La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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de l'Histoire de La Seynoise
Marius AUTRAN
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Histoire de la Philharmonique La Seynoise (1984)
Conclusions - Perspectives


 

 Résumons-nous ! Quels buts avons-nous recherchés dans ce modeste ouvrage d'histoire locale ?

 

Un exemple à méditer

Tout d'abord, nous avons voulu raviver les souvenirs lointains des faits, des événements, des personnages auxquels nos concitoyens ne sont pas indifférents, surtout ceux qui, parvenus à un âge respectable, ont connu La Seynoise au début du siècle.

Les longues luttes menées par les Présidents, les musiciens, les mélomanes pour le triomphe de leur idéal, sont, pour notre génération et celles à venir, une leçon à retenir, un exemple à méditer. Ils ont cherché à répandre le goût de la musique, désireux qu'ils étaient de voir les autres ressentir les mêmes joies que celles qu'ils éprouvaient. Il leur fallut beaucoup de patience et même des sommes colossales de courage pour vaincre les obstacles, les difficultés accumulées par le même pouvoir d'État qui freinait le développement de l'Enseignement public à la même époque.

Alors que les aspirations des individus à l'exercice de l'Art musical sont une nécessité vitale, vérifiée depuis qu'il y a des hommes au travers des civilisations les plus reculées, alors que de tout temps on a vu des humains confectionner des instruments de musique par des procédés et avec des matériaux les plus divers, on aura pu constater que l'accession à la culture, pour la masse du peuple, n'a pu s'accomplir que par des luttes parfois sévères.

L'exercice de l'Art musical fut conditionné par le droit d'association. Depuis la constitution de la IIIe République, le peuple français dut attendre un quart de siècle pour voir ce droit reconnu durablement.

 

Un hommage au peuple seynois

Et puis il nous a semblé que c'était un devoir élémentaire que de rendre hommage à toutes ces personnalités qui ont dirigé La Seynoise, à tous ces Chefs de Musique, à tous ces musiciens, tous enfants du peuple seynois, issus des milieux sociaux les plus modestes. Le rôle qu'ils jouèrent pendant plus d'un siècle fut immense par leur contribution à la vie associative.

En répandant la joie dans la communauté seynoise, en aidant leurs concitoyens à supporter mieux les peines dans les moments d'infortune, ils ont mérité notre reconnaissance.

N'oublions pas non plus les services éminents que nos musiciens ont rendus aux populations varoises. À l'occasion des visites, des échanges, des excursions, ils ont répandu les bienfaits de l'Art musical et suscité des vocations un peu partout sur leur passage. Ils ont également contribué à une meilleure connaissance des populations, au resserrement des liens d'amitié et peut-être au renforcement de l'idée d'appartenir au même pays, à la même culture.

Enfin, il nous a paru indispensable de montrer comment les lois inéluctables de l'évolution se sont manifestées dans notre localité. Aussi avons-nous cru bon d'ouvrir quelques perspectives quant au devenir de la culture musicale tout en nous livrant à quelques réflexions personnelles qui susciteront, du moins espérons-le, intérêt et discussion.

 

« Où il y a de la Musique, il ne peut rien y avoir de diabolique »

Nous n'avons pas voulu, au travers de l'histoire de la plus ancienne association seynoise, nous satisfaire des aspects les plus passéistes. Si nous nous adressons, bien sûr, à nos concitoyens de vieille souche seynoise, nous voulons apporter des renseignements à ceux qui sont venus se fixer sur nos rivages par nécessité professionnelle ou pour y trouver un mieux-vivre. Pensons aussi à ces retraités qui, entrés dans l'âge, nous viennent de très loin pour vivre leurs vieux jours sous un climat particulièrement attachant.

À tous ceux-là, nous disons : « Aidez les musiciens ! Encouragez vos enfants, vos petits-enfants à la pratique de la Musique ! Vous ferez ainsi d'eux des enfants ouverts, sensibles, partie prenante dans le monde contemporain, ce qui les écartera des tentations malsaines qui en noient plus d'un ».

Il est certes d'autres moyens tout aussi louables et, dans le fond, compte surtout ce que l'enfant découvre, dans ces pratiques, ce qui lui forme la personnalité, le goût, le caractère. Mais la Musique est probablement l'activité qui élève encore le mieux la grandeur d'âme et l'amour du Beau, du Bien, du Juste. C'est pourquoi d'aucuns n'hésitent pas à proclamer qu'ils ont découvert par la musique une autre vie dans la vie quotidienne, un langage qui les a fait vibrer, évoluer vers des sentiments plus nobles. D'ailleurs Cervantès n'a-t-il pas écrit : « Où il y a de la musique, il ne peut rien y avoir de diabolique » ?

 

Un peuple à la conquête de la Culture

Le mouvement musical qui s'est développé à La Seyne repose essentiellement sur les luttes, les peines et les exploits de quelques formations musicales dont La Seynoise est restée le dernier témoin, le dernier bastion.

Au cours de ce bref historique nous avons vu à l'œuvre plusieurs générations de musiciens passionnés, de dirigeants obstinés, laborieux, courageux qui ont contraint au recul dans le passé lointain, les forces rétrogrades acharnées à freiner la vulgarisation de l'Art musical et, plus généralement, celle de la culture.

C'est bien grâce à leur ténacité si des progrès considérables ont été accomplis dans ces domaines en faveur du peuple des villes et des campagnes.

Les jeunes de La Seynoisette, fils d'ouvriers pour la plupart, ont appris la Musique grâce au dévouement et à la foi de leurs aînés, sans principes ni méthodes pédagogiques élaborées.

À la même époque, la petite bourgeoisie et a fortiori la grande, pouvaient payer à leurs enfants un enseignement musical de grande qualité. Quand on entendait, dans une rue ou un quartier, résonner des accords de piano, le portefaix confiait, plein d'admiration, au savetier : « C'est la petite à Monsieur Lagane » ou bien « C'est la Demoiselle Rimbaud, celle que son père, il est le directeur des Chantiers ». Ah, il y avait peu de chance que le coûteux instrument se trouve dans les nombreux foyers de petites gens qui, pourtant, bâtirent La Seyne.

Il a fallu dans notre ville, comme dans trop peu d'autres, que soient élues des municipalités progressistes, pour que les enfants, quelles que soient leurs origines, puissent bénéficier gratuitement de l'Enseignement musical. Cela a commencé par le solfège, puis, grâce à un effort soutenu, l'enseignement d'instruments les plus divers a pu être mis en place.

Que l'on ne m'accuse pas de prosélytisme. Quoique fier de l'œuvre accomplie par les équipes municipales au sein desquelles j'ai apporté ma modeste pierre, je ne m'aveugle pas et chacun, comme moi, peut voir que dans les villes qui nous entourent et où les habitants n'ont pas fait des choix similaires aux Seynois, l'action culturelle, surtout en direction des enfants est soit embryonnaire, soit conditionnée par une telle participation financière que les parents ne peuvent suivre.

Chez nous, ce sont plus de trois cents enfants qui chaque année peuvent suivre gratuitement un enseignement de qualité. Et les familles, même parmi celles dont les revenus sont les plus modestes, peuvent offrir à leurs enfants les joies inestimables de la musique. Ainsi, ceux dont la vocation se manifeste précocement peuvent entamer une carrière brillante dans un domaine où ils s'épanouiront. Ce sont autant de Mozart que l'on prend garde de ne pas assassiner.

Dans la rubrique Notices et documents divers, on pourra lire les noms des meilleurs élèves qui, parvenus à un haut niveau technique, ont choisi d'entreprendre une carrière musicale.

En mettant l'Enseignement musical à la portée du plus grand nombre d'enfants, comme cela se fait dans les villes gérées par des Municipalités d'avant-garde, on s'aperçoit que dans la masse des écoliers se révèlent des talents insoupçonnés. Des génies de la Musique, des Mathématiques, des Lettres, il y en a partout, mais encore faut-il que soient créées les conditions pour qu'ils se révèlent.

Et si l'on ne vise pas seulement les hauts niveaux, mais que l'on a à cœur de permettre à tous ceux qui le désirent de se confronter à tout ce que l'on englobe sous le terme trop général de Culture, encore faut-il donner les moyens à tout un chacun de le faire. Faire de la politique, quoi qu'on en dise, c'est d'abord se déterminer pour ces choix possibles.

Aujourd'hui, le besoin d'expression, que certains régimes ont tout fait pour freiner, voire brimer, se manifeste avec une vigueur jamais égalée. Pour ce qui est de la partie qui nous intéresse à savoir l'Art musical, on se rend compte que le nombre des instrumentistes s'est considérablement accru. « C'est une mode, une passade », disent certains, Mais on aurait pu tenir les mêmes raisonnements voilà cent cinquante ans... Et nous ne connaissons aucune mode qui ait cette longévité.

On n'arrête pas le besoin du savoir et de la culture. Il faut reconnaître qu'en matière de vie musicale nous assistons à une véritable explosion. C'est d'autant plus rassurant que l'on pouvait craindre, à un certain moment, que le mouvement musical tombe en léthargie. Les statistiques officielles sont là pour nous rassurer.

À la lecture de ces documents, on se rend compte qu'en 1981, un million d'élèves fréquentaient les écoles de musique et les Conservatoires. En 1966, il y en avait moins de quarante mille. Si l'on tient compte du fait que ce million de jeunes élèves concerne à titre individuel les membres de sa famille, on réalise alors que le mouvement musical intéresse au moins dix pour cent de la population française.

L'Art musical semble bien aujourd'hui tenir le haut du pavé par rapport aux autres formes d'expression culturelle.

Il ne faudrait pas oublier qu'il existe en France près d'un million de musiciens qui, aidés de leur famille, animent des sociétés musicales. Ces braves gens qui se dévouent comme le firent nos ancêtres de La Seynoise ont droit à quelque reconnaissance. D'autant que c'est bien de la musique populaire que sont issues la plupart des formes musicales. En outre, les trois quarts des musiciens professionnels ont fait leurs débuts dans de modestes formations. (Nous en avons un exemple local avec la Musique des Équipages de la Flotte).

Et devant la résurgence des musiques populaires traditionnelles dans nos régions, nous ne pouvons que regretter le silence des Tambourinaïres de Magali et des Cigaloun Segnen, autrefois animés par André Garro et Augustin Tinteri.

Nous sommes dans une époque où la musique est partout : à la maison, dans la voiture, sur les lieux de travail, dans la rue et les magasins, etc. L'industrie du disque et de la cassette a pris des proportions inouïes, relayée par la télévision et les radios qui, à notre avis, ne jouent pas le rôle de vulgarisation culturelle que l'on est en droit d'attendre d'un service public.

Avec l'apparition de la Haute-Fidélité, bientôt du disque à lecture laser, avec le développement du système numérique d'enregistrement et de lecture, les mélomanes peuvent disposer dans le confort de leur appartement des meilleures partitions, jouées par les meilleurs orchestres sous la direction des chefs les plus prestigieux. Cela explique d'ailleurs que les auditeurs, qui manifestent un goût sans cesse affiné pour les grandes interprétations, boudent les modestes concerts de village.

Pourtant, le pas reste à franchir, du mélomane à l'instrumentiste et ce pas, seuls les Pouvoirs Publics peuvent aider l'individu à le faire. Car le plaisir est certes grand à entendre un morceau de son goût, mais il l'est plus encore lorsqu'il nous est donné de contribuer, en créant des sons, à l'interprétation d'une partition. Cela demande, de la part de tous, un effort persévérant, mais couronné de satisfactions immenses.

Mais la Musique a une autre fonction sociale qui mérite que l'on s'y arrête.

 

Une école de discipline

La Discipline ! Que voilà un mot décrié !

Relisons ensemble ce qu'écrivait Georges Duhamel dans un livre intitulé La nuit d'orage où il aborde la question de la musique d'ensemble :

« Pour qui voudrait apprendre à vivre en société, je ne connais pas de meilleure école que la musique d'ensemble. Je m'étonne encore de voir que les citoyens qui prétendent régler le concert des peuples, les diplomates, les hommes d'État, bref, tous les politiques, ne soient pas soumis par la prévoyance des lois, à quelque enseignement musical et, partant, aux disciplines de l'orchestre. Cette aimable contrainte ne serait pas abusive en des pays comme le nôtre où, selon l'expression de l'oncle Abel, la carrière gouvernementale est la seule pour laquelle on n'ait à produire aucun brevet. L'orchestre ne souffre pas les séditieux, il exclut les parasites et les oisifs, il réclame de celui qui prétend à le diriger des vertus techniques peu discutables, car l'exercice les éprouve sévèrement. L'orchestre nous enseigne une obéissance éclairée mais immédiate. Savoir nous taire, mesurer notre silence, prendre la parole à point nommé, chanter seul quand il le faut, user opportunément de la force, la maîtriser au moindre signe compter, respecter ses voisins, assumer toutes les responsabilités, voilà sans doute la plus sage des études.

Et que d'expériences, que d'aventures ! Parfois nous cheminons au milieu de la foule, goûtant l'anonymat, souhaitant l'impunité : soudain le flot qui nous soulève s'apaise, s'évanouit, se retire et nous avançons seuls, éblouis, dans un silence angoissant... ».

Quelle plus belle définition de la discipline et de la Musique d'ensemble pourrait être donnée ? Mais quelle imprudence aussi, que de défendre une notion que de pauvres esprits ne voient que sous l'éclairage malsain d'une atteinte à la liberté intellectuelle... ?

 

Pour la défense de l'Art musical

Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de notre histoire locale. Nous voilà bien loin de notre Seynoise de 1840, des concerts donnés à la lueur vacillante des bougies, des mâles accents de L'Orphéon Gaudemard et de La Lyre Seynoise traquée, ou de la sémillante Seynoisette.

Cependant, le même combat continue pour la défense de l'Art musical. La Seynoise est toujours là, bien vivante, solidement enracinée dans les vieilles familles seynoises, dans la population qui a grandi et dont la composition sociale s'est profondément modifiée. Malgré les mutations profondes, malgré l'apport du sang neuf de l'immigration, la population reste maîtresse de ses destinées. La Seynoise poursuivra sa noble tâche pour la défense du riche patrimoine musical légué par des centaines de compositeurs prestigieux ou obscurs, Français, Italiens, Russes, Allemands, Américains, etc.

Nous avons montré comment notre Philharmonique, surmontant toutes ses difficultés a su faire naître autour d'elle et grâce au concours précieux de la ville, des structures lui permettant de se renouveler.

En cette année 1983 qui s'achèvera lorsque paraîtra le présent ouvrage, le Conseil d'Administration est toujours présidée par Étienne Jouvenceau qui assume cette tâche depuis près de dix ans. Le 16 janvier, l'assemblée générale réunie dans les locaux de la rue Gounod a élu la direction suivante :

Président : Étienne Jouvenceau
Vice-Présidents : Félix Tinteri et Marius Autran
Secrétaire général : René Garbolino-Riva
Adjoint : Désiré Gilardi
Trésorier : Jean Sicard
Adjoint : Anatole Vial
Commissaires : Fernand Dini et Lucien Facetti
Archivistes : René Garbolino-Riva et René Dehase
Chef de Musique : Jean Arèse
Sous-chef : Guy David
Porte-drapeau : Ernest Verrechia et Marius Turière

Sont également nommés Présidents d'Honneur : Messieurs Claude Content, Henri Tilly et Joseph Imbert.

Les deux principaux animateurs de la Société musicale, Étienne Jouvenceau, le Président et Jean Arèse, le Chef de Musique, jouissent de la confiance de tous les membres et d'une population qui les connaît bien et qui les aime. Leurs états de service sont suffisamment éloquents pour qu'il en soit ainsi. Mais il est bon que les Seynois fassent avec eux plus ample connaissance.

 

Jean Arèse

Il se révéla, comme nous l'avons dit, dans l'une des périodes les plus difficiles pour La Seynoise.

C'était en 1958. Félix Sauvaire, gravement malade, ne pouvait plus assumer ses fonctions de Chef de Musique. Désiré Gilardi avait accepté de le remplacer provisoirement. Peu après, Jean Arèse, à peine âgé de vingt-deux ans, accepta de lui succéder.

Il y a de cela vingt-cinq ans. Depuis, notre jeune chef est devenu le dynamique animateur qui dirige la Musique seynoise et se produit également à la tête d'orchestres de la région.

Issu d'une famille modeste, il fut d'abord enseigné en musique par son père qui jouait de la basse à La Seynoise. Il apprit ainsi le solfège, avant que Félix Sauvaire n'enrichisse son bagage musical et lui enseigne la pratique du hautbois.

Jean Arèse était alors élève de l'École Martini où, ayant opté pour l'Enseignement technique, il entra à l'atelier de Menuiserie. Puis, il préféra quitter l'école et commença son apprentissage aux Forges et Chantiers de la Méditerranée. Son goût pour le travail du bois s'était bien affirmé, mais il avait le démon de la Musique et cela infléchit son parcours.

Depuis 1948 - il avait douze ans - il suivait les cours du Conservatoire de Toulon. Il se produisait déjà dans les rangs de La Seynoise. César Castel, chef de Musique de notre Philharmonique de 1922 à 1925, fut son professeur de solfège, alors que M. Marvaldi lui enseignait le hautbois.

En 1955, il quitta le Chantier naval pour s'engager pendant trois ans dans la Musique principale des Troupes coloniales à Paris (Infanterie de Marine). Il est alors âgé de dix-neuf ans. L'année suivante, il se présente au concours d'entrée au Conservatoire national supérieur de Paris où il est admis en qualité d'auditeur. Hélas, son départ pour l'Algérie vient contrarier cette prometteuse carrière.

Ce n'est qu'en 1958 qu'il revient d'Algérie et il réintègre les Forges et Chantiers, mais entre au Théâtre de Toulon pour y jouer en qualité d'hautboïste.

De 1965 à 1975, il fut professeur de musique au Collège d'Enseignement général de Saint-Jean-du-Var.

Aujourd'hui, il est titulaire du poste de second-chef au Théâtre de Toulon. Il dirige parfois aussi des orchestres d'opéra à Nîmes, Montpellier, Nice, Draguignan ou Aix-en-Provence.

Sa marque sur La Seynoise est évidente, pour qui a suivi son évolution.

La base du répertoire de notre société musicale est puisée dans les partitions classiques et son style reste celui d'une musique populaire.

Pendant longtemps, les musiciens se sont bornés à exécuter des partitions écrites au XIXe siècle. Jean Arèse a eu le mérite d'entraîner nos instrumentistes à aborder des morceaux écrits dans des périodes plus proches de la nôtre. Citons, pour mémoire, Ravel, Sibelius, et bien d'autres. Il s'oriente sans cesse vers des genres nouveaux avec la préoccupation constante du sens poétique de la musique.

Exigeant avec lui-même, gros travailleur, Jean Arèse demande un effort soutenu et rigoureux à ses musiciens qui acceptent de bonne grâce ses remarques parfois exprimées d'un ton sans réplique.

Sa manière de diriger exprime un grand pouvoir communicatif et la moindre imperfection qui parvient à son oreille vaut au coupable un regard foudroyant.

À la tête de l'École municipale de Musique, il joue un rôle considérable. Animateur incomparable, pédagogue draconien, il a le souci de donner à ses élèves des bases inébranlables et une culture musicale des plus ouvertes. Aussi sa réputation et celle de l'École dépassent-elles le cadre de notre territoire seynois.

Salarié de l'École de Musique, il assume bénévolement ses fonctions de Chef de Musique. À ce titre et pour tout le dévouement dont il a fait preuve au service de notre commune, la population seynoise se doit de le remercier et de le féliciter. Il sert la Musique avec un amour passionné et puissent ces excellentes qualités s'exercer en nos murs longtemps encore !

 

Étienne Jouvenceau

Descendant d'une vieille famille seynoise, originaire de Saint-Mandrier (hameau qui n'est distinct de La Seyne que depuis 1950), Étienne Jouvenceau a été élu Président de La Seynoise en 1974, à la mort d'Alex Peiré.

Nous avons déjà dit que son choix n'avait suscité aucune discussion, son autorité morale, ses capacités, son aptitude à diriger une association s'étant affirmées concrètement depuis longtemps au sein d'un Conseil d'Administration qui lui accorda sa confiance la plus absolue.

C'est à La Seyne qu'est né, le 30 juillet 1915 Étienne qui a passé la majeure partie de son enfance rue Isnard. Il fit ses études, de 1921 à 1932 dans les vieux murs de Martini où il donna beaucoup de satisfaction à ses parents et ses maîtres. Il se révéla parmi les meilleurs élèves de la classe de préparation au Concours d'entrée à l'École normale d'Instituteurs de Draguignan.

Il fut brillamment admis élève-maître en 1932 et sa promotion, Lou Mistraou, devait donner des Instituteurs d'élite.

Nanti de son Brevet supérieur et de son C.A.P., il commença sa carrière d'Enseignant à Villecroze-les-Grottes où il exerça au milieu des familles paysannes qui lui manifestaient un grand attachement pour sa courtoisie, sa simplicité et surtout la haute qualité de son savoir faire pédagogique. C'est dans ce village du terroir varois qu'il rencontra Denise, la charmante compagne de sa vie.

Malgré tous les attraits de la vie paisible en milieu rural, l'appel de la ville natale fut le plus fort et c'est en 1946 qu'Étienne Jouvenceau revint, sur la côte, à Six-Fours, d'abord, puis à l'École François-Durand qui porte depuis le nom d'Émile-Malsert.

Il y a terminé sa carrière, après y avoir enseigné pendant vingt-trois années.

Si l'on peut faire état de toute une vie au service de l'enfance et de la jeunesse, il faut également souligner l'activité considérable d'Étienne Jouvenceau sur le plan politique, social et culturel.

Élu Conseiller municipal en 1959, sur la liste conduite par Toussaint Merle, il œuvre depuis cette date au profit de sa ville natale. Il a participé aux luttes les plus difficiles pour assurer le mieux être de ses concitoyens, tout en exerçant son métier aux tâches délicates.

Retraité de l'Enseignement en 1970, il consacra alors la majeure partie de ses loisirs aux activités municipales. Élu Adjoint au Maire en 1974, il devint Président de la Caisse des Écoles en 1977 et prit par là même en main le vaste secteur des œuvres sociales scolaires, colonies de vacances, restaurants scolaires, matériel d'enseignement, emploi de moniteurs, etc.

Dans le même temps, il devint Président de La Seynoise dans les conditions déjà évoquées.

Toutes ces fonctions, il les accomplit avec beaucoup de dévouement, de rigueur et de compétence.

Hormis ses fonctions municipales, Étienne Jouvenceau est vice-président de l'Association des Amis de La Seyne ancienne et moderne depuis 1981. Amoureux du passé historique de sa ville natale, il apporte sa contribution efficace à la satisfaction des besoins culturels de ses concitoyens. Ajoutons qu'Étienne Jouvenceau est également philatéliste, ce qui veut dire que sa retraite est parfaitement meublée.

On lit toujours avec plaisir ses articles de presse signés familièrement Tienne, on écoute toujours avec attention ses conférences vivantes. Un tel homme avait bien sa place à la tête de La Seynoise et même de la Fédération Musicale du Var, dont il est vice-président depuis 1982.

En mars 1983, après vingt-quatre ans de bons services comme élu municipal, il a souhaité se retirer des affaires publiques, mais reste un animateur compétent et dévoué du mouvement associatif et de la vie culturelle seynoise.

Avec des hommes comme Jean Arèse et Étienne Jouvenceau, avec tous les membres chevronnés du Conseil d'Administration, La Seynoise ne peut que vivre et se renforcer, pour améliorer sans cesse la qualité de ses exécutants et mieux affirmer sa vitalité.

La meilleure façon d'assurer l'avenir, c'est de veiller tous ensemble sur le développement de l'École de Musique, c'est d'en défendre la structure contre toutes les attaques possibles et Œuvrer à son développement. Car c'est vers la jeunesse que les regards convergent. Tous les défenseurs de l'Art musical, en accord avec les élus locaux, doivent s'intéresser de tres près à cette réalisation qui a déjà donné tant de preuves de sa vitalité. Mais cela, loin de leur porter préjudice, devra se faire au bénéfice des autres structures ou formations musicales de notre localité.

Et aujourd'hui, devant un tel développement de l'École municipale de Musique, devant l'afflux des demandes, dont certaines ne peuvent être satisfaites, une question se pose.

 

Vers un Conservatoire de Musique ?

En effet, l'École municipale de Musique dans sa forme actuelle, dispense quatre-vingt-dix heures de cours hebdomadaire et fonctionne dans plusieurs écoles primaires : Léo-Lagrange, Émile Malsert, Jules-Verne, Ernest-Renan, Jean-Baptiste Martini et Jean-Baptiste-Coste, ainsi que dans les locaux de La Seynoise. Cela signifie que les cours ne peuvent avoir lieu qu'après les heures de classe, ce qui occasionne une perturbation non négligeable pour l'entretien des locaux scolaires.

Là n'est pas l'inconvénient majeur. La dispersion des lieux d'enseignement, par contre, gêne bien évidemment le fonctionnement de l'École et le Directeur a bien du mal à exercer une coordination valable. De plus, les professeurs, astreints à des va-et-vient incessants, perdent beaucoup de leur temps en déplacements, surtout à des heures où les routes sont particulièrement encombrées.,

Par ailleurs, les locaux scolaires ne sont pas adaptés à l'Enseignement de la Musique et tous les gens concernés : élèves, parents, mélomanes, enseignants et élus municipaux en sont parfaitement conscients.

Nous savons que Monsieur le Maire et son Conseil municipal souhaitent régler ce problème important le plus tôt possible. Un problème qui n'est pas isolé car les urgences à satisfaire dans une ville en pleine expansion sont nombreuses et coûteuses.

Nous pouvons faire confiance à nos administrateurs qui ont mis à l'étude la création d'un Conservatoire municipal de Musique.

À l'Amicale de l'École de Musique, on en parle souvent et l'on se plaît à imaginer ce superbe bâtiment qui pourra accueillir tous les Seynois désireux de recevoir un enseignement musical. On l'imagine avec un grand hall d'accueil qui donnerait accès à un bel auditorium dont l'acoustique parfaite permettrait de recevoir des formations musicales dans les meilleures conditions possibles pour le public. Et puis une kyrielle de salles d'enseignement, chacune avec des affectations particulières et des équipements adaptés.

On peut rêver, mais il faut tout de même garder à l'esprit que tout cela demande des investissements importants dont la Ville seule n'a pas les capacités.

D'autant qu'il faudra bien élargir le nombre de classes d'instruments, car une évolution est sensible dans ce domaine comme dans d'autres. Par ailleurs, les Professeurs de l'École municipale de Musique souhaitent orienter leurs élèves les plus doués dans la pratique d'instruments délaissés comme la harpe, le cor anglais, le trombone à coulisse, etc.

Seule une structure importante à la mesure de notre grande ville, sera à même de satisfaire ces besoins légitimes.

Que l'on ne vienne pas nous dire que ce serait un luxe pour nos Seynois, de disposer d'un tel équipement ! L'ère de la Salle Coupiny où l'on éclairait les partitions à la bougie est bien révolue. Notre ville n'est plus un petit village et sa force a toujours été d'affronter l'avenir avec des armes bien adaptées dont elle a su se doter. N'oublions pas, quitte à se répéter, que l'Art est un pari sur l'avenir, il dépasse en longévité les civilisations qui l'ont porté et en témoigne au travers parfois de millénaires. C'est la logique de production capitaliste qui en a fait un supplément d'âme réservé à une élite désœuvrée. Pour nous, c'est l'affaire de tous, car c'est un inestimable moyen donné à chaque individu de se réaliser et, par cela, d'être utile à la société dans laquelle il occupe toute sa place.

Dans une interview accordée à la presse locale, les professeurs ont en ces termes formulé leur opinion :

« L'École, pour être dans la logique de l'Enseignement musical, doit tout d'abord respecter la personnalité de chaque élève, maintenir l'exigence d'un enseignement musical vrai. Nous ne sommes pas là pour satisfaire les envies du moment qui passe, mais pour former le bon goût et donner un enseignement solide comme il se fait dans les conservatoires ».

Et plus loin :

« La Musique étant un tout, c'est l'orchestre qui constitue l'image vivante de la musique. Il faut bien que l'école garde le souci de former des musiciens pour chacun des instruments ».

Le Conservatoire de Musique de La Seyne verra le jour, c'est indubitable. Il n'est pas excessif de penser qu'il sera une des prochaines réalisations du mandat municipal commencé en 1983. Des achats de terrain ont déjà été réalisés dans ce but et faisons confiance à Maurice Blanc et à nos édiles qui prennent toujours plus au sérieux les problèmes culturels. Et cela ne se fera pas au détriment des besoins en structures sociales, éducatives, sportives que la croissance de notre cité rend indispensables.

Malgré les difficultés, malgré les choix douloureux, imposés aux administrateurs par les crédits toujours limités, nous sommes persuadés que l'idée faisant son chemin, une solution sera trouvée.

 

L'Art musical dans la vie culturelle seynoise

Depuis 1965, point de départ de l'École municipale de Musique, l'Art musical et la vie culturelle en général ont pris à La Seyne des dimensions nouvelles.

La Municipalité conduite alors par Toussaint Merle, sut parfaitement appréhender ces problèmes. C'est pourquoi elle décida au début de l'année 1967 de fonder l'Office Municipal de la Culture et des Arts (O.M.C.A.) dont le sigle est aujourd'hui porteur d'une réputation de qualité et d'innovation en évitant l'écueil de l'élitisme abstrait.

Cet organisme qui groupa dès sa fondation une trentaine d'associations à caractère culturel, se proposait d'encourager de développer, de coordonner les différentes activités artistiques pratiquées sur la commune. Il était alors dirigé par Jean Passaglia et chacun garde en mémoire le fascicule Étraves qu'il publiait. Depuis, par le jeu d'adhésions nouvelles, il réunit quarante-deux associations et si certaines associations fondatrices ont disparu, de nouvelles ont vu le jour.

Pour le secteur de l'Art musical, l'O.M.C.A. a salué l'adhésion des Jeunesses Musicales de France, des Amis de l'Orgue, de l'Amicale de l'École de Musique, de sa Chorale, de la formation Variété Jazz Orchestra, des Cigaloun Segnen, de l'Escolo de la Souco, de la Clique de l'Union Sportive Seynoise et du Club d'Art Musical. Naturellement, La Seynoise figure parmi les associations fondatrices.

Cette même année 1965 fut un tournant dans la vie culturelle seynoise et plus spécialement dans le développement de l'Art musical.

C'est en effet cette année-là que la Municipalité prit la décision importante de voter des crédits substantiels pour que soient restaurées les orgues de Notre-Dame du Bon Voyage.

Certes, il faut remonter loin dans l'Histoire locale pour savoir que l'église fut dotée d'un premier buffet d'orgues dont l'installation date de 1810-1811. En 1891-1892, Maître Francois Mader, facteur d'orgues de Marseille, construisit un orgue romantique à vingt-huit jeux. Après soixante-dix ans d'existence, des réparations s'imposaient.

En 1981, le Ministère des Beaux-Arts classa l'orgue de La Seyne et l'arrêté du 6 mars de la même année est ainsi libellé :

« ... L'immeuble par destination ci-après désigné est classé parmi les monuments historiques :

La Seyne sur Mer - Var - Église Notre-Dame

... Partie instrumentale de l'orgue, oeuvre de François Mader 1891 à l'exception des jeux de Costa 1965 ».

L'intérêt de ce classement est de rendre l'État co-responsable de sa qualité originale, ce qui veut dire d'une part qu'on ne peut y apporter aucune transformation sans l'avis de l'État et d'autre part que ce dernier a le devoir d'intervenir pour sa restauration, soit en versant des subsides au propriétaire (La Ville) soit en désignant lui-même les personnels qualifiés.

Si nous nous sommes quelque peu attardés sur ce fait local important pour le prestige de notre église et de notre cité, c'est qu'il fut le point de départ de deux associations qui œuvrent depuis pour la défense de l'Art musical en organisant des concerts d'orgue auxquels participent les plus grands noms parmi les organistes.

 

Une position de lutte, une position d'espoir

Sans vouloir entrer dans le détail des activités bénéfiques de toutes les associations qui défendent l'Art musical, disons que toutes font œuvre utile. Leurs activités, souvent complémentaires, apportent à la population des moments de détente et des satisfactions immenses. Dans leur diversité de style, elles savent répondre aux goûts les plus divers de tous les amateurs d'Art musical.

En cette fin de XXe siècle, les premiers pas de La Seynoise sembleront à certains se perdre dans la nuit des temps... Nous pensons surtout à nos jeunes qui sont venus au monde dans la modernité scientifique sans cesse renouvelée, eux qui suivent minute par minute les vaisseaux spatiaux, les progrès surprenants des sciences médicales et qui jouent comme nous, dans notre jeunesse, jouions avec une bordufle (toupie), avec des petits ordinateurs. Eux qui vivent un monde trépidant s'accommodent aux rythmes nouveaux, aux sonorités discordantes à nos oreilles classiques. Cette sensibilité nouvelle a permis le développement de genres jusque-là ignorés et, malgré de nombreux cas qui relèvent plus de l'escroquerie que de l'Art musical, on peut dire que ce renouveau est positif.

Même si certains, aveuglés par un snobisme un peu obtus, rient à l'évocation de notre Philharmonique, ils découvriront un jour qu'ils en sont - que nous en sommes tous - les héritiers.

Sans les efforts persévérants de sociétés telles que la vieille Seynoise, sans la compréhension et la volonté nette des édiles locaux de l'après-guerre, il est probable que dans notre ville, comme dans bien d'autres communes, la vie musicale serait aujourd'hui inexistante.

Elle a triomphé, après des luttes pénibles et longues, retracées dans les pages précédentes. Nous ne pouvons nous empêcher de faire un lien entre ces combats et ceux menés parallèlement et souvent par les mêmes hommes, pour le triomphe de l'Enseignement public. Tous deux relevaient de la même démarche : offrir à l'Homme le savoir, pour qu'il aborde mieux son existence, non plus confiné dans son médiocre quotidien, mais avec des échappées somptueuses sur le patrimoine mondial de la Pensée et de la Création.

Et nous irons plus loin !

Toutes les collectivités locales, départementales, régionales, l'État, avec son Ministère de la Culture, ont le devoir de se pencher sur ce problème de la défense de l'Art musical. Chacun d'entre nous, à son niveau, doit contribuer à cette grande action car la musique est une nourriture essentielle pour le bonheur des individus à qui elle donne le sens de l'Universel.

Et notre satisfaction ainsi que notre honneur, c'est de voir que nous sommes un maillon de cette grande chaîne d'hommes, maillon qui voit après lui se former d'autres maillons tout neufs venus participer à cette grande œuvre sur des positions de luttes.

Sur des positions d'espoir.


Marius AUTRAN         

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