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Petite Histoire de la Grande Construction Navale |
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Les clés d'une ville
Victor Hugo demandait au poète de se mettre « au centre de tout comme un écho sonore ».
Cet écho, Marius Autran l'a été tout au long de son existence. Mais il ne s'en est pas tenu là.
Il a été aussi l'un des acteurs les plus importants de la vie seynoise. Et si, pour lui comme pour tout historien digne de ce nom, les faits sont sacrés, il ne s'est jamais privé de les soumettre à son jugement critique. Car, en dépit de toutes les arguties, le bien et le mal existent et dans ces conditions, être objectif c'est prendre parti.
Dès le début de cet ouvrage, Marius Autran revendique haut et fort le droit pour l'auteur « d'analyser, de commenter, de porter des jugements sur des faits authentifiés avec le plus grand sérieux ». Et quelle que soit la profonde tendresse qu'il éprouve pour les travailleurs des Chantiers, il ne ferme pas les yeux sur les défauts de tel ou tel d'entre eux, sachant d'autre part rendre aux cadres de la construction navale, le cas échéant, l'hommage qu'ils méritent, témoin ces lignes consacrées à Marcel Berre, principal artisan, à partir de 1966, de la résurrection des Chantiers de La Seyne.
En bon pédagogue, Marius Autran ne se contente pas de décrire : il démontre. Il sait bien que, dans la mesure même où il prend de nettes positions sur divers problèmes, il verra se déchaîner contre lui des critiques trop véhémentes pour être rigoureusement impartiales. Mais peu lui chaut : il poursuit son bonhomme de chemin ajoutant chaque jour une nouvelle pièce à l'édifice que constituent ses ouvrages consacrés aux « Images de la vie seynoise d'antan ».
Même ceux qui ne partagent pas les points de vue de notre auteur sont contraints de reconnaître la valeur intrinsèque de son œuvre. Il a tout lu, tout enregistré, tout passé au crible de son esprit critique avec cette puissance de travail que lui connaissent ceux qui eurent le privilège de vivre à ses côtés. Homme d'étude, mais aussi homme d'action, il a oublié de dire par excès de modestie qu'il fut avec son ami Toussaint Merle, l'un des principaux animateurs des luttes municipales qu'il évoque dans ce livre.
Grâce à lui, nous pénétrons de plain-pied dans ces chantiers, qui firent la gloire, en leur temps, d'une ville, d'une région, de la France tout entière et valurent à la construction navale de notre pays un prestige international.
Le terrien d'origine que je suis se met à rêver en voyant Autran évoquer les bâtiments superbes que furent - je cite au hasard - le France (celui de 1854), le Pélayo, le Jauréguiberry, le Sagafjord, ou énumérer des types de bateaux dont les noms font lever dans la mémoire des souvenirs de pirates et d'îles au trésor
Pour moi qui ne suis qu'un Seynois d'adoption, j'ai l'impression que les ouvrages d'Autran (et celui-ci tout particulièrement) constituent un sésame capable d'ouvrir toute grande la caverne d'Ali Baba.
Marius Autran, en somme, livre aux lecteurs les clés de la ville.
Désormais, grâce à lui, Dupuy de Lôme, Gustave Zédé, Frédéric Sauvage, Amable Lagane deviennent des êtres de chair et de sang et pas seulement des noms écrits sur des plaques de rues.
On se sent alors beaucoup plus impliqué dans les réalités seynoises. Et le cœur se serre lorsque, passant devant ce qui reste des chantiers navals, orgueil légitime et personnification de la ville, on voit que la folie des hommes - de certains hommes ! a transformé en ruines le pan le plus glorieux de l'histoire de La Seyne-sur-Mer.
Maurice OUSTRIERES
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© Jean-Claude Autran 2016