage, etc. C'étaient, bien sûr des bateaux en bois.
D'ailleurs, il y a tout lieu de penser que depuis la plus haute Antiquité, quand les Phéniciens - premier millénaire avant Jésus-Christ - puis les Grecs - environ au cinquième siècle avant notre ère - puis enfin les Romains - deuxième siècle avant Jésus-Christ - s'assurèrent successivement la maîtrise commerciale ou militaire de nos côtes, les navigateurs trouvaient dans la forêt de Janas (1) de beaux chênes au bois dur pour tailler des bordages et les membrures et de superbes pins maritimes au tronc parfaitement rectiligne pour confectionner les mâtures.
(1) Janas : pourrait venir de Janus, nom d'un dieu italique et romain présenté avec deux visages opposés. Janus est une des plus anciennes et des plus importantes divinités du panthéon romain. C'est le Dieu des commencements et c'est lui qui ouvre et ferme l'année puisque le premier mois, januarius - janvier, lui est consacré.
Avant la naissance de l'industrie lourde, la population seynoise était essentiellement composée d'agriculteurs - bastidans propriétaires ou métayers, de marins - navigateurs ou pêcheurs, d'artisans - maçons, huiliers, tonneliers, tailleurs de pierre, forgerons, meuniers, taillandiers, etc., et de commerçants - bouchers, boulangers, armuriers, etc. S'ajoutaient des petits métiers comme vitrier, repasseuse, porteur d'eau, marchand d'herbe, etc., souvent exercés par des femmes.
Les terres étaient alors fertiles, les puits équipés de norias (2) permettaient une bonne irrigation des champs.
(2) Noria : Procédé servant à tirer de l'eau et qui est composé d'un chapelet de godets, d'une roue, souvent mue par la force animale, actionnée de façon à ce que les godets puisent l'eau et la montent jusqu'à un déversoir. Vient de l'arabe nâ oûra, par l'espagnol noria. En Provençal on trouve souvent la forme anoria.
La rade de Toulon et les rivages de Sicié et de Cépet étaient poissonneux, tandis que l'anse de Tamaris abritait de riches populations de mollusques, crustacés, échinodermes et poissons sédentaires ou migrateurs.
En ce temps-là, les pollutions chimiques ne mettaient pas à mal la faune et la flore sous-marines.
Cette abondance explique, avec le fait que la rade constitue un abri naturel irremplaçable, la naissance et le développement considérable du site de La Seyne et de son port.
Toutes ces activités relevaient d'un type de savoir transmis par une voie autre que l'école, ce qui explique les réticences de la population devant la scolarisation des enfants.
D'autant que les écoles étaient alors si peu accueillantes ! Et les familles qui employaient très tôt leurs enfants à différentes tâches ne ressentaient pas tellement l'utilité de leur donner une instruction scolaire.
Ceux qui admettaient qu'un enfant doit recevoir quelque culture, acceptaient de les laisser à l'école jusqu'à douze ans, après quoi ils prenaient le chemin du travail. Les petites industries locales absorbaient alors la main d'œuvre enfantine : huileries, savonneries - l'actuelle rue Taylor s'appelait Rue Savonnière - corderies - à Donicarde - tuileries, fabriques de plâtre - rue Plâtrière - tonnelleries - la rue Marceau s'appelait rue des Tonneliers, etc. Une verrerie et un moulin à ciment fonctionnaient place Germain Loro, face aux Maristes.
Les ouvriers et artisans qui travaillaient fort bien, d'ailleurs, avaient appris leur métier par imitation. Ils étaient, pour la plupart, illettrés et n'envisageaient pas toujours, hélas ! un sort meilleur pour leurs enfants.
Alors on les entendait dire souvent : " Il en saura toujours assez pour pousser un charreton ".
Dans la plupart des cas, les enfants effectuaient des travaux de manutention. Ils apprenaient petit à petit à se servir des outils. Pour calfater des carènes, assembler des bordages ou monter un mur, le savoir-faire pouvait se passer du savoir lire et écrire.
Mais, répétons-le, La Seyne en se développant demandait forcément pour ses nouvelles générations des connaissances nouvelles très diverses.
Notre ville, d'abord, s'affirmait comme un port de commerce important sur la Méditerranée. Les trafics terrestres de marchandises étaient d'une lenteur extrême car on ne disposait alors que de charrettes attelées. Aussi, le trafic maritime avait-il pris un développement considérable pour l'époque.
Qu'exportait-on par La Seyne ?
Les terroirs de Six-Fours, d'Ollioules, de La Cadière, du Beausset, etc. fournissaient vin, raisin et huile d'olive. Ollioules, plus particulièrement, faisait transiter des agrumes et des figues sèches. La Seyne même exportait des matériaux de construction, des poteries, de l'huile, du savon, des chandelles et des cordages.
Par contre, on importait des peaux, du cuir, des parfums, du blé, des épices, du café, des tapis, des bois de construction et d'ébénisterie et tous produits exotiques.
Tout ce trafic demandait des portefaix en grand nombre, mais aussi des gens possédant quelques rudiments de comptabilité.
Le commerce local, indépendamment des produits d'exportation, écoulait en quantité très importante du poisson, des coquillages, des légumes, des fruits frais, des fruits secs, des câpres, etc. que la population autochtone produisait en quantité suffisante.
Les enfants et les adolescents participaient largement à ces activités artisanales et commerciales.
Lorsqu'ils atteignaient l'âge adulte, ces Seynois pouvaient exploiter leurs propriétés, s'ils en héritaient, ou s'établir artisans, s'il en avaient les moyens, mais dans là plupart dès cas, ils s'embauchaient comme ouvriers agricoles, charpentiers, calfats, portefaix, etc., ce qui, dans tous les cas, ne nécessitait pas un degré exceptionnel d'instruction.
Mais, au milieu du XIXe siècle, des problèmes nouveaux vont se poser.
En effet, à partir de 1835, des changements importants vont intervenir dans la vie de nos ancêtres Seynois. Si, jusque-là, ils se livraient, comme nous l'avons vu, à des activités n'exigeant pas un degré d'instruction scolaire important, avec la naissance de l'industrie lourde, une classe sociale nouvelle allait s'affirmer et prendre de l'importance dans notre commune : la classe de la création, de la transformation, du dynamisme social, la classe qui sera à l'avant-garde du mouvement progressiste, la classe ouvrière.
Nous reviendrons dans le chapitre III sur les aspects de la société à la fin du Second Empire, pour constater que le sort des ouvriers ne s'était guère amélioré quand la bourgeoisie capitaliste, elle, était en plein essor.
Gardons présent à l'esprit le fait que la bataille scolaire ira de pair avec les luttes du peuple pour l'amélioration de ses conditions de vie.
Mais le fait notable, pour cette période, est bien que le développement industriel et économique de La Seyne, fera naître le besoin nouveau d'un type particulier de main d'œuvre.
Ainsi, le développement du réseau ferroviaire permettant le transport de matériaux nécessaires à la construction métallurgique va donner un essor considérable aux villes de Toulon et de La Seyne qui deviendront des villes industrielles. Mais avec l'expansion de la construction navale, il faudra former des ouvriers capables de lire, de calculer, de tracer, de déchiffrer des plans. Quant à l'accroissement du volume des échanges maritimes, il fera naître le besoin d'employés sachant la géographie et les langues étrangères.
L'essor industriel et commercial du XIXe siècle va donc entraîner dans son sillage la nécessité de donner au peuple une instruction générale plus poussée et une formation technique plus spécialisée. Il fallut donc penser à créer un enseignement technique dont les impératifs s'affirmaient de mieux en mieux.
La théorie de Thiers (3) se trouva bien vite dépassée, lui qui écrivait en 1848 dans son livre intitulé De (4) la Propriété : " Lire, écrire, compter, voilà ce qu'il faut apprendre, le reste est superflu ".
(3) Voir note (18) du Chapitre 1.
(4) De : forme archaïque traduite directement du latin et signifiant " à propos de" " au sujet de".
Ainsi, d'après lui, l'élite seule devait suffire à tout. Hélas ! pour sa théorie, au milieu du XIXe siècle on ne pouvait plus se passer de main d'œuvre qualifiée (mécaniciens, techniciens, administrateurs, comptables et même juristes).
Naissance de la construction navale
En 1835, le premier chantier de construction navale fixe (5) fut créé par M. Mathieu, directeur de la Compagnie du Rhône. Il s'appelait L'Aigle. Il fut dirigé par M. Lombard assisté par deux ingénieurs anglais, les frères Evans. M. Mathieu se retira en 1839.
(5) Jusque-là les chantiers de construction navale s'installaient sur le littoral pour la durée des travaux, avec des infrastructures provisoires abandonnées quand le navire était terminé.
En 1845, M. Lombard, constructeur de navires, vendit son chantier à M. Taylor (6) qui le revendit dix ans plus tard à la Compagnie des Forges et Chantiers de la Méditerranée (F.C.M.) Cela se passait donc en 1855 et cette compagnie construisit des navires sur nos rivages jusqu'en 1966, soit pendant cent onze ans, jusqu'à ce qu'une crise dont chaque Seynois a gardé le souvenir donne naissance à la Société des Constructions Navales et Industrielles de la Méditerranée (C.N.I.M.).
(6) Cf. la rue Taylor, derrière l'Hôtel de Ville.
Dans ce domaine de la construction navale, il y a aussi une longue histoire à écrire, histoire du développement des industries locales, liée intimement à la prospérité de la cité, histoire des luttes ouvrières contre les trusts nationaux et internationaux, pour défendre les intérêts des travailleurs et, à travers ceux-ci, la prospérité de leur ville.
Mais n'anticipons pas ! Tout cela, c'est une autre page, et fort longue, de l'histoire locale qu'il faudra bien écrire un jour.
Pour en revenir à la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée, c'est M. Armand Béhic, ancien ministre, qui la fonda, comme il avait fondé la Compagnie de Navigation des Messageries Maritimes.
Nous avons donc eu à La Seyne, l'exemple concret de la naissance d'un trust avec, à sa tête, un de ces patrons d'industrie qui mirent la main à la fois sur un chantier de construction navale et sur un portefeuille ministériel.
Si le premier chantier établi en 1835 ne construisait guère que des embarcations en bois - chalands, bateaux de pêche, tartanes, goélettes, etc., dix ans plus tard les constructions en fer feront leur apparition.
Les Forges et Chantiers de la Méditerranée qui s'installèrent à La Seyne, nous l'avons dit, en 1835, connurent sous la direction de Noël Verlaque (7), enfant du pays, puis d'Amable Lagane (8), ingénieur de la Marine, une extension rapide et leurs capacités de production sera telle qu'ils deviendront l'un des plus grands chantiers navals de France.
(7) Noël Verlaque : " Fils du pays /../ Ancien ouvrier charpentier à l'Arsenal de Toulon, il était entré en 1839 comme dessinateur au service de M. Lombard constructeur naval, puis nommé Chef d'atelier par M. Taylor quand ce dernier succéda à M. Lombard. Désigné par Armand Béhic pour diriger l'établissement agrandi et modernisé, M. Verlaque assura les fonctions d'ingénieur en jusqu'au 1er Janvier 1872 date à laquelle il démissionna pour prendre sa retraite " (L. Baudoin).
(8) Amable Lagane : Originaire du Quercy où il est né en 1838, Amable Lagane, sorti de Polytechnique entra à la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée où il devint ingénieur en chef puis directeur et, plus tard, membre du Conseil d'Administration. M. Lagane est mort à Toulon en 1910. Son nom a été donné à une rue seynoise, ancienne Rue de la Paroisse.
Pour assurer cette expansion, la main d'œuvre fut recrutée sur place, mais ce personnel dut être formé afin d'en tirer le meilleur parti possible. Une relation dut donc s'établir entre la grande entreprise locale et les enseignants de l'époque. Par suite, plus les chantiers se développeront et plus leur collaboration avec les responsables de l'enseignement local deviendra nécessaire.
La grande misère de l'École et des Municipalités
En attendant, quelques années après le vote de la loi Guizot survenu, on s'en souvient, en 1833, alors que s'achève le règne de Louis-Philippe Ier, l'instruction publique végète. Si la loi Guizot a reçu un commencement d'application, elle n'a pas réglé des problèmes tels que la fréquentation scolaire et la gratuité de l'enseignement, et encore moins les conflits entre les enseignants laïques et les enseignants ecclésiastiques.
De leur côté, les Municipalités lésinent sur les dépenses nécessaires.
Pour citer quelques exemples, nos archives locales relatent que le directeur, M. Martini, demanda un jour un modeste crédit pour l'achat de quelques instruments de physique. Il avait évidemment le souci de concrétiser et de moderniser son enseignement à l'école primaire supérieure.
Le Conseil municipal d'alors rejeta sa demande par douze voix contre cinq. Souci de garder en équilibre un budget d'austérité ? Sans doute. Mais aussi, quelle incompréhension de l'importance des problèmes éducatifs !
Un autre exemple ?
On ira jusqu'à reculer l'âge d'admission des élèves de six à sept ans, de manière à éviter des créations de postes. Et par surcroît, on envisagera, pour trouver quelques subsides, de faire payer aux élèves de l'école élémentaire une redevance mensuelle qui n'était prévue jusque-là que pour des élèves de l'école primaire supérieure.
Lorsqu'en 1847 le besoin d'une création de poste se fera sentir impérieusement à l'école élémentaire, le Conseil municipal, dans sa séance du 14 novembre de la même année, nommera un surveillant qui fera fonction de moniteur, pour aider les maîtres dans leur tâche. Le traitement de ce surveillant sera seulement de quatre cents francs, alors qu'il aurait fallu payer le double pour un maître titulaire.
Mais disons-nous bien que cette politique du personnel au rabais, nous la constaterons encore pendant plus d'un siècle !
Citons un dernier exemple qui éclaire bien les mentalités de l'époque et qui date de la même année 1847.
Quelques années auparavant, devant l'augmentation du nombre des indigents, le principe de leur admission gratuite à l'école avait été adopté. Mais en 1847, il y en a vraiment trop. On ne sait plus où les loger. Alors, par sa délibération du 27 novembre, le Conseil municipal décide que les indigents ne seront admis à la gratuité scolaire que dans la proportion de un sur dix - un indigent pour dix élèves. Ce qui est vraiment un comble !
Conflits entre laïcs et congréganistes
Au cours de cette période, les conflits entre enseignants laïcs et ecclésiastiques s'aiguisent. Voyons quelques exemples à l'échelle locale :
Le 22 mai 1842, la Municipalité prend une délibération pour ne plus rétribuer les vicaires. Par treize voix contre cinq, elle stipule que leur traitement ne sera plus versé.
L'année suivante, le préfet inscrira d'office la dépense représentant ces traitements au budget de la Ville. Après quoi la Municipalité se réunira pour protester contre cette mesure qu'elle jugera illégale. Le principe des libertés communales était loin d'être admis par le pouvoir de Sa Majesté Louis-Philippe. Qu'en sera-t-il par la suite ? Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions qui sont toujours d'actualité.
Deux ans plus tard, le Maire Boniface Picon propose au Conseil municipal de faire venir de Lyon à La Seyne des Frères de l'Association de Marie, probablement pour y enseigner.
Cette proposition est rejetée par douze voix contre onze.
La même année, un instituteur ayant démissionné, le Maire propose de le remplacer par un Frère des Écoles Chrétiennes. La proposition est repoussée pour douze voix contre dix.
Toutes ces prises de position ne sont pas du goût des pouvoirs de tutelle. On devine les discussions passionnées qui ont animé les assemblées locales pendant des décennies. Républicains et partisans de l'Ancien régime s'affrontèrent certainement sans trêve.
Cependant, l'éducation religieuse, il faut le préciser, a été prescrite par la loi Guizot et le Ministre de l'Instruction publique, ne n'oublions pas, est également Ministre des Cultes.
En rappelant les principes de cette loi, le Maire Picon proposa un jour à son Conseil municipal de faire confectionner vingt-cinq bancs pour que les enfants de l'école communale puissent s'asseoir à l'église. Il y eut sans doute beaucoup de propos désobligeants échangés au cours de cette séance. Finalement les bancs furent inscrits au budget. Souvenez-vous qu'alors les instituteurs étaient tenus, quelles que soient leurs opinions, d'accompagner les enfants à la messe.
Bien qu'au fil du temps ses besoins en locaux et subsides aillent croissant, l'Enseignement public sera traité en parent pauvre. L'Histoire de l'école des filles de la rue Clément Daniel en est un bon exemple.
En 1836, le principe de la création d'une école de filles avait été repoussé par les édiles seynois. Il fallut pourtant bien admettre qu'une salle d'asile était nécessaire pour accueillir les enfants du sexe féminin. Il fallut attendre dix ans pour que, sous la Municipalité Martinenq, une école publique de jeunes filles fonctionne.
Mais la création ne signifie pas construction. Il en fut de cette école de filles comme de l'école de garçons en ce sens que, les crédits faisant défaut, on utilisa de vieux immeubles.
La Municipalité acheta donc une maison vétuste, rue Clément Daniel, qui était attenante à l'hôpital et qui avait appartenu antérieurement à une congrégation. Dans cet immeuble où se trouve actuellement l'économat de la Caisse des écoles, on peut encore voir la trace d'une chapelle, lorsque l'on y pénètre par la rue Messine.
Mais nous voici en 1848.
Les difficultés de la vie quotidienne assaillent la grande masse du peuple français. Des questions sociales se posent avec acuité.
La Révolution du 24 février 1848 chasse Louis-Philippe Ier du Pouvoir. Un gouvernement provisoire est constitué, dont les membres les plus célèbres sont Lamartine (9), Louis Blanc (10) et Ledru-Rollin (11).
(9) Lamartine (Alphonse de) : Académicien français (1790-1869). Ce poète français dont tout le monde connaît quelques strophes, mena de front avec des bonheurs divers, une carrière littéraire et une carrière politique. Il fut député, ambassadeur et ministre. Il connut son apogée après la Révolution de 1848 où il fut nommé Ministre des Affaires Étrangères. Le Second Empire sonna le glas de sa carrière politique et, dans le besoin, il se condamna aux " travaux forcés littéraires ". Bibliographie : Les Méditations poétiques (1820), Harmonies poétiques et religieuses (1830), Gethsémanie (1834), Jocelyn (1836), La chute d'un Ange (1838), Les Recueillements (1839), Histoire des Girondins (1847), Les Confidences (1849), Graziella (1852), Cours familier de Littérature (1856-1869).
(10) Blanc (Louis) (1811-1882) : Socialiste français, il vécut dans l'opposition jusqu'à la Révolution de 1848, rédigeant des pamphlets, publiant un volume intitulé L'Organisation du Travail, programme de réformes socialistes qui sera sa ligne de conduite. Membre du gouvernement provisoire en février 1848, il affirme le droit du travail et fut à l'origine des ateliers nationaux, bien que les applications de sa pensée la dénaturent sur le fond. Des émeutes, en juin 1848 suivirent la fermeture de ces ateliers et cela provoqua sa chute. Il émigra en Angleterre où il resta jusqu'en 1870. Élu à l'Assemblée nationale, il siégea à l'extrême gauche de 1871 à 1876 mais prit position contre la Commune de Paris.
(11) Ledru-Rollin (Alexandre Ledru, dit) (1807-1874) : Avocat, il se rendit célèbre par son opposition à la Monarchie de Juillet. Élu député en 1841, il siégea à l'extrême gauche avec les radicaux. La Révolution de 1848 le porta au pouvoir où il assuma les fonctions de Ministre de l'Intérieur, mais les émeutes de Juin 1848 provoquèrent sa chute. Après une tentative manquée d'insurrection, en 1849, il dut gagner l'Angleterre où il fréquenta les Révolutionnaires européens. En 1871, il revint en France et fut élu à l'Assemblée nationale, mais refusa de siéger. Il fut réélu en 1874 et siégea jusqu'à sa mort.
Les idées républicaines prennent alors de l'ampleur dans tout le pays. Les rapports de police de l'époque font état d'une activité intense des cercles, des chambrettes, des sociétés secrètes et de la presse. Parfois même des manifestations de rue se produisent. Les décisions du gouvernement vont alors dans le sens des exigences populaires. Par exemple, le suffrage universel est institué, les libertés de presse et de réunions sont rétablies.
Le Pouvoir souhaite alors organiser un Enseignement généralisé. L'enthousiasme se développe à travers tout le pays et l'on rêve d'une République sociale et humaine.
La classe ouvrière seynoise s'imprègne rapidement des idées socialistes que la presse autorisée répand.
Ce fut dans cette période et plus précisément le 30 septembre 1849 que les instituteurs socialistes Lefrançais, Pauline Roland et Pérot lancèrent un appel aux dirigeants de la République. Cet appel disait :
" Nous avons pensé que le jour est arrivé où l'Enseignement doit être un véritable sacerdoce et que l'instituteur devenant le prêtre d'un nouveau monde, doit être chargé de remplacer le prêtre catholique... ".
Cet appel enthousiaste manquait sans doute de réalisme car les statistiques de l'époque mentionnent un effectif de cinquante et un mille enfants pour l'enseignement public, alors que l'enseignement privé congréganiste concerne cinquante trois mille élèves environ.
La Seconde République ne réalisera rien de tangible, du point de vue de l'Instruction publique.
La loi Carnot (12) décréta le caractère gratuit et obligatoire de l'Enseignement primaire. Elle voulut le soustraire complètement au contrôle du Ministre des cultes en retirant du programme l'enseignement religieux.
(12) Carnot (Lazare Hippolyte) (1801-1888) : Fils du Conventionnel Lazare Carnot et père de Sadi Carnot, le Président de la République assassiné en 1894 par l'anarchiste Caserio à Lyon. Il partagea d'abord l'exil de son père accusé de régicide. En revenant en France, en 1823, il adhéra aux premières idées socialistes (Saint Simonisme). Il fut élu député en 1839 après avoir participé à la Révolution de 1830. Il se prononça pour la République en 1848 et fut nommé Ministre de l'Instruction publique. Réélu en 1850, il refusa de prêter serment et ne put siéger. Sa carrière politique continua sous le Second Empire, puis sous la IIIe République où il fut nommé, en 1875, Sénateur inamovible.
Hélas ! cette loi ne sera même pas appliquée, l'élection de Louis Napoléon Bonaparte (13) à la Présidence de la République entraînant un retournement complet de la politique scolaire.
Le premier acte du Ministre Falloux (14) fut de retirer la loi Carnot de l'ordre du jour de l'Assemblée.
(14) Falloux (Frédéric Albert, comte de) (1811-1886) : Académicien français. Député en 1846, il fut réélu à l'Assemblée constituante après la Révolution de 1848. Après avoir organisé la fermeture des Ateliers nationaux, il soutint la candidature de Louis Napoléon Bonaparte. Nommé Ministre de l'Instruction publique, il fit voter en 1850 une loi favorisant l'enseignement confessionnel. Mais en 1849, il s'était opposé à la politique du Prince Président et fut arrêté après le Coup d'État du 2 décembre. Après la déchéance de l'Empire, il travailla au rapprochement des légitimistes et des orléanistes, dans l'espoir de restaurer la monarchie.
La Loi Falloux
Par la loi du 15 Mai 1850, l'Enseignement primaire et secondaire furent déclarés libres et l'Université perdit son monopole. Les écoles publiques furent placées sous la surveillance des autorités locales, mais particulièrement du clergé et des préfets.
On relève dans le règlement des Conseils départementaux le passage suivant :
" Le principal devoir de l'instituteur est de donner aux enfants une éducation religieuse et de graver profondément en leur âme le sentiment de leur devoir envers Dieu, envers les parents, envers les autres hommes et envers eux-mêmes ".
Pour l'enseignement primaire, la loi Falloux recommandait la surveillance stricte des instituteurs, ces petits rhéteurs de village, comme les appelait Adolphe Thiers. La répression de leurs fautes fut livrée non aux tribunaux, mais aux autorités administratives.
Tout fut organisé pour favoriser et développer l'Enseignement congréganiste.
Ainsi, le Brevet de Capacité ouvrant la carrière d'enseignant fut remplacé par le baccalauréat, la qualité de Ministre d'un culte, ou un simple certificat de stage, ce qui donnait toute latitude aux Frères des Écoles Chrétiennes.
Pour l'enseignement féminin, une simple lettre d'obédience de leur supérieure suffisait aux sœurs pour enseigner.
La nomination des instituteurs jusque-là du ressort des notables fut confiée aux Préfets.
Si la loi Falloux favorisait tellement l'Église, c'est que la puissante Bourgeoisie de l'époque voyait en elle le meilleur rempart d'un ordre social dont elle savait tirer le parti le plus fructueux pour ses intérêts.
Dans cette période, pour en revenir au plan local, M. Berny, fils du Maire de La Seyne, prit la direction de l'école primaire et de l'école primaire supérieure. Deux ans auparavant, M. Martini était entré au Conseil municipal. Ces deux hommes espéraient sans doute agir avec profit pour l'école qu'ils animaient. Hélas ! ils allaient connaître d'amères déceptions. Localement, les conséquences de la loi Falloux n'allaient pas se faire attendre.
En 1850, les Frères des Écoles Chrétiennes prirent à nouveau la direction de l'école primaire, tandis qu'était supprimée l'école primaire supérieure. L'effectif de l'école atteignait seulement une cinquantaine d'élèves. En même temps, les congréganistes recevaient des crédits importants pour créer de nouvelles écoles - et ce fut le cas pour le Collège des Pères Maristes - ou améliorer les anciennes structures.
Mais à La Seyne, comme ailleurs, les instituteurs n'accepteront pas de voir l'Enseignement sous le joug du cléricalisme.
La période qui s'ouvre avec le Coup d'État du 2 décembre 1851 va mettre en évidence le renforcement des luttes entre laïques et confessionnels.
Retour au Sommaire de l'Histoire de l'École Martini
Retour à la page d'accueil du site
![]() |
|
![]() |
© Jean-Claude Autran 2016