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À la belle saison, le banc de pierre accolé à la maison des Magliotto n'était jamais inoccupé, il était presque devenu la propriété de Finoun, la grand-mère Martinenq qui s'y endormait chaque jour d'un profond sommeil. Les anciens venaient y conter leurs difficultés quotidiennes car ils avaient beaucoup de maux et peu de joies à partager.
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Familles Martinenq et Magliotto sur la "placette" Beaussier, vers 1898
On pense pouvoir identifier : (1) Étienne Magliotto (1889-?) ; (2) Finoun Martinenq, née Sabbatier (1836-1908) ; (3) Joséphine Magliotto (1885-1949), mère de Marie-Rose Ducher (née Tosello) (1911-1999) ; (4) Baptistin (le Grand Titou), aîné des frères Magliotto (1886-1968) ; (5) Arrière-grand-mère de Marie-Rose Ducher ; (6) Louise Lajolo (1862-1938), épouse de Scipion Magliotto (1858-1939) et grand-mère de Marie-Rose Ducher.
Le soir on sortait des chaises devant les portes, les adultes les occupaient souvent à califourchon et les bavardages allaient bon train. On devisait sur les vicissitudes du temps et elles ne manquaient pas avec l'inconfort de la vie quotidienne, les menaces du chômage, les guerres qui se préparaient, les épidémies qui firent encore des ravages dans les années 1919-1920.
CÔTÉ PATERNEL
Mon père
Henri Valentin DUCHER (voir photo ci-dessous), né en 1914, décédé en 1952 de la leucémie, gardien de la Paix après avoir été charpentier de Marine aux chantiers navals de La Seyne sur mer. Emploi qu'il avait dû abandonner à la suite d'un grave accident du travail (deux bras cassés en plusieurs endroits) lors du lancement en 1940 du Paquebot Kairouan, bateau que j'ai pris pour partir en Algérie (voir document N° 7).
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Mon père avait échappé de justesse à deux événements dramatiques qui auraient pu lui causer une mort certaine pendant la guerre 1939-1945.
• Tout d'abord - Le 11 juillet 1944 - lors d'un bombardement, beaucoup de Seynois s'étaient réfugiés dans la galerie naissante du futur émissaire commun, destiné à l'évacuation des eaux usées de toute l'agglomération, ce souterrain n'étant ouvert que d'un seul côté, mon père avait été chargé du service d'ordre. La première vague de bombardiers étant passée, les gens voulurent sortir et commencèrent à évacuer le tunnel, mais une deuxième vague arriva, ce qui fit que ceux qui étaient à l'intérieur voulaient continuer alors que ceux qui étaient déjà sortis voulaient de nouveau entrer, pour se remettre à l'abri, d'où une bousculade intense, les gens tombèrent et se piétinèrent, ce fut vite un amoncellement de cadavres, mon père tomba à son tour, écrasé lui aussi, et perdit connaissance. Quand les opérations de sauvetage commencèrent, ses collègues policiers le tirèrent à l'aide de cordes, il fut transporté à l'hôpital et ne reprit connaissance que trois jours après. Il y eu une centaine de morts.
• Ensuite, le 21 août 1944, il y eut la fusillade du poste de police. Bien imprudemment, les policiers avaient arboré le drapeau tricolore au premier étage du poste, croyant les allemands disparus à jamais de la ville. Mais il n'en était rien car le lieutenant Birkendorfer arriva avec une patrouille. Cette unité arriva donc devant le poste de police et comprend, à la vue du drapeau français, la volonté évidente de rébellion de ses occupants qui refusèrent de se rendre. Les Allemands attaquèrent donc avec des effectifs et armements bien supérieurs et commencèrent à incendier le poste. Mon père put s'échapper en sortant dans les jardins situés derrière, mais il fut repris et conduit avec un résistant nommé Monsieur Le Hir, mitraillette dans le dos, jusqu'au Fort Napoléon. Miraculeusement, ils échappèrent à la mort grâce à un Alsacien, membre de la patrouille, qui les fit s'évader. Trois policiers furent quand même fusillés : Messieurs Bres, Marcoul, Franceschini.
• Mon père échappe à la mort encore une fois : cela se passait à Mers El-Kébir (Algérie) où une partie de la Flotte Française séjournait. Mon père ayant été appelé dans la Marine au début de la guerre 39-45. Il fut embarqué sur le Cuirassé "Le Bretagne". Ce Vaisseau se trouvait donc dans ce port lors que les Anglais commencèrent à canonner notre flotte. Le "Bretagne", touché, se retourna et coula. Heureusement, mon père, canonnier, avait été débarqué juste avant, pour servir une batterie côtière. Il vit ainsi tout l'équipage et ses amis disparaître à jamais. Il y eut 1200 Marins Français morts pour la France ce jour là "Honni soit qui mal y pense".
Pour la petite histoire : Mon père, lors de son séjour dans la Marine Nationale, s'était fait tatouer, sur l'avant- bras gauche, une pensée avec l'inscription "MA" (la pensée tatouée) à ceux que j'aime. Il était d'autre part d'une extrême sévérité, étant policier, aussi bien dans son travail qu'à la maison. Il était de corpulence forte et musclée, son surnom dans la police était "Le Tank".
Je ne saurais terminer ce chapitre sans évoquer ce que fut la fin de la vie de mon père. Un matin, alors qu'il était « en tricot de corps » pour se raser, mon père dit à ma mère : « Tiens, j'ai deux glandes de chaque côté du cou qui ont très enflé » ma mère lui répondit : « Chez les enfants, cela est un signe de faiblesse », mon père se met à rire et, gonflant ses biceps supérieurement développés, il dit « Et cela, est-ce un signe de faiblesse ? » et on en resta là.
• Quelques temps après, il fit une chute de moto. Comme son poignet le faisait souffrir, on demanda au docteur Navatel de passer chez nous, ce qu'il fit. Il diagnostiqua une foulure simple et, sur le point de partir, ma mère le retint et lui parla de ses glandes enflées. Il remonta donc dans la chambre, en descendait quelques minutes plus tard et dit à ma mère (j'étais présent) « Votre mari est perdu, il en a pour un peu plus d'un an vu sa constitution, mais il n'y a rien à faire, c'est la maladie d'Hodgkin ; si j'étais lui, je me tirerais une balle dans la tête ». Dès lors, il fut hospitalisé à Montpellier, seul centre anti-cancéreux à l'époque, on le brûla avec des rayons. Il avait des démangeaisons telles qu'il se grattait avec son couteau. Il fut ensuite hospitalisé à Sainte-Anne. Là, tous les dimanches après-midi, nous partions avec ma mère, pour passer quelques heures avec lui. Ses camarades policiers lui portaient chaque jour, vers la fin, une bouteille de champagne (très cher à l'époque). Pour Noël 1951, il voulut absolument qu'on réunisse, autour d'un repas, toute la famille sans exception. À la fin, il se leva et dit « C'est le dernier Noël que je passe avec vous et je demande pardon, si j'ai pu offenser quelqu'un parmi vous ». Je garde cette image de mon père extrêmement amaigri, courbé en deux comme un vieillard et marchant difficilement avec une canne. Lui que j'avais connu, deux ans plus tôt, comme étant une force de la nature.
• Il s'éteignit à Sainte-Anne, Pavillon Bérenger Feraud, le 10 février 1952, à l'âge de trente-sept ans. J'avais pendant cette période, de treize à quatorze ans. Il ne s'est jamais plaint, et son seul souci était ce que nous allions devenir, car ma mère ne travaillait pas, il lui disait « Si au moins j'étais mort en service commandé, tu aurais une bonne pension ». Or il n'avait que dix ans de Police et la pension fut, on ne peut plus modeste, ce qui obligea ma mère à chercher du travail à quarante ans, d'autant plus que ma sœur avait à peine six ans.
• Vu sa très robuste constitution, son calvaire dura deux longues années, de l'âge de 35 ans à l'âge de 37 ans. Et, dernier événement dramatique : ils étaient cinq patients atteints de la même affection dans le même service, à l'hôpital. Tous les cinq décédèrent avant lui, ce qui lui laissa penser que sa fin était proche et inéluctable.
Mon grand-père paternel
• Jean-Régis Ducher né à TERRET (commune de Blesle, Haute Loire) où est aussi né mon père. Fils de l'arrière-grand-père Ducher à la barbe impressionnante (voir photo ci-dessous) originaire aussi de TERRET, souche de la famille, hameau où poussaient des champs de vignes, rares dans le secteur.
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Jean-Régis Ducher fut blessé au talon droit pendant la guerre 1914-1918, pensionné et très handicapé pour son travail aux champs.
Son épouse Maria Charrade, qui était aussi ma marraine, était fille de Madame Bony épouse de Monsieur Charrade. Ils étaient originaires de Rezentières, où il y a encore des "Charrade" sans que j'aie pu savoir quel était notre lien de parenté. La ferme de Fons (Cantal) leur appartenait, ainsi que les terrains qui furent acquis par suite d'héritage et de rachat des parts de ses sœurs par Maria Charrade. Le reste des terrains furent acquis pendant leur mariage, car, au début de leur union, ils séjourneront à TERRET où naquirent leurs enfants. Il est à se souvenir que, très certainement, un frère de ma grand-mère fut tué pendant la guerre de 1914-1918 car son nom "Charrade Jean" figure sur le monument aux morts de Chazeloux.
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Vu le handicap de mon grand-père, c'est ma grand-mère Maria qui menait la ferme, de main de maître. Elle est décédée à l'âge de 53 ans.
Mon grand-père avait un frère, Régis Ducher qui a toujours résidé à Blesle. Très handicapé par un accident du travail. Il avait un fils, qui est aussi notre cousin, qui y réside aussi.
Ma mère, ma grand-tante Pauline, son mari et moi-même, trouvèrent refuge chez mon grand-père à Fons pendant la guerre 1939-1945 et c'est à la petite école du village que j'appris à lire et à écrire.
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Une dernière indication : A Fons, presque toutes les familles avaient un surnom, la famille Ducher portait celui de "Pensette". Pourquoi ? that is the question. Dans l'avenir penser a toujours entretenir leur tombe - Cimetière de Chazeloux.
Ma mère
• Marie Rose Catherine Ducher (voir photo ci-dessous) était née Tosello par son père Etienne (mon deuxième prénom), née en 1911, décédée en 1999. Aide-soignante à l'hôpital de La Seyne (service gériatrie).
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Côté grand-père maternel
Historique des Tosello
• Jules Tosello (mon arrière-grand-père) est décédé de la suite d'un accident du travail aux Chantiers Navals de La Seyne-sur-Mer le 4 avril 1897.
Ce qui fait remonter son arrivée à La Seyne vers 1850 - 1860. Venant de Limone, village dépendant de Cunéo (Italie). Il est mort à l'âge de 59 ans (voir documents N° 5 et 6) les détails de son décès ainsi que les obsèques grandioses, ainsi que la reproduction du bateau, le Chateaurenault (voir document N° 4), sur lequel s'est produit son accident
À la suite de son décès, une somme fut allouée à son épouse, Catherine, qui acheta le terrain et fit construire le "Clos Catherine", une pensée pour eux à qui nous devons notre maison. Coût de la construction : 500.00 Francs de l'époque.
Jules Tosello et Catherine eurent 6 enfants, quatre garçons et deux filles. Etienne fut le seul à se marier. Il épousa ma grand-mère, Joséphine Magliotto (voir photo ci-dessous) et n'eurent qu'une fille : ma mère Marie-Rose Tosello.
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lors de son mariage avec pépé GUILLERMIN |
• Etienne Tosello mourut prématurément à l'âge de 40 ans, en 1920, c'était un ébéniste émérite.
Les trois autres frères : Thomas, Jean-Baptiste et Bernardin restèrent célibataires.
• Thomas Tosello, Agent technique de 1ère classe à l'Arsenal de Toulon (section des torpilles) acheta le terrain situé au fort Napoléon. Décès en 1926 à l'âge de 58 ans.
• Jean-Baptiste Tosello est décédé en 1932 à l'âge de 57 ans.
• Les deux filles se nommaient Marie et Lucie et s'étaient mariées à deux frères, les frères Tricon dont l'unique que j'aie connu, étant enfant, et que j'appelais "tonton Charles", logeait dans une petite villa près de l'école Romain Rolland.
Ces deux sœurs s'étaient fâchées avec leurs quatre frères et ils ne se sont plus adressé la parole durant toute leur vie. Je pense que c'est à cause du "Clos Catherine" où leurs parts avaient été rachetées peut-être pas à leur juste valeur. La dernière vivante, "tante Lucie", est décédée à l'hospice où travaillait ma mère (triste retour des choses) qui la soigna jusqu'au bout avec dévouement. Elle nous laissa, à sa mort, ses liquidités, d'ailleurs peu importantes.
• Bernardin Tosello (voir photo ci-dessous), mon parrain, qui voulait que ma mère m'appelle comme lui mais qui eut la bonne idée de s'arrêter à Bernard, le "Dernier des Tosello" exerçait le métier de Boulanger.
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C'était un homme ombrageux et coléreux qui disait souvent à ma mère qui habitait avec mon père et moi au "Clos Catherine" : "Eïsi siou che'iou, si vouali, cagui sur la table" ce qui veut dire en Français : "Ici, je suis chez moi, si je veux, je défèque sur la table !".
C'était pourtant un travailleur acharné. Après son travail, il cultivait les vignes et plantait différents légumes sur notre terrain du Fort Napoléon. Il montait parfois une trentaine de seaux d'eau par soirée pour arroser ses plantations en montant de chez nous jusqu'au terrain.
J'y ai fait des vendanges étant fort jeune. On faisait aussi notre vin, voir le passage qui traite de notre vocation "viticole" relaté comme tranche de vie du "Clos Catherine" dans le récit me concernant (vers la fin de ce document).
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Il y eut un accord passé entre tous les frères, les biens des Tosello se transmettraient au dernier vivant. Tout revint à ma mère qui était la seule fille héritière des Tosello. À condition, toutefois de garder Bernardin jusqu'à sa mort en 1940 (70 ans).
Voici donc tout ce que l'on peut dire sur les Tosello, ouvriers, cadres, travailleurs et économes.
Un mystère subsiste cependant : où est passée la fortune considérable des Tosello ?
Coté mère
• Joséphine Magliotto, ma grand-mère, avait épousé (comme dit plus haut) Etienne Tosello et n'avait eu qu'une fille : Marie-Rose, ma mère.
Joséphine Magliotto (décédée en 1949 à l'âge de 64 ans) avait été tout d'abord, gouvernante chez la comtesse Colle. Dame de grande religiosité et de bonté, demeurant à Toulon, dans un hôtel particulier du Cours Lafayette.
Son mari était baron d'Empire et pair de France. Elle venait souvent à Beaussier et gâtait tous les enfants du quartier en donnant des pièces. Ils avaient un fils destiné à la prêtrise (ils lui avaient acheté tous les vêtements liturgiques) qui mourut très jeune, sur la planche sur laquelle il couchait, de la tuberculose. Ma grand-mère rencontra saint Jean Bosco, fondateur des frères Salésiens et l'église la retrouva 35 ans après, pour lui demander des renseignements pour la béatification de Saint Jean Bosco.
Elle devint ensuite préparatrice à la pharmacie mutualiste des chantiers navals de La Seyne.
Etant devenue veuve très jeune (comme le dit plus haut, son premier mari Etienne Tosello est décédé à l'âge de 40 ans), elle épousa en deuxièmes noces Auguste Guillermin.
• Auguste Guillermin fut, en fait, mon vrai grand-père, il était gardien à la porte principale des chantiers de La Seyne (en face de la pharmacie) mais il avait fait carrière dans l'armée car c'était un enfant trouvé (a Paris). Il avait été élevé par des gens de bonne volonté. Dans sa jeunesse, il fut serveur au "Café du croissant" où fut assassiné Jean Jaurès. Il fit la guerre de 1914-1918. Blessé, décoré de nombreuses médailles, il garda toujours la nostalgie de la vie militaire.
• Pauline Magliotto (voir photo ci-dessous) la sœur de ma grand-mère, (tante Pauline) décédée en 1970 à l'âge de 79 ans avait épousé Théodore Monin, veuf avec un petit garçon Clairin Monin dit "Louis" car il s'appelait aussi Stanislas et Jules. C'est le parrain que vous, Jean-Michel et Roland, vous connaissez. Ouvrier pendant 40 ans à l'arsenal de Toulon.
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Ma tante Pauline eut une fille, Giselle, décédée de la méningite à l'âge de 2 ans.
Pauline Monin était très grande et de très forte corpulence. Elle était très fine cuisinière. Elle avait aussi confectionné des uniformes de soldats pendant la guerre de 14-18.
Mon oncle Théodore, chef contremaître aux chantiers navals de la Seyne, était un habile bricoleur et a transmis son savoir à son fils... (chose que nous connaissons).
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Ma grand-mère Joséphine et ma tante Pauline avaient aussi trois frères :
• Joseph Magliotto (voir photo ci-dessous), tombé au champ d'honneur le 8 octobre 1918 (juste un mois avant l'Armistice !), après avoir fait toute la guerre, avoir été blessé plusieurs fois...). Il était marié à Adrienne depuis 6 mois. Elle a ensuite épousé son cousin qui portait le même nom que lui, Joseph Magliotto de Toulon.
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• Etienne Magliotto, un brave homme, marié à ma tante Rose. Son métier consistait à tourner la roue pour envoyer de l'air aux scaphandriers.
• Baptistin Magliotto dit « le grand titou » ce qui veut dire en français « le grand bouchon » par opposition à son père dit « titou » qui était très petit et qui était donc mon arrière-grand-père, dont nous allons parler plus tard.
Vu son personnage, Baptistin Magliotto, « le grand titou », était l'enfant terrible de la famille. Il bégayait et émaillait ses phrases de « sabes pas qué... » en français : « vous ne savez pas que... ». Il était doté d'une force herculéenne, très grand et très fort. Il passa sa jeunesse en véritable braconnier des mers. Toujours en butte aux douaniers qui le poursuivaient. À titre d'exemple, une nuit, sur sa bette (bateau à fond plat), il grattait les moules sur les coques des bateaux militaires dans la rade, ce qui était formellement interdit, il fut surpris par les douaniers... Il coula sa bette au milieu de la rade et rentra en nageant, de nuit, jusqu'au port de La Seyne ! Il eut d'autres aventures mais bien trop longues à raconter. Il excellait dans les joutes (jeu où 2 hommes armés de lances de bois et de boucliers, doivent se faire tomber d'un bateau dans la darse du port) et personne ne voulait plus jouter avec lui. Il devint ensuite conducteur du yacht du Comte de Pissy, un noble habitant Saint-Cyr dans son château. Le yacht s'appelait le « Yalis ». C'est comme inscrit maritime qu'il termina sa carrière. Tout seul, car il ne supportait même pas son épouse. Il disait qu'elle ressemblait à une « ratepenade », en français « chauve-souris ».
Venons en maintenant à mon arrière-grand-père et à mon arrière-grand-mère Magliotto, née Lajolo, parents des 5 enfants ci-dessus mentionnés. Il convient de s'attarder sur mon arrière-grand-père :
• Scipion Magliotto dit « titou », en français : « bouchon », car il était très petit. Il fut embarqué comme mousse à l'âge de 12 ans. Venant sans doute de Lombardie en Italie. Il navigua et contourna le cap Horn sur les grands voiliers de cette époque et appris ensuite le difficile métier de charpentier de marine. Pour la petite histoire, il avait au cours d'une rixe entre matelots, reçu un coup de couteau à la main qui lui avait occasionné une raideur complète d'un auriculaire. Il parlait une espèce de sabir, moitié italien, moitié provençal, ne savait évidemment pas lire ni écrire. Mais il était arrivé à s'inventer à l'aide de signes connus de lui seul, un système qui faisait qu'il pouvait faire des bateaux, travail délicat, sans se tromper. C'était un travailleur acharné, car il occupait cinq emplois. Il travaillait et faisait des bateaux « pointus » dans un chantier à ciel ouvert au square Aristide Briand (face au monument aux morts). Lorsqu'il pleuvait, ils étaient débauchés, il construisait alors pour son compte, des bateaux dans le hangar qu'il avait construit dans sa maison (28 rue Beaussier), qu'il avait pu acheter, et il vendait ses bateaux. La nuit, il gardait les yachts des Anglais qui venaient nombreux dans le port de La Seyne. Pendant la nuit, il pêchait un poisson abondant dans la darse et le vendait le lendemain matin. Le samedi et le dimanche, il partait à pied de Beaussier jusqu'au casino de Tamaris pour faire accoster, à l'aide de son fanal, au débarcadère du manteau, (photo ci-dessous) les bateaux qui venaient de Toulon.
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Ce qui ne l'empêchait pas de cultiver dans son jardin, pommes de terre et légumes de toutes sortes qu'il arrosait avec de l'eau de son puits (il n'y avait pas de pompe à l'époque). Il avait pour moi une grande affection, étant bébé, il m'appelait son « poutounet pissaïre » en français « son petit pisseur ». il mourut en 1939 à 80 ans
Un autre souvenir de mon arrière-grand-père Scipion Magliotto que je tenais à écrire : En famille, on parlait souvent "politique " et son opinion était la suivante : il disait en provençal « socialiste ou radicaoui ving a iou porte à l'oustaou », en français cela voulait dire : « socialiste ou radicaux, venez chez moi et portez de l'argent à la maison ». À l'époque c'était deux partis qui s'affrontaient. La gauche socialiste et la droite radicaliste. Il n'avait donc aucune opinion particulière... pourvu que cela lui rapporte !.
• Son épouse, mon arrière-grand-mère, née Lajolo, était originaire de Sospel où on avait (ainsi qu'à Menton) de la famille qui se nommait Saramito. J'y suis allé étant jeune et on a été reçu avec ma tante Pauline par les Saramito comme des rois. Un exemple pour montrer leur gentillesse : ils nous faisaient laisser nos chaussures à la porte de notre chambre le soir et on les retrouvait toutes cirées et lustrées le lendemain matin. J'avais 12 ans. Un cousin était même garde suisse à la cathédrale de Monaco. Vu sa grandeur et sa carrure, il portait bicorne et hallebarde et présidait aux cérémonies religieuses, processions et autres cultes en présence très souvent de l'évêque de Monaco.
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Il faut aussi parler de nos cousins « les Venturino » qui habitaient sur le boulevard du 4 septembre à La Seyne (en montant sur la gauche, à peu près au milieu) une petite villa avec un grand jardin derrière et un très beau poulailler, très bien agencé.
Je me souviens de l'ancêtre qu'on appelait « tante Jige » qui était très âgée. Elle avait deux enfants : mon oncle
• Joseph Venturino (on appelait toute la famille « oncle » ou « tante», à l'époque, quel que soit le degré de parenté).
Mon oncle Joseph était Officier de Marine Marchande. Il faisait des voyages en Chine d'où il apporta un magnifique service à café dont ma sœur a hérité. Au Japon, d'où il rapporta un très beau service à café dont j'ai hérité. Ainsi que beaucoup d'autres objets de valeur dont il nous faisait cadeau au retour de ses longs voyages. Il était célibataire. Il connut une fin tragique. En effet, son bateau « le Général Bonaparte » fut torpillé au large de Toulon par un sous-marin allemand en 1942. Dans le tourbillon du navire sombrant, il fut englouti sous les flots. Il réussit à faire surface cependant car c'était un très fort nageur, s'agrippa à une planche et passa 16 heures dans l'eau avant d'être secouru. Il fut transporté à l'hôpital Sainte-Anne de Toulon et mourut peu après d'une pneumonie. Son tombeau est presque en face de celui de mamie et on peut voir sa photographie entourée (triste prémonition) d'une bouée de sauvetage du « Général Bonaparte », son dernier commandement. Je garde le souvenir d'un homme fin et racé, très élégant dans son uniforme.
Fiche de Joseph Venturino au
Mémorial
Genweb |
Le deuxième enfant de « tante Jige » était une fille, ma « tante Marie Louise » qu'on appelait « Marie Louise du boulevard » pour ne pas la confondre avec Marie Louise de Cassis (Lantéri) qui était aussi ma tante.
• Ma tante « Marie Louise du boulevard » était une sainte personne, mais avait un très douloureux handicap. En effet, c'était une femme à barbe. Même en se rasant le matin, à midi sa barbe repoussait très drue. Mes parents n'avaient qu'une peur : c'est qu'en l'embrassant, lorsque j'étais enfant, je lui dise : « tu piques »
Lorsque j'étais chez les pères maristes, elle m'invitait très souvent le midi pour déjeuner. J'allais chercher dans le poulailler (cité plus haut) les œufs frais que je mangeais "à la coque". Elle était très pieuse et voulut qu'on l'enterre avec son collier des "enfants de Marie" dont elle faisait partie depuis son plus jeune âge et qui était une congrégation mariale. On hérita à sa mort de tout son mobilier qui fut dispersé dans toute la famille. On n'oubliera pas le très beau lustre qu'il y avait à Beaussier dans la salle à manger de Mamie.
Voici tout ce que je peux dire sur cette branche de notre famille. Issue sans doute de mon arrière-grand-mère Lajolo épouse de Scipion Magliotto. Il ne faut pas les oublier dans nos souvenirs.
Une partie de la famille a pris racine à Cassis. Toujours du côté de mon arrière-grand-mère, sous le nom de Lantéri Marie-Louise (décédée) et de son fils Robert, toujours vivant à ce jour. Le mari de ma tante Marie-Louise de Cassis se nommait Léopold. Il était instituteur et propriétaire d'un vignoble « Le domaine Brigadan » (appellation d'origine contrôlée).
• Une autre figure emblématique de la famille, mon oncle Cécilien, frère de ma tante Marie-Louise de Cassis (ils étaient d'ailleurs fâchés, c'est pour ça que je ne les ai pas mentionnés ensemble). Il avait fait la guerre de 1914-1918 et était abondamment décoré. Frère d'arme de mon grand-père Guillermin avec lequel il était très ami. Il possédait et résidait aux Antilles, exploitant une plantation de cannes à sucre. Quand il venait, il portait toujours un costume blanc et un chapeau blanc en « paille de riz ». Étant fort riche, il portait une chevalière avec un diamant gros comme un petit pois à l'annulaire. C'était la figure même de « l'Africain ». Il voulait me faire hériter lorsqu'il a été tué brusquement par un cyclone. Tout est allé à sa sœur avec laquelle il était fâché.
Une autre partie de cette même famille se trouve à Toulon :
• Mon oncle Joseph Magliotto et Adrienne. Cette dernière s'était mariée à Joseph Magliotto, mort au champ d'honneur en 1918 (voir document N° 3), et s'est remariée au cousin germain de ce dernier qui portait exactement le même nom. Ce mariage fut célébré un peu trot tôt pour mon arrière-grand-mère qui garda une rancune tenace envers Adrienne qu'on appelait familièrement « tante Adri ». Celle-ci avait une particularité : elle était un très puissant médium, faisant tourner les tables souvent à la maison. Elle prétendait être en relation avec l'au-delà, avait écrit un opuscule sous la dictée d'un oncle décédé et, fait troublant, cette écriture était après analyse graphologique, exactement la même que le défunt. Elle avait même fait apparaître un Ectoplasme. Elle fut obligée d'arrêter ses séances de spiritisme, car elles avaient un effet néfaste sur son équilibre psychique. Ces cousins eurent une fille Marie-Madeleine dite « MiMie » Magliotto. Elle a épousé Jean Jacquin et eurent deux enfants : Bernard dont je suis le parrain et Christophe, parrain de Roland. Nos relations se sont complètement distendues au décès de MiMie Magliotto.
• Mon arrière-grand-mère était très grande (comme toute la famille de son côté ainsi que les enfants) elle était également d'une grande bonté. Elle invitait les enfants les plus défavorisés du quartier Beaussier à des goûters et mon arrière-grand-père Scipion qui était très économe voyait cela d'un très mauvais œil. Il disait en Provençal « eisi es l'oustaou de diou, que le vin li viou », en français : « ici c'est la maison de dieu, celui qui y vient y vit »
• Mon arrière-grand-mère aimait aussi faire des invitations d'amis ou de voisins proches pour déjeuner. Mon arrière-grand-père Scipion qui appréciait ces repas quoiqu'il ne veuille pas en convenir, car il était très économe, avait coutume de dire « Deman mangaren deï crousti dé fromage » En français : « Demain on mangera les croûtes de fromage ». C'est une expression très imagée que je tenais à faire figurer sur son histoire,
Une autre anecdote concernant ce même arrière-grand-père Scipion Magliotto :
La comtesse Colle, chez laquelle ma grand-mère, la fille de Scipion, Joséphine Magliotto était « dame de compagnie », apportait quand elle venait déjeuner à Beaussier, un gâteau pour dessert dans lequel elle mettait un "Louis d'or" ou un "Napoléon", à charge pour celui qui le trouvait, de payer le gâteau la fois suivante. Quand cela tombait sur mon arrière-grand-père, celui-ci toujours près de ses sous, avalait le Louis d'or et le lendemain allait faire ses besoins au bord de mer pour, d'une part, le récupérer, et d'autre part, ne pas dépenser son argent pour payer un gâteau la fois suivante. Le fait que personne n'avait trouvé de louis d'or dans le gâteau ne manquait pas d'étonner l'assistance.
Mon arrière-grand-mère Lajolo épouse Scipion Magliotto mourut en 1938 à l'âge de 76 ans.
Une parenthèse pour signaler le fait suivant : mon arrière-grand-père, au vu de l'excentricité de ses deux garçons Etienne et surtout Baptistin, avait fait un simulacre de vente à des amis intimes de la famille, les "Legrux" pour déshériter ses deux garçons. Ce fut ma grand-mère, Joséphine et surtout ma tante Pauline (qui eut un quart de la maison en plus, car elle avait gardé ses parents jusqu'à leur mort) qui héritèrent de la totalité de la maison familiale au 28 rue Beaussier (où je suis né, au 1er étage le 2/l/37).
Un souvenir aussi pour un cousin que j'aimais bien car il était généreux avec moi quand il venait nous voir. Il s'appelait Lothaire dit « Teillou ». Il était aussi un fin charpentier de marine. Il avait d'ailleurs uns chambrette située au 2e étage du 28 rue Beaussier que l'on appelait la chambre de Lothaire. Son nom de famille était : Venturino.
• Il convient aussi de s'arrêter sur des instants de quiétude et de repos que nous passions, famille et beaucoup d'amis à Fabrégas dans une villa « mon rêve » dont une partie nous était louée par le propriétaire Monsieur Prat. Ceci depuis mon arrière-grand-père. Voir à ce propos, mon album de photos où l'on voit, signalé en premier plan, la seule photographie que nous ayons de mon arrière-grand-père "Scipion " (voir photo ci-dessous)).
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Voici maintenant comment se déroulaient ces dimanches :
Nous prenions le car pour Fabrégas. Mon oncle Théodore que j'appelais « tonton Théo » et parrain Louis Monin (voir photo ci-dessous) étaient partis très tôt à vélos pour aller pêcher sur le bateau nommé « La Brise » (voir photo ci-dessous) que mon arrière-grand-père, avait construit dans son hangar de la rue Beaussier et qui se trouvait sur une cale de halage, côté Est de la plage de Fabrégas.
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Notre "Pointu"
familial, construit par l'arrière-grand-père Scipion
MAGLIOTTO, Charpentier de Marine. Son nom "La Brise" basé
à Fabrégas sur une "cale" de halage
Ma tante Pauline, fine cuisinière, préparait dans un chaudron en cuivre, tout ce qu'il fallait pour faire la bouillabaisse au feu de bois... Les pêcheurs arrivaient vers 11 h 00, on nettoyait le poisson, abondant, au puits de la villa et ma tante finissait ainsi sa bouillabaisse.
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L'après-midi, c'était la partie de boules sur l'esplanade tout près de la villa.
Le soir, vers 17 h 00, on repartait pêcher le poisson blanc à l'aide des rusquets (technique de pêche avec de petits bouts de liège) du côté des « deux frères »
On soupait ensuite d'une bonne soupe de poissons faite avec des restes de la bouillabaisse du midi. Nous étions toujours une quinzaine de convives : Les Lantéri de Cassis, les Magliotto, les Legrux et quelquefois des personnalités comme le docteur Agostini (maire de Cassis), et même une autre fois : un prêtre, qui s'était mis en civil, malgré l'interdiction en ce temps-là !
• J'ai un souvenir précis qui date de 1941 : je me souviens d'avoir fait les vendanges car tout le terrain que j'ai vendu était planté de vignes ainsi que le jardin tout autour de la maison. Tous les propriétaires autour de notre terrain faisaient de même. On descendait les raisins sur un charreton jusqu'à la maison des "Pelabon" (en face de chez nous) qui possédaient le seul pressoir. Le vin était mis ensuite dans un grand tonneau situé sous le bassin. Mon père étiquetait (avec des étiquettes d'écolier) les bouteilles où il avait inscrit pompeusement "Coteaux Tamaris", ces bouteilles étaient mises sur des étagères, sous la soupente, au rez-de-chaussée sous l'espalier. Inutile de vous dire que c'était une infâme piquette qui ne s'arrangeait pas, bien au contraire, en vieillissant.
Il faut vous dire aussi que, outre un très gros cerisier "Bigarreau" planté au milieu de la première restanque, mon parrain Bernardin Tosello plantait, entre les rangées de vignes, tous les légumes que l'on pouvait cultiver : tomates, poireaux, haricots verts, et surtout petits pois.
La mère de monsieur Peronet qui avait, vu son grand âge, bien connu mes oncles, me racontait que, son travail fini, il montait, tout l'été, au moins une trentaine de fois, partant de la réserve d'eau que, seul du quartier, nous possédions, et qui était remplie épisodiquement car l'eau n'était distribuée qu'à certaines heures. Il montait donc, un seau dans chaque main jusqu'au terrain pour arroser. Et il paraît que d'après madame Peronet, il avait les plus beaux légumes de tout le secteur. Cette réserve d'eau à servi d'ailleurs pendant la guerre à beaucoup de gens du quartier car l'eau était rationnée. Quant au mari de madame Peronet, il plantait, entre ses vignes, des oignons à fleurs (narcisses, tulipes, iris, etc...) et il bêchait même la nuit, éclairé de son fanal, après sa journée de travail aux Chantiers Navals (comme le monde a changé).
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• Je suis resté à La Seyne, jusqu'au sabordage de la flotte pendant la guerre de 1939-1945. Dès que les Allemands envahirent la zone dite "libre" et entrèrent peu après à Toulon, nous fûmes réveillés, ma mère et moi-même, un matin par de formidables explosions venant de la rade. Nous sommes montés jusqu'à la petite chambre qui se trouvait alors face au grenier du "Clos Catherine" et, de la petite fenêtre qui s'y trouvait, nous vîmes, la végétation étant beaucoup moins dense et haute que maintenant, les bateaux de guerre, sauter les uns après les autres dans de grandes gerbes de flammes. Je devais avoir à peine quatre ans, et je revois encore ces images, plus de soixante ans après. Le sabordage avait été commandé par l'Amiral De Laborde, dont je voyais presque tous les jours la "Traction avant", avec sa plaque étoilée, passer devant la maison, car il habitait, comme beaucoup d'officiers de Marine à cette époque, dans une villa à Tamaris. Peu après, une ronde incessante "d'autos chenillées" commença à passer sur la route. Les Allemands faisaient le tour de la corniche de Tamaris et repassaient devant chez nous, et cela pendant une grande partie de la matinée. Ensuite ce fut une longue file de camions qui arrivaient, bondés de marins français prisonniers. Le dernier camion s'arrêta devant chez nous. Il était conduit par un vieil allemand qui portait un "Bouc" de couleur rouquine. Il nous a dit, en bon français, qu'il avait fait la guerre de 1914-1918 et que, si nous donnions aux marins qu'il transportait, des vêtements civils, ils pourraient s'en aller, et dirait à ses chefs qu'il s'étaient évadés et qu'il n'avait pu rien faire. Cela se passa comme il l'avait promis et ma mère donna un costume de mon père à un marin, les gens du quartier firent de même et les prisonniers partirent ainsi habillés en civil dans l'impasse devant chez nous et s'évanouirent dans la nature.
• Ensuite, ce fut mon séjour de deux ans à FONS, (voir photo ci-dessous) chez mon grand-père Ducher. Il n'y avait pas d'Allemands et nous ne vîmes qu'un seule fois les F.F.I. (Forces Françaises de l'Intérieur) venus à Fons après un dur combat dans la forêt de Margeride. Ils étaient exténués et l'un d'eux était blessé. Nous les réconfortâmes, tante Pauline prépara un repas dont elle avait le secret et l'un des F.F.I. me fit cadeau d'un billet de banque, signé de son nom en souvenir, mais que ma mère égarât.
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• A mon retour à La Seyne, fin 1945, une image me revient encore à l'esprit : celle de petits wagons, sur des rails, place Parmentier (maintenant place Perrin), chargés de gravats provenant des maisons détruites par les bombardements, et qu'ils allaient jeter dans le port, d'où rétrécissement de la darse, aux dimensions où elle est actuellement. Je revois aussi, arriver "Place Galilée", à Beaussier un trou de bombe énorme, tout près de la maison de ma grand-mère et de mon grand-père. Cette maison était à moitié écroulée. Cette bombe étaient tombée à la place actuelle de la conciergerie du lycée Beaussier. Mes grands-parents avaient été ensevelis sous les décombres, et c'est mon père, en service au poste de police qui se situait près des "Maristes" qui a vu que des dégâts s'étaient produits et est venu avec des collègues policiers, déterrer mon grand-père et ma grand-mère, grièvement blessés, ils ont été transportés au 28 rue Beaussier, demeure familiale pour y être logés et soignés (bombardement du 29 avril 1944).
• Il faut que je m'arrête un peu sur mon deuxième grand-père : "Pépé Guillermin" que j'appelais plus familièrement "Peguy". Ma grand-mère Joséphine Magliotto (préparatrice en pharmacie, à l'officine des chantiers navals de La Seyne) s'était remariée en secondes noces, ayant été veuve très jeune, mon grand-père biologique étant décédé à l'âge de quarante ans, se nommait Etienne Tosello. Donc "Peguy" était retraité de l'armée (21 ans de service dans la coloniale). Il avait fait campagne à Madagascar et au Tonkin (le casque colonial que j'ai encore était le sien à ce moment-là). Il avait aussi fait toute la guerre 1914-1918. Il y fut blessé à la gorge. Il avait participé à la bataille de Verdun, il était titulaire de nombreuses décorations : médaille militaire, croix de guerre, médaille de Verdun, médaille interalliée, médaille coloniale, médaille des blessés militaires, et médaille des blessés civils, entre autres. C'était un homme très prévoyant, un exemple : il avait constitué dans un appentis près de sa maison, uns réserve considérable de champagne, et quand ils ont été blessés, comme dit plus haut, ils ne durent leur guérison, ceci confirmé par leur médecin le docteur Tholance, seul resté à La Seyne pendant la guerre, qu'à l'absorption d'un ou deux verres par jour, de ce vin. Compensant, le manque criant de nourriture à cette époque.
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Voici donc ce que je puis vous dire sur lui, en ajoutant, sa très grande bonté et générosité envers ma mère et moi-même. J'en garde un souvenir ému et pense à lui quand je m'assois sur le fauteuil de mon bureau "à tête de lions" qui lui appartenait.
Je souhaite qu'il reste dans la famille. Il avait aussi rapporté de la guerre, un casque à pointe allemand qui est aussi à garder car très rare de nos jours.
Voici maintenant ce que je peux dire sur ma mère Marie-Rose. Il n'y a qu'un seul mot pour résumer sa vie : "Dévouement". En effet, après une jeunesse dorée, sa vie conjugale fut pour le moins difficile. Elle à soigné mon père avec beaucoup d'amour jusqu'au bout lors de sa très longue et très pénible maladie qui a occasionné son décès à l'âge de 37 ans. Elle a, entre autres, vécu un peu dans l'ombre de tante Pauline qui commandait toute la famille et dont même mon père avait peur. Ensuite, encore jeune, veuve et sans profession, elle est entrée à l'hôpital de La Seyne, comme servante d'abord, et après examen, comme aide-soignante en service gériatrie où elle s'est dépensée sans compter. Son action bienfaitrice auprès des malades était louée de tous. Elle s'est toujours occupée de ses enfants avec bonté, même après que nous fûmes mariés, et aussi avec générosité. Parallèlement, elle faisait aussi partie de la Croix-Rouge et se dévouait en allant, entre autres, s'occuper et convoyer des malades et handicapés.
Comme elle a toujours été d'une grande piété, elle faisait partie de la congrégation des Moines "Monfortins" qui organisaient des convois de malades pour Lourdes chaque année. Elle s'occupait des invalides et leur prodiguait tous les soins nécessités par leur état. Ce qui ne l'empêchait pas de soigner "Pépé Guillermin" devenu dépendant et de l'assister jusqu'à son décès, dormant sur un sommier, à côté de lui, pour le surveiller toute la nuit. Étant née le 19 juin 1911, elle décéda le 27 mars 1999 dans de grandes souffrances, mais avec beaucoup de piété. Jusqu'à la fin de sa vie, le père Baudin, Mariste (qui fut mon professeur de mathématiques lors de ma scolarité) venait lui porter, chaque semaine, la Communion.
Je vais maintenant terminer ce récit en parlant un peu de moi-même :
Je suis né le 02 janvier 1937 au premier étage du N° 28 rue Beaussier.
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• Après un début d'enfance heureux, la guerre 1939-1945 éclata. Dès le premier bombardement, je suis parti à Fons, chez mon grand-père paternel Régis Ducher avec ma mère, ma tante Pauline et son mari l'oncle Théodore (ce dernier est d'ailleurs décédé pendant notre séjour de réfugiés). Il y avait aussi le fils de nos grands amis "les Legrux", nous y passâmes deux ans. Dés la fin de la guerre, de retour à La Seyne, toutes les écoles laïques ayant été endommagées par les bombardements, mes parents m'inscrirent chez les Pères Maristes, école privée catholique où j'ai passé dix longues années jusqu'au bac.
Bernard DUCHER Communion solennelle à l'Institution Sainte-Marie, La Seyne (Var) |
• Juste après la guerre, Fabrégas était inaccessible et on ne pouvait plus se rendre à notre "Cabanon" familial. En effet il y avait des chevaux de frise et des mines sur la plage. J'allais donc passer mes trois mois de vacances d'été avec ma tante Pauline chez des amis à St Laurent du Verdon, dans les Basses Alpes. Au village, il y avait un prisonnier allemand attribué aux paysans pour les aider. Il était traité avec un certain mépris, pour ne pas dire un mépris certain. Je fut pris, malgré mon très jeune âge (9 ans) de compassion pour lui, puis de sympathie, puis d'une réelle amitié. Pendant ses pauses de travail, il me parlait, dans un français très approximatif (que je corrigeais avec son accord) de sa famille, de sa guerre ou, étant conducteur de char, il avait été très grièvement blessé. Je le réconfortais du mieux que je pouvais dans ses nombreux moments de découragement. Pour la petite histoire : il a dicté une lettre à mon intention datée du 09/12/1946 (voir document N° 1) dont je tenais à faire part, me considérant comme très modeste précurseur de la réconciliation franco-allemande qui s'est établie comme on le sait, beaucoup plus tard.
• Au sortir de ma scolarité, je fus embauché à la Direction des Constructions et Armes Navales (D.C.A.N) de Toulon (Arsenal) où je fus affecté au bureau des marchés comme secrétaire comptable, à l'atelier des torpilles. Puis, je fus appelé pour accomplir mes obligations militaires et fis la guerre d'Algérie, dramatique et inutile. J'y servis comme sous-officier avec le grade de Maréchal des logis. J'obtins des décorations, à savoir : la croix du combattant, la médaille de reconnaissance de la nation, la médaille des opérations de maintien de l'ordre, et la médaille d'Afrique du Nord. À ma retraite il me fut attribué la médaille d'honneur du travail.
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Retour de la guerre
d'Algérie
À mon retour, je fus embauché à la banque « Société Générale » de Toulon jusqu'en 1970. Je fus ensuite V.R.P. (sécurité contre l'incendie), et je suis maintenant retraité.
J'ai une sœur, née en 1945 ; Marie-France Ducher, épouse Daniel ANIKINE.
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• Patrimoine familial
J'ai pu agrandir le patrimoine familial et eut à fournir un très gros travail, manuel et d'organisation :
En 1964, avec un million de centimes que m'avait donné ma tante Pauline, cela il faut le savoir, j'ai construit avec quelques amis les deux F2 (côté ouest)
En 1968, j'ai construit (à deux, un maçon et moi-même faisant le manœuvre) l'avancée côté nord, sur deux étages (c'est-à-dire 4 mètres de large sur 9 mètres de long).
En 1969-1970, j'ai construit, toujours avec un maçon, deux manœuvres et moi-même, la surélévation d'un étage de notre maison, faisant ainsi mon appartement.
Sans oublier les gros travaux de rénovation de la ferme familiale de Fons. Travaux financés jusqu'à son décès en 1990 par Louis Monin, le parrain et le Papy pour les enfants. Travaux qui ont consisté pour moi aidé de mon jeune fils Jean-Michel à :
Ceci étant les plus gros travaux.
Pour clore cet opuscule, je voudrais signaler un dernier fait : lors de la destruction des Chantiers Navals de La Seyne, par les Allemands, pendant la guerre 1939-1945, et ceci à l'aide de puissants explosifs, un très gros morceau de ferraille tomba sur la toiture du « Clos Catherine » et traversa toute la maison jusqu'au rez-de-chaussée. Nous fûmes donc considérés comme sinistrés et le financement de la réparation fut assuré.
• Je termine en exhortant mes descendants a avoir toujours une pensée pour nos ancêtres qui furent tous très méritants et à qui nous devons beaucoup.
• Pour FINIR, je dois ajouter que fut procédé au partage de notre patrimoine. Ma sœur a demandé la maison du N° 28 rue Beaussier, et j'ai moi-même payé la différence (11 millions de centimes) à cette dernière pour devenir seul propriétaire du « Clos Catherine ». J'en ai fait don à mes deux enfants. Jean-Michel et Rolland en m'en réservant l'usufruit.
Rédigé le 01/12/2004
Document N° 1. - Lettre m'étant adressée par le prisonnier allemand
Document N° 3. - Acte de décès « Tué à l'ennemi » de mon grand-oncle Joseph Magliotto
Document N° 5. - Copie du « Petit Var » du 08 avril 1897 relatant cet accident
Document N° 6. - Minute du procès qui s'en suivit à la suite de cet accident
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• COMMANDE DES CROISEURS (1898) Une perspective d'activité considérable commençait alors pour les établissements des constructions navales, qui voyaient s'ajouter à leur courant ordinaire d'affaires, les commandes provenant de l'extension des forces maritimes de la France et de diverses puissances étrangères. Les Chantiers de LA SEYNE, construisent les croiseurs CHATEAURENAULT, de 23 nœuds de vitesse, et deux cuirassés de moyen tonnage pour le Brésil. En 1898, on met sur cal le croiseur cuirassé MONTCALM, en même temps, les établissements du HAVRE achève les croiseurs SAO GABRIEL et SAO RAPHAEL pour le Portugal et le croiseur RIO DE LA PLATA pour l'Espagne, avec des fonds provenant de souscriptions faites par les espagnols habitant l'Amérique du sud. • MARINE MARCHANDE La reprise du trafic maritime permet à la Société de réaliser une série de constructions importantes avec celles du paquebot DUPLEIX (1896) pour les Messageries Maritimes, les paquebots CHOLOB (1896), CHODOC (1897), CAOBANG (1901) pour la Compagnie Nationale de Navigation, le Paquebot ROMA (1900) pour la compagnie Cyprien FABRE.
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