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Enfant, jeune fille puis femme, Marius Autran m'était inscrit dans le paysage seynois. Une légende vivante ! La ville m'apparaissait alors comme un gros village puisque nous nous connaissions presque tous, habitants du centre. Je le savais enseignant et il avait droit à tout mon respect tel que nous le pratiquions alors. Plus tard, je rencontrai le conseiller municipal, puis l'homme politique oeuvrant pour des idéaux que je partageais.
Le temps passa, estompant les images, diluant les souvenirs jusqu'à ce jour de janvier 2001 où Marius Autran sonne chez moi, porteur de son 7e ouvrage, « Images de la vie seynoise d'antan » qu'il m'offre au nom d'Henri Tisot, autre figure locale bien connue. Il entre, on bavarde. Ajoutant le passé au présent, je découvre alors l'humaniste, le généreux conteur, la mémoire et la « bibliothèque ambulante » de La Seyne.
Il m'échoit aujourd'hui de préfacer ce huitième livre-souvenir consacré à ceux qui ont oeuvré diversement pour cette ville. La tâche n'est pas facile car, parmi ces Seynois, figure mon cousin, Raymond Dimo, autrement dit mon frère puisque nous avons partagé les mêmes espoirs, les mêmes douleurs, connu la guerre et souffert du racisme en tant qu'enfants d'immigrés italiens. Ce racisme dont d'autres familles, d'autres enfants subissent aujourd'hui les mêmes conséquences ; car l'histoire, hélas, si elle évolue globalement dans le bon sens, répète parfois ses épisodes les plus honteux. Or, la blessure des humiliations reçues ne cicatrise jamais.
Raymond Dimo est mort en septembre 1996 à l'âge de 62 ans. Une mort révoltante et injuste car ce syndicaliste rayonnant, infatigable défenseur de la classe ouvrière aux chantiers navals, a été tué par l'amiante dont il avait dénoncé très tôt les méfaits ravageurs. Le mal, qui a aussi frappé des dizaines d'autres ouvriers des chantiers, tuera encore demain, inexorablement. Mais pas sans que les victimes livrent combat et le devoir de mémoire m'impose de m'arrêter sur cette page-là, l'une des plus cruelles et scandaleuses de l'histoire locale : aujourd'hui d'autres syndicalistes se battent devant la justice des hommes, pour que les responsables de ces crimes soient châtiés.
En rangeant ces acteurs sociaux parmi les personnalités seynoises ayant marqué la vie de la cité, Marius Autran démontre sa générosité et son altruisme. On vérifiera avec son livre que La Seyne fut toujours une pépinière de talents, de caractères bien trempés, de créateurs, d'écrivains, d'artistes, d'hommes ayant su donner le meilleur d'eux-mêmes à leur ville natale. Il porte sur eux un regard à la fois lucide et souvent tendre, le regard d'un historien heureux d'arracher la plupart de ces disparus à un injuste oubli. C'est un acte d'amour pour tous ceux qui, partis rejoindre les contrées inconnues, méritent comme lui notre hommage vibrant et l'expression de notre reconnaissance.
Monique DIMO
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© Jean-Claude Autran 2016