La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome VI
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome VI (1997)
L'Isthme des Sablettes au fil du temps
 Deuxième époque : De 1900 à 1918

(Texte intégral du chapitre)

 

L'isthme des Sablettes s'ouvre à la vie

Sur la fin du XIXe siècle, en dépit des conflits à caractère administratifs évoqués précédemment, malgré les menaces de percement de l'isthme qui entretenaient des angoisses permanentes, la vie de l'isthme s'affirmait sous des aspects les plus divers.

Obligatoirement, la circulation s'accentuait d'année en année du fait des activités d'une population croissante de la presqu'île de Saint-Mandrier, site qui fut considéré de tout temps comme le plus favorable pour interdire à une flotte ennemie l'accès de la rade de Toulon.

Aux batteries anciennes du Lazaret, des Sablettes de Saint-Elme, établies depuis le XVIIe siècle, vinrent s'en ajouter une multitude d'autres au fil des années et dont la plupart existent encore : les noms de Cepet, de la Croix des signaux, de Saint-Mandrier, de la Carraque, de la Piastre... sont bien familiers à nos concitoyens. Ces structures nécessitaient de plus en plus des transports de matériaux, de personnel, de ravitaillement qui empruntaient notre isthme dont l'entretien laissait parfois à désirer.

Nos édiles avaient su tout de même avec l'aide précieuse de Michel Pacha améliorer le réseau routier entre La Seyne et Les Sablettes, créer la corniche desservant les rivages du Lazaret et surtout la plage au sable si fin, bienfait de la nature dont les Seynois allaient profiter pleinement. N'oublions pas les Toulonnais qui découvrirent le tourisme grâce à la ligne des petits bateaux à vapeur reliant directement Toulon aux Sablettes.

Ce fut dans les dernières années du XIXe siècle que naquit le tourisme à La Seyne et que notre isthme vit naître une véritable station balnéaire, surtout à partir des structures imaginées par Michel Pacha évoquées, il y a quelques instants. Tout cela venait en complément à Tamaris dont la réputation avait gagné la capitale et même l'étranger. Il nous souvient parfaitement d'avoir entendu une clientèle anglaise vanter son enchantement à la vue des rivages du Lazaret et des Sablettes.

Rappelons ici l'initiative heureuse du mécène de Tamaris qui sollicita une intervention de la municipalité auprès de la Société P.L.M. pour que la dénomination de la gare soit modifiée et prenne désormais le nom de La Seyne-Tamaris-sur-Mer. Elle le fut par une délibération du 7 juin 1888 mais l'approbation définitive n'intervint qu'au mois d'octobre 1890.

Les illustrations ci-jointes correspondant à cette période témoignent déjà des plaisirs que nos anciens venaient goûter sur la plage des Sablettes. Certes on ne s'y bousculait pas comme aujourd'hui. Les enfants disposaient de grands espaces pour leurs activités ludiques : baignades tumultueuses dominées par des cris joyeux, des rires éclatants, interrompues par les recommandations des mamans et des mémés inquiètes quand les enfants s'éloignaient trop du rivage. Des papas vigilants prenaient aussi leur bain en même temps que les jeunes en alternance avec les mamans et donnaient déjà des leçons de natation à leur progéniture.

Plage des Sablettes

1900 - Le hall métallique

Quand nous retrouvons des photos de famille de cette époque, les enfants de l'heure présente trouvent leurs anciens bien ridicules. Leurs costumes de bain, leur tenue vestimentaire soulèvent des rires moqueurs.

C'était l'époque où les slips n'étaient pas en usage.

Les baigneuses portaient de véritables costumes avec vareuses boutonnées jusqu'au cou. Les manches cachant la moitié du bras, les culottes appelées aussi caleçons, descendaient au-dessous des genoux. C'était la tenue de rigueur ce qui signifie que les voyeurs devaient se contenter de peu.

De vieilles tatas accompagnaient souvent les jeunes à la baignade pour le plaisir de voir les petits enfants s'épanouir dans des joies bruyantes.

Elles désiraient parfois faire une trempette de leurs pieds noueux. Alors, timidement elles relevaient leurs longues robes, pas au-dessus des genoux pour ne pas être indécentes.

Il fut une époque, même au début du XXe siècle, où la police municipale interpellait des baigneuses et des baigneurs dont les tenues de bain étaient jugées trop légères. Le torse nu n'était même pas toléré pour les hommes dont les costumes tenaient au cou, les jambes descendant jusqu'au genou. C'était ainsi ! Comme on dit « autres temps, autres moeurs ». Comme les temps ont changé, n'est ce pas ?

Pendant longtemps, la plage fut fréquentée assidûment le dimanche et les jours de fête par la petite bourgeoisie seynoise et toulonnaise. Les baigneurs cossus louaient des cabines de bain alignées vers l'extrémité de l'isthme à hauteur du Grand Hôtel.

La classe ouvrière seynoise qui vivait alors dans le plus grand dénuement ne pouvait s'offrir le même luxe, pas plus qu'elle ne pouvait utiliser les premiers transports hippomobiles ou les premiers bateaux dont les tarifs jugés trop élevés la contraignait à la marche à pied par le vieux chemin des Sablettes.

Ajoutons, sans vouloir noircir le tableau, que le repos hebdomadaire n'était pas encore accordé par les lois de la IIIe République !

Les familles modestes ne se sentaient pas toujours à l'aise à voir défiler des damotes aux longues robes soyeuses, coiffées de grands chapeaux enjolivés de fleurs et de fruits artificiels aux couleurs vives, accompagnées de leurs maris cravatés, malgré la chaleur, la tête protégée du soleil par un panama à larges bords, relié à l'oreille par un petit cordon noir en prévision d'un souffle violent de mistral qui aurait pu causer des dégâts. Lesquels ?

Il n'était pas rare de voir des promeneurs inexpérimentés de la plage courir après leur canotier roulant irrésistiblement vers la grève et finir sa course dans l'écume blanche des vagues mourantes. Des spectacles de cette nature déclenchaient toujours une hilarité générale parmi les promeneurs.

Dans les périodes estivales, aux jours les plus longs, le petit peuple seynois recherchait les joies de la mer dans les rivages moins fréquentés de Mar Vivo, La Verne, Fabrégas. Nos anciens les plus besogneux s'en venaient à pied de la ville pour se régaler d'un farci de tomates et d'aubergines à quelques mètres du bord de l'eau.

En ce début du XXe siècle, les rivages de l'isthme connurent des affluences de plus en plus nombreuses, ce dont le hameau de Saint-Elme allait bénéficier.

Aux cabanons en bois couverts parfois de tôles ondulées succédèrent après la guerre de 1914-1918 de modestes villas entre l'isthme et le Marégau.

Des toulonnais y venaient le dimanche déguster de succulentes bouillabaisses commandées aux pêcheurs tout proches.

Les amateurs de la plage entrèrent de plus en plus en relation avec la population travailleuse du hameau. C'était un régal pour eux d'assister à l'amarrage des barques, à l'étalement des lourds filets le long du quai, de voir frétiller dans des caissettes tapissées d'algues vertes semblables à des feuilles de choux, les beaux poissons aux mille couleurs. Attardons-nous quelques instants à parler de ces richesses de la mer que nos vaillants pêcheurs exploitaient le mieux possible malgré leurs moyens rudimentaires.

Tous ne pratiquaient pas la même pêche. Certains spécialistes de la sardine calaient des filets presque en surface en des points de la mer fréquentées assidûment par les bancs argentés.

Mais la nature a ses caprices et le poisson ne passait pas toujours aux endroits espérés, ce qui obligeait nos pêcheurs à s'orienter vers d'autres méthodes. Par contre, il se trouvait des saisons de surabondance ce qui causait aussi des situations fâcheuses tant il était difficile d'écouler la marchandise.

- Comment ferons-nous, disaient les Pignatel, pour vendre ces corbeilles de poissons ?

- Pourtant, répliquaient les Christin, on ne peut pas les rejeter à la mer ! Ou alors il faudra les vendre à vil prix (c'était leur expression) dans les rues de la ville et dans les campagnes.

Et cependant il arriva que l'on fasse des festins aux goélands toujours voraces. Heureusement pour eux, les frigos et les congélateurs n'existaient pas encore.

Les spécialistes de la bouillabaisse revenaient rarement bredouilles car en ce temps-là, les calanques de Sicié et du Marégau offraient une diversité incroyable d'espèces comestibles.

C'était un régal pour les yeux, si la pêche avait été fructueuse, de voir alignées sur les vives couleur vert malachite, les dorades à grosses écailles aux reflets changeants, des rascasses à la bouche béante, hérissées de nageoires, redoutables par leurs piquants venimeux, des rougets agitant leurs barbillons en luttant contre la mort.

Dans les seaux grouillait le petit poisson de soupe (la peissalha, ou la ramente pour les chats), mêlé aux favouilles querelleuses toujours prêtes à l'attaque, des girelles rayées sur toute leur longueur par la gamme des couleurs, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, des rouquiers bleus et verts tachetés de rouge. Quel ravissant spectacle ! Certains spécialistes du poisson blanc offraient des sars, des oblades, des bogues aux reflets argentés.

Il n'était pas rare que des pêcheurs mieux équipés ramènent des thons rouges de 100 kilos et plus, qu'ils prenaient à quelques encablures de l'anse de Fabrégas grâce aux grandes thonailles. Nous n'en finirions pas de décrire toute cette faune aquatique en passant par les mollusques, les poulpes et les seiches au corps flasque dont les grands yeux noirs semblaient encore défier les bourreaux qui les avaient transpercées de leur foëne cruelle, appelée ici fachouire.

Des amateurs de coquillages avaient pris l'habitude de venir sur la jetée le dimanche matin, faire un bon déjeuner aux fruits de mer. Ah ! ces oursins ouverts offrant aux mies de pain frais les cinq langues d'oeufs en étoile entourées de piquants noirs, quel régal de humer cette odeur appétissante plus affirmée encore avec les vioulets (figues de mer). Comment ne pas admirer aussi les étonnantes couleurs rouge et orange des muscles mous de l'intérieur ?

Et les connaisseurs savaient compléter ce déjeuner par les moules grasses et les moules rouges en provenance de la petite mer, sans négliger un bon petit vin blanc qui faisait oublier pour un instant les soucis quotidiens.

L'isthme des Sablettes et ses quartiers environnants s'étaient donc ouverts à la vie : la vie économique, la vie touristique et au fil du temps, ils se peuplaient de pêcheurs, d'agriculteurs, d'artisans de la petite réparation navale et même de travailleurs de la ville amoureux des rivages dont ils apprirent à exploiter les ressources, considérables à l'époque, et cela dès l'instant où s'affirma la commodité des liaisons terrestres et maritimes avec La Seyne, Saint-Mandrier, et plus généralement l'aire toulonnaise.

Les autorités maritimes ayant renoncé au percement de l'isthme, les populations des rivages s'en réjouirent vivement, mais ne se doutaient guère d'un autre mauvais coup qui se tramait dans les sphères administratives de la Mairie de Toulon. On sait que depuis des siècles les eaux usées et autres immondices de l'aire toulonnaise, dont La Seyne, se déversaient dans la rade. On évaluait déjà à la fin du siècle dernier le poids des ordures que l'escadre jetait dans la belle rade : 30 tonnes par jour ! jusqu'au moment où les sciences médicales découvrirent la microbiologie.

Il fallut bien que les édiles à tous les niveaux s'inquiètent des dangers encourus par les populations et les gens de ma génération se souviennent parfaitement des taux énormes de mortalité atteints par la tuberculose, la diphtérie, la variole, les méningites, les fièvres typhoïdes...

Il fallait à tout prix prévenir les dangers de nouvelles épidémies comme notre ville de La Seyne en avait connues dans les siècles passés.

Quels moyens ? Quelles solutions ?

 

Un comble ! Les toupines à Marégau et Fabrégas

Ouvrons ici une parenthèse pour raconter comment les rivages de l'isthme ont failli connaître une véritable catastrophe écologique vers la fin du siècle dernier.

Inimaginable ! Impensable ! Incroyable ! et pourtant vrai !

Le 15 septembre 1885, le Conseil municipal de La Seyne est réuni et prend connaissance par le Maire Louis Alphonse Barré, retraité de la Marine d'un projet de canalisation émanant des élus toulonnais et destiné à évacuer vers la haute mer les eaux usées, les résidus alimentaires, les matières fécales déversés jusqu'ici dans la rade de Toulon d'où résultaient des pollutions mortelles dont les consommateurs de coquillages en provenance des parcs à moules de Brégaillon et Balaguier étaient les premières victimes.

Les édiles toulonnais envisageaient le passage de cette canalisation par les terrains plats de Lagoubran, La Seyne, Les Sablettes.

Tout naturellement, les gens de bon sens protestèrent avec véhémence contre des projets aussi aberrants. À leur tête, Michel Pacha qui s'efforçait dans cette période de donner des équipements touristiques de haut niveau à tous les quartiers riverains de l'isthme et de la Baie du Lazaret.

En présence d'une telle situation, les défenseurs de la nature, usant d'une expression nouvelle, parlèrent de la défense de l'environnement et d'une véritable catastrophe écologique si les déjections humaines envahissaient les rivages depuis le Marégau jusqu'à Fabrégas.

Le projet des édiles toulonnais connu, devait entraîner ipso facto, la véhémence des Seynois.

Le 30 septembre, nouvelle réunion du Conseil municipal seynois qui s'exprime ainsi sur les projets toulonnais :

« Le Conseil estime que, si Toulon veut se débarrasser de ses eaux grasses et déjections humaines, il est monstrueux de vouloir les évacuer sur La Seyne dont la situation sanitaire laisse déjà beaucoup à désirer.

Au nom de la population seynoise, si éprouvée par les épidémies de petite vérole, de choléra, de fièvres typhoïdes, le Conseil décide à l'unanimité d'adresser à Monsieur le Préfet une protestation qui devra être jointe au dossier de l'enquête ».

Les années passèrent, mais le projet toulonnais n'eut pas de suite. Fort heureusement, la catastrophe écologique fut évitée, momentanément du moins.

En 1896, la population seynoise avait élu un autre maire dont les éditions des Images de la vie seynoise d'antan ont relaté une longue biographie (Tome II, p. 273). Il s'agit de Saturnin Fabre qui comprit avant beaucoup d'autres les véritables solutions à apporter aux problèmes de l'assainissement. Je ne reviendrai pas sur ses projets et ses initiatives audacieuses, incomprises dès l'abord par les habitants trompés par des politiciens ignares, bien incapables d'avancer des solutions valables. En attendant, les toulonnais revinrent sur leurs premières propositions en espérant amadouer les Seynois par cette trouvaille : la canalisation en provenance de La Seyne ne débouchera pas à Marégau, mais... à Fabrégas. Les dirigeants des grands travaux de Toulon étaient loin de comprendre les problèmes de la pollution.

Naturellement, le Maire Saturnin Fabre émettra avec son Conseil municipal un voeu puissant de protestation. Il oeuvra obstinément pour le projet de l'émissaire commun actuel mais hélas ! la population seynoise attendra 60 ans pour le voir se réaliser. Sans commentaire.

 

13 octobre 1901 : Date mémorable - Spectacle insolite

Depuis quelques années existait à Lagoubran un parc d'aérostation. La Marine s'intéressait aux ascensions en ballon comme moyen d'observation incomparable. On imagina d'abord des ballons captifs reliés par câble à un torpilleur - les techniciens projetèrent d'utiliser les ballons pour les déplacements et assurer des liaisons entre pays - on connaissait le dirigeable, mais il manquait encore de fiabilité.

Le Petit Var du 2 octobre 1901 expliqua dans un article très technique qu'on pouvait déplacer un ballon au-dessus du niveau de la mer, à 15 mètres d'altitude à peine, la stabilité et l'orientation étant assurées par des palettes plongeant dans l'eau.

L'annonce fut faite peu après qu'un ballon appelé Méditerranéen serait lâché pour relier la France à l'Algérie. Le gonflement eut lieu le dimanche 6 octobre, mais l'envol fut retardé en raison des mauvaises conditions de la météorologie et aussi paraît-il parce qu'on avait manqué de zinc pour fabriquer l'hydrogène indispensable au gonflement.

Le samedi 12 octobre vers 17 heures l'isthme des Sablettes vit affluer une foule considérable : hommes, femmes, enfants, venus de Toulon, La Seyne et les environs en ce lieu historique où le hangar du Méditerranéen avait été installé pour cette expérience hors du commun.

La police et les marsouins du 22e colonial contenaient difficilement la foule. Ce fut seulement à 11 heures du soir que le ballon fut libéré de ses filets et de ses cordages. Un croiseur de la marine le Du Chayla était chargé d'escorter le ballon pendant la traversée de la Méditerranée. Un projecteur vint illuminer le spectacle et aux dires de nos anciens, il fut féerique. Comment était composé l'équipage qui se lançait ainsi dans cette aventure ?

La nacelle fut occupée par quatre hommes ayant acquis une expérience solide en matière d'aérostation : le Comte Henri de la Vaux, fondateur de l'aéro-club de France en 1898. Le Comte Castillon de Saint-Victor, l'ingénieur Hervé, le lieutenant de vaisseau Tapissier chargé du parc à ballons, de l'Arsenal de Toulon. Ces courageux pionniers allaient éprouver de sérieux déboires.

Peu après son essor, le ballon reçut l'assaut des vents adverses et prit une direction opposée à son objectif. Vers minuit, le sémaphore du Cap Sicié le signale dans le sud-ouest. Le lundi 14 octobre, il est à 20 milles des côtes et dérive vers les Baléares et l'Espagne, dans l'impossibilité de modifier sa direction.

Après 42 heures de vol, le Du Chayla récupère le ballon au large de Port-Vendres.

Le 17 octobre à 17 heures, le ballon regagne son hangar sur l'isthme des Sablettes.

Après cette tentative malheureuse, un journaliste écrira : « Un bateau à vapeur vaudra toujours mieux qu'un ballon ; un navire à vapeur vaudra toujours mieux qu'un navire à voiles ».

Le Comte Henri de la Vaux ne fut pas découragé. L'année suivante il reprit son expérience en partant de Palavas. Là encore, après 36 heures de vol, ce fut l'échec.

Passionné de la navigation aérienne il se consacra aux dirigeables à partir de 1905 puis à l'aviation qu'il pratiqua avec Mermoz lors de son premier vol au-dessus de la Cordillère des Andes. Mermoz dont on sait qu'il réalisa la première liaison entre l'Afrique et l'Amérique du Sud.

Le Comte Henri de la Vaux eut une fin tragique dans un accident d'avion aux U.S.A. en 1930.

Quant au célèbre Mermoz, il devait lui aussi payer de sa vie au service du progrès dans la même période, en se perdant dans l'océan avec la Croix du Sud.

En ce début du XXe siècle, les rivages de l'isthme et ses alentours s'étaient donc ouverts à une vie nouvelle comme les pages précédentes l'ont montré. Aux professions de la pêche, des cultures maraîchères, étaient venues s'ajouter celle des charpentiers de marine, de personnel de maison avec les structures hôtelières, du petit commerce (laiterie, boulangerie, épicerie...).

Les quartiers depuis le Pin Rolland jusqu'au Crotton en passant par les Sablettes, Saint-Elme, Tamaris, se peuplaient d'année en année. Et tout naturellement les familles voulaient donner à leurs enfants un minimum d'instruction : apprendre au moins à lire, écrire et compter. Mais les écoles de La Seyne : Clément-Daniel pour les filles et Martini pour les garçons étaient bien éloignées pour leurs petites jambes.

C'est pourquoi la municipalité de l'époque fut sollicitée pour satisfaire une revendication bien légitime : la création d'une école enfantine dans la perspective d'une primaire.

Il m'a paru nécessaire de conter dans quelles conditions cette première structure à caractère social prit naissance. Les polémiques qui ont suivi ont engendré des conflits entre municipalité, population, administrations d'État, à telle enseigne qu'en ce début du XXe siècle, on aurait pu parler d'une véritable agression contre notre malheureux isthme des Sablettes qui, hélas en connaîtra. bien d'autres comme le lecteur pourra en juger dans la suite de ces récits.

Voici donc l'historique de cette petite école primaire au tragique destin, écrite avec d'autant plus de plaisir et d'émotion qu'elle me rappelle des souvenirs vivaces de mon enfance.

 

La première école des Sablettes

Les Seynois de souche et particulièrement ceux ayant vécu leur enfance à Saint-Elme, aux Sablettes, et autres quartiers environnants se souviennent toujours avec émotion de cette petite école qui dura seulement une quarantaine d'années parce qu'elle succomba sous les coups de boutoir de la soldatesque allemande en 1943.

Sans les désastres de la guerre, elle aurait sans nul doute, continué de jouer son rôle éminent dans les quartiers les plus éloignés du centre ville seynois.

Elle mérite un rappel historique important qui a bien sa place dans celui de l'isthme des Sablettes. Indiquons au passage que la monographie relative à l'Enseignement parue en 1982 avait déjà mentionné l'existence de cette première école mixte à La Seyne-sur-Mer.

Remontons tout de même à ses origines en précisant qu'en 1900 Julien Belfort, retraité de l'Armée, succédant au Maire François Bernard, ex-directeur de l'Octroi, eut le souci d'apporter à l'Enseignement public une aide efficace.

Le 12 avril 1901, il fit voter par le Conseil municipal un crédit de 22.500 francs pour l'édification d'une maternelle au Boulevard des Hommes-sans-peur, ainsi appelé depuis la reprise de Toulon aux Anglais en 1793 par les armées de la République avec Bonaparte à leur tête.

Cette artère importante de notre ville deviendra plus tard le boulevard Jean Jaurès, apôtre de la Paix assassiné le 31 juillet 1914.

Une autre délibération datée du 28 décembre 1901 demandait un crédit de 18.000 francs pour la construction d'une école mixte à une seule classe - mais le texte prévoyait qu'une deuxième classe serait ajoutée au projet si la croissance des effectifs l'exigeait. L'emplacement se situait au début de l'isthme des Sablettes côté route de Tamaris à 100 mètres environ du petit port de l'époque Michel Pacha utilisé par les steam-boats assurant les liaisons entre Toulon - La Seyne - Saint-Mandrier - Le Manteau - Tamaris et Les Sablettes.

Promenade des Sablettes, côté route de Tamaris, en 1906
La petite école des Sablettes telle qu'elle était entre 1902 et 1943

Son emplacement fut occupé bien plus tard par la station de l'assainissement.

Il s'agissait avons-nous dit d'une école mixte. Pour la première fois à La Seyne on allait voir sur les bancs de la même classe des filles et des garçons, ce qui ne manqua pas de poser des problèmes aux enseignants et aux familles.

On sait que la mixité dans les écoles ne se généralisera que bien plus tard. Autrement dit « l'isthme des Sablettes était en avance sur son temps ».

L'ouverture de l'école se fit en 1902 seulement. Elle fut retardée et faillit même ne pas avoir lieu en raison d'un incident des plus inattendus. Le bâtiment s'était élevé rapidement, mais le hasard voulut qu'un fonctionnaire de l'équipement (administration des domaines) en visite sur les rivages de la petite mer fut tout surpris de voir s'édifier une construction sur un terrain qui n'était pas et qui ne pouvait pas être une propriété communale, du fait que son existence résultait des phénomènes naturels de sédimentation et d'alluvionnement (terrains exondés).

Nous avons déjà évoqué les conflits entre la commune de La Seyne et l'administration d'État au sujet des problèmes de voirie. Mais dans le cas précis d'une construction en dur, l'État pouvait s'imposer et certains fonctionnaires des Domaines exiger la destruction de l'ouvrage inachevé.

Le Préfet se heurta tout d'abord à la Municipalité qui avait voté les crédits et démarré la construction et surtout aux familles des quartiers environnants dont les enfants éloignés de la ville ne recevaient qu'un peu d'instruction à la belle saison en allant à La Seyne à pied. Aux enfants des Sablettes et de Saint-Elme, s'ajoutaient ceux de Tamaris, de Mar Vivo, du Pas du Loup, de la route de Fabrégas, du Vieux chemin des Sablettes.

Quand on parla d'annuler le projet scolaire, ce fut un tollé général. Les polémiques n'en finissaient pas, exacerbées par des protestations sous toutes les formes : campagnes de presse, pétitions, délégations à tous les niveaux administratifs et politiques.

Allait-on tolérer plus longtemps que des enfants marchent 8 km par jour pour préparer leur certificat d'études, à l'école Martini pour les garçons, à l'école Clément-Daniel pour les filles ?

Les familles des petits pêcheurs de Saint-Elme, de Tamaris, du Manteau ; les familles des petits paysans de Mar Vivo, des Plaines ne pouvaient se payer le luxe de l'Enseignement privé des Maristes ou de l'Externat Saint-Joseph. Les autorités penchèrent un moment à utiliser le local dont la construction était bien avancée, mais au bénéfice de l'Enseignement secondaire, ce qui aurait été légalement possible. Cette idée fut abandonnée devant la montée des protestations populaires dont la virulence allait croissant et la commune finit par obtenir satisfaction. La charge des locaux et l'entretien du bâtiment lui furent enfin attribués.

La rentrée scolaire d'octobre 1902 s'effectua naturellement dans la grande allégresse des familles et de leurs enfants. Les paysans de Mar Vivo, des Plaines qui avaient noms Audibert, Barbaroux, Gay, Germain, fraternisèrent avec les petits pêcheurs de Saint-Elme : les Sauvaire, les Pignatel, sans oublier les descendants des émigrés italiens (Con à la vela !) : Repeto, Vuolo, Attanasio... et bien d'autres.

La construction de l'école amena un autre avantage considérable pour la population : l'eau potable arriva pour la première fois dans l'un des quartiers les plus éloignés de la ville. Elle était bien nécessaire à l'école où logeait la directrice. La canalisation venue de La Seyne fut complétée par deux dérivations : l'une desservant le petit port des Sablettes (côté Tamaris) ; l'autre vers Saint-Elme ce qui permit la satisfaction d'autres besoins vitaux, le lavage du linge en particulier.

Deux lavoirs couverts furent offerts à la population : l'un aux Sablettes, l'autre à Saint-Elme à quelques mètres de la route allant à Saint-Mandrier, dont les assises de pierre sont encore visibles tout près du boulodrome actuel.

Revenons à notre petite école de 1902 qui débuta sous la direction de Mademoiselle Regimbaud, à quelques mètres de l'actuelle station d'essence proche du Rond-Point Pompidou. L'année suivante il fallut rajouter une classe.

Entre 1910 et 1920, deux classes fonctionnèrent avec deux divisions chacune sous la direction de Madame Mangini. Ces classes recevaient des enfants qui venaient même de Mar Vivo, du Pas du Loup, de la route de Fabrégas, du Vieux Chemin des Sablettes. En ce temps-là, la marche ne faisait peur à personne, pas même aux enfants.

Après Madame Mangini, la direction revint à Mademoiselle Suzini qui eut comme adjointe Mademoiselle Joséphine Montpellier, fille d'un entrepreneur de maçonnerie bien connu à La Seyne, non seulement pour la qualité de ses travaux, mais aussi par l'importance de sa nombreuse famille dont deux fils au moins devinrent ingénieurs et quatre filles institutrices. Je parlerai plus loin de la jeune institutrice Joséphine Montpellier qui m'enseigna dans les années 1917-1918. Dans cette même période, au moment de la sortie des écoliers, parmi les parents qui attendaient leurs enfants, on put voir un monsieur ventripotent richement vêtu, ganté, coiffé d'un chapeau mou, luxueux, portant canne avec poignée en argent.

Naturellement intriguées par la présence de ce beau monsieur, les cancanières du quartier voulaient savoir à tout prix pourquoi il était autorisé à pénétrer dans l'école quand tous les écoliers en étaient sortis.

Leur impérieuse curiosité fut satisfaite par la suite quand la directrice annonça elle-même aux familles qu'elle deviendrait bientôt Madame Aball, autrement dit l'épouse du banquier du Crédit Lyonnais.

Les commères n'en continuèrent pas moins de jaser estimant tout de même inconvenantes les visites de ce monsieur à une demoiselle institutrice.

On avait des principes à cette époque, mais de tout temps il y eut ceux qui les respectaient et aussi ceux qui les transgressaient.

Les écoliers y allaient volontiers dans cette petite école primaire à l'ambiance familiale où n'enseignaient que des femmes, car l'administration de l'instruction publique n'aurait pas admis que des hommes fassent la classe à des fillettes.

Toujours les principes !

La première école des Sablettes - Classe de l'année 1917-1918 - On reconnaît notamment :
1° rangée (assis sur le sol) : Marius Autran (4° à partir de la gauche), Simon Pisany (5°), Lucien Gaillard (denier à droite)
3° rangée (debout) : Suzanne Gaillard (avant-dernière à droite), Félix Gay (dernier à droite)
4° rangée (debout sur le banc) : Joseph Gay (2° à partir de la gauche), Mimi Tortel (3° en partant de la droite, Élise Teissore - future Mme Victor Raybaud (avant-dernière à droite), Gisèle Apestéguy - future Mme Camille Fille (dernière à droite)

Les maîtresses n'étaient pas toujours des normaliennes. Déjà, par mesure d'économie, on appelait des jeunes filles nanties de leur brevet supérieur pour apprendre la lecture, le calcul, l'écriture aux plus jeunes élèves. Elles accomplissaient leur tâche avec le plus grand soin et ne donnaient jamais de punitions excessives. Celle de ces jeunes enseignantes des années 1917-1918 qui a exercé sur le jeune écolier que j'étais la plus grande influence est sans nul doute Joséphine Montpellier et c'est bien pourquoi une page de souvenirs lui a été consacrée dans cet ouvrage.

Grande et belle fille, je la revois toujours malgré les nombreuses années écoulées, dans sa longue robe bleu marine qui rasait presque le sol, son beau corsage assorti dont le col très haut la serrait à la gorge, de ses boutons nacrés. On ne la voyait jamais assise à son bureau ; elle allait sans cesse entre les bancs donner des conseils, redresser des porte-plume mal tenus, corriger des fautes. Elle écrivait fort bien sur le grand tableau noir, y faisait aussi de beaux dessins quelquefois avec de la craie aux couleurs variées dont les enfants auraient bien voulu posséder quelques morceaux.

Toujours souriante, patiente, Mademoiselle Montpellier savait admirablement intéresser son auditoire enfantin. Je ne la quittais pas des yeux, j'écoutais avec une attention persistante tout ce qu'elle avait mission d'apprendre à ses élèves.

Elle me fascinait littéralement quand elle prenait le livre d'histoire de M. Lavisse, ouvrage officiel, qui fit une longue carrière dans les écoles primaires. Les commentaires sur les exploits patriotiques de Jeanne Hachette, de Jeanne d'Arc, de Bertrand Du Guesclin ce héros national qui chassa les Anglais de France et qui fut enterré dans le tombeau des rois à Saint-Denis. Et ce Chevalier sans peur et sans reproche qu'on appelait Bayard et qui avait défendu à lui seul, le Pont du Garigliano contre deux cents espagnols. Comment avait-il pu réaliser un tel exploit, cet homme si robuste qu'il fût ? À l'expression de ces récits fabuleux, j'étais ému jusqu'aux larmes.

À mes côtés, Mathilde Zurletti, remarquable par une faconde intarissable, ne réagissait pas avec le même enthousiasme - aux exploits de nos patriotes guerriers : « Oh ! vous autres, les garçons, vous ne pensez qu'à vous battre ! ».

Effectivement la classe terminée nous imaginions des combats meurtriers en nous dissimulant dans les grandes touffes de joncs plantées côté Lazaret ou alors cachés dans les tamaris longeant l'isthme côté de la plage.

Aux limites des jardins potagers environnants, nous allions couper des roseaux dans ce que nous appelions les canniers pour confectionner des épées. Malgré les interdictions du garde champêtre, nous coupions des centaines de tiges de joncs qui devenaient une fois tissées et sous-tendues de roseaux, des boucliers légers. Il se trouvait des chefs pour imiter Bayard ou Du Guesclin et engager des combats qui opposaient les paysans des Sablettes aux pescadous de Saint-Elme. On s'en tirait bien généralement.

Rentrés à la maison, autour de la lampe à pétrole pour les devoirs du soir, on s'évertuait à dissimuler les éraflures heureusement superficielles dont les parents ne s'offusquaient guère. Par contre, la réaction des mamans à la vue des sarraus troués ou déchirés prenait parfois un tour redoutable.

La jeune institutrice Mademoiselle Montpellier, qui s'appliquait à enseigner avec passion l'histoire de la France, ne se doutait pas que ses leçons avaient parfois des conséquences néfastes sur la vie des familles.

Je veux pour ma part en retenir surtout les aspects bénéfiques. Peut-être est-ce là dans cette classe enfantine que dirigeait cette maîtresse d'élite que mon goût pour l'histoire du temps passé a pris sa source.

Soyez vénérée, Mademoiselle Montpellier et remerciée.

J'ai gardé aussi dans les archives de ma vieille mémoire un excellent souvenir des directrices Madame Mangini et Mademoiselle Suzini qui exercèrent leurs fonctions admirablement à la grande satisfaction des administrations et des familles, et pourtant leurs conditions de travail n'étaient pas simples à l'époque.

Il n'existait pas de cantine scolaire dans cette petite école et les écoliers éloignés, dont j'étais, marchaient jusqu'à 8 kilomètres par jour pour recevoir leur instruction primaire. Ceux en provenance du vieux chemin des Sablettes, de Mar Vivo, du Pas du Loup, de la route de Fabrégas étaient autorisés seulement pendant les froids de l'hiver, à prendre leur repas de midi dans la salle de classe sous la surveillance de la directrice qui elle-même prenait son repas assise à son bureau.

Les enfants sortaient de leurs petits paniers d'osier, fermés par une tringle de fer, des rogatons de la veille, une gamelle de soupe qu'ils pouvaient réchauffer sur le poêle de la classe.

Dans le même temps, la maîtresse, Madame Mangini, surtout, leur prodiguait des conseils de prudence sur notre alimentation, sur le danger des épidémies encore fréquentes à l'époque. Elle recommandait de boire de l'eau bouillie, de ne pas manger la croûte des fromages car, disait-elle, les caves où ils sèchent sont souvent visitées par les rats. Elle menaçait certains d'entre nous qui, au sortir de l'école, s'en allaient barboter dans la vase du Lazaret pour y récolter des clovisses au lieu de rentrer à la maison pour faire les devoirs du soir.

Elle recommandait aussi de ne pas jouer dans les touffes de joncs bordant l'isthme parce que les gens venaient y déverser leurs ordures ménagères au lieu d'attendre le tombereau communal, lequel d'ailleurs ne passait qu'une fois par semaine pour décharger sa cargaison dans les jardins potagers, attendu par les paysans. Les détritus étaient pour eux une économie importante parce que cette forme d'engrais était gratuite - on se souciait peu du manque d'hygiène. Mieux encore ! Des familles de Saint-Elme, dépourvues d'ustensiles scatologiques, venaient à la tombée du jour, déverser subrepticement leurs vidanges au milieu des joncs, non loin de l'école - on voit donc que les sujets d'interventions des maîtresses ne manquaient pas, loin s'en faut !

 

Les prémices d'une vie nouvelle

Cependant à partir de 1908, année de l'arrivée des tramways au début de l'isthme des Sablettes, les maîtresses de l'école recommandaient aux enfants de prendre garde à la manoeuvre de la motrice qui s'effectuait devant l'hôtel Vidal, terminus de la ligne des tramways.

Les enfants observaient toujours avec curiosité le travail du receveur qui avait la charge de débrancher la longue perche du gros câble électrique suspendu aux pylônes jalonnant la route Toulon - La Seyne - Les Sablettes.

Cette perche terminée par une petite roue dont la gorge tournait sur le câble, amenait le courant électrique au moteur du véhicule. Il fallait l'orienter dans le sens opposé pour préparer le retour sur Toulon, après avoir accroché ce qu'on appelait les remorques.

Les écoliers se familiarisaient avec un vocabulaire nouveau le wattman, le rhéostat, la réa, etc...

Mais comment le conducteur pouvait-il en tournant de petites manettes, actionner des tonnes de ferraille et transporter des centaines de voyageurs ?

Qu'était-ce donc ce courant dit électrique, capable de bouleverser la vie des gens ?

L'arrivée du tramway aux Sablettes (1908)
Au fond, à gauche : la première école construite sur l'isthme

Les petits enfants en ce début de siècle avaient découvert les rouleaux compresseurs actionnés par la vapeur, ils assistaient à la naissance des véhicules électriques.

Ils allaient découvrir quelque 10 ans plus tard la fée électricité illuminant l'intérieur de leurs maisons remplaçant pour toujours les lampes à pétrole ou les lampes Pigeon autour desquelles ils rédigeaient leurs devoirs du soir en frottant souvent leurs yeux irrités par le gaz du pétrole brûlé et la pâleur de la lumière.

La génération d'enfants dont il est question ici, celle qui a vu les bateaux à vapeur de Michel Pacha amener sur l'isthme et la plage des Sablettes des milliers de Toulonnais, celle qui connut l'arrivée des tramways électriques, a été celle qui aura vu aussi leur disparition au profit d'autres structures résultant du progrès des sciences et des techniques, sur lesquelles nous reviendrons plus loin.

Les murs de l'Hôtel Vidal, terminus de la ligne des tramways attiraient aussi l'attention des écoliers depuis que l'administration du gaz de ville y avait aménagé un réverbère, cela depuis le début de notre siècle.

L'usine à gaz avait été construite à La Seyne en 1864 mais les premiers bénéficiaires de l'éclairage public furent naturellement les citadins.

Beaucoup plus tard et en fonction du peuplement, les quartiers éloignés reçurent progressivement des appareils d'éclairage plus perfectionnés qui remplacèrent les lampes à huile des siècles précédents.

L'isthme des Sablettes en fut doté en deux points peu espacés, l'un au terminus des tramways, l'autre proche de l'école.

Les préposés à l'éclairage public attiraient toujours l'attention des écoliers par leur habileté à éclairer le réverbère qui n'était autre qu'un fanal à 4 faces vitrées dont l'une servait de porte. A l'intérieur débouchait un tuyau amenant le gaz d'éclairage en provenance d'une canalisation souterraine.

Pour avoir la lumière, il fallait que le préposé, nanti d'une longue perche fumante à l'extrémité, puisse atteindre la porte du fanal (hors de portée des gens et surtout des garnements), l'ouvrir rapidement ainsi que le robinet du gaz qui s'enflammait et refermer la porte pour éviter les courants d'air.

Pendant des années, ces braves employés ont parcouru les rues et les routes, leur longue perche sur le dos, pour donner des lueurs blafardes à la tombée de la nuit et refaire les mêmes parcours pour éteindre les feux au jour levant.

Certains d'entre eux, dans les dernières années de l'éclairage public au gaz, furent favorisés, l'administration ayant mis une bicyclette à leur disposition.

Cette profession, si l'on peut dire, dura tout de même un demi-siècle. L'éclairage public électrique se généralisa vers 1925 et l'isthme des Sablettes en reçut les bienfaits dans cette période.

Restons dans le premier quart de notre siècle finissant. Indiscutablement, l'amélioration des transports maritimes et routiers avaient apporté de la vie sur l'isthme et ses environs. Les travailleurs des chantiers navals et des industries annexes, les employés, les fonctionnaires, les écoliers, les promeneurs appréciaient la commodité des moyens de transport et aussi les moindres fatigues.

Rappelons toutefois qu'il existait toujours cette catégorie de gens estimant le prix des transports trop élevés et qui ne redoutaient pas la marche à pied.

Les habitants de Saint-Mandrier bien desservis par la voie maritime auraient bien voulu utiliser des tramways pour leurs activités et leurs affaires.

Le projet de relier le hameau de Saint-Mandrier à La Seyne par les tramways avait été envisagé mais abandonné rapidement par crainte des coûts trop élevés et d'une insuffisance de clientèle.

Les pêcheurs de Saint-Elme et les revendeuses surtout firent grand cas des facilités de transport de leur marchandise sur les lieux de vente, par le moyen des tramways. Il suffirait de marcher seulement de Saint-Elme au terminus des Sablettes avec tout de même une brouette ou un charreton. Et puis le tramway ferait le reste, pardi !

L'une s'exclamait :

- « Si on avait écouté Saturnin Fabre, ce bon maire, il y a bien longtemps que nos peines auraient été soulagées. Il aurait fait disparaître les toupines avant le début de notre siècle grâce à l'émissaire commun. Il y avait pensé le premier, lui ! ».

- « Vous parlez des tramways ? Il les voulait tout autour de la corniche et même jusqu'à l'entrée de la forêt de Janas. Il avait des idées, lui et il savait trouver les moyens. Quand ses adversaires politiques l'ont battu. Eh bé ! Y zont rien fait du tout pour la ville parce qu'ils étaient des incapables ».

 

Pendant la guerre de 1914-1918

Quand la première guerre mondiale éclata, notre petite école accueillait de jeunes enfants garçons et filles depuis une dizaine d'années dans une ambiance familiale, paisible et il ne semble pas qu'elle eût à connaître de sérieuses perturbations dans les premières semaines qui suivirent l'ouverture des hostilités.

Personne alors dans ce petit coin si tranquille de notre terroir ne pouvait imaginer l'ampleur des événements dramatiques qui allaient se multiplier à partir du mois d'août 1914.

Dans les conversations entre parents et institutrices on entendait souvent le nom de Jaurès, cet homme si bon, disait-on, qu'on avait assassiné pour avoir voulu empêcher la guerre !

Puis chaque jour qui passait apportait de nouvelles angoisses. Les autorités militaires étaient venues réquisitionner les chevaux et les mulets chez les Germain, les Audibert, les Barbaroux.

- « Comment pourrons-nous cultiver nos terres ? Et tourner la noria ? » s'exclamaient les paysannes et d'autres répondaient :

- « Les gens du gouvernement disent que le conflit ne durera pas, mais en attendant les maris sont sur le front ». Où était-ce front et que voulait dire ce mot ? On disait aussi que les papas étaient en première ligne, sur la ligne de feu, autant d'expressions indéfinissables pour les jeunes enfants dont malheureusement certains devinrent des orphelins. Comment se passait la vie en ces lieux maudits où la mort planait sur les êtres humains à chaque seconde.

Parmi les pêcheurs de Saint-Elme et de Tamaris, des dizaines d'entre eux appartenant à l'inscription maritime avaient été embarqués à Toulon même, sur des cuirassés, des croiseurs, des torpilleurs. Chaque jour, des bords de l'isthme des Sablettes, on voyait défiler des unités de la marine de guerre devant le fort de Balaguier, franchir la grande passe de Saint-Mandrier, souvent aux accents de la Marseillaise qui s'élevaient dans les panaches épais d'une fumée noire que crachaient leurs nombreuses cheminées.

Quelle était leur destination à tous ces marins, professionnels pour nombre d'entre eux, mobilisés pour la plupart ? S'en allaient-ils surveiller les côtes françaises ? Celles de l'immense empire colonial français ? Allaient-ils à la rencontre de navires ennemis ? Ou participer à des transports de troupes sur des théâtres d'opérations extérieurs ?

On ne pouvait soupçonner la tournure dramatique des événements qui se préparaient, d'autant que les décisions prises dans les cabinets ministériels et les états-majors, l'étaient dans le plus grand secret.

En attendant, les campagnes allaient manquer de main d'oeuvre et les bateaux de pêche de Saint-Elme et d'ailleurs chercheraient en vain de jeunes biceps pour tirer sur les avirons. Et les anciens auraient sûrement beaucoup de peines à manoeuvrer les barcasses, à tirer à bord les lourds filets. Ils envisageaient d'utiliser au mieux les petits garçons pour gagner quelque argent par la vente des coquillages, des gobis, des oursins, si abondants à l'époque sur les rives de l'isthme côté Lazaret.

Sans doute au cours des années difficiles de la guerre, les enfants de nos rivages apprirent à devenir des ravageurs au détriment de leur enseignement scolaire. Quand les maîtresses de l'école s'inquiétaient des absences répétées de leurs petits élèves, les mamans répondaient : « Que voulez-vous ? Les enfants aident à faire vivre notre foyer, depuis le départ de nos maris ». Et c'est pourquoi les plus grands des garçons attelés à un charreton s'en allaient vendre les sardines dans les bastides du quartier des Plaines ou du Pas du Loup.

À leur retour, si tous les poissons n'avaient pas été vendus, le goûter de quatre heures ne se composait pas de sandwiches au jambon mais de sardines écrasées dans le pain. C'était ainsi ! Le jambon était un régal presque inconnu pour les petits pescadous de Saint-Elme.

Observons tout de même que la population ne souffrait pas vraiment de la faim. Il y eut bien quelques restrictions sur le tabac, le sucre, le pétrole. Les enfants ne manquèrent jamais de pain, de viande, de lait. Les grandes restrictions alimentaires, ils les connaîtraient trente ans plus tard avec le gouvernement de Vichy et l'occupation de la soldatesque allemande. Nous y reviendrons longuement.

En attendant, la guerre qu'on avait annoncée brève se prolongeait désespérément. On savait que le Nord de la France avait été envahi par les hordes du sinistre Guillaume II, que les batailles de la Marne et de Verdun avaient arrêté l'invasion mais à quel prix !

Déjà on annonçait pour La Seyne des centaines de morts et de blessés et chaque jour la police municipale ou le garde champêtre allait à domicile informer les familles de la perte cruelle d'un père, d'un enfant, soldat ou marin.

Dès l'ouverture des hostilités, on avait vu sortir de la rade de Toulon de belles escadres pavoisées composées de cuirassés dont les noms sont restés intacts dans nos mémoires malgré les décennies écoulées : Jean Bart, Gaulois, Charlemagne, Vérité, Saint-Louis, Bouvet...

On apprit par la suite avec bien du retard que certains d'entre eux avaient été envoyés par le fond par des torpilles ou des mines sous-marines, engloutissant dans leurs murailles d'acier la presque totalité de leurs équipages, cela dans les combats navals et en particulier celui des Dardanelles.

Les semaines et les mois s'écoulaient et, dans la succession des événements dramatiques qui se précipitaient en 1917, rien ne laissait espérer la fin du cauchemar. Des faits locaux très significatifs nous apportèrent des preuves concrètes de l'intensification des combats meurtriers et surtout de la recherche des moyens perfectionnés de la destruction et de la mort.

Un beau matin, la rentrée de l'école s'effectuant paisiblement comme à l'ordinaire, l'attention des enfants et des passants fut soudain attirée par le bruit infernal de moteurs d'engins puissants en provenance de la Baie du Lazaret.

Des coques flottantes semblables à celles des bateaux, équipées d'ailes doubles de part et d'autres prenant appui sur l'eau par des flotteurs légers se déplaçaient au moyen d'une hélice aérienne tournant et ronflant à une vitesse vertigineuse à l'avant de ces appareils.

Les anciens des quartiers des Sablettes et les maîtresses de l'école expliquèrent qu'il s'agissait des hydravions, mot dont l'origine grecque (hudor) qui signifie : eau, désigne un appareil qui peut prendre son essor sur l'eau et s'y poser.

On savait ici ce qu'étaient les avions qui s'élançaient dans l'espace aérien mais on ignorait dans notre environnement ce qu'étaient ces engins glissant sur l'eau et pouvant avec une vitesse acquise suffisante s'élever dans les airs.

Ce qu'on apprit aussi par la suite, c'est le rôle important qu'ils pourraient jouer étant équipés de mitrailleuses et de bombes légères.

Deux hommes seulement à bord (un pilote et un tireur) composèrent les premiers équipages de ces hydravions qui mesuraient une dizaine de mètres d'envergure et pesaient seulement deux tonnes. Néanmoins on les utilisa dès leur début à la surveillance et la défense du littoral.

Ainsi naquit la base aéronavale de Saint-Mandrier. Chaque jour, ces nouvelles machines volantes effectuaient autour de la rade toulonnaise, au large du Cap Sicié et des îles d'Hyères des rondes minutieuses afin de prévenir les agressions possibles de navires ennemis.

La population éprouvait une satisfaction certaine en constatant que notre pays était bien défendu. Mais tout cela ne présageait pas le retour des papas dans les foyers familiaux, tenaillés par une angoisse permanente.

Autre fait à sensation de cette année 1917 ! L'apparition de nouvelles machines de guerre redoutables, des monstres d'acier appelés tanks dont on parlait depuis quelques mois dans la presse et sur lesquels le grand état-major fondait beaucoup d'espoirs pour enfoncer le front allemand.

Ces engins de guerre, espèces de caisses d'acier, actionnées latéralement par de larges chenillés articulées, le tout surmonté d'une tourelle d'où sortait un long canon ; ces engins redoutables pouvaient tout écraser sur leur passage, leur poids, atteignant plusieurs tonnes dès l'origine.

On les vit apparaître un jour en provenance de Balaguier et Tamaris, roulant à faible allure vers la plage des Sablettes. Ils passèrent tout près de l'école précisément à l'heure de la sortie de 11 heures.

On imagine la frayeur des parents qui attendaient leurs enfants.

- N'approchez pas ! criait-on aux écoliers désireux de voir de près ces machines curieuses !
- Ils ont des explosifs à bord disaient les uns
- Que viennent-ils faire ici ces engins de mort, disaient les autres !
- Ils viennent procéder aux essais sur la plage entendait-on.

On savait que les Forges et Chantiers de la Méditerranée en fabriquaient de ces machines de guerre, mais la population n'avait pas eu l'occasion de les voir évoluer sous ses yeux. Les Seynois étaient médusés d'admiration mais aussi quelque peu terrifiés.

Les premiers essais avaient eu lieu aux Mouissèques pour les moteurs, mais la mise au point de l'artillerie nécessitait de grands espaces et la haute mer offrait pour cela des moyens incomparables en utilisant des cibles flottantes et mobiles amenées par des remorqueurs au large du Marégau.

Avant leur mise en place, les conducteurs et les officiers éprouvèrent un malin plaisir à impressionner des spectateurs Ô combien pacifiques, en affirmant la puissance de leurs engins. Comment ?

Tout d'abord, ils longèrent le rivage, s'enfonçant profondément dans le sable, creusant d'énormes tranchées qui aussitôt se remplissaient d'eau.

En quelques allées et venues, la plage, notre belle plage au sable si fin, fut détruite. Aux tas de sable se mêlaient aussi des couches d'algues noires, le varech des posidonies rejeté périodiquement sur nos rivages. Un magma innommable remplaça la belle plage de sable fin qui faisait le bonheur des Seynois et aussi des Toulonnais. Et ce ne fut pas le spectacle le plus révoltant ! Au tout début de l'isthme, au fil des années les petits tamaris étaient devenus de beaux arbres d'au moins quarante centimètres de diamètre à la base.

Ne voilà-t-il pas que les militaires poussèrent les chenilles d'acier sur les troncs, les brisant au ras du sol, narguant par surcroît les témoins de ce spectacle odieux.

Sauvages ! criait-on à ces soldats, sans doute obéissant à des ordres précis et impératifs.

Les habitants du quartier se lamentaient au souvenir des luttes menées par les anciens pour obtenir une voirie convenable.

Et la route, elle aussi, n'était pas à l'abri de l'agression des engins blindés. La manoeuvre des chenilles d'acier quand le tank pivotait sur lui-même labourait littéralement la surface empierrée et tassée patiemment par le rouleau compresseur.

Les plus anciens du quartier, témoins des efforts patients des édiles seynois et de leurs administrés pour l'aménagement de l'isthme, disaient qu'il fallait sauver à tout prix ce don admirable de la nature, victime d'agressions incessantes.

Après le vol des sables au profit des lesteurs du siècle dernier, après les chicanes administratives pour la propriété et l'administration des terrains, après les tentatives de percement de l'isthme à des fins militaires qui déchaînèrent les polémiques que l'on sait, voilà qu'on assistait maintenant au massacre des arbres destinés à défendre la route des tempêtes venues du large, à protéger la petite école qui avait donné une vie nouvelle au quartier des Sablettes, véritable ruche de jeunes enfants d'où s'échappaient des rires éclatants, les refrains débordants de joie des rondeaux enfantins, les exclamations tonitruantes des joueurs de saute-mouton alternant avec les ritournelles de la table de multiplication chantée à gorge déployée et les chants patriotiques hurlés à tue-tête.

Sans se laisser abattre, les anciens incitaient les familles d'écolier, les usagers de la route, les touristes, les amateurs de la plage à organiser des protestations à tous les niveaux pour sauvegarder un patrimoine d'une richesse incomparable. Leurs propos se gonflaient d'espoir d'autant que les événements semblaient bien prendre une tournure favorable à la France et à ses alliés.

En attendant des jours meilleurs, il fallait s'appliquer à faire disparaître les déprédations.

Il faudrait encore bien du temps pour réparer les dégâts, ce dont les militaires se moquaient éperdument. Ne disaient-ils pas qu'ils poursuivraient leurs démonstrations dans la forêt de Janas et aussi dans les campagnes du quartier des Plaines à la recherche de vieux murs de clôture ou d'habitations inoccupées. Oui ! Ils savaient aussi faire cela les chars de combat : détruire des maisons entières s'écroulant comme châteaux de cartes.

Les petits écoliers de l'isthme étaient terrorisés devant cette puissance de destruction dont les militaires étaient fiers comme s'ils avaient été eux-mêmes les créateurs de leurs machines infernales.

Après avoir transformé l'isthme en champ de bataille, commencèrent les tirs sur les cibles flottantes évoluant entre Marégau et Sicié. Quel vacarme assourdissant ! Des garnements s'approchaient à quelques mètres pour mieux voir les manoeuvres des artilleurs et l'efficacité des projectiles sur de vieux chalands voués à la destruction. Un adjudant furieux les chassait en vociférant :

« Allez vous-en ! Voyous ! Vous risquez de vous faire tuer ! »

Il finit par les convaincre de s'éloigner en leur expliquant que la violence des déflagrations pouvait faire éclater leur tympan.

Quand les essais d'artillerie cessèrent, les tanks reprirent leur chemin par Tamaris et Balaguier laissant aux Sablettes un spectacle de désolation abominable.

Ah ! les beaux tamaris dont George Sand avait vanté la beauté en ces termes :

« Battus par le vent et tordus par le flot, noueux, échevelés, leur feuillage grêle se couvre de petites fleurs, d'un blanc rosé.. une de ces grappes prise à part n'est rien ou presque rien... la haie entière sent bon ».

Il fut insupportable pour les écoliers dont je faisais partie dans cette période de ma vie scolaire, de voir ces tamaris martyrisés par ces brutes de militaires.

Ces arbres vénérés que les écoliers escaladaient chaque jour avant l'heure de la rentrée des classes étaient pour eux les moments de détente sans doute les plus fous. Les écoliers les plus audacieux sautaient d'une branche à l'autre avec la même agilité que des écureuils. Certains parieurs se laissaient tomber parfois de plusieurs mètres sur la couche épaisse de sable fin. Grâce à l'extrême souplesse de leurs jambes, ils tombaient sur leurs pieds sans aucun mal, comme de vrais acrobates de cirque.

Grimper dans les tamaris tournés vers le sud de l'isthme, barboter dans les eaux peu profondes de la face opposée, c'était pour les écoliers des moments d'un bonheur inexprimable.

L'isthme des Sablettes était devenu pour eux un lieu idéal où ils recevaient les leçons bénéfiques de leurs premières maîtresses, une première instruction primaire en vue d'accéder à la grande école de La Seyne. En ce même lieu, à l'entrée de la classe ou à la sortie c'étaient les poursuites effrénées entre les touffes de joncs, les escalades dans les arbres, les trempettes rapides sur le rivage côté Lazaret.

Attardons-nous quelques instants sur ce bord de mer qui n'avait rien de comparable à celui de la grande plage face au grand large.

On pouvait s'avancer jusqu'à cent mètres, l'eau ne dépassant pas les genoux en direction des parcs à moules. On découvrait à chaque pas les merveilles de la vie sous-marine. Bien sûr, les anciens nous avaient initiés à la connaissance des espèces de poissons, de mollusques, de crustacés. Les écoliers obéissants ne s'attardaient pas trop sur le rivage après la classe pour ne pas causer d'inquiétude à leurs parents.

 

Des jeudis inoubliables

Alors ils se donnaient rendez-vous le jeudi matin derrière l'école dont la mer venait presque battre les murs les jours de mauvais temps. Ah ! quels jeudis inoubliables vécus sur les rivages de l'isthme pour les écoliers des Sablettes, de Saint-Elme, du Pin Rolland, de Tamaris, de Mar Vivo, du Pas du Loup et même de la route de Fabrégas.

Les fils de pêcheurs professionnels ne se mêlaient pas à ces parties de plaisirs, contraints qu'ils étaient d'aider leurs parents vers le grand large à hisser les lourds filets ou à tirer le charreton pour la vente du poisson. Ils venaient narguer les petits pêcheurs du rivage quand leur père était rentré au port avec de belles pièces. Mais les Pisany, les Gay, les Ferran, les Santucci, les Gaillard, les Autran et bien d'autres se contentaient de peu : nantis de boîtes de conserves rouillées, ils avançaient sur le rivage de l'isthme à la recherche de coquillages, de petits poissons cachés dans des trous de briques ébréchées, de crustacés aux pinces toujours agressives.

Ils avaient appris à découvrir les petits orifices respiratoires ouverts par les siphons des clovisses, des praires, des petites coques à la chair rouge sang. Du sable et de la vase, ils tiraient ces petits mollusques avec leurs doigts, à faible profondeur.

Des exclamations bruyantes, des cris de joie, des appels triomphants retentissaient de tous côtés.

- Oh ! venez voir cette belle favouille !
- Quel dommage ! J'ai fait partir une seiche !
- Voyez ! avec ma mauvaise canne à pêche, je prends de jolis gobis ! Avec quelques crabes, ma mère fera une bonne soupe de poissons.

Les plus grands des enfants et les plus audacieux s'avançaient alors vers de plus grands fonds et découvraient des herbiers de posidonie riches en crevettes, en oursins et en bigorneaux.

Les bious, ainsi appelait-on ces derniers, se trouvaient facilement en tâtant les touffes d'algues avec les mains ou les pieds. Pour la récolte des oursins, il fallait être plus prudent et il n'était pas rare que les pêcheurs rentrent à la maison avec des épines dans les orteils.

S'ils se plaignaient de ce désagrément, le vieux grand-père expérimenté leur disait :

- Elles sortiront toutes seules les épines et puis elles ne pourrissent pas les plaies grâce à l'eau salée.
- Sachez que l'eau de mer est un bienfait pour nous tous. Si vous ne mangiez que des produits de la mer, vous ne seriez jamais malades !

Ainsi raisonnaient nos anciens. Ajoutons en passant que les problèmes de pollution ne se posaient pas, sauf pour les rades de Toulon et de La Seyne qui reçurent pendant longtemps le contenu des toupines célèbres.

Revenons à nos petits pêcheurs qui s'acharnaient à la capture des crevettes invisibles dans les algues. Les écoliers inexpérimentés questionnaient souvent les fils des pêcheurs professionnels, les Sauvaire, les Liguori, les Repeto, les Pignatel sur les procédés les plus efficaces pour faire de bonnes pêches. Ils n'obtenaient que des réponses évasives. Les enfants redoutant les réprimandes de leurs parents qui n'admettaient à aucun prix la trahison de leurs secrets professionnels.

Les petits amateurs finissaient bien par savoir qu'il fallait confectionner de petites épuisettes à mailles fines avec lesquelles on draguait les fonds et dont on ressortait chaque fois avec des dizaines de ces petits crustacés sautillants. Que de richesses offraient alors aux Seynois les rivages de l'isthme en ces années du début du siècle.

Au-delà de ces rivages peu profonds où barbotaient les enfants, il y avait des fonds où se dissimulait une autre faune sous-marine bien connue des pêcheurs adultes. Nous n'en finirions pas d'énumérer les espèces de poissons, de mollusques, de crustacés qui permettaient à des centaines de familles de vivre.

Nos petits garçons, satisfaits de leurs modestes prises se voyaient déjà propriétaires d'un petit bateau, un petit barquet, une bette à fond plat ou mieux encore un pointu qui leur permettrait d'imiter les aubijaïres.

Ami lecteur, Seynois d'adoption, amateur de pêche, amoureux de la mer, vous ne savez peut-être pas ce que désigne ce mot aubijaïre, il convient de vous l'expliquer: je me dois de vous dire aussi pourquoi je suis tenté d'employer dans mes récits des mots du patois provençal ou plutôt de la langue provençale, si belle, si vivante, si expressive, une langue qui fut celle de mes grands parents qu'ils m'ont transmise dès ma plus tendre enfance.

 

L'Aubijaïre

Les seynois ayant vécu sur les bords de l'isthme l'ont appris de bonne heure.

L'aubijaïre est un pêcheur qui exerce son activité à l'aube. Il pratique une sorte de pêche appelée aubijade, à faible profondeur, à l'heure où la surface de l'eau n'est pas troublée par un clapotis, ni même par la moindre risée et encore faut-il ajouter à la condition expresse d'une parfaite limpidité des eaux.

Il avance avec son bateau qui n'est peut-être qu'un esquif qu'il déplace soit à la rame, soit en poussant sur sa grapette, outil essentiel composé d'une sorte de main métallique fixée au bout d'un manche long de plusieurs mètres, instrument qui permet de grappiller sans grand effort à la surface du fond de l'eau ou à faible profondeur, toutes les espèces comestibles : bigorneaux, praires, clovisses, oursins, crabes.

À portée de sa main l'aubijaïre dispose d'une foëne (fouine) dont les pointes redoutables peuvent harponner des poissons, des poulpes, des seiches.

Ah! Ces oursins aux veines d'oeufs rouges et jaunes! Quel régal au déjeuner accompagné aussi de quelques vioulets dont on admirait toujours avant de les avaler les belles couleurs jaunes et orangées. Les gens du pays les appellent plus vulgairement violets ou figues de mer (Microcosmus sulcatus). Leur aspect extérieur n'a rien d'attirant ni par la couleur ni par la forme irrégulière. Mais les connaisseurs en apprécient le contenu. Quand l'aubijaïre avait fait sa récolte de coquillages, de crustacés ou autres espèces (ce qu'il appelait d'ailleurs les hors-d'oeuvre !), il tirait à bord les nasses calées en permanence dans les herbiers. Il en retirait toujours de quoi régaler la maisonnée d'une soupe de poissons ou d'une bouillabaisse, surtout quand on y ajoutait les cabans, ces crabes velus quasiment invisibles au fond de l'eau.

Et encore faut-il ajouter que les jours de baraka, ce qui n'était pas rare, il lui arrivait d'ajouter encore au festin une autre espèce précieuse.

Son regard vigilant venait d'apercevoir dans un fond sableux une silhouette ovale qui se dessinait au bout de laquelle deux yeux au regard fixe attendaient sans aucun doute une proie vivante: un petit gobi imprudent qui n'aurait pas soupçonné la présence d'un ennemi malignement camouflé.

Cette silhouette était celle d'une supi (seiche) chassant à l'affût, mollusque dont on sait l'aptitude à un mimétisme raffiné.

La seiche était prête à détendre ses tentacules avec la rapidité de l'éclair et à capturer la proie convoitée hésitante toutefois à suivre son chemin. Hélas ! trop tard pour elle. L'aubijaïre a été plus rapide et les dents pointues de sa fouine ont transpercé le corps du mollusque qui a bien lâché la noire sépia mais en vain. La blessure sera mortelle.

Et notre pêcheur pense déjà à la bonne odeur de sa capture qui flottera au-dessus de la friteuse à la satisfaction de la maisonnée, comme quoi, il est bien vrai que le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ce n'est pas juste, mais c'est ainsi !

L'attention de nos petits pêcheurs du rivage se portait aussi sur d'autres personnages : les pêcheurs de mouredus et d'escavènes, vers marins vendus comme appâts.

Pêcheur d'esques

Ces petites espèces animales procuraient quelques ressources aux modestes professionnels de la mer.

Mais leur capture difficile à plusieurs mètres de profondeurs nécessitait des efforts exténuants.

La description sommaire de ce travail devrait convaincre le lecteur des difficultés d'un métier que seuls, des hommes très vigoureux pouvaient exercer.

Il fallait d'abord stabiliser le bateau aux deux extrémités par des piquets longs de plusieurs mètres appelés partègues.

L'outil principal était une sorte de râteau à dents très longues formant une grande poche tapissée d'un grillage fin aux deux tiers. Le pêcheur le maniait alors pour l'enfoncer dans un fond appelé mate couvert d'algues courtes, de coquillages, de plancton, les vers n'étant pas en surface. Le râteau devait arracher jusqu'à dix kilos et plus de ce magma, remonter et déverser le tout sur la plage avant du bateau pour ensuite trier les espèces comestibles et surtout les vers précieux destinés à la vente.

L'aubijaïre recherchait aussi comme appâts ce qu'il appelait les piades crustacés de petite taille armés de fortes pinces, de pattes très agiles. Le corps mou dont les poissons sont très friands n'étant pas protégé à la naissance, l'animal s'ingéniait à trouver des coquilles vides de murex, de buccin, d'escargots de mer, de cônes, à sa taille.

Le vrai nom de ces petits animaux est le Bernard l'ermite. Curieusement il arrive que deux crustacés de la même espèce rencontrent un même logement disponible et à leur taille. Alors ils se livrent des combats acharnés pour mettre leur corps en sécurité. La lutte pour la vie, ça existe aussi sous l'eau n'est-ce pas ?

Autre phénomène non moins curieux à observer: la présence sur la coquille du crustacé d'une ortie de mer (actinie de son nom scientifique) collée par son pied ce qui lui permet de profiter des déplacements rapides du véhicule d'emprunt pour changer de milieu et renouveler sa nourriture.

Il existe aussi dans la faune si diverse de la petite mer des sortes de saucissons noirs, hérissés de verrues qu'on appelle concombres de mer appartenant aux échinodermes (holothuries) pouvant atteindre jusqu'à 25 centimètres de long. Nos braves pêcheurs les désignent sous le nom plus vulgaire de vié maré, terme qui se traduit en français par phallus marin. Ils s'aperçurent un jour que l'intérieur de la peau nacrée de ces animaux est tapissé d'une graisse blanche qui excite l'appétit des poissons blancs, des sars en particulier. Quelques amateurs d'art recherchent aussi des espèces de mollusques bivalves appelés vulgairement jambonneaux à cause de leur forme (leur nom scientifique est Pina nobilis). Ils peuvent atteindre 40 centimètres de longueur et sont enfoncés profondément par leurs pointes dans les algues des mates. Leur coquille très nacrée intérieurement permet de confectionner des abat-jour de lampes dont les reflets de la lumière donnent de très beaux effets.

Au cours de ces jeudis inoubliables, nos petits pêcheurs du rivage, observaient aussi avec curiosité leurs aînés qui s'avançaient dans les fonds de posidonies poussant devant eux un engin très spécial appelé pousse-avant.

C'était un cadre de bois en forme de trapèze dont la grande base ressemblait à un racloir plat taillé en biseau qui, avec les côtés non parallèles du cadre, soutenait un filet, poche profonde qu'il fallait remplir en poussant vigoureusement devant soi cette espèce de drague miniature, grâce à un manche très long.

Le filet raclant le fond de l'eau se remplissait rapidement d'algues, de petits poissons, de crabes, de mollusques. Après quoi, il suffisait de relever la poche hors de l'eau en tenant le manche vertical pour y puiser toutes les espèces comestibles, grouillantes d'abord.

 

Agressions humaines - Agressions de la nature

Les gens de condition modeste pour qui la propriété d'un bateau eut été un luxe pouvaient tout de même ramener au foyer familial la valeur d'une soupe de poissons, d'une friture et même d'une petite bouillabaisse.

Cette forme de pêche comme celle des vers marins fut un jour interdite par les autorités maritimes soucieuses de protéger la faune et la flore du Lazaret, mises à mal par les dragues, les râteaux, les grapettes par de braves gens peu soucieux de la reproduction des espèces marines.

Nul doute que les chercheurs du laboratoire de biologie de Tamaris avaient lancé un cri d'alarme auprès des autorités maritimes qui interdirent aussi ou limitèrent la pêche au gangui du côté de la haute mer.

Aux agressions humaines sur lesquelles il faudra revenir longuement s'ajoutaient celles de la nature devant lesquelles l'homme reste parfois impuissant.

Il nous faut aussi parler des vents, générateurs de larguades dont les effets souvent agréables, deviennent par contre redoutables par leur violence impossible à maîtriser qui soufflent depuis toujours sur les bords de l'isthme, et qui ne sont pas toujours des zéphyrs, des vents auxquels les pêcheurs sont très attentifs en raison des incidences bénéfiques ou néfastes qu'ils exercent sur leur métier.

L'isthme est soumis à tous les vents qui viennent des quatre points cardinaux, mais il faut observer une prédominance régulière pour les vents du Nord et du Nord-Ouest en direction de l'anse des Sablettes ; également pour les vents d'Est avec des variantes qui poussent les vagues vers le rivage côté Lazaret.

Le mistral est le vent roi, le Maestro (maître), annoncé au coucher du soleil par des cirrus, nuages blancs en forme d'os de seiche, vent dont un poète a dit balayeur des cieux.

Il annonce toujours un ciel clair mais ce mistraou comme disent les Provençaux, peut être d'une extrême puissance et devenir dangereux au point de causer des naufrages.

Quand il est d'ouest et très modéré, on l'appelle le mistralet, qui peut grandir et devenir le vent larg à ne pas confondre avec la largade qui vient de l'océan par le Golfe du Lion, soulève des vagues parfois énormes et précisément comme nous l'avons montré, elle est capable de faire se joindre la grande et la petite mer.

Les vents d'Est, eux aussi, peuvent causer des dégâts sur l'isthme face à la rade de Toulon. Ils sont engendrés par les dépressions du Golfe de Gênes et amènent généralement des nuages et de la pluie. Ils soufflent parfois avec violence et souvent les plaisanciers de la petite mer en ont fait la cruelle expérience en perdant tout à fait leurs embarcations.

Un vent agréable qui vient d'Est à Nord-Est et dure parfois plusieurs jours est le grégal (grégaou, en Provençal) nommé ainsi parce qu'il vient de la Grèce. On le nomme aussi galerne.

Indépendamment de tous ces vents bien définis, les riverains de l'isthme savent bien qu'il existe ce qu'on appelle des vents solaires qui soufflent surtout à la belle saison et tournent en accompagnant le soleil du levant (levagnoou), au coucher (Ponant Sud-Ouest).

Revenons quelques instants sur ces largades évoquées tantôt et qui, sous la violence des vents et des flots, firent se mêler les eaux de la grande mer à celles de la Baie du Lazaret.

Ceci à une époque où l'isthme n'avait même pas cent mètres de largeur.

Avec les dimensions qu'il a prises au cours des vingt dernières années, le mélange des eaux ne serait guère possible aujourd'hui, mais par contre, la violence des vents de larguade ne pourrait être stoppée.

De ces éléments déchaînés dont je fus un témoin durant l'année 1917, j'ai gardé un souvenir vivace.

Il en résultait des interruptions de la circulation routière. Les automobiles ne pouvaient pas toujours gagner Saint-Mandrier, et les rares propriétaires préféraient attendre la fin de la tempête. Ainsi faisaient les attelages de calèches, de charrettes, de tombereaux dont les cochers ne voulaient pas exposer leurs bêtes à la violence des flots déferlant par-dessus la haie des Tamaris bordant la route.

Depuis la naissance de l'école sur l'isthme, le problème des larguades avait-il été envisagé par les autorités municipales ? On ne sait trop, mais à plusieurs reprises, la sécurité des enfants et du personnel enseignant inquiéta certainement nos édiles de ce temps-là.

Il nous a été donné d'assister à ce spectacle troublant pour les familles les jours de larguades assez violentes pour isoler l'école et interdire aux enfants de rentrer chez eux. On devine l'émotion des parents qui heureusement pouvaient compter sur la solidarité des paysans du quartier environnant, arrivés sur les lieux au moment de la sortie des classes avec leurs chars à bancs tirés par de petits ânes gris ou autres haridelles pour acheminer les enfants vers leur domicile. Quel bonheur pour eux de se voir enlever du perron de l'école et rentrer sans mouiller leurs pieds.

Quel divertissement hors du commun ! Ce qui avait fait l'inquiétude des grands se terminait par des cris de joie chez les petits qui n'auraient pas été fâchés de voir ce spectacle se reproduire plus souvent. Il convient d'ajouter que ces incidents n'eurent jamais de conséquences dramatiques sur la vie des gens. Il fallait tout de même déplorer les dégâts matériels : bateaux endommagés par le fait d'amarrage fragiles, route de l'isthme encombrée d'algues et d'épaves venues du large, mares d'eau persistantes.

Nous reviendrons sur des largades plus meurtrières dont la population des rivages des Sablettes, de Tamaris et du Mourillon a gardé un troublant souvenir, de véritables tempêtes qui se produisirent au milieu de notre siècle, 1947 et 1959 plus précisément.

Le temps passait, les saisons se succédaient avec des alternatives d'un climat idéal et de caprices parfois dangereux de la mer déchaînée. Mais tout cela ne pouvait faire oublier aux habitants les événements dramatiques d'une guerre atroce qui n'en finissait pas. Des bords de l'isthme, on voyait toujours défiler devant Balaguier des unités de la marine nationale gagnant le large ou rentrant au ravitaillement dans l'Arsenal de Toulon ; on observait les hydravions de la base de Saint-Mandrier décollant de la baie du Lazaret ; on voyait de nombreux chars d'assaut essayer leur puissante mécanique dans un fracas épouvantable ; des engins dont on disait qu'ils allaient monter sur le front pour enfoncer les lignes ennemies d'une manière décisive.

Au moment où le maréchal Foch allait donner l'ordre d'envahir l'Allemagne jusqu'à Berlin, le gouvernement français et ses alliés décidèrent d'arrêter les combats. L'Allemagne fut contrainte à la signature de l'armistice du 11 novembre 1918.



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