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Marius AUTRAN
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Marius AUTRAN et Louise AUTRAN, instituteurs à l'école primaire de Montmeyan (1932-1935)

 

 

Après avoir terminé sa scolarité à l'École Normale d'Instituteurs de Draguignan, Marius AUTRAN accomplit son premier stage d'instituteur à Saint-Cyr-sur-Mer du 1er au 15 Octobre 1931. Il obtient le Certificat d'Aptitude Professionnelle en Octobre 1931. Il accomplit ensuite ses obligations militaires, d'abord comme Élève Officier de Réserve (Octobre 1931 - Mars 1932), puis comme Sous-lieutenant de Réserve à Sospel (Alpes-Maritimes) au 3e R.I.A. (Avril - Septembre 1932). Entre temps, il épouse Louise GAUTIER le 28 Mars 1932 à La Seyne-sur-Mer. (Louise GAUTIER, qui avait également terminé sa scolarité à l'École Normale d'Institutrices de Draguignan en Juillet 1931, habitait alors avec sa mère Joséphine, sa tante Fernande, son oncle Louis MEUNIER et son cousin Loulou, la maison familiale du quartier Touffany. Elle avait été nommée, en Octobre 1931, pour son premier poste d'institutrice, au Plan-du-Castellet). Les premiers mois, ils ne vont se voir que pendant les permissions de Marius, ou lorsque Louise rendra visite à son jeune époux à Sospel.

En Octobre 1932, le couple d'instituteurs obtient un double poste à l'école primaire de Montmeyan, village certes éloigné de la côte - il fallait à l'époque toute une journée avec le service de cars qui desservait tous les villages, pour accomplir le voyage - mais c'était la seule possibilité que l'Académie leur avait offerte. Ce village avait alors une école de deux classes, pour une population d'environ 300 habitants.

C'est le hasard qui leur avait fait obtenir Montmeyan. Ils ne l'avaient pas demandé. Mais, curieusement, ce village de Montmeyan ne leur était pas inconnu car un cousin de Marius AUTRAN, Lucien SICARD (qui sera par la suite, et pendant longtemps, directeur de la maison de retraite du Luc), y possédait plusieurs propriétés, dont une maison dans le village, propriétés qu'il tenait de son père, et de son oncle Prosper SICARD, conseiller général du canton. La famille AUTRAN pourra d'ailleurs revenir se réfugier à Montmeyan entre Juin et Août 1944, à la suite des bombardements de La Seyne, grâce à la maison que Lucien SICARD leur prêtera aimablement.

En Septembre 1932, les voilà déménageant pour la première fois (il y aura beaucoup d'autres déménagements par la suite) leur mobilier de La Seyne vers Montmeyan, le jeune couple étant accompagné de la mère de Louise (Joséphine, veuve de Louis GAUTIER depuis 1911), qui suivra sans interruption jusqu'à sa mort en 1986, sa fille et son beau-fils dans toutes leurs résidences successives.

L'école se situait au nord du village, au bord de la route de Quinson, à côté de la mairie. Le bâtiment existe encore aujourd'hui mais n'est plus utilisé comme école, laquelle a été reconstruite sur un autre site du village.

Pendant 3 ans, la famille AUTRAN va habiter un logement de fonction situé sur l'arrière de l'école, avec un petit jardin communiquant avec la cour.

Soixante ans après, Marius AUTRAN se souvient des noms de quelques-unes des familles du village qui avaient des enfants dans son école (beaucoup de ces patronymes existent encore aujourd'hui à Montmeyan) :

AUTRAN Gaston (ancien élève, décédé en août 2006), BROCARD (le garde-forestier), CARAVAN (avaient une fille), DAUPHIN (le boulanger), DENANS, FABRE Louis, HUGUES (secrétaire de Mairie), NICOLAS (fils d'une mère institutrice, devenu sculpteur : c'est lui qui a sculpté la statue de Raimu pour le cimetière de Toulon), REYNIER (Maire du village), ROLLIN, SAINT-MARTIN. Mais il n'existe aucune photo de classe de cette époque. Curieusement, un certain nombre d'habitants de Montmeyan portaient des prénoms d'origine romaine : Brutus, Martius, Claudius, etc.

Marius et Louise AUTRAN ont gardé de l'enseignement qu'ils ont donné pendant trois ans aux enfants du village des souvenirs extrêmement agréables. Les enfants étaient généralement peu cultivés et certains devaient consacrer beaucoup de leur temps à travailler dans les champs pour aider leurs parents ; mais ils étaient toujours très naturels et attachants, et manifestaient beaucoup de curiosité. Les rapports avec les familles étaient aussi très bons.

Quelques exemples du naturel des enfants. A la première leçon d'histoire sur Charlemagne, l'un d'eux (qui entendait sans doute son père parler du Tour de France) répondit à l'institutrice : « Vous devez vous tromper Madame, Magne, il s'appelle pas Charles, mais Antonin - c'est Pélissier qui s'appelle Charles... ».

Marius AUTRAN ne remplit jamais le rôle de secrétaire de Mairie, comme c'était parfois le cas de l'instituteur dans les villages, mais le Maire, M. REYNIER, lui demanda parfois de l'aide pour écrire certaines lettres ou discours. Ainsi, peu après son arrivée à Montmeyan, le Maire, très embarrassé, vint lui demander de l'aider à préparer une sorte d'oraison funèbre qu'il allait devoir faire sur la tombe d'un villageois qui venait de mourir. C'est Marius AUTRAN qui lui prépara les phrases à prononcer dans ces circonstances.

La vie au village était très simple, calme et saine. Les activités touchaient essentiellement à l'agriculture et à l'élevage des brebis, à l'exception d'une exploitation de carrières de marbre onyx située à proximité du village. Les véhicules à moteur passant sur la route étaient rarissimes. Les gens allaient à pied et n'utilisaient quelquefois le car que pour se rendre aux villages voisins : Tavernes, Quinson, Régusse, La Verdière. La famille AUTRAN n'avait évidemment pas de voiture (elle n'en eut une que 20 ans plus tard, à La Seyne, en 1955 !). Le voyage La Seyne - Montmeyan (100 km) était alors une véritable expédition, qui prenait pratiquement toute une journée, puisqu'il fallait déjà aller à Toulon en tramway pour prendre un car desservant le nord-ouest varois, qui s'arrêtait longuement à chacun des villages (Brignoles, Le Val, Montfort, Correns, Châteauvert, Barjols, Tavernes,...) pour débarquer, non seulement les voyageurs, mais aussi du courrier, de nombreux colis encombrants, des cageots de récolte, des poules et des lapins, etc.

Le confort de la maison était sommaire, mais normal pour l'époque. Pas d'eau courante, l'eau était à "tirer" du puits. La lessive se faisait au lavoir, dans l'arrière-cour de l'école. Les rats et souris abondaient. Un jour, Joséphine GAUTIER, paniquée, vint interrompre son beau-fils en classe pour lui demander de venir enlever un énorme rat qu'elle venait de trouver noyé dans son lavoir...

C'est à Montmeyan que la famille AUTRAN acquit son premier poste de radio (à lampes). Ce fut un moment extraordinaire que d'entendre, pour la première fois, des voix et de la musique sortir de cette boite. Louise AUTRAN avoua qu'à certaines heures de récréation, il lui arriva de laisser les écoliers seuls dans la cour, sans surveillance, pour aller dans la maison écouter quelques instants sa radio...

Mais les distractions étaient rares. Marius AUTRAN, qui avaient déjà été un peu initié à la chasse par son père et ses oncles lorsqu'il était adolescent à La Seyne, s'adonna alors beaucoup à cette passion. Le gibier était alors très abondant et pendant les trois saisons de chasse où il fut à Montmeyan il ramena à la maison énormément de grives, merles, perdreaux, et bien d'autres espèces, ainsi que lapins et lièvres. Joséphine GAUTIER se régalait à cuisiner tout cela, du moins pour elle et son beau-fils car sa fille Louise n'appréciait pas cette nourriture. Elle s'est d'ailleurs toujours plaint d'avoir dû supporter une bonne partie de sa vie les odeurs de la cuisson du gibier, qui l'écœuraient.

Marius AUTRAN a longtemps raconté ses parties de chasse, l'hiver, dans la neige. Dormant peu, il était toujours éveillé très tôt et, les jeudis, les dimanches et les jours de congé, il lui arrivait de partir avec son matériel de chasse : fusil, cartouches, appeaux ("chilets"), carnier, et même ses cages à grives sur le dos, bien avant le lever du jour. A l'époque, les chasseurs marchaient beaucoup. Après plusieurs kilomètres dans la forêt et la neige, il arrivait sur les lieux supposés de passage des grives. Et il faisait encore nuit. La pipe allumée pour un peu se réchauffer les doigts, il attendait alors sur place que le jour se lève.

Il faut rajouter que le braconnage était aussi très répandu. Les villageois, comme presque partout ailleurs, mettaient des pièges à oiseaux ou chassaient hors période autorisée. L'histoire la plus croustillante qui nous ait été transmise est celle de Marius AUTRAN, tirant un jour (ce n'était pas un jour de classe) un coup de carabine sur un oiseau posé dans un arbre de la cour de l'école, en bordure de route. Mais l'oiseau tomba juste de l'autre côté du mur, donc au bord de la route. Lorsqu'il s'avança prudemment vers le portail pour aller - sans être vu - ramasser son oiseau sur le bord de la route, il aperçut deux képis dépassant du mur : c'étaient les gendarmes qui remontaient la route de Quinson à bicyclette (et qui avaient dû entendre le coup de feu). Marius AUTRAN courut en quelques secondes se cacher derrière l'école, rasant le sol et les murs, croisant au passage sa belle-mère qui ne comprit pas pourquoi cette précipitation. Les gendarmes s'arrêtèrent quelques mètres après l'école, essayèrent de localiser l'origine du tir, posèrent quelques questions à des voisins et repartirent sans pousser plus loin leurs investigations. Mais, on ne sait comment, l'histoire s'était ébruitée dans le village, et même amplifiée, puisqu'un des élèves de Louise AUTRAN demanda un jour en classe, fort naïvement : « Madame, c'est vrai que Monsieur AUTRAN a tiré un coup de carabine et que l'oiseau est tombé sur le képi du gendarme ? ». Louise AUTRAN ne répondit pas et détourna la conversation, car un autre élève, lui-même fils de gendarme, avait immédiatement dressé l'oreille en entendant cette question...

Ce fut pendant cette période que Marius et Louise AUTRAN eurent leur premier enfant, Robert, né à Toulon le 7 Septembre 1933. Ce bébé était cependant né, vu son poids élevé, dans des conditions très difficiles puisqu'il avait fallu procéder une césarienne, opération très rarement pratiquée à l'époque, et pour laquelle la survie de la mère n'était pas garantie. Dans toute la clinique, on désignait alors Louise AUTRAN comme « l'opérée de la césarienne ». Mais Robert AUTRAN, qui était pourtant un superbe bébé, ne vécut que 3 ans. Une catastrophe pour la famille, qui ne s'en remettra jamais totalement, d'autant que les médecins leur avaient expliqué qu'il ne leur fallait plus avoir d'enfant, un autre accouchement difficile risquant de mettre la vie de la mère en danger.

Les seules photos que nous ayons retrouvées de cette époque sont précisément celles prises avec le premier appareil photo Kodak acquis par Louise AUTRAN après la naissance du petit Robert et qui montrent l'enfant, souvent promené par sa mère ou ses grand-mères Joséphine GAUTIER et Victorine AUTRAN, dans différents sites du village de Montmeyan.

Louise AUTRAN et son fils Robert, à Montmeyan, en face de l'école, vers 1935
Robert AUTRAN, bébé, à Montmeyan (1934)
Joséphine GAUTIER et son petit-fils Robert à Montmeyan (1935)
Joséphine GAUTIER (45 ans), promenant son petit-fils Robert à Montmeyan (1935)
Robert AUTRAN à Montmeyan (1935)
Joséphine GAUTIER et son petit-fils Robert à Montmeyan (1935)
Idem, au lieu-dit "Le Pailler" (ou "La Ferrage" ?)
Robert AUTRAN entouré de ses deux grand-mères : Victorine AUTRAN et Joséphine GAUTIER (1934)
Robert AUTRAN tenu par sa grand-mère paternelle Victorine AUTRAN (1934)
Josephine GAUTIER, Robert AUTRAN et ? à Montmeyan (1934)
Robert AUTRAN tenu par sa grand-mère paternelle Victorine AUTRAN (1934)
Joséphine GAUTIER et son petit-fils Robert, dans une rue de Montmeyan
Robert AUTRAN à Montmeyan (1935)
Robert AUTRAN et ? à Montmeyan (1935)
La petite REYNIER, Joséphine GAUTIER et Robert AUTRAN

Le séjour de la famille AUTRAN à Montmeyan prit fin en Juillet 1935. Certes, l'ambiance du village et de l'école était agréable, la famille ne manquait de rien. Mais l'éloignement de la côte et du reste de la famille qui se trouvait à La Seyne, les hivers rudes passés dans une maison au confort assez limité, tout cela avait incité la famille à revenir dès que possible à La Seyne. Mais une double mutation, directement à La Seyne n'avait pas été possible (pour des instituteurs encore en début de carrière : ils avaient seulement 25 et 24 ans !). Pour se rapprocher de la côte, deux possibilités leur avaient été offertes : Carcès ou Cotignac. Ils avaient accepté Carcès. Voir la suite de l'histoire dans Marius AUTRAN et Louise AUTRAN, instituteurs à Carcès (1935-1938).

Le couple d'instituteurs qui les avaient remplacés à Montmeyan en 1935, c'étaient Toussaint MERLE et son épouse Marie-Louise, qui y resteront au moins deux ans, avec leur fils aîné René MERLE.

Mais, toujours, la famille AUTRAN gardera un souvenir ému de ces premières années de carrière à Montmeyan. Ils y retourneront d'ailleurs assez volontiers entre Juin et Août 1944, pour s'y réfugier à la suite des bombardements de La Seyne, dans la maison de village que le cousin Lucien SICARD leur prêtera aimablement.


Épilogue

Retour à Montmeyan pendant l'été 1944

On se situe alors dans une période particulièrement troublée puisque la région était, depuis novembre 1942, sous occupation allemande et que la ville de La Seyne, en particulier, subissait régulièrement des bombardements anglais ou américains. Le bombardement le plus destructeur eut lieu le 29 avril 1944, alors que la famille AUTRAN habitait sa maison du quartier Touffany, et que Louise AUTRAN était enceinte de 8 mois. La maison ayant été endommagée par l'une des vagues de bombardements qui toucha l'axe des quartiers Cavaillon, Saint-Honorat (le cimetière), Sainte-Messe, Gavet, il n'était plus question qu'ils continuent à y habiter. Et il fallait penser aussi à l'accouchement, ce qui n'était pas une mince affaire dans un contexte aussi difficile car Louise AUTRAN, qui avait eu son premier enfant par césarienne 11 ans plus tôt (et à qui les médecins avaient expliqué qu'une autre grossesse pourrait mettre sa vie en danger), nécessitait pour le moins un solide environnement médical. Encore fallait-il en trouver en pleine période de bombardements, et s'y rendre, alors que les moyens de transports étaient inexistants.

Comme la clinique MALARTIC venait d'être délocalisée, à la suite des bombardements de Toulon, dans la chartreuse de Montrieux-le-Jeune à Méounes, il fut conseillé à Louise AUTRAN d'aller s'installer à Montrieux pour terminer sa grossesse dans ce lieu calme s'il en était. Mais comment s'y rendre ? Ce fut Paul PRATALI, ami de Marius AUTRAN et fortement impliqué dans la Résistance, qui sut leur dénicher un véhicule et un chauffeur pour transporter la famille AUTRAN depuis le quartier Touffany jusqu'à Montrieux. (Il s'avéra que ce véhicule portait l'insigne de la Kommandantur allemande... et que le chauffeur qui travaillait officiellement pour les Allemands transportait occasionnellement dans son véhicule des armes à destination des maquis varois...).

Louise AUTRAN, sa mère Louise GAUTIER (qui fut acceptée dans la Chartreuse en échange d'une aide qu'elle devrait apporter aux religieuses pour les travaux ménagers) passèrent donc plus de 5 semaines à Montrieux, alors que Marius AUTRAN fit quelques allers-retours entre La Seyne et Montrieux. La naissance du bébé - Jean-Claude AUTRAN - eut lieu le 24 Mai 1944, non sans mal, et grâce au savoir-faire et au sang-froid du jeune Docteur SAUVET, venu du village de Signes à bicyclette. C'est bien grâce au Docteur SAUVET que le bébé put vivre et grandir (et qu'il peut écrire ces lignes aujourd'hui...).

Vers la mi-Juin 1944, comme il n'était pas question de revenir habiter à La Seyne, qui était en ruines et vidée d'une grande partie de ses habitants, la famille alla donc se retirer à Montmeyan, dans la maison prêtée par Lucien SICARD, et ce pour une durée indéterminée. Car on ne savait pas à quelle échéance les villes de la côte allaient être libérées, et quand la vie allait pouvoir y reprendre après les destructions. C'est en car, venu les prendre au bord de la route, près du pont sur le Gapeau, que Louise AUTRAN, sa mère, avec leurs valises et le bébé de 3 semaines que ce voyage s'accomplit.

Pendant l'été 1944, Marius AUTRAN effectuera plusieurs voyages entre La Seyne et Montmeyan pour rapatrier mobilier et autres objets indispensables. Il ne pouvait pas quitter complètement La Seyne car son père Simon s'y trouvait encore et que, malgrè l'interruption des activités d'enseignement après le bombardement du 29 Avril, il lui fallait garder quelque contact avec le collège Martini. Ces voyages s'effectuèrent soit en car, soit à bicyclette. Il parcourait alors les 100 km dans la journée avec un vélo rafistolé. Comme on manquait de tout à l'époque, il était impossible de trouver des pneus en bon état : les vieux pneus éventrés de son vélo étaient tenus par des ficelles enroulées autour de la jante pour retenir la chambre à air. Mais avec ces ficelles, il était alors impossible d'utiliser les freins, et il fallait faire frotter les pieds sur la roue pour se freiner dans les descentes... Ces épisodes seront longtemps racontés en famille par Marius AUTRAN, y compris la chute qu'il fit un jour dans la descente de Châteauvert, où il resta sonné un certain temps dans le fossé, et où le vélo que son père Simon lui avait prêté ce jour-là fut endommagé (cadre plié et fourche tordue qu'il dut essayer de détordre un peu pour que la roue avant puisse tourner et qu'il puisse continuer sa route). Mai ce qui inquiétait encore le plus Marius AUTRAN, c'est qu'il allait devoir annoncer à l'arrivée, à son père - devant qui il avait toujours tremblé - qu'il lui avait gravement endommagé son vélo...

N'ayant que peu de mobilier à Montmeyan, il fallut aussi déménager une partie du mobilier de La Seyne. Mais où trouver à La Seyne une camionnette pouvant accomplir ce voyage en cette époque où l'on manquait de tout et surtout de carburants. C'est grâce à l'obligeance de M. BAUDISSON de La Seyne, dont l'un des employés devait faire un transport vers le haut-Var, que ce déménagement put se faire, mais avec un engin à gazogène, qui ne devait pas dépasser les 10 km/h dans les côtes. Le voyage prit une bonne partie de la nuit. Marius AUTRAN accompagnait son déménagement, ballotté dans l'arrière du camion sur les routes défoncées. On se demande comment ces meubles ont pu arriver en bon état - et ont même encore gardé une apparence neuve 60 ans après ! Le pire était que toutes les charnières, vis, clés, chevilles de ces meubles, indispensables à leur remontage, avaient été regroupées dans une petite boîte qu'il ne trouva plus dans le camion après le départ de La Seyne et qu'il chercha dans l'obscurité, entre les panneaux de meubles démontés, une partie de la nuit. Ce n'est qu'au petit matin qu'il retrouva enfin la fameuse boite, dans un recoin du camion.

Au cours d'un autre voyage, en car cette fois, ce devait être fin Juin 1944, le véhicule avait été arrêté à plusieurs reprises pendant le trajet et fouillé à chaque fois de fond en comble par des patrouilles allemandes, les passagers devant se tenir debout les mains en l'air pendant la fouille. Marius AUTRAN, qui portait sur lui ce jour-là des papiers (touchant à la Résistance ou au PCF ?) qui auraient pu le faire arrêter, raconta qu'il réussit, tout en gardant en apparence les mains en l'air, à extirper ces papiers de sa poche et à mieux les cacher. Il fut cependant longuement interrogé par un officier qui, lisant sur sa carte d'identité qu'il était instituteur, trouva sa présence dans le car suspecte et lui demanda, vu que c'était jour de classe, pourquoi il n'était pas avec ses élèves. Il fallut lui expliquer que, les villes de la côte ayant été bombardées, les écoles avaient dû être fermées. Un autre passager qui transportait un lapin mort au fond d'un panier fut inquiété : les Allemands cherchaient à savoir comment le lapin avait été tué (toutes les armes de chasse ayant été confisquées au début de la guerre). Ils cherchèrent vainement des traces de plombs de chasse sur le lapin, car celui-ci avait été pris au lacet... Ces épisodes laisseront des traces douloureuses et indélébiles dans la mémoire de Marius AUTRAN. Ils ne feront que renforcer son sentiment de révolte devant l'occupation de son pays et sa haine de l'uniforme allemand qui s'était déjà développée en lui depuis Juin 1940.

Une autre fois, il lui fallut essayer de se procurer un landau, qui aurait été utile pour promener le bébé à Montmeyan. Mais où trouver un landau dans Toulon occupé et dévasté en Juillet 1944 ? Et comment le faire parvenir à Montmeyan ? Finalement, il en trouva un d'occasion, style d'avant guerre, noir, profond, avec des petites roues. Il le fit charger comme colis sur le toit du car qui desservait le haut-Var, sachant que les chances étaient grandes que le colis n'arrivât jamais à destination, car le car avait à traverser des zones de combats, et risquait d'être arrêté par les Allemands ou pillé en route. Finalement, quand le car fut aperçu de loin s'approchant du village, quelques habitants qui virent cet objet insolite sur le toit du véhicule vinrent aussitôt annoncer à Louise AUTRAN que le landau était arrivé ! Et Joséphine GAUTIER put alors promener - et montrer à tout le village - son petit-fils Jean-Claude, sur les chemins où elle avait déjà promené, 11 ans plus tôt, son premier petit-fils Robert, décédé entre temps, en 1936.

C'est vers la mi-Août 1944 que se situent les débuts de la Libération de la région. A partir du débarquement en Provence (14-15 Août), et même les jours précédents, le village de Montmeyan était fréquemment traversé par des véhicules allemands qui se repliaient vers le nord. Les habitants craignaient ces passages par peur de représailles (on avait eu connaissance du massacre de 642 habitants du village d'Oradour-sur-Glane, le 10 Juin 1944). Un jour, le 18 Août, une nouvelle colonne de véhicules fut annoncée. Ce fut encore l'inquiétude, mais rapidement les habitants de l'entrée sud du village reconnurent des chars à étoile blanche et annoncèrent immédiatement : « ce sont les Américains ». Ce fut le soulagement. La colonne stationna dans le village. Elle était dirigée par un Général, qui fit aussitôt prendre des renseignements sur les routes existantes et la position de ponts sur le Verdon. Marius AUTRAN, qui était peut-être le seul habitant connaissant un peu d'anglais, et qui était aussi lieutenant de réserve, fut appelé par les autorités. Il racontera souvent cet épisode où il fut convié à la table du Général américain et où il expliqua l'itinéraire à suivre pour atteindre le pont de Quinson. Il racontera que le Général américain se fit servir un demi-melon dans son assiette. C'était la première fois qu'il voyait manger ainsi un melon (les Provençaux ayant l'habitude de le servir découpé en tranches). Il échangera quelques mots avec son voisin de table américain : « Where do you come from ? ». « Oklahoma ! », lui fut-il répondu. L'après-midi, Marius AUTRAN guidera la colonne américaine jusqu'à Quinson. La colonne poursuivit vers Riez et Sisteron, tandis Marius AUTRAN rentra à Montmeyan.

On était fin août. Les villes de la côte n'étaient pas complètement libérées. Le 26 août, dès lendemain de la bataille de la libération de La Seyne, Marius AUTRAN redescendit de Montmeyan à La Seyne, en car jusqu'à Toulon, puis à pied de Toulon à La Seyne, faute d'autre moyen de transport et vu l'état des routes. Il parcourut les 7 km à pied au milieu des ruines, des trous de bombes et d'obus, des canalisations crevées, avec de-ci de-là des cadavres calcinés de soldats allemands qui n'avaient pas encore été enlevés.

Il voulait avant tout retrouver son père, Simon AUTRAN, dont il n'avait plus de nouvelles. Il trouva la ville de La Seyne dans un état pitoyable : chantiers détruits, quais du port détruits, maisons effondrées ou gravement endommagées dans de nombreux quartiers. Les rues étaient désertes puisqu'il avait été demandé aux habitants de quitter la ville pendant les combats de la libération. Dans ce contexte, Marius AUTRAN se demandait où et comment il allait retrouver son père. A tout hasard, il commença par aller frapper à la porte de la maison que son père occupait auparavant rue de Lodi. Un volet de l'étage s'ouvrit : le père Simon était là, calfeutré : il avait choisi de ne pas bouger de chez lui pendant les combats et il s'y trouvait encore, indemne.

La fin du séjour à Montmeyan approchait car il fallait assurer tant bien que mal la rentrée des classes à La Seyne au 1er Octobre 1944, Marius AUTRAN au collège Martini et Louise AUTRAN au collège Curie.

Le voyage retour Montmeyan - La Seyne, avec le déménagement, se fit fin Septembre 1944 et la famille s'installa pour quelques mois à Mar-Vivo, dans la maison baptisée "Leï Gari" de Simon AUTRAN. Une histoire nouvelle commença, que nous conterons bientôt par ailleurs.

Visites à Montmeyan par la suite

La famille AUTRAN, ne retournera par la suite à Montmeyan que deux fois.

Une fois lorsqu'ils auront leur première voiture, leur 203 Peugeot, en 1955. Ce sera le but de la première grande sortie en famille (plus de 100 km !). Ils reconnaîtront à peu près tout et tout le monde dans le village, des anciens élèves et leurs familles (BROCARD, CARAVAN, SAINT-MARTIN, etc.), qui les reconnaîtront aussi assez facilement, puisque ce n'était jamais que 11 ans après la fin de la guerre. Il n'y a qu'une personne qui les confondra avec la famille MERLE.

Une deuxième et dernière fois, en 1989. C'était peu après le décès de Joséphine GAUTIER. Marius et Louise AUTRAN, désormais seuls, y seront accompagnés par leur fils Jean-Claude et leur belle-fille Yolande. Cette fois, 34 ans après leur passage précédent, ils trouveront le village complètement changé : population accrue (dépassant désormais les 400 habitants), notamment avec l'arrivée d'une communauté de harkis, urbanisation, nouvelle école déplacée. Ils ne reconnaîtront plus personne et plus aucune personne rencontrée ne se souvenait d'eux (sauf la patronne d'un petit restaurant qui était une fille d'ancien élève).

Louise AUTRAN et Marius AUTRAN, à Montmeyan durant l'été 1989, devant l'école où ils avaient enseigné 55 ans plus tôt

Jean-Claude AUTRAN


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