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La rédaction de ce récit a été possible grâce aux sources suivantes :
1 - Relation officielle du voyage à Toulon et à La Seyne des membres du Conseil Municipal de Paris et du Bureau du Conseil Général de La Seine à l'occasion de la mise à l'eau du cuirassé Paris.
2 - Compte-rendu du Petit-Var du 28 septembre 1912.
3 - Témoignages de Seynois présents au lancement.
4 - Archives locales (délibérations des Conseils municipaux).
La construction navale à La Seyne
Parler de la Construction Navale à La Seyne, c'est remonter bien loin dans le temps. À une époque bien antérieure à la fondation de la Commune en 1657.
Cette activité locale pourrait faire l'objet d'une étude fort longue et pleine d'intérêt.
Depuis le radeau de la Préhistoire qui relia les rivages de la presqu'île de Sicié à l'île de Sépet, depuis les trirèmes des Phéniciens et des Grecs, les galères romaines qui faisaient étape au Creux Saint-Georges à Saint-Mandrier, depuis les caravelles du Moyen Age, les nefs construites pour les croisades... jusqu'aux paquebots, aux cuirassés, aux unités en tout genre de la navigation moderne, nos chantiers ont construit des milliers de navires pour le commerce, le transport des voyageurs, la défense nationale.
Au fil des années, la Construction Navale a évolué rapidement : les Chantiers des XVIIe et XVIIIe siècles de caractère artisanal ont fait place au début du XIXe siècle à la grande industrie. Les constructions en bois ont été peu à peu supplantées par les coques métalliques dont les dimensions n'ont cessé de croître pendant que les moyens de propulsion accomplissaient eux aussi des progrès fulgurants.
Les chantiers du XIXe siècle avec MM. Mathieu et Lombard connurent déjà une renommée certaine.
Mais ce fut surtout à partir de 1855 avec la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée (F.C.M.) que naquit la Grande Industrie de la Navale et la liste nominative des unités mises en service à La Seyne serait bien longue à établir. On pourrait y relever les noms de bateaux dont la carrière fut particulièrement longue et glorieuse.
À la date du 28 septembre 1912, s'effectua le lancement du cuirassé Paris. Nombreux sont ceux, parmi les travailleurs de nos chantiers, ouvriers, techniciens ou ingénieurs, qui ne manqueront pas de poser la question :
Pourquoi donc avoir réservé au seul cuirassé Paris le privilège d'un récit ? Ceux qui ont travaillé sur d'autres unités aussi imposantes auraient bien voulu que leur navire soit mis à l'honneur, tant il est vrai que les participants à une oeuvre commune d'envergure éprouvent une fierté légitime à se trouver associés au succès.
Combien d'unités des marines militaire et marchande ont laissé des souvenirs prestigieux, qui auraient mérité elles aussi que leur histoire fût contée ?
Pourquoi parler du Paris ? Pourquoi ne pas évoquer le Voltaire, le Gallia, le Massilia ou le Béarn ?
Pourquoi ce grand cuirassé a-t-il porté le nom de notre capitale alors que deux autres unités l'avaient déjà glorifié avant lui ? Qui a décidé de ce choix ? Pourquoi les Forges et Chantiers de la Méditerranée furent-ils désignés pour sa construction ? Pourquoi a-t-on voulu que les cérémonies de ce lancement revêtent le caractère d'une véritable solennité nationale ? Dans ce document, nous donnerons les éléments de réponse à toutes ces questions.
Nous nous limiterons à raconter essentiellement les préparatifs, les opérations émouvantes de mise à l'eau. Nous évoquerons aussi les journées qui suivirent cette date historique du 25 septembre et leur incidence sur les événements dramatiques dont notre pays allait souffrir peu de temps après.
Il eut été certes d'un grand intérêt de raconter toute la carrière du Paris. Cela nous aurait conduit vers de longs développements dépassant les buts recherchés dans ce recueil d'histoire locale.
Il est aisé de répondre à la question relative au choix du chantier de construction. Dans cette période de préparation intense à la guerre, le gouvernement de la IIIe République voulait donner au pays une flotte puissante. Les Chantiers de La Seyne, face à l'Arsenal de Toulon étaient admirablement équipés. Depuis 1872, la construction navale avait accompli des progrès surprenants dans notre cité.
Les techniques nouvelles en usage lui étaient enviées par les autres chantiers de l'Atlantique et de la Manche. La Grande-Bretagne, maîtresse des mers jusqu'ici, surveillait de près l'activité grandissante et le développement incessant des techniques de pointe lancées par l'ingénieur, le directeur, l'administrateur Lagane, pendant les 25 ans de son passage à la tête de l'entreprise.
Le choix du nom qu'on allait donner à la plus belle unité de la Marine ne soulèvera aucune objection dans quelque milieu que ce fût. Vénérer la capitale de tous les Français, celle qui fut le berceau de leur civilisation ? Rien de plus naturel.
D'ailleurs, ce n'était pas la première fois que des unités de la flotte française avaient été baptisées du nom glorieux de Paris. Il n'est pas inutile pensons-nous de le rappeler. La Ville de Paris, première du nom, avait été lancée à Rochefort le 19 janvier 1764. Elle avait participé à des combats navals les plus sévères de son temps et porté les pavillons des hommes de mer les plus illustres comme les d'Orvilliers, de Guichen, de Grasse... Citons au passage, la fameuse bataille d'Ouessant livrée contre la flotte anglaise pendant la guerre d'indépendance américaine.
Le deuxième vaisseau Ville de Paris fut lancé à Rochefort le 5 octobre 1850. Il avait été mis en chantier en 1807. Il devait primitivement porter le nom de Ville de Vienne. Sous la Restauration, on le débaptisa pour l'appeler Comte d'Artois. Pendant les cent jours, avec le retour de Napoléon Ier, il reprit son premier nom, puis le second après la défaite de Waterloo.
Le nom de Ville de Paris lui fut attribué définitivement en 1830. Les luttes politiques sévères qui secouèrent la France dans cette période expliquent les retards accumulés pour la finition du navire. Constatation particulièrement surprenante mais absolument authentique, la coque est restée sur cale pendant 43 ans. Armée en 1851, la Ville de Paris participa à la dure campagne de la Mer Noire et au siège de Sébastopol de 1856 (*).
(*) Elle était armée de 120 canons, porta devant Sébastopol le pavillon du Vice-Amiral Hamelin, Commandant en chef de la flotte française de la Mer Noire. Doublé de cuivre, il portait une magnifique voilure, mais pouvait marcher à la vapeur.
Elle navigua en escadre jusqu'en 1865. Pendant les dernières années, elle servit de caserne à 500 hommes du 4e régiment d'infanterie de marine.
Elle finit sa carrière, dans un chantier de démolition de La Seyne en 1898. Elle avait 91 ans, dont 48 passées à la mer. Cela méritait d'être dit. Et c'est précisément sur le rivage seynois où elle termina sa longue carrière qu'un troisième navire, un cuirassé moderne cette fois va naître et porter une fois encore le nom de Paris. Revenons à la question. Pourquoi ce même nom et à si peu d'intervalle ?
Les raisons de ce choix sont multiples. À ce cuirassé d'un tonnage inégalé jusqu'ici, doté d'une puissance de feu redoutable, ne fallait-il pas un nom prestigieux ?
Ainsi, le Ministre a pensé que celui de Paris ferait l'unanimité des gens de mer et plus généralement de tous les Français.
Paris ! La ville lumière, Paris dont le passé fait de gloire et aussi de revers se confond avec celui de la France tout entière ! Paris de la Paix, du travail, des sciences, des arts et de la culture ! Paris qui s'est levée la première pour défendre la Patrie en danger ! Paris à l'avant-garde des idées de progrès ! Paris de 1789, de 1830, de 1848, de 1871... Le nom de Paris, a pensé le Ministre qui a décidé seul du choix, est celui le mieux indiqué pour exalter les sentiments patriotiques des Français.
N'oublions pas que nous sommes en 1911. Les bruits de guerre retentissent malheureusement chaque jour. La Bourgeoisie française s'est taillée un immense Empire colonial depuis 40 ans. L'Allemagne industrialisée cherche des débouchés pour son commerce extérieur. Elle s'est donné une armée et une marine redoutables. Dans les cercles officiels des gouvernements, dans les états-majors de la haute finance, on sait très bien que l'on s'achemine vers un affrontement peut-être généralisé.
Pour défendre ses possessions réparties dans tous les continents, la France a besoin elle aussi d'une armée et d'une flotte puissante. Il lui faut protéger les pays coloniaux où la flotte marchande va chercher des denrées et des matières premières à des prix intéressants, s'assurer la suprématie des lignes de navigation. En cas de guerre, il faudra bien envisager de ravitailler ce qu'il est convenu alors d'appeler la mère patrie.
Il faudra permettre aux transports de troupes d'acheminer sur les champs de bataille français les jeunes Nord-Africains, les Africains, les petits Indochinois, les Malgaches, et d'autres peuplades odieusement exploitées.
En ce début du siècle, les dangers du colonialisme et de l'impérialisme étaient dénoncés par Jean Jaurès, Jules Guesde et bien d'autres. La bourgeoisie des affaires traitait ces pacifistes d'ennemis de la Patrie qu'il fallait exterminer.
Elle était au pouvoir cette bourgeoisie des affaires. Elle écoutait plus volontiers la voix des revanchards d'après 1870, les cocardiers qui rêvaient de voir la France reconquérir le bassin minier de la Lorraine et de l'Alsace.
Il fallait donc exalter les sentiments patriotiques des Français par tous les moyens.
Autre motif de glorification non négligeable, la coque de ce cuirassé de 24 000 tonnes sera construite dans le temps record de 9 mois. La presse devra exploiter au maximum ce résultat technique remarquable, qui sera proclamé bien haut afin que les adversaires de la France le sachent et en tirent les conséquences.
Voilà une raison supplémentaire qui justifie l'ampleur des manifestations et des festivités consacrées au lancement du cuirassé Paris. C'est pourquoi une importante délégation de journalistes venus de tous les horizons géographiques mais non politiques fut invitée à propager cet événement national avec toute l'ampleur désirable.
C'est pourquoi aussi, après le lancement du cuirassé, une relation officielle sera imprimée, reliée et déposée aux sièges des grandes administrations, dans les Ministères, dans les bibliothèques les plus importantes.
Le 14 avril 1911, M. Théophile Delcassé, Ministre de la Marine signait l'ordre suivant :
Paris, le 14 avril 1911
Le Ministre décide que les deux cuirassés de 23.460 tonnes dont le Parlement vient d'autoriser la construction (loi du 13 avril 1911) recevront les noms de France et Paris. Conformément aux instructions adressées à la Commission Centrale des machines et du grand outillage, le 17 février dernier, les pourparlers avec les chantiers de l'industrie privée devront être conduits avec célérité, de manière que les marchés puissent être acceptés par la commission avant 1er juillet 1911 et notifiés avant le 1er août 1911.
Le même jour, cette décision était portée à la connaissance de Monsieur Bellan, Président du Conseil Municipal de Paris. Le Ministre s'exprimait ainsi :
Mon Cher Président et ami,Le journal officiel ayant promulgué, ce matin, la loi qui autorise la construction de deux cuirassés, je viens de décider qu'on appellerait l'un France, l'autre Paris. Ces deux noms, quinze siècles d'histoire les ont faits inséparables. Et j'ai été particulièrement heureux de les faire porter par les plus puissantes unités de la flotte.
Votre bien dévoué Delcassé.
Le président du Conseil Municipal de Paris répondit aussitôt :
Mon cher Ministre,Votre geste d'une rare délicatesse, va droit au coeur du Conseil Municipal et je suis l'interprète de certains de mes collègues en vous exprimant notre gratitude.
Quinze siècles d'histoire, vous avez raison de le dire, ont fait les deux noms de France et de Paris inséparables. L'avenir, j'en ai la foi, les associera plus intimement encore et c'est avec confiance, avec orgueil, que nous verrons flotter ces deux pavillons France, Paris.
Veuillez croire, Mon Cher Ministre, à mes sentiments amicalement dévoués.
Le Président du Conseil Municipal : Bellan.
À partir de cette correspondance, la ville de Paris, devenait marraine du nouveau cuirassé. Au cours de la séance du bureau en date du 25 avril, proposition fut faite de faire un don de parrainage au navire qui porterait le nom de la capitale de la France. Après discussion avec M. Le Ministre de la Marine, il fut décidé que le présent consisterait en un surtout de table destiné à la salle à manger de l'Amiral ayant son pavillon à bord du Paris. Un concours fut organisé par le Service des Beaux Arts.
Un jury désigné qui comprenait des membres de l'Institut, des représentants du Ministère de la Marine, du Conseil Municipal de Paris, des fonctionnaires des Beaux Arts, des artistes, etc.
Parmi les quarante-cinq participants au projet, ce fut M. Roussel qui obtint dès le premier tour du scrutin une large majorité.
Son oeuvre représentait une nef portant des personnages allégoriques :
Sous le commandement de la ville de Paris qui brandit devant Neptune la sublime devise Fluctuat nec Mergitur, les monstres marins qui assaillent le navire sont vaincus tandis que Minerve Athénée, déesse de la Guerre et de la Sagesse, gouverne, la Victoire ailée indique la route au navire triomphant.
Cette oeuvre remarquable en argent doré, d'une longueur de 1,25 m, d'un poids de 55 kg fut évaluée à 32 000 francs or. Le 20 septembre, elle fut complètement achevée et expédiée le 25 du même mois à destination de la Préfecture maritime de Toulon, auprès de laquelle la société des Forges et Chantiers devait en prendre livraison.
Ce fut précisément à cette société que le Département de la Marine avait décidé de confier la construction du cuirassé Paris. Des milliers de travailleurs de nos chantiers se souviennent des noms des plus hauts responsables locaux sous les ordres desquels ils travaillèrent MM. Kauffer, Ingénieur en chef, et Cacaud, ingénieur, chargés respectivement de la coque et des turbines. La surveillance des travaux était exercée par M. Vuillerme, Ingénieur en chef de première classe de la Marine. La direction des Forges et Chantiers était alors assurée par M. Rimbaud. Le marché avait été notifié le 21 juillet 1911. Le montage sur cale ne commença réellement qu'en janvier 1912. Le lancement s'étant effectué le 28 septembre de la même année, la construction de la coque jusqu'à sa mise à flot dura donc neuf mois seulement.
Cette rapidité d'exécution fut considérée pour l'époque comme une performance peu commune.
On avait d'ailleurs un élément de comparaison remarquable. Le cuirassé Voltaire, construit à La Seyne également, était resté dix-huit mois sur cale. Son tonnage lors de la mise à l'eau était de 5 500 tonnes, alors que celui du Paris accusait un déplacement de 7 000 tonnes.
La société des Forges et Chantiers, par la voix de son Conseil d'Administration, invita en priorité les représentants de la cité marraine du cuirassé.
Cette invitation au Conseil Municipal fut étendue aux membres du bureau du Conseil Général de la Seine n'appartenant pas à l'Assemblée communale, invitation au lancement mais aussi au déjeuner prévu après la cérémonie.
Il fallait aussi compter parmi les invités, M. Paul Roussel, auteur de l'objet d'art offert à la Marine française, les journalistes accrédités à l'hôtel de ville, les fonctionnaires désignés pour accompagner la délégation.
La compagnie des chemins de fer P.L.M. avait prévu un train spécial qui devait se mettre en route le vendredi 27 septembre à 9 h 15. Les plus hauts responsables de la société prirent place dans le wagon personnel de Monsieur Derville, Président du Conseil d'Administration.
Trois voitures accueillirent les membres du Conseil Municipal et du Conseil Général.
Deux autres voitures furent réservées à la Presse et divers invités parmi lesquels plusieurs dames.
Entre Laroche et Dijon, un déjeuner fut servi gracieusement offert par la Compagnie P.L.M. simultanément dans deux wagons-restaurants, l'un placé en tête du train, l'autre à l'arrière.
Des arrêts furent marqués à Lyon et à Tarascon où d'autres personnalités se joignirent au convoi. Le dîner fut servi après Tarascon. À 23 heures 30 le train arrivait en gare de Toulon. Il avait donc fallu quatorze heures pour le déplacement. On était alors loin de penser qu'un demi-siècle plus tard il ne faudrait guère plus d'une heure pour effectuer le même déplacement par la voie des airs. M. Hudelot, Préfet du Var, M. Arnaud sous-préfet de Toulon, le lieutenant de vaisseau Magnier, Officier d'ordonnance de M. le Préfet Maritime, M. Chevillon, député de Marseille, ainsi que plusieurs représentants de la Presse toulonnaise, accueillirent les invités à leur descente du train. Ces derniers furent ensuite répartis dans trois hôtels : Grand Hôtel, Hôtel Victoria, Hôtel du Louvre.
Le lendemain 28 septembre au matin, le Président du Conseil Municipal de Paris, le Président du Conseil Général de La Seine, accompagnés de M. le lieutenant de vaisseau Magnier, après quelques visites de courtoisie, se rendirent aux chantiers de La Seyne, sur une vedette de la Préfecture maritime. Ils furent reçus au pied de la tribune officielle par M. le Général Sebert, Président du Conseil d'Administration de la société des Forges et Chantiers et divers membres du même conseil : MM. Jouet-Pastré, Musnier, Comte Armand, Moritz, le Contre-Amiral Hallez, et naturellement par M. Rimbaud, Directeur des Chantiers de La Seyne.
Pendant la cérémonie, les musiques locales L'Avenir Seynois et La Seynoise, disposées de part et d'autre de la tribune officielle, exécutaient un magnifique programme. Chacune d'elles offrit aux milliers de spectateurs les morceaux suivants :
La Seynoise :
- Ganagobie - pas redoublé (Sallis)
- La Vallée d'Ossau - grande valse (Benoist)
- Mireille - fantaisie (Gounod)
- Plaisance Fronsac - polka pour piston (Farigoul)
- Hyménée Maryan - ouverture (Puget)
- Scaramouche - fragment de ballet (Messager)
L'Avenir Seynois :
- En avant, pas redoublé (Argain)
- Jeune maillotte - ouverture (Raynaud)
- Les rêves de l'exilé - valse fantaisie (de Varenne)
- Loin du pays (ouverture) - (Bouillon).
- Les Chardonnerets - polka pour flûte (Escoffier)
- Ouverture de concert (Giraud)
- Alméria - valse espagnole (Andrieu)
Dans les mêmes instants, M. le Ministre était reçu solennellement à la Mairie de La Seyne.
L'ensemble de la délégation parisienne s'embarquait à 10 h sur le Kéraudren qui l'attendait au quai Cronstadt. Ce bateau, qui portait le nom d'un ancien directeur du service de santé de la Marine, a fait une longue carrière dans le port de Toulon en assurant le service de l'Hôpital de Saint-Mandrier. Les anciens de la Marine s'en souviennent.
Malheureusement, le beau temps ne fut pas de la partie. Le ciel bas laissait présager de grosses averses. Un vent furieux de l'Est fouettait les matures et sifflait dans les haubans et les drisses. Pour accroître le caractère grandiose de la journée, il semble bien que l'on avait recherché une concentration navale d'importance. Les navires présents dans la rade ou à quai étaient particulièrement nombreux ce jour-là. Un document officiel dénombre : 14 cuirassés, 11 croiseurs, 36 contre-torpilleurs, 5 sous-marins, 2 garde-côtes cuirassés, 3 remorqueurs de grande puissance, 3 transports de troupes, soit 74 bâtiments. On pourra lire en annexe le nom de toutes ces unités.
Le Kéraudren s'avançait prudemment vers les chantiers de La Seyne, actionnant sévèrement sa sirène dont les accents heurtaient ceux des porte-voix, se frayant un passage dans la multitude des embarcations de toutes sortes dont la rade était sillonnée. Les canots automobiles, les baleinières, les chaloupes à vapeur aux cheminées de cuivre luisantes, les vedettes rapides venaient déverser leur cargaison humaine près du Paris monstre d'acier incliné sur la cale qu'il allait bientôt quitter.
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Autre vue du cuirassé Paris sur cale à La Seyne |
Sa silhouette se profilait sous un ciel très sombre. Le spectacle d'une rade aussi animée eut été bien plus agréable par une belle journée comme il s'en trouve souvent sur nos rivages à l'automne. Les spectateurs se souvenaient de la catastrophe du cuirassé Liberté survenue presque à la même date de l'année précédente, 25 septembre 1911. Par contre, ce jour-là le temps était magnifique. Ironie du sort ! Au même moment, au même endroit, il y avait un an, on retirait des cadavres mutilés par centaines, des noyés, des agonisants. Et maintenant, en présence de l'épave lugubre de la Liberté qui pointait encore hors de l'eau, on se rassemblait pour saluer la venue du cuirassé Paris. Les autorités présentes aux obsèques des victimes du cuirassé défunt s'apprêtaient à banqueter au Casino de Michel-Pacha pour saluer la venue au monde du cuirassé naissant. La succession était assurée !
Le Faron avait mis son chapeau et Notre-Dame de Bonne Garde du Cap Sicié son manteau. Les gens du terroir savent bien la signification de ce double phénomène : la pluie n'était pas loin.
Malgré les risques de mauvais temps, malgré les violentes rafales de vent, des grappes humaines étaient suspendues aux vergues des matures. Les marins, les curieux voulaient voir cet instant historique où la coque du gros cuirassé prendrait contact avec son élément dans les gerbes d'eau étincelantes. Et pourtant, cette coque rouge et verte toujours immobile, n'était que l'embryon d'un vaisseau non pourvu des engins redoutables qui feraient trembler l'ennemi éventuel. Il ne portait encore aucune mature, aucune superstructure. On apercevait de loin son gouvernail, masse énorme de 27 tonnes qui s'inclinait vers la mer.
Et ce colosse, tout le monde voulait le voir glisser vers les flots, sous les acclamations d'une foule en délire. Les équipages de la Flotte avaient le sentiment de vivre une fête de famille. Ce jeunet de Paris qui prendrait forme rapidement dans les jours prochains, c'était un enfant de plus que la Marine française allait compter, un enfant qui allait remplacer son aîné, la Liberté gisant, déchiqueté au fond de la rade.
- Onze heures ! le Kéraudren accoste au débarcadère prévu spécialement pour la délégation. Les plus hautes personnalités sont là : le Préfet de La Seine, le Préfet du Var, le Préfet de Police, le Maire de La Seyne, Baptistin Paul, le Maire de Toulon, M. Micholet, des sénateurs, des Députés, des Amiraux, des Généraux, des Officiers supérieurs, les civils en redingote noire et chapeau haut de forme, les militaires en uniformes de cérémonie, chamarrés d'or et d'argent, coiffés de bicornes empanachés.
On note également des officiers de marines étrangères : Russe, Grecque, Péruvienne, Brésilienne, en mission à Toulon et à La Seyne. La tribune officielle est comble. L'affluence a dépassé toutes les prévisions. Cela malgré le mauvais temps qui fait rage.
Depuis le matin, de très bonne heure, des curieux ont cherché les meilleurs emplacements afin que rien du spectacle ne pût leur échapper. Mais le lancement fixé en principe à 11 h, l'autorisation de pénétrer à l'intérieur des chantiers ne sera donnée que vers 10 h 30 pour la grande masse des gens du peuple.
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Des milliers de curieux ont envahi les cales voisines, escaladé l'embase des grandes grues. D'autres, juchés sur les dragues et les apparaux de toutes sortes, attendent stoïquement sous la pluie, s'interpellant bruyamment, heureux à la pensée de pouvoir dire un jour à leurs descendants : " Jai assisté à l'événement historique que fut le lancement du Paris ! ".
Les privilégiés de la tribune officielle sont évidemment les mieux placés, face à la partie arrière du navire qu'ils verront glisser dans toute sa longueur depuis l'étambot jusqu'à l'étrave.
Parmi eux, les plus hautes notabilités : Ministre, Président et membres du Conseil Municipal de Paris, Préfets, Sénateurs, Députés, Amiraux, Généraux, Directeur et Ingénieurs des Forges et Chantiers, officiers et délégations de Marines étrangères.
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À leur droite, d'autres personnalités d'une catégorie jugée inférieure. Personnalités locales comme les Conseillers généraux et municipaux, les Conseillers d'arrondissement, les fonctionnaires, locaux et départementaux, les Présidents d'association, etc. À partir de 10 h, des ouvriers munis de lourdes masses commencent le battage des languettes, puis c'est l'enlèvement des tins sous la quille.
Il y aura 6 opérations différentes à exécuter espacées de 10 minutes environ. Chacune d'elles porte un numéro affiché en tête de la cale et qui change au fur et à mesure de l'exécution. C'est le tour des accores de numéro pair, puis de numéro impair.
Quand la grande masse des curieux est autorisée à pénétrer dans les chantiers, les travaux préparatoires au lancement sont commencés. On se bouscule pour mieux voir. Le service d'ordre est débordé. Au fur et à mesure que les dernières minutes passent, l'enthousiasme délirant gagne la masse fourmillante d'hommes, de femmes et d'enfants.
Phénomène remarquable ! Au moment où les dernières opérations de lancement s'accomplissent, la tempête s'apaise. La pluie a cessé. On dirait qu'une force invisible a décidé de favoriser les meilleures conditions pour la réussite de ce spectacle grandiose.
Du sommet de la grande grue Atlas jusqu'au niveau de l'eau, des drisses portent sur toute leur longueur des pavillons flottants représentant la plupart des pays du monde. Des drapeaux français gigantesques, il y en a partout, sur les ponts, sur les grues, au sommet des bâtiments administratifs, des ateliers...
Ils voisinent avec le drapeau bleu et blanc des F.C.M. Les oriflammes multicolores serpentent dans les souffles du vent d'est qui semble vouloir ralentir son intensité pour ne point contrarier les opérations.
De part et d'autre de la cale de lancement, une nuée d'embarcations qui ont déposé leurs cargaisons de personnalités, manoeuvrent avec difficulté en attendant de les reprendre après la cérémonie.
Des chaloupes à vapeur de la Marine nationale, les steam-boats du service régulier Toulon-La Seyne (l'Hirondelle, la Mouette, l'Alcyon, l'Albatros, construits aux chantiers de La Seyne).
Les remorqueurs se mettent en place. Ces derniers s'apprêtent à freiner le colosse d'acier dans sa course dès qu'il prendra possession de son élément pour le diriger ensuite vers le quai d'armement. Des barques de pêcheurs à l'affût des coins de bois et autres fragments du berceau libéré après la mise à l'eau, des embarcations de curieux, de toutes formes, de toutes couleurs, tout ce monde de la mer attend, palpitant, l'instant fatidique.
Les officiers et élèves du vaisseau-école brésilien Benjamin Constant sont rangés sur la dunette et les passerelles, le long des bastingages. L'équipage agrippé dans les haubans et sur les vergues attend lui aussi avec émotion.
La musique du navire massée sur l'arrière exécute des hymnes nationaux.
Tout à coup une immense clameur d'enthousiasme retentit, qui se répercute à la ronde. La dernière saisine sectionnée, les spectateurs ont constaté un mouvement presque imperceptible. Serait-ce une illusion ? Pas du tout ! C'est bien cela !
Le mastodonte a remué. Son glissement sur le plan incliné est commencé. Le berceau abondamment enduit d'un suif qui s'échauffe amorce un mouvement d'une lenteur majestueuse qui s'accélère.
La vitesse s'accroît en rapprochant la masse vers son élément qui l'attend et va soutenir dès l'instant huit millions de kilogrammes d'acier.
Le gouvernail, le premier, fend les flots et provoque les premiers remous, soulevant des vagues d'écume énormes qui retournent se briser sur la coque métallique, se transforment en ressac qui secoue et ballote la multitude des embarcations accourues pour la collecte du bois et des résidus de suif utilisables, épars à la surface de l'eau.
Dès l'amorce du glissement quasiment imperceptible, les musiques ont égrené dans le vent les notes palpitantes de l'hymne immortel de Rouget de Lisle.
Tout le monde s'est levé sur les tribunes, les têtes se sont découvertes, les militaires au garde-à-vous ont salué le Paris.
Parmi les milliers d'ouvriers des chantiers navals, il ne s'en trouvait pas un peut-être qui n'eût participé à cette oeuvre gigantesque dans la mesure de ses qualités professionnelles ou de sa force physique. Chacun dans son atelier respectif avait apporté sa contribution isolément sans pouvoir juger des effets des coups de marteaux écrasant les rivets chauffés au rouge, cintrant les tuyaux de cuivre ou d'acier.
Et les charpentiers, les tôliers les riveurs, les chaudronniers se glorifiaient d'avoir vaincu les difficultés de la conception des formes.
Les coeurs se gonflaient d'orgueil, les larmes perlaient au coin des yeux dans la contemplation de l'oeuvre commune.
Ça y est ! Le Paris dont l'étrave a quitté la cale se redresse majestueusement, tire après lui un câble énorme, de lourdes chaînes qui s'étirent dans un fracas assourdissant et freinant progressivement sa course. Il a pris sa position horizontale normale et des remorqueurs de grande puissance s'affairent autour de lui.
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En moins d'une heure, il sera ramené à quai pour y recevoir dans les jours qui viennent tous ses équipements : machines, armement, superstructures.
Deux ans de travail seront nécessaires pour l'installation et la mise au point des appareils de propulsion et des engins balistiques (en annexe le lecteur trouvera toutes les caractéristiques techniques du navire).
Le spectacle grandiose touche à sa fin. Le Ministre et les représentants de la Ville de Paris s'empressent de féliciter le Directeur des Chantiers, Monsieur Rimbaud, et les Ingénieurs principaux ayant oeuvré à la construction du navire.
L'immense foule quitte les chantiers, les tribunes se vident, les calèches et les fiacres attendent des personnalités sur la place de la Lune, mais les plus hautes instances officielles quitteront les chantiers par la mer pour reprendre leurs activités civiles ou militaires, exception faite toutefois pour les 319 convives invités au banquet offert par la Société des Forges et Chantiers dans le Hall du Casino de Tamaris paré admirablement pour la circonstance.
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À 13 h, le Kéraudren et l'Albatros débarquent les Conseillers parisiens et tous les autres invités officiels de la Société. Ils sont admis non sans contrôle vigilant dans la vaste salle aux murs tapissés de drapeaux tricolores, ornés d'écussons allégoriques.
Au fond, la table d'honneur occupe toute la longueur du hall. Dix autres tables sont disposées perpendiculairement à la principale.
Des fleurs partout, des bouquets embaument l'atmosphère. Sur un socle drapé d'une étamine bleue semée d'étoiles d'or, apparaît le surtout offert par la Ville de Paris dont nous avons fait la description au début de notre récit.
Nul doute que Marius Blaise Jean Michel, dit Michel-Pacha, de son vivant, aurait lui-même accueilli le Ministre Delcassé et sa suite, dans son immense propriété dont il avait fait un véritable enchantement pour les yeux des visiteurs. Disparu depuis 1907, il fut cependant beaucoup question de lui dans les conversations et des services éminents qu'il rendit à notre communauté Seynoise.
Le lecteur trouvera un intérêt certain à connaître les détails qui suivent, relevés dans le compte-rendu officiel du Ministère de la Marine.
On notait la présence de Monsieur Théophile Delcassé, Ministre de la Marine.
À sa droite : Messieurs Pierre Baudin - Chautemps - Vice-Amiral Bien-Aimé Abel - Paul Bluysen - Vice-Amiral Marin-Darbel - Henri Galli - Delanney - Vice-Amiral Auvert - Evain - Kartzoff, Attaché Naval Russe - Gay - Papparigopoulo, représentant la marine hellénique.
À sa gauche : Général Sebert - Hudelot - Reynald - Michel - Chanot - Coreil - Vice-Amiral Boué de Lapeyrère - Général Mercier - Milon - Vice-Amiral Bellue - Lépine - Général Bunoust - Jousselin Derville - Commandant Penido, Attaché naval Brésilien - Vice-Amiral Gigon.
Sans vouloir nous livrer à des commentaires superflus, on peut simplement imaginer, après de telles agapes, l'effet produit par ces spécialités culinaires sur le palais des gourmets les plus experts.
Si au début de ce repas, les conversations se déroulaient avec circonspection par déférence surtout pour le Ministre représentant le Président de la République, on sentit que peu à peu les langues se déliaient bruyamment. Le Pouilly et le Chambertin aidant, la chaleur communicative du banquet s'empara progressivement des convives.
Fort heureusement, les éclats de voix furent tempérés par la Musique de nos philharmoniques et des Tambourinaires de Mireille.
Pendant tout le déjeuner, les Parisiens, les Lyonnais apprécièrent les vieux airs provençaux.
Il leur fut agréable d'entendre exécutés par les Tambourinaires, les morceaux suivants :
- 1 - Lou Reveï deï Tambourinaïre
- 2 - La marche de la Segno
- 3 - Magali (Méloudio populari)
- 4 - Lou Menuet
- 5 - La Mazurka souto leï pin
- 6 - La Grande Valse
En alternant avec les Tambourinaires, la Philharmonique exécuta le programme suivant :
- 1 - Ouverture du Calife de Bagdad (de Boieldieu - Tavan)
- 2 - L'Or et l'Argent, grande valse (Franz Lehar)
- 3 - Sélection sur les motifs de la Tosca (Puccini)
- 4 - Fantaisie poudrée - Entracte (Chillemont)
- 5 - Sélection sur les motifs de Manon (Massenet - Tavan)
- 6 - Dans les ombres, gavotte intermezzo (Fink)
Au fumet des viandes qui chatouillaient les narines, à l'arôme des vins qui flattait les palais se mêlait le plaisir des sons mélodieux.
Quel enchantement se lisait sur les visages cramoisis !
Il fallut tout de même arrêter la fête et penser aux réalités plus sérieuses. Un banquet de cette importance devait avoir des prolongements retentissants pour le peuple français et surtout pour ses adversaires et ses concurrents. Les discours qui allaient être prononcés devraient résonner bien au-delà de nos frontières.
Ils devaient glorifier une France forte, galvaniser les énergies pour la réussite d'une politique de prestige, d'expansion.
Mais laissons la parole au Président de la Société des Forges et Chantiers, au Président du Conseil municipal de Paris et au Ministre de la Marine.
Les musiques se turent, les conversations s'éteignirent tout à fait et ce fut dans un silence impressionnant que tour à tour les personnalités susnommées prononcèrent les importants discours dont nous reproduisons ici l'intégralité.
Le Général Sebert, Président du Conseil d'Administration de la Société des Forges et Chantiers de la Méditerranée, s'adressa à Monsieur le Ministre et à tous les convives en ces termes :
Mon premier devoir est de vous proposer de porter un toast, d'autant plus justifié que Monsieur le Président Fallières est venu souvent apporter à Toulon même les témoignages de l'intérêt qu'il porte à notre marine marchande.
C'est un grand honneur pour la société des F.C.M. d'avoir été choisie pour entreprendre la construction du nouveau cuirassé Paris que nous venons de lancer, et c'est un grand motif d'allégresse pour tout son personnel, de voir Monsieur le Ministre de la Marine venir en personne, lui témoigner, par sa présence, l'intérêt que porte le gouvernement de la République aux grandes entreprises qui, comme la nôtre, contribuent, à côté de lui, à assurer la défense de notre pays.
Nous saluons aussi, en nous félicitant de leur présence, les officiers étrangers dont les gouvernements nous ont souvent honorés de leur confiance.
Nous sommes heureux enfin d'avoir pu réunir, à cette extrémité de la France, avec les représentants du Parlement ainsi qu'avec le Président et les membres du Conseil Municipal de Paris, une aussi nombreuse assistance d'hôtes distingués, au premier rang desquels nous sommes fiers de voir les chefs de nos armées de terre et de mer, à côté de nombreux représentants de nos grandes industries. De touchantes manifestations inspirées par les plus ardents sentiments de patriotisme, se sont produites dans notre pays à l'occasion de ce lancement. Elles sont venues ajouter encore un nouvel élément de grandeur à cette réunion et lui donnent le caractère d'une véritable solennité nationale.
C'est d'abord, la décision prise dans un si noble élan, par le Conseil municipal de la ville de Paris, d'offrir au navire qui doit porter le nom de la ville lumière, cette magnifique oeuvre d'art, qui rappelle avec tant d'à-propos sa noble devise.
C'est là un fait mémorable, digne de cette cité qui a toujours su prendre l'initiative des idées généreuses et dans laquelle on sent, plus que jamais en ce moment, battre le coeur de la France.
La préparation, par le soin des Femmes françaises, du pavillon destiné au Paris est un autre fait mémorable, qui rehausse encore la présence de Madame la Duchesse d'Uzès, qui personnifie si bien les sentiments généreux et chevaleresques dont les femmes ont, si souvent, donné l'exemple dans le pays de Jeanne d'Arc. C'est une autre preuve touchante de la communauté d'idées qui anime, chez nous, tous les esprits, quand il s'agit d'assurer l'indépendance et la grandeur de notre belle France ou encore, comme l'a dit ici même Monsieur le Président de la République, à la suite de la mémorable revue navale de 1911, quand il s'agit d'assurer le maintien de son rang et de son rôle dans le monde, à l'avant-garde de la civilisation.
Nous savons que, grâce à la voix puissante des organes de la Presse qui ont provoqué ou secondé toutes ces manifestations, tous les Français ont leur attention dirigée, en ce moment encore, sur cette belle rade de Toulon et liront avec un sympathique intérêt des nouvelles de cette journée. Nous remercions les représentants de tous les journaux qui sont venus en un si grand nombre s'associer à cette fête du travail et du patriotisme.
Nous avons certainement le droit d'être fiers de cette situation, mais c'est surtout le personnel de nos chantiers et tous nos collaborateurs, si laborieux et si dévoués, qui doivent se réjouir en voyant le succès qui a couronné leurs efforts.
Monsieur l'ingénieur Rimbaud, notre actif et distingué Directeur, qui a si bien préparé la construction de ce beau navire, nos ingénieurs qui l'ont si bien secondé et, à leur tête, son second M. Kauffer, qui en a dirigé l'exécution, puis nos maîtres et nos agents de tous ordres, et enfin nos nombreux et dévoués ouvriers, tous, à l'envi, ont rivalisé d'ardeur pour arriver à réaliser le programme ardu qui leur était fixé et doivent se féliciter du résultat obtenu.
C'était en effet une oeuvre considérable que d'arriver à assurer la mise à l'eau d'un aussi puissant navire dans le faible délai qui nous était accordé et au milieu des difficultés qui se présentèrent. Seuls les hommes du métier pourraient, en entrant dans les détails, apprécier ces difficultés à leur valeur réelle, mais néanmoins, tous ceux qui ont assisté au lancement ou qui ont vu nos chantiers peuvent aussi, par un simple rapprochement, évaluer la somme formidable de travail qu'il a fallu produire pour arriver au but atteint.
Il suffit en effet, de comparer par la pensée, les bâtiments en bois de 1 200 tonnes et d'une soixantaine de mètres de longueur, mus encore à la voile, qui furent les premiers navires construits à La Seyne, lors de la fondation de notre société, il n'y a pas 60 ans, avec le mastodonte en fer et acier de 24 000 tonnes, à hélices mues par turbines à vapeur, ou avec le grand paquebot moderne de 175 mètres de longueur, qui les remplacent aujourd'hui dans nos chantiers.
On peut ainsi apprécier ce qu'il a fallu déployer d'activités pour réunir et assembler, dans le court délai de 9 mois à peine qui se sont écoulés depuis la pose de la quille du Paris sur cale, une masse de matériaux comme celle qui représente déjà la coque de ce cuirassé, au moment de son lancement.
Il faut aussi tenir compte de l'importance et de la nature des travaux qui s'exécutent parallèlement dans les grands ateliers qu'il a fallu édifier spécialement pour préparer les machines nouvelles et les engins puissants de manoeuvre qui doivent compléter le navire après sa mise à l'eau.
Et il y a lieu encore de ne pas perdre de vue que tous ces travaux ont dû être menés parallèlement à ceux que nous effectuons, en même temps pour la marine marchande, et cela au milieu des difficultés que sont venu créer les travaux de constructions nouvelles et de transformation des installations de nos chantiers, travaux qu'il nous faut compléter sans cesse pour rester toujours à la tête de la construction navale.
Ces chantiers se trouvent ainsi, comme vous avez pu le voir, en état de construire, en même temps que les navires de guerre les plus puissants, les paquebots rapides et les navires de la marine marchande, dotés des dispositions les plus perfectionnées, comme le beau paquebot Gallia qui s'élève aussi, avec rapidité, sur la cale voisine de celle qui portait le Paris.
Nos confrères de la grande industrie métallurgique qui ont bien voulu se joindre à nous aujourd'hui et les armateurs, nos clients, que nous sommes heureux de remercier de la confiance qu'ils veulent bien continuer de témoigner à notre société, ont pu voir que nous ne négligeons rien pour satisfaire les exigences croissantes de l'art des constructions navales et pour apporter ainsi notre contribution au développement de notre commerce maritime. Pour moi qui, pendant toute ma vie, appliquant les leçons de chefs et de maîtres vénérés, me suis donné pour objectif de démontrer que la véritable source de prospérité et de puissance de notre pays doit être cherchée dans l'intervention de plus en plus grande de l'initiative privée et de la libre industrie, pour venir en aide aux Administrations d'État chargées d'assurer la défense de notre pays, je suis heureux de pouvoir montrer cet exemple remarquable de la puissance d'action de l'une de nos industries les plus complexes.
Je suis donc autorisé à me réjouir, en répétant au nom de tout le personnel de notre société, que nous avons le droit d'être fiers de la situation qui nous vaut la solennité de ce jour.
Mais je ne voudrais pas que l'on pût penser que nous n'en reportons pas tout le mérite sur ceux auxquels s'adressent effectivement tous ces témoignages d'intérêt et d'estime.
C'est en effet, à notre Marine de guerre et à sa collaboration si cordiale avec notre belle armée, dont le pays ne la sépare pas dans sa sollicitude, que s'adressent toutes ces manifestations patriotiques.
C'est encore à celui qui a préparé les plans de ce beau navire (et que nous regrettons de ne pas voir ici), ainsi qu'à ses collaborateurs.
C'est enfin à tous ceux qui ont provoqué et préparé la série des mesures destinées au relèvement de notre marine de guerre et dont je dois rappeler la puissante intervention, que je rends ici hommage.
La mise à l'eau du Paris n'est qu'un des brillants épisodes de cette marche vers le but que se sont fixé les promoteurs de ce programme.
Nous sommes heureux d'avoir pu contribuer à en accélérer la réalisation et nous sommes prêts à continuer, sans défaillance, nos efforts pour compléter l'oeuvre qui nous a été confiée.
Nous sommes convaincus d'y parvenir, soutenus que nous sommes par les encouragements qui nous arrivent de toutes parts, et nous ne doutons pas que nous verrons dans les délais voulus, le Paris se lancer dans la carrière qui lui est destinée.
Nous avons enfin le ferme espoir qu'il la parcourra brillamment, en justifiant la devise prophétique et réconfortante de la ville dont il porte le nom et sous l'égide du beau pavillon que lui préparent les Femmes françaises.
Nous ne pouvons pas oublier que c'est à l'esprit de décision de M. le Ministre de la Marine et à son ardente et habile impulsion que sont dus le développement et la prompte réalisation du programme dont ses prédécesseurs avaient si bien commencé l'exécution.
Je suis donc autorisé à vous proposer de lever, avec moi, vos verres en l'honneur de M. le Ministre de la Marine et des représentants de notre marine de guerre.
La parole fut donnée ensuite à Monsieur Henri Galli, Président du Conseil Municipal de Paris qui s'adressa aux convives en ces termes :
Messieurs,
Nous venons d'assister avec une joie mêlée de fierté à la cérémonie émouvante et grandiose d'aujourd'hui. Nous remercions la Société des F.C.M. et son Président, Monsieur le Général Sebert, de l'avoir magnifiquement organisée dans le puissant port de guerre de Toulon où le Conseil Municipal de Paris s'associant comme il le fait toujours, aux manifestations du patriotisme français, a tendu, il y a 20 ans, une main amie aux marins de l'Escadre russe de l'Amiral Avellan et nous exprimons à Monsieur le Ministre de la Marine notre reconnaissance de l'heureuse initiative qu'il a prise, en décidant qu'un de nos cuirassés porterait le nom de Paris.
C'est un hommage qu'il rend à la ville dont les plus vieilles légendes, gloires et revers, la prospérité et les crises, les joies et les deuils, se confondent avec ceux de la Patrie.
C'est un hommage qu'il rend à la ville où s'affirme le plus haut idéal de notre race, un hommage au Paris toujours bouillonnant de vie, de sève et d'action, au Paris confiant en ses destinées et en celles de la France, dès les âges les plus lointains, même aux périodes les plus troublées et les plus tragiques de son histoire.
Paris réveille, entraîne les enthousiasmes aux heures de lutte ; il relève les coeurs, il ranime les courages à celles de la défaillance.
Le Paris de la Paix, du travail, des sciences, des lettres, des arts, le Paris souriant et accueillant se levait, il y a plus d'un siècle, farouche et résolu, à l'appel de la Patrie en danger ; il se levait quatre-vingts ans plus tard à l'approche de l'ennemi et devenait l'âme de la défense nationale ; il se lèverait encore demain en face du péril, non pour céder à la panique mais pour donner l'exemple à la France et pour combattre.
Il aime les courageux, les audacieux ; il rejette avec dédain les hésitants et les pusillanimes. Paris, dans ces vieilles armes rajeunies par la République, porte l'étoile de la Légion d'honneur, décernée pour faits de guerre, comme la porte le drapeau d'un régiment de braves.
À l'ouest de la grande ville, sur un des coteaux qui la dominent, se dresse magnifiquement l'arche triomphale qui évoque l'épopée prodigieuse de la France et des armées de la Révolution promenant le drapeau tricolore à travers le monde.
Le nom de Paris, de Paris tout rempli des grands souvenirs du Passé, de Paris toujours vibrant aux espoirs de l'avenir est donc bien à sa place à l'avant d'un cuirassé de notre belle escadre de la Méditerranée.
L'équipage futur du Paris ne sera, du reste, pas le premier appelé à servir la Patrie sous l'antique pavillon de la barque à fière devise Fluctuat nec mergitur (il est battu par les flots, mais ne sombre pas !).
Il a pour anciens les vaillants du Paris qui s'illustra en 1778 au combat d'Ouessant, ceux de la Ville de Paris, de l'Escadre de la Mer Noire devant Sébastopol, et les marins du siège de 1870, héroïques au feu sur les bastions de nos forts comme sur les ponts de leurs navires.
Les jeunes n'auront donc qu'à suivre la trace de leurs aînés.
Messieurs ! Nous avons tous, depuis quarante ans, souvent, trop souvent peut-être, proclamé dans un sentiment pieux, le gloria vitis, bien dû aux victimes de défaites imméritées. Aujourd'hui qu'il nous soit enfin permis, sans impatiences vaincs sans provocations, sans fanfaronnades, sans rien renier, ni sans rien oublier, sans méconnaître les belles actions ni les dures leçons du passé le plus douloureux, d'échapper à l'obsession de la défaite et de regarder l'avenir avec confiance. C'est donc un cri d'espérance, un cri du coeur raffermi que nous poussons. C'est le voeu ardent de la nation, le voeu de gloire que nous rêvons éclatante pour le jeune colosse digne du grand nom qu'il porte ! C'est un voeu de victoire, de victoire de la force mise par la France au service de son honneur et de ses intérêts, au service de la civilisation et du droit.
Le Conseil Municipal, que présidait alors mon ami M. Bellan, avisé en 1911, par Monsieur le Ministre de la Marine, de la mise en chantier du cuirassé Paris, a voulu, sur la proposition de nos collègues Massard et Adrien Oudin, témoigner, suivant notre vieil usage familial, par un don de la cité marraine, de ses sentiments à l'égard du filleul dont elle est déjà fière.
Messieurs ! L'oeuvre d'art que nous avons sous les yeux et que j'ai l'honneur de remettre, au nom de Paris à Monsieur le Ministre de la Marine, est bien française ; elle exprime avec une rare vigueur toute notre pensée.
Son auteur, M. Roussel, merveilleusement aidé dans l'exécution de son beau projet par notre industrie d'art parisienne, a su indiquer d'un geste superbe les destinées que nous rêvons.
Tout, à bord du Paris, rappellera donc notre chère France, puisque le navire a été construit par les ingénieurs et les travailleurs français des Forges et Chantiers, par notre industrie nationale à laquelle nous devons donner la préférence et puisque ce sont les mains de fées de nos parisiennes qui ont brodé son pavillon.
Messieurs ! Je lève mon verre et je bois au Paris, à la Marine française, à l'industrie et aux travailleurs français, à Monsieur le Ministre Delcassé qui représente si dignement et si fièrement le gouvernement de la République, à l'Union de toutes les énergies nationales pour la grandeur, la richesse et la gloire de la France !
Après ces paroles vibrantes, frénétiquement applaudies, Monsieur le Préfet de la Seine voulut s'associer au représentant du Conseil Municipal de Paris. Il le fit dans une brève allocution, leva son verre en l'honneur de la Marine nationale et de son chef éminent, et but aux " brillantes destinées du nouveau cuirassé qui porte le nom glorieux de Paris ".
Puis ce fut le tour de M. André Muller qui lut le discours de M. Pierre Lafitte, Directeur du journal Excelsior, retenu à Paris par une légère indisposition.
Nous en extrayons le passage suivant :
Dans l'éloquent discours du Général Sebert, que nous venons d'entendre, il a été fait mention du geste des Femmes françaises qui ont offert le pavillon du cuirassé Paris.
" Madame la Duchesse d'Uzès, Présidente du Comité des Femmes françaises m'a chargé d'adresser au Général Sebert les remerciements du comité pour le concours si empressé que celui-ci a trouvé auprès des Forges et Chantiers. Nous avons été heureux de pouvoir, bien que notre journal soit le dernier paru dans la Presse parisienne, servir de trait d'union entre le Comité des Femmes françaises et les nombreuses adhérentes qui ont répondu à son appel. Cet honneur, nous devons le partager avec tous nos confrères qui ont bien voulu se faire également les porte-parole du Comité.
Lorsqu'il s'agit de la Défense nationale, il n'y a plus de partis en France. De même, lorsqu'il s'agit d'aider à un projet intéressant la Marine et l'Armée, on peut dire qu'il n'y a plus dans la Presse d'organes individuels, mais un ensemble de voix, de " crieurs publics " - permettez-moi le mot - qui font connaître à tous, les moyens de collaborer à cette oeuvre commune.
Il s'agissait cette fois, non pas de coopérer à l'Armement d'un navire, mais à son ornement, d'y faire flotter, toujours tournée vers la patrie, comme ce fanal d'adieu qui s'agite aux heures de départ, la soie d'un drapeau, emblème féminin de notre race et de notre espérance.
Permettez-moi de lever mon verre en l'honneur des Femmes françaises, que représente avec tant de coeur et tant d'activité Madame la Duchesse d'Uzès et de boire également en l'honneur de la Marine et des Forges et Chantiers ".
Messieurs,
À la fin de septembre de l'année dernière, à vingt quatre heures d'intervalles, les Arsenaux de Brest et de Lorient livraient à la mer les deux premières unités du programme naval. Moins de dix mois leur avaient suffi pour pousser le Jean Bart et le Courbet jusqu'au lancement.
Depuis, leur activité s'est si bien maintenue, que ces deux cuirassés de 24 000 tonnes, commençant leurs essais en juin prochain viendront en août, rallier l'armée navale.
Répondant par une égale ardeur au zèle des Arsenaux, le personnel des Forges et Chantiers n'a pas voulu que, plus que le Jean Bart et le Courbet, le Paris languît en cale. Il se piquera de même d'avancer l'heure ou le Paris doit prendre sa place en escadre à côté de ses deux grands frères. Et il y réussira : nous en avons pour gage le brillant résultat auquel nous applaudissons aujourd'hui.
Émulation entre les arsenaux, émulation entre les arsenaux et les chantiers privés ! Quels précieux instruments de progrès !
Il donnera plus vite au pays la flotte nouvelle dont le Parlement a voté la construction et qu'il saura développer pour la protection de nos intérêts nationaux, qui vont, eux aussi, se développant, surtout dans ce bassin de la Méditerranée où il nous plaît de penser que nous avons, et que rien ne nous empêchera de conserver des amis.
Le sûr instinct qui avertit le pays de la nécessité d'une flotte proportionnée à ses intérêts lui fait saisir chaque occasion, deuils ou joies, de manifester à la Marine son attachement. Quelle confiance tout à l'heure dans les yeux de nos marins, tandis que le nouveau cuirassé glissait dans la mer, portant à la fois le pavillon que les Femmes de France, noblement confondues dans un même sentiment, lui offrent d'un même coeur avec leurs espérances, et le nom magique de la Capitale qui lui montre, comme un présage heureux, sa réconfortante devise !
Devise où se retrouve la France elle-même. Au cours d'une histoire toujours palpitante, la France a connu la splendeur et l'ivresse des cimes ; elle a senti s'entrouvrir l'horreur des gouffres.
Dans la dernière tempête qui la devait submerger, un éclair lui découvre l'avenir, elle y voit une autre France ; elle y voit les efforts qu'elle y dépensera lui revenir en un accroissement incessant de puissance, de richesse et de gloire. Et la voilà qui, sur l'autre rive de la mer ancestrale, se met à fonder un Empire, champ immense que n'épuisera pas l'activité féconde d'une longue suite de générations.
À la France, Messieurs, à la France, toujours plus grande par le labeur de ses fils toujours plus dévoués.
Tous ces discours fort bien construits furent chaleureusement applaudis par l'auditoire. On se doute bien que parmi les invités ne se trouvaient sûrement pas des contestataires du mouvement ouvrier grandissant depuis la fin du siècle dernier. Nous étions loin des pratiques de la concertation. Autre remarque : l'élément féminin brillait par son absence. On a parlé de la Duchesse d'Uzès et des Femmes françaises pour les remercier de leur concours, mais leur présence au banquet aurait été jugé inconvenante.
La bourgeoisie d'alors avait beaucoup de progrès à faire !
L'idée dominante que l'on trouve dans les thèmes développés c'est avant tout la grandeur de la France. Ce qui a été recherché dans les cérémonies du lancement, c'est d'abord une manifestation du patriotisme des Français. Rappelons qu'en 1912 à deux ans de la Guerre mondiale, l'Europe connaît la veillée des Armes. Elle pousse ses armements à outrance. Les orateurs se sont félicités des records battus dans les délais de construction. Les lancements de cuirassés se succèdent à une cadence rapide, sans parler d'autres unités de moindre importance. Le Gouvernement s'apprête à porter le service militaire à trois ans.
Les revanchards, les colonialistes, les profiteurs de richesses d'autrui, par leurs écrits, dans leurs discours, s'appliquent à mettre le peuple en condition pour gagner la prochaine guerre. Chaque phrase est une incitation évidente au chauvinisme. Le Président du Conseil Municipal de Paris n'appelle-t-il pas de ses voeux " La victoire de la force au service de la civilisation et du droit ".
Quant au Ministre de la Marine, Monsieur Delcassé, voulant lui aussi une France à l'avant-garde de la civilisation, se félicita de la voir " fonder un Empire sur l'autre rive de la mer ancestrale, champ immense que n'épuisera pas l'activité féconde d'une longue suite de générations ".
Ces gens-là ne prévoyaient pas que les peuples colonisés par la force, et avant tout au profit des grands Industriels, engageraient tour à tour la lutte pour leur indépendance et qu'ils finiraient tous par la conquérir.
Le Général Sebert, ardent défenseur de la Société des F.C.M. dont il était le plus haut responsable, se fit l'avocat de l'industrie privée et de la libre industrie auxquelles il souhaita la préférence des promoteurs. Dans cette période, les arsenaux de l'État étaient équipés pour construire des unités de la Marine nationale. Monsieur le Ministre Delcassé, souhaitait de son côté une émulation entre les arsenaux et les chantiers privés.
Depuis, la politique de privatisation a prédominé. Mais là encore les protagonistes de la libre entreprise ne prévoyaient pas l'anarchie à laquelle nous assistons aujourd'hui dans la jungle du monde capitaliste en décomposition.
Le déjeuner achevé, loin d'avoir épuisé le programme de la journée, Monsieur Delcassé, accompagné de Messieurs Galli, Poirier de Narçay, Delanney, Lépine et de Monsieur le Vice-Amiral Marin-Darbel, se rendit à bord du cuirassé Voltaire où il fut reçu à 4 heures par Monsieur le Vice-Amiral Boué de Lapeyrère, commandant en chef de la 1ère Armée Navale.
Sur la plage arrière du cuirassé étaient rassemblés, à tribord, les états-majors de la 1ère et de la 2ème Escadre légère, les officiers généraux chefs de division et les commandants des bâtiments ; à bâbord, une compagnie du corps de débarquement en armes et la Musique des Équipages de la Flotte.
Suivant le cérémonial rituel, dès que le Ministre prit pied sur le navire Amiral, une salve de 21 coups de canon réglementaire retentit, suivie de l'Hymne national exécuté devant les équipages figés dans un garde-à-vous impressionnant. Puis par trois fois les cris de Vive la République ! sortirent des poitrines des matelots. Après quoi, la sonnerie Aux champs devait précéder une importante remise de décorations.
Tout se déroulait avec la rigueur de la précision de l'horaire scrupuleusement respecté.
(On lira plus loin la liste exacte des décorations et autres distinctions honorifiques attribuées aux personnels civils et aux militaires à l'occasion du lancement du cuirassé Paris).
Vers la fin de la cérémonie, Madame la Duchesse d'Uzès qui se tenait à l'extrémité de la file formée par les officiers généraux s'avança vers le Ministre, lui remit sous un pli scellé d'un ruban tricolore, la maquette du pavillon offert par souscription au Paris et s'exprima en ces termes
" Je suis particulièrement heureuse d'avoir été choisie par les Dames françaises pour vous remettre la maquette du pavillon du Paris, car je suis on ne peut plus française et selon les paroles de Monsieur le Ministre lui-même, il semble que les marins soient français deux fois ".
Puis ce fut le défilé impeccable de l'Équipage au rythme de la marche Sambre et Meuse, suivi de la visite du cuirassé.
Le dimanche 29 septembre les cérémonies officielles se poursuivirent toute la journée de diverses manières : visites, invitations, repas, remises de distinctions honorifiques.
Le Président du Conseil Municipal de Paris ainsi que ses collègues se rendirent au Cimetière de Lagoubran, rendre hommage aux marins morts au service de la France. Un important défilé de fiacres amena les personnalités parisiennes sur les tombes des victimes des catastrophes qu'il fallait déplorer depuis quelques années.
Notre récit de l'explosion du cuirassé Liberté mentionne la multitude des accidents survenus à bord des unités navales et dans les ports. La plupart des tombes des malheureuses victimes se trouvent dans ce cimetière créé à l'ouest de Toulon depuis 1902, sur une superficie de 2 hectares. Il avait été aménagé dans cette partie du terroir toulonnais pour les habitants du 1er Canton ; il était destiné également à recevoir les corps des indigents morts dans les hospices civils.
Dans la partie centrale du cimetière se trouvait le caveau du Souvenir Français qui recevait depuis quelques années les corps des marins et des soldats non réclamés par les familles. C'est là précisément devant ce monument dont notre texte est illustré, que la délégation parisienne vint s'incliner.
Le soir de ce dimanche le Ministre de la Marine offrit un dîner de 25 couverts à bord du croiseur cuirassé Edgar-Quinet. Parmi les personnalités invitées, on pouvait remarquer : MM. Galli, Président du Conseil Municipal de Paris, Coreil et Abel, députés du Var, Poirier de Narçay, Président du Conseil Général de la Seine, le Capitaine de vaisseau Charlier, Commandant de l'Edgar-Quinet, le Vice-Amiral Boué de Lapeyrère, Commandant en chef de la 1ère Armée Navale, Hudelot, Préfet du Var, Micholet, Maire de Toulon, le Général Sebert, Président du Conseil d'Administration des Forges et Chantiers de la Méditerranée, Delanney, Préfet de la Seine, le Vice-Amiral Marin-Darbel, Préfet maritime, Gouverneur de Toulon.
Dès sa rentrée à Paris, il est probable que le Ministre Delcassé souhaitait rendre compte au chef du Gouvernement du déroulement des opérations de mise à l'eau du cuirassé Paris, de la vitalité des industries de la navale, de la capacité de nos chantiers à accélérer le surarmement du Pays. Mais ce qui le préoccupait aussi c'était l'État d'esprit des populations civiles et des unités militaires.
Une telle rencontre où se concertèrent le Maire de Toulon, le Préfet du Var, les Députés ainsi que des responsables de notre flotte de la Méditerranée, sous la Présidence d'un représentant du Gouvernement, fut une occasion excellente de faire le point, tout au moins, à un niveau régional, sur l'intensité des sentiments patriotiques d'une population que l'on voulait préparer à l'idée d'une revanche militaire. La préparation à la guerre ne faisait aucun doute pour personne. Depuis l'alliance Franco-Russe, depuis la venue à Toulon de l'Escadre de l'Amiral Avellan en 1893, les autorités mettaient l'accent sur la grandeur de la France et de son Empire. Nous l'avons bien ressenti à la lecture des discours prononcés au Casino de Tamaris.
Nous n'insisterons pas sur les aspects psychologiques de cet événement capital de l'année 1912 et sur lesquels de nombreux historiens se sont affirmés pour rejoindre notre jugement.
Revenons, pour terminer notre récit, sur quelques aspects documentaires non négligeables.
Le Paris dont nous avons parlé jusqu'ici et que nous avons laissé revenir à quai après son lancement parfaitement réussi, tiré par de puissants remorqueurs, ce n'était qu'une énorme coque d'acier accusant un déplacement de 7 000 tonnes.
Rappelons qu'à sa finition celui-ci devant atteindre 23 000 tonnes. Un travail immense restait donc à faire.
Le lecteur pourra s'en faire une idée précise à la lecture des caractéristiques de la construction.
De plus, nous avons estimé utile en complément de la documentation, de joindre une brève note sur la Société Anonyme des Forges et Chantiers, suffisante pour faire connaître, dans cette période, l'importance et la capacité de ses réalisations au profit de la Construction navale à la Seyne.
Nos concitoyens d'origine seynoise s'en réjouiront certainement. Ils ne manqueront pas d'apprécier également dans les statistiques, des noms de bateaux disparus aujourd'hui et dont les silhouettes leur furent familières.
Ils liront avec intérêt le long palmarès des distinctions honorifiques où figurent les noms de Seynois dont ils ont gardé le souvenir, certains d'entre eux, très nombreux, représentant les familles des plus vieilles souches de notre communauté.
La société a été fondée en 1855. Elle est la doyenne des sociétés françaises des constructions navales.
Son premier président fut Armand Behic, l'un des patrons d'industrie les plus remarquables du Second Empire (1809-1891). Inspecteur des Finances à ses débuts, il devint successivement Député du Nord, Directeur des Forges de Vierzon, fondateur des Messageries maritimes de Marseille, Sénateur de la Gironde. La Présidence du Conseil d'Administration des F.C.M., il la conserva jusqu'à sa mort en 1891.
Il fut remplacé par Albert Jouet-Pastré. En accord avec le Directeur Général, M. Widmann, l'outillage fut considérablement développé. L'atelier des turbines fut créé, puis celui de la tôlerie. En 1895, d'importants terrains furent achetés à Michel-pacha. La superficie des chantiers devait atteindre 22 ha en 1913. Il fut possible d'édifier une usine de chaudières marines.
En cette année 1912, c'est le Général Sebert, membre de l'Institut, qui préside le Conseil d'Administration. Les autres membres sont : MM. Faustin - Jouet-Pastré - Roubaud - Musnier - Comte de Mouy - Comte Armand - Moritz - Marcuard - Contre-Amiral Hallez.
Le plus grand des établissements de la société est celui des Forges et Chantiers de la Méditerranée. Ses équipements pour la construction navale sont complets avec ses ateliers de constructions mécaniques, de chaudières. Ses appareils moteurs - ses cales qui peuvent recevoir les plus grands navires - Il possède un ponton-mature flottant, le plus puissant qui existe en France, capable de soulever 175 tonnes avec une portée de près de 15 mètres. Sa volée est inclinable et lui permet à la portée de 24 mètres de soulever encore 70 tonnes.
En 1912, on peut dire que les navires de guerre construits peuvent être achevés complètement tout en étant à l'abri des attaques ennemies.
L'effectif : ingénieurs, dessinateurs, comptables, ouvriers dépasse 3 500 personnes. Il est supérieur à celui que la société emploie dans les autres usines (ateliers mécaniques de Marseille et du Havre, Chantiers de constructions navales de Graville Sainte-Honorine en Seine-Maritime).
La Réputation des chantiers de La Seyne est mondiale.
Elle est due pour une large part à M. Lagane, Ingénieur éminent qui a dirigé l'entreprise de 1872 à 1900 (*).
(*) Voir le chapitre Amable Lagane, dans le tome 2 des Images de la vie seynoise d'antan (Marius Autran, 1988).
Le cuirassé Paris de 23 500 tonnes fait partie des nouvelles unités construites en exécution du programme naval voté en 1912 par les chambres. Sa construction, comme celle de ses similaires : Jean Bart - Courbet - France, a été commencée avant 1912, par anticipation sur le programme. Les plans sont de M. Lyasse, l'éminent et regretté directeur de la Section technique au Ministère de la Marine, qui a contribué pour une large part aux progrès récents réalisés dans la construction de nos navires de guerre, au double point de vue de la rapidité et de la simplicité.
Le Paris diffère des cuirassés type Danton, qui le précédent, par le calibre unique (30 centimètres) de sa grosse artillerie. (Les Danton comportent deux calibres : 30 et 24), et par son artillerie moyenne composée de pièces de 14 cm au lieu de 7,5 cm. Il est plus rapide que le Danton : 20 noeuds au lieu de 19,25. Vis-à-vis des autres cuirassés de 1912 (Bretagne - Provence - Lorraine), il marque la fin du calibre de 30.
Ceux-ci sont munis de canons de 34 (10, en 5 tourelles axiales). De même, les cuirassés de 1913 auront du 34 (12 en 3 tourelles axiales : tourelles quadruples).
Une disposition nouvelle du Paris résulte de son armement en artillerie moyenne : c'est le fort central. Celui-ci est constitué par un cuirassement complet qui prolonge en hauteur la cuirasse de ceinture jusqu'au pont supérieur, dans la région des canons de 14 en réduit. Cette disposition, qu'on rencontre fréquemment dans les bâtiments anglais, a l'avantage de créer une protection précieuse à la base des cheminées, tambours, manches à air, concentrés dans cette partie du navire.
Les machines motrices sont du type à turbines, comme sur les Danton, avec cette différence que les turbines de croisière sont supprimées et remplacées par des roues à action disposées à l'avant et à l'arrière des turbines de haute pression. Il en résulte, en plus de l'amélioration escomptée dans la consommation de charbon, une disposition plus simple des appareils à bord (4 turbines au lieu de 8).
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Armement :
Pour le noyage des soutes à munitions, on a modifié le système existant sur la Liberté.
Les manoeuvres à distance ne se feront plus par transmissions mécaniques (et par des tuyaux d'eau sous pression de faible diamètre) mais par transmissions hydrauliques. Les postes de manoeuvre sont réduits au minimum et placés à l'aplomb de chaque groupe de soutes. Avant, milieu, arrière, autant que possible un poste par groupe. Enfin chaque poste est double.
La protection est basée sur les mêmes principes que les cuirassés précédents Danton et Patrie. Elle comporte un caisson blindé de 48 mm pour le pont blindé supérieur.
Les réduits de 14 sont protégés en abord par une cuirasse de 180 mm. Les tourelles de 30 sont protégées par un cuirassement de 270 mm pour les parties fixes et 280 mm pour les parties mobiles. L'appareil moteur se compose de 24 chaudières Belleville timbrées à 18 kg et réparties en deux groupes :
Il y a trois cheminées
Les chaudières peuvent marcher au charbon ou au mazout, au tirage naturel ou activé.
Deux groupes de turbines Parsons actionnent 4 hélices.
Chaque groupe comprend : sur l'arbre inférieur, une turbine à haute pression.
Le compartimentage est le même que celui du Danton : 3 compartiments d'une même tranche de bâtiment pour les turbines, 2 compartiments d'une même tranche situés à l'arrière des premiers pour les appareils de condensation.
Par rapport aux cuirassés précédents, le délai de la construction a été réduit de 25 %. Les procédés de travail ont été modifiés et l'outillage a été amélioré considérablement. Pendant son passage à la tête de la Direction, M. Lagane a beaucoup apporté dans ce sens.
Par exemple, dans cette période, les voies ferrées ont été développées ; des grues roulantes à vapeur ont été utilisées pour apporter les matières oeuvrées à pied d'oeuvre.
Le long des cales, de puissantes grues électriques mobiles pouvaient élever des poids de 4 tonnes à une portée de plus de 22 mètres.
Le travail en salle est plus important qu'autrefois pour l'exécution des gabarits.
Autrefois, les trous des tôles étaient relevés sur place. On a donné à la salle à tracer des dimensions nouvelles : 135 m de longueur sur 30 m de largeur.
Dans cette période, elle était la salle la plus importante de France. Elle n'était pas spécialisée à un seul navire. C'est-à-dire que l'on pouvait y faire à la fois plusieurs tracés, et cela en vraie grandeur, grâce à l'habileté manuelle des ouvriers et des techniciens.
Dans l'atelier de tôlerie, nouvellement aménagé, les tôles étaient découpées, poinçonnées et fraisées, ainsi que les profilés qui constituaient l'ossature du navire.
Cet atelier était desservi par 8 ponts roulants électriques et couvrant plus de 8 000 m2.
Le Général Sebert avait bien dit dans son discours que le délai de 9 mois seulement s'était écoulé entre la pose de la quille du Paris et le moment de sa mise à l'eau. Nous l'avons précisé, la finition demandera beaucoup plus de temps. Les différentes opérations que nous venons de décrire impliquent des travaux infiniment divers. Une multitude de corporations vont se succéder et travailleront près de deux ans encore sur le navire amarré à quai.
Pendant que les tôliers et riveurs continueront le gros oeuvre, les charpentiers rapporteront à l'extérieur le matelas en bois qui reçoit la cuirasse et la poseront dans toutes les parties protégées. Ensuite, les ajusteurs mettront en place l'artillerie, les appareils à moteurs.
Puis les chaudronniers poseront toutes les tuyauteries, tuyaux de vapeur, tuyaux d'eau. Et ce sera le tour des électriciens. On voit donc par cette énumération succincte et forcément incomplète que la construction et la finition d'un cuirassé sont des travaux d'une extrême complexité.
Si la mise en place de tous les équipements, de toutes les structures mécaniques, électriques, hydrauliques, etc. nécessite par la suite des révisions, des mises au point délicates, il n'en reste pas moins vrai que l'opération du lancement reste la plus redoutable pour les ingénieurs.
En ce 28 septembre 1912, l'inquiétude se lisait sur leurs visages. En temps normal, le lancement d'un navire n'est pas exempt de circonstances imprévues.
Pour le lancement du Paris, il fallut prendre des mesures de sécurité exceptionnelles quant à la confection du berceau, compte tenu que le poids était supérieur à ce qu'on faisait d'habitude.
Le navire long de 165 mètres reposait sur un berceau de 130 m. Il mettait en mouvement plus de 8 000 tonnes (7 000 pour la coque d'acier ; 1 200 pour le berceau).
Nul doute qu'au moment où son étrave quitta la cale de lancement et que la flottaison fut pleinement assurée, de grands soupirs de soulagement s'échappèrent, discrètement toutefois, des poitrines des plus hauts responsables de la construction.
Redisons pour terminer que ce fut un beau succès pour l'ensemble des personnels, pour la technique affinée de nos chantiers, pour le renom de la construction navale française, pour notre ville de La Seyne.
Nous n'avons voulu parler ici que des opérations de lancement qui fut, répétons le, un événement d'importance de la vie seynoise au début de notre siècle.
Le cuirassé Paris, en mer |
Tout un volume aurait été nécessaire pour raconter la brillante carrière du cuirassé durant la première guerre mondiale et dans la période de l'entre-deux guerres.
Hélas ! Sa fin ne fut pas glorieuse. Saisi par les Anglais en 1940, utilisé comme base de D.C.A., il sera démoli en 1956.
[Pour d'autres informations sur la carrière de ce navire, on peut consulter les documents rassemblés par Véronique Bringuier, petite-fille d'un quartier-maître affecté sur le cuirassé Paris de 1932 à 1938, à l'adresse suivante : http://bringuier.free.fr/decouvrir/cuirasseparis/photo01.htm].
I. Bâtiments de la 1ère Armée Navale
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II. Bâtiments sous les ordres du Vice-Amiral Préfet Maritime
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III. Bâtiments de la Division des Écoles de la Méditerranée
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* Il nous a été signalé, postérieurement à la publication de ce chapitre, qu'il ne pouvait s'agir du « croiseur Tourville » lancé en 1873 à La Seyne-sur-Mer et désaffecté en 1901. Il est possible qu'il s'agisse alors du navire auxiliaire La Gironde, construit à Bordeaux en 1880-1884, rebaptisé Tourville en 1909 et affecté à l'Ecole des Canonniers de Toulon. En 1912, ce navire était parti de Brest le 26 Mars et était arrivé à Toulon le 9 Juillet. Il aurait donc pu se trouver en rade de Toulon lors du lancement du cuirassé Paris le 22 Septembre [voir la discussion sur ce sujet dans le forum de notre site : http://jcautran.free.fr/forum/chantier_navires_2003_2004.html#6 ] (NDJCA).
IV. Transports en relâche à Toulon
DISTINCTIONS HONORIFIQUES décernées par le MINISTRE de la MARINE au cours de la RÉCEPTION à la MAIRIE DE LA SEYNE.
PALMES ACADÉMIQUES
Officiers d'Académie
Messieurs :
MÉRITE AGRICOLE
Officier
Chevalier
Messieurs :
MÉDAILLE D'HONNEUR DES MARINS DU COMMERCE
Messieurs :
MÉDAILLE D'HONNEUR DU TRAVAIL (Personnel des Chantiers de La Seyne)
Messieurs :
Monsieur RIMBAUD, Ingénieur de 1ère classe des constructions navales de réserve, Ingénieur Directeur des Chantiers de La Seyne.
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