La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome VI
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome VI (1997)
L'Isthme des Sablettes au fil du temps
 Quatrième époque : De 1950 à 1975

(Texte intégral du chapitre)
 

Entre 1950 et 1975

Notre historique se situe maintenant dans le troisième quart de notre siècle et il n'est pas inutile de rappeler et de retracer la multitude des événements heureux et malheureux qui s'y sont déroulés en observant que les usagers de la longue plage qui s'étire sur un kilomètre ont connu moins de déboires que ceux de la rive opposée face à la baie de Tamaris.

Le paragraphe intitulé Des années désastreuses va montrer l'état déplorable laissé sur les rivages après l'arrêt du projet des Marinas.

Nous reviendrons sur les luttes menées par les plaisanciers de la S.N.P.M. pour obtenir la création d'un port véritable.

Nos concitoyens, amateurs de la plage et des eaux vives de l'anse des Sablettes, peuvent témoigner des problèmes parfois complexes qui se posèrent aux édiles municipaux, auxquels des solutions efficaces furent apportées : problèmes de pollution, problèmes de cohabitation car il faut bien admettre que les milliers d'usagers de la plage n'ont pas tous les mêmes motivations. Il leur a bien fallu à ces édiles trouver des réglementations acceptables pour tous, faire en sorte que chacun puisse se livrer à ses plaisirs favoris dans une bonne entente et une compréhension réciproques. Et puis, les problèmes d'hygiène, de sécurité n'ont-ils pas fait l'objet de maintes études de débats souvent houleux dans les instances administratives, politiques ; dans les structures associatives qui se multiplièrent surtout dans les années d'après la guerre où explosèrent les joies de la détente, la soif de liberté, de créativité, la volonté de changer la vie pour l'améliorer sans cesse.

Les pages qui suivent montreront pour l'essentiel comment sont nées les associations à caractère sportif, celles à caractère revendicatif car il faut bien dire que malgré les conquêtes et les améliorations, il restait encore de grandes questions à régler et l'une des plus importantes demeurait le classement de la ville de La Seyne en station touristique.

Dans la décennie qui suivit la seconde guerre mondiale, la vie de l'isthme s'intensifia considérablement en raison tout d'abord d'un accroissement important de la population de Saint-Mandrier qui passa de 1673 habitants avant la guerre à 5274. Libérée de l'occupation allemande, elle se retrouvait autour de son joli port. L'administration maritime s'y renforçait, la vie économique, après des années de privation, prenait un essor nouveau assez puissant pour favoriser un courant d'opinion en faveur de la séparation de la commune mère La Seyne.

En 1950, la population de Saint-Mandrier conquit son indépendance administrative après avoir vécu presque trois siècles sous la tutelle seynoise, phénomène social qui n'est pas sans rappeler la lutte des Seynois pour leur séparation de Six-Fours, douloureuse histoire de nos ancêtres qui se déroula du XVe au XVIIe siècle.

La population de Saint-Elme accusait aussi une augmentation de sa population par rapport à l'avant-guerre, limitée toutefois à une centaine d'habitants. Le hameau du bord de l'eau n'offrant pas de possibilité d'extension sur ses arrières adossés à la colline boisée.

Par contre le quartier des Sablettes connut un développement fulgurant dans cette période : tout un ensemble de constructions d'un style nouveau, oeuvre de l'architecte Pouillon, s'édifia face au Casino reconstruit. De part et d'autre de la route, avant le débouché sur la plage, naquirent des habitations, des commerces en tout genre : bar-tabac, photographe, jouets de plages, marché aux légumes, boulangerie. Pour que ces structures puissent fonctionner normalement, il fallait avant tout régler deux problèmes de taille : l'eau et l'assainissement, ce que la Municipalité présidée par Toussaint Merle sut résoudre dans cette période décisive.

Les ardents défenseurs du tourisme réclamaient d'abord le classement de La Seyne-sur-Mer en station balnéaire. C'était bien le désir de toute la population, des commerçants surtout qui envisageaient naturellement de bonnes affaires. Autour des lavoirs de Saint-Elme et des Sablettes les ménagères émettaient des opinions quelque peu différentes :

« Parlons-en du tourisme ! Quand les étrangers arrivent, les prix augmentent, surtout s'ils sont des Anglais. Passe encore si c'étaient des Allemands, mais les Anglais qui ont été nos alliés pendant la guerre ne méritent pas ça. Alors on peut s'en passer des touristes ! ».

Évidemment, ces boniments ne pouvaient plaire au Syndicat d'Initiative. La Municipalité comprenait bien l'importance du tourisme, mais la priorité était de faire disparaître les toupines puantes des rues de La Seyne.

On ne pouvait régler le problème de l'eau, lequel d'ailleurs dépassait le cadre communal puisque tout le littoral varois souffrait des sécheresses cruelles de l'été.

En 1957, fut construit le réservoir du Rouquier d'une contenance de 1000 m3, dont un bac de 500 m3 fut réservé à Saint-Mandrier.

Sans cet apport précieux, l'assainissement n'aurait pu se faire et la construction des villas et ensembles immobiliers des Sablettes et des quartiers environnants eût été impossible.

Ces deux conditions réalisées (eau et assainissement) on allait pouvoir étendre les équipements les plus divers pour satisfaire aux besoins d'une population croissante.

Ne fallait-il pas penser aux enfants ? La seule école, après la destruction de la première école construite sur l'isthme et rasée par les hordes allemandes, ne répondait plus du tout aux besoins des quartiers Saint-Elme, Les Sablettes, Tamaris, en pleine extension.

Dans un premier temps, cette école fut remplacée par deux écoles primaires (garçons et filles étant encore séparés) comportant 10 classes chacune.

Une petite école maternelle fonctionnait elle aussi dans les vieux locaux préfabriqués de la Libération. Elle aussi fut remplacée par une école de cinq classes.

Tous ces locaux scolaires confortables, spacieux seront regroupés quelques années plus tard sous le nom de groupe scolaire Léo Lagrange.

Il est toujours un peu fastidieux de dresser des bilans, mais il est bon de rappeler aux gens, facilement oublieux de l'oeuvre accomplie par les édiles de ce temps passé et après tout pas si lointain. Citons quelques réalisations comme la participation communale à la création d'un bureau de poste, à l'aménagement du parking des Sablettes, de l'Ecume, des écoles Léo Lagrange, à la promenade asphaltée en bordure de la plage. Laissons volontairement Mar Vivo qui connut dans cette période une véritable transfiguration, pour revenir sur Saint-Elme qui n'avait pas été oublié avec sa voirie réfectionnée, le percement du boulevard Porchy, l'aménagement du jeu de boules proche de l'ancien lavoir détruit, la construction de la contre-jetée, l'eau et le gaz distribués, des bancs posés, de petits squares destinés à agrémenter la vie de ce hameau seynois bien particulier où il fait bon vivre.

Nous évoquerons plus loin les questions spécifiques à la plage et qui posèrent parfois à nos édiles des problèmes épineux surtout en présence de certains conflits d'intérêt dont les solutions ne furent pas trouvées sans douleur. Avant de quitter cette période rappelons une revendication légitime des pêcheurs et plaisanciers du petit port de Saint-Elme : le dragage du sable qui doit s'effectuer périodiquement sans quoi l'accès aux postes d'amarrage devient impossible, ce sable qui fit reculer au début du siècle les protagonistes du percement de l'isthme sur lequel il nous faudra encore revenir dans une période plus proche de nous.

 

1959 - Le yacht-club des Sablettes

Durant l'année 1959 naquit à Saint-Elme, une structure remarquable des activités nautiques qui compta jusqu'à 600 membres sous la présidence de M. Marcaillou.

La municipalité de l'époque s'intéressa à son développement et aux services éminents qu'elle pouvait rendre à la jeunesse seynoise.

Quelques années plus tard une convention fut passée entre club et municipalité et cette opération permit chaque année à 500 scolaires de 8 à 14 ans de faire connaissance avec l'OPTIMIS, c'est-à-dire l'école de voile municipale.

Ces chiffres sont significatifs de la nécessité des besoins grandissants de la base nautique de Saint-Elme.

Le port de Saint-Elme et ses nouveaux aménagements

Plus précisément comment se manifestèrent les activités du Yacht-Club des Sablettes ?

Tout d'abord pendant la période scolaire où l'école de voile municipale fonctionne le mercredi après-midi et le samedi matin ; le samedi après-midi et le dimanche matin étant réservés aux compétitions et aux sorties d'adultes ; également aux entraînements de la planche à voile.

À la belle saison, sont organisés des stages d'initiation et de perfectionnement d'une durée de deux semaines auxquels peuvent participer des enfants de 8 à 14 ans.

De plus chaque année le club organise dans cette période cinq régates prévues au calendrier officiel de la Fédération Française de Voile.

À ces activités s'ajoutèrent dans la période 1960-1970 celles d'autres associations à caractère nautique qui firent converger vers le port de Saint-Elme et sur la plage même des centaines de nageurs, plongeurs, rameurs, jeunes gens, amoureux de la mer, amateurs de surf par les jours de gros temps.

École de voile

1965-1970 - Des années désastreuses

Dans les années 1965-1966, la population seynoise eut connaissance par la presse et les agences publicitaires d'un projet mirobolant émanant de grands promoteurs de l'industrie touristique qui estimaient misérables les équipements seynois en la matière.

Ce projet appelé Marinas des Sablettes attira l'attention de la Municipalité qui serait forcément impliquée dans cette affaire en cas d'approbation par les autorités compétentes, obligation lui étant faite par la loi d'apporter sa participation sous la forme de structures indispensables comme la voirie, l'eau, l'assainissement.

Un vaste complexe urbanistique était prévu dans ce projet avec la création de logements dont le nombre était estimé précisément à 1815, un port de plaisance pour y accueillir 900 bateaux, un groupe scolaire et ses équipements sportifs, une clinique, des commerces en tout genre, un immense parking et un équipement hôtelier de grand luxe destiné à recevoir des notabilités de tous azimuts. On disait même que les grands financiers américains pourraient venir sur l'isthme des Sablettes passer leur week-end, transportés par des hydravions géants qui pourraient amerrir en toute sécurité sur les eaux paisibles de la baie de Tamaris.

Le début des travaux était prévu pour 1970 et l'ensemble du projet exigerait dix années de travail pour sa réalisation définitive.

Le projet des Marinas

Les promoteurs vantaient les nombreux avantages dont toute La Seyne allait bénéficier : afflux massif de touristes cossus, d'où les retombées économiques fructueuses, développement des activités scolaires, culturelles, sportives, piscicoles, assainissement du littoral. À ce propos, il faut reconnaître que le fond de la baie du Lazaret, côté des Sablettes comme du côté Pin Rolland, avait encore un aspect marécageux et souvent à la saison des grandes chaleurs, des odeurs fétides émanaient des vases accumulées et des algues putrescentes qui avaient rendu inutilisable le petit port de Michel Pacha aménagé à la fin du siècle dernier.

Les structures piscicoles du côté petite mer étaient inexistantes ou presque. À hauteur de Saint-Elme un ponton avait été construit par la Municipalité d'après la guerre, où pouvaient s'amarrer une vingtaine de bateaux appartenant à des professionnels et quelques plaisanciers.

De-ci, de là, on remarquait des amarrages sauvages plutôt hasardeux qu'il fallait abandonner précipitamment si les largades de vent d'est menaçaient. Alors on tirait les bateaux sur la grève le plus loin possible des flots houleux.

Le projet des Marinas occuperait disait-on tout l'espace compris entre la route de Saint-Mandrier et le rivage de la petite mer, mais cet espace ayant été jugé trop restreint, la rumeur publique eut tôt fait de semer la panique chez les professionnels de la mer et les habitants de Saint-Elme qui ressentaient confusément qu'on allait porter atteinte à leur indépendance, leurs habitudes, leur tranquillité. Oui ! On allait combler un espace important des rivages. Les préposés aux travaux préliminaires parlaient de vingt hectares s'étendant depuis l'isthme jusqu'au droit de l'Institut de la biologie de l'époque Michel Pacha.

Revenons tout de même un instant sur les conditions de la mise en route plus ou moins bien définie de ce vaste projet émané de la S.A.I.L.I.M. (Société Immobilière du Littoral Méditerranéen) qui proposa tout d'abord aux administrations d'État, le comblement de zones marécageuses dont il a été question plus haut à propos du Crotton.

Souvenons-nous de l'abandon progressif du petit port terminus des bateaux à vapeur de la ligne Michel Pacha, enlisé par les ulves et la vase.

Cette opération d'assainissement du littoral intérieur de la petite mer fut naturellement approuvée par la Chambre de Commerce et d'Industrie, la Direction Départementale de l'Équipement, les affaires maritimes et la Municipalité.

Sur cette lancée, la S.A.I.L.I.M. fit mieux connaître alors les projets urbanistiques évoqués tantôt et lorsque le premier bâtiment à usage d'habitations fut construit, elle déclara qu'il comprenait uniquement des studios destinés à loger l'ensemble des travailleurs chargés des travaux qui allaient suivre et prévus disait-on pour une dizaine d'années.

Pourquoi dira-t-on avoir baptisé ce premier bâtiment le Bali ? Les dirigeants de la S.A.I.L.I.M. avaient choisi ce nom bien trop pompeux, emprunté à une île de la Sonde proche de Java ainsi appelée parce que les touristes internationaux l'ont qualifiée depuis longtemps de paradis terrestre en raison de son climat idéal et ses paysages ravissants, incomparables.

Il n'est pas certain que les occupants de ce Bali trouvent aujourd'hui édéniques les conditions de vie dans cette construction et son environnement immédiat, après les multiples agressions dont les sites de l'isthme ont été victimes.

Pendant les opérations de comblement, on vit chaque jour se déverser sur les bords de l'isthme, côté Lazaret, des tonnes de plâtras, de terre en provenance de fondations, des déchets industriels sous forme de planchers, de tuyaux, d'objets ménagers détériorés, de sommiers, de matelas, de boîtes de conserves apparemment avariées, des meubles quasiment inutilisables, en somme des objets les plus hétéroclites, et tout cela sans la moindre crainte de polluer l'eau de la mer.

Même les préposés à la surveillance de jour ne se souciaient guère de la pollution causée par des matières en décomposition, cela à quelques encablures des parcs à moules.

Comme la surveillance de nuit ne se faisait pas, nombreux étaient les gens heureux de pouvoir se délester de tout ce qui pouvait les embarrasser chez eux.

Par contre, on assistait à des spectacles curieux qui prêtaient parfois à rire. Tout ce qu'on déversait à la décharge n'était pas jugé inutilisable par certains, venus même de loin (fureteurs, bricoleurs, avaricieux), pour récupérer des planches, des briques, des cartons remplis parfois de produits comestibles. On vit même des habitants de Saint-Elme charger leur brouette d'une terre arable plus fertile que la leur disaient-ils.

Ceux qui n'étaient pas les derniers pour la récupération des restes ou autres déchets c'étaient les chiens et surtout les rats et quels rats ! Gros comme de jeunes lapins.

De tout temps ces animaux connus pour être les plus intelligents des mammifères ont vécu sur les rivages à la recherche de leur provende, sachant parfaitement nager, grimper sur les cordages. Avec la finesse extraordinaire de leur odorat, ils savent toujours assurer leur repas, n'étant pas très regardants sur la qualité de la nourriture. Quelle aubaine pour eux de ronger des cartons contenant de la charcuterie avariée ou de vieux macaronis ! Et notre isthme des Sablettes supporta encore ce genre d'agressions : la pollution des animaux et des hommes.

Des protestations commencèrent à s'élever de la part des professionnels de la pêche, de la mytiliculture en particulier auprès des autorités maritimes, de la Chambre de Commerce, de la municipalité ; des édiles à tous les niveaux à qui il fallait rappeler que les règlements en vigueur relatifs aux comblements doivent être précédés par la mise en place d'un batardeau limitant les zones de décharge et isolant ainsi la zone d'eau pure.

Les protestations demeurèrent sans réponse. Les promoteurs-pollueurs ne furent jamais inquiétés, pas plus que les fonctionnaires des travaux maritimes et les comblements se poursuivirent dans les mêmes conditions pendant des mois.

Et l'administration d'État ne fit aucune dépense pour éviter la pollution des eaux du Lazaret. Mieux encore ! Les terrains conquis par les décharges sauvages, c'était une affaire bien fructueuse car ils seraient revendus à bon prix aux promoteurs :

- Tu vois disait Jules Pignatel à son frère Marius, nos parents très inquiets à la fin du siècle dernier de voir la dégradation de l'isthme qu'on voulait percer, s'ils assistaient à ce spectacle ça leur fendrait le coeur. Il vaut mieux qu'ils voient plus rien !

- Et Marius répondait : Y sont des criminels ceux qui font ça. Tu te rends compte qu'ils tuent toute la vie sous-marine si riche autrefois !

- Et Caillol d'ajouter : Avec tout ça, où on ira « faire » les moules rouges et les praires ? Où on ira gagner notre vie après ?

Le grand Rapeto, en mâchonnant son mégot, concluait :

- Tu te rappelles ? À l'école on nous disait qu'il fallait détruire les animaux nuisibles : les rapaces comme l'aigle ou l'épervier ; les carnassiers comme les loups, les renards, les tigres. Y a une chose qu'on nous disait pas et que j'ai comprise tout seul : l'être le plus nuisible sur la terre c'est l'homme !

Les promoteurs des Marinas des Sablettes commencèrent à se frotter les mains et un premier bâtiment consacré uniquement à des logements individuels sortit de terre et ne tarda guère à recevoir de la clientèle.

Ces logements desservis par une route détachée de la corniche, obtenue par un comblement qui engloutit presque tout à fait le petit port créé par Michel Pacha vers la fin du XIXe siècle dont l'étroite jetée émerge encore partiellement. Les urbanistes avaient prévu que cette voie se prolongerait plus tard en direction de Saint-Mandrier et permettrait par un sens unique, d'atténuer les dangers mortels des virages précédant le carrefour du Pin Rolland. C'est chose faite aujourd'hui fort heureusement car, il faut bien le dire, le trafic sur la route de Saint-Mandrier est devenu infernal.

À leur réveil, les habitants de ces constructions neuves découvraient en ouvrant leurs volets le panorama ravissant de la baie de Tamaris avec en toile de fond une partie de la rade toulonnaise dominée par la chaîne bleue du Faron, les jetées du Mourillon et de Saint-Mandrier. L'aspect des réservoirs à mazout n'avaient rien de particulièrement esthétique, mais les calottes bétonnées semblables à des cèpes géants étaient en voie de disparition sous la puissance d'une végétation verdoyante. Les petites cabanes des mytiliculteurs rappelant les cités lacustres de nos ancêtres gaulois n'avaient rien de dégradant. Les va et vient incessants de bateaux de pêche, des unités de la marine de guerre, des bateaux du grand commerce sortant des Chantiers de La Seyne pour leurs essais vers le grand large. Les sirènes des navires, les salves de Balaguier saluant les bateaux étrangers franchissant la grande passe, les vols incessants de mouettes et des goélands sillonnant le ciel d'azur du Lazaret très rarement nuageux percé des appels discordants de ces oiseaux de mer toujours affamés à la recherche de leur pitance : Autant de spectacles vivants, d'images fugitives changeantes, autant de joies simples et pures.

 

L'arrêt des « Marinas »

Après la réalisation de cette première tranche de travaux avec ce bâtiment monolithique qu'on appela le Bali, les comblements se poursuivirent quelques temps encore et puis les travaux cessèrent.

Au cours d'une séance de travail à l'Hôtel de Ville où se rencontrèrent les représentants de la Municipalité, des spécialistes de l'environnement des pêcheurs professionnels et plaisanciers, on apprit par une intervention de la C.C.I. (Chambre de Commerce et d'Industrie) qu'une circulaire ministérielle confirmant une décision du tribunal administratif de Nice prise deux mois auparavant intimait à la S.A.I.L.I.M. l'arrêt des travaux d'endigage et en conséquence l'interdiction pour les promoteurs des Marinas de poursuivre leur projet grandiose.

Et voilà comment et pourquoi le bloc du Bali ne fut pas suivi des autres structures prévues.

Le texte ministériel signé de M. Olivier Guichard alors ministre de l'aménagement du territoire, du logement et du tourisme (1972-1974) disait qu'on ne pouvait tolérer la réalisation de constructions massives sur des terrains exondés. Des lois, déjà anciennes précisaient ces mesures et l'on peut s'étonner que le même problème s'étant posé en 1903 au moment de l'érection de la petite école primaire, les pouvoirs publics n'aient pas réagi plus tôt. Il aura fallu voir s'écouler 60 années pour faire respecter la loi. Nul doute que l'intervention des écologistes en la matière fut déterminante. Hélas ! tardive car les projets sinistres de la S.A.I.L.I.M. n'auraient jamais dû voir le jour.

Aux protestations des écologistes était venu s'ajouter un avis défavorable des autorités maritimes inquiètes de voir s'ériger des tours de dimensions respectables sur l'isthme des Sablettes qui, sans aucun doute, auraient créé un danger permanent pour l'amerrissage des hydravions dans la Baie du Lazaret.

Voilà pourquoi nous pouvions parler tantôt d'années désastreuses pour l'isthme des Sablettes. Aussi quand la commission extra-municipale de l'environnement tint sa réunion quelques temps après, le Colonel Donnart qui en était l'un des animateurs s'exclama : « Ah, il est beau l'isthme des Sablettes avec l'étron qu'on lui a posé dessus ! ».

Notons tout de même que les comblements épargnèrent un joli plan d'eau en bordure de la corniche qu'il fallut approfondir de plusieurs mètres sur un canal que les vedettes du S.I.T.C.A.T. empruntèrent deux ans plus tard pour assurer une liaison maritime avec l'agglomération toulonnaise.

Le sigle S.I.T.C.A.T. se traduit ainsi : Syndicat intercommunal des transports en commun de l'agglomération toulonnaise.

Dans l'histoire du dernier quart de siècle de l'isthme des Sablettes, nous reviendrons sur cette réalisation, initiative à l'actif de la Commune de La Seyne en collaboration avec cinq autres communes limitrophes.

Dans la période où le projet des Marinas fut interdit (et l'on peut se poser la question : pourquoi lui avoir permis de démarrer ?) de l'autre côté de la Corniche, les bulldozers, les pelles mécaniques s'activaient pour faire disparaître l'antique paysage des marais, les vieilles structures comme le Château Verlaque, le lavoir du Crotton... et tout le long du rivage jusqu'à Tamaris sont nés toutes sortes d'immeubles à usage individuels ou collectifs, des structures très variées mais qu'il nous soit permis de dire que ces ensembles manquent plutôt d'harmonie.

Le plus grand désastre n'est pas là. Reprenons le fil d'Ariane de notre historique et retournons vers le Bali et l'immense terre-plein qui rappelle celui de Marépolis. Comblé anarchiquement, cet espace aux contours curieux avait laissé un plan d'eau face à Saint-Elme desservi par un ponton déglingué que les usagers eux-mêmes rafistolaient tant bien que mal et un autre plan presque fermé qui survit longtemps comme un port sauvage toujours utilisé de nos jours.

On assista alors à une invasion de petits bateaux par centaines dont les propriétaires refoulés des autres ports saturés (Les Mouissèques, Le Manteau, Saint-Elme) recherchaient un abri sûr et d'accès facile. Leurs exigences étaient d'autant plus justifiées qu'ils payaient des redevances sans obtenir le moindre avantage en échange.

Par surcroît planait sur eux la menace de l'Administration chargée de réaliser la grande rocade de Vignelongue à Saint-Mandrier qui nécessitait le comblement du petit port de Saint-Elme côté rade, la disparition du ponton érigé par la Municipalité d'après la guerre et l'expulsion des propriétaires de bateau sans autre forme de procès.

Le responsable des travaux maritimes ne disait-il pas à un représentant des plaisanciers qu'ils pouvaient se réfugier à Saint-Mandrier ?

Chose impossible d'ailleurs, le creux Saint-Georges ayant fait le plein depuis longtemps.

Un journaliste défenseur de la plaisance écrivait dans cette période : « N'est-ce pas un spectacle vraiment affligeant que de voir les installations actuelles : pontons d'accès aux bateaux de toutes formes et de toutes grandeurs, amarrages précaires, batardeau artificiel inaccessible les jours de pluie, immondices qui s'accumulent où pullulent les rats... À l'inconfort et l'insécurité s'ajoutent les dangers de la pollution. Il est grand temps que les pouvoirs publics et toutes les administrations concernées prennent conscience de ce spectacle lamentable indigne d'une région touristique comme la nôtre ».

 

1978 - Naissance de la S.N.P.M.

Ce fut dans cette ambiance de protestation et même de révolte que plaisanciers et professionnels exprimèrent leur volonté d'union et de propositions pour la constitution d'une association nouvelle appelée S.N.P.M. (Société Nautique de la Petite Mer) forte de 70 adhérents à l'origine pour atteindre un effectif de plusieurs centaines en quelques semaines.

Le 19 juillet 1978, à l'établissement de Saint-Elme nommé La Rascasse, une assemblée générale adopta les statuts définitifs après avoir élu comme Président Gilbert Marro bien connu de nos concitoyens.

Gilbert Marro (sériole de 7,500 kg)

Le 28 septembre de la même année, l'association adhérait à la Fédération varoise de sociétés nautiques.

Indiquons ici rapidement que la S.N.P.M. se fixa un triple but :

- assurer la défense des droits et des intérêts des pêcheurs plaisanciers et professionnels,
- encourager le goût de la mer et de la navigation de plaisance,
- soutenir la solidarité des gens de mer.

Nous n'entrerons pas ici dans le détail de toutes les revendications et des interventions de tous les responsables à tous les niveaux. Brièvement un projet de port de 800 places fut établi, qui serait soumis incessamment à la discussion de la Municipalité, de la Chambre de Commerce et d'Industrie du Var (C.C.I.) ; la Direction Départementale de l'Equipement (D.D.E.), les services financiers du département, les affaires maritimes.

Unanimement, les participants approuvèrent les propositions des dirigeants de la Société nautique et donnèrent leur accord au Maire de La Seyne, Maurice Blanc, pour solliciter une intervention de sa part au niveau ministériel.

On peut considérer qu'à partir de ce moment-là l'idée de la création d'un port est née. De l'idée à la réalisation, on n'imaginait pas alors l'ampleur des difficultés. Deux décennies ont passé et le port véritable en reste toujours au stade de la gestation.

Les complexités administratives se sont accumulées, les palabres se sont multipliées et de tous les aspects financiers, techniques, politiques, rien de concret ne sortit de toutes les discussions engagées par des organismes apparemment opérationnels.

Dès l'abord on ne savait même pas quel était le propriétaire des terrains et qui devait en assurer la gestion.

Les revendications des plaisanciers pour l'essentiel pouvaient être satisfaites à bref délai : enlèvement des ordures, installation de poubelles, aménagement d'un plan incliné pour mettre les bateaux au sec, construction d'un quai de 15 mètres vers les plus grands fonds permettant l'accès d'une grue sur roue pour mettre en terre les plus gros bateaux.

Le dragage des bassins laissés par les comblements s'ajouterait à ceux qui se posaient en permanence à Saint-Mandrier, Saint-Elme, Le Manteau.

De toutes les revendications soumises à la Chambre de Commerce et d'Industrie, seules furent retenues l'aménagement d'un plan de halage, le nettoyage des terrains de comblement et l'élargissement du goulet de communication du plan d'eau presque fermé.

Tout cela était bien peu en comparaison des taxes payées par les plaisanciers, taxes dont on envisageait l'augmentation pour les années 79-80.

Les modestes revendications des petits plaisanciers de la mer ne passionnaient guère les autorités maritimes du plus haut niveau, ni les affairistes à la recherche de profits juteux.

Les dirigeants de la Société nautique avaient bien conscience du danger mais, sans se laisser abattre, son Conseil d'administration composé de gens dévoués et efficaces réalisa par ses propres moyens ce que les autorités maritimes n'avaient pas su ou voulu faire en faveur des plaisanciers.

Après le dallage du plan de halage, l'installation d'un treuil puissant, ce fut l'érection d'un siège en préfabriqués avec bar, salle de réunions, bibliothèque, atelier, dépendances pour le dépôt de matériel. Grâce au concours de la Municipalité de l'époque qui fournit des poteaux et des tuyaux l'électricité et l'eau vinrent compléter ces structures. Toutes ces réalisations furent autorisées à titre précaire et révocable suivant l'expression administrative.

Toutes ces améliorations permirent à la Société de prospérer. Aussi en quelques mois le nombre des adhérents atteignit plusieurs centaines.

Dans cette période, la Direction Départementale de l'Equipement et la Chambre de Commerce et d'Industrie du Var présentèrent un projet de grand port qui accueillerait 900 plaisanciers. Que deviendrait la S.N.P.M. dans ce vaste projet ? Les plus grands dangers la menaçaient.

Aussi avec beaucoup de ténacité, elle lutta dans toutes ses interventions et à tous les niveaux pour que le futur port prenne un caractère social.

Sur ce point, elle fut en accord complet avec la Municipalité qui oeuvrait dans le même esprit.

En 1982, il sembla bien que les autorités maritimes aient alors admis ce principe, car le projet de port attendu impatiemment sera inscrit au schéma des loisirs nautiques du littoral et sera un port de plaisance sociale.

Se posa alors le problème de la construction. Qui prendrait la direction des opérations ? Mais d'abord fallait-il savoir qui aurait la concession des endigages après l'échec du projet des Marinas. Arrêtons-là, pour l'instant ce problème épineux qui souleva maintes polémiques sur lesquelles nous reviendrons dans la période du siècle finissant qui verra peut-être se réaliser le rêve des centaines de plaisanciers de la petite mer.

En attendant la solution de ces problèmes qui durait depuis vingt ans, les occupants de l'isthme, les pêcheurs, les touristes, les promeneurs connurent une autre forme d'agression et non des moindres : celle des campeurs itinérants appelés pudiquement les gens du voyage et que le langage populaire désigne par un vocabulaire moins distingué comme les romanichels, les caracous, les bohémiens. Avec un peu moins de mépris, on les appelait aussi les nomades.

Le vaste terrain de comblements, malgré les dépôts d'ordures de plus en plus prospères, convenait parfaitement à leurs roulottes souvent très confortables. Les nomades forains dont les enfants plus ou moins obéissants causaient des dégâts sur les embarcations en l'absence de leurs propriétaires. Ces gens-là ne respectaient pas toujours les règlements en vigueur sur la durée des stationnements autorisés, pas plus qu'ils ne s'inquiétaient de l'évacuation de leurs ordures.

On devine dans quel état se trouvaient les terrains occupés pendant plusieurs jours sans contrôle d'aucune sorte.

Des garnements allèrent même jusqu'à détacher des embarcations et les pousser sur les plans d'eau au gré des vents. Des jeunes filles loqueteuses attendaient vers midi les pêcheurs à leurs appontements et les suppliaient de leur donner quelques poissons pour leur repas. Certains pris de pitié offraient ce qu'ils pouvaient et les quémandeuses n'étaient pas toujours satisfaites.

Les habitants du Bali suivaient les faits et gestes de la marmaille déchaînée, derrière les stores de leurs fenêtres et tenaient bien verrouillées leurs portes. Autrement dit, l'arrivée parfois massive des caravaniers ne contribuait pas à créer une ambiance agréable dans les quartiers de l'isthme. Et le déversement des ordures ménagères se poursuivit pendant des mois avant que les protestations de la S.N.P.M. ne soient entendues. Et pourtant il s'agissait bien de la propriété et de l'hygiène publiques !

À ces désagréments s'en ajoutaient d'autres : les épaves coulées ou à demi submergées sur le pourtour des terre-pleins ou dans les bassins à usage de port n'offraient pas non plus aux regards des plaisanciers et des promeneurs un spectacle attrayant. L'administration maritime pas plus que la C.C.I. ne s'inquiétaient de ces inconvénients.

Il fallut beaucoup de patience et de ténacité aux dirigeants de la Société nautique pour voir un commencement d'exécution à leurs demandes pressantes.

Nous reviendrons sur ces problèmes dans la dernière partie de cet ouvrage pour aboutir à des conclusions pour le moins décevantes quant à la manière désinvolte dont les affaires publiques sont souvent traitées.

Pour l'instant attardons-nous à parler des bateaux. Des grands bateaux que l'on voyait sortir de la rade, depuis l'isthme des Sablettes et aussi des petits bateaux dont le nombre se chiffre maintenant par milliers dans la Baie du Lazaret.

 

Grands navires et petits bateaux

Je suis né au numéro 5 de la rue Philippine Daumas, une petite rue qui se détache de l'avenue Frédéric Mistral à main droite quand on se dirige vers le Pont de Fabre et Les Sablettes. À son extrémité, elle rejoint la rue Voltaire à proximité de la Poste.

L'immense majorité des Seynois ignore qui fut Madame Daumas. Continuant mon métier d'éducateur, je vais l'apprendre à mes concitoyens.

Cette honorable personne possédait vers la fin du siècle dernier des terrains de culture entre l'avenue des Sablettes devenue Frédéric Mistral et le quartier Cavaillon.

L'urbanisation de ce quartier nécessita la création d'une voirie et Madame Daumas propriétaire fit don à la Ville de La Seyne de bandes de terrains permettant l'élargissement de la rue qu'elle habitait, suffisamment pour le passage de charrettes et de calèches et aussi pour l'aménagement des trottoirs.

En reconnaissance de sa générosité, la municipalité d'alors décida de baptiser la rue de son nom après sa disparition au début du siècle.

Ce fut dans cette rue que je fis mes premiers pas et tout naturellement pour ma première sortie importante, ma jeune mère âgée de 22 ans m'emmena vers le port voir les petits bateaux multicolores qui se balançaient doucement sur l'eau calme sous un ciel d'azur éblouissant. Spectacle ô ! combien fascinant qui me fit rêver dès l'abord, un rêve qui devait se poursuivre au sein d'une famille où mes parents, mes grands-parents, mes oncles furent tous des acteurs de la navale.

L'un, navigateur au temps de la marine à voile, les autres forgerons, tôliers, chaudronniers... qui battirent le fer et le cuivre jusqu'à l'épuisement de leurs forces.

Pourquoi, dira le lecteur, raconter votre vie à propos de l'isthme des Sablettes ? C'est tout simple. J'ai voulu expliquer où et comment mon amour débordant pour la mer a pris sa source et montrer à travers les étapes de ma longue vie toutes les joies pures ressenties sur les rivages : baignades, concours de natation, avirons, voile, pêche sous toutes les formes, activités associatives, défense de l'environnement, etc... et j'en suis venu à parler des rivages de l'isthme, de Saint-Elme, de la S.N.P.M.

Revenons à l'époque où, devenu garçonnet, mon père se préoccupa, lui, de me faire connaître les grands bateaux. J'assistais de loin en loin au lancement de navires célèbres dans nos chantiers navals seynois dont la réputation mondiale s'était affirmée déjà depuis le XIXe siècle.

Comment ne pas être émerveillé par ces masses de fer et d'acier, construites par des êtres minuscules, capables de les faire flotter, de les diriger, de leur faire traverser les mers et les océans, de les armer de canons redoutables pour la défense de notre pays ?

Mon langage s'enrichissait chaque jour du vocabulaire des choses de la mer et de la navigation.

De bonne heure, je sus ce qu'était une étrave, un étambot, un blindage, un bastingage, un écubier, le bâbord, le tribord...

Au cours de la première guerre mondiale, mon père, comme technicien de la maistrance fut désigné pour l'arsenal militaire de Sidi-Abdallah à Ferryville (Tunisie) et j'ai bonne souvenance des traversées de la Méditerranée avec les courriers de la Transatlantique tels que la Ville d'Alger, la Ville de Marseille, le Gallia, le Liamone, le Biskra...

Traversées parfois épiques en raison des risques d'attaques redoutables des sous-marins allemands, qui envoyaient par le fond sans pitié les navires de la navigation civile et militaire et leurs équipages et leurs passagers.

 

L'amour de la mer

Revenu dans la Métropole avec mes parents dans les années 1920-1921 les mêmes obsessions tournaient dans ma tête : la mer, les bateaux, les expéditions lointaines.

Entré à l'École Martini dans cette période, mes parents m'offrirent en récompense d'une bonne année scolaire, un superbe album-photos.

En quelques jours, il fut rempli uniquement par des cartes postales... pas n'importe lesquelles. Tous les bateaux de l'escadre y figuraient : des croiseurs, des cuirassés, des torpilleurs, des contre-torpilleurs, des sous-marins. Je m'étais appliqué à retrouver leurs caractéristiques : tonnage, longueur, largeur, tirant d'eau, artillerie, les unités de la marine militaire en priorité étaient suivies des bateaux du grand commerce maritime avec le nom des armateurs : Cyprien Fabre, Chargeurs Réunis, Fraissinet sans oublier la C.G.T. (Compagnie Générale Transatlantique).

Ces bateaux, je voulais les voir naviguer, cracher leur fumée noire vers le ciel, voir flotter leurs oriflammes et surtout le grand drapeau tricolore fixé à l'arrière du navire. Alors, remuant la cendre de mes souvenirs, je me revois au cours des promenades pédestres du dimanche sur la route de Balaguier, puis de Tamaris, puis des Sablettes. On attendait la sortie des grosses unités ou l'arrivée des grands paquebots de L'Orient Line.

Ma curiosité me poussait toujours à poser des questions, à mon père surtout : Pourquoi les bateaux portent-ils des noms ? Et aussi des numéros ? Qui les avait attribués ?

Il répondait toujours à mes interrogations : « la bonne gestion des affaires maritimes exige cela » disait-il. Les propriétaires des petits bateaux pouvaient le faire eux-mêmes. Quand il s'agissait des grands navires de la marine nationale ou des transports maritimes du commerce, les ministres et les Présidents de grandes sociétés se chargeaient de le faire. Mon père, toujours informé des mouvements de la flotte de guerre, savait les périodes et les jours où l'escadre partait en Méditerranée pour les grandes manoeuvres. Toutes les fois qu'il pouvait se libérer de ses obligations professionnelles, il prenait grand plaisir à me faire connaître les grandes unités de la marine de guerre ou du commerce.

Il y avait ceux baptisés de noms qui exaltaient la patrie comme la Provence, la Bretagne, le Paris, la Lorraine, le Béarn, transformé en porte-avions.

Il y avait ceux qui vénéraient les grands amiraux comme Duquesne, Jean-Bart, Duguay-Trouin, Jauréguiberry, ou alors de grands hommes d'Etat comme Jules Ferry, Clemenceau, ou encore des écrivains célèbres comme Jules Michelet, Ernest Renan... pour en citer seulement quelques-uns.

Je pourrais multiplier les exemples avec les bateaux de la marine du commerce construits dans les chantiers de La Seyne comme les Lyautey, Aramis, Koumubia, El Mansour, El Djezair, Kairouan, etc...

Remarquons au passage qu'à travers ces appellations, les autorités maritimes voulaient affirmer la puissance du colonialisme français.

On aurait pu faire la même observation dans la période qui suivit la première guerre mondiale où, dans le même esprit, n'avait-on pas doté la marine de guerre d'une flottille de torpilleurs appelés : Algérien, Marocain, Tunisien, Tonkinois, Malgache, Sénégalais, Touareg...

Les années ont passé. Mais le flux du temps ne doit pas nous faire oublier ce que furent les activités navales de notre région provençale et de nos chantiers seynois en particulier.

Comment ne pas évoquer sans quelque amertume les noms glorieux de ces superbes unités de notre marine nationale comme le Colbert, l'Algérie, le Foch, le Dupleix, le Strasbourg ?

Vous les avez tous vus et entendus, habitants de l'isthme, franchir la passe de Saint-Mandrier, mettre au point leurs machines et leur artillerie au large de Sicié.

N'avez-vous pas frémi au fracas des violentes explosions du 27 novembre 1942 qui les envoyèrent par le fond de la rade de Toulon. N'avez-vous pas pleuré de voir l'un des plus beau croiseurs de la flotte, la Galissonière, s'enfoncer sous les eaux devant les réservoirs à mazout de la presqu'île de Saint-Mandrier ?

Hélas ! depuis bien des années maintenant, vous ne voyez plus partir aux essais vers Sicié les paquebots, les méthaniers, les minéraliers, les plate-formes de forage et autres transports en tout genre, construits dans les chantiers seynois !

Hélas ! les temps heureux de la grande construction navale sont bel et bien révolus et alimentent des récits des amoureux de l'histoire, les collections de photos, les expositions de maquettes.

Les seynois d'adoption ne peuvent pas imaginer que l'industrie navale seynoise, pendant un siècle et demi assura le travail à la population et la prospérité de la ville toute entière.

Nous assistons aujourd'hui à l'asphyxie progressive des activités maritimes les plus importantes. Par contre, au cours de ces dernières années notre isthme des Sablettes a vu se multiplier de part et d'autre les petits bateaux de la plaisance et de la pêche en observant toutefois que les professionnels sont en nette régression.

Et voilà, qui nous ramène vers les sociétés nautiques des Sablettes dont nous montrerons les diverses activités soit vers le grand large soit vers la petite mer.

Voilà qui me pousse à parler plus spécialement du port sauvage de la S.N.P.M., de l'occupation des rivages affreux qu'ont laissés les comblements inachevés des projets Marinas.

 

Le baptême des youyous

Ce n'est pas dans ces alignements de bateaux serrés les uns contre les autres que l'on peut lire des noms d'hommes illustres sur des pointus, des bettes, de petits yachts au faible tirant d'eau.

Le promeneur qui musarde, le touriste curieux, se préoccupent parfois des appellations fort diversifiées dont ils essaient de comprendre les motivations.

Certaines sont souvent l'expression de sentiments personnels vénération pour des êtres chers : père, mère, épouse, enfant, dulcinées dont on a voulu pérenniser le souvenir.

Dans les familles de pêcheurs professionnels, c'eût été un sacrilège que de débaptiser le bateau du père ou du grand-père. Aussi de vieux prénoms comme André, Mario, Sauveur, Alexandre, Titou, Youyou, Michel persistèrent longtemps.

D'autres prénoms plus familiers sont apparus par la suite comme Loulou, Lilou, Kiki, Gaby.

Dans le large éventail des appellations, il semble bien que les prénoms féminins dominent. Aux vieux prénoms traditionnels : Alice, Angèle, Margot, Martine, Germaine, Gisèle, Isabelle, Marie, Marie-Jeanne sont venus s'ajouter les : Manon, Rita, Ninou, Sandrine, Princesse, qui évoquent sans doute de beaux minois qui rendent jaloux... et aussi des noms de fleurs : Marguerite, Angélique, Anémone.

Des plaisanciers ont voulu vénérer les signes du Zodiaque sous lesquels ils sont nés : Sagittaire, Verseau, Capricorne ; et aussi les astres avec Soleil, Jupiter, Vénus, ou encore des personnages mythiques de l'Antiquité grecque ou romaine : comme Apollon, Eole, Neptune, Icare, Ulysse, Téthys, Clio.

D'autres ont tout simplement pensé aux éléments de la nature Alizé, Mistralade, Azur, Éclair, Sirocco, Arc-en-ciel. Plus rares sont des noms à caractère local. Par exemple : Marégau, Saint-Elme, les Deux frères. Fiers des qualités de leur bateau, certains plaisanciers ont trouvé Ténor, Téméraire.

Autres initiatives : des noms empruntés au monde animal : poissons et oiseaux. Citons en particulier Exocet, Esturgeon, Rascasse, Gobie, Mérou, Lote, Loup (bar), Pageot, Requin, Hippocampe, Roussette, Goéland, Pélican, Ibis. Et pour respecter la tradition provençale on trouve aussi Pei, Tavan (taon, bourdon).

Ce n'est pas tout. Certains plaisanciers de la S.N.P.M. ont voulu exprimer leur ravissement d'avoir pu satisfaire leur passion de la mer et de la navigation. Ils ont alors appelé leur petit navire l'Eden, la Désirade, Évasion, Désir, Rêve, Jours heureux, Paradis, Enfin.

En poussant plus loin les investigations sont apparus aussi des noms étrangers ; des noms de lieux ou d'aventures vécues : Super gold fish, May Flower, Nyongo, Ouvea, Akani et bien d'autres évocateurs de souvenirs attachants.

Pour en terminer avec ces réflexions bien fragmentaires qui ont montré tout de même l'extrême diversité des choix et des sensibilités des amoureux de la mer, il est plaisant de les compléter en décrivant le travail délicat de la peinture de ces appellations et des matricules sur les coques.

Sur les terre-pleins des comblements inachevés, il y avait toujours des bateaux au sec pour recevoir chaque année les soins d'entretien : grattage, masticage, peinture.

En revoyant ces petits plaisanciers soucieux de faire durer leur modeste barque, je ne peux résister au plaisir de conter l'anecdote qui suit et dont je garantis l'authenticité.

À l'époque où l'on ne disposait pas de moyens techniques très perfectionnés pour mettre en évidence les noms et les matricules, on voyait des plaisanciers et aussi des professionnels s'appliquer à les peindre au moyen d'un petit pinceau et d'un petit pot de ripolin, travail délicat à réaliser sans bavures, ce qui exigeait beaucoup de patience.

Mon père possédait alors un esquif qu'il avait baptisé Noune, prénom plein de tendresse, celui de sa future épouse. Il se félicitait de ce choix, parce que disait-il ce nom n'a que cinq lettres. Comme il fallait le peindre des deux côtés du bateau, ça faisait tout de même 10 lettres, mais le travail n'était pas excessif.

Mon oncle Louis Meunier, figure bien connue des Seynois, (il fut le fondateur d'une association célèbre appelée Moto-Club Seynois) vint à passer sur le rivage où mon père s'affairait autour de sa Noune.

- Alors père Autran, je vois un travail fait avec le plus grand soin.
- Je me suis appliqué et j'ai surtout calculé qu'en baptisant le bateau d'un nom à cinq lettres, ça ne ferait que dix au total, mais toi, Louis, tu as fait mieux. D'abord je te félicite pour le nom que tu as donné à ton bateau. En l'appelant Pax tu as tenu sans doute à exprimer tes sentiments de pacifiste.
- Bien sûr, répondit Louis, mais j'ai pensé aussi que j'aurai seulement 6 lettres à peindre, père Autran.
- Ça c'est bien vrai et tu me fais penser au fils de Sabatier. Je l'ai vu ces jours-ci et entendu maugréer autour de son bateau. En finissant sa peinture il me dit : « Simon ! J'en suis à la 36e lettre ! ».
- Eh be ! que je lui réponds, sies ben colhon !
- Figure-toi que sa femme avait exigé que sa bette porterait le nom de leur petite fille et il avait été obligé d'écrire deux fois « la petite Philippine » !

Et Louis, qui n'était jamais en reste de plaisanterie, répliqua : « J'ai vu plus fort Simon ! ».

- Pas possible, dit mon père
- Comme je te le dis. Y'a pas longtemps, j'ai fait la connaissance d'un pêcheur breton retiré à La Seyne et en souvenir de son pays natal il avait décidé de baptiser son petit bateau : « la courageuse petite bretonne » !
- Oh ! Capoun de bouan diou !
- Si tu comptes bien un nom comme ça, ça fait bien 52 lettres. Pas maï !

Nos deux amis rirent aux éclats en concluant que l'amour des choses de la mer, cela peut conduire bien loin !

L'amour de la mer, que dis-je ! la passion de la mer, m'avait enchanté dès l'enfance, obnubilé durant mon adolescence. Mon grand-père navigateur du temps de la marine à voiles me racontait souvent ses campagnes lointaines vers l'Extrême-Orient : l'Insulinde, la Chine, le Japon. Il en avait gardé des souvenirs vivaces et j'étais en extase à entendre ses récits.

Aussi, il me semblait que le fil de ma vie ne pouvait être que celui-là à suivre.

À l'École Martini, école primaire supérieure qui préparait aux petits cadres de la République : Enseignement primaire, contributions, P.T.T., employés et dessinateurs aux Chantiers navals, maistrance de la marine, les jeunes étudiants parlaient souvent des problèmes d'orientation sur lesquels tous n'avaient pas des idées bien arrêtées.

Et cependant, il faudrait bientôt se déterminer à entrer dans la vie active, ce qui préoccupait aussi et surtout nos parents.

Certains de mes camarades qui s'appelaient Pizzini, Zattara, Riquier savaient qu'ils seraient un jour quartier-maîtres, seconds maîtres, premiers maîtres. M'avaient-ils influencé ? Un soir, au cours du repas, mes parents, soucieux de préparer mon avenir en vinrent à discuter de mes aptitudes à poursuivre des études. Alors, timidement, je fis état des conversations de l'école entre camarades de classe. Certains disaient grand bien de la Marine et par contre un autre, appelé Francis Gandolfo, les avait presque injuriés.

- Vous n'avez pas honte de vouloir devenir des fayots, des esclaves, des lèche-cul ?

Je fis part de ces réflexions à mon père qui sursauta en me disant : « Il a raison Gandolfo ! ».

- À la fin de l'année scolaire, tu te présenteras à l'École normale d'instituteurs de Draguignan et aussi au concours des Postes.

Au seuil de l'année 1928 mon père décida que ma carrière serait celle de l'Enseignement.

En ce temps-là, on ne discutait jamais dans les familles les ordres du Pater familias.

Et voilà comment un coup d'arrêt fut porté à mon amour de la mer et des bateaux - qui n'a jamais disparu tout à fait, la Société Nautique de la Petite Mer m'ayant occupé quelques années par la suite.

 

Les charpentiers de marine d'autrefois

Revenons vers les rivages de l'isthme où le nombre des petits bateaux de plaisance ne cessait de croître, d'où il résultait des va-et-vient continus de pêcheurs professionnels, d'amateurs de voile, de promeneurs curieux venus assister à des halages nécessaires pour l'entretien des coques, à des mises à l'eau de bateaux repeints à la peinture sous-marine, mais aussi quelquefois à la mise en chantier de jolis bateaux de pêche que certains professionnels de la mer voulaient construire sur le rivage même. Ces souvenirs me conduisent tout naturellement à parler du charpentier de marine qui, à mon humble avis, était l'un des métiers les plus difficiles à exercer, surtout comme il sera démontré par la suite si l'on considère l'outillage primitif dont disposaient ces braves gens.

Certains estimeront peut-être comme une digression les développements qui suivent sur les charpentiers de marine, mais il m'a paru normal en parlant de Saint-Elme et du rude métier des travailleurs de la mer, d'intéresser aussi le lecteur aux bateaux, aux petits bateaux des plaisanciers de la pêche et des professionnels, ces embarcations en bois nommées généralement des pointus qui peuplent maintenant par milliers nos rivages depuis le Pin Rolland jusqu'à La Seyne en passant par Saint-Elme, le port sauvage de la petite mer, les Sablettes, Tamaris, Le Manteau, Balaguier, les Mouissèques...

Volontairement, je ne parlerai que des constructions en bois que savaient si bien faire nos artisans d'autrefois, plus précisément ceux qu'on appelait les charpentiers de marine (bois courbe), un métier très difficile dont la formation nécessitait plusieurs années d'apprentissage sous la conduite de patrons d'une extrême sévérité, véritables cerbères, d'une intransigeance féroce dans l'exécution, la précision, la finition du travail.

Tous les bateaux ne sortaient pas des mêmes chantiers, ni des mêmes rivages. Il y eut même des charpentiers qui construisirent des bateaux chez eux, au quartier Beaussier par exemple, et dont le lancement se faisait au plan incliné de la Caisse, après un parcours sur un chariot dévalant la rue d'Alsace, un bouquet de fleurs au sommet de l'étrave. Ces spectacles étaient toujours sympathiques.

Lancement d'un pointu

Il y eut aussi des lancements à Saint-Elme, où s'affairait un spécialiste nommé Tholosan, aidé parfois par un autre charpentier d'élite qui répondait au nom de Lothaire ou plus familièrement Teillou.

À Tholosan, succéda le père Marcaillou. Dans cette corporation, on vantait beaucoup Suzan de Brégaillon, les frères Amaldi des Chantiers de la Lune, Roux des Chantiers du Midi, Pusiol de la Verne, Raymond, charpentier émérite et pourtant illettré. N'oublions pas les Gallian, Dettori, Bressan. Et qui n'a pas entendu parler de Romain de Rovère qui forma, dans sa famille d'abord, toute une génération de charpentiers de haut niveau dont Alceste, Anaclée (Cleto), Joseph, parmi les plus emblématiques de la corporation et pendant une longue période de notre histoire locale on aurait pu parler de la dynastie de Rovère.

Le lecteur voudra bien excuser des omissions bien involontaires.

Venons en maintenant à quelques problèmes techniques. Dans ces chantiers devenus rares aujourd'hui et incomparables du fait de l'apparition de nouveaux matériaux, la matière plastique surtout, les patrons seuls faisaient les tracés avant de réaliser la maquette de l'ouvrage. Le traçage se faisait dans une salle et à la grandeur nature. Puis on passait à la confection des gabarits pour l'étrave, la quille, l'étambot, les membrures, travail effectué par les maîtres-ouvriers ou le patron lui-même.

Il fallait également savoir choisir les bois les mieux adaptés à chaque catégorie de pièces. Par exemple le chêne ou le frêne pour l'étrave. Le chêne, l'orme ou l'acajou pour la quille ; l'ormeau, le frêne ou l'acacia pour les membrures ployées à la vapeur. N'allons pas plus avant dans les détails de la carcasse, habillée ensuite par la fixation délicate des bordages jusqu'à l'étanchéité parfaite, pour insister sur l'outillage primitif en usage dans les années d'avant la guerre où la mécanisation en était à ses premiers balbutiements.

Nos anciens de ce temps-là ne connaissaient que les rabots et leurs variantes (riflards, varlopes, rabots droits), la scie à refendre, le couteau-scie à dents renversées (baptisé par les ouvriers couilles en l'air, les ciseaux à bois, les vrilles, les tarières (grosses vrilles), les tournevis, les bédanes, les chignoles (perceuses en progrès par rapport aux vilebrequins), les râpes, les équerres, les limes et les marteaux pour ne citer que l'essentiel.

On connaissait l'électricité depuis la fin du siècle dernier pour l'éclairage, et le mouvement des tourelles marines, mais ce ne fut qu'après plusieurs décennies qu'elle fut vulgarisée pour actionner les petits outillages des charpentiers de marine en bois.

Aussi ces travailleurs de la navale connurent des journées de travail harassantes. Malgré leurs difficultés et leur peine, les spécialistes de ce beau métier en parlent toujours sur un ton de gloriole.

On sait que par la suite progressivement, la construction navale métallique a prévalu. Les travailleurs qu'on appelait les mangefer ont connu des conditions de travail exténuantes, au point que leur espérance de vie atteignait rarement l'âge d'une retraite.

Parmi les noms de charpentiers de marine, cités il y a quelques instants, a figuré celui de Gallian.

Il est indispensable de nous arrêter sur le nom de cette famille de travailleurs spécialistes de la navigation de plaisance qui, depuis les années 1970-1990 a apporté sur les rivages de l'isthme, plus précisément dans l'anse du Pin Rolland une animation considérable venue en complément des activités touristiques.

La Société Gallian fondée en 1960 s'est spécialisée dans la construction de yachts modernes avec des matériaux nouveaux : matière plastique, duralumin...

Chantiers Gallian

Des centaines de navires de types divers, aux matures imposantes ont quitté les rivages du Pin Rolland pour participer à d'importantes compétitions de la voile.

Les équipements intérieurs offrent aux navigateurs tout le confort de la modernité pour la cuisine, la literie, le sanitaire.

Les chantiers Gallian-Nicolai ont nécessité des comblements, des quais, des ateliers importants. Ce fut surtout dans les années 1970-1974 qu'ils devinrent opérationnels avec la création de 45 emplois. Ajoutons qu'indépendamment de la construction, l'entreprise Gallian assure également le gardiennage des bateaux de plaisance.

 

« Posidonie »

Revenons sur notre S.N.P.M. et ses activités fébriles. Les associations qui se constituent, quels que soient leurs buts, leurs caractères, leur obédience, ont le souci majeur de se donner une excellente direction et des structures de fonctionnement animées par des adhérents dynamiques et dévoués.

La S.N.P.M. est née le 19 juillet 1978 à l'issue d'une assemblée générale composée essentiellement de plaisanciers. Les statuts ayant été discutés et approuvés, la nécessité se fit sentir par la suite de rédiger un bulletin de liaison mieux encore une revue que l'on baptisa Posidonie

Il n'est pas inutile, loin s'en faut, de définir précisément ce terme généralement méconnu des gens et mal connu même des amoureux de la mer. Et pourtant il s'agit d'un végétal sous-marin, très répandu sur nos côtes méditerranéennes, également sur celles de l'Europe et qui joue un rôle considérable dans les environnements maritimes. Voyons de plus près !

Scientifiquement on l'appelle Posidonia oceanica. Les savants sont en mesure de prouver que les posidonies existent depuis 60 millions d'années. Communément on les appelle des algues et pourtant elles n'en sont pas.

Dans la classification des végétaux, on les range parmi les phanérogames, c'est-à-dire des plantes à fleurs et graines. Elle fait beaucoup parler d'elle aujourd'hui parce qu'elle est fragile et très sensible aux pollutions de la mer.

Sa disparition serait une véritable catastrophe écologique car les herbiers qu'elle engendre produisent des quantités énormes d'oxygène, fixent les fonds marins et constituent pour les espèces animales : poissons, crustacés et autres, un milieu propice à la reproduction.

Elles sont donc une source de vie. Ce qui explique les interventions des plongeurs sous-marins dans le but de reconstituer les fonds, là où ils ont subi des dégradations.

Naturellement, ces végétaux meurent comme les autres et les souches saines remplacent les feuilles brunies qui ont perdu leur chlorophylle et rappelons au passage les services rendus à nos anciens pour l'emballage des verreries ou autres objets fragiles, pour la litière des bêtes ou encore comme engrais ou isolant thermique en les fixant sur les toitures. Il est certain que ces usages existent encore dans certaines régions.

Alors ! que vivent les posidonies !

Revenons maintenant à notre revue pour vous parler maintenant de son titre et de son contenu. Le nom de Posidonie est tiré de Poséidon, dieu de la mer dans la mythologie grecque, ce même dieu que les Romains adopteront plus tard sous le nom de Neptune. En choisissant le titre de Posidonie, les dirigeants de la Société nautique ont voulu également affirmer leur attachement aux problèmes de l'environnement, considérant, et la science l'a démontré depuis longtemps, que ce végétal précieux apporte la vie et donc la richesse dans les mers et les océans.

La revue Posidonie est une source de documentation précieuse, tellement les sujets traités y sont variés.

En tête de l'ouvrage, le lecteur découvre une rubrique intitulée : « Si la baie du Lazaret m'était contée ». Il s'agit de la baie, appelée plus tard baie de Tamaris, que les Seynois appellent plus familièrement la Petite mer, par rapport au grand large nommé aussi par les gens du rivage la Grande mer.

Cette rubrique a un caractère historique prééminent, on peut même dire préhistorique, car la petite mer connut les hommes des cités lacustres. Elle a été le témoin de tant d'événements que les récits relatés dans l'ordre chronologique sont quasiment inépuisables.

Elle est une source de documentation pour nos concitoyens amateurs d'histoire locale, pour la jeunesse qui apprendra comment et pourquoi il y eut un lazaret sur la grande île de Sepet, comment la Royauté du XVIIe siècle organisa la défense côtière avec le fort de Balaguier, pourquoi le tourisme naquit à La Seyne-Tamaris avec le mécène Michel Pacha - sans oublier les parcs à moules, l'Institut de biologie, etc...

Après l'histoire, Posidonie traite comme il se doit des problèmes administratifs et tous ceux relatifs au fonctionnement de la société : réunions de bureaux, commissions de travail spécialisées : pêche, festivités... des interventions effectuées à tous les niveaux pour la défense des revendications.

La revue apporte aux adhérents tous les renseignements pratiques sur la navigation, la météorologie, avec des études sur les nuages, les vents d'où découlent les problèmes de sécurité.

Elle rend compte des festivités qui se déroulent au fil des mois et surtout des saisons avec les concours de pêche, de voiles, de boules, des expositions de tableaux sans parler des prêts de livres de la bibliothèque. Quand elle fut lancée en 1984, le nombre des adhérents à la société atteignait déjà le nombre de 400 et parmi eux on découvrit des rédacteurs de talent et même des poètes.

M. Ruiz (limon de 33 kg ;
il a aussi pêché une liche de 26 kg)
M. Gaston Bosset et Alexandre
(sériole de 18 kg)

Les uns ont raconté les meilleurs exploits de la pêche avec des illustrations significatives ; d'autres ont parlé des plaisanciers audacieux avec la virée corse et la bordée bleue.

Au fil des années, les initiatives se multiplièrent, puis fut créée une École de pêche qui accueillit des écoliers pour les initier aux problèmes de la mer sous tous leurs aspects : la mytiliculture, l'aquaculture.

Et les articles de Posidonie continuèrent à se diversifier avec : le coin du pêcheur, le coin de la voile, pêche et gastronomie...

On peut dire que tous les numéros de la revue sortis jusqu'ici ont été d'une richesse extraordinaire et forcément très attendus des adhérents.

Malheureusement, depuis les années 1992-1993, les difficultés financières qui ne sont en aucune façon imputables aux dirigeants de la S.N.P.M., pas davantage aux responsables de la revue, ont mis en sommeil la publication de Posidonie.

Nous reviendrons vers la fin de notre ouvrage sur les problèmes actuels en insistant sur une autre forme d'agression dont les usagers de l'isthme sont victimes. Appelons-les : agressions financières.

 

La bande des quatre

Par définition une bande de copains est un groupe de personnes réunies par affinités et désireuses de faire quelque chose ensemble. La bande des quatre qu'on vit se manifester dans les quartiers de Saint-Elme, les Sablettes, dans la période des années soixante et de préférence le dimanche était composée de personnages fort sympathiques : affables, bons vivants, joyeux drilles, hommes d'assiettes et de bouteilles, doués de capacités hors du commun pour faire bonne chère et arroser copieusement les plats de leurs gueuletons qu'ils organisaient au quartier des Plaines le plus souvent. Mais les hors-d'oeuvre, comme ils disaient, ils les savouraient souvent à Saint-Elme, soit au bord de l'eau, soit à la Rascasse établissement dont la terrasse s'ouvrait vers le grand large.

Ces hors-d'oeuvre étaient composés essentiellement de coquillages, de moules bien grasses surtout, ce qui ne signifie pas qu'ils méprisaient les praires, les clovisses, les huîtres ou les viourlets.

Cette dégustation précédée de plusieurs pastis durait parfois deux heures entre dix heures et midi. La veille, ils avaient passé commande à un parqueur de Tamaris ou des Sablettes d'un cageot de moules (10 kg au moins) complété par des citrons et du vinaigre sans oublier bien sûr la bonbonne de vin blanc d'une contenance approchant les dix litres.

En moins d'une heure, le cageot se vidait et les verres de vin blanc se succédant rapidement, la bonbonne était elle aussi mise à sec.

Qui étaient donc ces personnages qu'on peut qualifier de hauts en couleurs, sans vouloir aucunement offenser leur mémoire.

Tous disparus aujourd'hui, ils nous ont laissé le souvenir de travailleurs honnêtes qui ne firent jamais de mal à personne. On pouvait seulement leur reprocher leur intempérance car effectivement ils manquaient plutôt de modération dans le boire et le manger, ce dont ils étaient parfaitement conscients.

Comment se nommaient ces braves garçons parfaitement robustes dont le poids variait de 85 à 100 kg et dont la musculature impressionnante, accomplissait au travail des ouvrages remarquables dans des conditions parfois très rudes, des performances extraordinaires, connues bien au-delà du terroir seynois ?

On les nommait Tide, Jean, Francis et Joseph. Tide, diminutif de Aristide était d'une taille ordinaire mais sa carrure massive impressionnante était dominée par une hure particulièrement avinée. Paysan de profession, il maniait à longueur d'année les outils traditionnels de la campagne, la bêche, le lichet ou le béchard ; mais il était aussi un spécialiste des travaux de forêt et sa hache redoutable avait tôt fait d'abattre en quelques minutes des arbres de quarante centimètres à la base. Il connut bien plus tard la tronçonneuse et comme il disait que les départs de la machine étaient trop souvent laborieux, il faisait d'abord confiance à sa musculature.

Jean, d'origine catalane, ancien joueur de rugby, en imposait par sa corpulence et sa force herculéenne. Il était, de son métier, excellent mécanicien et conducteur de poids lourds. Il s'emportait souvent dans les conversations et ses adversaires et même ses amis n'avaient pas intérêt à le contrarier.

Francis, le Grand Francis, comme l'appelaient ses camarades d'origine bretonne, était lui aussi très vigoureux. Travaillant aux chantiers navals comme contremaître au façonnage, ses supérieurs ne se privaient pas d'exploiter sa force en lui réservant les besognes les plus ingrates. Il aimait le vin, plus que ses camarades de gueuletons et de beuverie. Jugez de ses performances quotidiennes si je vous dis qu'on lui livrait plusieurs barils de 25 litres à la fois et qu'il les mettait à sec au bout de quelques jours.

Dès la réception, il en remplissait de petites cannettes de bière qu'il rangeait dans son frigo. Au saut du lit avant même de prendre son petit-déjeuner, il vidait d'un seul trait la première cannette. La deuxième disparaissait après manger. Plusieurs autres garnissaient le sac tyrolien qu'il emportait à l'usine et après sa journée de travail et le repas du soir, il avait consommé 10 litres de vin rouge, quelquefois blanc ou rosé.

Il expliquait dans son entourage que le vin était pour lui la meilleure façon de reconstituer sa force de travail dépensée abondamment en coups de masses et de marteaux.

Quant à Joseph, le mieux bâti de nos quatre lurons, il avait grandi à la campagne dans une famille de paysans et de bonne heure son père lui avait appris à produire de beaux légumes, des fruits succulents que la famille très populaire à La Seyne n'avait aucune peine à vendre sur le marché.

Lui aussi doué d'une force prodigieuse se livrait avec son meilleur ami Tide aux travaux ingrats de la forêt, surtout à la saison des pluies qui ralentissaient les travaux des jardins. Tout cela en un temps où n'existaient pas encore les motoculteurs, les débroussailleuses, les tronçonneuses...

Pour ne citer qu'une performance de leurs activités forestières, il est bon de rappeler que Tide et Joseph reboisèrent en grande partie les pentes du Mont Faron en plantant des pins même dans les roches les plus escarpées.

Ils furent à La Seyne et ses environs les derniers ouvriers agricoles spécialistes du défoncement des sols effectué par le moyen de bêches à dents très longues pour retourner la terre jusqu'à 0,60 m de profondeur : un travail que les Provençaux appellent la récavade (cavar = creuser), destinée à la plantation d'un vignoble et d'un verger.

Un détail à ne pas oublier sur les activités de Joseph. Indépendamment de ses travaux agricoles et forestiers, il avait appris la musique. Joueur du trombone à coulisse, le souffle ne lui manquait jamais pour animer une formation musicale appelée L'Avenir seynois qui régala la jeunesse dans les bals du dimanche de nos quartiers, particulièrement ceux des Sablettes, Saint-Elme et Fabrégas. Ces festivités dominicales dans les années précédant la seconde guerre mondiale attiraient toujours la foule des travailleurs en liesse, surtout après les conquêtes sociales de 1936.

La population était loin d'imaginer le nouveau désastre que les fauteurs de guerre préparaient fébrilement. J'ai parlé longuement des années noires de 1939 à 1945. Je n'y reviendrai pas. La paix revenue ce fut, bien sûr, l'éclatement des enthousiasmes en tout genre auxquels nos joyeux amis de la bande des quatre participèrent dans les concours de boules, les spectacles de plein air sur la plage même et surtout les ripailles légendaires dignes de Gargantua et de Pantagruel.

Tide recevait ses amis dans son cabanon du quartier des Plaines où n'existait aucun confort, ce dont les convives se souciaient peu. Le mobilier des plus rudimentaires se composait d'une longue table pour huit à dix personnes, des bancs en bois massif, de chaises vétustes aux pieds vermoulus, d'un grand buffet tout plein de vaisselles antiques.

Dans une encoignure une cheminée basse, noire de suie, où flambaient sous un grand trépied de grosses bûches en provenance de Janas, de souches de vignes épuisées que la récavade allait remplacer bientôt.

Ce foyer ardent attendait d'énormes chaudrons et des marmites en terre cuite remplacés parfois par une immense rôtissoire.

Tide se chargeait des menus et de la cuisson. Joseph apportait des légumes de son jardin potager et aussi des fruits à belle saison. Bien entendu, c'était Francis qui s'occupait des vins. Jean le chauffeur prévoyait les transports nécessaires. Il devait penser aussi aux invités bien choisis à qui l'on jouerait de bons tours pour un divertissement général et qu'il faudrait peut-être ramener chez eux après des excès de boisson. Ce fut parfois le cas d'un certain Hippolyte, ami intime de Francis.

Après les hors-d'oeuvre de Saint-Elme, les coquillages engloutis, déglutis à grandes lampées de vin blanc, c'était le vrai repas du cabanon avec au menu, suivant la saison des civets de gibier, des rôtis, des bouillabaisses, des aïolis monstres.

Tide, excellent cuisinier, disait toujours que les meilleurs civets étaient ceux du renard, animal qui a toujours peuplé la forêt de Janas. Passons sur la préparation méticuleuse des cuisses que Tide mettait en marinade au vin rouge plusieurs jours avant le festin.

Avant de passer à table, c'était le pastis traditionnel qu'on servait plutôt chargé. Au dire de Francis, « le pastis ne devait pas se boire, mais se manger ». Et les rigolades commençaient suscitées par des farces dont Jean était spécialiste. L'invité occasionnel que l'on avait distrait trouvait dans son apéritif un cafard en plastique arrivé là subrepticement. La surprise qui frisait parfois l'indignation provoquait toujours des éclats d'un rire percutant parmi les convives.

Et puis le moment venu de mordre à pleines dents dans les jambons, les mortadelles, les saucissons et les caillettes, nos goinfres dégustaient, s'empiffraient des plats de résistance tout en devisant sur les événements du quartier, les faits divers, les drôleries, les projets futurs de bombance.

Les mets toujours appréciés disparaissaient bien vite. On portait des toasts entrecoupés d'éructations sonores dignes des mandarins chinois.

Et il arrivait que le malheureux invité qu'on avait assis sur une chaise aux pieds vermoulus, s'effondre brutalement entraînant dans sa chute assiettes et fourchettes. Alors les rires éclatants redoublaient d'intensité ; puis on arrivait aux desserts et aux liqueurs, au vin mousseux pour les grandes occasions.

De tout ce spectacle, de ce cabanon au plafond noirci, des vapeurs tièdes se dégageaient par la porte et l'unique fenêtre, des odeurs de chairs rôties d'alcool, d'aromates.

Alors Joseph, lui qui s'exprimait le mieux en langue provençale s'exclamait :

« Si sian régala mé lou reinard faisanda ! Aven ben mangea, ben bégu ! ».

Traduisons : « Nous nous sommes régalés avec le renard faisandé. Nous avons bien mangé et bien bu ».

Ce à quoi Tide répondait :

« C'est vrai que le renard faisandé bien préparé, bien sûr, c'est un véritable délice. Moi, je le préfère au lièvre ». Les avis étaient alors partagés.

Tide défendait son point de vue en remarquant que le renard avait tout de même un inconvénient. Lequel ? rétorquait Francis.

« Tu l'as constaté comme moi », disait Tide. « Le lendemain du repas, quand tu pètes dans ta maison, ça empeste partout. Il faut ouvrir toutes grandes les portes et les fenêtres et faire des courants d'air. Tu le savais, mais tu as pas osé le dire ». Alors tout le monde s'esclaffait.

Après quoi suivaient les histoires grivoises, puis la sieste réparatrice que les joyeux drilles repus goûtaient dans les coins d'ombre du jardin rivalisant de ronflements caverneux entrecoupés d'éructations retentissantes.

Laissons nos gais lurons dont les exploits culinaires sont restés longtemps dans la mémoire de nos concitoyens des rivages et des clients assidus des bistrots des Plaines, de Fabrégas, du Pas du Loup, des Sablettes, de Saint-Elme. À l'exception de Joseph qui devint un octogénaire aux facultés mentales durement atteintes, les autres compères de la bouteille et de la tabagie disparurent autour de 70 ans et ils étaient pourtant taillés pour durer davantage. Ils savaient fort bien que l'alcool et le tabac abrégeraient leur existence. Quand des amis moralistes leur conseillaient un peu de modération, ils se moquaient d'eux et s'exclamaient bruyamment.

« Nous, au moins nous vivons ! ». Nous dirons, au terme du voyage, ce que le Roi Louis XV moribond disait à son entourage dans ses derniers instants : « J'ai trop aimé la vie ! ».

En fin de journée, après avoir ingurgité des litres de vin et des dizaines de pastis, ils se séparaient gaiement en disant bien haut : « Nous avons toujours pris ça ; demain nous verrons ! ».

Ils avaient choisi en toute conscience la voie des jouissances matérielles immédiates. Ces joyeux drilles n'avaient fait de mal à personne. Que pouvait-on leur reprocher hormis leur intempérance ?

Ah ! les problèmes de l'isthme des Sablettes n'étaient pas leur souci majeur. Fort heureusement, d'autres citoyens, amoureux de la nature, édiles dévoués à la cause publique, apportèrent leur contribution efficace à des réalisations bénéfiques.

Avant d'entrer dans le dernier quart de notre historique, il importe de rappeler les bienfaits apportés à la vie de l'isthme, à ses activités fécondes d'autant plus nécessaires après les années terribles dont il fallait relever la communauté seynoise nonobstant les difficultés énormes qu'elle connut après les destructions massives, les ruines et les deuils.

 

Des réalisations appréciables

Si le projet des Marinas avorté laissait du côté Lazaret un spectacle affligeant sur lequel nous reviendrons longuement en évoquant les luttes perspicaces des adhérents à la S.N.P.M. pour obtenir un port de plaisance digne de ce nom, par contre, face au grand large, l'isthme des Sablettes reçut pendant plusieurs années des améliorations sensibles dont purent se réjouir les usagers du port de Saint-Elme et sa modeste population, les amateurs de la plage, les plaisanciers de nos rivages réputés. Cela grâce à la compréhension des municipalités qui suivirent la Libération de notre territoire. Toujours soucieuses de satisfaire aux justes revendications de leurs administrés, durant plusieurs décennies, les problèmes de la plage ne furent pas négligés malgré leur complexité. Il n'est pas possible d'entrer dans tous les détails de l'oeuvre réalisée par les édiles de cette époque. L'essentiel sera dit sur leurs engagements et les réalisations tangibles de leurs programmes.

En suivant un ordre chronologique, rappelons la naissance de l'École municipale de voile qui succéda au Yacht-Club des Sablettes après la réalisation d'un contrat passé avec ce dernier. Il est nécessaire de préciser que les municipalités s'appliquèrent à aider la vie associative dans les limites de leurs attributions, de leurs compétences et aussi comme toujours de leurs finances. Elles attribuèrent des subventions à toutes les associations dont la vitalité se manifestait positivement, effectuant souvent des travaux en accord avec la Direction Départementale de l'Équipement et la Chambre de Commerce et d'Industrie.

 

Après la voile, les boules

En octobre 1968, apparut sur l'isthme même une nouvelle structure à caractère sportif, La Boule Saint-Elmoise, ce qui ne signifie pas que ce sport était inconnu des premiers habitants du rivage. Il y avait bien longtemps qu'un club privé de boulistes réunissait quelques fanatiques de la pétanque sur la place s'ouvrant au hameau, appelée aujourd'hui place Gaudemard, nom d'une ancienne famille de pêcheurs dont le souvenir folklorique n'est pas estompé malgré le temps passé.

À partir du mois d'octobre 1968 se constitua sous la présidence de M. Aiguier, remarquable par son dynamisme, une association à vocation bouliste qui groupa rapidement des dizaines d'amateurs, devenus depuis des licenciés dont le nombre atteint aujourd'hui la soixantaine. Ces joueurs passionnés se manifestent tout au long de l'année et particulièrement au cours de la semaine bouliste entre le 21 et 28 juillet. La qualité de ces sportifs de l'isthme a permis à leurs associations d'accéder aux éliminatoires du Championnat de France.

Quelques années après sa naissance, la municipalité a mis à sa disposition un terrain important à l'extérieur du hameau, sur l'isthme même, face à l'emplacement de l'ancien lavoir public, détruit par les Allemands en 1943.

La place Gaudemard fut donc abandonnée à la grande satisfaction des habitants incommodés par les exclamations pétaradantes des joueurs surtout au moment des concours boulistes qui se prolongeaient après le crépuscule ; Dans les années 1980, la ville prit à sa charge l'éclairage du nouveau terrain. Ajoutons que M. Aiguier proposa même à l'association la création d'une école bouliste, excellente initiative qu'il serait souhaitable de voir se concrétiser.

 

La Société Nautique de Saint-Elme

En 1971, se constitua à Saint-Elme même une association de loisirs nautiques qui porta tout d'abord le nom de Plaisanciers et amis de Saint-Elme, présidée par M. Marcelin. Cette appellation fut précisée par la suite en y ajoutant Pêche et loisirs.

Elle groupe essentiellement des plaisanciers de la mer, ce qui ne signifie pas que les professionnels que l'on compte maintenant sur les doigts d'une main en soient exclus.

Cette association très active comporte près d'une centaine de licenciés et se propose l'organisation de loisirs tout en défendant les intérêts des adhérents. Les loisirs de la mer c'est d'abord la pêche enseignée aux plus jeunes (trois concours sont organisés annuellement), c'est la rencontre amicale des adhérents au cours de jeux de société comme le loto par exemple, c'est la grande assemblée générale suivie du banquet traditionnel.

La société en accord avec les autres formations et sous l'impulsion de son président actuel, M. Imbert, issu d'une famille de professionnels de la pêche, s'est toujours préoccupé d'améliorer les conditions matérielles à savoir la sécurité des bateaux, le dragage du port, la réalisation de la contre-jetée destinée à ralentir l'ensablement trop rapide...

Signalons dans cette courte relation une excellente initiative des dirigeants : l'organisation de sorties en mer d'une vingtaine de handicapés âgés de 10 à 40 ans appartenant à l'association dénommée Handi Club Seynois.

Base Nautique de Saint-Elme

La plongée sous-marine avec le J.K.C. (Jonquet-Kayak-Club)

Après la création de la Société Nautique en 1971, on vit se manifester entre le cap Sépet et le cap Sicié un zodiac chargé de plongeurs qui venaient souvent explorer les profondeurs du littoral seynois et mandréen pour y découvrir des richesses naturelles, des merveilles de la vie animale et végétale aux formes curieuses, aux couleurs infiniment variées qui apportent aux humains de la vie terrestre un véritable enchantement des yeux et de l'âme.

Ces plongeurs avides de connaissances, venaient aussi rechercher en ces lieux les secrets de l'archéologie sous-marine. Ils étaient rassemblés au sein d'une association nouvelle fondée en 1972 par Serge Malcor, l'un de nos concitoyens très connu et qui l'avait intitulée Jonquet-Kayak-Club.

Le siège de la société n'était pas à Saint-Elme, mais les lieux de ses activités s'étendant le plus souvent depuis les rivages de Saint-Mandrier, jusqu'à ceux des Embiez à l'Ouest de la presqu'île de Sicié, qu'il m'a paru naturel de consacrer quelques développements à ce groupement à caractère privé qui travaille depuis 25 ans en liaison avec le Conseil supérieur de l'Archéologie.

Ses effectifs oscillent entre 25 et 40 membres, garçons et filles particulièrement motivés pour les recherches sous-marines.

Les nouveaux adhérents suivent des cours de formation à la plongée qu'ils effectuent généralement le samedi et le dimanche quand l'état de la mer le permet.

Indépendamment de la passion qu'ils éprouvent pour l'observation des merveilleux fonds marins de notre littoral, ils ont à leur actif l'exploitation d'épaves célèbres dont l'une date du premier siècle avant notre ère. Ils parlent souvent de la fameuse épave du Tromblon, cible qui fut coulée, à titre expérimental par l'artillerie du Peyras. Également de celle du Domier hydravion disparu accidentellement vers Sicié entraînant vers la mort ses trois occupants que l'on put tout de même retirer de la carlingue.

L'exploration des épaves nécessite l'utilisation d'une embarcation pneumatique robuste, un zodiac équipé d'un 55 CV (Yamaha). Mais suivant l'importance des fouilles à effectuer nos plongeurs seynois en appellent au concours d'associations similaires, quelquefois à la marine nationale.

Les rapports de fouilles transmis au Conseil supérieur de l'Archéologie sont des ouvrages d'une grande richesse historique. Il est bon d'ajouter que les activités de cette structure de plongée, comme les autres dont il sera question plus loin, sont très coûteuses : mécanique puissante, carburant, motopompe suceuse pour décaper les épaves envasées, matériel d'oxygénothérapie, tout cela représente des dépenses que les subventions octroyées n'arrivent pas à couvrir. Et malgré les difficultés, nos plongeurs font des prodiges. Ces quelques chiffres sont significatifs - un exemple - celui de la campagne 1986 où ils effectuèrent 453 plongées. Les chevronnés en ont effectué jusqu'à 48.

Ne quittons pas le domaine des activités de plongée sous-marine très prisées par des centaines de nos concitoyens, jeunes gens et jeunes filles, adultes également, adhérents qui se rencontrent sur la base même de Saint-Elme, dans les associations suivantes comme le Club de Plongée de Saint-Elme.

 

Le Club de plongée de Saint-Elme

Ce groupement à caractère privé a été fondé en 1986. Son effectif s'élève à 60 participants.

Dirigé avec un grand dévouement par M. Gimenez, ses moniteurs se préoccupent de former des plongeurs sous-marins en vue de leur faire obtenir des licences spécialisées (Biologie-Archéologie-Photographie).

Les activités fructueuses de ce groupement se manifestent de Mars à Novembre grâce à un superbe bateau de 40 places. Les Seynois y sont accueillis en priorité mais pendant la saison des vacances, sont reçus également des jeunes gens en provenance de toutes les régions de France.

 

Acti-Sub

C'est une autre structure de plongée dont la réputation n'est plus à faire. Sous la direction actuelle de M. Manivet, cette association débuta en 1972 et s'est étendue depuis 5 ans à partir de la création du C.S.M.S.

Son effectif est très important : il atteint 200 participants qui opèrent essentiellement sur la base même de Saint-Elme. Son but est de procurer aux jeunes des loisirs et surtout la joie de la découverte des fonds marins. Les jeunes enfants de 8 à 12 ans peuvent y être initiés à la plongée.

L'Association est ouverte toute l'année les samedi et dimanche.

Durant l'été, elle fonctionne tous les jours. Ses locaux Algeco occupent une place importante sur la base nautique. Elle dispose d'un bateau long de 10 mètres (le Sirocco) qui peut emmener 20 plongeurs à la fois. Indépendamment des exercices d'initiation, Acti-Sub reçoit aussi des touristes venus parfois de très loin pour découvrir les joies de notre littoral. De véritables promenades sous-marines sont réalisées à leur intention.

Base nautique de Saint-Elme

 

L'Avenir sportif de Mar Vivo

Au mois d'octobre 1980, l'isthme des Sablettes vit se manifester une autre discipline sportive avec la création d'un club de jeunes gens à l'initiative de Gérard Py, l'un de nos concitoyens particulièrement dévoué à la cause du sport. Ce club dont l'orientation vers le football connut une ascension fulgurante par ses activités intenses groupa rapidement des centaines d'adhérents. On en comptait exactement 332 en 1990 âgés de 6 ans à près de 20 ans. Ce club apparut comme une rare structure de ce type au niveau départemental.

Grâce aux comblements effectués sur les rivages côté Lazaret un terrain de football fut aménagé et les entraînements intensifs ont permis aux joueurs d'accéder aux Championnats Excellence du Var.

Le projet avorté des Marinas, laissa en suspens (et ce n'est pas fini), les problèmes juridiques afférents à la propriété des terrains de l'isthme. La ville hésitait à parfaire des aménagements nécessaires et confortables et cependant ce terrain de football fut utilisé aussi par les écoliers du complexe Léo Lagrange avant que les terrains et le gymnase Guimier ne soient mis au point.

L'avenir de cette association de jeunes qui naquit à Mar Vivo demeure toujours incertain quand on sait que les projets d'aménagement de l'isthme restent toujours à l'étude.

 

L'U.M.G.O.S.

Une association nouvelle à caractère sportif se constitua en septembre 1992 sous le sigle U.M.G.O.S. qu'il faut traduire ainsi : Union Mutualiste pour la Gestion des Oeuvres Sociales.

Il s'agissait à l'origine de la mutuelle née au sein de la clinique Malartic d'Ollioules et qui étendit par la suite ses activités bénéfiques à une douzaine de mutuelles de la région provençale.

Essentiellement, elle offrit aux adhérents des activités de loisirs : voile, planche à voile, kayak.

Le siège de la Société est demeuré à Ollioules, son point de départ, mais le lieu de ses activités se trouve sur les rivages de Saint-Elme en direction de la pointe de Marégau dans le voisinage de l'école municipale de voile.

Les effectifs se maintiennent à la moyenne de 100 adhérents. Ils varient quelque peu en fonction de la stabilité des saisons touristiques. Ouverte en priorité aux mutualistes, l'association reçoit aussi des plaisanciers de la mer venus en vacances sur notre littoral.

Les enfants à partir de 7 ou 8 ans sont admis à l'exercice de la planche à voile sous la conduite de moniteurs spécialisés et sous la surveillance de deux bateaux de sécurité.

Les dirigeants de cette association présidée actuellement par Monsieur Genin, professeur au Lycée Langevin, sont tous des bénévoles qui apportent à la vie associative et sportive des quartiers de Saint-Elme et des Sablettes une contribution efficace et méritent des encouragements des pouvoirs publics.

 

Autres réalisations positives

Inauguration du quai Sauvaire
Toussaint Merle, député-maire, entouré de M. Sauvaire fils et de M. Dutto, conseiller municipal, délégué au tourisme

La promenade de la plage des Sablettes entièrement rénovée

Rappelons qu'à partir de 1970 la promenade de la plage des Sablettes fut entièrement rénovée, ses trottoirs goudronnés. En souvenir des plus anciennes familles de pêcheurs fut inauguré le quai Pierre Sauvaire, puis la rue Émile Christin.

Les travaux d'assainissement au Rond-Point de Saint-Elme et la station d'épuration furent réalisés en 1973. L'année suivante ce fut la réfection du boulevard Porchy, puis l'aménagement du jeu de boules qui permit une meilleure organisation de l'association du jeu de la pétanque La boule Saint-Elmoise.

En 1976, fut édifié le pavillon du tourisme dont les locaux pouvaient être utilisés par le Syndicat d'initiative, la police chargée d'assurer une nécessaire discipline, un poste de secours avec en complément l'aménagement des sanitaires.

Pavillon du Tourisme

En 1977, on pouvait parler de la base nautique de Saint-Elme sur laquelle des précisions seront apportées avec l'implantation de structures solides qui apportent depuis vingt ans d'immenses satisfactions à la jeunesse.

Revenons quelques instants sur le pavillon du tourisme qui recevait aussi les Secouristes de Tamaris, organisation de bénévoles qui effectuait des centaines d'interventions chaque année (plus précisément 600 interventions en 1982).

Les problèmes de sécurité avec les C.R.S., qui avaient ainsi leur place au pavillon du tourisme, étaient largement posés pour assurer la régulation de la circulation devenue trépidante.

Ne fallait-il pas, également, faire respecter pour les hors-bords, leurs distances du rivage pour ne pas gêner les nageurs ?

Dans les années 1980-82, la Chambre de Commerce et d'Industrie se préoccupa de renforcer les problèmes de sécurité vers la grande mer. Un bâtiment important édifié à l'intérieur du Port de Saint-Elme fut destiné à recevoir le bureau du Port et le siège de la Société Nationale de Sauvetage en Mer. Le môle qui reçut ces solides structures porta le nom de : Jean-Marius Cerruti, Président de la Commission maritime plaisance de la Chambre de Commerce et d'Industrie.

 

La « Méduse »

Il s'agit ici d'une association qui pratique un sport nautique appelé Kayak, fondée en septembre 1982, période où la vie associative se manifesta dans les quartiers sud qui nous préoccupent et prit une extension à la fois rapide et diverse sur l'isthme des Sablettes et ses environs.

Par définition, le kayak est une embarcation individuelle des esquimaux dont la carcasse de bois est recouverte de peaux cousues qui entourent l'emplacement du rameur.

Les sportifs français se sont inspirés des premiers modèles esquimaux avec des matériaux très légers les plus performants pour pratiquer des activités nautiques bien particulières.

Le nom de l'embarcation a été donné au sport pratiqué sur mer ou les cours d'eau en actionnant une pagaie double nécessitant parfois de grands efforts quand il faut remonter ou affronter la mer houleuse.

Ce sport a connu un engouement subit dès sa naissance chez les jeunes comme chez les adultes.

Le siège de la Société fait partie intégrante de la base nautique de Saint-Elme.

Animée à ses débuts par Jean-Claude Navetti, directeur de l'école publique du groupe Léo Lagrange, entouré de nombreux bénévoles, elle compte de nos jours quelque 200 licenciés. Elle travaille de façon permanente avec tous les collèges d'enseignement secondaires de La Seyne, avec les comités d'entreprises, avec le centre culturel de la Zone urbaine prioritaire (Z.U.P.).

En son sein fonctionne une école de pagaie, initiatrice des nouveaux adhérents. Deux fois par semaine, elle les forme à plusieurs sortes de kayaks : le kayak de mer, le kayak des vagues, le kayak des rivières (le Verdon par exemple).

Pour les déplacements parfois fort éloignés de la côte, le club de la Méduse dispose aujourd'hui d'un camion bien utile pour le transport des embarcations et de leurs pagaies. Son budget lui permet aujourd'hui de financer deux permanents qui assurent un bon fonctionnement de l'association.



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