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L'Isthme des Sablettes au fil du temps |
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Entre 1970 et 1983 : les festivités estivales
Il faut remonter loin dans le passé seynois pour rappeler l'importance que nos édiles ont toujours accordé aux fêtes votives ainsi appelées à la naissance de la communauté seynoise en raison de leur caractère religieux. Elles débutaient par une procession qui parcourait les artères principales de la ville avant de passer à des activités ludiques dont le caractère et les formes n'avaient guère évolué depuis le Moyen Age.
Avec la naissance de la IIIe République, des mutations se produisirent et nos anciens les firent s'étaler entre le 1er et le 14 juillet afin d'y associer avec ferveur la Révolution de 1789.
Leurs formes d'une extrême diversité attiraient toujours la grande foule. En ouverture, une retraite aux flambeaux musiques en tête, suivie pendant trois jours au moins de bals populaires, de concours de chants (opéra, chansonnettes), de courses pédestres, cyclistes, des régates, des joutes provençales, des concours de pêche, de boules, des rencontres sportives sur les stades. Comme on dit : il y en avait pour tous les goûts, pour tous les âges.
Le quai Saturnin Fabre a reçu des dizaines de grandes vedettes de la chanson et du théâtre, des artistes, des danseurs, des groupes folkloriques du plus haut niveau dont la liste serait bien longue à rappeler. Citons tout de même quelques noms restés présents dans toutes les mémoires : Line Renaud, Luis Mariano, Tony Poncet, Johnny Halliday, Jacques Brel, Eddy Mitchell, Lucien Lupi, Dalida, Joe Dassin, Isabelle Aubret, Claude Nougaro, François Deguelt, Lucien Huberty, Henri Médus, Julien Clerc, Michel Sardou, Sacha Distel, Enrico Macias, Jean Ferrat, Michel Delpech, Marcel Amont, Anny Cordy, Antoine, Henry Genès, John Williams, Michel Leeb, Dominguo Ramon, etc... Les spectacles se déroulaient aussi dans la cour de l'école. François Durand, devenue école Émile Malsert, également dans la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville.
Les années passant, indépendamment des fêtes de quartier, les organisateurs du Comité permanent des fêtes s'efforcèrent, dans le cadre d'une politique touristique, de prolonger les festivités de juillet jusqu'au 15 août.
Après le traditionnel feu d'artifice du 14 juillet tiré devant les chantiers navals s'imposa la nécessité d'organiser entre les Sablettes et Saint-Elme d'autres festivités dites de l'été ou encore appelées fêtes de la mer.
Il s'agissait bien sûr d'apporter de la joie dans ces quartiers les plus éloignés de la ville. Entre 1970 et 1980 sur l'isthme même, à Saint-Elme et surtout dans la cour des écoles Léo Lagrange et les jardins du Casino des Sablettes, vinrent se faire applaudir des artistes de haut niveau, des troupes folkloriques, des chanteurs, des comédiens, dont la liste qui suit sera certainement très incomplète.
On pourrait parler longuement des spectacles de Music-hall, de la Coupe Fernand Bonifay dont la musique attirait toujours la foule. Des artistes, des fantaisistes bien connus comme Francis Linel, Mathé Altéry, Roger Maire, Dany Luck, Josy Andrieu, Lucien Lupi, le ténor Enrique, firent la joie de milliers de Seynois.
Avec Rafael Aguilar, ce furent les chants et les danses d'Espagne ; avec Balliardo on accueillit les guitaristes gitans et aussi l'ensemble folklorique roumain Cluj.
Dans les jardins du Casino, ce fut l'ensemble sud-américain Kayapoka, Marmand et Suzanne Roger dans leur revue l'Escalade joyeuse, Pierre Perret, des galas de danses de l'opéra de Toulon.
Qui ne se souvient des spectacles de cirque avec Achille Zavata, du passage de France-Inter avec le jeu des 1 000 francs animé par Lucien Jeunesse ?
Dans le programme des festivités de la mer, il y avait toujours des concours de natation, de boules, de pêche, tandis que le yacht-club des Sablettes organisait la Course des deux frères. Les festivités de l'été se terminaient toujours par un feu d'artifice qui, à l'origine, fut tiré sur la jetée de Saint-Elme, mais interdit par la suite par les autorités maritimes à cause des dangers d'incendie sur les embarcations du port. Le Comité des fêtes l'organisa alors dans la cour des écoles Léo Lagrange et aussi sur les rivages de Tamaris.
Le Centre de Loisirs Jeunes (C.L.J.)
L'année 1982 s'enrichit de cette structure de haut niveau, oeuvre de la municipalité d'alors, qui se préoccupa beaucoup d'exploiter au mieux les possibilités de loisirs pour tous et en priorité pour la jeunesse qui bénéficia d'un service spécial.
Cette structure se chargea durant tout l'été, du 28 juin au 4 septembre, d'inviter la jeunesse seynoise et les vacanciers à se rencontrer autour des activités de plein air avec au programme des activités nautiques : voile, plongée, planche à voile, ping-pong, tournois organisés avec du football, du volley-ball, des régates, de la natation.
Le C.L.J., ouvert aux jeunes seynois de 15 à 25 ans, comporte un effectif de 130 adhérents encadrés de moniteurs de sport. Il fonctionne en été, tous les jours sauf le dimanche.
Cette structure municipale occupe deux moniteurs en temps ordinaire et six permanents pendant les vacances de l'été qui forment les adhérents spécialement à l'exercice de la planche à voile, au kayak, à la voile...
L'éventail des activités s'étend hors des limites de la commune : ski, patinoire de la Garde, piscine de Toulon.
Depuis sa création, le service municipal de la jeunesse a pris une extension considérable. Il a été question dans ce texte des activités essentiellement exercées sur l'isthme, mais il faut ajouter toute l'organisation des animations dans les foyers de quartier, les clubs, les centres aérés, les camps d'adolescents à la montagne, en Corse, etc...
Si l'on sait que l'Office Municipal des Sports, avec l'éventail des 25 disciplines sportives qu'il enseigne, on peut conclure que la jeunesse seynoise dans son immense majorité peut satisfaire amplement aux activités de son choix.
Dans cette période, la ville concessionnaire des plages et de son littoral sous-louait à des plagistes par contrat d'un an renouvelable. Les plagistes étaient tenus d'assurer la propreté des lieux. Il y en eut une dizaine répartis entre Mar Vivo et les Sablettes. Ils étaient tenus également d'employer un maître-nageur sauveteur ainsi qu'une embarcation de surveillance pour les zones de baignades.
Pour parfaire la sécurité, se tenaient en permanence dans l'ancienne station de pompage une équipe de sapeurs pompiers dotée d'un véhicule ambulancier et d'un véhicule incendie, prêts à intervenir sur tous les incidents de baignades, les secours routiers et les sinistres éventuels.
Nous verrons plus loin que le problème des plagistes ne donna pas toutes les satisfactions que l'on pouvait en attendre.
Chaque semaine, au pavillon du tourisme, une équipe d'hygiénistes venait rendre compte au Syndicat d'initiative et au Commissariat du résultat des analyses de l'eau et du sable. Les vacanciers et la population en général étaient tenus au courant de dangers éventuels de la pollution des eaux du rivage.
Rappelons au passage que, malgré toutes les précautions prises, les baigneurs furent quelquefois victimes de virus s'attaquant aux muqueuses même cachées, de champignons irritants entre les doigts de pieds. Comme on sait, le problème de la salubrité des eaux de baignades fait toujours l'objet, fort heureusement des autorités compétentes en la matière.
De tout temps, ces problèmes ont été suivis de très près par le Syndicat d'initiative en collaboration avec les municipalités et le département du Var dont la cellule antipollution rend compte aux autorités de ses travaux hebdomadaires.
À titre indicatif, il est bon de rappeler qu'en cinq ans et sur un millier de prélèvements, on n'a pu relever que deux cas de pollution accidentelle, lesquels ont été résorbés dans les 24 heures. Et c'est peu dire sur l'efficacité de la cellule antipollution.
Dans les années 1980-81, on put constater que les problèmes de la plage devenaient de plus en plus complexes, d'abord en raison d'un accroissement important de la population qui atteignit dans cette période 56.000 âmes. À l'afflux de nos concitoyens, sur la belle plage de sable fin, s'ajoutaient pendant les mois de l'été des milliers de touristes français mais aussi étrangers : allemands, belges, hollandais, orientaux... en sorte que la population passait à 80 000 habitants.
Si la saison estivale apportait à la ville et au commerce local des effets bénéfiques, par contre elle engendrait aussi des difficultés consécutives avec l'augmentation du trafic automobile.
Avec l'intensification de la circulation, ne fallait-il pas prévoir aussi les problèmes du stationnement ? Autres sujets d'inquiétudes pour nos édiles, la consommation d'eau passa de 13 000 m3 à 23 000 m3 par jour. Le volume des ordures ménagères dont la moyenne quotidienne était de 45 tonnes passa à 60 tonnes.
Autres litiges : en 1974, l'État avait concédé à la commune les plages des Sablettes et de Fabrégas aux conditions précisées dans un cahier des charges et accepté par les deux parties.
Depuis cette date, des contrats furent passés avec les plagistes auparavant sous-traitants de l'État. Les personnes très honorables sans doute, rémunérées par la location de parasols, de matelas pneumatiques, tenues d'assurer en contrepartie la propreté des plages et qui ne devaient surtout pas les envahir avec leur marchandise. Il fallut en venir à une autre organisation en accord avec eux pour que l'accès au bord de mer ne soit pas entravé par la location de planches à voile et de pédalos ou autres engins.
Une délibération du Conseil municipal de 1980 décida du non-renouvellement des concessions. La municipalité organisa alors avec ses services la propreté de la plage deux et même trois fois par semaine avec du matériel mécanique spécialisé.
Dans ces foules grouillantes de baigneurs, de sportifs, de promeneurs, sur des plages inextensibles et dont la largeur de sable se restreint parfois suivant les caprices de la mer, on trouve encore beaucoup trop des gens négligents, ignorant les principes du civisme le plus élémentaire, des rustres qui ne veulent pas voir les corbeilles à papier et qui laissent à leur place au moment du départ : des papiers gras, des bouteilles de bière et autres détritus alimentaires et qui pensent tout naturellement à un service de nettoyage qui fera la propreté pour eux.
L'année 1982 fut marquée par une recrudescence de la surveillance des plages avec le corps des sapeurs-pompiers qui fut renforcé par une vingtaine de saisonniers, tous détenteurs d'un diplôme de secouristes.
C'est très bien tout ça ! disaient les assidus de la plage. Mais ça ne règle pas le problème des chiens, disaient des retraités qui n'hésitaient pas écrire au Maire pour exprimer leur mécontentement.
Une Seynoise écrit à ce propos : « Nous en avons assez de ces propriétaires de chiens qui s'insurgent contre la plainte des gens ».
Des algarades sévères éclataient parfois entre les usagers de la plage et les propriétaires de chiens, incapables de maîtriser leurs bêtes.
Au sortir de l'eau qu'ils aimaient bien, ils éclaboussaient de paisibles lecteurs étendus sous des parasols ; ils bousculaient des enfants et au milieu des gens, ils satisfaisaient leurs besoins les plus urgents. Généralement les propriétaires de chiens n'incriminaient pas leurs bêtes, auxquelles d'ailleurs ils attribuaient toutes les qualités. Il s'ensuivait des altercations parfois violentes.
- « Mais enfin, entendait-on, le pipi et les crottes de vos animaux, c'est tout de même dégoûtant sur le sable ! ».
La personne visée répliquait :
- « Qui n'aime pas les bêtes n'aime pas les gens. Soyez rassurés : le caca du chien sera enfoui dans le sable ! ».
- « Ah ! oui ! en voilà une solution ! Les enfants qui jouent avec leur pelle et leur seau auront de drôles de surprises en creusant. Vous ne pouvez pas comprendre ça, non ! ».
Un autre baigneur ulcéré de tant d'insouciance et de bêtise des pollueurs s'écriait :
« Et vous dites que vous aimez les chiens ! Pauvre diable ! Quand vous l'attachez au bout d'une corde ou d'une chaîne de deux mètres, quand vous l'enfermez dans un cabanon exigu et obscur, quand vous le laissez aboyer du jour de l'an à la Saint-Sylvestre sur un balcon et qu'il empoisonne la vie de tout un quartier, vous trouvez ça normal monsieur ! ».
Voilà des scènes vécues fréquemment sur nos plages et qui posèrent des problèmes délicats aux surveillants préposés au maintien de l'ordre. Il fallut en venir à l'interdiction de la plage aux canidés, malgré les protestations de leurs patrons à la compréhension plutôt limitée.
Autrement dit, la plage connut cette autre forme d'agression pendant la saison estivale. Le Maire et ses collaborateurs qui recevaient souvent des lettres de protestations justifiées furent confrontés à des problèmes de plus en plus complexes. Comment détecter et enlever les immondices enfouies dans le sable ?
Avant de quitter l'année 1982 et les litiges de la plage, retournons quelques instants sur le rivage opposé pour rappeler la création par le S.I.T.C.A.T. (dont il n'est pas inutile de répéter la signification du sigle : Syndicat Intercommunal des Transports en Commun de l'Agglomération Toulonnaise), d'un ponton d'amarrage pour les vedettes en provenance de Toulon, à quelque cent mètres de l'ancien port de la ligne Michel Pacha, dont les vestiges émergent encore de nos jours. La ligne maritime Toulon - Les Sablettes allait contribuer dans une large mesure à la réputation touristique de notre ville.
Par surcroît, il fallut, compte tenu de l'afflux des plaisanciers de la mer et de la croissance de la population seynoise, procéder à une restructuration du réseau routier. La ligne 83 allait desservir Fabrégas, La Seyne Centre, Tamaris, les Sablettes, Saint-Mandrier.
Tout cela fut possible grâce au rachat par le S.I.T.C.A.T. des actifs de la Société des Cars Étoile.
Certes, cette société avait rendu de grands services dans le passé, mais dans la période qui s'ouvrait, elle ne pouvait plus répondre aux immenses besoins de la population, ce que la municipalité de l'époque avait parfaitement compris en sollicitant toutes les autres communes de l'aire toulonnaise pour la création d'un syndicat des transports qui démarra en 1979 et qui accusera bientôt 20 ans d'existence.
La création de cet organisme indispensable vivement approuvée par le vieux Syndicat d'initiative aurait dû favoriser les conditions d'admission de La Seyne au rang de station balnéaire et lui donner des moyens efficaces pour vaincre et résoudre la multitude des litiges dont il était question plus haut.
Hélas ! la suite de notre historique montrera que la bataille est loin d'être gagnée.
Tous ces problèmes délicats relatifs à la sécurité, à l'hygiène et la propreté, à la convivialité indispensable à l'utilisation la meilleure possible pour la population autochtone et aussi étrangère, ne devaient pas estomper l'objectif essentiel à savoir le classement de La Seyne en station balnéaire et touristique.
Si cela pouvait se réaliser, la ville pourrait bénéficier d'attributions spéciales de l'État et pourrait prélever sur l'hôtellerie une taxe de séjour comme cela se fait ailleurs, mesure dont le tourisme n'aurait pas à souffrir et qui pourrait être aussi un allègement de la pression fiscale dont la population locale serait bénéficiaire.
Pour réussir cette opération, il fallait que la Municipalité monte un dossier solidement étayé, faisant état de la richesse des sites naturels, de son équipement général, de ses structures touristiques et culturelles.
Les arguments ne manquaient pas.
Où trouver des sites aussi enchanteurs que la forêt de Janas, les côtes merveilleuses de la presqu'île de Sicié, les plages de sable fin des Sablettes, de Mar Vivo, de Fabrégas, la corniche merveilleuse ?
Les équipements touristiques existaient bien avec des hôtels, des campings, des meublés, des résidences secondaires. Tout cela représentait des milliers de lits pour les vacanciers. L'équipement général n'était-il pas satisfaisant avec un réseau routier développé, ses éclairages puissants, son assainissement, ses zones de stationnement ?
Au plan culturel, la ville offrait ses établissements ecclésiastiques (Église, Chapelle de Notre-Dame du Mai), le Fort de Balaguier, de l'Éguillette, le Fort Napoléon, ouvrages historiques très connus.
Quant aux équipements sportifs la liste en est bien longue : des stades, des gymnases, le C.R.A.P.A. (Circuit Rustique des Activités Physiques Aménagées), des clubs en tous genres, des courts de tennis, etc...
Après le montage de dossiers bien ficelés, comme on disait, deux années s'écoulèrent sans réponse positive de la part des administrations concernées.
Après des rappels courtois, elles signifièrent tant à la municipalité qu'au Syndicat d'initiative que les conditions de salubrité n'étaient pas encore réunies à savoir l'incinération des ordures ménagères et l'épuration des eaux de l'émissaire commun.
Et pourtant ces deux obstacles étaient bien en passe d'être levés puisque l'usine d'incinération était en construction et les premiers travaux de l'usine d'épuration allaient être lancés en 1984.
Oui ! Mais tout cela n'était pas suffisant pour les pontifes parisiens et il ne pouvait être question du classement de La Seyne en station touristique et balnéaire.
Les années ont passé. L'usine d'incinération a été réalisée à Lagoubran et les travaux de la station d'épuration s'achèvent. La population seynoise attendra-t-elle encore longtemps le classement de la ville, espéré depuis années ?
Son expérience est déjà longue.
Elle a attendu plus d'un siècle pour voir assurer la stabilisation de l'isthme et permettre ainsi de bonnes liaisons entre La Seyne et Saint-Mandrier.
Elle a attendu 65 ans pour obtenir enfin la réalisation de l'émissaire commun et la disparition des toupines et des torpilleurs !
Elle a attendu 80 ans l'arrivée sur la côte des eaux pures de Fontaine L'Évêque, promises par Clemenceau au début du siècle alors qu'il était sénateur du Var.
Elle a attendu 15 ans la reconstruction de l'Hôtel de Ville détruit en 1944 par l'aviation américaine. Elle n'est donc pas au bout de ses peines. Patience et longueur de temps... !
Retournons sur les rivages de la petite mer où les plaisanciers, les habitants de l'isthme, les touristes continuent de souffrir de cruelles désillusions.
Restons dans les années 80-83 sur les terrains comblés dans le désordre, côté Lazaret, après l'abandon du sinistre projet des Marinas, laissant un port sauvage où tant bien que mal des centaines de bateaux de la petite plaisance venaient s'y amarrer.
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Depuis la création de la S.N.P.M., à chaque réunion du Conseil d'Administration, il était question du projet de port que les plaisanciers attendaient. Chacun suivait de près les formalités engagées auprès de toutes les personnalités et les organismes concernés comme la Municipalité, la Chambre de Commerce, la Direction Départementale de l'Equipement, les services financiers à tous les niveaux et naturellement les ministères grands décideurs des projets les plus importants comme celui de la baie du Lazaret.
Enfin après trois années de discussions et d'interminables palabres, une lueur d'espoir jaillit parmi les adhérents de la S.N.P.M., quand on sut que le ministère de l'équipement avait pris une décision de comptabilité pour un projet de port de 950 places proposé d'ailleurs par les services maritimes de Toulon en accord avec les Municipalités.
L'avantage de ce port était relativement bas : 30 millions pour des profondeurs allant de 1,50 m à 3 m en des lieux particulièrement abrités. Il était aussi question d'utiliser au mieux les 5 hectares de terre-pleins pour des parkings, des aires de réparations, des chantiers, des magasins.
L'ingénieur chargé de la circonscription maritime affirmait que le permis de construire pouvait être espéré pour le milieu de l'année 1981.
De son côté, la Municipalité de l'époque intervenait pour que soient pris en compte les intérêts des mytiliculteurs et demandait d'avoir la maîtrise des aménagements qui faisaient état d'un complexe de loisirs, d'une salle culturelle, de locaux d'animation pour les associations du quartier, des espaces verts, etc... La S.N.P.M. souhaitait être associée à une gestion communale éventuelle. Tout cela était captivant. Mais les mois et les années s'écoulèrent et rien de positif n'apparut dans les solutions espérées par les plaisanciers de la mer, les paysagistes, les promeneurs du Dimanche, les touristes aux regards desquels s'offrait le triste spectacle des comblements inachevés, des terrains dénudés, bosselés, d'épaves coulées sur les rivages ou traînant éventrées sur les terres-pleins.
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Ces spectacles de désolation incitaient les chapardeurs, les voleurs, les vandales à lacérer des tauds, à forcer des serrures.
Les responsables de la Société nautique alertaient la police dont les rondes de nuit effectuées en voiture restaient le plus souvent infructueuses. On pouvait signaler par exemple qu'au mois d'avril 1984 dix bateaux avaient été visités dont les pièces extérieures en bronze ou en cuivre avaient disparu. Des fragments de moteur ou même des moteurs entiers avaient été emportés.
Tous ces faits révoltants prenaient la forme d'une agression nouvelle qui s'ajoutait hélas ! à beaucoup d'autres, à telle enseigne que l'isthme des Sablettes sembla focaliser tous les méfaits et les turpitudes du genre humain.
Les aborigènes disaient : « L'isthme des Sablettes deviendrait-il un terre maudite ? ».
Après les affairistes, les stratèges, les militaires, les bohémiens, les rats, les chapardeurs, ce furent les agressions financières, la Chambre de Commerce et d'Industrie ayant décrété une augmentation des taxes d'amarrage de 100 % alors que rien ou presque n'était accordé aux revendications, ô combien légitimes des petits plaisanciers. Et le comble fut atteint quand on apprit que la C.C.I. n'était pas concessionnaire des terrains !
On aurait dit que les administrations de l'équipement, de la Chambre de Commerce, des affaires maritimes se liguaient contre les plaisanciers pour les inciter à déguerpir et se fixer ailleurs.
Autre mesure vexatoire : la route d'accès à leur esquif fut un jour coupée par des alignements d'énormes parpaings destinés parait-il à interdire les transports de décharges sauvages. La C.C.I. se défendait d'avoir donné de tels ordres, accusant la Préfecture d'une telle décision.
On assista même un jour à la tentative d'un bulldozer d'obstruer le goulet d'entrée et de sortie du plan d'eau principal pour y enfermer des dizaines d'embarcations dans leur refuge.
On avait peine à imaginer de telles mesures répressives de la part d'une administration d'État qui en venait à l'intimidation et la force parce qu'en fait, elle était incapable de résoudre les difficultés et le demeure depuis bientôt vingt ans.
Le plan d'eau ne fut pas bouché grâce à l'intervention musclée des petits pêcheurs de la petite mer qui menacèrent d'envoyer par le fond bulldozers et conducteurs.
Toutes ces mesures de rétorsions, d'intimidation visaient à décourager les modestes plaisanciers dans la perspective de favoriser un jour les riches propriétaires de yacht. À la S.N.P.M., on n'était pas opposé à la venue de grandes unités, mais la mer appartenant à tous, les petites gens avaient aussi le droit d'y prendre quelques loisirs.
Moins de dix ans après sa naissance, la société nautique risquait de voir tous ses efforts réduits à néant.
Posidonie annonça aux adhérents que la baie du Lazaret avait fait l'objet d'un concours et que les idées dominantes portaient d'une part sur la réalisation d'un port de 3000 places et d'autre part le percement de l'isthme des Sablettes par un canal reliant la baie du Lazaret à la grande mer à hauteur de Saint-Elme. L'idée n'était pas nouvelle ; cette proposition émise par Michel Pacha vers la fin du siècle dernier, reprise avant la première guerre mondiale, avait déclenché de rudes polémiques dans la population des rivages.
Dans ce projet gigantesque, la grande plaisance y voyait des avantages certains, tout d'abord l'espérance de gagner la haute mer plus vite, en évitant les zones de la rade soumises à l'autorité stricte de la marine. Les affairistes à l'affût d'opérations financières juteuses parlaient d'un viaduc reliant directement Balaguier au Pin Rolland. Dans cette même époque, il était envisagé l'élargissement de la route de Six-Fours aux Sablettes à soixante mètres, après une grande dérivation de l'autoroute de Nice, à hauteur des Playes. Et tout cela pour aboutir au cul-de-sac de Saint-Mandrier !
L'assurance des dirigeants de la S.N.P.M. d'obtenir un jour un vrai port de plaisance, ne fut pas ébranlée pour autant et sans se laisser abattre ils décidèrent en concertation avec le comité d'intérêt local des Sablettes, les écologistes et l'appui de dix autres associations locales, d'élaborer un autre projet, celui-là à but non lucratif et résolument opposé au percement de l'isthme, redouté aussi terriblement par les mytiliculteurs. Ce dernier projet proposait également de créer sur les comblements désertiques des aires de jeux, de loisirs, de sports diversifiés, de détente, des espaces verts, une piscine et même un stade de tennis, de niveau international.
Nous étions en 1987. Les années passèrent dans le silence et l'immobilisme des autorités compétentes.
Nouvelles menaces avec le projet de 1994
Il émanait de la municipalité et traitait de l'aménagement de la baie du Lazaret, précisait dès l'abord les volets technique et financier qui vraisemblablement ne pouvaient être discutés avant l'examen des bases juridiques établies et examinées avec le plus grand soin.
Il ne sera pas question ici d'entrer dans les arcanes de la politique municipale en 1994 à savoir si l'on devait appliquer une convention concédant le service public du tourisme à l'association Forum des loisirs actifs et s'il fallait poursuivre la convention confiée à S.A.M.E.T.O.V.A.R. une étude sur la faisabilité d'un aménagement de la baie du Lazaret.
Le projet mentionnait des études indispensables sur l'aspect juridique concernant le terre-plein sur le milieu marin, la courantologie, la sédimentologie...
Il faisait également état d'une lettre de la Marine nationale de juillet 1990 qui autorisait la création de 1000 anneaux à l'intérieur d'un port de plaisance dans la perspective de faire disparaître les endigages et anneaux sauvages.
Comme les projets antérieurs l'avaient proposé, il évoquait la création d'un vaste parc paysager sur l'isthme, la mise en place de structures d'accueil, de commerces, de quelques habitations (côté des Sablettes), d'un parking, etc...
Le projet rappelait au passage l'attribution d'une A.O.T. (Autorisation d'Occupation Temporaire) à la Société nautique de la petite mer pour une capacité de 350 bateaux. Il estimait nécessaire de porter au moins à 600 le nombre des créations.
Il envisageait sous forme de questions le maintien ou la suppression de certaines activités exercées jusqu'ici sur le site. Par exemple :
Passons sur les recommandations du respect de la Loi Littoral et retenons surtout la conclusion qui souligne que la baie du Lazaret est une impasse, qu'il n'y a pas d'échange d'eau avec le large et que la commune aurait intérêt à préserver la possibilité dans le long terme de réaliser un percement de l'isthme.
Donc pour la quatrième fois de notre histoire locale était posée cette menace de voir la baie du Lazaret mêler ses eaux à celles du grand large contrairement à ce que la nature avait décidé trois siècles auparavant.
La réaction des écologistes, des mytiliculteurs ne se fit pas attendre. Les polémiques s'enflammèrent opposant les partisans et les opposants au percement de l'isthme. Ce dernier projet de 1994 ne vit jamais un commencement d'application et il faut dire aussi que, dans cette période, les luttes politiques des élus majoritaires prirent un tour si néfaste, les oppositions d'intérêt devinrent si aiguës, que la population seynoise ne pouvait rien attendre de très positif dans la gestion des biens de la communauté locale. Et depuis, elle continue à assister à la dégradation d'un site exceptionnel qui aurait dû être le plus beau fleuron de l'environnement seynois. Il est vrai que la face de l'isthme tournée vers le grand large présente toujours un grand intérêt touristique et comme les lignes précédentes l'ont montré de nombreux aménagements et dispositions administratives ont permis le développement d'activités de loisirs surtout en faveur de la jeunesse.
Par contre, les terrains propres de l'isthme ont vu naître des installations dans le désordre, certaines dans un but lucratif évident ; des structures d'activités éphémères qui n'ont guère embelli le site, mieux encore l'ont dégradé, au point que les spectacles de désolation suscitent dans les populations riveraines des protestations légitimes.
L'isthme des Sablettes atout vu : des conflits à caractère économique, des menaces de destruction à caractère stratégique, des déprédations à caractère militaire durant les guerres mondiales.
Dans ce dernier cas, on ne peut pas incriminer les autorités locales qui subirent la loi de la soldatesque ennemie.
Mais les plus grands dommages ne sont pas venus de l'extérieur. Ils ont été le fait de l'incompétence, des complexités administratives, des affairistes locaux, des urbanistes. Rappelons tout simplement ce qui a été dit dans les pages intitulées des années désastreuses.
À partir de là, l'isthme a été utilisé de façon anarchique sans consultation aucune avec les riverains et les associations locales.
On vit s'accumuler sur les terrains de comblement, après le projet des Marinas avorté, des activités de toutes sortes pour le moins discordantes : port sauvage, dépôts d'ordures où grouillaient les rats, invasion des bohémiens (pardon ! les gens du voyage), un terrain de football voisinant le parking autos, un espace réservé à un karting qui n'a jamais trop fonctionné ; des terrains occupés épisodiquement par les spectacles de la radio, les cirques et toute la pollution qui s'en suivait, un marché à la brocante (les puces, si vous préférez), un cinéma saisonnier.
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Pour protéger le parking des incursions romanesques, il fallut l'entourer de parpaings énormes. Quel triste spectacle !
Entre le bloc monolithique du Bali, abandonné par la S.A.I.L.I.M., et les Sablettes, on vit un jour s'ériger un immense chapiteau de toile à usages multiples, structure émanée d'un Comité d'Expansion de la Région Var-Ouest (C.E.R.V.O.) qui fut à la fois un restaurant, une salle de spectacles.
Ce chapiteau reçut pendant quelques années des artistes, des musiciens. On y organisa des soirées dansantes, des concerts, des expositions, des combats de boxe, etc... Le chapiteau du C.E.R.V.O. a disparu. Et puis ce fut l'arrivée du Luna Park.
Et puis ce fut l'érection proche du débarcadère du S.I.T.C.A.T. par les Chantiers de La Seyne d'une énorme plaque chauffante destinée à préparer des paellas monstres, sans doute pour apporter quelque gaîté sur l'isthme. Tous les gogos que ne rebutaient pas les opérations publicitaires venaient remplir une modeste écuelle en se congratulant.
Cette plaque qui voulut apporter un agrément d'une journée ou d'une soirée a disparu, elle aussi.
L'historique de l'isthme des Sablettes qui s'achève et que j'ai voulu intégrer dans les Images de la vie seynoise d'antan s'arrête en ce XXe siècle finissant.
Il comporte sans aucun doute beaucoup de lacunes mais après avoir consulté les témoins moribonds des quartiers Les Sablettes, Saint-Elme, Tamaris, après avoir trouvé quelques documents d'archives, après en avoir appelé à mes souvenirs personnels nombreux et précis remontant tout de même au début de notre siècle agonisant, il m'a semblé que mes concitoyens pouvaient être intéressés à ces rappels de la mémoire seynoise.
Pour les résumer en quelques phrases, il a bien fallu expliquer la formation géologique de cet espace restreint de notre terroir, le plus jeune par rapport à tout le reste de notre communauté.
L'étroite bande de terre exondée au début du XVIIe siècle, il fallut la stabiliser pour relier la grande île de Sepet au continent et assurer des communications régulières.
Nos ancêtres ont eu bien du mérite à lutter contre les éléments naturels, contre les agressions aux formes multiples (celle des lesteurs pour commencer), les convoitises administratives dissimulant parfois des intérêts particuliers, contre les destructions de la guerre, contre des projets urbanistiques, véritables défis à la nature.
Et malgré toutes les difficultés, les nuisances accumulées, l'isthme des Sablettes s'est ouvert peu à peu à la vie pour jouer tout de même un rôle économique puis stratégique, puis touristique.
L'édilité seynoise qui eut la responsabilité de gérer ce bras de terre créé par les forces de la nature, n'eut pas toujours un rôle facile à jouer face aux événements complexes de l'histoire, aux séismes politiques, aux conflits nationaux et internationaux.
Elle a tout de même obtenu des bilans positifs en favorisant le développement économique de Saint-Mandrier et son port, en assurant une solide défense de Toulon premier port de la marine militaire et du littoral varois par l'efficacité de nombreux ouvrages fortifiés.
Il faut bien reconnaître objectivement l'existence sur les rivages sablonneux face au grand large, de structures favorisant au mieux les aspirations de nos concitoyens et des touristes venus parfois de très loin.
La jeunesse peut aujourd'hui y pratiquer des activités sportives et ludiques très variées.
Par contre, il serait bien difficile de tenir des propos laudatifs sur les structures et les activités de la face opposée côté Tamaris et Lazaret.
L'isthme a connu des périodes fastes mais aussi des maléfices. Il est indubitable, répétons-le, qu'avec le projet avorté des Marinas en 1972 ont commencé les années les plus désastreuses de ce coin de notre littoral et de son environnement, honteusement dégradé au cours de ces dernières années, alors qu'il devrait être un parc paysager magnifique un lieu de loisirs paisibles et de rencontres conviviales. Cette situation explique les réactions citoyennes d'associations nouvelles constituées dans le but de sauvegarder les valeurs touristiques de l'isthme et de son voisinage.
On a vu naître et s'exprimer un Comité de survie de la baie du Lazaret, une Association pour la défense de l'environnement de l'isthme des Sablettes (A.D.E.I.S.), une Association de Protection et de Développement du Patrimoine Maritime Seynois et du Var (A.P.D.P.S.M.V.), une autre intitulée Héritage et Paysage, cette dernière s'élevant particulièrement contre l'urbanisation.
De son côté, la Municipalité actuelle travaille à l'élaboration d'un vaste plan d'aménagement sur lequel il nous faudra revenir dans la conclusion de notre récit.
Saint-Elme autrefois et aujourd'hui
Il est probable que l'adoption définitive d'un projet de réaménagement de l'isthme passera par de nombreuses discussions où s'affronteront sans doute des points de vue divergents sur la meilleure utilisation possible des quelques hectares de terre compris entre les Sablettes et Saint-Elme au port si joli. De l'avis général, il semble bien que cette partie du rivage ne fera pas l'objet de grandes transformations susceptibles de contrarier ses occupants paisibles qui s'y trouvent très à l'aise dans l'état actuel des choses.
Certes des mutations à caractère économique et social s'y sont produites insensiblement. Depuis la fin du siècle dernier qui vit s'installer sur le rivage les premiers habitants du hameau, presque tous des pêcheurs, jusqu'à nos jours, le peuplement a été lent, les possibilités d'extension étant forcément limitées par l'étroitesse de l'espace compris entre le rivage et la pinède le dominant.
Quelques familles s'y établirent avec peine dans l'inconfort évoqué au début de l'ouvrage, au total une cinquantaine de personnes. On en compte quelque trois cents après un siècle écoulé, mais les familles de pêcheurs professionnels ont quasiment disparu car Saint-Elme a perdu sa vocation première.
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Observons au passage que la corporation des pêcheurs de la communauté seynoise a connu durant le siècle écoulé un dépérissement mortel. Dans les années 1865-1870 il existait des centaines de pêcheurs professionnels de La Seyne jusqu'à Saint-Mandrier en passant par les ports des Mouissèques, du Manteau, de Tamaris, des Sablettes et de Saint-Elme.
Tous ont perdu leur vocation première.
Le petit port de pêche de Saint-Elme est occupé aujourd'hui par de petits plaisanciers amateurs de la pêche et de la voile. Le nombre des professionnels n'a cessé de décroître. On en comptait une cinquantaine vers la fin du siècle dernier en intégrant ceux qui exploitaient les richesses de la petite mer.
Après la dernière guerre, il y avait encore 18 bateaux de professionnels. Aujourd'hui, il en reste quatre seulement.
Ces chiffres sont très significatifs de la décadence d'une profession très honorable qui assura pendant longtemps la prospérité de notre communauté seynoise. Hélas ! elle n'a pas échappé aux conditions de la vie économique nouvelle aux bouleversements parfois surprenants. On peut ajouter qu'avec la disparition des jardins potagers, des vignobles et des vergers, les activités agricoles ont subi le même sort que celles de la mer. Les paysans en majorité ont vendu leurs terres cultivées pour faire place à des lotissements et ensembles urbanistiques plus ou moins attrayants.
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Revenons à nos braves pêcheurs qui connurent tout de même les progrès de la modernité avec le moteur à explosion qui allégea bien leurs peines, plus tard le moulinet pour tirer leurs filets à bord sans fatigue, plus tard la cale de halage érigée à la création de la base nautique. Qui aurait pu prévoir qu'un jour les grandes surfaces et leurs surgelés seraient des concurrents mortels pour nos braves pêcheurs ?
Les plus anciens d'entre eux bénéficiaires d'une petite retraite de l'Inscription Maritime, au cours de leurs rencontres sur la jetée, au bistrot, au jeu de boules aiment toujours raconter passionnément les conditions de vie de leurs ancêtres.
On se souvient de l'époque héroïque où il fallait teindre les filets dans un immense chaudron plein d'une décoction obtenue en faisant bouillir des écorces de pin. Les pêcheurs retraités ont tenu à conserver le local où s'accomplissait cette tâche indispensable.
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On évoque l'existence du premier bistrot de la famille Donat face à la jetée, au bas duquel les dames Pignatel et Christin lavaient leur linge dans un tout petit lavoir. C'était là qu'avant le lever du jour fonctionnait le batti feux, une sorte de lumignon agité pour signaler la sortie du port sans doute avant la création du feu Saint-Elme.
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Si dans son aspect général le hameau n'a pas beaucoup changé, il n'en a pas été de même de ses activités avec, comme nous le disions, la disparition presque complète des professionnels. Le restaurant Cossé (puis Verhust) a fermé ses portes et vendu l'établissement à la ville qui organise parfois des Expositions dans la plus grande salle. Ont disparu depuis longtemps la petite épicerie de Madame Benzi sise sur la place Gaudemard qui connut également le restaurant Donat et sa grande salle qui recevait de loin en loin les banquets de mariage et autres réjouissances (voir illustration jointe).
Dans une période plus proche de nous, on vit s'ouvrir dans les années 1970 un établissement à usage de dancing appelé Tam-Tam, lequel ne dura qu'une dizaine d'années. Cette structure de loisirs avait été lancée par M. Marboeuf propriétaire d'un restaurant sur la route de Saint-Mandrier.
Vestige du passé : la fameuse maison tournante, imaginée par M. Basso qui pouvait changer d'horizon chaque jour : une curiosité qui attire toujours le regard des passants remontant le boulevard Porchy.
Deux faits remarquables à noter quand on fait le tour du hameau : l'appellation des rues et des traverses atteste le souci des habitants qui ont sollicité la Municipalité pour perpétuer le souvenir des plus anciennes familles de pêcheurs : Gaudemard, Vuolo, Imbert, Christin, Boeuf, Sauvaire. Satisfaction leur fut donnée, bien sûr.
Autre fait notable : les petits propriétaires du hameau où règne une atmosphère conviviale ont à coeur d'entretenir un jardinet qu'ils arrosent très souvent avec l'eau d'un puits creusé depuis la fin du siècle dernier alors que l'eau de la ville n'arrivait pas encore sur l'isthme des Sablettes.
Les maisonnettes et les puits furent baptisés de noms provençaux qu'on peut encore lire aujourd'hui.
Par exemple : Li sian ben (traduisez : Nous y sommes bien), Lou pantaï (Le rêve), Lou bouan pous (Le bon puits), Lou bouan cantoun (Le bon coin). Tout cela est fort sympathique et montre que le caractère du hameau n'a pas tellement varié.
Ce qui a bien changé par contre c'est la disparition de structures à caractère économique. De l'hôtel Lamy, transplanté sur la plage depuis l'après-guerre, il ne reste que le restaurant.
Ce qui a bien changé, c'est l'apparition des structures de loisirs. Il a bien fallu aménager des parkings qui font le plein les jours de week-end. Saint-Elme a pris un caractère tout différent avec les activités de la mer prisées par des centaines de jeunes gens amoureux de la voile, de la plongée sous-marine, sans parler des plaisanciers de la pêche toujours très nombreux.
On peut dire que la formation de l'isthme a donné naissance à trois plages : Saint-Elme, les Sablettes, Mar Vivo qui n'en forment qu'une s'étirant sur un bon kilomètre dont il faut bien reconnaître qu'avec l'accroissement de la population autochtone et touristique, sa capacité d'accueil est devenue très insuffisante.
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D'année en année les gens ont de la peine à y trouver un espace vital pour s'y étendre à la belle saison, s'y faire bronzer, se reposer, y faire jouer leurs enfants, installer leur parasol et autres engins de plage sans être incommodés par les joueurs de ballon, les chiens ; sans subir les assauts des marchands de tapis, d'amulettes, de bracelets, de bonbons, de boissons, de frites, sans oublier les photographes. Au dire des usagers, en pleine saison touristique, la plage d'aujourd'hui présente beaucoup trop d'inconvénients, ce qui explique l'afflux des amoureux de la mer vers les calanques rocheuses de la Vernette, de la Verne, du Bau rouge ou du Boeuf.
Ils s'équipent de chaussures légères en caoutchouc permettant de parer aux désagréments des galets ou du gravier. Quand ils ont assez d'eau pour nager, ils vont d'un îlot rocheux à un autre s'initiant à la pêche aux arapèdes et quelquefois nantis d'une petite foëne, ils s'en reviennent avec un poulpe ou une seiche. Le plaisir de la baignade est doublé de celui de la pêche.
Voilà comment et pourquoi de nos jours les calanques rocheuses désertées autrefois sont fréquentées intensément aujourd'hui.
Je ne veux pas extrapoler davantage en vous parlant des plages artificielles auxquelles il n'est pas interdit de penser sur les rivages du Lazaret par exemple.
Commentaires en guise de conclusion
Il est bien difficile de conclure un tel ouvrage aux facettes si nombreuses et si diversifiées, car l'histoire de l'isthme va se poursuivre dans des conditions nouvelles, avec des événements imprévus.
Comme il a été dit, cette histoire a commencé aux ères géologiques les plus lointaines. Sa géographie terrestre et maritime a forcément connu au fil du temps des mutations profondes. La mer et ses mouvements parfois redoutables ont rogné les promontoires, soudé des îles entre elles, construit des presqu'îles en les rattachant au continent.
La géologie, la géographie par leurs évolutions incessantes sont devenues l'histoire, histoire physique d'abord puis humaine, et à partir de là, ont commencé les combats entre la puissante nature et l'homme avide de la maîtriser pour mieux satisfaire ses intérêts égoïstes.
L'histoire de l'isthme est une longue illustration de ces combats agressifs qui durent depuis plus de trois siècles et dont certains ressurgissent pour des motifs identiques à ceux du siècle dernier.
J'ai essayé de raconter aussi fidèlement que possible des faits et des événements auxquels il m'a été donné d'assister, ayant eu la chance d'atteindre un âge respectable et de me souvenir beaucoup.
Il importe d'ajouter qu'il n'existe aucune trace de mes récits dans les archives officielles et je crois pouvoir affirmer, sans aucune ostentation qu'ils doivent contribuer à une enrichissement de notre histoire locale.
Amoureux de ma terre natale, j'ai voulu montrer à travers ces pages que l'isthme des Sablettes c'est tout un pan de notre patrimoine historique seynois qui ne devait pas tomber dans l'oubli.
Mes réflexions ont porté sur les sujets les plus divers : conflits administratifs, problèmes de la pêche, du tourisme, de l'instruction publique, naissance des transports collectifs avec l'apparition de nouvelles sources d'énergie comme la vapeur et l'électricité, invasion des nomades,... tout cela émaillé des exploits de quelques silhouettes folkloriques...
Le lecteur trouvera peut-être excessive l'accumulation de faits et de sujets si divers et pourtant dignes d'intérêts. Quand on raconte ses souvenirs personnels, on est souvent conduit à des extrapolations plus ou moins justifiées.
Certains trouveront peut-être hors du sujet les longs développements sur la pêche à Saint-Elme et dans la baie du Lazaret. J'avoue avoir été tenté de le faire parce qu'après avoir affirmé mon amour de la mer, j'ai oublié de dire que les journées, que dis-je ? les années passées sur les rivages de la grande et de la petite mer, comptent parmi les meilleures de mon existence.
Ajoutons qu'au rappel des vieux pêcheurs de mon pays provençal, j'ai été obligatoirement conduit à utiliser souvent à travers mes récits, des expressions de notre langue d'oc si belle pour désigner les termes de la pêche, les espèces marines ou les phénomènes de la nature.
N'oublions pas qu'au tout début de notre siècle, nos ancêtres pêcheurs, ouvriers et paysans s'exprimaient le plus souvent en langue provençale.
Un autre aspect à ne pas négliger : ne fallait-il pas donner aux familles des pêcheurs d'autrefois qui apportèrent à la population seynoise des richesses considérables en produits comestibles, la place très honorable qu'elles méritent surtout au rappel de leurs conditions de vie et de travail difficilement supportables.
Autre remarque : j'espère en l'indulgence du lecteur qui sera peut-être surpris par la familiarité de quelques expressions et aussi le langage parfois incongru de certains personnages. Les poissonnières de Saint-Elme, de La Seyne ou d'ailleurs n'ont-elles pas leur franc-parler en déliant si bien leur langue ?
Je n'ai pas voulu terminer ce livre par des polémiques. La presse locale se chargera de le faire en opposant les points de vue divergents des hommes politiques qui alimentent les chroniques abondamment sur le sujet brûlant qu'est devenu l'isthme des Sablettes.
Mon rôle n'est pas d'accuser tel élu, tel président d'avoir fait ou de n'avoir pas fait ceci ou cela.
Mais il ne m'était pas possible de ne pas évoquer l'aspect chaotique que l'isthme a pris dans notre dernier quart de siècle, véritable gâchis qui aura été le résultat d'incompréhensions, d'incompétences, de complexités administratives sans fin, d'événements fortuits qui ont, hélas ! dépassé nos édiles, des intrigues d'hommes d'affaires douteux dans la perspective de profits juteux, autant de raisons génératrices de la situation lamentable que nous connaissons aujourd'hui, au point que, de l'avis général, on peut affirmer que l'isthme des Sablettes n'en peut plus.
Et ce n'est pas le nom de Bali signifiant par définition le paradis qui apporte une note joyeuse dans le paysage. Soit dit en passant, ce monolithe affreux aurait dû disparaître depuis longtemps.
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Je ne peux m'empêcher dans cette sorte de conclusion d'exprimer encore des déceptions en constatant, hélas ! des agressions dont l'isthme et ses riverains sont toujours victimes : les vols, les actes de malveillance, de vandalisme même.
Il n'y a pas si longtemps, les locaux de l'U.M.G.O.S., association citée plus haut, n'ont-ils pas été incendiés ? Tout le matériel de voiles a été réduit en cendres.
Quelques semaines auparavant n'a-t-il pas fallu donner la chasse aux voleurs de sable commandés par un paysagiste de La Ciotat désireux d'agrémenter sa piscine en l'entourant d'une plage de sable ?
Nous sommes loin du conflit des lesteurs dont il a été question au début de cet ouvrage. Il s'agissait-là aussi d'un vol de sable (il y a cent ans de cela). Et l'invasion périodique des gens du voyage n'arrange rien à la situation, et les problèmes de pollution continuent de se poser surtout du côté Lazaret.
On comprend le souci des associations locales qui luttent pour la défense de l'environnement.
Et les projets ne manquent pas. Le Comité ne survie de la Baie du Lazaret, présidé par M. Morin, se bat avec obstination pour la réalisation d'un Contrat de baie appuyé par une vingtaine d'associations, mais boudé par des municipalités.
En attendant le patrimoine maritime seynois et toulonnais souffre.
Notons en passant qu'il se trouve tout de même quelques courageux riverains qui s'accommodent de cette situation en participant à ce qui est devenu depuis quelques années une tradition locale : Les bains de minuit à la saison hivernale.
Aventureux exploits pour des personnes d'un certain âge à la recherche d'une gloriole qu'ils savourent à la lecture des compte-rendus de la presse, illustrations à l'appui.
L'aménagement du parc paysager des Sablettes fait couler beaucoup d'encre. Il serait grand temps que ces problèmes effleurés ici trouvent enfin des solutions efficaces.
Qu'il me soit permis avant de terminer ces commentaires d'évoquer une fois de plus le percement de l'isthme des Sablettes. La génération montante verra-t-elle ressurgir ce vieux démon dont on parle depuis plus d'un siècle ? Chi-lo-sa ?
Rappelons à ce propos cette belle réflexion du médecin français Jean Hamburger :
« Dans la guerre entre les hommes, nous avons appris à nos dépens qu'il n'y a jamais de vainqueur. Il n'y a que des vaincus. Prenons garde que dans le conflit de l'homme et de la nature, l'un et l'autre n'en sortent vaincus. Ce serait le plus stupide des combats.
Si donc, nous décidons de nous battre contre certaines lois naturelles heurtant de front les aspirations spirituelles de l'homme qui nous paraissent nobles et justes, il faut nous arranger pour obtenir cette victoire sans que la nature en souffre ».
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© Jean-Claude Autran 2016