La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome III
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome III (1990)
La glorieuse histoirede l'École Martini

(Texte intégral du chapitre)
 

ANNEXES :

 

 Une date mémorable

L'histoire d'une ville comme celle d'une nation est jalonnée d'événements marquants, évocateurs de grandes détresses occasionnées par la guerre, l'intolérance, les fléaux de la nature, mais aussi de circonstances heureuses, sources d'exaltation, d'enthousiasme et de bonheur.

Chaque génération peut apporter ses témoignages. Nos concitoyens les plus anciens savent généralement rappeler les faits correspondant aux dates suivantes : 5 Mars 1899, 2 Août 1914, 28 Septembre 1912, 29 Avril et 11 Juillet 1944,...

Même s'ils n'ont pas vécu tous ces événements, ils en ont eu connaissance par la tradition orale tant les traces en furent profondes dans la population.

Nous allons rappeler ici un fait bien particulier, une date mémorable de notre histoire locale : celle du 7 Décembre 1976, une journée apparemment sans relief. Cette date n'est gravée nulle part ; elle figure à peine sur une délibération municipale et un contrat d'entreprise de démolition. Elle n'a pas provoqué de choc immédiat parmi nos concitoyens comme l'aurait fait un accident grave, mais elle a suscité dans les jours qui suivirent des réactions si vives, des souvenirs si émouvants, des regrets si profonds, qu'on doit la considérer comme la fin d'une époque dans l'histoire de La Seyne.

Que s'est-il passé le 7 Décembre 1976 ?

Ce jour-là commença au quartier Cavaillon la destruction de l'école Martini. On en parlait depuis longtemps car les vieux murs lézardés, les toitures branlantes, les locaux inadaptés, l'absence de confort et d'équipements, interdisaient un enseignement de qualité. Il fallait faire du neuf.

Ce 7 Décembre ne fut pas considéré comme une journée de deuil mais à partir de là et pendant plusieurs mois, il fut une source d'affliction pour des milliers de Seynois. Pourquoi cet attachement aux vieilles pierres ? Pourquoi ces gorges serrées, ces pincements au coeur devant le spectacle de la démolition ?

En voyant s'effondrer les classes, les ateliers, le laboratoire dans les nuages de poussière, sous les coups de boutoir impitoyables des bulldozers, les anciens qui passaient s'arrêtaient, se souvenaient et exprimaient leur émotion. Pourquoi cette mélancolie sur leur visage ? Pourquoi ces paroles empreintes de regrets et d'amertume même ?

Tout simplement parce qu'ils voyaient disparaître près d'un siècle et demi d'histoire de leur ville natale, de leur école. Celle où ils avaient appris à lire, à écrire, à compter, à dessiner, à travailler le bois ou le fer !

Décembre 1976 : " ...Cent quarante-trois ans d'histoire locale venaient de s'effacer en quelques heures... "

Celle dont les maîtres exemplaires leur avait appris à devenir des hommes et des citoyens responsables.

Que de souvenirs revenaient à leur mémoire !

L'école Martini, ce fut leur enfance, leur adolescence, leur éveil à la vie collective, les camarades que l'on retrouvait chaque jour, les jeux paisibles ou violents. Il y eut certes des heures grises avec des pensums plus ou moins justifiés, une discipline ferme, draconienne même avec certains maîtres, mais aussi des compensations avec des farces et de bonnes blagues.

Pendant que les engins mécaniques faisaient table rase des vieux murs, qu'ils nivelaient le sous-sol utilisé d'abord comme école en 1793, comme salle de répétition des musiques en 1875, comme salle de réunion des syndicats ouvriers en 1884, comme gymnase au début du XXe siècle, des groupes de badauds se formaient et chacun évoquait ses aventures personnelles. Les papotages allaient bon train.

- Moi ! J'étais dans la classe de M. Penciolleli. Tu te rappelles pas de lui ? On l'appelait Pinchou.

- Ah ! il a été célèbre celui-là. Quand il te mettait au piquet devant le portrait de Jules Ferry, il s'écriait, rouge de colère : « Régarda Joulio ! ». Alors tout le monde s'esclaffait dans la classe. Il donnait aussi des coups de règle sur les doigts, mais il était brave.

- C'est Monsieur Vacchero qui m'a fait passer mon certificat d'études ! Celui-là il était pas manchot ! Avec lui, il fallait pas se manquer parce que lui, il te manquait pas.

- Tu t'en souviens quand nous allions à la chaudronnerie avec Monsieur Sauvaire ?

- Non, j'ai pas connu les ateliers, après mon certif mon père m'a envoyé au chantou.

- Moi, j'ai connu Monsieur Soleri à la chaudronnerie. Il nous apprenait à tomber les bords, à cintrer les tuyaux, des fois à souder les arrosoirs.

- Avec qui tu as passé le certif toi ?

- Avec le père Aillaud. Il était pas commode celui-là. Ainsi, quand tu n'écoutais pas sa leçon, de son bureau, il t'envoyait une règle sur la tête. Tu devais la lui retourner, et quand tu arrivais devant lui, alors tu recevais le reste.

Les plus anciens qui animaient ces colloques prononçaient aussi les noms de Guigou, des Michel, de Lenoir, connus pour avoir enseigné dans les années 1885. Il y a déjà un siècle de cela !

École Martini - École supérieure - La cour des grands (la cour Sud)

L'école Martini a vu défiler dans ses classes et jouer dans ses cours six générations d'enfants et d'adolescents, c'est-à-dire des milliers de petits Seynois. Aussi a-t-elle laissé des souvenirs ineffaçables dans les têtes et dans les coeurs et l'on peut affirmer sans crainte qu'elle fait l'objet de conversations chaque jour quelque part dans la ville.

La preuve, on peut la faire chaque fois que les cortèges funèbres s'en vont remontant la rue Jacques Laurent. Les enterrements sont rarement silencieux. Hormis les affligés de la famille, rangés derrière le corbillard, les participants entament presque toujours des sujets de conversations fort éloignés du motif qui les a conviés à la cérémonie funèbre.

Parvenus à hauteur du centre culturel installé dans l'ancien orphelinat Saint-Vincent-de-Paul, ils découvrent sur leur gauche une jolie construction agrémentée à ses pieds d'un beau jardin fleuri, et dont certains apprennent qu'elle s'appelle école Martini. Et dans l'assistance mouvante qui bavarde et gesticule, il se trouve toujours un individu mieux informé que les autres : « Vous comprenez, dit-il, il a fallu détruire la vieille école où se bousculaient les élèves de l'école primaire, avec ceux du « Secondaire » et du « Technique ». La construction du lycée moderne et classique au quartier Beaussier et celle du lycée technique Langevin, ont réglé les plus grands problèmes de l'Enseignement à La Seyne. La construction du parking n'ayant pas pris toute la surface constructible de l'ancienne cour de l'école Martini, on a pu édifier une petite école de 10 classes pour les écoliers du centre ville ».

Un autre ajoute : « La Municipalité a eu la bonne idée de lui donner le nom de Martini, si cher aux Seynois ».

- Quand même, ce Monsieur Martini qui fut le premier directeur au XIXe siècle, il n'aurait pas pensé que son nom serait encore vénéré plus d'un siècle après sa mort par des élèves.

- C'est vrai mais aussi par les passants puisque nous avons la rue Martini.

- Et les automobilistes, non ? Ils sont bien contents de garer leur véhicule au parking Martini.

Et les papotages se poursuivent malgré les essoufflements ressentis au raidillon de l'ancien chemin des Moulières à quelque cent mètres du cimetière.

Après le dernier adieu au défunt et quelques minutes de recueillement, si on s'en revient par le quartier Cavaillon en contournant le parking, le même sujet revient sur les lèvres.

- « Tiens regarde ! Là, c'était le réfectoire, ici la petite cour et le cabinet public, tout à côté de l'entrée, côté de l'église. Quel scandale ! De cet édicule puant, tu voyais sortir des hommes qui rajustaient leur pantalon dans la rue, en toussant et en crachant sur ton passage. C'était dégoûtant ! Ça n'empêchait pas Pierre la Chique de vendre ses bonbons à la sortie des classes. Les marmots sans le moindre sou en poche criaient : « Pierre faï tasta ! ». Alors le gagne-petit prenait la mouche en surveillant de très près son étalage ambulant ».

Et les souvenirs s'égrènent inépuisables. On extrapole pour passer en revue les célébrités seynoises de la rue, personnages haut en couleur comme Gérome le Débardeur, Gigi le Camionneur, Liti Pignateoù, Bernard le Salaud, et bien d'autres,... Les spécialistes de la dive bouteille, les impénitents du libertinage, les ravageurs de la mer, les professionnels du larcin, les organisateurs des loteries clandestines.

Tous ces souvenirs ravivés avec ferveur et même avec passion montrent bien à quel point l'école Martini est toujours présente et la place qu'elle tient dans le coeur des Seynois.

Aussi, il nous a paru indispensable, compte tenu du rôle immense qu'elle a joué dans notre ville, de conter son histoire grâce à quelques rares documents écrits et surtout au témoignage du vécu des plus anciens de nos concitoyens.

 

Origine

En 1833, la France était gouvernée par le roi Louis-Philippe. La majeure partie des citoyens ne savaient ni lire, ni écrire.

Sous l'impulsion d'un ministre de l'Instruction Publique, nommé Guizot, une loi du 28 juin de cette même année, fut promulguée dans le but de créer un véritable enseignement public car, jusque là, le seul enseignement dispensé était l'oeuvre du clergé qui s'attachait surtout à former des élites mieux armées pour subjuguer la masse des ignorants. Cette loi fit obligation aux communes de plus de 6 000 habitants d'assurer le fonctionnement d'une école primaire en même temps qu'elle exigeait la création d'une école normale d'instituteurs dans chaque département.

La municipalité de La Seyne, présidée alors par Louis Balthazar Berny, boulanger, décida l'application de cette loi le 5 juillet 1833. La première école qui résulta de la délibération fut appelée École publique de garçons.

Précisons qu'en ce temps-là, on n'envisageait pas l'enseignement aux petites filles destinées disait-on, à la maternité, à la cuisine et à l'entretien de la maison, tâches qu'elles pouvaient accomplir sans le secours de la lecture et de l'écriture. On le croyait ainsi !

Le principe d'une école publique ayant été admis, où allait-on l'installer ?

La commune était bien pauvre et ne pouvait se payer le luxe d'une construction nouvelle. La Mairie, installée au 1er étage d'une étroite maison de la rue Carvin (boulangerie Erutti aujourd'hui), ne possédait aucun local valable. On eut recours à une structure religieuse abandonnée, l'ancienne chapelle de la congrégation des filles de la Miséricorde, au bas de la rue du Miseréré (rue d'Alsace), une seule classe fonctionna au début sous la direction de M. Martini.

Trois ans plus tard, l'école transférée à l'Hôtel de la Dîme, s'agrandit d'une deuxième classe puis d'une troisième car il fallut créer aussi une école primaire supérieure (E.P.S.).

Entrée de l'école par la rue Martini

Depuis le XVIIe siècle, la Dîme, comme on l'appelait familièrement, était utilisée par le Clergé pour la perception des impôts en nature dont il bénéficiait.

L'école publique devint « l'école de la Dîme ». Pendant quelques années, on l'appela aussi École d'Enseignement Mutuel, expression qui se justifiait par des méthodes pédagogiques opposées à l'enseignement individualisé. Des groupements de huit à dix élèves étaient confiés à des élèves plus âgés, les moniteurs, qui recevaient eux-mêmes des leçons spéciales du maître d'école, On pensait pouvoir instruire beaucoup d'enfants avec un minimum de personnel.

L'école de la Dîme, dirigée par M. Martini, ne prit le nom de son directeur que beaucoup plus tard.

L'extrait cadastral de 1830 ci-joint montre bien la parfaite coïncidence du plan de la Dîme avec celui que les générations présentes ont connu. Le corps du bâtiment principal n'avait pas varié, ce qui signifie que les écoliers du début ont travaillé dans les locaux du XVIIe siècle et que par la suite, l'école n'a connu jusqu'en 1976 que des rafistolages, des agrandissements disparates dont l'harmonie était pour le moins discutable.

Ainsi a commencé l'Enseignement public à La Seyne, histoire complexe, mouvementée, dramatique parfois, liée au développement économique et social de la localité, mais aussi au contexte général de la politique suivie par les gouvernements successifs en matière d'éducation nationale dont les conceptions ont différé radicalement suivant l'alternance de régimes démocratiques ou dictatoriaux.

 

Départ laborieux

Aux luttes politiques, s'ajoutèrent les luttes idéologiques et religieuses ; les rivalités entre l'enseignement public et l'enseignement privé confessionnel prirent un tour passionné à certaines époques et leurs conséquences sur la jeune école naissante furent parfois désastreuses.

Les édiles locaux ne remplissaient pas toujours leurs obligations vis-à-vis de l'Enseignement nouveau. L'état moralisateur qui avait ordonné, conseillé, laissait à la commune le soin de trouver les moyens de son fonctionnement.

Par surcroît, les nouveaux maîtres de cette école de la Dîme se heurtaient à l'incompréhension des familles, les unes ignorant la nécessité d'une instruction solide pour leurs enfants, les autres préférant tirer un profit même minime d'une main d'oeuvre mise au service du patronat dès l'âge de huit ans.

À ses débuts, l'école connut des conditions matérielles de fonctionnement lamentables : pas de mobilier scolaire, pas de matériel d'enseignement, pas de chauffage. Il fallut l'opiniâtreté des maîtres qui confectionnèrent eux-mêmes des tableaux, des cartes, des lettres et des syllabes découpées dans le bois. Puis les municipalités vivement sollicitées accordèrent de menus crédits prélevés sur leurs maigres ressources budgétaires pour équiper les classes en tables, bancs et placards. Le tableau noir fera son apparition vers 1840.

La fréquentation scolaire n'avait pas été rendue obligatoire par la loi Guizot ; pas plus que la gratuité absolue ; pas plus que la laïcité. Elle avait créé des structures sommaires, sans doute, mais éveillé une prise de conscience du problème capital de l'instruction publique. Les maîtres devront livrer de sévères batailles sur tous les fronts : convaincre les édiles locaux de mieux soutenir l'Enseignement public ; faire face aux attaques des ecclésiastiques qui voyaient d'un oeil marri une nouvelle génération d'enseignants désireux de nouvelles méthodes ; exiger du pouvoir central l'uniformisation des programmes, la vulgarisation de livres scolaires ; lutter contre l'indifférence de certaines familles à la nécessité de l'enseignement ; encourager celles plus compréhensives mais aux prises avec une misère effroyable au point de ne pouvoir vêtir ou chausser correctement leurs enfants.

Les conditions de travail du maître d'école de cette époque étaient donc particulièrement difficiles.

Ajoutons que dans les périodes de beau temps où la fréquentation était plus régulière et plus dense, l'atmosphère de la classe était à peine respirable. Une odeur infecte se dégageait des corps et des vêtements malpropres.

Les gens ne se lavaient pas tous les jours, en raison de l'absence d'eau courante dans les habitations. Dans les chevelures hirsutes, les poux pullulaient, ce dont beaucoup de parents ne s'offusquaient point ayant appris de leurs aînés que la présence de ces parasites était un signe de bonne santé, leur rôle bienfaisant étant de sucer le mauvais sang.

Ce tableau de la vie scolaire est bien sombre et cependant réaliste. La situation précaire de l'Enseignement public durera longtemps encore après la loi Guizot. D'autres réformateurs combleront des lacunes, mais les progrès se feront avec une lenteur parfois désespérante.

Monsieur Martini installé dans ses fonctions, la Municipalité établit un règlement précisant les devoirs du maître et des élèves, les heures des séances, les problèmes de discipline, les jours de vacances, etc.

En 1835, l'école fonctionnait avec un directeur et deux adjoints. Le traitement du directeur s'élevait à 1.200 francs par an auquel s'ajoutait une indemnité de 150 francs pour son logement. Le premier adjoint au directeur percevait de son côté 1.000 F. par an et aussi 150 francs pour son logement.

Ces salaires, à peu près décents pour l'époque, étaient récupérés par la commune qui encaissait la cote, participation financière due par les familles.

En 1840, les élèves de l'école primaire devaient payer 1 franc par mois, ceux de l'école primaire supérieure 3 francs. Le phénomène de l'inflation se manifestant déjà, le montant de la « côte » dut être augmenté périodiquement, ce qui eut pour résultat prévisible un mécontentement de la population.

Certaines familles retiraient les enfants de l'école pour protester ; d'autres dont la situation relevait de l'indigence, exigeaient l'exonération de la redevance.

Il arriva que les rentrées d'argent ne soient plus suffisantes pour payer les salaires du personnel. On devine sans peine la nature des conflits qui s'en suivaient.

Et pendant ce temps le pouvoir central se limitait à l'expédition d'ordonnances comme celle du 1er octobre 1837, qui mentionne dans son article 3 : « Dans les six années à venir, les Conseils municipaux prendront les mesures nécessaires pour se mettre en état d'acheter ou de faire construire des maisons d'école ». Aux municipalités de se débrouiller avec leurs contribuables. Parvenue au milieu du XIXe siècle, notre ville de La Seyne connut un développement économique irrésistible, un phénomène majeur s'y manifestait : le développement de la construction navale.

Aux bateaux en bois mus par la force des vents, allaient se substituer des navires à coque de fer actionnés par la vapeur avec des roues à aubes d'abord, puis des hélices. Une véritable révolution s'accomplissait dans les techniques. Un niveau d'instruction nettement élevé devenait nécessaire pour toutes les couches de la société. Si jusqu'ici le savoir-faire pouvait se passer du savoir lire et écrire, ce n'était plus le cas à présent pour les nouvelles générations qui inventaient, produisaient, échangeaient des marchandises, entraient en relation avec les pays étrangers.

La classe ouvrière ne fut plus destinée seulement à des travaux de manutention. Elle avait dans son sein des intelligences qu'il fallait cultiver. Le besoin de lire, d'écrire, de calculer, de déchiffrer des plans devenait impératif, mais l'instruction générale devait être plus poussée encore et la nécessité d'un enseignement technique apparaissait de façon évidente en relation avec la volonté de création.

La théorie de M. Thiers se trouva bien vite dépassée, lui qui écrivait dans son livre intitulé : « De la propriété » : « Lire, écrire, compter, voilà ce qu'il faut apprendre, le reste est superflu ».

Plus les nécessités de l'Instruction populaire s'affirmaient, plus les forces de régression sociale s'y opposaient.

 

Une situation précaire

Après 12 ans d'existence, quelle était donc la situation de l'école de la Dîme ?

Elle ne s'était guère améliorée si l'on en juge par la teneur des délibérations municipales traitant de l'enseignement public.

M. Martini demande-t-il un modeste crédit pour l'achat de quelques instruments de physique dans le souci bien légitime de parfaire ses leçons ?

Le Conseil municipal rejette sa demande par 12 voix contre 5, les budgets d'austérité doivent respecter un équilibre strict et n'autorisent aucune dépense dite lucrative.

Dans cette même période, on limite les effectifs scolaires en reculant l'âge d'admission de 6 à 7 ans, de manière à éviter des créations de postes d'enseignants. C'est un comble !

Autre aspect des difficultés pour l'enseignement public : les conflits entre laïcs et ecclésiastiques entraient dans des phases plus aiguës.

La municipalité de 1842 présidée alors par Boniface Picon, propriétaire, se refusa à payer des vicaires, mais le préfet du Pouvoir royal fit inscrire d'office les crédits nécessaires au budget communal.

Deux ans plus tard, devant les difficultés de recrutement du personnel enseignant, le Maire propose de faire venir à La Seyne des Frères de l'Association de Marie. Sa proposition est repoussée par 12 voix contre 11.

Un instituteur ayant démissionné peu après, le Maire propose son remplacement par un frère des écoles chrétiennes. Par douze voix contre dix, c'est de nouveau le refus.

Les conflits d'ordre religieux vont de pair avec la bataille politique. Républicains et partisans de l'Ancien régime s'affrontent sans cesse. Cependant, la loi Guizot garantit l'éducation religieuse et les instituteurs quelles que soient leurs opinions, sont tenus d'accompagner les enfants à la messe.

La Révolution du 24 février 1848, fit naître la IIe République dont l'existence éphémère ne permit pas d'améliorer le sort de l'école publique. Aussi,notre école de la Dîme continua de végéter.

Sa situation prit un tour dramatique avec l'arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte, dont le ministre Falloux fit de son mieux pour favoriser l'Enseignement congréganiste dont les grandes structures à La Seyne naquirent entre 1849 et 1852, avec l'institution Sainte-Marie, les Frères des écoles chrétiennes, établissement devenu Externat Saint-Joseph, le Couvent de la Présentation en 1858.

M. Adrien Martini, fils de Jean-Baptiste qui assuma la direction de l'école publique en 1843, entra au conseil municipal pour mieux la défendre, alors que M. Berny, fils du Maire de l'époque, lui succéda à la direction. Ils espéraient agir avec profit pour leur école. Hélas ! Ils connurent d'amères déceptions.

En 1850, la direction de l'école primaire est prise par les Frères des écoles chrétiennes tandis que l'école primaire supérieure est supprimée. Les instituteurs publics ne s'avoueront pas vaincus. Après le coup d'État du 2 décembre 1851, qui amènera l'Empire autoritaire, ils relèveront le défi et les luttes entre maîtres laïques et confessionnels s'aiguiseront davantage. Entre 1850 et 1860, notre école publique connut une misère effroyable, alors que les établissements congréganistes florissants comptaient plus de 500 élèves logés confortablement. Pour subsister, des instituteurs recherchaient d'autres activités lucratives en supplément à leur travail (secrétariat de mairie, comptabilité commerciale,...).

La lettre suivante extraite des archives communales est un témoignage effarant de la misère des maîtres d'école de cette époque.

La Seyne-sur-Mer, le 5 octobre 1857
Monsieur l'inspecteur,
En réponse à votre lettre du 9 courant, j'ai l'honneur de vous informer que le Sieur Michel Joseph, ancien instituteur, est dans un état complet d'indigence.
En conséquence, vous lui rendrez un service en le portant sur la liste des instituteurs à secourir.
J'ai l'honneur en même temps de vous prévenir que M. Peyron, instituteur public à Saint-Mandrier, m'a fait dire par M. l'Adjoint Spécial qu'il était dans l'intention de donner sa démission avant le 1er janvier.
Si vous pouviez nous procurer un sujet capable de remplir en même temps les fonctions de secrétaire, vous nous rendriez un grande service.
Louis Laurent Martinenq

 

Voici une autre lettre adressée par le Maire à un instituteur qui se plaignait des mauvaises conditions de travail.

La Seyne-sur-Mer, le 16 juin 1858
Monsieur l'instituteur,
Quoique je fusse dans l'intention de vous autoriser à admettre jusqu'à 100 élèves dans la classe que vous dirigez, je ne puis, d'après les renseignements que vous me donnez sur l'exiguïté du local, vous prescrire d'en admettre un pareil nombre sans être en opposition avec les instructions.
Cependant, pour condescendre autant qu'il est en moi, aux désirs des parents qui sollicitent de nouvelles admissions et pour exciter parmi vos élèves une émulation qui les porte à manquer moins souvent la classe, vous voudrez bien à l'avenir prendre note exacte des élèves qui auront à compter le plus grand nombre d'absences et les remplacer par ceux qui demandent à être admis.
Agréer, etc.
Louis Paul Marius Estienne

Ces documents, parmi tant d'autres, sont bien significatifs des conditions faites à l'Enseignement public et à ses maîtres dans cette période.

Mais la supériorité écrasante de l'Enseignement confessionnel n'allait pas durer. La misère effroyable tenaillait la population seynoise composée d'ouvriers et de manoeuvres dans la proportion de 90 %. Aucune assurance sociale ne couvrait les frais de maladie ou d'accident du travail, aucune indemnité ne venait atténuer les méfaits du chômage.

Mécontents dans leur immense majorité, de plus en plus, les travailleurs se refusèrent à payer la côte scolaire au receveur municipal.

Les conflits se multiplièrent pour obtenir la gratuité de l'Enseignement et ce n'était qu'une des formes de protestation contre les municipalités désignées par le Pouvoir impérial et leurs alliés cléricaux.

L'Empire autoritaire faiblissant fut contraint au libéralisme devant la montée du mécontentement populaire et l'opiniâtreté des luttes ouvrières. Le nouveau ministre de l'Instruction publique, Victor Duruy, autorisa les municipalités à supprimer les redevances scolaires. Dans leur immense majorité, elles mirent peu d'empressement à le faire.

À La Seyne, devant l'ampleur des protestations et l'action énergique des parents d'élèves, la Municipalité dirigée par Martel Esprit, accorda dès avril 1866 ce que la loi Duruy n'autorisa qu'en 1867.

Il semble bien que dans cette période proche de la IIIe République, l'Enseignement public soit traité sur un pied d'égalité avec l'Enseignement confessionnel.

Comment l'école de la Dîme était-elle structurée à ce moment-là ? Elle comportait 3 divisions : vingt élèves dans la classe de première dirigée par le directeur. Dans la classe de seconde, on apprend l'arithmétique et la grammaire. Les élèves, au nombre de 67, savent lire et écrire.

La troisième classe est celle des commençants. Elle compte 146 enfants. On peut avoir une pensée émue pour le maître responsable dont il fallut bien un jour alléger la peine en créant deux postes de sous-maîtres.

En somme, pendant cette période de 20 ans que dura le Second Empire, l'école publique de la Dîme, que l'on commençait à appeler du nom de Martini, n'avait pas accompli de progrès spectaculaires. Elle s'était imposée dans les conditions les plus difficiles grâce aux parents et aux enseignants, mais les problèmes de locaux, inconfortables, d'effectifs trop lourds pour un personnel insuffisant demeuraient et l'enseignement en souffrait cruellement.

Il en sera ainsi pendant longtemps encore, même après le vote des grandes lois de 1881-1882-1886, qui assurèrent l'obligation scolaire, la gratuité et la laïcité.

À partir de là, les écoles publiques passèrent peu à peu aux mains des laïques. Alors, la réaction cléricale se déchaîna avec une violence sans précédent contre l'école de la neutralité dont le Saint-Siège disait qu'elle était la négation de Dieu, qu'elle enseignait la jouissance, la criminalité et faisait des enfants, des révolutionnaires, des sans-patrie, etc.

 

L'École Martini s'affirme

L'action conjuguée des syndicats ouvriers, des socialistes, des républicains, des démocrates, des laïques atteignit une telle ampleur, qu'il fut possible aux gouvernements de l'époque de réaliser la séparation de l'Église et de l'État, consacrée par la loi du 9 Décembre 1905. L'école Martini vit croître ses effectifs rapidement au détriment de l'externat Saint-Joseph où l'Enseignement était toujours payant.

Sa section primaire recevait 600 élèves répartis en 3 divisions. L'Enseignement technique n'existait pas officiellement, mais dans les premiers ateliers de menuiserie et d'ajustage construits entre la Dîme et le presbytère, des techniciens détachés des chantiers de la Navale initiaient les élèves de l'École supérieure au dessin industriel et au travail manuel.

L'école Martini triomphante était considérée comme la grande école par rapport à l'école primaire de filles de la rue Clément Daniel, à la maternelle de la rue d'Alsace (« l'asile »), à la maternelle du Boulevard des Hommes Sans Peur (Jean Jaurès aujourd'hui), à l'école primaire des Sablettes construite sur l'isthme en 1902. Elle était le pôle d'attraction des écoles environnantes de l'Ouest varois (Six-Fours, Sanary, Ollioules, Bandol), pour ceux de leurs élèves désireux de poursuivre leurs études après le certificat d'études primaires. Elle comptait des maîtres d'élite comme MM. Aillaud, Guigou, Michel, Carle, Lenoir, Fabre,... pour les classes primaires et des professeurs réputés comme MM. Pierre, Gueirard, Romanet, Julien, Terrin, Piot, à l'école primaire supérieure, dite aussi « professionnelle » depuis la création des ateliers.

On l'appelait aussi « l'école des Monsieurs ». L'usage de ce vocable vient du fait qu'avant la création de l'enseignement public officiel, la langue populaire prédominante était le « provençal », alors que la classe aisée parlait surtout le français. Quand les enfants du peuple apprirent à lire et à écrire le français, on les considéra un peu comme des « Monsieurs », sous-entendu des fils de la Bourgeoisie.

 

Les locaux

Le bâtiment principal orienté est-ouest (voir le plan) ne manquait pas d'allure. La façade tournée vers le nord présentait de vastes ouvertures vitrées terminées au sommet par des arcs de pleins cintres surmontés d'une longue corniche limitant une vaste terrasse qui servira 50 ans plus tard de garage à vélos.

À chaque extrémité du bâtiment principal, des ailes perpendiculaires symétriques étaient utilisées par la direction et divers services (conciergerie, cuisine, réfectoire, resserre,...). Côté sud, on comptait 8 classes dont quatre au 1er étage. Un grand préau de tôles ondulées soutenues par des colonnes de fonte gênait considérablement l'éclairement des locaux du rez-de-chaussée. La direction ne disposait dans l'aile ouest que d'un réduit de quelques mètres carrés meublés seulement de deux petits bureaux destinés au directeur et à son secrétaire et d'un placard de bois blanc nécessaire au travail administratif. De ce meuble vénérable, le « patron » sortait chaque jour avec parcimonie les bâtons de craie et les bouteilles d'encre pour la consommation quotidienne. Les enfants jouaient dans des cours spacieuses : la cour nord qui jouxtait le presbytère pour les plus petits écoliers. La cour sud où l'on accédait par la rue Grune qui deviendra plus tard la rue Martini. Cette dernière cour que, l'on appelait aussi la grande cour, avait été conquise sur l'emplacement du premier cimetière de la ville, transféré en 1837 sur les terrains du cimetière actuel.

Enserrée entre la rue Grune, l'église et la propriété des Pénitents Blancs au sud, l'école n'ayant aucune possibilité d'extension, put accroître sa capacité d'accueil seulement par des constructions effectuées sur la cour en bordure des terrains du presbytère. C'est ainsi que les classes de l'école primaire supérieure furent soudées à l'aile ouest de la Dîme, puis dans le même prolongement, l'atelier de menuiserie, la salle de dessin, puis l'ajustage et la chaudronnerie. Nous verrons plus loin qu'avec la création de l'Enseignement technique et la transformation de l'établissement en collège, il sera nécessaire de multiplier les constructions autour de la cour qui se réduisait d'année en année comme une peau de chagrin, de rehausser les classes en rez-de-chaussée. De tous ces travaux financés par des budgets communaux étriqués, il résultait une prolifération de « verrues » dont l'esthétique était bien discutable.

Entre 1905 et 1910, l'école Martini aurait dû recevoir 650 élèves. En fait ce fut 800 écoliers qu'elle accueillait dans des conditions inconfortables. Assis au coude à coude sur de longs bancs de 6 ou 8 places, les maîtres ne pouvaient obtenir une belle écriture. Les manuels scolaires rares et chers n'étaient pas entre toutes les mains. Le problème de l'inégalité se posait déjà avec acuité. Et malgré le dévouement et la patience des maîtres désireux d'affirmer la supériorité de leur école laïque, les conditions de leur enseignement demeuraient difficiles.

Le chauffage des classes n'était assuré qu'au moment des froids rigoureux. Encore fallait-il se contenter d'un seau à charbon pour la journée. Les poêles étaient quelquefois alimentés par la taille des platanes du cours Louis Blanc ou de l'avenue des Hommes Sans Peur. Pour les municipalités de l'époque il n'y avait pas de petites économies.

En ce début du siècle, l'éclairage des locaux manquait plutôt d'efficacité. L'éclairage électrique n'étant pas encore vulgarisé, on utilisa pendant des années les lampes à pétrole ou à carbure dans les classes comme dans les ateliers.

Le gaz de houille apporta une certaine amélioration pour le fonctionnement des études du soir entre 16 h. et 17 h. 30.

Mais les yeux souffraient tout de même des lueurs blafardes et vacillantes. Ils étaient mis à rude épreuve par les émanations du gaz brûlé quand les poêles tiraient mal. La fumée envahissant insensiblement la classe, ils devenaient larmoyants et rougis. Une rogne générale s'en suivait. Les élèves toussaient, éructaient bruyamment, la classe était pleine de reniflements et de raclements de gorge. Le maître avait alors bien du mal à rétablir l'ordre.

Malgré la clémence de notre climat, les enfants supportaient mal les rigueurs de l'hiver. Les parents qui le pouvaient les équipaient de bas montant au-dessus des genoux, de galoches fourrées, de grosses pèlerines en drap. On connaissait mal, à l'époque, les bienfaits d'une nourriture équilibrée et l'existence des vitamines. Il en résultait des inflammations de la peau, de terribles engelures avec crevasses aux extrémités des pieds, des mains et même des oreilles. Fort heureusement,, ces désagréments ont disparu de nos jours.

Si les locaux scolaires manquaient de confort, les foyers domestiques ne valaient guère mieux. La médecine avait encore de grands progrès à faire pour vaincre les fièvres typhoïdes, la coqueluche, la diphtérie, la tuberculose et bien d'autres maladies. La mortalité infantile atteignait un taux si élevé que la vue des corbillards emportant vers le cimetière de petits cercueils couverts d'un blanc linceul, était un spectacle presque quotidien pour la population.

La médecine scolaire n'existait pas et l'Administration ne se préoccupait guère de mesures prophylactiques. Aussi les épidémies faisaient des ravages et le bon fonctionnement de l'enseignement en souffrait cruellement.

 

L'enseignement

Parmi les lois essentielles qui instituèrent l'Enseignement public, l'une d'elles de 1882, fixa les programmes de chaque discipline : rédaction, grammaire, arithmétique, calcul mental, histoire, géographie, leçons de choses, morale, instruction civique, chant, dessin, travail manuel, gymnastique.

Les gouvernements de la IIIe République voulaient pour le peuple une bonne instruction générale, ce qui explique le large éventail des disciplines enseignées. Une instruction suffisante pour faire de bons citoyens sachant lire, écrire, compter, capables d'occuper des emplois dans la production ou l'administration.

Cette instruction primaire, complétée à l'école primaire supérieure devait donner à l'État des cadres de petits fonctionnaires : instituteurs, employés de bureaux dans les P.T.T., les Contributions, les Services publics en général.

Ce n'était pas dans ces catégories sociales que l'on recrutait les grands fonctionnaires de la nation, les ingénieurs des grandes écoles, les cadres de l'armée et de la marine. Seules les grandes villes offraient l'enseignement supérieur que la Bourgeoisie pouvait payer à ses enfants. Comment les enfants des classes populaires des bourgades et de la campagne auraient-ils pu se loger et payer les frais de leur instruction ?

Ces derniers ne pouvaient donc prétendre qu'à devenir des cadres subalternes, même si leur intelligence les autorisait à espérer plus haut.

Pour mieux défendre ses privilèges de classe, la Bourgeoisie française visait aussi à former des soldats et des patriotes. La Constitution républicaine accordait aux citoyens un certain nombre de libertés qu'ils devaient défendre coûte que coûte.

L'Enseignement de l'Instruction civique, très développé, imposait donc aux écoliers la connaissance approfondie de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, de la Constitution républicaine avec ses trois pouvoirs distincts : législatif, exécutif, judiciaire. L'administration de la France avec ses départements, les préfectures, les sous-préfectures, les arrondissements, les cantons, les communes,... L'organisation de l'armée de terre, de la marine avec la connaissance exacte des grades de la hiérarchie militaire, le pouvoir des députés, des sénateurs, leur mode d'élection,... le rôle du Maire, des conseils municipaux. Des expressions comme suffrage universel, suffrage restreint, majorité absolue, majorité relative, étaient familières aux écoliers. Tous les élèves des classes préparatoires au Certificat d'études, assurées alors par MM. Aillaud et Guigou, se souviennent du cours d'instruction civique qui tenait dans un cahier de 100 pages. Il en était de même pour le cours de morale, tout aussi copieux, car il traitait de toutes les qualités humaines, de tous les devoirs envers nos proches, envers nos maîtres, envers les institutions républicaines.

Les programmes d'histoire et de géographie, alourdis de façon excessive, exigeaient des connaissances qui soulèveraient aujourd'hui l'indignation générale. Les élèves devaient pouvoir répondre à des questions se rapportant à 20 siècles d'histoire. Depuis les Gaulois jusqu'à la IIIe République en passant par le Moyen Age, il leur fallait connaître toutes les dynasties des rois et des empereurs, toutes les guerres, tous les traités, toutes les révolutions. Les élèves se faisaient quelquefois réprimander pour avoir oublié le nombre des morts de la bataille de Tilsit, ou le nombre de drapeaux pris à l'ennemi à la bataille de Solferino.

Tout cela apparaît aberrant aujourd'hui ! On se demande pourquoi les éducateurs du peuple ont pu attendre si longtemps avant de comprendre la stupidité de tels procédés !

L'enseignement de la géographie était aussi une accumulation invraisemblable de chiffres, de statistiques, de listes nominatives. On récitait par coeur l'altitude des sommets montagneux, la longueur des cours d'eau, les stations du P.L.M.,...

On répétait, on rabâchait tout : les règles de grammaire, les règles de calcul mental, les dates célèbres de l'Histoire de France, les formules de géométrie. Les maîtres disaient : « Il faut avoir tout ça dans la mâchoire ».

On pouvait dire qu'on nous faisait les têtes bien pleines ! car l'Enseignement était avant tout livresque. Les méthodes relevant du psittacisme seront progressivement supplantées par celles de l'observation précise, du raisonnement, de la déduction, afin de parvenir à une véritable culture de l'intelligence. On estimait alors que six heures de classe ne pouvaient suffire à l'assimilation des programmes scolaires. Il fallait les compléter par les devoirs du soir faits à la maison sous forme d'exercices de calcul, de grammaire, de vocabulaire,...

Que de soirées empoisonnées par ces problèmes d'arithmétique où il était question de robinets remplissant des bassins alors que d'autres les vidaient par le bas, tout cela pendant des durées déterminées et des débits différents. Combien de temps faudrait-il pour vider ou remplir ? On n'était jamais sûr du résultat. Et nous pourrions aussi parier longuement des trains qui se croisaient où qui se rattrapaient sur les réseaux ferrés, des problèmes sur les alliages de métal fin, de ces monnaies d'or et d'argent dont on parlait toujours sans les avoir jamais vues. Quel casse-tête que ces problèmes tortueux ! Quel supplice en prélude au sommeil qui ne voulait pas venir dans la crainte du lendemain.

Voilà quelques aspects des problèmes de l'enseignement et des méthodes pédagogiques en usage au début du siècle. Les maîtres disciplinés appliquaient strictement les instructions ministérielles. Leur préoccupation majeure, c'était avant tout les résultats aux examens.

Les instituteurs de l'école primaire procédaient à de sévères sélections pour n'avoir en fin d'année aucun échec au Certificat d'études, diplôme non négligeable pour l'époque. Les professeurs agissaient dans le même esprit pour avoir des succès au B.E.P.S. (Brevet d'Enseignement Primaire Supérieure), au B.E. (Brevet Élémentaire).

Ces diplômes ouvraient la porte à l'École normale d'instituteurs, à des concours de commis ou d'employés dans différentes administrations (P.T.T., Contributions, Marine,...).

Au début du siècle, il n'était pas encore question d'un véritable enseignement technique. Nous examinerons plus loin les raisons, injustifiées d'ailleurs, de ce retard.

 

La guerre de 1914-1918

Depuis deux ou trois ans, les bruits de guerre persistaient à travers le pays. Le 31 juillet 1914, l'un des chefs les plus éminents du mouvement socialiste international, Jean Jaurès, fut assassiné. Orateur brillant, il luttait inlassablement depuis sa jeunesse pour l'unité des travailleurs, pour la paix mondiale, contre le colonialisme exploiteur d'hommes.

Quelques jours avant sa mort sa voix avait retenti à la Bourse du travail de La Seyne et la plupart des instituteurs laïques acquis à son idéal de justice et de paix s'étaient pressés pour l'entendre, l'applaudir et espérer avec lui le triomphe de la paix mondiale.

Hélas ! la voix chaude et généreuse du grand tribun, éteinte à jamais, les fauteurs de guerre se déchaînèrent. La consternation fut générale.

La guerre éclata le 2 août, embrasa le monde entier. Un cataclysme qui devait causer des désastres incomparables à l'échelle mondiale.

Il va sans dire que les perturbations sur la vie nationale et locale ne se firent pas attendre. Le fonctionnement des écoles souffrit beaucoup et notre école Martini vit partir les plus jeunes instituteurs pour la grande tuerie.

On les remplaça par des institutrices suppléantes, titulaires du Brevet élémentaire et on ne trouva plus choquante, comme autrefois, la présence de l'élément féminin dans les écoles de garçons. De jeunes Seynoises comme Mlles Carlier, Montpellier, Dragon, Ducros entrèrent dans la fonction publique. Ce phénomène nouveau imposé par les nécessités de la guerre allait se généraliser à d'autres corporations que l'Enseignement.

Le travail scolaire et surtout la discipline subirent quelques atteintes au début de ces mutations. Mais les jeunes institutrices eurent vite raison de la turbulence des garnements.

Des nouvelles lugubres parvenaient chaque jour aux autorités locales et la presse n'en rendait compte à la population qu'avec beaucoup de circonspection.

S'agissait-il d'une offensive meurtrière, du torpillage d'un paquebot, d'un bombardement intensif sur une ville ? Ce n'était qu'avec beaucoup de retard qu'on apprenait le nom des victimes.

Alors les maîtres et maîtresses se rassemblaient le matin en petits groupes dans la cour pour commenter ces événements dramatiques. L'inquiétude se lisait sur leurs visages graves. Quand donc se terminerait l'affreux cauchemar ?

Pendant ce temps, les enfants jouaient à la guerre, rêvaient de pouvoir transpercer un jour des Allemands à la baïonnette dont ils emporteraient en trophées les sinistres casques à pointe.

Pour les ramener à de meilleurs sentiments, il faudra que, la guerre finie, les maîtres leur fassent connaître les effroyables bilans, tout en les conduisant aux cérémonies funèbres de la restitution des restes mortels aux familles endeuillées.

Pendant plusieurs années, les enseignants emmèneront leurs élèves devant le Monument aux morts de la guerre pour les cérémonies anniversaires du 11 Novembre 1918, en espérant pour eux une prise de conscience de la grande paix humaine pour laquelle Jean Jaurès et tant d'autres étaient tombés. Puis, peu à peu, le culte du souvenir s'estompera et vingt ans plus tard... Hélas ! On connaît la suite ! La France avait gagné la guerre, mais la victoire avait coûté fort cher en vies humaines et en biens matériels.

Des centaines de villes et de villages étaient à reconstruire, un million et demi de militaires et de civils avaient péri sur les champs de batailles. Des millions d'autres mutilés, asphyxiés, s'éteignaient peu à peu dans les hôpitaux. Quelle abomination !

Toutes les fois qu'un pays traverse de telles épreuves, il s'ensuit une dégradation des valeurs morales et l'enseignement en subit le contrecoup néfaste. Aussi l'école Martini connut la stagnation quand ce ne fut pas la régression.

Elle ne fut pas équipée à la mesure des besoins nouveaux qui s'imposaient à La Seyne. Pendant toute la durée de la guerre, aucune amélioration ne lui fut apportée, les crédits étant consacrés avant tout à la défense nationale. Mais les hostilités terminées, la population se prenait à espérer un renouveau de la vie économique, une amélioration des conditions de vie de chacun, une meilleure instruction permettant à la jeunesse l'accession à des situations plus lucratives.

 

De 1920 à 1940

Une certaine reprise des activités de la construction navale se manifesta. Ne fallait-il pas reconstituer la flotte marchande si nécessaire à nos relations avec les pays d'outre-mer ?

Des centaines de bateaux et non des moindres, ayant été envoyés par le fond avec le déclenchement de la guerre sous-marine à outrance, il y avait un capital énorme à reconstituer, sans parler des équipages qu'il fallait former.

Les techniques nouvelles exigeaient des personnels plus qualifiés qu'autrefois. D'où la nécessité et l'urgence d'un enseignement technique qui n'existait pas encore dans notre ville.

Tout le contenu de l'enseignement devait être repensé par rapport aux lois de 1881-1882 qui l'avaient institué.

Comment les dirigeants de la IIIe République allaient-ils réagir devant les exigences de situations toutes nouvelles ?

Les enseignants furent profondément déçus car les crédits pour l'école ne furent accordés qu'avec une extrême parcimonie, tandis que ceux de la Défense nationale allèrent croissant.

Déjà, on préparait la deuxième guerre mondiale !

 

Timides innovations

Ce fut seulement le 4 janvier 1922 que le Conseil municipal délibéra pour rendre un hommage public à M. Martini et décider que l'école dont il fut le premier directeur porterait son nom. Les édiles en fonction depuis sa mort auraient pu y penser plus tôt, dira-t-on, sa disparition remontant à 1852.

Il fut également décidé ce jour-là que la rue Grune donnant accès à l'école par la face Est de l'église et le quartier Cavaillon porterait également le nom de Jean-Baptiste Martini. Le nom de Grune était celui d'un ancien propriétaire de terrains qui avait permis l'aménagement de la rue et de la plus grande partie de la cour.

En 1923, la ville demanda la création d'une section pratique d'enseignement technique et en août 1924, elle délibéra pour obtenir la création d'une véritable école pratique d'industrie. Satisfaction lui fut donnée la même année.

Au milieu du XIXe siècle, la construction navale avait pris un développement considérable à La Seyne comme ailleurs et l'enseignement des techniques nouvelles aurait dû attirer l'attention du Pouvoir central. Hélas ! Il n'en fut rien. Il faudra attendre 3/4 de siècle avant la création d'un véritable enseignement technique.

Les municipalités seynoises depuis 1880 se démenaient, en relation avec les chefs d'entreprise, pour former de bons apprentis, futurs techniciens de l'industrie navale qui n'auraient pas à chercher le travail loin de chez eux. Déjà on aimait bien « Vivre au pays ».

Grâce à l'impulsion des édiles locaux, les premiers ateliers de menuiserie et d'ajustage, embryons de l'Enseignement technique, furent construits contre les murs de l'école de la Dîme. L'atelier de chaudronnerie, dans le prolongement des autres, naquit en 1900.

Les municipalités de cette époque acceptèrent de payer des professeurs pour le fonctionnement des cours d'adultes à la Bourse du travail inaugurée en 1904.

Toutes ces dispositions ayant créé des conditions favorables pour un véritable enseignement technique à La Seyne, un décret du 6 octobre 1923 transformera les sections industrielles autorisées antérieurement qui deviendront : L'école pratique de commerce et d'industrie. Cette institution n'accueillit à ses débuts qu'une trentaine d'élèves refoulés des sections modernes. Elle eut comme premier directeur M. Roman qui prit après quelques années, la direction de l'école Rouvière où il accomplit la plus grande partie de sa carrière.

Dans notre système scolaire, l'enseignement technique a toujours occupé une place de parent pauvre. Les enseignants eux-mêmes ne comprenaient pas cette tendance élitiste, voulue par la grande bourgeoisie, en contradiction avec une pédagogie démocratique. Dans les cercles de la haute finance, on s'inquiétait parfois du développement de l'enseignement de la classe ouvrière.

Qui aurait pu dire si les travailleurs manuels initiés aux techniques nouvelles, mais aussi à la gestion de leur entreprise ne seraient pas tentés un jour de s'en emparer au profit d'une exploitation collectiviste ?

Il faudra plusieurs décennies avant qu'un équilibre soit recherché et que l'enseignement technique rattrape partiellement son retard.

1928 - Les cours moyens de l'École Martini

1932 - Groupe d'élèves de l'École primaire supérieure

La classe de C.E.P. de M. Penciolleli

Des moyens nouveaux

Malgré le peu d'encouragement qu'elle reçut, l'école pratique Martini vit ses effectifs grandir et pour les accueillir il fallut construire sur les terrains jouxtant le presbytère, surélever les anciens bâtiments de la menuiserie et de l'ajustage, créer des salles de classe pour l'enseignement général.

Dans la même période fut édifié un important bâtiment à un étage en bordure de la rue Jacques Laurent : Le rez-de-chaussée aménagé en salle de classe pour 45 élèves et au-dessus une salle équipée de gradins, affectée aux sciences physiques et naturelles que l'on appela le « Labo ».

Pour la première fois, les élèves de l'école primaire supérieure pourraient assister à des expériences pratiques de physique et de chimie. Les dotations en collections et appareils divers furent correctes au début de la mise en service. Quelques années plus tard, les prévisions furent dépassées. Une deuxième salle de sciences, une deuxième salle de dessin furent nécessaires.

Peu de constructions neuves dans notre région furent autorisées et l'on utilisa les structures scolaires du XIXe siècle non sans mal, les crédits d'entretien étant eux-mêmes manifestement insuffisants. Et notre pauvre école Martini, dont les murs existaient depuis le XVIIe siècle poursuivait tout de même sa tâche avec honneur.

Maîtres et élèves continuaient à souffrir du froid dans des locaux mal éclairés, mal équipés pour une pédagogie plus moderne et ne bénéficiant d'aucune installation sanitaire correcte.

Les programmes d'enseignement allégés par les nouvelles instructions ministérielles de P.-O. Lapie en 1923, demeuraient cependant trop lourds. Elles recommandaient des méthodes plus concrètes, plus vivantes mais les vieux maîtres, hantés par les exigences du Certificat d'études primaires, ne s'y adaptaient qu'avec peine. Les classes promenades, ou les travaux d'enquête, n'avaient pas leur faveur. Il n'était pas rare, d'entendre pendant les récréations des discussions animées entre les anciens et les normaliens sortants ; les uns toujours attachés à la rigueur d'un enseignement livresque, les autres ouverts sur la réalité de la vie.

Tout ce que nous pouvons raconter sur la vie de l'école Martini durant les cinquante dernières années de son existence n'est pas tellement le résultat de recherches documentaires. Peu de traces écrites nous ont été offertes. Par contre, les témoignages vivants et concordants de deux générations abondent et il était temps de les fixer pour éviter que le voile de l'oubli ne les recouvrît à jamais.

Les archives de l'école ont disparu. Il nous a été donné de lire, tout au plus, quelques rapports des derniers directeurs adressés à la Municipalité, qui nous renseignent sur l'état des locaux, l'urgence des réparations, la nécessité de créations de classes nouvelles.

Nos souvenirs personnels sont demeurés vivaces et il existe encore des milliers d'anciens élèves qui peuvent témoigner des aspects de la vie scolaire à Martini durant le dernier demi-siècle et dont nous n'évoquerons que l'essentiel, car à vrai dire le sujet est presque inépuisable.

Les plus anciens écoliers de la Dîme du début de notre siècle pourraient établir des comparaisons avec la situation des années 1920-1925. L'école Martini devenait une véritable ruche où se bousculaient les élèves du Moderne, du Technique, les apprentis des forges et chantiers qui venaient prendre des cours, également des apprentis en stage chez des artisans ou des commerçants, tenus de venir compléter leur instruction générale interrompue trop tôt.

Autre innovation : la création d'une classe de 4e année à l'E.P.S., dont la finalité première fut la préparation au concours d'entrée à l'École normale d'instituteurs de Draguignan. Elle démarra avec 12 élèves seulement, mais les succès s'affirmèrent sans tarder. À sa 2e année de fonctionnement, elle obtint 7 postes d'élèves-maîtres sur 17 pour la promotion 1928-1931 de l'ensemble du Var.

L'école Martini se tailla une solide réputation dans le département. Elle pouvait rivaliser avec les établissements similaires de Toulon, de Lorgues, de Saint-Raphaël.

Les ateliers reçurent des équipements nouveaux des machines actionnées maintenant par la force motrice de l'électricité.

Il faut se souvenir des périodes antérieures où la chaudronnerie disposait d'un gros soufflet de forge comprimé par le mouvement d'un cordon que tirait inlassablement la main de l'homme.

Les perceuses de l'atelier d'ajustage, l'affûteuse, le tour, étaient actionnés par des manivelles ou des pédales.

Quels travaux merveilleux pouvaient rendre la raboteuse, la dégauchisseuse, les scies de la menuiserie !

L'école Martini connaissait à présent une petite révolution dans ses techniques et tandis qu'un quatuor de professeurs tels que MM. Romanet, Gueirard, Lehoux, Azibert, formait des normaliens, des employés de banques, des fonctionnaires des P.T.T., des Contributions ; une autre équipe avec MM. Roman, Duver, Fabre, Zali, Sauvaire,... formait de futurs techniciens qui se destinaient aux F.C.M. ou à l'arsenal de Toulon.

Ils eurent bien du mérite ces maîtres, à travailler dans les conditions de cette époque. Jamais l'école Martini n'aura connu le confort et l'hygiène. Même si des administrateurs compréhensifs et dévoués avaient voulu les lui donner, l'état des structures existantes, l'insuffisance de moyens financiers, les conditions de l'environnement ne l'auraient pas permis.

Enseignants de l'École Martini en 1931

Rangée debout - De gauche à droite : MM. ARÈNE - QUINIO - VALENTE - AZIBERT - GIRAUD - ROMAN -MOURÉ - VACCHERO - GUEIRARD - ROMANET - PENCIOLELLI - ZALI

Rangée assis - De gauche à droite : MM. MICHEL - GARDET - LOMBARDI - Mme BOUDON - Mme MENDÈS - M. MENDÈS - Mme VENTRE - MM. VENTRE - LEHOUX - FABRE -SAUVAIRE

Un vacarme perpétuel

Quand l'hôtel de la Dîme fut construit au XVIIe siècle, qui aurait pu prévoir sa transformation en école d'Enseignement public ? Qui aurait pu imaginer qu'un jour la présence d'un grand clocher prismatique quadrangulaire dressant sa fière silhouette au-dessus de la ville entraverait considérablement le travail des maîtres et des écoliers ?

Quatre lourdes cloches se balançaient dans les évidements de chaque face de l'édifice et remplissaient leur office de façon presque ininterrompue. Une cinquième qu'on appelait le clocheton de l'horloge recevait les coups d'un battant et marquait les heures et les demi-heures.

À une époque où les montres et les bracelets-montres étaient encore des objets de luxe, ce clocheton rendait des services appréciables à la population.

L'attention des écoliers était attirée constamment par la mesure du temps... Un temps qu'il souhaitait rapide quand les cours du maître leur paraissaient fastidieux, ou qu'ils trouvaient trop court les jours de composition dans la crainte où ils vivaient de ne pouvoir terminer les épreuves.

Le grand clocher livrait tout au long de la journée des sonneries de styles différents suivant qu'il s'agissait des cérémonies funèbres, des messes, des vêpres, de l'angélus et qui rappelaient aux uns et aux autres des devoirs, des joies ou des peines.

Dans les périodes des grandes cérémonies religieuses, de la Noël, des fêtes pascales, des communions, marquées de grandes solennités, toutes les cloches sonnaient à toute volée et un vacarme assourdissant interdisait aux maîtres des classes les plus exposées la poursuite de leurs leçons. Ils donnaient alors aux élèves des devoirs écrits avant le retour au calme.

Et ces inconvénients générateurs de désordre s'aggravaient davantage à la belle saison d'été où il était bien nécessaire de travailler toutes fenêtres ouvertes.

Les classes orientées vers le clocher offraient aux élèves une distraction supplémentaire. Le balancement des lourdes cloches excitait toujours leur curiosité. Alors la voix tonitruante des maîtres intervenait : « Ah ! ces cloches de N.-D. du Bon Voyage ne se douteront jamais du nombre de réprimandes et de punitions dont elles furent la cause ». Plusieurs générations de Seynois pourraient en témoigner.

Mais la pollution sonore prenait des aspects les plus divers. Quand les cloches avaient rempli leur office, on percevait mieux alors les bruits émanant des ateliers : chocs métalliques de marteaux sur les enclumes et les mandrins de la chaudronnerie, que venait compléter la machine du tailleur de pierres, M. Carle, dont les grincements n'avaient rien d'harmonieux et qui couvrait elle-même les appels et les cris des marchands de la rue : vendeur de brousses, vitrier, rémouleur, marchand de poisson frais, collecteur de peaux de lapins, tondeur de chiens, etc. Chacun vociférait un langage bien particulier presque inintelligible. Et encore n'avons-nous pas parlé du choc des marteaux pilons émanant des chantiers navals, des jets de vapeur qui s'échappaient bruyamment des navires en réparation, des sirènes de la rade, du ron-ron des hydravions sillonnant le ciel en tous sens.

Tous ces bruits, parfois harmonieux, le plus souvent discordants, éveillaient dans les jeunes têtes de nos écoliers de Martini des images qui les éloignaient fort de la solution de leurs problèmes d'arithmétique et des règles de grammaire. Comme on peut en juger, leurs conditions de travail n'étaient vraiment pas bonnes.

L'absence de terrain de sport obligeait les maîtres et les moniteurs à utiliser à tour de rôle la cour de l'école. Leurs appels, leurs commandements, leurs coups de sifflet retentissaient dans les salles de classe et ajoutaient à la confusion générale.

Les cours de l'école furent largement suffisantes au début du siècle pour permettre aux enfants de s'ébattre librement, ce qui devint impossible vingt ans plus tard. On y jouait dans la bousculade générale et la fréquence des accidents augmentait.

 

Les jeux

Les récréations ne durant qu'un quart d'heure, ne permettaient pas d'organiser de grandes choses. Les enfants d'une nature paisible cherchaient la tranquillité vers les coins de la cour, fuyant la cohue d'où émanaient les altercations, les cris, les insultes.

Certains jouaient aux billes : au trou, en lignes, en triangle.

D'autres apportaient leur bilboquet ou leur toupie qu'ils appelaient la bordufle. Les jeux de cartes avaient aussi la faveur de quelques-uns. Personne ne jouait de l'argent ; rares étaient ceux qui auraient pu exhiber quelques gros sous en bronze. D'ailleurs les enseignements de la morale à l'école interdisaient formellement cette pratique. Il y avait néanmoins une monnaie d'échanges constituée de noyaux de cerises teints de différentes couleurs. Pour ce faire, on les trempait dans les encriers.

À l'école, l'encre violette étant la seule en usage, les noyaux obtenus par l'immersion dans les encriers tronc-coniques encastrés dans les pupitres, n'avaient que peu de valeur.

Les élèves qui pouvaient s'acheter d'autres encres : verte, bleue, rouge, obtenaient des noyaux plus chers.

Par exemple : 20 ou 30 points et même 50 points pour les rouges alors que les violets en valaient dix seulement.

Les enfants les plus turbulents organisaient des jeux collectifs plus conformes à leur besoin de mouvement : l'as délivré, le chat perché, les quatre coins,... celui qui les amusait peut-être davantage était le jeu des semelles.

Ce dernier mobilisait une dizaine d'acteurs et attirait un grand nombre de badauds qui préféraient regarder tout en croquant une tranche de pain agrémentée d'un morceau de chocolat Menier.

En quoi consistait le jeu ? Un élève, que le sort avait désigné en faisant la poire, s'inclinait en avant, les mains sur les genoux comme au jeu de saute-mouton. Son pied gauche coïncidait avec une ligne droite tracée sur le sol au moyen d'un bâtonnet. Tous les autres participants sautaient le mouton en file indienne en prenant appui de leurs mains sur son dos et en écartant les jambes au maximum. Si tout le monde avait réussi son saut, alors un élève accroupi s'éloignait de la ligne tracée au sol d'une longueur de semelle et les sauts reprenaient.

Mais le mouton s'éloignant progressivement de deux, puis de trois semelles... ou plus, les sauteurs étant tenus de ne pas « mordre » la ligne de départ, le moment fatal arrivait où l'un d'entre eux ratait son saut et roulait dans la poussière avec le mouton. Alors, bien évidemment le fautif prenait la place du mouton en revenant au point de départ et la partie recommençait pour ne cesser qu'avec la fin de la récréation.

Les enfants jouaient aussi à Sèbe. La partie se faisait généralement avec 8 participants : 2 équipes de quatre. La première équipe que le sort avait désignée à la « courte paille », jouait le rôle de cavaliers et la deuxième de montures.

Celles-ci disposées en file devaient recevoir les cavaliers parvenus sur leur croupe après un élan et un saut impressionnants. Les chevaux devaient supporter les cavaliers jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. Quand les jambes vacillaient, fléchissaient sous le poids excessif de la charge, alors on entendait crier : Sèbe ! Expression d'origine arabe (Séïbou) qui signifie lâche, laisse aller !

Et l'on recommençait ! Mais les vaincus n'avaient pas le droit de changer de rôle. En cas de défaillances, on procédait alors à des recrutements de nouveaux équipiers et dans l'assistance des gars plus endurants offraient leurs services dans la perspective de désarçonner les cavaliers avec fracas.

Le maître de surveillance dans la cour n'arrêtait pas ses interventions contre les excès de toutes sortes : bousculades, algarades suivies de pugilats, escalades du grand mur de soutènement en pierres sèches au-dessus duquel le marbrier M. Carle sciait à longueur de journée les pierres tombales,

Dans la partie Est de la grande cour, face au grand préau, il existait deux points névralgiques pour le maître de service pendant les récréations. À gauche de la petite porte d'entrée donnant sur la rue Martini, un lavabo de forme semi-cylindrique évoquait un abreuvoir pour bestiaux. Sur toute sa longueur un long tuyau en zinc percé de nombreux trous laissait échapper de minces filets d'eau et quand à tour de rôle les enfants venaient s'y désaltérer. la tête penchée, les bousculades étaient telles que l'eau giclait dans tous les sens sauf dans la bouche des assoiffés.

Face au bureau de M. le Directeur, un édifice curieux attirait l'attention des nouveaux venus dans l'école... Une structure insolite composée de compartiments étroits fermés par des demi-portes, couverte par une immense toiture soutenue sur le devant par des colonnes en bois, le tout à deux mètres au-dessus du sol. On accédait à ces compartiments par un grand escalier rappelant l'entrée d'un temple antique.

Au premier abord, on n'imaginait pas l'usage de cette construction bizarre mais les odeurs infectes qui s'en dégageaient vous rappelaient à la réalité

C'étaient les fameuses latrines demeurées célèbres dans l'histoire de l'école.

Avec l'immense fosse septique en surélévation dont elles étaient complétées, elles servaient parfois de refuge à ceux des élèves qui jouaient à cache-cache.

La nature rocheuse du sol n'avait pas permis un creusement profond, ce qui explique la construction en relief et le niveau encore plus élevé des W.C. eux-mêmes.

La fosse ne jouait pas son rôle et toutes les quinzaines un préposé municipal en effectuait la vidange. Cette opération se faisait toujours un jour de classe malgré les suppliques du directeur auprès de l'autorité municipale.

En l'absence des élèves, le jeudi, on aurait évité bien des incidents. Les directeurs successifs n'obtinrent jamais satisfaction. Ce fut l'un des mystères de l'administration municipale de l'époque.

La vidange des célèbres latrines de l'école Martini donnait lieu à des scènes désopilantes dans la grande cour, lesquelles se déroulèrent pendant plus d'un siècle.

Un petit bonhomme coiffé d'un chapeau de feutre noir et crasseux, portant un veston étriqué, loqueteux et pantalons de velours pesants tombant en accordéon sur des gros souliers cloutés arrivait, tenant par la bride un cheval cagneux attelé à un véhicule spécialisé pour la vidange.

Imaginez un grand tonneau couché sur sa partie ventrue et fixé sur deux roues et des brancards, nanti à sa partie supérieure d'un gros entonnoir largement évasé. Et par là le courageux préposé municipal vidait le contenu d'un grand seau fixé au bout d'une corde et qu'il plongeait dans la fosse jusqu'à épuisement de la masse infecte.

Ce spectacle et les odeurs nauséabondes qui l'accompagnaient provoquaient l'hilarité générale des élèves que les maîtres avaient bien du mal à tenir à l'écart. On sortait les mouchoirs, on pinçait ses narines en poussant des exclamations bruyantes dont tout le quartier Cavaillon retentissait.

Mais le tumulte atteignait son comble quand, le plein étant fait le véhicule s'acheminait vers la sortie de la rue Jacques Laurent en cahotant. Par l'entonnoir béant, des éclaboussures se répandaient dans toutes les directions jusqu'à atteindre parfois la horde mugissante des écoliers escortant le réservoir roulant. Il se trouvait toujours des garnements qui poussaient les enfants les plus timides pour les exposer aux particules pestilentielles.

Jusqu'aux environs de 1952 où l'assainissement de la ville entra en service, l'évacuation des vidanges à l'école Martini s'effectua dans des conditions analogues avec toutefois certains progrès matériel : le seau et la corde du préposé avait été remplacés par une pompe et au tonneau roulant s'était substitué un véhicule motorisé hermétique.

Mais la surveillance de la cour exigeait toujours des maîtres une vigilance accrue en raison de l'importance et de la rapidité du matériel roulant.

Les enseignants du 1er degré ont toujours redouté, à juste titre, la surveillance des élèves pendant les récréations et les interclasses du midi. Les accidents de la cour, des ateliers, devaient faire l'objet de rapports précis, de témoignages nombreux, afin que les responsabilités des uns et des autres soient établies solidement.

C'était aussi une véritable corvée que la surveillance de la cantine car il y eut dans une certaine période une centaine d'enfants qui y prenaient leur repas dans des conditions qu'il est à la fois plaisant et triste de raconter.

 

La cantine

Établie dans la partie Est du bâtiment principal, elle n'avait aucun rapport avec les restaurants scolaires d'aujourd'hui. En temps normal, le réfectoire recevait une soixantaine d'enfants mais les jours de pluie, une centaine s'y entassaient autour d'une douzaine de lourdes tables couvertes de zinc, d'un modèle semblable à celui des casernes.

Dans son prolongement, on pénétrait dans la cuisine où pendant plus d'un siècle on ne prépara que des soupes de légumes claires où flottaient parfois quelques particules de viande.

Les écoliers apportaient alors le complément du repas dans des gamelles réchauffées sur une grande cuisinière à bois et à charbon. Ce fut seulement après la Libération, en 1947, que le matériel fut perfectionné par l'achat d'une éplucheuse, d'une friteuse et d'autres ustensiles plus modernes. Les enfants bénéficièrent alors de repas complets à des prix très modiques. Mais le local exigu, mal éclairé, présentait toujours le même inconfort et la même insalubrité.

Quand on y pénétrait, une odeur concentrée de soupe, de corps gras rancis, vous prenait à la gorge et son âcreté s'imprégnait sur tout : les tables de bois, les placards, les gobelets de fer blanc, les murs, les porte-manteaux.

Les appétits les plus solides étaient mis à rude épreuve, mais les enfants assidus de la cantine étaient devenus peu à peu réfractaires à ces désagréments.

Avec les chaleurs de l'été s'ajoutait un autre inconvénient et non des moindres : les mouches ! Quel abominable fléau !

Attirées par les relents de la cuisine, elles arrivaient par milliers, se posaient d'abord sur le rebord des gobelets et des gamelles avant de s'attaquer au contenu succulent. Si l'on fermait les volets à demi pour les inciter à retrouver la lumière du soleil, la pénombre favorisait la chahut des convives. Alors la concierge, qui faisait aussi fonction de cuisinière, disposait des pièges à mouches : soit des liquides empoisonnés versés généreusement dans des coupelles sur le rebord des fenêtres, soit des papiers attrape mouches qu'elle déroulait d'un tube en carton semblable à une cartouche de chasse.

Ces papiers englués, couleur de miel, ne tardaient pas à recevoir les insectes maudits qui n'en finissaient pas de mourir et de grésiller comme l'eau sur le feu.

Malgré les hécatombes, de nouvelles légions de ces diptères exécrables venaient prendre la relève.

Trompant la surveillance du maître de service, il arrivait que des enfants malicieux parvenaient à décrocher ces papiers collants pour jouer des farces à leurs camarades. On devine lesquelles. Alors c'étaient des rires à gorge déployée... suivis aussi de punitions écrites ou des « taloches » généreusement distribuées.

Ce service de l'interclasse, quel cauchemar pour les enseignants ! Le silence et l'ordre étaient si difficiles à obtenir !

Alors que les gamelles et les quarts en fer blanc tintaient sur les tables zinguées, des enfants se précipitaient à la cuisine, y chercher leur fait-tout réchauffé puis déballaient bruyamment bouteilles, cuillères et fourchettes (les couteaux étaient interdits). Tout cela se passait dans un espace restreint et une bousculade difficile à contenir pour le surveillant.

Cependant, la serveuse ayant réussi à servir la soupe, une accalmie s'en suivait, de courte durée, hélas ! L'agitation reprenait par le fait que la durée des repas n'était pas la même pour chacun des commensaux.

Rien d'étonnant à cela car les indigents n'avaient apporté souvent qu'un reste d'omelette froide de la veille ou autres rogatons. En quelques minutes leur repas consommé, ils se hâtaient de gagner la cour de récréation.

D'autres, issus de familles nanties tiraient d'un grand panier d'osier de forme oblongue au couvercle fixé par une tringle de fer, des papiers gras qui fleuraient bon la charcuterie, une tranche de rôti ou une cuisse de poulet, le tout complété par une portion de fromage, des fruits, qu'ils arrosaient même d'une petite bouteille de vin rosé. Pour ces derniers, le repas durait davantage. Indubitablement, ils excitaient sans le vouloir, la jalousie des plus démunis, qui ne pouvaient rester insensibles à des signes évidents d'inégalité sociale.

Enfin le signal de sortie étant donné, les jeux reprenaient dans la cour en attendant la rentrée des classes... sauf toutefois pour des écoliers soucieux qui préféraient relire les « résumés » à réciter par coeur dans l'heure suivante.

 

La discipline - Humoristes et farceurs

Dans la vie d'une école la discipline est sans doute, l'élément le plus déterminant pour obtenir un enseignement efficace débouchant sur des succès scolaires.

À l'école Martini, malgré les conseils reçus durant leurs études, quelques maîtres n'avaient pas les qualités requises pour dispenser un enseignement de valeur, non par manque de savoir mais par la faiblesse d'autorité sur leurs auditoires.

Le meilleur éducateur est celui qui garde sa bonne humeur, son calme, sa patience, qualités les plus difficiles à acquérir pour le dur métier d'enseignant, ce qui n'exclut pas la fermeté quand elle est nécessaire.

Évidemment, des punitions s'imposent. Encore faut-il savoir les doser en fonction de la gravité des fautes : mauvais points, devoirs supplémentaires, retenues après la classe,... Ces mesures de rigueur courantes avaient cours à Martini. Par contre, depuis longtemps, les coups étaient interdits et cependant beaucoup de maîtres abusaient de la règle et de la main.

Qui ne se souvient des méthodes de M. Vacchero, de M. Aillaud, de M. Roux,... et bien d'autres !

Qui ne se souvient des raclées administrées par les directeurs eux-mêmes quand leurs adjoints paraissaient trop indulgents ? Les choses ont bien changé de nos jours !

Le temps des coups est passé et il est certain que la tâche des maîtres d'aujourd'hui est plus difficile : obtenir la discipline par la persuasion est une qualité maîtresse de l'éducateur.

De nombreux maîtres d'autrefois ne possédaient point cette virtuosité et se laissaient aller à des hurlements, des invectives en faisant pleuvoir sur leur auditoire des épithètes ordurières contraires à la dignité des jeunes enfants. Ces propos nous conduisent au rappel de quelques anecdotes qu'il nous faut bien limiter car il faudrait prendre chaque maître comme acteur ou témoin.

Toute la génération des années comprises entre 1920 et 1940 pourrait témoigner des farces ou des quolibets dont furent victimes : Chit, Pitche, Poupre, Pèpè, Zizi, Fraise, Bogue, Pinchou Escoube,... autant de surnoms attribués à des profs que les élèves tournaient en dérision à cause de leurs manies, d'un défaut de prononciation, d'une négligence vestimentaire, d'un aspect disgracieux de leur physionomie...

Comment ne pas éclater de rire quand un certain professeur d'éducation physique des années 1930, victime d'un défaut de langue commandait à ses élèves : « Saucissements sur place ! », alors qu'il voulait dire : « Sautillements sur place ! ».

Un professeur de lettres venu du nord, voulut prouver à sa classe qu'il s'était fort bien adapté au midi provençal et même à la langue occitane. Prenant place à son pupitre en épongeant son front, par un après-midi alourdi de canicule : « Eh bien, mes enfants, aujourd'hui, fa caga ! fa caga ! » Il avait voulu dire « fa cau » c'est à dire « il fait chaud ». Dans un premier temps, les élèves stupéfaits se regardèrent, puis tout à coup ce fut l'explosion irrésistible, bruyante, réaction que le professeur ne pouvait comprendre. Il fallut lui expliquer son erreur. Il se trouva heureusement dans la classe un élève particulièrement doué qui affina son vocabulaire pour montrer au professeur, fort sympathique au demeurant, le rapport entre la scatologie française et le verbe occitan cagar.

Une jeune dame, nommée professeur de sciences naturelles, demanda un jour à ses élèves d'apporter des échantillons de végétaux, de coquillages, de minéraux, des squelettes de petits animaux dans le but d'enrichir le musée de l'école dont les collections relevaient de la plus grande indigence,

Certains élèves, malicieux, manifestèrent un engouement apparent pour l'enseignement des sciences. Ils apportèrent des boîtes contenant des animaux vivants : petits reptiles, souris, insectes. Retrouvant la liberté de leurs mouvements, toutes ces bestioles couraient en tous sens sous les tables et les bancs d'écoliers.

Un certain jour de l'année 1925, un spectacle de ce genre fut savamment organisé par les petits filous de la classe. Au plus gros du charivari, des comédiens affolés montèrent sur les pupitres, d'autres ouvraient les fenêtres en appelant au secours tandis que la jeune enseignante, toute apoltronie, se réfugia dans un coin de la classe, bien incapable de rétablir l'ordre. Elle appela le directeur à son secours. Qui était responsable de ces désordres ? M. Mendès ouvrit une enquête sans résultat. Alors, il décida une punition collective, ce qui n'était pas juste car en pareil cas il y a toujours des victimes innocentes.

En quoi consista cette punition ? Ce fut tout simple. Monsieur le Directeur ayant le sens des choses pratiques, convoqua la classe un jeudi après-midi chez lui pour l'entretien de son jardin potager. Il distribua à chacun, des outils et un travail précis. Il y avait à désherber, à arroser, à égaliser le gravier, à vidanger la fosse à purin,... Un événement imprévu l'obligea à s'absenter impérieusement pendant plus d'une heure avec son épouse. Il n'osa pas renvoyer ses ouvriers. Quelle imprudence !

Le préposé à l'arrosage aspergea d'abord ses camarades, des plants de poireaux se retrouvèrent ensevelis, les bulbes en l'air, des semis furent piétinés, des tomates en fleurs arrachées. Le responsable de la fosse à purin, par le moyen d'une casserole fixée au bout d'un long manche, avait répandu la vidange pestilentielle dans les allées, sur les rosiers, autour de la maison, partout. Des passants se retournaient en entendant la horde déchaînée des élèves... qui prit conscience des risques encourus et décida de quitter les lieux avant le retour du patron. Ce jeudi inoubliable est revenu bien souvent dans les souvenirs des écoliers de ce temps-là.

Ajoutons pour en terminer avec cette anecdote que cette expérience ne fut pas du tout rentable pour M. le Directeur. Elle ne fut jamais renouvelée.

 

Les difficultés s'aggravent

Dans les années 1930, La Seyne accuse une augmentation sensible de sa population. Naturellement, les effectifs scolaires de plus en plus élevés exigent une croissance des locaux. La section primaire de l'école Martini reçoit 660 élèves, plus de 40 élèves de moyenne par classe.

L'école François Durand, archicomble ne prend plus d'inscription et refoule les élèves sur Martini. L'année suivante l'effectif passe à 680 pour 16 maîtres.

Dans cette période M. Malsert venant de Valréas (Ardèche), prend la direction de l'établissement. Animé d'une foi inébranlable, dans les destinées de l'école laïque, tous ses efforts tendront à l'amélioration des conditions de travail des maîtres et des élèves, au développement de la qualité de l'enseignement de manière à porter au plus haut niveau la renommée de l'école.

Il multiplie les propositions aux autorités concernées. Dans un premier rapport à la Municipalité, il demanda la création de deux cours préparatoires, l'un à l'E.P.S. et l'autre à l'École pratique d'industrie.

Ces classes seront alimentées par des élèves nantis du Certificat d'études primaires.

Il demanda également la création d'un 17e emploi à l'école primaire. Son rapport précise les chiffres suivants :

- 3 classes sur 16 ont plus de 40 élèves.
- 2 classes ont plus de 50 élèves.
- 11 classes comptent entre 40 et 50 élèves.

Il souligne l'insuffisance des locaux dont la surface réglementaire devrait recevoir 640 élèves et non 680.

Il ajoute que la disposition des classes, la ventilation, l'éclairage, la visibilité, le cubage d'air sont défectueux.

En 1934, M. Malsert sollicite la création d'un cours supérieur supplémentaire. Sa demande est d'autant plus justifiée que cette année-là 149 élèves ont été reçus au Certificat d'études primaires à La Seyne. Si seulement la moitié de ces élèves désirent poursuivre leurs études, ils ne pourront pas satisfaire leur désir.

Où iront-ils ? S'employer comme manoeuvre ou manutentionnaire chez un artisan ou un commerçant ou bien travailler dans les campagnes ? Alors, on eut recours à un palliatif. On créa bien des classes supplémentaires.. mais elles fonctionnèrent à l'autre bout de la ville, dans les locaux de l'ancien patronage laïque, rue Renan (aujourd'hui Mairie sociale). Elles étaient rattachées à l'école Martini... administrativement. Ce procédé se reproduira plus tard au cours de son histoire.

Nous pourrions évoquer également la situation des autres écoles. Elle était pire. Aucune construction ne se faisait. L'école publique connaissait une grave pénurie dont le personnel enseignant et les enfants souffraient cruellement.

Les protestations de M. Malsert se multipliaient. En 1932, on installa le téléphone. Et pourtant depuis 1876, Alexandre Bell l'avait inventé. La même année, l'École pratique ayant fait l'acquisition d'un tour, il lui faudra attendre encore une année pour avoir la fraiseuse, achetée d'occasion, soit dit en passant. Suivant la délicatesse des travaux effectués à l'école Martini, les professeurs auront quelquefois recours à l'école Rouvière de Toulon. Quelle misère !

Et cette pauvreté de l'école pouvait se vérifier dans tous les domaines. S'il en est un qui faisait scandale, c'étaient les conditions d'administration de l'établissement. Cinq ans après la nomination de M. Malsert à la direction, l'école Martini comprend trois ordres d'enseignement : le primaire, le primaire supérieur, qui deviendra enseignement secondaire dix ans plus tard, et l'école pratique, embryon de ce qui sera un jour l'enseignement technique. En tout, plus de 900 élèves astreints à des programmes, des règlements des horaires totalement différents, ce qui explique la complexité de gestion d'un tel établissement.

Aucun poste de surveillant n'existe ! La surveillance des enfants pendant l'interclasse et les récréations est assurée obligatoirement par les instituteurs et les institutrices dont les nominations dans les écoles de garçons se font de plus en plus nombreuses. Mais les jeunes gens de l'école primaire supérieure et de l'école pratique sont livrés à eux-mêmes dans la cour et les professeurs se refusent à faire fonction de pions.

Avec son obstination habituelle, M. Malsert demande à l'administration de créer un poste de secrétaire administratif qui jouera aussi le rôle de surveillant.

Une école de plus de 900 élèves sans un secrétaire administratif en 1937, c'est véritablement incroyable. Et pourtant, cette réalité a été vécue par des milliers d'enseignants, d'élèves et de parents d'élèves.

Le directeur est obligé de subvenir à tout : il fait la correspondance manuscrite durant les premières années de sa fonction. Quand l'administration lui offrira une machine à écrire, il sera dactylo. Il arrive le premier à l'école chaque matin, surveille la rentrée des élèves, fait la chasse aux retardataires, distribue la craie, la poudre à encre, les fournitures scolaires.

Il fait les commandes de livres sachant avec une grande précision les quantités pour chaque discipline, le nombre à remplacer parce que hors d'usage.

Il contrôle le travail pédagogique, inspecte les classes, interroge les élèves et finit par connaître les qualités et défauts de chacun. Il distribue les circulaires administratives et vérifie leur application. C'est encore lui qui, à chaque rentrée établit les emplois du temps des maîtres et des maîtresses. Les parents d'élèves sont reçus de façon permanente quand ils le désirent.

M. Malsert les conseille sur l'avenir de leurs enfants car il connaît les possibilités de chacun.

... Et cette énumération est bien incomplète. Tout cela paraît incroyable pour les enseignants aujourd'hui.

Après cinq ans de cette vie professionnelle, M. l'Inspecteur d'Académie propose à la Municipalité de créer un poste de surveillant et de le prendre à sa charge.

Un crédit de 3.200 francs est prévu pour indemniser un professeur qui fera de la surveillance. Mais le poste de surveillant général ne sera créé que trois ans plus tard.

Décidément cette troisième République qui avait accompli une oeuvre remarquable en faveur de l'Enseignement public, se rendait coupable de négligences intolérables que l'on pouvait constater à La Seyne et partout ailleurs.

Malgré ces conditions de travail difficiles, le personnel enseignant poursuivait sa tâche avec ardeur.

Dans la décennie 1928-1938, d'importantes mutations se produisirent dans le personnel. L'enseignement technique, dont la direction est confiée à M. Baude, fait peu à peu sa place avec de nouvelles équipes : MM. Varangue, Boudon, Ramognino, Fabre, Lorenzini, Soleri, etc.

École Technique - Juillet 1937
De gauche à droite : MM. Soleri, Ramognino, Lorenzini, Malsert (Directeur)
En bas : M. Boudon (professeur de dessin)

Dans l'enseignement moderne, une autre génération de bons professeurs apparaît : M. Doche, M. Brun, M. Laure... Leur qualification est indiscutable, mais, comme leurs prédécesseurs, ils travaillent dans des conditions désagréables.

Un rapport d'inspection de la délégation cantonale daté du 8 juin 1936 dresse un bilan sur la situation matérielle de l'école. Il est accablant pour toutes les autorités concernées. En voici le texte intégral :

1) De nombreuses classes sont trop exiguës par rapport au nombre d'élèves qu'elles accueillent.
2) Le nombre des élèves est lui-même trop élevé dans les classes.
3) Le matériel scolaire est usagé, très vieux et presque hors d'usage.
4) Beaucoup de classes ayant leur ouverture du côté nord, manquent totalement de soleil.
5) Le système de chauffage des classes laisse à désirer, la chaleur n'étant pas suffisamment répartie.
6) Le nombre considérable d'élèves qui fréquentent l'école motive la création de nouvelles écoles dans d'autres quartiers.
7) Les classes ouvertes sur la cour nord sont inhabitables pendant les fortes chaleurs et de plus, gênées considérablement par le voisinage d'un cabinet d'aisance public.
8) Les W.C. de l'école sont insuffisants et mal placés.
9) Les cours de récréation ont une superficie totalement insuffisante.

Ce rapport éloquent aurait pu être rédigé dans les mêmes termes au début du siècle. Et, comme nous le verrons, le corps du bâtiment principal et ses annexes ne pouvant supporter des transformations profondes, les mêmes inconvénients iront s'aggravant jusqu'en 1976, date de la destruction de l'établissement.

Autrement dit, pendant plus d'un siècle les municipalités responsables de cette importante structure communale se borneront à blanchir les classes de loin en loin, à remplacer les carreaux brisés, à ramoner les tuyaux de poêle en fonte.

Gestion routinière, inadaptation des locaux à une modernisation de l'enseignement, manque de crédits pour l'achat et le renouvellement du matériel,... Tous ces inconvénients et difficultés n'ont jamais émoussé la bonne volonté d'un personnel d'élite auquel il convient de rendre hommage pour ses qualités professionnelles.

 

Des bilans positifs

La liste des succès obtenus aux examens serait bien longue à établir pour les trois ordres d'enseignement : Certificats d'études primaires, Brevets d'Enseignement primaire supérieur, Brevets élémentaires, concours des Bourses, concours d'entrée à l'École Normale d'Instituteurs, Certificat d'aptitude professionnelle, Brevets d'Enseignement industriel, concours d'entrée à diverses administrations : P.T.T., Contributions, Marine, etc.

Toutes ces épreuves ont permis à des centaines de nos concitoyens de s'élever dans la hiérarchie sociale.

L'enseignement technique, malgré les entraves et même l'ostracisme dont il souffrit pendant si longtemps, réussit tout de même à s'imposer, à se développer et à devenir le pourvoyeur des chantiers de construction navale et de l'arsenal, en ouvriers hautement qualifiés, en dessinateurs, techniciens de haut niveau dont certains accédèrent par la suite au titre d'ingénieur.

Entre 1933 et 1939 se succédèrent de brillantes expositions de travaux dans les plus grandes villes du département : La Seyne et Toulon en priorité. Les pièces industrielles d'ajustage, de menuiserie, de chaudronnerie, des objets d'art confectionnés en cuivre, fer forgé, etc. firent l'admiration des autorités administratives de l'enseignement, de la préfecture, des chefs et des ingénieurs des entreprises locales.

Répétons-le : nonobstant les difficultés, l'école Martini s'est affirmée comme une structure de l'enseignement respectable qui a polarisé l'attention des familles de l'Ouest varois dont les enfants ont reçu une solide instruction de base qui a permis à certains d'entre eux d'accéder à l'enseignement supérieur. Bien longue serait la liste à établir de ceux qui sont devenus : instituteurs, professeurs, ingénieurs, médecins, officiers supérieurs, officiers généraux, chercheurs scientifiques.

Quand les moyens de communication et de transport furent mieux assurés, l'école Martini vit arriver sur ses bancs les jeunes gens de Bandol, Sanary, Ollioules, Six-Fours, Le Beausset, Saint-Mandrier. Sa solide réputation avait donc dépassé les limites de la commune. Une renommée qui avait été forgée au fil des ans par des maîtres d'élite qui menèrent sans concession un combat sévère pour le triomphe de l'école laïque, lié à celui de la République naissante.

La génération de ces fervents de la liberté, de la justice sociale, de l'éducation du peuple oeuvra pendant près de quarante années, égrenées à la fois sur la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Ils connurent deux générations de Seynois les Aillaud, Guigou, Lenoir, Carle, Fabre, Hugues, Trotobas, Forel, Chichon. Une autre lignée d'excellents maîtres prit la relève avec les Vacchero, Lombardi, Arène, Mouré, Penciolleli... et bien d'autres. Des mutations fréquentes s'étaient produites au niveau de la direction. Le souvenir des Martini, Berny, Hugues, Rouffié, s'était estompé ... Là aussi ce fut la relève avec les Peyron, les Mendès, les Malsert,...

Sans vouloir amoindrir le rôle et l'efficacité de ses prédécesseurs, ni de ses successeurs, Grac et Bertrand, il nous a paru normal de marquer plus spécialement le passage d'Émile Malsert parce que, de tous ceux qui assurèrent la direction de l'école, il fut celui dont la fonction dura le plus longtemps (1932-1952) et dont le souvenir est demeuré le plus vivace dans la population seynoise.

 

Émile Malsert

Originaire de l'Ardèche, Émile Malsert, issu d'une famille de cultivateurs, était l'aîné de 6 enfants. Il s'affirma de bonne heure comme un excellent élève qui travailla avec une volonté farouche, non seulement pour lui-même, mais pour apporter aussi à ses frères et soeurs une aide efficace.

Élève à l'École Normale de Privas, il s'engagea résolument dans le combat pour la défense de l'école laïque. Il souhaitait poursuivre ses études mais la guerre de 1914-1918, dont il souffrit beaucoup, lui prit cinq années de sa vie.

Démobilisé, il reprit son poste d'instituteur, mais son ambition bien légitime le poussa à préparer le professorat. Il affronta avec succès les concours nécessaires au bout de deux années de travail acharné sans l'aide de personne.

Comme professeur, il enseigna à Aubenas, puis devint directeur du collège de Valréas.

En 1932, il prit la direction du collège Martini dans des conditions précédemment définies.

Il exerça son métier avec une rare conscience professionnelle. Arrivé le premier à l'école chaque matin, il s'assurait d'abord de la propreté des locaux, prenait connaissance de son courrier, préparait son travail quotidien.

À l'heure des rentrées, il se plaçait au point le plus élevé de la cour de manière à observer de son regard pénétrant le comportement des uns et des autres, donnant la chasse aux élèves dont la tenue ou le langage laissait à désirer. Rien ne lui échappait. Il aimait la discipline rigoureuse et il avait bien raison.

Trois jours après la rentrée des classes, au mois d'octobre de chaque année, il n'y avait plus de retardataires.

Si certains directeurs de l'école Martini se cantonnèrent dans leur travail administratif, ce ne fut pas le cas d'Émile Malsert. Son rôle de directeur, il sut l'accomplir à la perfection. Aucune remontrance sérieuse ne lui fut adressée de la part de ses supérieurs hiérarchiques. Mais il se distingua de ses prédécesseurs par le rôle pédagogique qu'il entendait jouer à la tête de l'établissement. Il surveillait de très près le travail des élèves et des maîtres ; contrôlait régulièrement les carnets de notes, fustigeait les paresseux, convoquait leurs parents et les incitait à une surveillance plus étroite de leur enfant.

Si, dans les premiers jours de classe après la rentrée, des maîtres nouveaux hésitaient à affirmer leur autorité, il les conseillait, les faisant bénéficier de sa longue expérience. Il aidait ses collègues de travail de toutes les manières, les défendait devant les instances supérieures si des injustices les avaient frappés.

Pour la bonne marche de l'enseignement, il n'admettait pas que des élèves perdent une heure de cours par l'absence d'un professeur. Il en appelait à la conscience de ses collègues qu'il sollicitait pour un intérim, à titre bénévole, comme cela se faisait couramment à cette époque. Et il obtenait toujours les concours sans réserve de ses subordonnés.

Que de fois il assura lui-même des cours de Français ou de Mathématiques pour remplacer un professeur malade ! Il eut le souci constant pendant toute la durée de ses fonctions de ne pas voir des élèves quitter l'établissement sans la perspective d'une situation valable pour leur avenir.

Toute une génération de Seynois se souvient de cet homme sévère au coeur généreux qui a tant sacrifié pour la réussite et le bonheur des autres.

En reconnaissance des services éminents rendus à la jeunesse seynoise et en souvenir de l'étroite et fructueuse collaboration q'il sut rétablir entre l'école et les municipalités, le 10 novembre 1973, son nom fut attribué à l'important groupe scolaire substitué à l'ancienne école François Durand et au square qui lui fait place.

Interrogez les Seynois qui ont bien connu Émile Malsert, il vous diront tous que cette manifestation de reconnaissance fut amplement justifiée.

 

Encore la guerre !

Hélas ! Les bilans positifs dont nous parlions plus haut allaient recevoir un coup d'arrêt. Les menaces de guerre, perceptibles depuis plusieurs années, devaient se concrétiser à partir de 1938 avec une mobilisation partielle et surtout avec les déclarations de guerre de 1939.

Les puissances d'argent en difficulté ont toujours cherché à régler leurs problèmes par la guerre. Une fois de plus les peuples allaient payer très cher les frais, de cette folie.

Et dans ces périodes dramatiques, le souci majeur des gouvernements n'est pas l'instruction du peuple.

Notre école Martini, comme toutes les autres, allait connaître des restrictions en tout genre. Les jeunes maîtres appelés sous les drapeaux furent remplacés par des retraités ou des éléments féminins mal adaptés aux nécessités nouvelles.

Les crédits de fonctionnement réduits à la portion congrue, le travail et les résultats subirent de rudes atteintes.

Le 16 juin 1940, le Maréchal Pétain signa l'armistice et prit en main les affaires du pays. Beaucoup de Français, de bonne foi, virent en lui l'homme providentiel capable de tirer la France du chaos. Hélas ! le déroulement des événements leur apporta peu après les plus grandes déceptions.

Avec le Maréchal, ce fut la fin de la IIIe République qui durait depuis 65 ans. Ce furent aussi les tentatives de domestication de l'école laïque que la grande bourgeoisie vouait aux gémonies depuis toujours.

Le gouvernement de Vichy, expression du nouveau régime appelé l'État français, faisait de son mieux pour être agréable à l'occupant nazi qui cependant pillait sans vergogne les richesses de la France.

Les enseignants dans leur immense majorité, avaient compris la grande trahison dont la France était victime. Nombre d'entre eux allaient prendre leur place dans le combat de la Résistance.

La Municipalité seynoise présidée par le Docteur Mazen depuis 1921 fut dissoute. On lui avait intimé l'ordre auparavant de débaptiser des rues portant des noms maudits pour les Vichyssois, comme le socialiste Roger Salengro et le communiste Henri Barbusse. Le souvenir de leur vie tout entière consacrée à la justice sociale et au pacifisme devait être oublié.

Puis l'ordre de quitter l'Hôtel de Ville sans autre forme de procès arriva. Une équipe aux ordres du Maréchal et composée en majorité de militaires retraités prit la succession. Comme on le verra, ce ne fut pas pour longtemps.

M. Malsert reçut l'ordre d'organiser chaque matin la cérémonie du Salut aux couleurs, comme cela se faisait dans les casernes ou sur les bateaux de guerre. Le « garde à vous » retentissait lancé par la voix gauloise de M. Vacchero.

Les alignements, l'exécution du chant « Maréchal, nous voilà ! », tout cela prenait beaucoup de temps sur l'horaire de travail. Peu à peu, constatant que les professeurs de patriotisme enchaînaient de mieux en mieux la France aux ambitions des Hitlériens, les enseignants et les élèves ne prirent plus au sérieux la cérémonie quotidienne, qui devint hebdomadaire et abandonnée au bout de quelques semaines.

Restons dans le domaine de l'enseignement public. La guerre contre l'école laïque éclata ouvertement. Une campagne haineuse orchestrée par les grands chefs ecclésiastiques tenta de dresser l'opinion publique contre les enseignants. Monseigneur Choquet écrivit : « Si la France est vaincue, c'est qu'elle devait expier ses fautes. La première de ces fautes c'est l'expulsion de Dieu de l'école, les instituteurs sont culpabilisés ; ils n'ont pas su éduquer le peuple ». Sous le ministère Chevalier, l'Université fut épurée et frappée à sa tête par l'interdiction d'enseigner faite à des professeurs comme Paul Langevin, P. Rivet, Jean Perrin et bien d'autres. La fonction d'enseignant fut retirée aux Israélites ainsi qu'aux Francs-Maçons.

Deux professeurs de l'école Martini furent frappés par ces mesures : MM. Varangue et Boudon dont nos concitoyens de cette période ont gardé un souvenir attachant. D'autres maîtres furent poursuivis, accusés de propagande anti-nationale.

Les élèves et le personnel allaient connaître les heures les plus noires de leur école.

Passons rapidement sur la cascade des mesures anti-laïques : suppression des écoles normales, des délégués cantonaux ; dissolution des syndicats d'enseignants et de la Ligue de l'Enseignement fondée par J. Macé en 1866 ; attribution d'importantes subventions aux écoles privées.

Les prélats ralliés au Vichysme étaient ravis et comblés.

Cependant, le gouvernement d'alors poursuivant sa mystique de la Révolution nationale voulait faire du neuf et réformer les structures de l'enseignement.

Ainsi l'école Martini, la vieille école primaire supérieure devint collège. Les établissements similaires d'enseignement général, les écoles pratiques d'industrie devinrent des collèges, mais ce ne devait pas être dans leur sein que se formeraient les élites. Les décrets précisaient que seuls les lycées pourraient dispenser l'enseignement classique. La vocation des collèges serait comme l'avaient voulue les dirigeants de la IIIe République, de préparer les cadres subalternes dont la nation avait besoin.

Toutes ces mesures nouvelles n'amélioraient guère les conditions de vie des Français. On souffrait du froid et de la faim. La France aux richesses si abondantes et si diverses était littéralement mise au pillage par l'occupant allemand qui raflait tout et partout.

La santé des enfants devenant précaire, il fallut en venir à leur distribuer chaque jour, dans les écoles, des pastilles vitaminées et du lait.

À l'automne, l'occultation des lumières rendue obligatoire à la tombée du jour, le travail scolaire s'en trouva bien ralenti. La situation de l'enseignement allait se dégradant. Les absences se multipliaient avec l'exode de la population qui s'amorçait devant la croissance des dangers.

Vers la fin de l'année 1942, des événements de la plus haute importance se produisirent. Après le désastre des armées allemandes sur le front russe, à Stalingrad, les Allemands tentèrent de s'emparer de la flotte de guerre française concentrée à Toulon. Ce fut alors le sinistre sabordage du 27 décembre 1942 et l'arrivée des blindés allemands. Une partie de l'école Martini fut occupée par la soldatesque nazie.

Le coeur serré, l'âme meurtrie, les élèves et les maîtres voyaient évoluer les monstres d'acier dont les lourdes chenilles imprimaient leurs cannelures dans le sol de la cour. Ils frémissaient à l'appel des sons gutturaux dont les murs de l'école retentissaient et à l'apparition des uniformes « vert-de-gris » et des brassards à croix gammée

Le danger des bombardements apparemment libérateurs, précipita l'exode de la population vers l'intérieur du département d'abord, pour ceux qui le pouvaient. Jusqu'au moment des évacuations massives en 1943, les maîtres et les maîtresses continuèrent d'exercer leurs fonctions de manière exemplaire sous la direction inflexible de M. Malsert.

Le 28 septembre 1943, le jeune Laïk, élève de l'école Martini, fut enlevé avec son père, par les sbires de la Gestapo. On ne les revit jamais. Bien plus tard, on connut ce qu'il advint à des millions d'êtres humains d'origine juive comme eux, disparus dans les camps de la mort.

De cet événement abominable, naquit la consternation dans la population seynoise mais aussi le désir accru de voir le pays libéré du joug hitlérien.

Au sein de l'école Martini se constitua un groupe actif de Résistance clandestine comme il y en eut dans les quartiers et les entreprises de la ville.

Au printemps 1944, les écoles avaient cessé de fonctionner, mais le personnel enseignant était tenu à un travail administratif : service du ravitaillement, bureau des évacuations,...

Pour les élèves du collège Martini, un service de cours par correspondance fut organisé dans l'intention de limiter des lacunes aux élèves surtout pour les classes d'examen.

La Seyne vivait des heures d'angoisse. La fréquence des alertes, les menaces permanentes de l'occupant, l'atmosphère de suspicion entretenue par les mouchards aux ordres du gouvernement de la trahison, tout cela rendait la vie insupportable aux habitants qui vivaient le plus souvent calfeutrés chez eux.

Le 29 avril 1944, un véritable cataclysme s'abattit sur la ville. Une vague de super forteresses volantes américaines lâcha 700 bombes sur le territoire de notre commune. Quatre d'entre elles seulement atteignirent les chantiers de constructions navales, objectif présumé. La ville meurtrie vit ses principales structures sociales, administratives, économiques, sinistrées à 65 %.

Plus de 100 morts, des centaines de blessés furent relevés des ruines fumantes, L'école Martini, fortement ébranlée, resta debout par miracle. De ce désastre, elle s'en tira avec des lézardes et des carreaux brisés.

Nous avons relaté par ailleurs sous l'intitulé Des journées dramatiques le triste état dans lequel La Seyne était tombée. Quarante années ont passé depuis. Aussi, les nouveaux venus dans la localité ont peine à imaginer l'ampleur de telles calamités dont les stigmates n'ont pas totalement disparu.

Au drame du 29 avril succéda celui du 11 juillet qu'on appelle depuis catastrophe de l'Emissaire commun, où 96 Seynois et Seynoises périrent piétinés, asphyxiés, dans une galerie longue, étroite, dépourvue d'aération, par la faute des administrateurs du moment qui autorisaient son utilisation comme abri anti-aérien. Enfin le 17 août, quelques jours avant sa libération, notre ville martyre et ses habitants assistèrent impuissants à la destruction complète des chantiers navals, oeuvre de la soldatesque allemande traquée, convaincue de sa défaite, essayant de retarder l'arrivée des armées de la Libération. Engins de levage, machines, hangars ne furent plus qu'un amas de pierres et de ferrailles après l'explosion de 200 fourneaux de mine. Les quais du port et toutes les habitations du bord de l'eau subirent le même sort.

La ville étant dans une telle situation, qui aurait pu imaginer alors qu'au mois d'octobre suivant la rentrée des classes aurait lieu ? Nos concitoyens et les édiles municipaux à leur tête accomplirent des prodiges de dévouement pour déblayer les ruines, réparer ce qui pouvait l'être, rétablir l'eau, l'électricité, enfin rendre la vie quotidienne possible.

Et pour nous limiter ici à notre école, disons que maîtres et élèves ne retrouvèrent certes pas les meilleures conditions de travail. Avec la guerre, la vie de l'école Martini allait être écourtée. On envisagea un moment son extension sur un terrain attenant au sud de la grande cour. Mais il fallait voir beaucoup plus grand. Le développement impétueux de tous les ordres d'enseignement finirait bien par imposer des solutions audacieuses.

Ici commence la dernière période qui s'étend de 1946 à 1976, date de la destruction de l'établissement. Trente années de lutte pour les Municipalités d'après la guerre, désireuses de doter la jeunesse de structures scolaires modernes, trente années de travail pénible pour le personnel et les élèves qui tenaient absolument à obtenir de bons résultats en attendant les véritables solutions.

La guerre terminée, les enseignants espéraient la manne céleste pour l'Éducation nationale. Hélas, les mois et les années passaient et il leur fallait déchanter. L'école laïque bafouée pendant des années, ne reprenait pas tous ses droits.

L'école Martini portait bien le titre de collège depuis 1941, mais les jeunes étudiants devaient préparer leur baccalauréat à Toulon.

Alors les édiles de la Libération décidèrent de voter des crédits permettant à des professeurs payés en heures supplémentaires de préparer à La Seyne le baccalauréat. Les bons résultats obtenus, il fallut bien que l'État prenne enfin la dépense à sa charge.

 

La situation de l'école dans les années 1947-1952

Dans cette période, les structures pédagogiques de l'école marquent une certaine évolution.

L'enseignement moderne fonctionne avec 5 divisions. Il accuse une progression, bien lente toutefois, si l'on songe qu'il y en avait 3 en 1900, 3 en 1920 et 4 en 1928.

Depuis 1920, l'enseignement technique avait vu le jour et ce ne fut pas sans mal. Il comporte 4 divisions dans les années 1950. Les créations de divisions nouvelles s'obtiennent au coup par coup par des interventions incessantes de la (Municipalité dirigée par Toussaint Merle, conjuguées avec celles des parents d'élèves, des syndicats, de la délégation cantonale).

À la session de juillet 1951, l'école Martini obtient ses premiers succès au baccalauréat : 7 élèves sont reçus. Démonstration est faite aux autorités académiques que l'on peut réaliser à La Seyne des structures pédagogiques valables qu'il n'est pas nécessaire d'aller chercher ailleurs. On commence à parler de l'enseignement classique. Là encore, il faudra lutter pour l'obtenir à Martini et éviter aux jeunes étudiants seynois intéressés, d'aller s'instruire à Toulon.

La ville se reconstruisait, la population scolaire augmentait rapidement. Il fallut créer la classe de 1ère moderne, de nouvelles divisions dans l'enseignement technique ; des agrandissements pour les ateliers s'imposaient d'urgence.

On prit les derniers terrains disponibles pour dédoubler l'atelier d'ajustage, vers le jardin du presbytère. On rehaussa l'atelier de menuiserie pour créer une seconde classe de dessin destinée à la préparation d'un C.A.P. de dessinateur. Ces constructions disparates n'amélioraient guère l'esthétique de l'ensemble scolaire, mais elles permettaient tout de même la préparation à des examens, déterminants pour l'avenir de la jeunesse.

Elles assuraient, malgré l'inconfort, une bonne vitalité de l'école Martini, attestée par de nombreux succès scolaires : Limitons-nous à quelques chiffres pour la seule année scolaire 1948-1949 :

- Certificat d'études primaires : 50 reçus
- Concours d'entrée en 6e moderne : 23 admis
- Certificat d'aptitude professionnelle : 20 admis
- Brevet d'enseignement industriel : 10 admis
- Brevet d'études du 1er cycle : 8 reçus
- École normale d'instituteurs (Draguignan) : 1 succès
- École normale d'instituteurs (Aix) : 3 succès
- Baccalauréat 1re partie : 14 admis

Des statistiques précises ont montré que ces chiffres allèrent croissant jusqu'au transfert de l'école vers le quartier Beaussier, mais avant de quitter les vieux locaux de la Dîme, elle aura conquis son dernier titre de noblesse avec la préparation du baccalauréat complet (1ère et 2ème partie), qui offrit à ses débuts trois options : philosophie, sciences expérimentales, mathématiques élémentaires.

L'effectif de l'école atteindra alors son apogée avec 1409 élèves, dont 380 pour l'enseignement primaire.

Ce dernier nombre accuse une diminution des effectifs, les écoles de quartier construites depuis la Libération recevant des centaines d'écoliers. Par contre, les effectifs des enseignements moderne, technique et classique allaient croissant, l'école accueillant les jeunes gens de l'Ouest varois : Sanary, Bandol, Ollioules, Six-Fours, dont la population se développait rapidement. L'établissement prit le titre ronflant de lycée. Mais l'appareil de direction ne sera renforcé que trois ans plus tard par la nomination d'un surveillant général : M. Garceries.

En attendant, c'est M. Jean Roussin au dévouement légendaire qui assure le secrétariat administratif et la surveillance. Les problèmes sont de plus en plus nombreux et de plus en plus complexes. Les charges du proviseur (on ne dit plus le directeur) et de son secrétaire sont devenues écrasantes.

Plan de l'école Martini sur la fin de sa carrière

1 - École primitive construite sur l'hôtel de la Dime
2- Classes de l'École primaire supérieure
3 - Ateliers
4 - Cours nord
5 - Salle de classes - enseignement des retardés
6 - Cours sud
7 - Agrandissement de 1950
8 - Préau
9 - Préfabriqué
10 - Préfabriqué
11 - Bureau de la Direction
12 - Conciergerie
13 - Cantine
14 - Sanitaires

L'École Martini au faîte de sa carrière

Depuis quelques années, grâce aux efforts financiers de la Municipalité dirigée par Toussaint Merle, des distributions de prix se déroulaient en fin d'année dans la salle du cinéma Rex. Celle de l'année 1952 fut suivie d'une cérémonie en l'honneur de M. Malsert. Sa brillante carrière prit fin. Elle fut retracée brillamment par un professeur et un représentant des élèves. De nombreux présents furent offerts à celui qui avait donné le meilleur de lui-même à toute une génération de la jeunesse seynoise.

Dans un discours concis et émouvant, M. Malsert remercia ses collaborateurs et les enfants des deux écoles secondaires (garçons et filles) réunis pour la circonstance. De ses paroles simples, une grande leçon se dégageait, la dernière qu'il donna à des enfants : « Vous m'avez comblé de louanges et de gâteries, dit-il, je vous en remercie infiniment, mais après tout, je n'ai fait que mon devoir ».

On peut observer qu'en 1954, il est nécessaire de dédoubler toutes les divisions de la 6ème à la 1ère moderne. Leur nombre passe de 6 à 12. Il passera à 25 en 1956 et à trente en 1958. Les locaux faisant terriblement défaut, on peut parler de saturation et c'est à partir de là que de toute part, des voix s'élèvent pour exiger un établissement à la mesure des exigences.

Pour recevoir tous les élèves désireux de poursuivre des études, pour faire face aux obligations nouvelles de l'enseignement des langues qu'il faut étendre, on en vient à cloisonner les plus grandes salles pour faciliter les rotations dans les horaires. On rehausse les classes en rez-de-chaussée, on empiète sur la cour qui reçoit des baraquements en tôle, véritables fournaises pendant la belle saison, difficiles à chauffer l'hiver. La grande cour de récréation est réduite à sa plus simple expression. Les enfants y grouillent et la direction interdit d'y courir. L'école Martini est devenue un monstre. Les locaux de l'enseignement primaire n'ont pas changé d'aspect depuis le XIXe siècle. Le grand préau à la toiture de tôles ondulées est arpenté par une nouvelle génération d'enseignants que nos concitoyens ne sont pas prêts d'oublier avec : MM. Boucaud, Stauffer, Sajhau, Spérandéo, Deferrari, Lombardi, Arène, Mouré.

L'élément féminin est maintenant prédominant avec Mmes Clerc, Mouche, Silvy, Bonnet, Stephan, Ravezié, Giloux,... Avec l'afflux de professeurs d'enseignement secondaire et technique, l'atmosphère familiale d'autrefois a fait place à une certaine froideur.

Les professeurs nouveaux ignorent les instituteurs et vice-versa. La génération de la dernière guerre qui ne connut guère que MM. Dary, Faber, Turquay, Laure... se voit maintenant renforcée de MM. Pinson, Muraccioli, Mlle Philip,...

Quand M. Malsert prend sa retraite en 1952, on peut considérer que le collège est devenu une véritable structure d'enseignement secondaire avec du personnel de qualité, mais les conditions de travail se sont aggravées par l'exiguïté des locaux, le manque d'hygiène, l'insuffisance des moyens pédagogiques.

 

Le déclin

Entre le départ de M. Malsert et le transfert de l'établissement au quartier Beaussier une période de sept années va s'écouler, pleine d'incertitudes. Les difficultés de fonctionnement s'accumulent. Enfin, on apprend que la construction d'un grand lycée a été décidée par le Ministère de l'Éducation nationale. Mais les enseignants et les édiles municipaux sont loin d'imaginer le nombre des obstacles à franchir avant d'en voir la réalisation.

L'État devait financer la plus grosse part, mais il s'appliqua à faire payer au maximum la Commune, l'obligeant à des emprunts importants, alors qu'elle avait déjà à sa charge, au départ, l'achat des terrains.

Des joutes électorales sévères se succédaient depuis 1956 et les adversaires de la Municipalité accumulaient les obstacles au projet de lycée en incitant les propriétaires des terrains à refuser tout accord amiable avec la ville, ce qui conduisit aux longues procédures d'expropriation et à des retards importants. Les politiciens de bas étage ne se préoccupaient guère de l'intérêt de la jeunesse estudiantine seynoise.

Les rivalités entre les enseignants du technique et ceux de l'enseignement moderne et classique s'envenimèrent au sein de la vieille école Martini au point qu'une atmosphère lourde succéda à l'amitié et à la collaboration fraternelle d'autrefois et ce ne fut pas la nomination de M. Grac à la tête de l'établissement qui apporta des solutions heureuses. Le nouveau directeur ne fut guère encouragé dans sa tâche quotidienne et dut même faire front à une véritable cabale montée contre lui par des professionnels de la zizanie.

Il quitta la direction en catimini, profondément ulcéré. Son passage à Martini n'avait duré que trois ans.

Son remplacement par M. Bertrand ne put apporter des changements bénéfiques alors que l'école vivait une période transitoire, la ville se refusant à engager de gros frais de fonctionnement pour une structure en voie de disparition prochaine. M. Bertrand aurait bien voulu donner de l'air et de l'espace à son école. Il fit aménager une salle des professeurs en cloisonnant une classe et obtint des baraquements supplémentaires dans la cour sud, ce qui donna à l'établissement l'aspect d'un camp de réfugiés destiné aux sinistrés de la guerre.

La section primaire ne comportait plus que 13 postes d'enseignants alors que les sections moderne, classique et technique passaient à 30 sans compter les maîtres auxiliaires. La baisse d'effectif de l'enseignement du 1er degré s'expliquait par la création de multiples écoles des quartiers périphériques. Le lycée Martini demeurait toujours le seul établissement d'enseignement secondaire de l'Ouest-varois dont la population scolaire n'arrêtait pas de croître avec rapidité.

Autre remarque importante : la prédominance de l'élément féminin dans le corps enseignant. Seuls les ateliers sont toujours dirigés par des professeurs techniques : MM. Baude, Fabre, Lorenzini, Chabaud, Richelme, Gondran, Soleri,...

Notons la présence de nombreux professeurs qui dispensent l'enseignement général dans la section technique avec MM. Triquet, Camoin, Arnaud, Mariotti, Beretti, avec Mmes Polge, Renard, Blanc-Lapierre.

Les sections moderne et classique comptent toujours les maîtres de l'après-guerre avec MM. Turquay, Faber, Laure, Autran, Dary, auxquels vient s'ajouter une nouvelle vague avec les Seiss, Boyer, Liprandi, Castinel, Papazian, Maynau, Laporte,...

Dans le domaine du sport, des changements profonds sont intervenus. Les plus anciens de Martini se souviennent de l'époque héroïque où la culture physique était enseignée par des professeurs de Français ou de Mathématiques.

Il aura fallu plusieurs décennies et en venir aux années d'après la guerre de 1939-45 pour que cette discipline soit enfin enseignée par des spécialistes.

Quelques années avant la disparition de l'école, de nombreux maîtres ou professeurs d'éducation physique exercèrent dans le vieux sous-sol légendaire où l'on trouvait toute la gamme des agrès nécessaires à la gymnastique : trapèze, corde lisse, corde à noeuds, barre fixe, barres parallèles, cheval d'arçon, etc. Les jours de beau temps, ils emmenaient leurs élèves au stade municipal aménagé sur l'ancien vélodrome de la Canourgue. Citons quelques noms de ces personnels qui resteront attachés à l'histoire du sport scolaire avec MM. Durrieu, Troubat, Cagnon, Weingand, Dutertre, Guillou, Polge, Mlle Scarrone, Mme Gruarin,...

Quand les rues de Beaussier et Émile Combes conduisant vers le nouveau lycée classique, moderne et technique, quand la place Galilée s'animèrent à la rentrée d'octobre 1960, du va-et-vient et des appels bruyants des jeunes étudiants garçons et filles, de grands soupirs de soulagement s'échappèrent de toutes les bouches : professeurs, élèves, édiles municipaux, parents d'élèves, syndicalistes, administrateurs de l'Éducation nationale,... les uns et les autres ayant conjugué leurs efforts, mené les actions les plus diverses à tous les niveaux des instances administratives, cela pendant près de 10 ans pour que justice soit rendue à la ville de La Seyne et à ses enfants et que leur soit donnée une structure d'enseignement public de qualité.

Il existait certes un établissement splendide tout à côté du nouveau lycée : L'Institution Sainte-Marie, qui occupait plusieurs hectares du quartier Tortel. Ouvert depuis 1849, il prospéra superbement sous le IIe Empire qui réservait ses faveurs au clergé tout puissant. Mais son enseignement payant ne pouvait être dispensé qu'au profit des enfants de la petite bourgeoisie locale et des environs : commerçants, artisans, professions libérales. Il s'agissait d'un enseignement privé confessionnel qui connut son apogée au début du siècle.

Cet établissement continue à jouer un rôle non négligeable, mais son influence ne peut être comparée à celle des deux lycées Beaussier et Langevin et des quatre collèges d'enseignement secondaire : Henri Wallon, Marie Curie, Paul Eluard et Jean L'Herminier.

 

L'École Martini ne veut pas mourir

Nous voici dans les années 1961-1965, l'école de la Dîme est toujours debout. Pour combien de temps encore ? Nul ne le sait.

Les avis sont partagés. Les uns souhaitent un espace vert au centre ville, d'autres un grand parking... ou alors des logements sociaux.

En attendant, on fera encore bon usage des vieux locaux. Pendant quatre ans, une école des Beaux-Arts continuera à fonctionner dans les vieux murs aux lézardes profondes, aux ouvertures branlantes, sous un toit moussu dont les tuiles brisées ne sont plus remplacées.

Jusqu'à la construction du lycée technique, des machines continueront de tourner dans les ateliers vétustes dont l'étanchéité des toitures devient problématique ; tandis que le dernier bâtiment construit en bordure de la rue Jacques Laurent recevra encore une petite école primaire de 5 classes.

Les préfabriqués installés dans la cour seront mis à la disposition d'associations locales comme les anciens combattants ou même l'école municipale de musique naissante.

Des classes du 1er étage du vieux bâtiment de la Dîme furent même utilisées par la vieille Philharmonique l'Avenir Seynois qui tentait vainement de se reconstituer.

Alors, le soir, après la journée de travail, retentissaient dans le quartier Cavaillon, les mâles accents des trombones à coulisse et les sons joyeux des clarinettes tandis que dans l'antique sous-sol, les gymnastes, les boxeurs alternaient leurs exercices avec ceux de la Clique seynoise, répétant des marches pour les défilés traditionnels.

Admirable école Martini qui continuait d'accueillir sans distinction grands et petits avec la même générosité, les Seynois te doivent beaucoup et ils se souviennent !

Avant l'heure d'une réunion, les anciens ressassaient des souvenirs d'écolier en regardant d'un oeil attendri les classes ou le préau.

- Ma première classe, disait l'un, ce fut celle de M. Trotobas. Il ne riait pas souvent celui-là, il traînait son pied bot et ne prenait guère de repos à son bureau. On le voyait toujours revêtu d'une longue blouse grise et coiffé d'une calotte rappelant celle d'un sacristain. Un jour il avait surpris un élève imitant sa démarche maladroite. Quelle rossée, il lui avait administrée !

- Je me souviens mieux du père Lenoir disait un autre. Avec son air bonhomme et sa pipe en éruption perpétuelle, il jouissait d'une excellente réputation de maître d'élite, mais lui il était plus respecté que les autres parce que les Seynois l'avaient élu Conseiller général. Il a rendu beaucoup de services à la population.

Et quand le groupe de discussion s'élargissait, alors les noms de Guigou, d'Aillaud, de Penciolelli, de Vacchero revenaient et les commentaires allaient bon train.

Les classes donnant sur la cour nord ayant été abandonnées l'école Martini connut alors une activité nouvelle. La cour fut aménagée en parking et nombreux étaient les automobilistes qui recherchaient les emplacements ombragés.

La grande cour était devenue la rencontre de toutes les catégories sociaux-professionnelles avec toutefois une prédominance pour les artistes peintres, les apprentis sculpteurs, les musiciens et ma foi, malgré l'inconfort et la vétusté, on s'y retrouvait toujours avec plaisir en attendant des solutions meilleures.

La façade nord
La cour nord transformée en parking

La fin

Martini, comme on disait familièrement, n'avait plus que quelques années à vivre. Ses murs se délabraient. Des plaques d'enduit s'effondraient chaque année sous l'effet des intempéries, laissant apparaître les vieilles pierres d'origine. Les bâtiments prenaient peu à peu l'aspect de ruines. La toiture ondulée du grand préau séculaire se rouillait, se gondolait.

Il fallut interdire l'accès de certaines salles menacées d'effondrement. Le silence gagna peu à peu l'immense masure.

Le martèlement des enclumes, le miaulement des scies, les rires joyeux d'enfants, les coups de sifflets stridents s'éteignirent tout à fait après le transfert définitif de l'enseignement technique au quartier Farlède en 1970.

Et cependant l'école Martini n'avait pas dit son dernier mot. Deux ans avant sa destruction, elle reçut une catégorie d'élèves toute particulière. Il s'agissait de leur enseigner les rudiments de la langue française et des notions de calcul élémentaire. Le nombre des immigrés prenant d'importantes proportions, il était bien utile de permettre aux travailleurs étrangers d'acquérir une meilleure adaptation à leur vie locale.

Des enseignants bénévoles donnèrent des cours à des Italiens, des Portugais, des Espagnols, des Africains qui le désiraient ; cela en accord avec la Municipalité. On utilisa les derniers locaux construits qui disposaient encore d'un confort suffisant.

Sans doute les vieilles pierres se souvenaient-elles avec émotion, d'avoir reçu dans le passé des Italiens chassés de chez eux par la misère à la fin du siècle dernier, puis d'autres Italiens chassés par le fascisme mussolinien à partir de 1921, des Arméniens fuyant les massacres perpétrés par les turcs pendant la première guerre mondiale, des Espagnols persécutés par Franco. Mais notre vieille école Martini n'était pas encore familiarisée avec les accents des Africains et des Maghrébins.

Avant sa disparition, elle aura eu la joie d'enseigner à des gens venus d'un peu partout du pourtour méditerranéen, notre belle langue française, l'une des plus répandues dans le monde. Et nous voici revenus à notre point de départ en cette année 1976 qui vit les bulldozers se ruer impitoyablement sur les vieilles pierres de la Dîme.

Le grand clocher qui dresse toujours sa silhouette altière depuis des siècles, ne fut certes pas insensible à ce spectacle, lui qui avait vu disparaître à ses pieds le premier cimetière de la ville et la chapelle des Pénitents Blancs. Sa peine fut tout de même édulcorée quand -il vit surgir non loin de lui le grand lycée du quartier Beaussier, puis le parking Martini, puis la jolie petite école qui assure la continuité de l'enseignement primaire au centre ville.

Sans doute a-t-il compris et approuvé les nécessités de l'évolution et de la modernité. Et malgré les bouleversements, les changements d'appellation de la Dîme, qui devint l'école d'Enseignement mutuel, puis l'école des Monsieurs, puis l'École primaire supérieure, puis le Collège, le nom de Martini ne l'a jamais quittée.

Il a même fait tache d'huile puisque le parking a été ainsi baptisé et que la rue qui le contourne le conserve toujours.

Ainsi s'achève la longue histoire de l'école de nos aïeux, qui rendit des services éminents à six générations de Seynois. Ne fallait-il pas rappeler sa longue carrière dans ce recueil, tant il est vrai que sa vie et ses activités furent liées à la vie locale ? Tant il est vrai qu'elle a contribué au développement de nos industries locales et à l'expansion de la cité.

Il nous a paru un devoir élémentaire que de la vénérer et d'exprimer un hommage reconnaissant à tous ceux qui ont travaillé, et parfois dans des conditions difficiles, à l'éducation de la jeunesse seynoise, à sa formation pour lui assurer un avenir heureux.

Nous l'avons fait très simplement avec le souci d'émouvoir, de raviver des souvenirs attachants, avec des aspects passéistes difficiles à éviter. Malgré les lacunes et les différences de jugement, l'essentiel n'est-il pas de faire vivre la mémoire de la ville ?

 

ANNEXES

Au collège Martini
Paroles de "Modeste" 1
Musique du "Grand Vicaire" 2
I
Quand arrive la fin de l'année
Dans le collège Martini
La salle des profs est animée
Le grand conseil va faire du bruit
 
Le Principal tout en sourire
Reçoit les profs très poliment
Et cependant chacun soupire
A la pensée de fout' le camp
 
Voici qu'arrive doucement
Et bon dernier le père Autran

II
Autour de la table en chêne verni
Se mettent en place tous les pédants
Faber, Laure, Muraccioli
Prennent des airs très importants
 
Turquay, Martin, se congratulent
Tandis qu' Troubat fait le malin
Le crâne pelé d' Dary calcule
Comment contrer le p'tit Roussin
 
Mam'zelle Philip, le cœur battant
Zieut' la barbich' de Papazian
III
Le père Grac ouvr' la séance
Le nez perdu dans ses papiers
Et se confond en obligeances
En déballant des tas d' dossiers
 
Il lit, relit, des circulaires
Se retranch' derrière le règlement
Compulse textes et annuaires
De l'écouter n'est pas marrant
 
Pauvre collège Martini !
Deux ans comm' ça et c'est fini !

IV
Voyez, messieurs, prenez bonn' note
De c' que je dis, c'est important
Si vous voulez qu'on passe au vote
Ce sera fait rapidement
 
Après deux heures de discussions
On n'a pas avancé d'un pouce
On r'vient sur les propositions
Que l' clan des Corses torpille en douce
 
A tout c' que l' Principal propose
Dary dépond : « Je m'y oppose »
V
Entre l' Moderne et le Technique
Le fossé s' creuse de plus en plus
On prend le ton très ironique
On nargu' les ouvriers malotrus
 
On ne veut pas d' sixième technique
On méprise les profs roturiers
On veut créer la gross' panique
Dans l' petit coin des ateliers
 
Que de bobards leur bouche débite !
Pauvres crétins qui s' croient l'élite !

VI
Sur chaque élève on discutaille
Toujours interminablement
Dary dit : « Ça, c'est une canaille »
Et Turquay : « Non ! il est charmant ! »
 
On perd des heures sans raison
Chacun s' complait dans sa marotte
Faut faire la Révolution
Autran dit : « J'en ai plein la botte ! »
 
Et puis arrivent les conclusions
Le Princip' dit : « Nous reverrons »
VII
C'est un spectacle bien lamentable
L' conseil des profs de Martini
C'pendant il s'rait si maniable
Si Malsert n'était pas parti
 
Aussi, maîtres, parents, élèves
Disent chaque jour avec ferveur
Moins d' surveillants pour la relève
Faut un patron animateur
 
Souhaitons que très rapidement
Arrive quelqu'un d'intelligent !

1 "Modeste" était le surnom de Marius Autran à l'école Normale d'Instituteurs de Draguignan (1928-1931).
 
2 "Le Grand Vicaire" était son surnom dans la Section de La Seyne du P.C.F. vers 1950. En réalité, ce texte avait été écrit pour être chanté sur l'un des airs utilisés à l'époque par les chansonniers du "Grenier de Montmartre" dans leurs émissions hedomadaires à la Radio.

 

La Seyne, le 25 décembre 1953
Texte d'une chanson satirique écrite en 1953 par Marius Autran pour illustrer l'ambiance des conseils de professeurs de l'époque..., retrouvé, en 2006, dans les archives familiales (25 ans après la parution de l'Histoire de l'Ecole Martini) (NDJCA).

 

En souvenir de Martini
 
Chers amis ! nous voici de nouveau réunis
Pour conter de Martini la belle histoire
En oubliant un peu nos quotidiens soucis
En cultivant mieux notre vieille mémoire.
 
Quel rôle glorieux joua cet édifice !
De votre vie d'enfant, il en prit bien dix ans.
Et depuis Louis-Philippe, début de son office
Il éduqua sans faille plusieurs milliers d'enfants.
 
Votre timide entrée dans la petite cour
Vous fit découvrir vos premières maîtresses...
D'école, j'entends bien. Avec un tendre amour
Déjà vos petits coeurs s'éveillaient à l'ivresse.
 
Pour les dames Boudon, Lagarde, Roumieux
Marguerite Malsert parfumée et pimpante.
Pour vous apprendre à lire il n'y avait pas mieux
Et calculer très bien sans méthode savante.
 
Aux heures de récré, on jouait comme des fous
On courait, on se roulait dans la poussière
Lacérant les sarraus et aussi les genoux
Sans penser aux soucis des vaillantes mères.
 
Parfois on s'arrêtait car le clocher voisin
S'agitait bruyamment au-dessus de vos têtes
En répandait au loin de beaux sons argentins
Qui donnaient à la cour une ambiance de fête.
 
Bien sûr tout n'était pas aussi magnifique
Souvenez-vous, anciens ! Quand vous pinciez vos blairs
Devant la puanteur des latrines publiques
Bâties tout à côté du grand portail de fer.
 
Elles étaient là avant la République
Les placer contre le mur de la Paroisse ?
Une solution peut être plus pratique.
Le curé protestait. C'était pour Dieu l'angoisse.
 
Et ce fut Martini alors qui supporta
Le triomphe mordant de la gent catholique
Et l'odeur des vidanges et de tous les cacas
Rejoignant tous ceux des toupines historiques.
 
Et puis bien vite les années ont passé
Et vous voilà déjà dans la cour des plus grands
Les échelons scolaires vous avez affronté
Pour bien vous aligner sous le préau géant.
 
Et vous avez trouvé Arène et Lombardi
Chasseurs de Janas, bons tueurs de bécasses
Qui s'en allaient vers la forêt chaque jeudi
Pour en rêver après tout en faisant la classe.
 
Suzanne Arnaud, stricte pour le travail bien fait
Avare de louanges ainsi que Vacchero
Qui n'exigeait toujours que du travail parfait
Sans quoi il vous montrait qu'il n'était pas manchot.
 
Tout près d'eux régnait aussi Penciolleli
Fort brocardé pour son accent insulaire
Nul n'a pu oublier quand vous étiez puni
Les verbes conjugués et sans cesse à refaire.
 
Et puis de surcroît l'humiliation suprême
Regarder Jules Ferry fixé haut sur le mur
Surtout sans lui jeter le moindre anathème
En renonçant vraiment à jouer au plus dur.
 
À toutes les rentrées le Directeur Malsert
Épiait de son bureau près de la cloche.
Grands et petits redoutaient sa poigne de fer
Car ses mains n'étaient pas toujours dans leurs poches.
 
Vous voilà arrivés dans les cours supérieurs
Devenus des sixièmes en nouvelle structure
Il vous fallut trouver les chemins les meilleurs
Pour décider enfin de votre vie future.
 
Peut-être avez-vous connu ces maîtres d'élite
Qu'on nommait Mouré, Arnaud, Favier, Camoin
Tous se taillèrent un immense mérite
En faisant leur métier avec le plus grand soin.
 
À la 6e moderne, le père Autran
Pas toujours très commode avec son auditoire
Et déjà penché sur La Seyne d'antan
Dont il vous conte encore la glorieuse histoire.
 
Des parents préféraient le baccalauréat
Vous connûtes alors Turquay, Dary, Laure
D'autres voyaient pour vous surtout l'Arsenacat
Ou des chantiers navals la véritable aurore.
 
Aux ateliers bien vieux, la technique attendait
Le grand directeur Baude à la voix de ténor
En crachant son mégot souvent s'époumonait
Et imitait Boudon à la voix de stentor.
 
Le bon Ramognino dans sa classe houleuse
Alignait des formules jusqu'à satiété
Devant des recrues bien trop souvent moqueuses
Car il fut le plus fort en électricité.
 
À la chaudronnerie, Soleri et Gondran
Firent des prodiges en travaillant le cuivre
Fabre et Chabaud furent les meilleurs artisans
De tourneurs de choix difficiles à suivre.
 
Mais n'oublions pas le distingué Varangue
Et aussi le râleur Pèpè Lorenzini
L'un était chargé d'affiner votre langue
Et l'autre voulait voir l'ébéniste accompli.
 
Voilà ce qu'à peu près vous avez retenu
Des classes de votre adolescence
Mais aussi, soyons nets, vous étiez parvenus
Aux premiers assauts de la concupiscence.
 
Alors vous arpentiez la rue Cyrus Hugues
Chaque jour, pour croiser des yeux doux
Et envisager quelque modeste fugue
Avec un beau minois qui vous rendait jaloux.
 
Le temps comme un lévrier a bien vite couru
Des peines, des succès, des échecs et des joies
Mesurez maintenant le chemin parcouru
En vouant aux anciens toujours la même foi.
 
Car ils vous ont fait hommes et bons citoyens
Travailleurs honorables et bons patriotes
Que notre Amicale soit le meilleur moyen
De rendre ici hommage à ces fameux pilotes.
 
Toujours présente à nos âmes et nos coeurs Martini !
Pour nous, tu es toujours vivante.
De ton souvenir avec la même chaleur
Nous t'exprimons toujours notre joie palpitante.
 
Remercions celui dont tu portas le nom
Et qui fit beaucoup pour l'École laïque
Rue, parking, école assurent son renom
La vieille Seyne trouve cela magique.
 
Pour en terminer avec cette tirade
Empreinte pour nous tous d'une grande amitié,
Je souhaite à l'Amicale de franches rigolades
Car La Seyne a besoin de beaucoup de gaîté.

 

Marius AUTRAN

Ce poème a été dédié à "L'Amicale des Anciens élèves de l'École Martini"

le 16 février 1992

Amicale des Anciens Élèves de l'École Martini - 16 février 1992




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