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de l'Histoire de l'École Martini
Marius AUTRAN
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Histoire de l'École Martini (1982)
L'enseignement à La Seyne-sur-Mer (1789-1980)
 
Avant-propos


Depuis longtemps on en parlait !

Dans les commissions municipales, au cours des assemblées de Parents d'élèves, des Conseils de Professeurs, des réunions syndicales, une question revenait souvent à l'ordre du jour :

Allait-on encore longtemps recevoir des élèves à l'École Martini ? Ces locaux vétustes, mal chauffés, mal éclairés, inconfortables à tous égards, ces locaux inadaptés aux nécessités d'un enseignement moderne allaient-ils continuer d'accueillir des élèves ?

Tout le monde était bien d'accord pour faire du neuf. La Seyne, avec le développement impétueux de sa population, avait besoin de structures nouvelles pour l'Enseignement.

Si des problèmes se posaient pour l'Enseignement primaire, surtout après les destructions de la guerre, la situation était véritablement dramatique pour le secondaire - classique, moderne et technique - notamment au cours des années 1950 à 1955.

Pour apporter une réponse à ces problèmes, des crédits importants étaient nécessaires. Les interventions de parlementaires - Toussaint Merle (1) en particulier - et de la Municipalité, les rapports des inspecteurs généraux, les requêtes des syndicats, des Associations de parents d'élèves, se multipliaient en vue d'obtenir satisfaction.

(1) T. Merle : Voir biographie en fin de l'ouvrage.

Or, à ce moment-là, les crédits d'État s'en allaient en fumée dans les folles aventures coloniales, alors que le pays était bien loin d'avoir pansé ses blessures de la guerre.

Enfin, en 1959, le Lycée classique, moderne et technique vit le jour, au quartier Beaussier (2), non loin de la maison-mère.

(2) Quoique n'ayant jamais été baptisé, le Lycée classique et moderne de La Seyne est appelé Lycée Beaussier par ceux qui le fréquentent ou l'ont fréquenté, popularisant ainsi le nom d'une des familles fondatrices de notre cité.

Qu'allait-on faire de l'École Martini ?

Après maintes discussions, la municipalité décida de raser les vieux bâtiments devenus inutilisables et d'aménager sur les 5.285 m2 de terrain libéré un parking d'une capacité d'accueil de 400 véhicules.

Il fut également décidé de construire une école primaire de dix classes, absolument nécessaire au centre-ville.

Il fallut donc raser l'ensemble des bâtiments anciens auxquels avaient été ajoutés, au fil des années - nous le verrons - un certain nombre de verrues.

L'Entreprise chargée de ce travail prit soin de récupérer ce qui pouvait encore être utilisable, tant dans les matériaux que dans le mobilier et les équipements de l'école.

Vue de la façade nord de l'école, peu de temps avant sa destruction. À gauche, la rue Martini (on reconnaît le pavillon où fonctionnait la cuisine). À droite, le bâtiment de l'école primaire supérieure. Partiellement cachés par les arbres, les ateliers et le jardin du presbytère. Sur le devant, la cour nord qui fut utilisée comme parking dans les dernières années avant la destruction.

École Martini - 1975

L'École est alors occupée par les Beaux-Arts.

Vue du préau d'origine.

À l'angle du vieux bâtiment, le bureau de Monsieur le Directeur.

École Martini - 1965

Vue prise de la rue Cavaillon.

Devant le clocher, on distingue : à droite, les bâtiments de l'école primaire ; au centre, les bâtiments de l'école primaire supérieure ; à gauche, les ateliers et la première salle de dessin.

École Martini - 1960

La cour sud. L'École est sur sa fin. On voit les bâtiments ouest aux toitures disparates.

À l'extrême gauche, un bâtiment construit en 1950. Tout à côté, la salle de sciences construite en 1923 ; plus à droite, une salle réservée à l'école technique édifiée au-dessus de l'ancienne chaudronnerie de 1908.

Sur le devant, un agrandissement au profit de la chaudronnerie, construit en 1958.

À droite, les vieux ateliers du XIXe siècle.

École Martini - 1975

Une partie des bâtiments ouest dont la destruction commence.

- À gauche, la salle des sciences construite en 1923.

- Au centre, une deuxième salle édifiée au-dessus de la chaudronnerie.

- À droite, les vieux bâtiments dont le rez-de-chaussée fut construit à la fin du XIXe siècle.

École Martini - 1976

Décembre 1976 : "... cent quarante-trois ans de l'histoire locale
venaient de s'effacer en quelques heures..."

Le 7 décembre 1976, quand les vieux murs, les charpentes, le préau métallique, les ateliers, les salles de dessin, le labo, la cantine, le gymnase, s'effondrèrent sous les coups de boutoir implacables des engins mécaniques, quand les vieux arbres de la cour furent arrachés, quand les camions emportèrent les décombres à travers d'immenses nuages de poussière, des milliers de nos concitoyens ont ressenti une émotion certaine devant le spectacle de ce chantier apparemment banal.

On passait, on s'arrêtait, non seulement par curiosité, comme le font tant de badauds, mais aussi parce qu'on se souvenait.

Cent quarante-trois ans de notre histoire locale venaient de s'effacer. Près d'un siècle et demi de vie intense.

Ce ne sont pas moins de six générations de Seynois qui, enfants, adolescents ou jeunes adultes, ont appris à devenir des citoyens responsables sous la direction de maîtres compétents et dévoués dans cette vieille école...

Des groupes se formaient. Des souvenirs se ravivaient :

- Moi, j'étais dans la classe de M. Aillaud.
- J'en ai reçu, des calottes, de M. Vacchero !
- C'est M. Guigou qui m'a fait passer mon certificat.
- Nous n'étions pas fiers quand Romanet se mettait en colère !

Et les papotages allaient bon train ! Car on aime toujours se rappeler ses souvenirs d'écoliers, les farces qu'on a pu jouer à certains professeurs trop indulgents, les rigueurs que l'on a subies de certains autres, les défauts ou les bienfaits de leur enseignement... On se souvient alors avec délectation des joies éprouvées pendant les jeux collectifs et les compétitions, et l'on éprouve rétrospectivement les émotions ressenties les jours d'examen...

Chacun se remémorait les jours passés entre ces vieux murs que l'on venait d'abattre.

Et puis, les pelles mécaniques arrachèrent même les pierres des fondations et tous les terrassements furent nivelés.

La place était prête à recevoir du béton frais.

Il ne restait alors plus rien de ce passé que je n'hésite pas à qualifier de glorieux pour de multiples raisons que le lecteur découvrira au fil de ces pages.

Martini avait vécu !

 

J'appartiens à cette génération qui a vu disparaître la Chapelle des Pénitents Blancs, la Présentation, l'abattoir qu'on appelait autrefois l'égorgerie, l'Externat Saint-Joseph, le lavoir Saint-Roch et, sur leur emplacement, d'autres constructions sont nées : dans le même ordre, le Centre Médico-Scolaire, un ensemble H.L.M., la Mairie annexe, un magasin des coopérateurs du Midi, une station d'assainissement.

Il en est d'une ville comme d'un être vivant dont les cellules se régénèrent.

Ainsi va l'histoire.

 

Anatole France (3) a écrit : " Les pierres parlent à ceux qui savent les entendre ". Je suis de ceux-là.

(3) A. France : Anatole François Thibault, dit Anatole France. Écrivain français (1844-1924). Son premier ouvrage, Le crime de Sylvestre Bonnard (1881), reçut un accueil enthousiaste. De nombreux ouvrages romanesques, ainsi que des textes critiques et politiques vont consacrer la notoriété d'un homme qui, sous des dehors sceptiques et malgré son pessimisme, était habité de l'" ardente charité du genre humain ". Avec l'affaire Dreyfus, il se mêla de luttes politiques et rattacha son anticléricalisme à sa critique de l'ordre social. Il prêta son appui au socialisme puis au communisme naissant. Pourtant, il resta en dehors des partis et le récit symbolique de L'Île aux pingouins, comme le roman historique Les Dieux ont soif, sont significatifs de la méfiance d'A. France à l'égard de tous les dogmatismes. Lauréat du Prix Nobel de 1921 A. France a renouvelé l'humanisme profane en mettant son ironie subtile et son style limpide et sûr au service d'un scepticisme conciliant qui n'implique jamais l'indifférence aux problèmes humains. Académicien Français en 1896, fauteuil XXXVIII.

À la disparition de l'École Martini, au sein de laquelle j'ai passé la majeure partie de ma vie, soit comme élève soit comme maître, j'ai ressenti un pincement au cœur à tel point que je me suis abstenu de passer pendant plusieurs mois sur l'emplacement arasé, nivelé, dans ce quartier Cavaillon, l'un des plus vieux de La Seyne, devenu méconnaissable.

Sensibilité ridicule, estimeront certains. Mais je suis de ceux qui n'oublient pas et je reste persuadé que nombre de mes contemporains réagissent de même.

Je sais bien que le temps est un grand maître et qu'il efface peu à peu les êtres et les choses. Cependant, il lui sera difficile d'anéantir cent quarante ans d'histoire locale dont Martini a été le témoin.

Si j'ai tenu à tracer ici l'histoire de l'École Martini, ce n'est pas seulement pour satisfaire un besoin d'expression sentimentale. Il m'a paru nécessaire aussi de rendre hommage à l'Institution que fut cette première école publique, à ses dirigeants et à ses maîtres, dont il sera longuement question dans les pages qui vont suivre. Hommage de reconnaissance et de gratitude à tous ceux qui ont contribué à éduquer plusieurs générations de Seynois.

En ma qualité d'ancien et même de très ancien de la maison, il m'a semblé de mon devoir de rappeler et de perpétuer les souvenirs auxquels des milliers de Seynois ne peuvent rester insensibles.

Il m'a été possible de le faire avec précision pour la période qui va de 1920 à nos jours. Cette partie de l'histoire est forcément la plus vivante parce que je l'ai réellement vécue :

Élève de l'École Martini de 1920 à 1928, enseignant dans la même école de 1938 à 1966, j'y ai connu des milliers d'élèves, des centaines d'instituteurs et de professeurs, huit directeurs, principaux et proviseurs.

En 1944, comme membre du Comité de Libération, j'ai participé à la remise en place des structures communales dont l'École Martini, qui avait été abandonnée et pillée.

En 1945, membre du Conseil d'Administration de la Caisse des Écoles, j'ai apporté ma contribution au développement de l'Enseignement et des œuvres sociales scolaires, dont l'École Martini a bénéficié.

De 1950 à 1977, en qualité de Conseiller municipal, puis d'Adjoint au Maire, autrement dit comme administrateur des biens communaux, j'ai pu suivre presque au jour le jour la vie intérieure de l'établissement.

Si je fais état de toutes ces responsabilités, ce n'est pas pour satisfaire un désir d'ostentation, mais seulement pour expliquer au lecteur que, mieux que d'autres, il m'est possible de raconter l'histoire de l'École Martini. En outre, j'ai été confronté à ces divers titres, à tous les aspects de sa vie, à l'accroissement de ses effectifs, au renouvellement de ses personnels, à l'évolution qualitative de l'enseignement que l'on y dispensait ; je me suis réjoui des succès scolaires et universitaires qui y ont été remportés et j'ai suivi son adaptation progressive aux besoins de notre industrie locale... jusqu'à ce que je sois de ceux qui durent constater son déclin prévisible, obligatoire, évident, bien avant sa disparition. Il devenait alors impossible de trouver une autre solution que la destruction : les locaux étaient vétustes et l'on ne pouvait envisager d'en étendre l'emprise, tant la vieille école était engoncée dans ce quartier ancien.

Martini, comme une bonne mère, a préparé l'avenir. Elle a formé les cadres que l'on retrouve en grand nombre dans les structures scolaires qui ont comme essaimé de par la ville, au fil des ans, à partir de la vieille école. C'est pourquoi il n'était pas possible, dans ces pages d'histoire, de parler seulement de Martini. Le développement de l'Enseignement d'État à La Seyne, s'il a eu l'École Martini comme point de départ, n'a pu forcément se développer qu'en s'appuyant sur les autres établissements de la ville.

C'est pourquoi la seconde partie de cet ouvrage sera consacrée à la naissance, au développement et à l'extension des ensembles scolaires que nous connaissons aujourd'hui. Il y sera question aussi de l'avenir.

Eh oui ! Il fallait bien penser aux structures de l'an 2000.

Mais revenons pour quelques instants à nos vieilles pierres pour dire que la Municipalité n'a pas été ingrate.

Des pierres de la vieille École Martini sont conservées au Musée de Balaguier. Et puis, pour perpétuer son souvenir, a été donné à l'ancienne Ecole Pissin, ex-François Durand, le nom d'Émile Malsert, ce directeur qui a dirigé pendant vingt ans l'École Martini et l'a marquée de son empreinte puissante, par son dévouement, sa droiture et son efficacité pédagogique.

Il nous reste également les écrits de l'honorable Monsieur Baudoin (4) qui m'ont grandement aidé, d'ailleurs, à rédiger cet ouvrage en m'apportant les renseignements nécessaires sur la période qui va de 1833 à la fin du XIXe siècle, c'est-à-dire la plus difficile à connaître.

(4) Louis Baudoin de l'Académie du Var - Histoire générale de La Seyne-sur-Mer et son port - 908 pages - édité par l'auteur - Marseille, 1965 (épuisé).

Il nous reste enfin les photos des bâtiments, de la cour, des promotions, recueillies dans un petit album que fit confectionner le Directeur Mendès et que certainement, de nombreux anciens élèves possèdent encore.

La glorieuse École Martini ne pouvait pas disparaître tout à fait.

Nous avons assisté, en ce début d'année 1980, à une sorte de résurrection : une autre École Martini est née. La mère a laissé une fille qui portera le nom de la famille, une école à dix classes, remplaçant l'ancien établissement qu'il avait fallu raser pour établir le parking.

Jean-Baptiste Martini, qui dirigea en 1833 une école à une classe, était loin de penser que moins d'un siècle et demi plus tard, son nom serait prononcé avec sympathie par des milliers d'automobilistes heureux de garer leur voiture en sûreté dans un édifice situé au centre-ville et qui porte son nom, devenu si familier aux habitants de La Seyne.

Ajoutons que cet ouvrage ne peut avoir un caractère exhaustif car il est toujours difficile de reconstituer les faits de manière très précise. D'autant que les documents écrits sont très rares, surtout à la Seyne qui a perdu une partie de ses archives au moment de la guerre de 39-45.

Puisse cette contribution à l'histoire locale faire revivre pour nos concitoyens des souvenirs enfouis dans le passé, des souvenirs qu'au cours de rencontres amicales on égrène toujours avec plaisir et même avec passion.

Dans sa préface à l'Histoire Générale de La Seyne-sur-mer et son port, depuis les origines jusqu'à la fin du XIXe siècle, de M. Louis Baudoin, Toussaint Merle (5) a écrit :

" Elle s'arrête au début du XXe siècle. C'est dommage !

Il reste à la compléter. Le Président des Amis de La Seyne Ancienne et Moderne ne peut que partager cette opinion ".

Dans une très faible mesure, cet ouvrage apparaîtra comme un complément à l'histoire de notre ville, très partiel, d'ailleurs, puisqu'il ne traite que de l'École Martini et des problèmes locaux de l'enseignement.

Il est souhaitable que soient un jour retracés d'autres aspects de la vie Seynoise et son évolution pour ce XXe siècle dont les trois quarts sont déjà écoulés.

Oui ! Les Seynois attendent certainement une histoire de La Seyne au XXe siècle. La tâche est immense. Elle nécessite de nombreuses recherches de documents, des analyses minutieuses et des contacts avec les milieux les plus divers.

Elle doit résulter d'un travail collectif.

Cette idée émise, j'espère que dans notre bonne ville de La Seyne, qui a su donner à des milliers de ses enfants un niveau de culture élevé, il sera aisé de trouver les forces capables d'accomplir cette noble tâche.

 

Marius AUTRAN
Enseignant E.R.
Maire-Adjoint honoraire
Ancien Conseiller régional


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