La Seyne-sur-Mer (Var)  La Seyne-sur-Mer (Var)
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Jean-Claude AUTRAN
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Textes concernant la Biologie marine de La Seyne et de ses environs *
dans les publications de la Société d'Histoire Naturelle de Toulon
(Années 1910 à 1944)
et de la
Société des Sciences Naturelles et d'Archéologie de Toulon et du Var (Années 1946 à 2000)

* Textes publiés sur ce site avec l'autorisation de M. le Président de la Société des Sciences Naturelles et d'Archéologie de Toulon et du Var 

 

Animaux nouveaux, rares ou intéressants pour le département du Var (1910)
Visite de la Station de Biologie Marine de Tamaris (1948)
Visite de la Station Biologique de Tamaris (1956)
Décès du Professeur Charles CORDIER (1960)
Périodicité des composantes floristiques et faunistiques des peuplements marins du port de Saint-Elme (1967)
Distribution comparée de 20 dominantes du peuplement algal dans le port des Lecques et le port de Saint-Elme (1968)
Cartographie des fonds marins de la région de Toulon, par le groupe « ECOMAIR » (1975)
Répartition des biocénoses benthiques en fonction des substrats sédimentaires de la rade de Toulon (1980)
Pour un plan d'occupation des fonds marins : inventaire des herbiers de posidonies du littoral du Var (1984)
Le Mérou en Méditerranée (1993)

 




Excursion du 22 Mai 1910 - Saint-Mandrier, Les Sablettes, Tamaris

    Pour la première fois, l'excursion a été favorisée par un temps splendide. Dès l'arrivée à Saint-Mandrier, on gagne la côte nord-est de la presqu'île où la récolte commence aussitôt sous la conduite de M. A. CHARLON.

    Les botanistes recueillent dans les terrains vagues près de la mer : Glaucium flavum, Frankenia lœvis, Malva parviflora, Vaillantia muralis, Hyoscyamus albus et la forme H. major, Euphorbia Pithyusa.

    Sur la falaise, près du Château Dussaud : Helianthemum Tuberaria, Linum gallicum, Tolpis barbata, Asterolinum stellalum, Coris monspeliensis, Erythræa maritima, Globularia Alypum, Serapias cordigera, et les plantes parasites suivantes : Orobanche cruenta sur Coronilla juncea, Cytinus Hypocistis sur Cistus monspeliensis et C. salvifolius, ainsi qu'un pied de la variété rouge Kermesinus sur C. albidus, Limodorum abortivum sur les racines des pins.

    Au bord de la mer, parmi les roches, sur le sable courent nombreux les Talitrus saltator. Ces crustacés assez communs, sont parfois phosphorescents le soir ; ils doivent cette particularité à un microbe qui pullule dans leurs tissus. On découvre en outre baignant dans la mer, un roseau garni d'une colonie d'anatifes, Lepas anatifera.

    En remontant la côte, M. A. CHARLON fait remarquer dans une couche de haut permien un filon horizontal de barytine d'environ six centimètres d'épaisseur qu'ila retrouvé sur toute la côte de Saint-Mandrier à Fabrégas.

    Après le déjeuner on se dirige sur les Sablettes à travers bois. Sur les deux versants dominant le Creux Saint-Georges, se trouve la seule station française du Julodis Onopordi F., beau bupreste qui habite aussi l'Espagne et l'Algérie ; dix sujets sont pris. Dans les galets de la plage, M. BAIZET capture Atelestus Peragalloi P., malachide brachélytre aptère, spécial aussi à la presqu'île et, sur la plage des Sablettes, de nombreux Ateuchus semipunctatus.

    On trouve sur le sable quelques coquilles gastéropodes : Cerithium vulgatum, Euthria collea, Natica cruentata, Astralium rugosum, Haliotis tuberculata et pélicipodes: Lima hians, Lima inflata, Cardium edule.

    A 5 heures, M. C. VERLAQUE fait fort aimablement à la Société les honneurs de sa serre de Tamaris, vrai bijou d'installation moderne contenant une très belle collection d'orchidées et de fougères dont il serait difficile de citer toutes les richesses. Parmi celles en fleurs à cette époque, il suffira de nommer cinq espèces de Cattleya, trois de Cypripedium, autant de Phalœnopsis, des Nepenthes, Selenipedium, Lœlia, Dendrobium, Œrides, Miltonia, un superbe hybride Lœlio-Cattleya, Cantramiana var. alba et un fort beau choix d'Oncidium. Autour contrastant par la légèreté de leur feuillage, d'élégantes fougères : Adiantum, Gymnogramme, Nephrolepis, etc. Il convient de mentionner aussi les très curieux Platycerium, grande et alcicor qui vivent en épiphytes sur des plaques de liège.


Coléoptères nouveaux, rares ou intéressants pour le Département du Var, par M. R. MOLLANDIN DE BOISSY

Apalochrus flavolimbatus Muls. — Hyères ! sur les phragmites dans le marais en été ; avait été pris autrefois en nombre aux Sablettes par l'abbé THOLIN.

Holoparamœcus Bertouti Aub. — Saint-Mandrier ! (BAIZET) sous les galets des plages ; rare.

Lixus flavescens Boh. — (verus). Dans les collections, cette espèce est presque toujours confondue avec d'autres ; il vit sur des Salsolacées halophiles (Sueda splendens) sur lesquelles je l'ai pris aux Sablettes et aux Pesquiers ; à l'état frais, il est entièrement recouvertd'une exsudation jaune clair très dense.


Animaux nouveaux, rares ou intéressants pour le département du Var, par M. POURCEL.

OISEAUX

Merula vulgaris Ray. Variété remarquable par sa coloration d'un brun roux. Capturé à Six-Fours.

CRUSTACÉS.

Calappa granulata F. Jetée de St-Mandrier, Toulon.
Dromia vulgaris L. Jetée de St-Mandrier, la nuit sur les blocs.
Portunus longipes Risso. Brégaillon-La Seyne.
Talitrus saltator L. Côte nord de St-Mandrier, commun.

MOLLUSQUES

Solenocurtus candidus. Brégaillon-La Seyne.




(Extrait des Annales N° 1 - 1910).





 

M. GAIGNEBET raconte la visite de la Station de Biologie Marine de Tamaris le 3 octobre 1948. 35 participants. Le beau bâtiment sinistré a été réparé grâce à l'énergie de M. le Professeur Cordier, fermement appuyé par le Recteur de l'Université de Lyon M. Allix. Déjà cet été, des étudiants et des professeurs français et étrangers ont pu y être accueillis. Une étude spécialement consacrée à cette Station, à sa fondation par notre regretté collègue Raphaël Dubois, à son installation et à son fonctionnement sera publiée dans nos Annales.

Une étroite liaison entre cet établissement scientifique et notre Société sera profitable à chacun d'eux. M. le Professeur et Madame Cordier offrent une collation aux visiteurs qui se retirent enchantés.

(Extrait du Bulletin N° 29 - Décembre 1948).


 

Le 22 juillet 1956, une trentaine de membres de la Société ont visité la station biologique de Tamaris-sur-Mer, dirigée par M. le Professeur CORDIER. L'éminent Professeur de Physiologie leur donna des explications détaillées sur la station où viennent travailler, chaque été, plusieurs savants et étudiants. Nous renouvelons nos remerciements très sincères à Mme et M. le Professeur CORDIER pour leur si cordial accueil.

(Extrait du Bulletin N° 98 - Octobre 1956).


 

Le Dr ANDRÉ, Président, a le regret d'annoncer le décès (21 Octobre 1960) de M. Charles CORDIER (1900-1960), Professeur de Physiologie à la Faculté des Sciences de Lyon, membre d'honneur de la Société et auteur de travaux remarquables. C'était un homme d'une amabilité extrême, accueillant toujours avec courtoisie les membres de la Société, dans son laboratoire de Tamaris où il venait tous les étés.

(Extrait du Bulletin N° 131 - Novembre-Décembre 1960).


 

Périodicité des composantes floristiques et faunistiques des peuplements marins du port de Saint-Elme (Var), par le Professeur Étienne GADEA.

I. - PRÉAMBULE.

J'ai étudié les peuplements marins du port de Saint-Elme, sous l'angle écologique et sociologique, au cours des années 1966 et 1967. Ce travail s'intègre dans la progression de recherches dirigées par le Professeur Roger MOLINIER, de la Faculté des Sciences de Marseille, et relatives aux écobiocénoses marines superficielles de la Méditerranée. Il se situe plus précisément dans une succession d'analyses monographiques consacrées aux ports varois et animées par P. VIGNES dans le cadre de sa préparation de thèse de Doctorat d'État. Il constitue certainement, pour ma part, l'amorce de travaux ultérieurs qui s'orienteront cependant dans une voie sensiblement différente.

Dans leurs grandes lignes, les principes et méthodes de telles recherches ont été énoncés antérieurement (cf. bibliographie). Des relevés trimestriels approfondis, mais limités à quelques stations, sont complétés par des observations plus fréquentes et plus étendues qui permettent d'embrasser la physionomie globale des peuplements. Des représentations figurées s'ajoutent aux tableaux de relevés sociologiques qui groupent - selon des notations conventionnelles - les résultats des divers recensements. Leur dépouillement procure de multiples enseignements, notamment sur la répartition des composantes - problème à reprendre ultérieurement - et leur périodicité, unique objet du présent article.

Pour bien connaître un milieu, il faut le considérer sous tous ses aspects. L'écobiocénotique nécessite une triple enquête visant : le MILIEU, la FLORE, la FAUNE. C'est sur ce découpage que s'appuiera directement mon exposé.

II. - LES CONDITIONS ÉCOLOGIQUES ET LEURS VARIATIONS SAISONNIÈRES

Le port de Saint-Elme se situe sur la côte varoise, à l'extrémité sud-est de l'isthme sableux de la presqu'île de Saint-Mandrier, dans le prolongement de la plage des Sablettes. La configuration du port, représenté ici tel qu'il fut étudié, (Planche I) est actuellement modifiée par suite de la modernisation des aménagements entreprise en juin 1967. Mais il s'agit toujours d'un abri de superficie modeste (0,5 ha environ) et de faible profondeur.

Pêcheurs, plaisanciers et promeneurs, y entretiennent une activité permanente, modérée en hiver, beaucoup plus intense à la belle saison. Cette influence humaine interfère avec les conditions écologiques naturelles, constituant un complexe écologique au sein duquel nous distinguerons des facteurs physiques et des facteurs chimiques.

1.) - Les FACTEURS PHYSIQUES exercent une action énergétique qui se manifeste sous trois formes différentes : mécanique, photique, thermique.

a) L'agitation hydrodynamique.

À l'intérieur du bassin, le « mode » est calme, mais les vents dominants y suscitent des courants plus ou moins vifs et de direction différente. À l'extérieur des digues, l'effet mécanique des vagues et des courants est également lié à la fréquence et à la vitesse des mêmes vents. Les vents du sud et de l'est produisent une houle réfléchie qui entraîne une élévation du niveau. Le mistral pousse des lames courtes et rapprochées.

b) La lumière.

L'éclairement, par son intensité, sa durée quotidienne et sa composition spectrale, conditionne les manifestations des organismes vivants, en premier lieu et directement celles de la flore. La durée quotidienne d'insolation croît progressivement de janvier à juin, puis diminue régulièrement de juillet à décembre. Dans le milieu portuaire, les matières en suspension, abondantes à certaines époques, absorbent une fraction importante de l'énergie lumineuse. La présence d'écrans naturels (hautes frondaisons algales) ou artificielles (bateaux, quais...) , permanents ou temporaires, réduit la quantité totale de lumière directe, réfléchie ou diffuse, favorisant les espèces sciaphiles au détriment des organismes photophiles.

c) La température.

L'eau de mer se réchauffe et se refroidit moins rapidement et moins fortement que l'air (Planche II). Cependant, dans le milieu portuaire où l'eau est superficielle, mal renouvelée, l'eurythermie domine. Les températures élevées, surtout nettes à faible profondeur du fait d'une forte absorption des radiations de grande longueur d'onde, ainsi que les températures anormalement basses de certaines journées d'hiver, ont des répercussions plus ou moins accusées qui vont jusqu'à l'élimination brutale des composantes les plus sensibles.

2.) - Parmi les FACTEURS CHIMIQUES, il semble que les plus importants soient les substances polluantes qui favorisent la présence des espèces thionitrophiles. La pollution croît à partir du printemps, époque de la remise en état des bateaux de pêche et de plaisance, accompagnée de l'écoulement d'eaux sales, de détergents, de peinture, d'essence. Elle culmine en été par suite de l'activité plus grande des pêcheurs locaux qui, à leur retour, rejettent par dessus bord les surplus inutilisables de leurs récoltes, animaux et végétaux dont beaucoup sont voués à une décomposition rapide.

Tous ces facteurs. subjectivement décelés et appréciés, demeurent justiciables de mesures et de dosages précis qui se concevront surtout dans quelques années, à l'aide d'un matériel spécial actuellement à l'étude. Mais il est déjà certain que leurs fluctuations interviennent puissamment sur la périodicité de la flore et de la faune.

III. - PÉRIODICITÉ DE LA FLORE.

Dans une station donnée, les espèces observées ne se rencontrent pas tout au long de l'année avec une fréquence égale et le même développement. Les oscillations saisonnières concernent aussi bien le nombre et le volume des espèces que leur biologie.

1.) - PÉRIODICITÉ FLORISTIQUE GLOBALE.

P. VIGNES a montré que le catalogue floristique des peuplements du port des Salins d'Hyères s'appauvrissait en été et se diversifiait en hiver. Ce fait se vérifie également pour le port de Saint-Elme.

Mais il est intéressant de noter l'évolution saisonnière inverse du nombre des espèces d'une part, de la masse qu'elles totalisent d'autre part (Planche III). La biomasse est maximale en été lorsque le nombre des espèces est le plus faible. Il faut voir là probablement une donnée fondamentale de la dynamique des peuplements marins.

2.) - PÉRIODICITÉ DES GRANDS GROUPES TAXINOMIQUES.

Du point de vue pondéral, les Phéophycées affichent toujours une prédominance très nette par rapport aux Chlorophycées et aux Rhodophycées. Avec une participation de 76 %, leur avantage paraît plus évident ici que dans les autres ports étudiés où elles viennent néanmoins en tête.

Du point de vue du nombre des espèces, les rapports concurrenciels sont plus nuancés (planche III).

Les Phéophycées sont régulièrement présentes, grâce à la permanence de certaines espèces. Mais, au printemps, quelques algues brunes comme Cutleria multifida et Dilophus ligulatus font une apparition fugace.

En hiver, les Rhodophycées sont représentées par un nombre relativement élevé d'espèces sciaphiles, tandis qu'au printemps et en été se développent quelques algues rouges plus tolérantes à l'égard de la lumière.

Les Chlorophycées demeurent les plus discrètes, ne revêtant une importance de premier plan qu'au voisinage immédiat du niveau, c'est-à-dire au-dessus de mes stations de référence.

3.) - PÉRIODICITÉ DES ESPÈCES.

À chaque saison, j'ai noté la présence paroxysmale ou exclusive de certaines espèces :

- En hiver : Bangia fuscopurpurea, apparue dès l'automne ; Scytosiphon lomentaria dont le développement se poursuit au printemps ; Udotea petiolata, encore relativement épargnée par les épiphytes ; diverses Rhodophycées comme Antithamnion plumula, Chondria boryana, Rhodymenia ardissonei et Peyssonnelia squamaria.

- Au printemps : Ceramium ciliatum, C. gracillimum, Laurencia sp., Gastroclonium clavatum, se manifestant depuis la fin de l'hiver. Cutleria multifida et Dilophus ligulatus ne sont visibles qu'un mois ou deux. À la fin du printemps, dans les eaux calmes du bassin, se développe une formation nébuleuse d'algues libres, physionomiquement homogène. Elle est constituée par des thalles filamenteux d'Ectocarpales et de Cladophorales mêlées.

- En été : Cystoseira stricta à l'extérieur du port et C. fimbriata à l'intérieur ; Halopteris scoparia ; Acetabularia mediterranea.

- En automne Cystoseira crinita et C. fimbriata à l'extérieur ; Hypnea musciformis ; Rivularia mesenterica au-dessus du niveau.

Mes observations sont conformes à celles de divers auteurs et concordent, pour l'essentiel, avec celles de P. VIGNES au port des Salins d'Hyères. Une fréquentation assidue du milieu étudié, à raison de trois inspections mensuelles en moyenne, m'a en outre permis de dresser un diagramme de phénologie des composantes les plus facilement identifiables (planche IV). L'épaisseur du trait est proportionnelle à l'extension de l'espèce.

IV. - PÉRIODICITÉ DE LA FAUNE.

Comme la flore, la petite faune portuaire est sensible au cycle des saisons. Tenu compte de sa vagilité - l'éthologie prolonge alors l'écologie - elle répond également aux rythmes journaliers et à divers stimuli, notamment par des déplacements verticaux qui lui font déserter temporairement les stations choisies pour des relevés méthodiques. Aussi l'interprétation des chiffres obtenus ne doit-elle être opérée qu'avec la plus extrême prudence, certaines tendances s'avérant plus apparentes que réelles.

Une deuxième particularité de la faune, liée à la notion de chaîne alimentaire et de perte de rendement, est de totaliser une biomasse très inférieure à celle de la flore. Aussi, parmi les diverses méthodes possibles d'analyse quantitative, ai-je donné la préférence à celle qui s'appuie sur le dénombrement des individus.

1.) - PÉRIODICITÉ FAUNISTIQUE GLOBALE.

Le total des animaux récoltés pour les cinq stations de 625 cm2 de surface chacune, à l'exception des pontes et des formes rnacroscopiquement non décelables, marque un maximum en été avec 1 286 individus. La régression amorcée en automne (853) se poursuit en hiver (784). Le minimum se situe à la fin de l'hiver ou au début du printemps. Au cours du printemps, le nombre augmente à nouveau (980). Un histogramme traduit bien cette pulsation annuelle (planche V).

2.) - PÉRIODICITÉ DES GRANDS GROUPES TAXINOMIQUES.

Un tableau de valeurs numériques d'une part, un diagramme d'autre part, expriment les fluctuations saisonnières des principaux groupes. Pour les Gastropodes, la régression - peut-être anormale - enregistrée au printemps et en été semble en relation avec la fréquentation plus active du port par les enfants qui raclent journellement les quais avec leurs épuisettes.

3.) - PÉRIODICITÉ DES ESPÈCES.

Comme je l'ai indiqué, les déterminations faunistiques de mes prélèvements par des spécialistes ne sont pas encore achevées. Deux exemples suggestifs illustreront cependant la complexité des liens qui unissent les organismes à leur ambiance :

Le premier est fourni par un petit crabe, Acanthonyx lunulatus, recueilli dans les touffes de Cystoseira stricta, au lieu désigné « station IV ». Ses pattes, terminées par des pinces, lui permettent de s'agripper solidement et de résister aux assauts des vagues, dans ce secteur de mode battu. Il est curieux d'observer, mais en été seulement, des femelles avec leur ponte au sommet des buissons de cystoseires. Il serait intéressant d'expliquer, à l'aide d'appareils à préférendums, ce comportement qui peut être dû à un besoin spécial d'oxygène, de chaleur ou d'aliments.

Le deuxième est donné par un Annélide Polychète, Platynereis dumerili, présent dans toutes les stations. Très tolérante, cette espèce se révèle cosmopolite. On sait que les Polychètes présentent souvent, au moment de leur reproduction, des phénomènes d'épitoquie. Le nombre et la taille des individus récoltés prouvent, dans le cas présent, que la reproduction s'est accomplie au cours de l'été. Plusieurs auteurs ont montré que la maturité sexuelle est soumise aux phases lunaires et que l'essaimage des heteronereis dépend d'un phénomène photopériodique : si le ciel est couvert à l'époque de la pleine lune, la ponte est différée d'un mois.

Ces deux exemples montrent que l'ambiance agit sur la périodicité des espèces animales, en intervenant par exemple sur leur aptitude à se nourrir ou à se reproduire.

V. - CONCLUSION

Mes recherches, localisées dans le port de Saint-Elme et dont je n'ai pu évoquer ici que les éléments restreints, devraient apporter une certaine contribution à diverses disciplines.

Du point de vue systématique, lorsque les déterminations animales seront achevées dans les laboratoires spécialisés, elles enrichiront le volet biologique de la fiche d'identité de certaines espèces, parfois encore insuffisamment connues.

Du point de vue écologique, leur apport est inégal selon l'échelle envisagée.

- Elles confirment

1. - le fait d'un déterminisme à la fois climatique, édaphique et biotique, de la chronologie et de la distribution des espèces, au sein de la biosphère tout entière. Ce fait est déjà solidement établi par ailleurs. Sous l'angle chronologique, par exemple, les modifications périodiques du milieu et les aptitudes biologiques des organismes interfèrent, justifiant les fluctuations spécifiques qu'il est donné partout de mettre en évidence.

2. - l'originalité des milieux aquatiques en général, du milieu marin plus particulièrement, avec pour première conséquence la présence exclusive ou préférentielle de nombreux groupes taxinomiques, Polychètes par exemple.

3. - l'originalité de la Méditerranée, liée notamment à des conditions thermiques et photiques différentes de celles qui règnent sur nos côtes de l'Atlantique, de la Manche et de la Mer du Nord. Elle explique, non seulement la présence d'endémiques comme Rissoella verruculosa, mais encore la chronologie modifiée d'espèces à distribution plus lâche comme Padina pavonia.

- Elles devraient se révéler davantage constructives dans l'optique de l'écobiocénotique portuaire, surtout plus tard lorsque la confrontation des relevés de nombreuses localités différentes, apportera les bases statistiques indispensables pour une tentative de généralisation valable.

- En tant que monographie particulière, elles soulignent la personnalité d'un milieu qui ne trouvera certainement nulle part sa réplique parfaite, du fait que ne seront jamais réunies des conditions strictement identiques, sous l'angle par exemple du contexte géographique ou de l'influence humaine. C'est sans doute l'aspect le plus attachant de telles recherches.

Achevé au Laboratoire de Biologie Végétale
de la Faculté des Sciences de Marseille-Luminy.
BIBLIOGRAPHIE

FELDMANN (J.), 1937. - Recherches sur la végétation marine de la Méditerranée. La côte des Albères. Thèse. Rouen.

MOLINIER (Roger), 1960. - Etude des biocénoses marines du Cap Corse. Vegetatio, Haag, 9, p. 121-312.

MOLINIER (Roger) et VIGNES (Pierre), 1966. - Les problèmes de l'Écobiocénotique dans les domaines continental et océanique. Journées d'Écologie de Marseille. Centre Régional de Documentation Pédagogique d'Aix-Marseille, 22 pages.

SICSIC (M.) et VIGNES (P.), 1966. - L'intérêt biologique des milieux portuaires. Ann. Soc. Sc. Nat. et Arch. de Toulon et du Var, N° 18, 16 pages.

VIGNES (P.), 1965. - Principes et méthodes d'étude des peuplements littoraux superficiels. Information Scientifique, N° 1, 1965, 7 pages.

VIGNES (P.), 1965. - Contribution à l'étude écologique et phytosociologique des peuplements marins du port des Salins d'Hyères (Var). L'Information Scientifique, N° 3, 1965, 21 pages.

VIGNES (P.), 1966. - Quelques problèmes relatifs à la distribution des espèces en milieu marin. L'Information Scientifique, N° 2, 1966, 22 pages.

(Extrait des Annales N° 19 - 1967).


 

Distribution comparée de 20 dominantes du peuplement algal dans le port des Lecques et le port de Saint-Elme (Var), par Antonia CARVOU, Etienne GADEA, Pierre VIGNES.

La présente étude s'inscrit dans un programme de recherches écobiocénotiques marines dirigées par le Professeur Roger MOLINIER de la Faculté des Sciences de Marseille.

Elle entre dans le contexte plus spécialisé d'une entreprise d'exploration méthodique des milieux portuaires varois, animée par l'un de nous (P. VIGNES) dans le cadre de sa Thèse de Doctorat d'Etat, en préparation.

Elle s'appuie sur une partie des travaux personnels des deux premiers signataires, recherches localisées dans le port des Lecques (A. CARVOU) et le port Saint-Elme (E. GADEA) et qui sont exposées in extenso dans leurs mémoires respectifs de Diplômes d'Études Supérieures (1967).

I. - PRINCIPES DIRECTEURS

Les notions exposées ici proviennent de la rencontre d'une méthode de travail et d'un certain type de milieux naturels.

- La méthode est celle des cartes de distribution d'espèces à très grande échelle (P. VIGNES, 1966).

Elle a fait déjà l'objet de plusieurs démonstrations, à des fins de recherche ou de pédagogie, dans un certain nombre de petites « localités » terrestres ou marines. Elle permet de hiérarchiser, par rapport à tel ou tel facteur écologique, les besoins relatifs d'espèces territorialement voisines, ou encore ceux d'une même espèce par rapport à plusieurs facteurs. Pour ce faire, les cartes de distribution locale sont comparées deux à deux et logiquement classées.

Les présomptions réunies n'ont qu'une valeur qualitative. Mais elles préparent utilement des missions ultérieures de mesures et d'enregistrements de longue durée, climatiques et édaphiques. Elles permettent de choisir à bon escient les points critiques d'une localité où des coups de sonde écologiques trouveront le plus leur justification. Elles représentent une formule d'attente pour les biotopes marins benthiques, tant que les instruments appropriés - notamment l'ÉCOMÈTRE polyvalent actuellement à l'étude - ne sont pas disponibles.

Figure 1. - Topographie des deux ports.

- Les milieux naturels sont ceux que recréent paradoxalement les petits ports, par le jeu d'une sorte de prescription qui efface très vite le caractère d'abord artificiel de leurs aménagements. En règle générale, la flore algale s'y développe sans subir d'intervention intentionnellement sélective de la part de l'homme. Malgré l'emprise du béton et le déversement fréquent d'immondices, les peuplements peuvent y être considérés comme beaucoup plus spontanés que dans nos vertes campagnes où l'on laboure, taille, arrache, répand herbicides et insecticides, contrariant constamment les tendances dynamiques locales.

En outre, les milieux portuaires sont clairement et fortement architecturés. Ils réunissent des conditions écologiques à la fois variées d'une station à l'autre et nettes dans une même station où elles demeurent homogènes sur d'assez grandes longueurs.

On conçoit l'étendue des promesses d'une méthode suggestive et d'application rapide dans des champs d'investigation aussi complaisants.

II. - CHOIX DES EXEMPLES

Trois options étaient à considérer, relatives l'une aux ports à comparer, la seconde aux espèces à mettre en parallèle, la troisième au mode précis de représentation à adopter.

- Choix des ports.

Onze ports varois ont fait l'objet jusqu'à ce jour d'études écologiques et phytosociologiques axées sur la macroflore. Parmi eux. le port des Lecques et le port de Saint-Elme (figure 1) se prêtent à une confrontation constructive.

Ils ont été étudiés la même année (1966) et les anomalies météorologiques de cette période n'ont pu que jouer dans un même sens sur leurs peuplements respectifs. Leur superficie est du même ordre de grandeur (0,8 hectare environ). Tous deux comportent une jetée principale coudée avec une section N-S et une section W-E. À l'origine de cette jetée, un pont fait communiquer les eaux libres avec celles du bassin en maintenant un courant qui s'oppose à un envasement trop rapide. Peu profonds (&endash; 2 m dans le chenal d'entrée) les deux bassins n'hébergent que de petites embarcations de pêche et de plaisance, spécialement nombreuses en été. Les bateaux mouillent jusqu'au centre du plan d'eau où ils sont accessibles, soit à pied (Saint-Elme), soit au moyen de deux longs pontons (Les Lecques). Chacun des deux ports reçoit le débouché d'un égout dont le débit est maximal à la saison touristique.

Certaines différences sont cependant notables. Le port de Saint-Elme est situé dans l'anse des Sablettes. Il est adossé à la côte par son côté oriental. Sa contre-jetée est au nord et sa passe au nord-ouest. Le port des Lecques se trouve dans la baie de La Ciotat, à plus de 20 km à vol d'oiseau du précédent dont le séparent des accidents marqués de la ligne du littoral, le promontoire du Cap Sicié en particulier. Il s'accote au rivage par son bord septentrional. Sa contre-jetée est à l'est et sa passe au sud-est.

- Choix des espèces.

Un effort de coordination a été tenté dans l'animation des diverses recherches portuaires varoises, Il était nécessairement limité, du fait que l'on peut préjuger jusqu'à un certain point seulement de l'importance que revêtira en définitive telle ou telle composante du milieu étudié. En pratique, les peuplements ont donc été analysés d'une manière relativement autonome aux Lecques et à Saint-Elme, respectivement par A. CARVOU et E. GADEA qui n'étaient pas en rapport de travail direct et ne pouvaient se concerter. Or, sur 26 espèces cartographiées dans un cas et 36 dans l'autre, 20 espèces sont communes aux deux localités, celles-là même dont les aires locales sont reproduites ci-contre (figure 2).

Figure 2 - Aires locales de 20 dominantes algales.

Il ne s'agit d'ailleurs pas exactement de 20 espèces mais de 20 genres, espèces et formes. Sur 22 espèces, l'une d'elles a été dissociée en deux formes aisément reconnaissables in situ (Cystoseira fimbriata). Inversement, six autres espèces (Enteromorpha compressa et E. intestinalis, Laurencia pinnatifidea et L. undulata, Ulva lactuca et U. rigida) ont été regroupées au niveau générique : on ne pourrait les distinguer mieux à coup sûr qu'à la condition d'examiner un à un tous leurs individus, opération très longue et de surcroît nuisible à l'intégrité des peuplements.

- Choix d'un mode précis de représentation.

Lorsque l'aire locale d'une espèce est très étalée en projection horizontale, elle peut et doit être concrétisée par une tache aux limites exactes. C'est ainsi que l'on procède dans la plupart des milieux naturels.

Mais, dans les ports, l'aire d'une espèce est généralement linéaire parce qu'elle s'inscrit dans une zonation serrée et qu'en outre les aménagements en dur émergent étroitement de fonds meubles - à l'intérieur comme à l'extérieur - où les algues ne peuvent s'établir durablement. Par souci de lisibilité, la distribution d'une composante est alors traduite par un liséré dont l'épaisseur est nécessairement excessive au regard de l'échelle cartographique réelle. On peut donc conférer à cette épaisseur une signification symbolique, relative par exemple au degré d'abondance-dominance, à la sociabilité, à la vitalité ou encore à une notion globale et subjective de « luxuriance ».

De même l'emplacement d'un point ou d'un tiret n'est pas l'affirmation de la localisation plane d'une touffe au mètre près. La continuité ou l'intermittence du trait suggère conventionnellement l'étirement ou la dislocation de l'espèce au sein de la ceinture de végétation qui l'héberge.

Il est encore prématuré de songer à l'établissement de règles graphiques à la fois précises et généralisables. Les membres de notre équipe ont procédé jusqu'à présent, selon leurs tempéraments, d'une manière intuitive ou selon des conventions personnelles mieux formulées, appliquées à titre d'expérimentation méthodologique.

La représentation cartographique (figure 2) a été homogénéisée pour les besoins de cet exposé. Dans l'un des deux ports, les îlots de végétation étaient fréquemment figurés par des croix que nous avons remplacées ici par des points. Mais les remaniements des cartes se sont limités à cette correction de pure forme.

Figure 3 - Affinités écologiques présumées de quelques algues présentes dans les milieux étudiés.

III. - INTERPRÉTATION ÉCOLOGIQUE

Un certain nombre de présomptions écologiques sont proposées dans le tableau ci-joint (figure 3), en regard des noms d'algues classés par ordre alphabétique. La vérité nous oblige à dire qu'elles ne sont pas intégralement déduites des cartes monospécifiques des Lecques et de Saint-Elme. La fréquentation directe et répétée des milieux de référence a familiarisé A. CARVOU et E. GADEA avec des aspects de l'agencement des peuplements - zonation verticale en particulier - que les cartes ne restituent pas et pour lesquels conviendraient des figures complémentaires (profils, panoramas, perspectives). Une telle illustration n'a pu être retenue dans le cadre de la présente étude.

Par ailleurs les contacts assidus de P. VIGNES avec d'autres biotopes marins, portuaires ou sauvages ; ses notations personnelles dans des publications antérieures réalisées isolément ou avec la collaboration d'autres membres de l'équipe (E. BENSIMON, A. MEZE, M. PASTORE, M. SICSIC) ; l'expérience transmise dans leurs écrits par les grands écologistes marins (J. FELDMANN, Roger MOLINIER...) ; les communications verbales ; tous ces éléments de renfort sont venus étoffer notre échafaudage de quelques assurances supplémentaires. En toute éventualité, il n'y a pas de contradiction entre nos observations locales et les faits déjà bien établis qui ne méritaient qu'un rappel. Même si des amendements ultérieurs sont inévitables dans le détail, l'ensemble de notre tentative paraît cohérent.

Nous envisagerons successivement les effets de l'agitation, de l'éclairement, de la pollution. ainsi que d'autres circonstances écologiques non mentionnées dans le tableau.

- L'agitation.

Trois degrés ont été envisagés. Le signe +++ se rapporte à la zone superficielle du secteur le plus battu, à l'extérieur de la jetée principale. Le signe ++ concerne la zone superficielle des autres secteurs extérieurs, semi-battus. Le signe + convient pour l'intérieur du bassin à tous les niveaux et les zones extérieures, plus profondes, de mode calme.

Il va de soi que, dans des biotopes différents, inobservables dans les localités prises pour exemple, le signe 0 (zéro) pourrait être affecté aux zones profondes tout à fait épargnées par les mouvements oscillants de surface ; le signe ++++ traduirait une agitation très vive, telle que celle qui prévaut au niveau des bourrelets et trottoirs à Lithophyllum tortuosum notamment.

L'agitation comporte des effets directs et des effets indirects.

°Effets directs : le facteur mécanique.

Rien ne prouve actuellement d'une manière décisive que l'énergie cinétique ait une action physiologique favorable sur les espèces de mode battu. Il n'est pas impossible cependant qu'elle soit, chez certaines d'entre elles, un excitant de l'activité sécrétoire des cellules, bénéfique pour la croissance et le développement des thalles.

Il est certain, par contre, qu'elle est nuisible à de nombreuses espèces qu'elle empêche de s'installer durablement. Seules résistent des algues adaptées, munies de dispositifs de fixation appropriés (disque adhésif de Cystoseira stricta, cellule basale renforcée par des rhizoïdes internes chez Bangia fuscopurpurea...) et que la forme et la consistance de leur thalle prémunissent contre l'arrachement : thalle coriace de Cystoseira stricta, filamenteux souple de Bangia fuscopurpurea, caoutchouteux de Nemalion helminthoides, en rosette courte et élastique des Laurencia, etc... Chez Cystoseira fimbriata, deux formes très distinctes traduisent une adaptation non héréditaire (ou accommodation), déjà signalée par les algologues et maintes fois vérifiée dans les ports. À l'extérieur, en mode battu, c'est la forme en rosette courte dressée, très superficielle, présentant une convergence trompeuse avec Laurencia undulata. À l'intérieur, en mode calme, c'est la forme longuement rameuse, flottant à l'aide d'aérocystes et implantée sensiblement plus bas.

°Effets indirects sur le facteur thermique.

Dans les zones battues, l'amplitude de variation des températures est faible. FELDMANN (1938) suppose que Cystoseira stricta doit à son caractère sténotherme sa relégation dans les biotopes superficiels battus. Il en est sans doute de même de Sphaerococcus coronopifolius que l'on observe non seulement dans des anfractuosités rocheuses relativement superficielles où la turbulence des eaux est forte, mais aussi sur les fonds concrétionnés coralligènes où l'agitation de surface ne répercute plus d'écho et où les températures demeurent à peu près constantes. C'est un cas - parmi d'autres - de répartition bicéphale.

Le caractère sténotherme d'espèces d'affinités froides comme Bangia fuscopurpurea et Nemalion helminthoides se traduit par leur distribution dans les secteurs battus mais aussi - parce qu'elles sont médiolittorales - leur disparition estivale complète. Décalée dans le calendrier de phénologie, Acetabularia mediterranea d'affinités tropicales ne porte son disque en ombrelle qu'à la belle saison.

À l'opposé, les espèces fortement eurythermes comme les ulves, les entéromorphes, prolifèrent toute l'année dans les bassins portuaires calmes, froids l'hiver, surchauffés l'été.

Certaines espèces de mode calme ou de mode semi-battu sont figurées sur les cartes dans des secteurs agités. Mais il convient de préciser qu'elles se localisent alors plus profondément. Le signe P est substitué au signe +++ sur le tableau récapitulatif dans tous les cas où l'on observe un tel comportement.

- L'éclairement.

Les signes +++, ++ et + correspondent à une échelle de valeurs non seulement subjective mais trop restreinte. Ils s'avèrent cependant commodes et se comprennent intuitivement, comme dans le cas de l'agitation. Ici encore on peut imaginer d'autres valeurs extrêmes, soit ++++ (eaux très limpides et forte réverbération) et 0 (nuit complète en profondeur) qui ne se manifestent pas dans les deux localités prospectées.

Dans les petits ports, les composantes de la macroflore sont en majorité photophiles. En sous-strate se développe tout un cortège de petites espèces plus ou moins sciaphiles qui ne sont guère cartographiables présentement et dont nous ne ferons pas davantage état.

Les seules grandes espèces franchement sciaphiles représentées ici sont au nombre de trois : Udotea petiolata à l'intérieur, Sphaerococcus coronopifolius à l'extérieur, Dictyopteris membranacea de part et d'autre de la jetée. Cette distribution dissemblable tient à l'interférence d'un même caractère sciaphile avec des affinités inégales pour l'agitation. Le moindre éclairement résulte, soit de l'orientation générale du quai (Udotea, Dictyopteris pro parte), soit des accidents de la microtopographie, anfractuosités, surplombs (Sphaerococcus, Dictyopteris pro parte).

Des espèces photophiles se développent paradoxalement du côté ombragé des jetées. Mais elles n'y occupent alors qu'une situation très superficielle, traduite sur le tableau par la lettre S.

- La pollution.

Il s'agit d'une notion écologique complexe. De l'activité humaine résulte l'accumulation de substances primitivement absentes ou à l'état de traces dans les eaux marines : composés azotés rejetés par les égouts, composés soufrés libérés par fermentation d'ordures et de cadavres in situ, mazout et produits chimiques industriels plus ou moins accidentellement répandus.

Faible à l'extérieur des jetées (+), la pollution devient forte dans les bassins où les eaux sont peu renouvelées (++) et même très forte au plus profond des réduits portuaires ou face aux égouts (+++). Elle serait encore plus forte (++++) au débouché en mer de collecteurs urbains, ainsi que dans les grands ports ouverts aux bateaux de gros tonnage (Marseille, Toulon...). Les secteurs côtiers où elle s'annule pratiquement (0) deviennent l'exception.

Pour une espèce donnée, les matières polluantes sont toxiques dès que leur taux atteint un certain seuil, fréquemment dépassé localement de nos jours. Cystoseira stricta, par exemple, semble très sensible à leurs méfaits comme l'indique sa régression au voisinage de Marseille.

Beaucoup d'espèces font preuve d'une tolérance plus grande et il est difficile, dans l'état présent de nos acquisitions, de préciser les conditions optimales de leur développement en fonction de la pollution. C'est pourquoi nous nous sommes généralement abstenus, sur le tableau, d'encadrer tel ou tel, signe en marquant par là une préférence supposée.

Quelques algues enfin apparaissent comme positivement « thionitrophiles ». Ce terme proposé à titre provisoire par l'un de nous (P. VIGNES 1965) correspond à une certitude tout en constituant un constat d'ignorance. Ignorance car il est encore difficile de savoir lesquelles des matières azotées et des matières soufrées, dissociées au cours de la minéralisation bactérienne des protides, sont les plus déterminantes. Certitude car les espèces thionitrophiles atteignent un développement paroxysmal dans les secteurs les plus pollués des bassins portuaires, à proximité des égouts notamment (+++).

Aux Lecques et à Saint-Elme, c'est le cas pour les Ulva, les Enteromorpha et Scytosiphon lomentaria. Dans le premier port, ces algues occupent de concert tout le pourtour des deux longs pontons médians. Dans le second, elles coexistent sur l'épaulement rocheux qui borde sur une certaine longueur le fond du bassin. Dans notre optique anthropocentrique, il serait tentant d'en faire les parias des peuplements étudiés, au sein de sortes de ghettos phytosociologiques, végétant dans des stations déshéritées que les espèces concurrentes leur abandonnent. Mais le beau développement qu'elles y affichent exclut tout soupçon de misère biologique.

- Autres circonstances écologiques.

Certaines données écologiques n'ont pas été méthodiquement recensées dans le tableau récapitulatif. Leurs variations ne sont pas étroitement calquées sur le tracé de la ligne de rivage et les besoins des espèces à leur égard se déduisent mal - ou nullement - de la lecture des cartes monospécifiques. Quatre d'entre elles méritent cependant quelques commentaires.

°La nature physique du substrat.

De la consistance meuble ou compacte du substrat dépend l'efficacité du facteur mécanique sous l'angle de l'arrachage.

On redécouvre à Saint-Elme et aux Lecques un tryptique habituel dans les petits ports et déjà signalé à propos des Salins-d'Hyères (P. VIGNES 1966). Les algues s'installent aisément - bien que sélectivement en fonction du mode - sur les aménagements les plus superficiels en « dur », roche en place, rochers rapportés, béton. Plus bas, malgré la diminution de l'énergie cinétique des vagues, la végétation disparaît sur les fonds sableux, vaseux ou jonchés de débris végétaux (litière de posidonies). Plus bas encore, à quelque distance des ports proprement dits, l'effet des vagues s'annule plus ou moins complètement, ce qui permet l'implantation d'herbiers phanérogamiques.

L'existence d'un « no man's land » végétal explique l'étroitesse déjà signalée ci-dessus, des liserés de répartition des espèces sur les cartes. Quelques exceptions qui se manifestent sur les cartes monospécifiques retiendront un instant notre attention.

Au sud du port de Saint-Elme, une plate-forme littorale gréseuse, accidentée dans le détail mais sans pente appréciable, brusquement terminée par une marche, héberge un certain nombre d'espèces de l'Ordre des Cystoseiretalia, Roger MOLINIER 1958. Cinq d'entre elles ont été cartographiées ici. (3 caractéristiques et 2 compagnes).

À Saint-Elme également, le bassin portuaire héberge de belles touffes de la forme longue de Cystoseira fimbriata, exprimée ici par conjonction du mode calme et de la dispersion de quelques cailloux ou tessons sur le fond.

Aux Lecques, les ulves colonisent une partie du bassin parce que des dalles rocheuses affleurent largement au milieu des sédiments.

Quant à la tache massive de Falkenbergia rufolanosa dans le même port, elle correspond aux épaves d'innombrables individus de cette Rhodophycée épiphyte, mal prémunie contre l'arrachement, mais apte à survivre longtemps, posée ou flottant près du fond dans les cuvettes calmes.

°La nature chimique du substrat.

On sait actuellement que la nature siliceuse ou calcaire du substrat est moins indifférente aux algues qu'on l'a longtemps cru. Certes, c'est dans leur ambiance liquide que les thalles puisent directement les substances minérales nécessaires à leur métabolisme. Mais le phénomène important de la fixation superficielle suppose des mécanismes chimiques de contact encore mal connus.

Le caractère silicicole de l'endémique méditerranéenne Rissoella verruculosa (Observée à Saint-Elme mais non aux Lecques et, par suite, non figurée dans cet article) est établi avec certitude. Les présomptions sont beaucoup moins avancées dans le cas général et nous ne nous étendrons pas davantage sur cette question, promise à d'importants prolongements.

°L'eau.

Les espèces marines sont presque toutes aquatiques strictes. Le problème de la résistance à la déperdition d'eau ne se pose que pour les algues de l'étage médiolittoral.

Bangia fuscopurpurea et Nemalion helminthoides retiennent fortement l'eau par basse mer, du fait de leur richesse en mucilages. Si la dessiccation est cependant poussée, par suite d'une émersion prolongée sous un fort ensoleillement, ces algues se déshydratent fortement. Mais, douées de reviviscence, elles récupèrent en quelques instants le volume, la consistance, la coloration qui les caractérisaient en période d'activité.

Les Enteromorpha et Scytosiphon lomentaria se comportent différemment. À l'extérieur, en mode battu, elles sont médiolittorales dans des secteurs où les vagues entretiennent leur humectation, même quand le niveau moyen de la mer est bas. Par mer à la fois basse et calme, elles retiennent l'humidité par capillarité sous le tapis continu des thalles allongés, souples, à forte sociabilité. Mais elles résistent mal à une dessiccation poussée et prolongée.

Les mêmes algues deviennent franchement infralittorales, quoique superficielles, à l'intérieur des bassins. Non seulement leur station diffère et leur sociabilité diminue mais leur forme se modifie sensiblement. Les thalles deviennent plus largement tubuleux, s'enrichissent en sécrétions gazeuses ce qui favorise leur flottaison.

°Les chlorures.

Les algues marines sont en majorité sténohalines-halophiles. Quelques espèces cependant sont euryhalines-halophiles : les algues médiolittorales, comme Bangia fuscopurpurea, supportent aussi bien l'élévation du taux de salinité par évaporation à marée basse que le dessalement sous les averses. Les espèces typiquement portuaires, ulves, entéromorphes, scytosiphons, admettent également des variations de chlorinité appréciables du fait des déversements d'eaux usées, de la dilution produite par les pluies d'orage ou, au contraire, des concentrations locales et temporaires, en été, dans le réduit le moins soumis au renouvellement des eaux.

CONCLUSION

Les études réalisées jusqu'à ce jour par notre équipe permettent de tracer un « portrait-robot » d'un certain type de milieux portuaires. Il s'agit de ports petits ou moyens où la pollution n'est pas excessive au point de devenir la donnée écologique primordiale - et limitante - et représente seulement un groupe de facteurs discriminants parmi d'autres. Par leur latitude, leur voisinage, ils s'inscrivent dans un même contexte climatique-régional et biogéographique. Les influences climatiques locales y font preuve d'une certaine constance : du fait de l'orientation générale des côtes varoises, ils font face pour la plupart au sud (Les Lecques...), à l'est (Saint-Elme) ou à l'ouest (Saint-Pierre-d'Hyères). Rares sont ceux qui sont tournés vers le nord (Saint-Mandrier).

Trois types de peuplements s'y observent :

- A l'extérieur, le spectre de zonation verticale est net et étalé. Les espèces médiolittorales y sont bien représentées. Celles des horizons supérieurs de l'étage infralittoral sont à rattacher surtout à l'Ordre des Cystoseiretalia, Roger MOLINIER 1958. Cystoseira stricta est le chef de file de ce groupe phytosociologique. Ses exigences (mode battu, sténothermie, fort éclairement, pollution minime) y sont bien satisfaites.

On observe cependant à l'extérieur des jetées quelques espèces qui - pour ne pas être strictement inféodées aux milieux portuaires - ne semblent pas moins y trouver leurs conditions d'existence optimales et marquer pour la pollution plus qu'une simple tolérance. Tel serait le cas de Bangia fuscopurpurea et de Ceramium ciliatum qu'il est tentant de considérer comme des préférentielles semi-portuaires.

- A l'intérieur des jetées coexistent des espèces tolérant une pollution moyenne mais dont les besoins les plus accusés diffèrent. Les unes exigent avant tout un mode calme, d'autres un éclairement médiocre. Telles sont ici Cutleria multifida, Cystoseira fimbriata forme longue, Dictyota dichotoma, Dictyopteris membranacea, Udotea petiolata, etc... Ces peuplements hétérogènes, variables d'un port à un autre, ne peuvent dès à présent prendre place dans une même unité phytosociologique définie. Leur existence est néanmoins un fait général dans les petits ports. Il semble qu'ils n'aient pas la signification qui leur était d'abord accordée d'une « frange d'interférence » entre des blocs phytosociologiques en compétition ; qu'ils ne soient pas appelés à glisser latéralement au cours du temps, dans le cadre d'une évolution dynamique qui amènerait la suprématie progressive des éléments de l'un des camps principaux. Ce sont en fait des faciès de transition, constants dans la mesure où la silhouette des ports demeure elle-même à peu près constante.

- Au fond des réduits portuaires, la zonation verticale se ramène à sa plus simple expression. Une seule ceinture demeure souvent reconnaissable. Les peuplements sont affiliés à l'Ordre des Ulvetalia Roger MOLINIER 1958, caractéristique des milieux portuaires. Les Ulva y apparaissent comme les chefs de file indiscutables. De mode calme, eurythermes et euryhalines, thionitrophiles, fortement photophiles, elles apportent ici la démonstration parfaite de leurs préférences et de leurs tolérances. Comme beaucoup d'espèces terrestres nitrophiles, elles tendent au cosmopolitisme. Les conditions chimiques localement réalisées semblent plus déterminantes que les conditions physiques et leur confèrent une relative indépendance à l'égard des climats zonaux.

Il est permis en outre d'estimer qu'une Association végétale, caractérisée par des écotypes particuliers des ulves, des entéromorphes et des scytosiphons, accompagnée d'une faune spéciale, y réalise une biocénose originale. Cette biocénose fera l'objet d'une description prochaine quand ses éléments de diagnose seront plus serrés par le renfort de la microflore et de la microfaune.

Tels sont quelques-uns des enseignements tirés de la mise en pratique de la méthode de cartographie monospécifique dans les milieux de vie portuaires.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

BENSIMON E., MEZE A., PASTORE M. et VIGNES P., 1966. - Rapports entre la forme et la distribution de quelques algues du littoral varois. - Annales de la S.S.N.A.T.V.

FELDMANN J., 1938. - Recherches sur la végétation marine de la Méditerranée ; la côte des Albères. - Revue Algologique, tome X, fasc. 1-4.

GADEA E., 1967. - Périodicité des composantes floristiques et faunistiques des peuplements marins du port de Saint-Elme (Var). - Annales de la S.S.N.A.T.V.

MOLINIER Roger, 1960. - Étude des biocénoses marines du Cap Corse. Vegetatio, volume IX, fasc. 3-5.

MOLINIER Roger et VIDAL M., 1963. - Études écologiques et biocénotiques dans la baie du Brusc (Var). Contribution à l'étude du peuplement infralittoral de substrat solide dans le port du Brusc. - Bulletin de l'Institut Océanographique de Monaco, volume 61, n° 1273.

MOLINIER Roger et VIGNES P., 1966. - Les problèmes de l'écobiocénotique dans les domaines continental et océanique. - Annales du C.R.D.P. d'Aix-Marseille.

SICSIC M. et VIGNES P., 1966. - L'intérêt biologique des milieux portuaires. - Annales de la S.S.N.A.T.V.

VALLET G. et VIGNES P., 1967. - Les composantes floristiques, faunistiques, climatiques et édaphiques d'un milieu de vie naturel ; les effets écologiques de leurs rapports - Annales du C.R.D.P. d'Aix-Marseille.

VIGNES P., 1965. - Contribution à l'étude écologique et phytosociologique des peuplements marins du port des Salins-d'Hyères (Var). L'Information Scientifique, n° 3.

VIGNES P., 1966. - Quelques problèmes relatifs à la distribution des espèces en milieu marin. - L'Information Scientifique, n° 2.

VIGNES P., 1966. - Étude écologique et phytosociologique du peuplement végétal d'un petit domaine. - Annales du C.R.D.P. d'Aix-Marseille.

VIGNES P., 1968. - Étude écologique de peuplements marins superficiels sur substrat rocheux. - Annales du C.R.D.P. d'Aix-Marseille.

N.B. 1 : À cette liste, il convient d'ajouter les mémoires des D.E.S. soutenus à la Faculté des Sciences de Marseille-Saint-Charles par : VIDAL M. (1962), VIGNES P. (1964), SICSIC M. (1966), BENSIMON E. (1967), CARVOU A. (1967), GADEA E. (1967), MAGGI P. (1967).

N.B. 2 : Nous avons cité ici seulement les travaux concernant :

- l'écologie des algues méditerranéennes.
- la vie dans des milieux portuaires du littoral méditerranéen français.
- la cartographie monospécifique à très grande échelle (méthode et applications).

(Extrait des Annales N° 20 - 1968).


 

PROTECTION DE LA MER : Cartographie des fonds marins de la région de Toulon, par le groupe « ECOMAIR », par Jean-Marie ASTIER, Professeur au C.E.S. Bazeilles.

(...).

I. - Le groupe d'Écologie Marine ou « ECOMAIR-TOULON ».

1. - Son origine. Ainsi lors d'une séance de travail écologique tenue le 9 avril 19 7 3 à la mairie de Toulon à l'initiative de M. Henri Fabre, l'adjoint au maire, et du docteur François Trucy, conseiller municipal délégué aux Espaces Verts, il fut créée une Commission extra municipale d'Ecologie marine. Le commandant Philippe Tailliez, membre du Comité Scientifique de Port-Cros, fut alors investi des plus larges responsabilités pour organiser, promouvoir, et rendre opérationnel un groupe d'écologie marine baptisé "Ecomair-Toulon" dont les activités s'inscrivent dans le cadre de la Commission extra municipale d'Ecologie marine.

Cette organisation à caractère purement civique, profitant des expériences acquises par 10 ans de campagnes océanographiques à Port-Cros, poursuivrait, selon un programme à long terme, des études écologiques localisées au milieu marin situé en regard de l'aire toulonnaise, de Sicié à la presqu'île de Giens.

(...).

III. - RECHERCHES ACTUELLEMENT EN COURS PAR LE GROUPE ECOMAIR

La cartographie sous-marine entreprise est une sorte de cadastre actuel des fonds marins ; c'est le point zéro pour savoir où en est le patrimoine de la flore et de la faune. Dans une dizaine d'années, ces cartes permettront d'apprécier l'évolution des peuplements.

Avec tout son dynamisme, le lieutenant de vaisseau Jean-Marc Plançon a organisé les diverses Campagnes d'Océanographie de 1973, et a donné l'impulsion nécessaire pour intéresser et même passionner les plongeurs-démineurs à des travaux sortant de la routine habituelle.

1. - En rade abri à Toulon.

L'inventaire eut lieu en août 1973, il fut effectué 44 radiales représentant 25 kilomètres de longueur et couvrant 320 hectares qui ont permis la réalisation d'une carte au 1/5 000e. C'est le biologiste Pierre Maggi de l'Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes de Nantes qui anima cette campagne océanographique et il fut amené à constater que la baie de La Seyne et du Lazaret devait être encore recouvert, il y a une centaine d'années, d'herbiers de Posidonies, de Cymodocées et de Zostères. La construction de la « grande jetée » de 1878 à 1881 a transformé la rade abri en piège à vase et les Posidonies qui ne tolèrent pas des eaux turbides n'ont pu survivre. Les mollusques bivalves abondent dans la baie du Lazaret. Outre la mytiliculture cette zone se prête parfaitement à l'élevage de divers coquillages.

(...).

3. - Prospection des émissaires.

En collaboration avec la Cellule Antipollution du Var du Service de l'Equipement, le groupe ECOMAR a entrepris à partir de 1974 une prospection du Benthos et sédiment en regard des 12 émissaires de rejets urbains du Cap Sicié à la presqu'île de Giens, afin de constater l'impact cumulatif des effluents sur les fonds marins depuis la mise en service de chaque émissaire, dresser l'état actuel des lieux avant prolongement éventuel de ces canalisations sous-marines.

À Sicié, Louis Del Buono, entrepreneur de ferronnerie, dirigea une prospection à laquelle participèrent le club civil de plongée « Jules Corman » de La Seyne et la Société Nationale de Sauvetage en mer de Saint-Elme. Sept radiales permirent de circonscrire la zone des fonds marins dégradés par les effluents avant d'être inventoriée par les plongeurs-démineurs commandés par le lieutenant de vaisseau Masuy soucieux d'accomplir dans cette zone critique un travail de précision.

Les premières séries des radiales de prospection (fig. 1) en regard du débouché du grand collecteur de Sicié montrent une disparition progressive de l'herbier de Posidonie au fur et à mesure que l'on se rapproche de la côte où débouche l'émissaire, elles sont de plus en plus recouvertes d'Algues filamenteuses. On y trouve une abondance d'ophiures regroupées dans les creux de sédiments et des holothuries. À l'Est, les fonds, à l'exception des holothuries, sont macroscopiquement azoïques, même à &endash;35 m. Le sédiment est riche en un broyat renfermant morceaux de papier, peaux de fruits, graines, élastiques, cheveux... ayant échappé à la dilacération et à la putréfaction. La destruction des fonds est nettement plus importante à l'Est de l'émissaire qu'à l'Ouest. Une observation inquiétante a été faite : des poissons pélagiques, en particulier des poissons-aiguilles ou Orphies (Belone belone) ont été trouvés morts, au fond, à près d'un kilomètre de l'émissaire. Par contre aucun des nombreux Rougets de roche (Mullus surmuletus) qui fouillent le sédiment, riche en débris coquilliers, entre les touffes éparses de Posidonies ne fut trouvé mort. Il faut noter que la « nappe de pollution » (fig. 1 radiale R2) s'étend davantage en surface qu'en profondeur, le débouché de l'émissaire étant sur la côte au niveau + 0,50 m. Les ceintures d'algues Rissoella verruculosa et Cystoseira stricta disparaissent sur les 2,4 km de frange côtière.

L'émissaire du Cap Cépet, dont la prospection a été commencée par les plongeurs-démineurs de la Marine nationale, débouche à 57 m de profondeur. Il crache par intermittence des effluents qui s'élèvent jusqu'à 6 m au-dessus du fond. On y trouve une biocœnose coralligène fortement dégradée. Les gorgones mortes (Eunicella stricta) sont recouvertes d'algues filamenteuses, mais les bryozoaires rameux (Porella cervicornis, Tubucellaria cereoïdes) vivent encore. Le détritique côtier à Lithothamnion avec galets et graviers est très pauvre. Un poisson-lune (Mola mola) sans doute attiré par des eaux plus chaudes dormait au débouché de la canalisation.

(Extrait des Annales N° 27 - 1975).


 

Répartition des biocénoses benthiques en fonction des substrats sédimentaires de la rade de Toulon, par M. BOURCIER et Cl. NODOT, A. JEUDY DE GRISSAC, J. TINE.

M. MARVILLE a présenté cet important travail de chercheurs de la région, dont 2 sont membres de notre Société. Il s'agit de l'étude du macrobenthos de substrats meubles de la rade après prélèvements à la benne Petersen.

Les auteurs ont pu délimiter des zones de sédiments vaseux, de sédiments sableux, de vases terrigènes côtières, de fonds détritiques côtiers, chacune possédant sa biocénose particulière.

Les espèces indicatrices de l'abondance de matière organique existent dans toute la rade, surtout au N.E. où le pélécypode Corbula (Aloides) gibba forme un faciès (3 600 à 5 350 individus au m2). Les individus des espèces indicatrices de pollution ne sont pas très abondants, mais se rencontrent régulièrement dans les 2/3 de la zone Nord de la rade.

Il semble que les conditions naturelles de l'aire maritime toulonnaise aient été perturbées au cours des siècles par les réalisations humaines : « Les fonds des baies Ouest (La Seyne) et Sud (Lazaret) étaient probablement occupés par des sables, vaseux en mode calme de type lagunaire protégés par un herbier de Posidonia oceanica... La partie médiane de la rade était occupée autrefois par des sables grossiers de type « à Amphioxus ». La partie N.E. devait l'être par des sables fins bien calibrés et de hauts niveaux formant une vaste plage qui fut probablement le premier site d'implantation de la colonie toulonnaise ».

(Extrait du Bulletin N° 226 - 2e trimestre 1980).


 

Pour un plan d'occupation des fonds marins : inventaire des herbiers de posidonies du littoral du Var, par Jean-Marie ASTIER et Philippe TAILLIEZ

Estimation des superficies d'herbier de posidonies dans les six baies du département du Var (voir la carte) :

BAIE 1 :

De la limite départementale Var-Bouches-du-Rhône au Cap Sicié

908 ha

BAIE 2 :

Du Cap Sicié à la pointe d'Escampobariou

1 989 ha

BAIE 3 :

De la pointe d'Escampobariou au Cap Bénat

7 954 ha

BAIE 4 :

Du Cap Bénat au Cap Lardier

1 964 ha

BAIE 5 :

Du Cap Lardier à la pointe des Issambres

2 954 ha

BAIE 6 :

De la pointe des Issambres à la limite départementale Var - Alpes-Maritimes

891 ha

TOTAL


16 660 ha

Destruction des herbiers par la pollution des égouts de l'agglomération toulonnaise

L'émissaire du Cap Sicié déverse les effluents non épurés des communes de Toulon, La Seyne, Ollioules, Six-Fours.

Le débit varie de 600 à 800 l/s. Cet égout qui déverse les eaux usées juste au niveau de la mer a fortement perturbé les espèces fixées sur les fonds marins (peuplements benthiques) et détruit 75 ha d'herbier de posidonies.

Celui qui subsiste (3 à 4 ha) est maladif et se situe à 600 m de l'émissaire, vers 28 m de profondeur. La limite profonde de l'herbier forme une matte de 2 m de haut (Astier et Tailliez 1976 ; Astier et Tailliez 1978).

- L'émissaire de Sainte-Marguerite (Toulon Est, La Garde, La Valette) rejetait ses eaux usées par deux canalisations de 40 cm de diamètre par 48 m de fond, à 1 800 m du rivage.

Une station d'épuration a été construite. La partie des fonds les plus dégradés se situent à l'Est, vers la baie de la Garonne.

- L'émissaire du Cap Cépet déverse les eaux non épurées de Saint-Mandrier et des bases de la Marine Nationale à 57 m de profondeur. L'impact sur les fonds marins est moins important que celui de Sainte-Marguerite et touche le détritique côtier, une biocoenose du coralligène est fortement dégradée (Astier 1975).

- De nombreux ruisseaux et égouts pluviaux contribuent aussi à la dégradation des herbiers en Grande Rade, les eaux étant fortement polluées lors des orages.

BIBLIOGRAPHIE

ASTIER J.-M. et TAILLIEZ P., 1976. - Impact des effluents du grand collecteur du Cap Sicié (égouts de Toulon, La Seyne et Six-Fours) sur la vie des fonds marins. Document publié par le groupe « ECOMAIR », Toulon, 27 p.

ASTIER J.-M. et TAILLIEZ P., 1978. - Les rejets en mer. Impact des effluents du grand collecteur du Cap Sicié sur la vie des fonds marins. Bull. Fondation Scientifique Ricard, 3 : 13-23.

(Extrait des Annales N° 36, fascicule 1 - 1984).





Le Mérou en Méditerranée, extraits de la conférence prononcée le 19 février 1993 par MM. Patrick LELONG

DE JEUNES RECRUES

Depuis trois ans, on observe sur nos côtes, de très jeunes mérous. En 1991, aux Embiez, Patrick Lelong fait état de 2 individus probablement nés dans l'année et capturés par les pêcheurs du Brusc, et dont l'un, toujours vivant dans un aquarium de l'institut océanographique Paul Ricard, pesait 2 grammes pour une taille inférieure à 4 cm.

La présence de ces très jeunes poissons sur nos côtes, remet en question les hypothèses élaborées jusqu'à présent concernant les lieux probables de reproduction de cette espèce.

Il était en effet assez clair que le mérou brun se reproduisait au sud d'une ligne imaginaire Barcelone-Rome, c'est-à-dire le parallèle 41,5. À la faveur des courants et avec l'âge, ces poissons migraient vers le nord, pour coloniser les espaces disponibles et adaptés, de notre littoral.

Manifestement, ces deux mérous capturés près du Brusc, sont nés tout près de leur lieu de capture, donc bien au-delà de cette limite supposée.
(Extrait des Annales N° 45, fascicule 2 - 1993).





Les oursins de Saint-Mandrier, par Pierre BRUN

1 - Les oursins sont des Échinodermes qui forment un embranchement du règne animal au même titre que les vertébrés ou les mollusques. On connaît d’autres échinodermes : les étoiles de mer, les holloturies.
L’embranchement des échinodermes se divise en quatre classes dont celle des échinoïdes caractérisée par un corps globuleux, ovale ou discoïde, enfermé dans une enveloppe calcaire nommée test, formée de plaques régulièrement appareillées et fixes.
La classe des échnoïdes se divise en trois ordres dont celui des endocycliques, oursins réguliers dont la bouche, s’ouvrant à peu près au centre du test, est armée d’un appareil broyeur muni de dents.
Parmi les familles on retiendra celle des arbaciidés caractérisée par des zones ambulacraires étroites, par une plaque dorsale composée de quatre plaques triangulaires disposées en croix, et celle des échinidés dont la partie dorsale est composée d’un certain nombre de petites plaques irrégulières.
Trois genres nous concernent : le genre Arbacia, le genre Paracentrotus, le genre Sphaerechnius.

2 - Chez un oursin régulier, on peut distinguer quatre parties :
2.1 - La partie dorsale comprend la membrane périproctale recouvrant le périprocte composé de plaques très petites coalescentes c’est-à-dire non soudées entre elles. Elles peuvent être régulières ou irrégulières.
Autour de périprocte on trouve dix plaques disposées en arc de cercle : cinq plaques génitales avec un orifice bien visible par lequel sortent les éléments reproducteurs et cinq plaques radiales, plus petites, avec un orifice peu visible qui laisse passer la terminaison du canal radial ambulacraire.
 2.2 - Le “test” est en quelque sorte le squelette de l’oursin. Il est composé de cinq zones ambulacraires qui partent des plaques radiales. Ces zones sont formées d’une double rangée de plaques qui vont jusqu’au péristone et qui portent les pores ambulacraires.
Entre ces zones se trouvent les zones interambulacraires correspondant aux plaques génitales et formées d’une double rangée de plaques dépourvues de pores.
2.3 - Les piquants sont articulés sur le test, chaque piquant présente des cannelures et des sillons qui sont pleins de petits trous permettant une libre circulation. Par ces petits trous, en remuant ses piquants, l’oursin peut absorber les microparticules en suspension dans le milieu marin.
À côté des piquants, les pieds ambulacraires sont de petits tubes cylindriques rétractables terminés par des ventouses qui servent à la préhension et à la locomotion.
2.4 - La lanterne d’Aristote, organe principale de la nutrition, se trouve côté face, au centre de la partie aplatie du test, là où l’oursin se tient accroché aux rochers. C’est un organe fort complexe, sorte de mâchoire à cinq dents, dont la fonction peut être comparée à celle d’une benne qui absorbe tout ce qu’elle trouve sur son chemin. La lanterne d’Aristote est entourée par la membrane péristonale qui recouvre le péristone.

3 - La reproduction d’un oursin s’effectue de la façon suivante. En fin d’hiver ou au début du printemps, l’oursin femelle pond jusqu’à une vingtaine de millions d’œufs. Ces œufs expulsés dans le milieu marin sous forme d’épais nuages rencontrent, au gré du hasard, le liquide séminal libéré à la même époque par l’oursin mâle.
 La métamorphose d’un oursin est assez complexe. Après fécondation puis division cellulaire on arrive à une larve qui se développe au sein du plancton. Puis après métamorphoses successives on aboutit à un jeune oursin de quelques semaines. D’après les scientifiques de l’Institut Ricard, cette métamorphose se produit de préférence sur des portions de côtes rocheuses tendres entre 50cm et 1 à 2 m. de profondeur. Ces endroits privilégiés ont reçut le joli nom de nurserie, la roche étant tendre, les “tout petits” peuvent se mettre à l’abri dans les anfractuosités. C’est lorsqu’il aura atteint 12 à 15mm, au bout d’un an, que le jeune oursin partira gaillardement à la recherche de ses lieux favoris.
Deux points méritent d’être soulignés :
- parmi les tout petits qui arrivent à la nurserie, 10 % seulement atteindront le diamètre de 3 mm (à comparer aux 12 à 15 mm qu’ils atteignent à leur départ).
- il faut plus de quatre, parfois cinq ou six ans à un oursin pour atteindre l’âge adulte (et pour certains d’avoir le droit d’être mangés).

4 - La nourriture des oursins a fait l’objet d’études très poussées au parc national de Port-Cros. Très rapidement on définit deux catégories suivant le type de nourriture : les oursins “brouteurs” qui s’attaquent principalement aux strates arbustive et arborescente, à l’image de certains poissons comme Sarpa salpa (saupe) et les oursins “racleurs” qui s’attaquent principalement aux strates gazonnante et encroûtante, à l’image de Patella caerulea, notre arapède bien connue.
Ce qui ressort des diverses études, c’est que, grosso modo, l’oursin, par préférence végétarien, absorbe tout ce qu’il trouve.

5 - A Saint-Mandrier (côté du large), aux profondeurs faibles (jusqu’à 7 ou 8 mètres), on rencontre trois espèces d’oursins :
— Arbacia luxila. Il est tout noir, le test a un diamètre d’environ 45 mm, les piquants sont longs d’environ 45mm, le périprocte est composé de quatre plaques triangulaires, caractéristique de la famille des arbaciidés. Il vit le plus souvent entre 2 et 5 mètres. C’est un oursin racleur. Il n’est pas signalé comme comestible. Son test va, suivant le séjour passé dans l’eau, du noir au beige clair en passant parfois par de très belles couleurs orangées.

En 1914, il n’était pas signalé dans un inventaire des espèces des îles d’Hyères. En 1980 à Port-Cros, il est peu fréquent : moyenne pour les 33 stations étudiées de 1,15 pour 10 m2. À Saint-Mandrier, du moins dans les lieux observés, il est fréquent.
— Paracentrotus lividus. Ses piquants sont assez longs, environ 20 mm, ils peuvent être violets, verdâtres, olivâtres. Le test peut faire jusqu’à 60 mm, il est vert. Le périprocte est composé de multiples plaques désordonnées. Il vit jusqu’à 20 mètres avec une préférence pour la profondeur de 5 mètres. C’est un oursin brouteur. Il est comestible avec les glandes génitales de la femelle d’une belle couleur corail, celle du mâle sont beiges à blanchâtres.

En 1980, à Port-Cros, il est très fréquent : moyenne pour les 33 stations étudiées de 36,9 pour 10 m2.
C’est un oursin qui prolifère dans les zones de pollution domestique. Ainsi à Cortiou, à proximité des égouts de Marseille, on en dénombre jusqu’à 271 pour 10 m2. Il subsiste même lorsque la pollution industrielle est forte : 30,8 pour 10 m2 au nord de Fos alors qu’Arbacia luxila a disparu. À Saint-Mandrier, il y en a beaucoup moins...
— Sphaerechinus granularis. Il est spectaculaire, son test a un diamètre de 60 à 70 mm et peut atteindre 150mm, il est violet à mauve, parfois brun ou beige. Ses piquants sont courts, de l’ordre de 10 mm, leurs bouts sont blancs, ils peuvent même être entièrement blancs. Le périprocte est lui aussi à plaques nombreuses et désordonnées.

En 1980, à Port-Cros, il est peu fréquent : moyenne pour les 33 stations étudiées de 2,44 pour 10 m2.

À Saint-Mandrier, il est également peu fréquent, une seule station assez importante a été observée. Il vit plutôt isolé, assez profond, à partir de 6 mètres. Il semble plus craindre la lumière que ses congénères. C’est plutôt un brouteur : il aime se nicher dans les posidonies.
(Extrait des Annales N° 50, fascicule 3 - 1998).
 


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