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En juillet 2004, ayant pris ma retraite, je reviens m'installer dans la ville où j'ai grandi, La Seyne-sur-Mer, plus précisément au quartier Bastian, dans l'ancienne propriété de mon père où j'avais fait mes débuts en botanique, à deux pas de la forêt de Janas et du massif du Cap Sicié.
A partir de là, Je ne vais plus guère courir après la découverte de nouvelles espèces dans des régions ou des climats éloignés, et je vais me concentrer sur la flore méditerranéenne, et surtout celle de la forêt de Janas et du massif du cap Sicié que je parcours en permanence, et notamment sur les associations végétales qui y ont été décrites.
En parcourant régulièrement le massif de Sicié et en admirant les beautés de sa végétation - on y trouve des plantes, des arbustes ou des arbres en floraison, quel que soit le mois de l'année - j'ai pensé qu'il pouvait être utile de mieux les faire connaître et j'ai donc entrepris de consacrer quelques nouvelles pages de mon site internet à la végétation de la forêt de Janas et du massif du cap Sicié. Pour cela, comme dans mon article paru dans Etraves en 1974, je me suis appuyé sur la publication de 1956 du professeur René Molinier pour ce qui est des relevés botaniques et des associations végétales, mais en y rajoutant, pour chaque plante citée, le nom français, le ou les noms vulgaires et provençaux (généralement d'après Lou Tresor dóu Felibrige, de Frédéric Mistral), le nom latin, et surtout, chaque fois que possible, une photographie couleur prise personnellement (*) dans la forêt de Janas ou le massif de Sicié (pour leur quasi-totalité). Naturellement, certaines photos apparaissent en plusieurs endroits car un même végétal peut appartenir à (ou accompagner) plusieurs types d'associations. Certaines photos manquent encore et seront rajoutées par la suite. Quelques noms de plantes (écrits en bleu) ont aussi été rajoutés d'après mes propres relevés.
(*) A l'exception des quelques-unes notées MN qui ont été prises par M. Jean-Claude Burgard (Amis de Janas et du Cap Sicié) ou par M. Michel Neumuller, journaliste du magazine Le Seynois, lors du reportage qu'il m'a consacré en juin 2011 : Leis èrbas de Siciech sus la ret
Mais, dans tout ceci, il est clair que je ne suis qu'un modeste amateur. Je reste sur mes bases d'adolescent et de lycéen. Je n'ai pas de certificat de botanique de l'Université. Je me limite aux espèces nommées et décrites dans les flores d'amateurs et je n'entre pas, en général, dans les sous-espèces. Et je n'ai pas suivi les remaniements de la nomenclature et de la dénomination espèces opérés ces dernières années par les spécialistes. Je n'ignore pas que bien des notions ont évolué depuis, comme cela ressort notamment des travaux, conférences et publications du professeur Marcel Barbero (2). Je sais que les Composées sont aujourd'hui les Astéracées, qu'on ne dit plus Lepidium mais Cardaria, que notre bon vieux Loroglosse est désormais un Barlia, etc. etc. Mais, dans l'esprit de mon site internet consacré à l'Histoire, je me suis volontairement appuyé sur une publication historique et j'ai conservé les dénominations de plantes communément utilisées au milieu des années 50, époque de mon initiation à la botanique.
La position du Massif de Sicié, en pointe isolée des Maures et entourée de massifs calcaires, permettait d'étudier les formes de transition entre la végétation de la Provence cristalline et celle de la Provence calcaire. Les études poursuivies depuis vingt ans dans les Maures par le professeur Molinier avaient bien laissé supposer l'existence de ces formes de transition que l'on peut observer, par exemple, dans la dépression permienne de Cuers, où l'on pouvait cependant les imputer à la nature particulière du substratum géologique, les grès permiens ; sur ce substratum — cristallin certes, mais différent des phyllades, des gneiss ou des micaschistes — ou pouvait trouver normales certaines formes de maquis pouvant représenter non des types réels de transition mais des groupements simplement particuliers aux grès permiens.
Ces grès se retrouvent dans le Massif de Sicié mais ils n'y forment pas une bordure aussi régulière et continue que dans les Maures et les phyllades sont souvent les dernières roches cristallines rencontrées avant le calcaire ou les alluvions de la dépression de Six-Fours.
Si donc la végétation de la Presqu'île du Cap Sicié présente des caractères particuliers, ce n'est plus aux conditions édaphiques qu’elles doivent être imputées et l’on ne peut alors penser qu'à des conditions climatiques particulières.
Fig. 1. Géologie et Climatologie. Courbes d'égales précipitations atmosphériques, moyennes annuelles en millimètres (d’après Benévent).
Or la végétation du Cap Sicié présente réellement de nombreux caractères de transition avec celle de la Provence occidentale. Et leur existence surprend le Phytosociologue qui, ayant étudié longuement la Provence cristalline et la Provence calcaire, s'attend à y retrouver intégralement la végétation des Maures et nullement celle de leur couverture sédimentaire. A priori on s'attend, en effet, à trouver les Chênaies de Chêne vert et de chêne-liège sous Pin maritime et leurs stades normaux de dégradation : maquis élevé à Erica arborea et Arbutus Unedo, maquis bas à Erica scoparia et Lavandula Stœchas, Cistaies, pelouses de l’Helianthemion guttati, tandis que l’Oleo-Lentiscetum séparerait les groupements précédents de la végétation halophile des Crithmo-Staticetalia.
L’examen de la carte phytosociologique ci-après (Fig. 2) montre que ces éléments se retrouvent effectivement mais on remarque tout de suite que le maquis à Erica arborea et Arbutus Unedo se localise dans les vallons et au bas des pentes Nord et qu’il est remplacé, sur de grandes surfaces, par un maquis à Calycotome spinosa. On remarque aussi que le maquis bas à Erica scoparia, très étendu encore dans la Presqu’île de Saint-Mandrier, est rare dans celle de Sicié et l'on est surpris de voir apparaître, dans cette dernière, des pelouses de l'Ordre des Thero-Brachypodietalia.
En dehors de ces caractères très apparents au seul examen d'ensemble de la carte, s’en ajoutent d'autres que révèle l'étude phytosociologique détaillée du massif et que j'indiquerai dans l'étude qui suit des associations que l'on y rencontre.
Fig. 2. La végétation de la Presqu'île du Cap Sicié
LES CLIMAX
La brousse à Olivier-Lentisque (Oleo-Lentiscetum). — Le Professeur René Molinier a montré dans diverses notes (5) (6) que, sur le littoral, immédiatement en arrière de la zone halophile, la brousse à Olivier — Myrte — Lentisque tendait à progresser et à former un liseré extrêmement étroit mais continu. Il s’agit d’un climax méridional en vois d’extension sur la côte méditerranéenne française du Sud-Est où son installation est consécutive à l’assèchement et sans doute au réchauffement post-glaciaire du climat en même temps qu’à la dégradation de la Chênaie d’Yeuse climacique.
La liste des plantes caractéristiques de cette brousse à Olivier Lentisque a été établie à partir de quatre relevés : 1) sur l'Ile du Grand-Rouveau (Embiez) ; 2) sur l'Ile de la Tour-Fondue (Embiez) ; 3) dans la Presqu’île de Saint-Mandrier ; 4) dans un vallon entre Six-Fours et la Forêt de Janas.
En dehors du faciès à Juniperus phoenicea sans Myrte des Iles des Embiers ce groupement n’appelle pas de remarques particulières pour le Massif de Sicié, sinon que le relief de ce massif, avec des falaises abruptes face à la mer et un plan assez fortement incliné vers le Nord en même temps que découpé par l’érosion en vallons frais, n’offre guère de possibilités à une association particulièrement héliophile et thermophile. L’Oleo-Lentiscetum se localise donc sur les pentes exposées au Sud où le caractère très ébouleux des phyllades et la pente très vive ne paraissent pas faciliter son extension. Il n’y forme que des peuplements disséminés, avec de nombreux Pins d’Alep qui, s’installant facilement sur ce substratum, fixent très heureusement les pentes face à la mer.
La Chênaie de chêne vert (Quercetum ilicis). — Il ne fait pas de doute que le Quercetum ilicis constitue le climax pour la totalité du Cap Sicié. On le retrouve, floristiquement très complet, dans presque tous les vallons ; et [dans la carte de la Fig. 2 ci-dessus] on a fait figurer, sous la forme de Chênaie d’Yeuse dégradée, des zones de sous-bois clairsemé du fait de débroussaillements artificiels ou d’incendies mais qui sont peut-être moins des stades de dégradation que des stades initiaux annonçant le retour à la Chênaie d’Yeuse originelle lorsque l’Homme cesse d’intervenir.
On est frappé par la tendance du Chêne vert à former des haies en bordure de nombreux chemins qui, de la dépression de Six-Fours, s’avancent dans le massif ; et l’on sait que lorsqu’un type de végétation est réellement climacique il est difficile à l’Homme de l’éliminer complètement : il s’accroche désespérément et se maintient sur les rares points qui échappent à l’exploitation humaine, notamment sur les talus et dans les haies.
La Chênaie d’Yeuse ne se présente plus que sous la forme de taillis — parfois très hauts (10-12 m.) — mais sa composition floristique est identique à celle des Yeuseraies de Provence comme le montrent les relevés ci-dessous effectués dans la Forêt domaniale de Janas et à Talian, au Sud de Six-Fours :
LES
STADES DE SUBSTITUTION
OU
DE DÉGRADATION DU QUERCETUM ILICIS
A) La Forêt de Chêne-liège (Quercetum ilicis suberetosum). — Un relevé effectué dans la Forêt domaniale de Janas (Yeuseraie), placé à côté d'un relevé effectué à Talian (Suveraie), permet une comparaison facile entre les deux associations. On se rend compte aisément ainsi que la substitution du Chêne-liège au Chêne vert dans la strate arborescente ne modifie pas la composition floristique globale et que l’on voit seulement apparaître des modifications quantitatives pour certaines espèces ; elles s’expliquent par le fait que le Chêne-liège n’assure qu’une couverture plus faible des strates sous-jacentes que le Chêne vert. La Suveraie n’est donc bien qu’une sous-association de la Chênaie d’Yeuse. On remarquera d’ailleurs que le Chêne vert est déjà abondant dans la strate arbustive, sous les Chênes-liège, et l’on doit voir dans ce fait une indication intéressante : le Chêne vert, dans des conditions naturelles, a l’avantage sur le Chêne-liège et doit ainsi le supplanter.
La Suveraie est très probablement une création de l’Homme dans l’ensemble de la Provence cristalline (7). Si l’Homme n’a peut-être pas introduit le Chêne-liège, il en a assuré l’extension pour ses besoins et il est probable que la Suveraie a connu une plus grande extension lorsque le liège était plus recherché que de nos jours pour des usages qui semblent aujourd’hui se restreindre.
La répartition des Suveraies dans le massif de Sicié suggère en effet l’idée de leur plus grande extension autrefois. De nombreux îlots subsistent un peu partout dans le maquis avec lequel la limite, difficile à tracer, est souvent très approximative.
La Suveraie forme cependant une bordure plus importante au Massif dans ses parties basses, les plus rapprochées des agglomérations du Brusc, de Six-Fours et de La Seyne, ce qui donne bien l’impression d’une localisation en rapport avec une exploitation en régression, d’une Suveraie qui devrait recouvrir autrefois la presque totalité du Massif et qui, moins exploitée, par cela même plus exposée au feu, a diminué d’importance parallèlement aux besoins en liège. Abandonnée sur les hauteurs, elle n’est plus exploitée que sur les points les plus facilement accessibles, c’est-à-dire au bas des pentes et à proximité des agglomérations.
B) Les maquis et garrigues — Si le climax ne comporte aucune différence avec celui des Maures ou même de la Provence calcaire, il n’en est pas de même des divers types de maquis issus de sa dégradation.
1° Le maquis élevé à Erica arborea et Arbutus Unedo. — Le type normal de ce maquis n'est pas très répandu dans le Massif de Sicié. On l’observe davantage, à l’exposition Nord, sur la Presqu’île de Saint-Mandrier :
[Photos restant à rajouter : Brachypodium phoenicoides et Carex glauca]
Espèces
déjà mentionnées précédemment :
Romarin officinal, Salsepareille rude, Ciste à feuilles de
Sauge, Ciste de Montpellier, Philaria à
feuilles étroites, Asperge à feuilles étroites,
Daphné Gnidium, Chèvrefeuille entrelacé, Lavande
Stœchas.
Encore remarquera-t-on la présence des trois caractéristiques de l’Ericeto-Lavanduletum stoechidis en voie d’installation [Ce sont : Erica scoparia, Lavandula Stœchas et Orchis picta]. Le maquis élevé à Erica arborea et Arbutus Unedo est en effet moins général que dans les Maures et l’Estérel et manifeste une nette tendance à se localise sur le bas des versants Nord et dans les fonds de vallons où il ne peut rechercher qu’une température plus fraîche et surtout une plus grande humidité.
Cette localisation, déjà sensible dans le Massif de Sicié proprement dit, s’accentue plus au Nord sur les petites collines cristallines des Playes (Tante Victoire) et du Fort de Six-Fours. On la retrouve, encore plus nette, dans la dépression du Beausset tout au long des vallons d’érosion qui dévalent des hauteurs de Cuges et du Camp vers la mer.
Il semble bien que ce groupement végétal subisse ici l’influence d’un climat devenu plus sec et peut-être trop froid l’hiver, aux abords de la Provence calcaire.
D’ailleurs la composition floristique de ce maquis est déjà sensiblement différente : on est surpris par la faible abondance — parfois même la rareté — de l’Arbousier, espèce généralement co-dominante avec la Bruyère arborescente en Provence cristalline.
L’Arbousier ne forme plus de massifs continus, denses, à l’Ouest de Toulon. Il est dissémine, et de plus en plus, à mesure que l’on s’éloigne des Maures dans cette direction. On a l’impression qu’il est à son optimum sur le cristallin ; mais il n’est pas lié à ce type de substratum ; la limite occidentale de son aire en Basse-Provence n’est pas atteinte brusquement mais progressivement : il diminue d’importance sur le cristallin même de Sicié et cette régression continue sur les calcaires des collines du cadre montagneux de Marseille où il se retrouve assez abondant que sur les grès siliceux entre la Ciotat et le Beausset ou sur le versant Nord des Monts Olympe et Aurélien. Sa limite occidentale coïncide à peu près, dans les Bouches-du-Rhône, avec l’isohyète de 600 mm de précipitations annuelles, ce qui paraît indiquer qu’une certaine humidité climatique est une condition de son développement (8).
L’aire de l’Erica arborea présente le même caractère que celle de l’Arbousier ; mais cette bruyère est encore très abondante dans le Massif de Sicié ; plus à l’Ouest elle ne forme que rarement des peuplements denses et disparaît au-delà de Marseille et d’Aix.
Déjà, dans ce maquis, le Calycotome épineux prend de l’importance et s’apprête à former un maquis très particulier décrit un peu plus loin.
2° Le maquis bas à Erica scoparia et Lavandula Stœchas. — Ce type de maquis est encore bien développé sur la presqu’île de Saint-Mandrier où il comporte, à côté d’Erica scoparia et Lavandula Stœchas dominants, une autre Éricacée, Calluna vulgaris, qui évoque régulièrement, en Provence cristalline, des lieux relativement humides. Or, d’une part, ce type de maquis est rare dans la presqu’île de Sicié et, d’autre part, on n'y a pas observé la Callune qui doit y être peu commune si elle s’y trouve.
On voit souvent, cependant, un maquis bas où Erica scoparia et Lavandula Stœchas abondent, mais alors le Calycotome devient également abondant et c’est l’ébauche du maquis à Calycotome annoncé ci-dessus qui paraît bien marquer lui aussi un caractère de transition entre la végétation de la Provence cristalline et celle de la Provence calcaire.
D'après deux relevés effectués, l'un en Forêt de Janas, près de la Maison forestière, l'autre dans la Presqu’île de Saint-Mandrier, le maquis bas à Erica scoparia et Lavandula Stœchas (Ericeto-Lavanduletum stoechidis Br.-Bl. 1931) présente la composition floristique suivante :
Bruyère à balais (Prov. Brugas femèu, Brusc femèu, Brusc d'escoubo, Brousso, Brouisso) Erica scoparia L. Éricacées |
Lavande Stœchas (Prov. Queirelet, Estacado) Lavandula Stœchas L. Labiées |
Il faut citer aussi, à côté de des compagnes, quelques autres espèces (déjà mentionnées ci-dessus) telles que le Pin mésogéen, le Pin d'Alep, le Romarin officinal, le Ciste de Montpellier, la Flouve odorante.
3° Le maquis à Calycotome spinosa. — Dans les Maures on observe bien — surtout sur des points secs et chauds — des peuplements denses de Calycotome spinosa qui apparaissent, de toute évidence, comme des stades très avancés de la dégradation et proches des Cistaies à ce point de vue. Mais on n'a pas observé une aussi grande extension de ce type de maquis dans la Presqu’île de Sicié.
Lorsque le feu n’est pas passé depuis quelques années, il forme des peuplements denses, plus impénétrables que le maquis normal à Erica arborea et Arbutus Unedo. C’est le groupement végétal qui couvre la plus grande partie du massif où il ne laisse aux groupements ci-dessus étudiés que les fonds de vallons et le bas des pentes Nord.
Or ce type de maquis se retrouve, plus au Nord, sur les derniers affleurements cristallins : les phyllades des collines des Playes et du Fort de Six-Fours. Le Calycotome, comme l’Arbousier et la Bruyère arborescente, s’efface progressivement lorsque l’on gagne vers l’Ouest. On le retrouve sur la bordure calcaire du bassin du Beausset et jusqu’à une ligne joignant Cassis à la Bédoule, qu’il gagne en se raréfiant avant de disparaître.
Voici donc quatre espèces très représentatives de la végétation de la Provence cristalline dont les aires régionales présentent les mêmes caractères : diminution de densité et de fréquence, disparition progressive lorsqu’on passe du cristallin aux calcaires provençaux. Erica arborea, Arbutus Unedo, Erica scoparia et Calluna vulgaris ne se localisent pas de manière absolue sur les sols siliceux — les deux dernières surtout — mais y trouvent leur optimum dans l’Estérel et les Maures. Elles ne le trouvent déjà plus sur le cristallin de Sicié, et leur passage du cristallin au calcaire montre que les caractères très particuliers de la végétation qui font du Cap Sicié une zone de transition, répondent moins à des causes édaphiques qu’à des raisons climatiques, ces dernières marquant nettement elles-mêmes une transition entre le climat relativement froid et sec de la Provence calcaire et celui, plus chaud et plus humide, de la Provence cristalline.
Le maquis à Calycotome spinosa doit être considéré comme une sous-association de l’Ericeto-Lavanduletum stoechidis. Sa composition a été établie à partir de 3 relevés : 1) Sur les pentes Nord de la batterie de Peyras ; 2) Sur les pentes Sud du Peyras ; 3) À La Lèque, près du Brusc, en exposition Sud.
Calycotome épineux, ou Argelas (Prov. Argelas, Argeiras, Genèsto pounchudo) Calycotome spinosa (L.) Link. Légumineuses |
4° La Cistaie. — L’abondance des Cistes est un autre caractère frappant de la végétation du Cap Sicié ; elle y évoque l’idée d’une profonde dégradation de la végétation. Cependant la carte [Fig. 2] ne figure que rarement la Cistaie que seule une analyse plus poussée et à plus grande échelle de la végétation permettrait de délimiter. Le Calycotome y joue toujours un rôle si important et les transitions vers ce que nous avons décrit ci-dessus comme maquis à Calycotome sont tellement insensibles qu’il est pratiquement impossible, à l’échelle 1/20 000e des levés — 1/10 000e de la carte ci-incluse — de séparer ces deux formes de maquis. Le relevé ci-dessous, réalisé dans la Forêt de Janas, au fond du vallon principal, montre les rapports étroits de la Cistaie et du maquis à Erica scoparia et son évolution possible vers le maquis élevé à Erica arborea et Arbutus Unedo.
Certaines Cistaies comportent les trois Cistes : Cistus salviæfolius, Cistus Monspeliensis, Cistus albidus ; d'autres, deux seulement, et lorsque Cistus albidus est absent, cela indique que l'on tend vers le maquis à Calycotome ou à Erica arborea. D’ailleurs les Cistes sont toujours abondants dans le maquis de Sicié et d’autant plus qu’il est plus bas et plus clairsemé.
L’abondance de Cistus Monspeliensis s’observe surtout dans les régions cristallines, mais on le voit également former de grands peuplements en région calcaire où il paraît cependant se localiser plus étroitement sur des sols anciennement cultivés et fréquemment parcourus par l’incendie.
Cistus salviæfolius est assez fréquent sur les terrains cristallins et, sur les sols calcaires de la Provence, il recherche les sables dolomitiques et les grès siliceux.
Cistus albidus
est beaucoup plus localisé que les précédents sur les calcaires et on
ne
l’observe que rarement en Provence cristalline. Or il se mêle
fréquemment aux
espèces du maquis dans la Presqu’île de Sicié, par exemple autour du
Peyras et
sur les pentes Sud du Mai. Ce ciste est considéré comme caractéristique
de la
garrigue à Chêne Kermès (Cocciferetum) si représentative des
affleurements calcaires en Provence calcaire
occidentale et en Languedoc.
Ciste de
Montpellier (Prov. Messugo negro) Cistus Monspeliensis L. Cistacées | Ciste à feuilles de Sauge (Prov. Messugo trebo, Messugo tarébou) Cistus salviæfolius L. Cistacées |
Ciste cotonneux (Prov. Messugo blanco, Estènde-pedans, Badafo) Cistus albidus L. Cistacées |
5° La garrigue à Chêne Kermès — D'après l'étude de la cistaie, il apparaît donc que certaines espèces de la Provence cristalline disparaissent progressivement en pénétrant en Provence calcaire, des espèces de la Provence calcaire pénètrent, suivant un mouvement en direction inverse, en Provence cristalline avant de disparaître vers l’Est ; Quercus coccifera compte parmi ces dernières. Il dépasse largement la Provence cristalline vers l’Est ; mais il est peu fréquent dans les Maures et l’Estérel où il se comporte comme une espèce calcicole qui, de ce fait, éviterait le cristallin de Provence.
Or le Chêne kermès n’est point rare sur le massif cristallin de Sicié : il y forme même quelques îlots — d’importance trop réduite pour être figurés sur la carte ci-dessus [Fig. 2] — notamment dans les environs du Brusc et sur les collines de Six-Fours et des Playes.
6° La garrigue à Romarin. — On sait que la garrigue à Romarin est, comme la garrigue à Chêne kermès, très représentative de la Provence calcaire où elle occupe des sols meubles et profonds : sols recouvrant les affleurements marneux, anciennes cultures, sols sablonneux issus notamment de la décomposition des mollasses du tertiaire.
Les phyllades quartzeuses donnent parfois, par décomposition, des arènes qui justifient la présence des Rosmarinetalia qui se localisent cependant de préférence sur des versants secs et chauds, parfois aussi dans les fentes de rochers bien exposés. Mais l’ordre des Rosmarinetalia est vraiment très rarement représenté sur les sols cristallins : sa présence est d’autant plus remarquable dans la Presqu’île de Sicié, par exemple au Nord de N.-D. du Mai d’où provient le relevé suivant (100 m2 ; couverture 60 % ; exposition Sud ; pente 10 %) :
Compagnes auxquelles il faut rajouter plusieurs espèces mentionnées précédemment telles que : Pinus Halepensis, Genévrier Oxycèdre, Philaria à feuilles étroites, Brachypode rameux.
[Photo restant à rajouter : Asterolinum stellatum, Medicago minima]
Cette ébauche de Rosmarinetum peut être considérée comme une véritable irradiation d’un groupement caractéristique de la Provence cristalline donc de même sens que pour la garrigue à Chêne kermès. Ainsi donc, des espèces, des groupements végétaux entiers, propres à la Provence calcaire ou à la Provence cristalline, dépassent les limites de celle des deux Provence qu’ils caractérisent pour disparaître assez rapidement mais entièrement dans l’autre. Ils définissent bien une zone de transition entre les deux parties de la Provence et cette zone est particulièrement sensible dans la Presqu’île de Sicié qu’elle englobe.
7° Les bois de Pins. — Les trois Pins présents dans le Massif de Sicié n’y sont localisés dans aucune association particulière, mais leur répartition appelle quelques remarques.
C’est encore à la présence d’arènes issues de la décomposition des roches cristallines qu’est due la présence du Pin pignon, en petits peuplements et, plus souvent à l’état isolé. La nécessité de ce type de substratum explique la localisation de Pinus pinea dans des fonds de vallons généralement remplis d’alluvions ou à proximité d’habitations où il a été certainement introduit.
Le Pin maritime (Pinus mesogeensis Fieschi et Gaussen) est beaucoup plus abondant ; il se localise également dans des fonds de vallons et sur les bas des pentes Nord, laissant les crêtes et surtout les versants Sud au Pin d’Alep.
Seul le Pin d’Alep peut coloniser les pentes dominant la mer ; et il est abondant aussi partout sur les bas coteaux entourant le massif. Nous retrouvons là une répartition des deux Pins (Pin d’Alep et Pin maritime) rappelant celle signalée dans l’Ouest des Maures (7) où elle a été mise en rapport avec le caractère plus sec du climat dans cette partie de la Provence cristalline ; le Pin maritime, qui exige plus d’humidité que le Pin d’Alep, recherche naturellement les pentes Nord et les fonds de vallon qui lui assurent ces conditions de milieux favorables.
Pin d'Alep, Pin
blanc, ou Pin de Jérusalem (Prov. Pin blanc, Pin de Cavaioun, Pin dóu Leberoun) Pinus Halepensis Mill. Abiétacées | Pin
mésogéen, Pin maritime, Pin des Landes, ou Pin de
Bordeaux (Prov. Pin marin, Pin bastard ; parfois Pinsot ou Pinastre) Pinus mesogeensis Fieschi et Gaussen, ou Pinus maritima Lam. Abiétacées |
Pin pignon, ou
Pin parasol (Prov. Pin pignoun, Pin pignié) Pinus Pinea L. Abiétacées |
Notons que si le Pin maritime remplace le Pin d’Alep dans la majeure partie des Maures, il n’est nullement cantonné sur les terrains cristallins ; on le voit sur calcaire notamment dans les Alpes Maritimes et aussi dans le Var et les Bouches-du-Rhône ; il perd toutefois de la vitalité dans ces derniers départements probablement à cause des exigences climatiques précisées ci-dessus et qu’il y trouve moins bien réalisées que dans les Maures et l’Estérel. Il n’en représente pas moins encore une espèce qui, en s’éloignant de la Provence cristalline où il trouve son optimum pénètre, vers l’Ouest, en Provence calcaire où l’on en voit encore quelques massifs vraisemblablement introduits sur le versant Nord du Mont Aurélien, de l’Étoile et de la Sainte-Victoire.
8° Les pelouses — En de nombreux points apparaissent, en clairière, des groupements de l’Helianthemum guttati qui n’ont pas fait l’objet d’une étude spéciale lors des relevés cartographiques du Cap Sicié, parce qu’ils n’ont pas paru présenter de caractères très particuliers. A vrai dire, il semble bien qu’ils soient déjà affaiblis, c’est-à-dire moins riches en espèces, que la pelouse correspondante des Maures. L’étude de ce type de pelouse confirmerait probablement encore le caractère de transition que présente la végétation du Cap Sicié.
Nous retrouvons ce caractère dans la tendance à la substitution de l’Association à Galactites tomentosa et Echium plantaginaceum au Brachypodium phœnicoidis — qui s’amorce surtout à l’Est de Toulon — ainsi que dans la présence assez fréquente et inhabituelle, sur les pentes Sud de la Presqu’île, de pelouses à Brachypodium ramosum dominant.
Les relevés floristiques, s’ils permettent de rattacher déjà cette dernière pelouse aux Thero-Brachypodietalia, ne l’identifient pas au Brachypodietum ramosi si caractéristique de la Provence calcaire et du Languedoc. Cependant, ils marquent comme pour les garrigues à Chêne kermès ou à Romarin, une tendance au débordement de la végétation de la Provence calcaire vers la Provence cristalline ; ils soulignent ainsi, une fois de plus, que le Cap Sicié est un lieu de rencontre entre les flores et végétations des deux Provence calcaire et cristalline, plus exactement des climats correspondant à ces deux régions.
La pelouse à Brachypodium ramosum a la composition floristique suivante d’après deux relevés faits, le premier sous la batterie de Peyras, le second sous N.-D. du Mai, tous deux à l’exposition Sud.
Déjà citées : Lin de France
[Photos à rajouter : Crucianella angustifolia, Euphorbia exigua, Poterium
Magnolii]
Les deux relevés montrent une grande pauvreté, par comparaison avec les listes de plantes fournies par ce type de pelouse en Provence calcaire, mais ils ont été faits a des époques peu favorables et sont certainement incomplets.
La pelouse à Brachypodium phoenicoides s’observe, encore normale, sur les talus et dans les anciennes cultures ; on y voit notamment, avec B. phoenicoides dominant, des caractéristiques telles que Inula viscosa, Centaurea aspera, Satureia nepeta, Phleum nodosum, Foeniculum piperitum, Verbascum sinuatum, etc. Mais déjà s’introduisent Galactites tomentosa, Echium plantagineum, Bartsia trixago, Festuca fenas qui annoncent l’association entre Galactites tomentosa et Echium plantagineum.
On peut rattacher au Brachypodietum phœnicoidis les peuplements à Inula viscosa ou Oryzopsis miliacea. Sur le littoral, à partir de Marseille et surtout au-delà de La Ciotat, l’Oryzopsis miliacea prend beaucoup d’importance sur les talus, dans les champs abandonnés où il recherche le Brachypodietum phœnicoidis dont il constitue un faciès à caractère nitrophile.
Sur des sols plus ou moins rocailleux, moins riches en parties meubles que ceux du Brachypodietum phœnicoidis, notamment dans d’anciennes vignes du coteau, cette association s’installe difficilement ou pas du tout. Le sol est alors occupé par des peuplements à Inula viscosa dominant, que l’on doit rapprocher, comme sous-Association, du Brachypodietum phœnicoidis. Comme le groupement à Oryzopsis, il semble que celui-ci s’accommode d’une certaine nitrophilie comme le remarquent De Bolos et Vayreda en Catalogne où ils classent les peuplements à Inula viscosa et Oryzopsis miliacea dans l’Hordeion murini.
Un dernier type de pelouse est à signaler, l’Allietum Chamaemolyi dont René Molinier a signalé l’existence sur le littoral de Maures (9) et qu'il a décrit également aux Iles des Embiez (4) (11).
Cette Association de l’Alliance de l’Helianthemion guttati est rare au Cap Sicié où elle a été seulement observée en quelques points de l’Ile de la Tour-Fondue et sur le littoral cristallin au Nord et à l’Est du Brusc, notamment sur les phyllades de la Pointe-Nègre et sur les phyllades du Grand Gaou, au Brusc.
Autres compagnes (déjà mentionnées ci-dessus) : Arisarum vulgaire, Alysson maritime, Romarin officinal, Picridie vulgaire, Muflier rubicond.
Cette association est à ranger dans l’Ordre des Asplenieta malgré la présence fréquente d’espèces de Thero-Brachypodietalia due probablement au microclimat, très chaud, de cette station. On n’y a pas observé la présence de deux importantes caractéristiques : Notochlaena Morantae et Andropogon distachyum qui n’atteignent pas la Presqu’île de Sicié mais s’en rapprochent beaucoup, si bien qu’elles pourraient s’y rencontrer : si le Notochlaena ne dépasse pas Bormes vers l’Ouest en Provence, l’Andropogon est dans les falaises dominant Toulon.
Deux autres caractéristiques au moins locales, Lavatera maritima et Cheilanthes odora, vont retenir notre attention. La première a été considérée comme caractéristique de l’Asplenietum glandulosi où elle se localise effectivement en Provence calcaire occidentale et en Languedoc. Mais, dans ces deux régions, elle n’atteint jamais l’énorme développement qu’elle présente sur les affleurements cristallins de Sicié notamment dans l’Est et le Sud-Est de la presqu’île où elle est manifestement caractéristique de la végétation rupestre. Cheilanthes odora, comme la précédente, est une espèce dont l’optimum se situe sur le cristallin, mais qui se situe également — bien que moins abondante et plus étroitement localisée — sur le calcaire du Massif d’Allauch ou de Marseilleveyre par exemple, aux environs de Marseille. Il s’agit donc encore de deux espèces dont l’aire s’estompe lorsqu’on passe de la Provence cristalline à la Provence calcaire tout comme pour les Bruyères et l’Arbousier ou le Calycotome.
Signalons en outre que diverses espèces appartenant à des associations caractéristiques de la Provence calcaire se retrouvent dans les éboulis — souvent aussi dans les rochers — de Sicié : Ruta angustifolia, Convolvulus cantabrica, Thymus vulgaris, Brachypodium distachyum. Les éboulis sont rares dans les Maures alors qu’ils sont trop fréquents en Provence calcaire où ils témoignent de l’extrême dégradation de la végétation. Ce fait s’explique par le caractère très délittable des roches, phyllades et micaschistes, qui dominent absolument dans le cristallin de Sicié et des Maures, et par l’exubérance d’une végétation qui laisse rarement dénudées de grandes surfaces de sol.
Or les éboulis sont fréquents et étendus sur toute la côte du Cap Sicié, depuis les îles des Embiez jusqu’à la Presqu’île de Saint-Mandrier. La chapelle de N.-D. du Mai, qui domine ces hautes pentes à 357 m. d’altitude n’est qu’à 300 mètres environ de la mer en distance horizontale, ce qui représente une pente moyenne de près de 60 %. Le sol y est formé de blocs de phyllades, de quartz, enrobés dans une masse de débris de petites dimensions et de terre fine colmatante, facilement mise en mouvement. Sur ce substratum mouvant, on ne voit qu’une végétation clairsemée : quelques touffes de Myrte et de Lentisque, des Pins d’Alep au rôle fixateur particulièrement précieux, quelques pelouses à Brachypodium ramosum (voir plus haut) et surtout les éboulis extrêmement étendus, dans lesquels se retrouvent, avec les espèces rupestres, les espèces ci-dessus nommées Thero-Brachypodietalia et quelques autres sans signification phytosociologique. Les deux relevés suivants ont été faits dans des éboulis de la Batterie de Peyras.
Les Fougères des fentes de rochers ont disparu tandis que les Graminées peuvent, par leur abondance, formant parfois presque des pelouses annonçant une prochaine fixation de l’éboulis : sont particulièrement actives à ce point de vue : Oryzopsis coerulescens et Andropogon pubescens. C’est après ce stade de fixation que se développe la pelouse à Brachypodium ramosum étudiée ci-dessus et à laquelle le maquis peut assez rapidement se substituer.
2° Les prairies. — Il y a lieu de signaler seulement l’existence de prairies tout au long de la dépression de Six-Fours, surtout entre ce village et Sanary. Il s’agit de prairies peu étendues et mal entretenues, avec beaucoup de Festuca fenas et Carex distans qui traduisent toujours, dans l’Arrhénathéraie provençale, un excès d’humidité. Un relevé fait près de Six-Fours comporte :
3° Les associations hygrophiles. — Il n’y a pas de véritables associations hygrophiles dans le massif de Sicié, sinon quelques roselières au Sud de La Seyne et quelques éléments de Populetum albae, très appauvri, dans quelques vallons frais au Sud de Six-Fours. Signalons encore ici la présence, dans ces fonds de vallons frais et aux ubacs, d’espèces de Quercetum pubescentis : Quercus pubescens, Sorbus domestica, Prunus spinosa et quelques pieds de Cratægus Ruscinonensis entre Talian et N.-D. du Mai.
On
trouve également, le long des ruisseaux ou dans certains thalwegs
de la forêt de Janas, outre le Peuplier blanc mentionné par R.
Molinier, le Frêne à feuilles étroites, le
Laurier sauce, le
Sureau noir, le
Tamier commun, le Smyrne Maceron. Egalement, à proximité des anciens
lavoirs (Moulières,
Vallon de l'Oïde, Rayolet, Belle-Pierre, Roumagnan), ou encore à
proximité du ruisseau
qui longe le camping de Janas, on trouve un certain nombre d'arbres ou
arbustes, souvent plantés, caractéristiques de lieux plus ou
moins humides, notamment le Platane, le Peuplier noir, le Tilleul, le
Figuier, le Cerisier des oiseaux, l'Aulne en forme de cœur, le Micocoulier, l'Ostrya, le Fusain du Japon,
etc. En revanche, nous n'avons pas pu retrouver d'Aulne glutineux (le Verne, ou la Verno
en provençal) dans le vallon de l'Oïde, la présence
de cet arbre ayant pu autrefois expliquer la dénomination du
quartier et de la plage de la Verne.
4° Les associations halophiles. — Les associations halophiles n’appellent pas de remarques particulières. Sur calcaire comme sur silice le Crithmo-Staticetum se développe normalement et c'est la sous-Association à Lotus Allionii qui occupe les falaises lorsque leur caractère friable n’y interdit pas toute végétation. Entre 2-3 m. et 8-10 m. d’altitude — davantage sur les points les plus exposés — on y voit alors les plantes caractéristiques (Crithmum maritimum, Statice minuta) habituelles et leurs compagnes :
[Photos à rajouter : Catapodium loliaceum, Dactylis hispanica, Lepturus incurvatus]
En arrière, on retrouve encore — mais rarement — l’association à Astragalus tragacantha et Plantago subulata de la Provence calcaire (Astragaleto-Plantaginetum subulatae), même sur des phyllades au Nord du Brusc. Aux Iles des Embiez et sur le reste du Cap Sicié l’Astragale disparaît et l’on voit intervenir Thymelea hirsuta. C’est l’amorce d’une association vicariante, le Thymelacetum hirsutae Mol. 1954 que R. Molinier a décrite (10) comme remplaçant, dans les Maures, l’Association à Astragalus tragacantha de la Provence calcaire occidentale.
Astragale Adragant, ou Astragale de Marseille Astragalus tragacantha L. Légumineuses |
Plantain en alène Plantago subulata L. Plantaginacées |
Par
ailleurs, plusieurs arbustes, plantés à l'origine en haies pour leur
bonne adaptation aux zones littorales et aux embruns, de même que plusieurs plantes tapissantes, qui se retrouvent
aujourd'hui naturalisées en maints endroits de la zone côtière :
CONCLUSIONS
DU PROFESSEUR MOLINIER (1956)
On retrouve donc, sur le cristallin du
Cap
Sicié, la végétation de la Provence cristalline, mais avec des
caractères qui en
font une zone de transition avec la végétation de la Provence calcaire
occidentale.
Cette transition est marquée par un
mouvement
en sens inverse de certaines espèces caractéristiques de ces deux
régions, les
unes (Arbutus Unedo,
Erica arborea, Erica scoparia, Calluna vulgaris,
Calycotome spinosa, Lavatera maritima, Cheilanthes odora)
s'avançant d'Est en
Ouest de la Provence cristalline vers la Provence calcaire, les autres (Quercus
coccifera, Rosmarinus officinalis, Globularia Alypum,
diverses espèces du
Brachypodietum ramosi)
débordant, inversement, de la Provence calcaire vers la
Provence cristalline.
Or,
les caractères du substratum sont très nettement distincts et il n'y a
pas de
transition pétrographique entre les calcaires de la Provence
occidentale et le
cristallin. Seuls, peut-être, peuvent fournir une transition de cet
ordre, les
grès plus ou moins siliceux du crétacé supérieur de l'auréole externe
du
Beausset, du versant Nord du mont Aurélien ou du petit plateau des
Bréguières
dans la Sainte-Victoire, où la végétation des Maures se retrouve
partiellement.
Mais des espèces considérées comme silicicoles débordent très bien ici
sur les
calcaires et d’autres, considérées comme calcicoles, débordent sur le
cristallin. Ce comportement variable des espèces s’observe d’autant
mieux,
semble-t-il, que l’on est en pays plus chaud et plus sec. Des espèces
ici
cantonnées sur des sols siliceux : Tillaca muscosa,
Filago minima,
Rumex bucephalophorus par exemple,
s’observent au Maroc sur des sols faisant fortement effervescence à
l’HCl. Il
est depuis longtemps évident que la vieille notion d’espèces calcicoles
ou
calcifuges, silicicoles ou silicifuges correspond moins aux différences
chimiques que précisent ces qualificatifs, qu’à un ensemble de
propriétés
physico-chimiques — donc édaphiques — et aussi de caractères
climatiques
réglant notamment le mouvement de l’eau et des sels dissous dans le
sol. Sans
doute peut-on remarquer que le calcaire est absent — aucune
effervescence à
l’acide, aucune trace à l’analyse — dans le sol rouge pourtant peu
épais qui
recouvre les calcaires urgoniens et qu’on y trouve de la silice dans
l’argile
rouge issue de leur décalcification, et aussi que les feldspaths que
les
feldspaths donnent facilement du calcaire en se décomposant dans les
sols
cristallins. Mais ces remarques n’expliquent pas l’intrication des
espèces
caractéristiques des deux zones dans le Massif de Sicié seulement et
pas
ailleurs, sauf sur le pourtour de la Provence cristalline, au contact
avec la
couverture sédimentaire calcaire des Maures et de l’Estérel.
Il
faut donc faire appel à d’autres caractères qu’à l’édaphisme ;
on peut
penser que le caractère de transition bien établi entre le climat tiède
et
humide de la Provence cristalline et celui moins chaud et plus sec de
la
Provence calcaire, peut rendre compte du caractère de transition
également
marqué par l’intrication, le débordement local des aires géographiques
d’un
certain nombre de végétaux par ailleurs caractéristiques de chacune des
deux
parties de parties de la Provence.
L’évolution de la végétation du Cap Sicié est la suivante :
Le reboisement est possible, surtout avec la protection des services des Eaux et Forêts. Mais on ne voit pas que le choix du Cyprès soit très heureux sur le versant Nord de la colline de Peyras. On voit la forêt de Chêne vert tendre naturellement à reprendre son ancien domaine : en débroussaillant — comme on l’a fait autour de la Maison forestière de Janas par exemple — on obtiendra aisément la reconstitution de la Yeuseraie primitive.
Quant au Chêne-liège, il ne se maintiendra que si l’on veut l’exploiter, c’est-à-dire si l’on empêche le sous-bois d’atteindre une trop grande densité surtout après le passage d’un incendie.
L’introduction du Pin d’Alep sur les points les plus ensoleillés, du Pin mésogéen sur les bas-fonds humides à l’exposition Nord, donnera facilement aussi de bons résultats.
L’installation des banquettes tracées au bulldozer ne s’impose guère ; la végétation s’empare assez vite du terrain pour éviter des érosions trop vives sauf sur les pentes très accusées qui font face à la mer. D’autre part, les Cistes, dangereux vecteurs d’incendie et stérilisateurs des sols, vont rapidement occuper ces banquettes et l’on ne voit pas très bien l’avantage de travaux aussi coûteux.
Professeur René MOLINIER
Laboratoire
de Biologie Végétale
Faculté des Sciences de Marseille
(1) MOLINIER R. 1956. La végétation de la presqu'île du Cap Sicié (Var). Bulletin du Muséum d'Histoire Naturelle de Marseille, t. XVI, pp. 1-23.
(2) BARBERO M. 2008. La végétation de Sicié et de Saint-Mandrier. Les principaux usages. Conférence donnée le 2 Juin 2008 à l'Association des Amis de La Seyne Ancienne et Moderne. Le Filet du Pêcheur, 109, pp. 10-13.
(3) ARÈNES P. 1928. Les Associations végétales de la Basse-Provence. Thèse Doct. Univers, Paris.
(4) MOLINIER R. 1953. La végétation des Iles des Embiez. Bull. Soc. Linn. Prov., t. XIX, Marseille.
(5) MOLINIER R. 1954. Les climax côtiers de la Méditerranée occidentale. Vegetatio, vol. IV, fasc. V.
(6) P. DEBAZAC, M. GUINOCHET et René MOLINIER. 1952. Notes sur les groupements climaciques de la Kroumirie orientale. C. R. 79e Session Soc. Bot. Fr. en Tunisie.
(7) MOLINIER R. 1950. Aperçu sur la végétation des Maures occidentales. C. R. Soc. Biogéogr., n° 230.
(8) BONNAUD C. 1953. La répartition de l’Arbousier en Provence calcaire. Diplôme d’Études Supérieurs, Fac. Sc. Marseille, 1953.
(9) MOLINIER R. 1954. Observations sur la végétation de la zone littorale en Provence. Travaux botaniques dédiés à Braun-Blanquet. Vegetatio, Vol. V-VI.
(10) MOLINIER R. 1954. Observation sur la végétation de la zone littorale en Provence. Vegetatio, vol. V-VI.
(11) MOLINIER R. 1960. La végétation des collines formant le cadre montagneux de Toulon. Annales de la Société des Sciences Naturelles de Toulon et du Var, vol. 12, pp. 54-83.
Voir également la page en occitan Leis èrbas de Siciech sus la ret, rédigée par M. Michel Neumuller, dans du magazine Le Seynois n° 16 (juin 2010), page 36. Cette page, accessible sur le site de la ville de La Seyne-sur-Mer, fait précisément référence à notre présent chapitre sur internet « Végétation de la Forêt de Janas et du massif du Cap Sicié ».
Jean-Claude Autran, à son bureau et devant une planche de son herbier (mai 2011) [Photo Michel Neumuller] |
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