La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome VII
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome VII (1999)
De la Chaulane d'antan à la Z.U.P. d'aujourd'hui

(Texte intégral du chapitre)

 

 

Dans l'avant-propos, la signification de ce titre a été donnée. Toutefois, il n'a pas été possible de préciser l'origine du nom qui a désigné l'important domaine, mais selon toute probabilité il est celui d'une famille à l'origine de la belle demeure bourgeoise disparue en 1964 au moment où la Z.U.P. (Zone Urbaine Prioritaire) prit naissance.

Ce qui doit nous intéresser tout d'abord c'est l'origine des sols que nos ancêtres exploitèrent pendant des siècles pour en tirer des richesses considérables en céréales, légumes, fruits, cheptel, volailles, etc.

Des terres alluviales d'une extrême fertilité s'étendaient dans la partie la plus occidentale du terroir seynois, depuis les hôpitaux jusqu'aux frontières des communes voisines de Six-Fours et d'Ollioules. On retrouve trace de leur exploitation dans certains documents du Moyen Age du XIIe siècle. Elles étaient convoitées par les féodaux mais aussi par le Clergé qui en tira de larges profits pendant longtemps.

Ces propriétés rurales on les appelait mense terme qui signifie exactement revenu ecclésiastique. Qui exploitait ces riches terrains de culture ?

Des moines, très nombreux en ce temps-là, aidés par les serfs, les manants loqueteux, attachés à la glèbe, ceux dont Fénelon dira cinq siècles plus tard dans une lettre célèbre à Louis XIV qu'ils « se nourrissaient de pain noir, d'eau et de racines ».

 

L'abbaye de Saint-Victor-les-Marseille

Les moines devaient travailler pour s'acquitter des redevances au profit des abbés. Il existait donc des mensi (revenus) abbatiales mais aussi des mensi épiscopales pour alimenter les supérieurs de la hiérarchie ecclésiastique qui créa, après avoir mis à la raison les féodaux faméliques, une structure immense appelée Abbaye de Saint-Victor-les-Marseille dominatrice de la Provence.

Installés confortablement dans leur castellum fortifié de Six-Fours, les propriétaires, qu'on appela les seigneurs-abbés, administrèrent pendant des siècles les terres du grand Six-Fours, c'est-à-dire toute la presqu'île du Cap Sicié et donc l'immense domaine de la Chaulane qu'on appela d'abord la grande terre de Saint-Jean laquelle s'étendait sur trois communes : La Seyne - Six-Fours et Ollioules.

Pour être plus complet dans les appellations, il n'est pas inutile de rappeler que le point de départ de l'immense abbaye de Marseille fut baptisé Saint-Victor en hommage à ce martyr chrétien, décapité en 303 par les Romains qui était issu d'une famille marseillaise. Saint-Victor servit dans l'année romaine jusqu'au moment de la répression féroce et des persécutions suscitées par l'empereur Dioclétien et son associé Maximien.

L'Église honore toujours ce martyr de la chrétienté le 21 juillet.

L'histoire de la Chaulane a donc commencé avec la grande terre de Saint-Jean qui connut au Moyen Age une première chapelle qu'on appela plus tard Saint-Jean de Berthe. Cette terre donnera des quartiers nommés Camp Laurent, la Petite Garenne, Peyron, Farlède, Léry, Piedardan, dont le peuplement ne se fit qu'avec une extrême lenteur en raison de l'insécurité des rivages.

Localisation (extrémité de la flèche) de l'ancien château de La Chaulane sur une carte au 1/20 000e de 1933

Pendant des siècles, les quelques centaines d'habitants six-fournais, retranchés derrière le mur d'enceinte du vieux château féodal, ne s'éloignaient guère de leur demeure. Pour vivre, les manants cultivèrent assidûment la grande terre de Saint-Jean avec leurs instruments oratoires primitifs sous la surveillance des vigies du Brusc ou de Sicié.

À la moindre alerte de dangers menaçants en provenance de la mer, ils remontaient hâtivement vers leurs gîtes pour en défendre l'entrée avec leurs fourches et leurs faux.

Courageusement, nos ancêtres six-fournais se portaient jusqu'au Brusc, lieu de débarquement des pirates sarrasins, comme ils le firent le 1er août de l'an 950 où ils arrêtèrent une invasion au quartier de Malogineste.

Beaucoup plus tard, en 1436, nous ont appris nos historiens locaux, les habitants de Six-Fours, chassèrent les équipages de quatre galères aragonaises, venue de Saragosse pour se livrer à des actes de pillage.

Ces faits expliquent la lenteur du peuplement des plaines étendues autour de la Seigneurie de Six-Fours et aussi l'exploitation épisodique des sols fertiles de la grande terre de Saint-Jean.

L'observation des cadastres les plus anciens, comme celui de Six-Fours datant de 1485, porte témoignage de la multiplication des petites propriétés par suite de ventes, d'échanges ou de donations.

Sur les livres terriers (appellations des cadastres d'autrefois), ne figure aucun plan. Ils indiquent seulement le nom des propriétaires et la superficie de leurs biens.

Ils ne font aucune mention des abris ou gîtes précaires en bois qui deviendront plus tard les cabanons.

Le cartulaire de Saint-Victor et nos archives communales apporteront des précisions seulement vers le milieu et la fin du XVIIIe siècle.

La preuve nous en est donnée par la ferme des Lubonis au quartier Bastian où est gravée la date de 1741, également par un puits couvert de la propriété Audibert à Mar Vivo où est inscrite la date de 1789.

Depuis l'établissement de la Chaulane en 1800, le morcellement des terres se poursuivit dans la grande terre de Saint-Jean de Berthe. Des maisons fermières se multiplièrent sur des superficies cultivables variant de deux à trois hectares environ.

Au début du XIXe siècle, les campagnes seynoises, comme partout en France, manifestent une meilleure activité après les conquêtes de la Révolution qui avait supprimé de lourdes charges pesant sur la paysannerie.

La communauté seynoise connut peu de grands propriétaires terriens exception faite pour les Beaussier de Saint-Jean, Caire de la Rouve, Michel Pacha, Fabre de Cachou. La grande majorité des paysans seynois étaient de petits propriétaires organisés en exploitations familiales où les jeunes enfants non scolarisés pour la plupart apportaient leur concours précieux à des travaux parfois pénibles.

 

La vie paysanne au XVIIIe siècle

Attardons-nous quelques instants à décrire ce que fut la vie campagnarde de cette grande zone Nord et Nord-ouest de notre terroir seynois jouxtant les communes de Toulon, d'Ollioules, de Six-Fours-les-Plages.

L'habitation généralement composée d'une immense cuisine en rez-de-chaussée avec une cheminée basse où brûlaient presque à longueur d'année, les vieux troncs d'arbres, les ceps de vignes, les têtes de bruyères en provenance de Janas dont la braise était grandement appréciée les jours de grillades.

Tout à côté un évier sans robinet, l'eau de la ville ne parviendra dans le quartier qu'au début du XXe siècle. Les cruches vernies alimentées par le puits voisin et l'eau du chaudron toujours fumant assuraient des lavages impeccables de la vaisselle avec les cendres de bois. Au-dessus de l'évier, à portée de la main un râtelier rustique, hérissé de clous recevait les manches de casseroles et de poêles de grandeurs diversifiées.

Les familles les mieux nanties disposaient d'une salle à manger donnant sur le couloir central, utilisée seulement les jours de fête. Les chambres à coucher se trouvaient toujours à l'étage ; l'escalier en colimaçons permettant d'y accéder était limitée à main droite par une rampe pleine en maçonnerie avant que l'usage du fer forgé ne vint à la mode.

La façade de la maison regardait toujours vers le midi les murs exposés aux largades du vent d'est redoutables à l'automne et en hiver étaient souvent enduits d'une épaisse couche de goudron pour éviter l'humidité intérieure.

Ces surfaces noires visibles de très loin n'apportaient pas une grande esthétique dans les paysages colorés des fruitiers et des potagers. C'était ainsi !

Le plus souvent l'entrée de la maison d'habitation était masquée par un treillis fait de bois et de cornières que des lianes de glycines ou de vignes grimpantes étranglaient puissamment. L'ensemble donnait une ombre bienfaisante permettant à la famille de prendre ses repas au dehors la plus grande partie de l'année.

La maison d'habitation était flanquée de part et d'autres par les dépendances : écuries ou étables surmontées d'une grange (fenière) où l'on accumulait les foins séchés pour les animaux, mais aussi les provisions d'hiver : pommes de terre, céréales, potirons, melons, jarres d'olives, raisons muscats...

Quelques exploitations familiales importantes ajoutaient à la culture des légumes et des fruitiers celle d'un vignoble suffisant aux besoins personnels et aussi de terres céréalières.

Ce qui explique la présence d'un cellier parmi les dépendances, lequel abritait la tigne (cuve à vin), les cornues de vendanges, les tonneaux, etc.

Pour la production des céréales, de-ci, de-là, on trouvait une aire à battre le blé.

Ce qui était bien commun à toutes les exploitations grandes ou petites c'était impérativement l'existence des poulaillers, des pigeonniers, des étables à porcs.

La vente des oeufs n'était pas à négliger, les salaisons du cochon non plus.

La fermière s'occupait généralement de la basse-cour où caquetaient poules et coqs voraces. Les canards et les oies malgré la pestilence de leurs déjections, promettaient de joyeux festins pour les fêtes familiales. Et les lapinières multipliaient les nichées pour voyeuses de civets délicieux, de crottes fertiles pour les légumes et aussi des peaux desséchées gardées précieusement pour le passage d'un spécialiste mégissier revendeur aux fabricants de fourrure.

Mais les plus précieux de ces animaux c'étaient tout de même les chevaux, les mulets ou les ânes qui assuraient les labours, l'arrosage des cultures par les norias, les transports. Certaines familles dont il sera question plus loin, élèveront des moutons, des vaches, des chèvres.

Évidemment, le lait au moins pour les besoins familiaux n'était pas à négliger.

Toutes ces activités représentaient une somme de travail considérable, des journées harassantes. Tout de même, par rapport à l'époque du servage, des centaines de foyers paysans, avaient bien le sentiment d'avoir conquis une certaine liberté. Leur travail acharné leur laissait espérer des économies suffisantes pour améliorer leur outillage et plus généralement les conditions de vie de toute la famille.

Il leur faudrait tout de même attendre le début du XXe siècle pour apprécier les bienfaits des progrès des techniques industrielle et agricole.

Voyons pour l'instant comment ils cultivaient leur bien.

 

Le peuplement - Les progrès

Pendant le XIXe siècle, des dizaines de familles avaient su tirer le meilleur parti des terres fertiles de la grande terre de Saint-Jean comme l'ont montré les lignes qui précèdent. Cela, il faut le souligner dans des conditions de travail d'une sévérité incroyable.

À l'aube du XXe siècle, allait s'affirmer la vitalité du domaine de la Chaulane sur lequel nous reviendrons longuement, entouré de la multitude des petites et moyennes exploitations décrites précédemment.

L'humidité des sols avait donné une végétation luxuriante dominée par endroits par des platanes gigantesques dont quelques-uns subsistent de nos jours.

Des sources abondantes au débit régulier avaient permis la création d'un lavoir au ras du sol et savamment canalisées elles permirent au tout début du siècle d'alimenter le lavoir public Saint-Roch, près de la Bourse du Travail.

Le domaine de la Chaulane comme la plupart des petites exploitations paysannes donnaient un exemple remarquable de ce qu'on appelait la polyculture. Les légumes en priorité : pommes de terre, salades, tomates, piments, choux, artichauts, navets, carottes, pois, fèves... tous les légumes, les plantes aromatiques. Les arbres fruitiers : pêches, poires, prunes, abricots, figues - les melons et les pastèques y poussaient à merveille - n'oublions pas les néfliers, les citronniers... et sur les coteaux, les oliviers. Certains cultivateurs bordaient les allées d'entrée de leur propriété de mûriers car l'élevage des vers à soie pouvait aussi procurer quelques ressources. Et nous pourrions prolonger ces énumérations en parlant des vignes, des cultures céréalières, de l'avoine pour nourrir les bêtes - en rappelant les richesses de l'élevage : poules, canards, lapins. Et tous ces produits comestibles s'écoulaient chaque jour vers les marchés du cours Louis Blanc à La Seyne, du Pont du Las et même de Toulon grâce aux attelages de chevaux, de mulets et même des petits ânes auxquels on avait tout intérêt à leur donner les plus grands soins.

Ces animaux de trait rendirent des services éminents à la paysannerie qui ne connaîtra les pompes à eau motorisées pour l'arrosage qu'à partir de 1920 où commença la disparition des norias.

Les premières camionnettes supplantèrent les attelages dans les années 1920-1930. Mêmes remarques pour le remplacement des chevaux de labour par les motoculteurs et les tracteurs.

En somme, ce ne fut qu'au début du XXe siècle que la peine des travailleurs de la terre fut sérieusement allégée. Observons toutefois que demeuraient des tâches ingrates, celles réservées aux travailleurs agricoles (hommes, femmes, enfants) qui devaient tout de même biner les plantes au ras du sol, désherber, ébourgeonner. Les plus anciennes familles de l'époque des Beaussier, des Gavoty ne connurent pas les progrès de la modernité.

Parmi celles de notre siècle on comptait beaucoup de seynois de souche qui avaient noms : Arnaud, Augias, Chabert, Andrieu, Chabaud, Vincent, Guillet, Moutte, Garnier, Gamel, Tardieu auxquelles étaient venues s'ajouter les familles italiennes émigrées : les Lombardi, les Lanza, les Delfino, les Moretti, les Vezzani, les Elia. Toutes ces familles de travailleurs de la terre produisirent des richesses dans cette immense zone Saint-Jean de Berthe jusqu'au jour où des événements dramatiques de la guerre provoquèrent des mutations brutales. Toute la vie de ce territoire seynois qui nous préoccupe allait basculer vers le milieu de notre XXe siècle. Avant d'expliquer et de développer les raisons des bouleversements sociaux, des catastrophes économiques, il est nécessaire de revenir, surtout pour les amoureux du passé seynois, sur la stabilité et les lentes évolutions de la grande zone agricole des terres de Saint-Jean.

Fertilité des sols, végétation naturelle riche, sources abondantes, facilités d'accès à tous les terrains, accidentés à peine vers les limites de Toulon et d'Ollioules toutes les conditions se trouvaient donc réunies pour l'exploitation d'un vaste domaine dont l'essor se manifesta vers le milieu du XIXe siècle. Il portera le nom de la Chaulane dont l'histoire durera jusqu'en 1968 avec la création de la Z.U.P. (Zone Urbaine Prioritaire), véritable bouleversement des paysages occidentaux de La Seyne.

Ce domaine, considéré comme l'un des plus importants de notre communauté connut bien des vicissitudes dont l'essentiel va être confié ici.

Avant même le peuplement de la grande terre de Saint-Jean, l'administration locale c'est-à-dire le Conseil communal de La Seyne, en accord avec les autorités religieuses décidèrent l'édification d'une chapelle en ces lieux, le 4 mars 1659 donc peu après l'indépendance de la ville par rapport aux autorités six-fournaises. On avait alors le souci de desservir les habitants des quartiers Nord-Ouest, éloignés de la Collégiale pour les services religieux.

Au début du XIXe siècle, cette chapelle appelée Saint-Jean de Berthe figurait encore au cadastre sous la mention Chapelle en ruines (n° 817 de la Section B) au lieu-dit Saint-Jean.

Il n'est pas possible de quitter la terre de Jean sans évoquer la construction d'une autre chapelle, deux ans plus tard donc en 1661 au quartier de Brégaillon extrême pointe vers la mer de la grande plaine qui nous préoccupe depuis les confins de la commune d'Ollioules. Cette chapelle s'appela Notre-Dame du Mont Carmel, colline dominant l'ancien hippodrome de Lagoubran. Fondée par Me Lombard, notaire à La Seyne, elle appartint à l'abbaye de Saint-Victor. Vendue aux enchères en 1792, il en reste seulement quelques pierres. Tout à côté, ces lieux se rendirent célèbres par l'établissement par Bonaparte de la batterie des sans culottes qui contribua à chasser les Anglais du port de Toulon en 1793.

Pendant des siècles, la Chaulane fut la propriété de la Famille Beaussier.

 

Qui étaient les Beaussier ?

Les archives départementales Bouches-du-Rhône (fonds Saint-Victor - série H) nous en apportent une preuve certaine par le document suivant :

« L'an 1754 et le 14 mars avant midy, par devant nous, Notaire royal à Marseille, furent présents : Sieur Jean de Chevery, Directeur et receveur général pour le Roy du droit sur les cartes et la Généralité de Provence, en qualité de procureur de Monseigneur François Camille de Lorraine, Abbé commanditaire de l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, Seigneur temporel et spirituels des lieux de Six-Fours, La Seyne et autres d'une part et Messire François de Beaussier, Lieutenant des vaisseaux du Roy, commandant d'une compagne franche de la Marine, chevalier de Saint-Louis, Seigneur de la Chaulane d'autre part ».

Suit le texte précisant les conditions d'une transaction qu'il n'est pas utile de reproduire dans son intégralité.

On retrouve aussi la trace des Beaussier dans un document daté du 3 septembre 1784 qui n'est autre qu'une requête adressée à la communauté de Toulon, dans laquelle ledit François de Beaussier, réclame la libre entrée des vins provenant de son domaine de la Chaulane dans le territoire de Toulon (archives communales de Toulon, antérieures à 1789). Le nom de Beaussier est depuis fort longtemps bien familier aux Seynois qui connaissent l'histoire de leur ville dont l'origine se situe exactement à l'emplacement du quartier de ce même nom celui également du Lycée classique et moderne.

Ce que la population dans son ensemble connaît moins c'est l'histoire de cette famille illustre de notre terroir dont le dernier représentant fut Eugène Beaussier, secrétaire général de notre mairie, disparu il y a quelque trente ans.

Il importe de rappeler ici les services éminents rendus par cette famille à La Seyne, à la Provence, à la nation française.

Leurs racines se retrouvent à Six-Fours, à La Seyne, dans plusieurs localités provençales et bien au-delà.

La reine Jeanne de Naples, comtesse de Provence, leur attribua le domaine de la Chaulane au XIVe siècle alors en terre six-fournaise en récompense de la participation de ses fils aux croisades du XIIIe siècle et des services de guerre pour la défense de la Patrie.

Précisons que certains d'entre eux furent des officiers de très grande valeur au service de l'armée de terre, d'autres des marins illustres (capitaines de vaisseaux et amiraux) d'autres encore des magistrats, des ecclésiastiques de haut niveau.

L'histoire de notre pays nous a appris que l'on trouva dans le passé lointain, des Beaussier sous les ordres de Du Guesclin, de Tourville, de Duquesne.

La construction de la Chaulane qu'on appela aussi un manoir seigneurial était limitée par les côtés d'un triangle formé par la route de Toulon à Sanary, celle de La Seyne à Ollioules et la gare de triage SNCF.

Ce vaste domaine de la Chaulane et de toutes les terres environnantes connurent des périodes prospères avec les Beaussier. Sans doute aussi avec les Gavoty vers 1840, autre famille célèbre du Centre Var, bien connue par l'étendue et la qualité de ses vignobles.

Comment cette famille a-t-elle pu conquérir sa notoriété ? Essentiellement par ses services de guerre résumés ici succinctement, un neveu du capitaine de vaisseau Charles Gavoty, participa aux campagnes d'Italie, d'Égypte, sous la conduite de Bonaparte et quelques années après aux guerres de l'Empire.

En 1840, la grande terre de Saint-Jean appartenait au général de brigade Célestin Gavoty décoré de l'ordre de Saint-Louis et commandeur de la légion d'honneur. Les terres dont nous contons l'histoire ont connu des périodes prospères, mais aussi hélas ! des années des plus néfastes dont ce récit retracera le plus fidèlement possible tous les aspects.

 

La pollution des terres de Saint-Jean de Berthe

Les périodes difficiles, calamiteuses même, le domaine de la Chaulane et ses environs les connurent surtout pendant les guerres de toutes les époques, mais les faits mentionnés ici se situent au début du XIXe siècle et concernent les problèmes de la pollution des terres, de l'air et de l'eau. Pendant longtemps nos ancêtres n'attachèrent pas une grande importance aux questions de l'environnement et jetèrent leurs ordures dans le voisinage de leur habitation, c'est-à-dire les eaux usées et aussi les vidanges humaines. Tout de même, les odeurs pestilentielles les incitèrent à créer un système de ramassage.

Au début du XVIIIe siècle des règlements municipaux interdirent de jeter par les fenêtres des immondices de toutes natures et obligèrent les gens à les porter en des points précis de la commune à l'extérieur des habitations, sur des terrains vagues, de préférence.

Ces règlements plus ou moins respectés, on en vint au ramassage des ordures par un tombereau annonçant son passage par une clochette et pendant longtemps l'abattoir appelé alors l'égorgerie évacua les tripes des bêtes dans les marécages des Mouissèques. Il était alors situé face à la Poste d'aujourd'hui, hors de la zone urbaine. À l'opposé, les ordures étaient déposées au comblage terrain du littoral face à la Bourse du Travail.

Ces pratiques durèrent plus d'un siècle et demi à La Seyne. Quand les édiles de ce temps comprirent les dangers et les malheurs qu'elles causèrent, ils pensèrent à limiter les dégâts par l'ensevelissement qui par surcroît était un moyen de fertiliser les sols.

 

Les « toupines »

Mais il s'avéra que cette pratique présentait tout de même un danger pour la santé publique. C'est pourquoi une ordonnance royale de 1721 en vint à l'interdiction de l'épandage des vidanges dans les terrains de culture. Les années passèrent, la Royauté aussi et l'ordonnance devint sans effet. Mieux encore ! Les cultivateurs sur une simple demande à la Mairie pouvaient recevoir le contenu des toupines du torpilleur, véhicule chargé de recueillir le matin au lever du jour, tous les cacas de la ville.

Quel spectacle ! Le Tome I de notre ouvrage a relaté avec beaucoup de précisions dans le texte intitulé Toupines, torpilleur, émissaire commun, le fonctionnement du service municipal chargé de l'évacuation des ordures ménagères et des vidanges liquides et pâteuses. Ma génération se souvient parfaitement de ces trafics abominables du transport des immondices dans les jardins potagers dont les cultivateurs tiraient les déchets putrescibles. Les enfants étaient souvent utilisés au tri de cette pestilence porteuse de tous les germes de maladies.

Et ma foi, la municipalité se débarrassait ainsi à peu de frais des tonnes de déchets encombrants, les cultivateurs engraissaient leurs terres avantageusement. Les employés municipaux y trouvaient aussi leur récompense sous forme de légumes dont les paysans étaient toujours généreux.

Ah ! si vous aviez vu les toupiniers célèbres de mon enfance qu'on nommait Isabelle et Finette introduisant leur véhicule plein à ras bord entre les rangées d'artichauts du quartier Saint-Jean, manier avec prudence ce bâton libérateur du bouchon de la boute, nom du véhicule, ils s'exclamaient devant les paysans réjouis « Maître Andrieu ! Vous aurez des artichauts énormes avec ça ! ».

À quoi le cultivateur répondait :

- « Je les espère aussi gros que les artichauts bretons qui nous font concurrence ! ».

- « Oh ! pardi ! reprenait Finette, je vous les garantis ».

Le tonneau roulant vidé, nullement incommodé par les odeurs auxquelles ils étaient devenus insensibles, nos braves vidangeurs s'asseyaient sur le talus le plus proche pour dévorer un morceau de pain et quelques rondelles de saucisson. Après quoi en échange de la marchandise puante, le maître des lieux offrait une tournée de bon vin rouge et tout le monde était content.

Ces tonneaux de vidange n'étaient pas libérés dans les environs immédiats du manoir de la Chaulane mais surtout chez les propriétaires du quartier Saint-Jean, les plus proches de la ville. Détail pour le moins cocasse de notre histoire ; les terrains qui recevaient les vidanges jouxtaient ceux du jardin de l'hôpital, cela à partir de 1905 !

Autre détail et non des moindres. Si, après l'épandage des vidanges, des pluies diluviennes se produisaient, le ravinement emportait les miasmes vers le ruisseau de la Muraillette, donc vers la mer !

Après plusieurs années de ces pratiques scandaleuses, les autorités locales s'inquiétèrent des dangers mortels qu'elles engendraient.

On ignorait alors que les infiltrations des eaux de vidanges pouvaient contaminer l'eau des puits, fort nombreux à l'époque, l'eau de la ville ne parvenant pas encore dans les campagnes au début de notre siècle.

Autre danger mortel : l'arrivée des eaux polluées dans les premiers parcs à moules de Brégaillon.

Leur activité, s'était révélée fructueuse à leur début. Hélas, l'agression de la vidange seynoise ne tarda pas à ruiner leur bonne réputation.

Par surcroît, ils eurent à subir la pollution en provenance du Las toulonnais non loin des rivages seynois. Les proportions de fièvres typhoïdes devinrent si troublantes qu'il fallut déménager les parcs à moules vers la baie du Lazaret.

 

Les cochons de Gamel

Autre aspect négatif qui se manifesta à l'autre bout de la grande terre de Saint-Jean, toujours dans la même période : la création de deux immenses porcheries par les frères Gamel, ancienne famille seynoise bien connue de nos concitoyens.

L'élevage des porcs se pratiquait dans les moyennes exploitations agricoles. On peut en retrouver des vestiges chez les anciennes fermes des Audibert, des Hugues, des Lubonis, comme on repère à proximité les aires à battre le blé. Les cultivateurs de La Seyne d'antan récupéraient soigneusement le son des céréales et les déchets de légumes pour engraisser leurs cochons à peu de frais.

Revenons aux Gamel, accusés par les promeneurs du dimanche empruntant la route d'Ollioules, d'empoisonner l'atmosphère par des odeurs très éloignées de celles de la rose. Que pouvait-on reprocher au sympathique Marius Gamel, en règle avec la loi, sa demande d'ouverture de la porcherie ayant été satisfaite après une enquête de commodo incommodo ?

Les pestilences et odeurs nauséabondes donnèrent donc aux quartiers la Chaulane et Saint-Jean pendant longtemps une mauvaise image de marque qui perdurera jusqu'à nos jours pour des raisons d'un ordre tout différent.

Pour en terminer avec les cochons de Gamel, ajoutons que les promeneurs irascibles se réjouirent un jour en apprenant que les bêtes infectes avaient disparu. « Enfin, disaient-ils, nous ne garderons plus notre mouchoir sur le nez en allant vers Ollioules ».

La nouvelle se répandit qu'une épidémie de rouget avait atteint l'espèce porcine et qu'il avait fallu abattre les quelques animaux survivants par crainte d'une contamination généralisée.

Cette maladie infectieuse avait gagné d'autres porcheries et ruiné momentanément quelques exploitations agricoles. Marius Gamel sut trouver une issue à ses déboires, recycla ses activités en créant des parcs à moules dans la baie du Lazaret et réussit parfaitement à reconstituer son capital en se fixant à Saint-Elme.

Revenons à notre sujet initial : la grande terre de Saint-Jean et la Chaulane dont nous n'avons parlé jusqu'ici que des terrains de cultures et des richesses que les cultivateurs en tiraient.

 

La Chaulane

La maison bourgeoise porta des noms différents à travers sa longue histoire. On l'appela le Clos Berthe, le Manoir et même le Château. N'a-t-on pas connu à La Seyne, le Château de la Rouve, le Château Verlaque, le Château de Brégaillon, le Château Bory ?

De ces habitations luxueuses à deux ou trois étages, seuls subsistent le Château de Lagoubran de l'époque de l'hippodrome près de Brégaillon et le Château Bory au quartier Beaussier.

Celui de la Chaulane comportait en rez-de-chaussée, une vaste cuisine et une immense salle à manger où pouvaient se restaurer plusieurs dizaines de convives communiquant avec des salons de réceptions.

Au-dessus, deux étages avec plusieurs chambres à coucher au total quatorze pièces dont plusieurs donnaient sur une belle terrasse dominant un parc d'une verdure incomparable, avec une allée de platanes gigantesques dont M. Zunino le dernier propriétaire disait qu'il fallait les bras déployés de quatre personnes pour les enceindre. Des fleurs partout, des magnolias, des lauriers roses, des althæas.

À l'opposé, invisibles depuis l'entrée se trouvaient les communs, dépendances des fermiers, habitations, écurie, vaste cuisine, entrepôts...

Une photo du château de la Chaulane, qui nous a été aimablement fournie en Avril 2008 par Madame LT.
On voit au premier plan, la ferme, et, au second plan, l'arrière du château.
Une autre photo de la Chaulane, qui nous a été aimablement fournie en Juillet 2008 par Monsieur Y.R.
Cette photo du château est de 1958, quelques années avant sa démolition (1964)

Dans son Histoire de La Seyne et son port, M. Baudoin fait mention d'une vente de la Chaulane à une famille Fisquet dont un représentant fut fournisseur à la marine de Toulon ; un autre, Amiral, rendit la Chaulane célèbre par les réceptions de la société distinguée d'alors : riches propriétaires, officiers supérieurs de la Marine et de l'Armée de terre. Le bruit courait à La Seyne au début du XXe siècle qu'au cours de ces rencontres galantes on prenait du bon temps autour de tables bien garnies, on dansait, on chantait et on fumait aussi l'opium ramené d'Orient par les navigateurs. On soupçonnait des rencontres semblables au fort de Balaguier.

Déjà les problèmes de la drogue se posaient au tout début du XXe siècle, mais ne concernaient qu'une minorité fort heureusement. Néanmoins, la Chaulane d'antan où une ambiance paisible régna des siècles durant, allait connaître des perturbations de mauvais augure pour les années à venir.

En fait, son déclin commença avec la guerre de 1914-1918. Les travaux d'entretien ne furent plus assurés comme autrefois. La petite chapelle construite non loin de la maison de maître devint si délabrée qu'elle servit de grange ; la noria quasiment abandonnée n'aurait pu arroser que le petit jardin potager à la disposition des gardiens de la propriété.

Et ce n'est pas Pierre Laval, personnage bien connu pour la trahison de sa Patrie en 1940, propriétaire de la Chaulane après la première guerre mondiale qui assura le redressement du domaine. Dans cette période, il était venu dans notre département faire l'acquisition du Petit Var en sa qualité de journaliste.

Les heures les plus noires du domaine des Beaussier, se déroulèrent au cours de la seconde guerre mondiale avec l'occupation italienne. Les Chemises noires, organisation du fascisme italien, y installèrent leur état-major et s'efforcèrent de pourchasser les démocrates ayant fui le régime mussolinien et réfugiés à La Seyne.

Par la suite, l'occupant allemand utilisa également les locaux, installa une batterie antiaérienne, dissimulée dans la verdure puissante accompagnée d'un poste de secours à proximité.

Ce fut donc la décadence complète.

D'autres propriétaires se succédèrent nommés Ducreux, Casanova, Boulet, Prangé...

L'occupation des fascistes mussoliniens amena l'État à la confiscation de la Chaulane après la Libération au profit d'une société. Le dernier acquéreur M. Élie Zunino fut tout disposé dans les années 1960 à vendre ses terres à la collectivité seynoise dirigée alors par Toussaint Merle désireux de créer une Zone Urbaine Prioritaire (Z.U.P.) le besoin de logements se faisant cruellement sentir dans notre ville sinistrée à 65 %.

 

Pourquoi la Z.U.P. (Zone Urbaine Prioritaire) ?

Rappelons à ceux qui ont tendance à oublier le passé douloureux et surtout apprendre à ceux qui ne savent pas quelques chiffres significatifs du seul 29 avril 1944.

Au soir de ce bombardement de nos alliés américains (700 bombes dont 4 seulement atteignirent les chantiers navals, l'objectif principal) le bilan fut le suivant :

- 277 immeubles totalement détruits,
- 724 immeubles sinistrés de 50 à 75 %,
- 1 880 immeubles sinistrés de 10 à 50 %.

Si l'on ajoute à ces désastres que la population seynoise avait augmenté de 30 % depuis 1921, on comprendra pourquoi le problème du logement était devenu angoissant pour notre ville. Le problème d'une zone urbaine prioritaire se posait donc avec acuité, ce qui ne doit pas faire oublier que la Municipalité avant même les autorisations interminables nécessaires à obtenir des pouvoirs de tutelle, avait réalisé d'autres attributions. Par exemple, au quartier Saint-Antoine (48 logements) au boulevard Staline (46 logements), à Cavaillon (20 logements), aux Mouissèques (23 logements).

Les autres projets du quartier Peyron et du Camp Laurent prenaient forme, la ville ayant acquis les terrains pour cela. Mais les questions urgentes du logement ne furent pas résolues pour autant.

Ne donnons plus que deux chiffres convaincants : quand il fut possible d'attribuer les 96 premiers logements, le nombre de demandes était de 1 025 !

Revenons maintenant sur les quartiers qui nous préoccupent s'étirant depuis les limites d'Ollioules et de Six-Fours jusqu'à Brégaillon et dont la Z.U.P. à elle seule, s'étend sur 107 hectares.

Le plan de masse de la zone à urbaniser fut adopté par le Conseil municipal en 1964. Un communiqué rendu public déclara :

« L'ensemble de la zone à urbaniser et de la zone d'extension aura, y compris les H.L.M. existants : 7 296 logements avec groupes scolaires, un jardin d'enfants, un centre culturel, 135 commerces. Il y aura 2 100 places pour les automobiles sous les parkings couverts et 3 100 en plein air dans la Z.U.P. ; puis 2 340 places dont 650 couvertes dans la zone d'extension ».

La zone à urbaniser et la zone d'extension s'étendaient des limites sud des cités Berthe et Prairial, vers le Nord après le Floréal, à l'ouest à la limite de la commune de Six-Fours.

Plan du projet urbain

Nous n'entrerons pas ici dans les arcanes des procédures d'expropriation, relativement simples quand il s'agissait de terrains incultes. Par contre, les propriétaires de terres en pleine exploitation et d'habitations occupées promises à la destruction, faillirent provoquer des incidents dramatiques, ce qui est bien compréhensible quand on sait que les indemnités compensatrices étaient loin d'être suffisantes.

Dans son ensemble, le plan original a été respecté, mais il a subi des retouches administratives dans lesquelles nous n'entrerons pas.

Par contre, sur bien des points, il fallut parer à des nécessités imprévues comme nous le verrons.

Le peuplement rapide, le comportement de certains occupants, les choix opérés dans les attributions amenèrent les administrateurs de la Z.U.P., les dirigeants de l'office H.L.M., à reconsidérer beaucoup de questions.

La réalisation de la Z.U.P. se fit par étapes successives non sans difficultés car il ne s'agissait pas seulement de loger des gens. Ne fallait-il pas penser aux structures administratives, scolaires, sociales, sportives ?

Il fallait compter avec l'exigence de certains citoyens protestant si la voirie n'était pas au point ou si l'ouverture d'une école avait été retardée. Que de tâches épineuses, les administrateurs de la Z.U.P. et de l'office H.L.M. connurent pendant plusieurs années !

 

Les grandes étapes

Depuis son origine médiévale jusqu'au début du XXe siècle la grande terre de Saint-Jean qui donna naissance à cette multitude de quartiers qu'on appela Berthe, Piédardan, Farlède, Petite Garenne, Peyron conserva son caractère essentiellement agricole. Habitée par de petits propriétaires paysans exception faite pour la Chaulane, elle ne reçut aucune structure à caractère social ou administratif dans sa partie centrale ni occidentale.

À l'extrême sud, au quartier Peyron, le plus proche de la ville, le Maire Saturnin Fabre proposa la construction d'un abattoir important pour remplacer l'égorgerie des siècles précédents trop proche de la zone habitée dite de la Lune. C'était en 1889.

L'élevage des moutons était prospère en ce temps-là.

L'abattoir bien nécessaire rendit des services pendant plus de 80 ans jusqu'au moment de la disparition des bergeries et surtout de l'invasion des viandes congelées venues d'un peu partout de France et de l'Etranger (on ne parlait pas encore de la vache folle).

Non loin de là, dans la partie du quartier Peyron voisine de la mer, en 1904-1905, ce fut l'érection de la Bourse du Travail, en bordure de la nouvelle route de Toulon appelée alors le Chemin neuf.

Ces deux structures nécessairement se construisirent proche de la ville.

Conjointement dans ce même quartier Peyron et dans la même période, apparut le grand hôpital dit « régional » qui devait se substituer au vieil Hôtel-Dieu de la rue Clément Daniel datant du XVIIe siècle et devenu désuet malgré les travaux de réfection de 1858 sous le second Empire.

En fin du XIXe siècle, l'extrême pointe de la grande terre de Saint-Jean, s'était enrichie d'une structure de loisirs avec un hippodrome, ses dépendances et son château de Lagoubran encore visible de nos jours.

En somme les innovations du XIXe et début du XXe siècle animèrent la région sud avec l'hôpital, la Bourse du Travail, l'abattoir et l'hippodrome.

Tout le reste des terres jusqu'aux confins des communes d'Ollioules et de Six-Fours fut occupé par les plantations de légumes, de fruitiers, de vignes, d'oliviers avant de devenir la proie des bâtisseurs de la Z.U.P.

Au préalable, pour répondre à une question que se posait la population quant au choix des lieux, disons qu'il tombait alors sous le sens des urbanistes que la ville limitée à l'Est par la rade de Toulon, au nord par l'agglomération toulonnaise, au sud par la multitude d'habitations individuelles, l'extension de la ville n'était possible qu'en direction de l'ouest, sur une zone essentiellement agricole.

La municipalité n'avait pas d'autres choix pour répondre aux besoins impérieux d'une population croissante en raison d'une part des activités prospères de la construction navale et d'autre part du problème des migrants rapatriés qui commençait à se poser depuis 1954, début de la guerre d'Algérie.

La ville acheta des terrains longeant la route de la pyrotechnie au « Pèle mêle » du quartier Saint-Jean, cela à partir d'une délibération du 17 novembre 1954.

Tous les propriétaires de terrain n'acceptèrent pas de vendre, sauf quelques exceptions comme l'acquisition des quelques hectares de la Chaulane » grâce à M. Élie Zunino.

De nombreux cultivateurs s'opposèrent à la politique municipale, ce qui déclencha un processus d'expropriations, évidemment désagréables malgré les indemnisations.

L'acquisition des terrains ne devint réalité que le 10 avril 1957, soit deux ans et demi après les premières démarches ; les enquêtes de commodo et incommodo n'en finissant plus.

La mise en adjudication ne se fit que dans les années 1958-59.

Alors la première opération s'accomplit en deux temps pour apporter 540 logements aux sans logis et aux mal-logés. L'ensemble représentait 2 immeubles en bandes de 4 à 8 niveaux (la Banane) bordant la route départementale.

Puis, au centre du quartier Berthe, surgirent 132 petits immeubles de 4 logements chacun et aussi une tour de 12 niveaux. Au cours de la deuxième opération, 140 logements furent offerts aux rapatriés d'Algérie.

 

Les logements

Ce qui va être dit à présent sur la Z.U.P. c'est l'histoire des trente dernières années d'un changement radical, spectaculaire, d'une véritable transfiguration des lieux, du peuplement, des mentalités. Les Seynois assistèrent non sans émotion à l'arrivée de couches nouvelles de populations cosmopolites au comportement très différent de notre paisible et traditionnelle communauté.

De nombreuses familles seynoises se fixèrent confortablement dans les premières tranches de logement, éprouvèrent de grandes satisfactions et louèrent la municipalité et son office H.L.M. pour l'efficacité de leur politique.

Il n'en fut pas toujours ainsi avec les rapatriés d'Afrique du Nord estimant que tout leur était dû et que tout était mieux dans le pays d'où les événements les avaient chassés.

Nous dirons plus loin que la diversification du peuplement de la Z.U.P. s'intensifiant, les problèmes de la cohabitation donnèrent beaucoup de soucis aux administrateurs dont l'oeuvre a été considérable pour la satisfaction des besoins de la population.

Les logements se multiplièrent au fil des années mais il fallut bien faciliter leur accès, modifier les voies de communications anciennes, en créer de nouvelles plus larges avec des ronds-points, penser aux structures scolaires pour tous les âges, aux installations sportives, aux établissements commerciaux de proximité et pourquoi pas une zone industrielle et la création d'entreprises nouvelles. Il ne fallait pas oublier non plus des structures culturelles et de loisirs.

Inévitablement, ces innovations entraîneraient de nouvelles structures à caractère administratif.

Autrement dit, la population devait trouver sur place et à tout le moins dans son environnement proche, la satisfaction de tous ses besoins matériels et spirituels.

Et maintenant situons approximativement dans le temps les réalisations les plus fortes de cette zone prioritaire qui compte aujourd'hui 15 000 habitants c'est-à-dire le quart de la population seynoise et un effectif scolaire de plus de 5 500 écoliers et étudiants.

 

Problèmes scolaires urgents

Revenons quelque peu en arrière dans les années qui suivirent la Libération, avant les projets de zone urbaine. L'importance prise par la gare S.N.C.F. avait amené une main d'oeuvre nombreuse à la limite occidentale du quartier Berthe. La S.N.C.F. fut à l'origine d'une cité, chaque cheminot disposant d'une maisonnette et d'un jardinet. Mais alors se posèrent les problèmes scolaires dans un quartier qui se peuplait rapidement.

Pendant plus d'un siècle, les enfants du quartier Saint-Jean ne connurent que la vieille école Martini éloignée pour certains de plusieurs kilomètres. Cette situation ne pouvait pas durer. Alors le Ministère de l'éducation nationale, répondant à la Municipalité de l'époque, fit attribuer à La Seyne, des locaux en préfabriqués à usage scolaire, à titre gracieux, disait-on. La ville ayant été terriblement sinistrée.

L'urgence de constructions scolaires nouvelles se posait également dans les quartiers les plus éloignés comme les Sablettes et les Plaines. Les émissaires du ministère avaient promis leur remplacement au bout de cinq ans. Alors des constructions neuves en dur apparaîtraient. Les enseignants attendirent longtemps : 10 ans, 20 ans, pour certains quartiers et le Maire Toussaint Merle en fut d'autant plus ulcéré que promesse lui avait été faite que la Ville n'aurait rien à payer. Hélas ! Deux ans plus tard, il fallut inscrire en dépense au budget, les crédits correspondants.

Deux petites écoles naquirent donc dans ce quartier Berthe, une école primaire et une classe enfantine qui devint maternelle quelques années plus tard.

Après ces premières réalisations en faveur de l'enfance, il fallut penser aux logements que de nombreux sinistrés de la guerre attendaient. Les urbanistes se penchèrent d'abord sur la nécessité d'un réseau de communications : élargissement de la route départementale 559, sa liaison directe avec les routes de Six-Fours et d'Ollioules d'où la création des grands ronds-points : 8 Mai, Saint-Jean (baptisé plus tard de Lattre de Tassigny), Mammouth, réaménagement de la route de Toulon vers Sanary, longeant la voie ferrée et dans le quadrillage de tous les terrains de la Chaulane et des petits propriétaires du quartier Saint-Jean, expropriés pour la plupart, surgirent d'année en année, les ensembles immobiliers et toutes les structures urbanistiques nécessaires à la vie quotidienne des habitants.

Rond-point du 8 Mai

Pendant 35 ans, les inaugurations se succédèrent. Des tours carrés de 15 étages permettant l'accueil de 60 familles dans des logements confortables s'élevèrent vers le ciel à commencer par le quartier Saint-Jean. Le vocabulaire de la population se familiarisa avec les noms du calendrier républicain, on parla du Floréal, puis du Germinal, du Prairial, pour désigner les grandes tours édifiées en quelques semaines par des grues gigantesques. Puis ce fut le Messidor, le Fructidor, le Vendémiaire, le Thermidor, le Marquet...

Vue de l'ensemble H.L.M. du Floréal (doté d'ascenseurs et du chauffage central)
Office Municipal H.L.M. : Messidor, Berthe, Prairial
Office Municipal H.L.M. : Floréal, Messidor

Les structures scolaires et sportives s'échelonnèrent en fonction du peuplement. Après la maternelle Pierre Sémard, l'immense groupe scolaire Maurice Thorez démarra et trois ans plus tard, ce fut le gymnase du même nom admirablement équipé pour satisfaire la plupart des disciplines sportives. Nous étions en 1967. Quelques années après un groupe scolaire supplémentaire fut nécessaire.

Apparut alors l'école Jean Zay avec une section primaire et une autre maternelle. Cet ensemble put satisfaire aux besoins scolaires du Floréal, du Fructidor, du Vendémiaire.

École Jean Zay - Le Floréal

Dans la même période 1970-73 aux limites des communes d'Ollioules et de Six-Fours au quartier Farlède plus précisément apparut un ensemble scolaire technique et secondaire appelé Langevin-Wallon.

Pour la première fois La Seyne obtint un lycée technique doté d'un outillage ultra-moderne et un établissement d'enseignement secondaire (C.E.S.) aménagés sur un terrain de plus de trois hectares.

En 1974, ces établissements scolaires reçurent un équipement sportif complet avec un complexe en grande partie couvert.

En 1975, le Lycée Langevin put recevoir un centre de formation d'apprentis (C.F.A.).

Le Lycée technique Langevin

Administration et culture

Parallèlement aux structures scolaires, décrites succinctement, nos édiles portèrent leur attention sur les structures à caractères administratif et culturel.

En 1968, trois organismes conjuguèrent leurs efforts pour la création d'un centre social et culturel au quartier Berthe : la Municipalité, la Caisse d'Allocations Familiales, la Caisse d'Épargne. En réalité, le quartier Berthe ne fut pas le seul à bénéficier des bienfaits de cette nouvelle structure sociale mais l'ensemble de la zone urbaine prioritaire.

Aujourd'hui, la gestion est assurée par l'Association d'animation sociale et culturelle du quartier qui favorise la rencontre des habitants en un lieu équipé pour des activités d'une extrême diversité : conférences, expositions, jeux de société, activités artisanales, permanence juridique pour les migrants, sans oublier une halte-garderie et des loisirs du mercredi pour les enfants et aussi la pratique de la danse, la gymnastique d'entretien pour les adultes, l'incitation à la lecture par une bibliothèque, etc.

L'animation du centre fut assurée dès l'origine par une équipe de plusieurs permanents dont trois animateurs-éducateurs.

À partir de 1973, le centre médico-scolaire de la place Séverine ayant été agrandi, la municipalité envisagea l'implantation au même lieu d'un organisme nouveau appelé C.M.P.P. (Centre Médico-Psycho-Pédagogique).

Quel est le rôle exact d'une telle structure dont le sigle appelle quelques explications claires pour le lecteur. Les buts recherchés par cet organisme consistent à examiner et à traiter des cas d'inadaptation chez des enfants souffrant de troubles neuropsychiques ou des troubles du comportement. Des examens, des séances de rééducation sont nécessaires dont se charge une équipe composée de médecins généralistes et de spécialistes (neuropsychiatre, pédiatre, ophtalmologiste, oto-rhino-laryngologiste, orthophoniste), psychologue, rééducateurs.

Les enfants qui relèvent d'un traitement par le C.M.P.P. sont signalés par le service de santé scolaire, les assistantes sociales et surtout par les enseignants.

À partir de 1973, les locaux de la place Séverine étant devenus insuffisants, le centre fut installé dans une propriété attenante à la mairie annexe (services techniques) à la limite de la Z.U.P. Et la Mairie annexe, elle aussi, fut implantée dans la Z.U.P. à l'emplacement de l'abattoir du XIXe siècle devenu inutile. La ville disposait donc d'un terrain important pour édifier un immense bâtiment de 4 étages avec tous les services administratifs afférents aux problèmes techniques : bureaux spacieux, remarquablement éclairés où se traitent l'alimentation en eau potable, la voirie, la circulation, l'éclairage public, le cadastre... en somme, l'essentiel des besoins matériels de la collectivité.

Mairie technique (services industriels et municipaux)
Au premier plan : les ateliers municipaux ; au fond : la cité du Germinal

Autour du bâtiment imposant : des garages, des ateliers, des parkings où sont groupés les camions du service des ordures ménagères, des véhicules de dépannage, des voitures de fonction...

Quand on se rappelle l'année 1959 où fut inauguré l'Hôtel de Ville reconstruit sur le port (l'ancien étant sinistré) et les sarcasmes des adversaires de Toussaint Merle estimant que ce dernier dilapidait l'argent des contribuables seynois par une construction gigantesque et inutile, comment ne pas éprouver un sentiment de commisération pour ces politiciens de bas étage quand on sait qu'il fallut bien vite construire deux autres mairies : l'une au boulevard du 4 septembre appelée mairie sociale, l'autre dans la Z.U.P., la mairie annexe à caractère technique.

La grande terre de Saint-Jean continuait à voir sortir de ses entrailles des maisons individuelles, des ensembles collectifs à usage de logements et des structures à caractère social et administratif.

L'office municipal H.L.M. avait apporté la part la plus grande pour la construction des logements, mais la Z.U.P. s'ouvrit également à des projets d'associations privées.

Ainsi apparut dans le quartier Saint-Jean même de nombreuses habitations collectives regroupées sous le nom de Parc Saint-Jean. A l'extrémité orientale de la Z.U.P. face à la Mairie technique s'édifièrent un ensemble appelé les Fauvettes ainsi que les grandes tours du Catamaran d'où l'on découvre des paysages ravissants, mais surtout la grande rade de Toulon qui hélas ! a perdu beaucoup de son activité d'antan.
Les ensembles H.L.M. Plein Sud et Les Fauvettes

Portons maintenant nos regards vers la périphérie de cette zone urbaine prioritaire étendue répétons-le depuis les frontières d'Ollioules et Six-Fours jusqu'à Brégaillon.

Face au parc Saint-Jean, à l'initiative de la municipalité, suivant une autre formule dite de location-vente des dizaines de familles purent s'installer dans de modestes demeures très confortables jouxtant le bar Valentin, très ancienne famille du quartier. On appela cet ensemble le Ventôse.

Dans le prolongement vers la ville, entre le Boulevard de Stalingrad et la route départementale de Six-Fours (559) des ensembles immobiliers privés logèrent des centaines de familles dont les enfants étaient proches de l'Ecole Renan avec ses 20 classes primaires, non loin également de la maternelle Saint-Jean devenue Andrieu, nom des propriétaires du terrain, baptisée plus tard Eugénie Cotton.

N'oublions pas de citer dans le terminus de la Z.U.P. qui se peuplait rapidement, la petite école Jules Verne desservant les quartiers Peyron et Brégaillon.

Dans cette période, la cité Monmousseau se peuplait à une cadence rapide et aux petites écoles que nous venons de citer, allait s'ajouter en 1976 le Collège d'Enseignement secondaire Paul Eluard. Les innovations se succédèrent sans arrêt dont nous résumons l'essentiel dans un ordre approximatif : mais plus particulièrement dans les quelques années précédant 1985 où il fallut bien constater un ralentissement.

Faisant face à tous les besoins, nos édiles surent résoudre les problèmes les plus divers :

en 1976, par exemple on inaugura au coeur de la Z.U.P. la crèche Elsa Triolet venant en complément à la halte d'enfants devenue insuffisante depuis sa création en primaire et maternelle. Des structures de loisirs aussi : foyer pour les anciens, boulodrome au quartier Saint-Jean.

N'oublions pas de citer le complexe sportif du quartier Léry à l'entrée de la route des Playes. Et tout cela est encore très incomplet.

 

Structures industrielles et commerciales

De toute évidence, le peuplement rapide de la Z.U.P. fut suivi des problèmes de ravitaillement et les structures à caractère commercial trouvèrent des espaces faciles d'accès, suffisamment vastes pour la création d'immenses parkings.

Les gens apprécièrent l'implantation des grandes surfaces comme le Mammouth, les établissements Leclerc, Montlaur qui vendaient de tout : des aliments de toutes natures, des conserves, des produits frais, de la viande, du poisson, des vêtements, des chaussures, de l'outillage.

Il y eut bien au début au centre même de la Z.U.P. quelques petits commerces, par exemple : une pharmacie, une boulangerie, un marchand de journaux. Là, comme ailleurs, se posèrent les problèmes de la concurrence et les municipalités étaient violemment critiquées pour ne pas s'être opposées aux grandes surfaces qui voulaient disait-on la mort du petit commerce. Comme on sait, ces problèmes sont toujours d'actualité.

Dans une certaine période des marchands de fruits et légumes ne trouvant pas de place sur le marché du Cours Louis Blanc, furent autorisés à vendre dans une grande rue proche du Floréal.

Autre aspect non négligeable des activités de la Z.U.P. : les structures industrielles et artisanales. Avant la naissance de la Cité Berthe, exista une entreprise métallurgique appelée La Provençale spécialisée dans la fabrication de wagons destinés à la S.N.C.F. Elle fonctionna avec profit pendant plusieurs décennies jusque vers le milieu de notre siècle. Les ateliers étaient séparés de la gare par la route Toulon-Sanary.

Au nord de la voie ferrée, dans les quartiers Camp Laurent et Piédardan fut créée une zone industrielle dans les années 1970-71 qui reçut 22 entreprises (Renault, transports, réparations autos, travaux publics), auxquelles sont venues s'ajouter depuis, de multiples activités dont l'essentiel est résumé ici en quelques lignes :

Entreprises métallurgiques - Fabrique de portails - Réparation autos - Réparations et constructions électriques (C.I.E.L.) - Constructions de câbles et élingues - Casse-autos - Vente de luminaires - Fabrication d'agglomérés pour la construction de maisons et dépôt de matériel - Entreprise de fabrication de mobilier scolaire - Vulcanisation et réparation de pneus - Serrurerie - Fabrication en bois : portes, fenêtres, charpentes et poutres de toitures - Siège de l'entreprise Onyx chargée de l'enlèvement des ordures ménagères - Dépôt de gaz - Siège d'Emmaüs - Hôtels et Hôtel-restaurant. Et l'on peut ajouter des structures d'accueil comme le Palais de la Réception (ex-Sagittaire), une salle de noces, une salle de trampoline.

En 1971, on pouvait estimer à 270 le nombre des emplois créés dans cette zone. A l'opposé vers le quartier Farlède, on vit se réaliser des projets d'extension d'une autre zone industrielle atteignant les coteaux du quartier des Playes.

 

Vingt ans après

Après les ensembles immobiliers impressionnants, après les structures commerciales de grande envergure, après le réseau des constructions scolaires dans tous les ordres d'enseignement ; maternelles, écoles primaires, enseignements secondaire et technique, après les structures à caractère sportif, depuis la Muraillette jusqu'au Stade Léry en passant par le gymnase Maurice Thorez devenu Marcel Cerdan, après toutes les mutations spectaculaires auxquelles les Seynois avaient assisté depuis la guerre, les terrains de culture de l'immense terre de Saint-Jean avaient disparu dans leur immense majorité.

La Chaulane et ses environs avaient perdu leurs caractères primitifs et surtout la quiétude d'antan.

Ils étaient peuplés maintenant de familles seynoises sinistrées de la guerre, en nombre restreint, comparativement aux centaines de rapatriés d'Afrique du Nord, de travailleurs africains venus dans les périodes prospères de la construction navale et aussi d'une catégorie d'individus importés de milieux interlopes toulonnais que les adversaires de la municipalité incitèrent à devenir des électeurs seynois dans un but politique bien précis.

On conviendra que les problèmes de la cohabitation dans ces ensembles de populations composites, ajoutés à ceux des difficultés économiques allaient créer un climat social désastreux dans la nouvelle zone urbanisée insuffisamment équipée au début de structures de loisirs.

Turbulences de la jeunesse

Les efforts de l'Office H.L.M. pour satisfaire les besoins et les aspirations de la jeunesse par les structures sportives (football, tennis, gymnase...) par les activités diversifiées du centre culturel restèrent sans effets bénéfiques sur une frange irréductible d'adolescents organisés en bandes parfois redoutables par leurs actes délictueux dont les paisibles habitants de la Z.U.P. sont victimes. Si quelqu'un parvient à les surprendre et à tenter de les raisonner, ils répondent froidement : « Nous avons besoin de nous défouler dans ces murailles où nous ne trouvons pas de bowling, pas de boîtes à sous. Pour danser, il faut aller à Toulon ! Alors ! ».

Comment faire comprendre à ces bandes de voyous que ce n'est pas en provoquant les pannes d'ascenseurs, en vidant les poubelles dans les rues, en crevant des pneus de voitures, en salissant les murs de graffitis, en volant du linge aux étendoirs, qu'on pourra satisfaire des revendications légitimes. La violence ne règle jamais correctement les problèmes.

Hélas ! même de jeunes adolescents, inoffensifs, par nature, se laissent entraîner dans les bandes où l'individu perd son véritable caractère et n'a même plus conscience de la gravité de ses actes.

Et voilà comment on arrive à déplorer et hélas ! bien souvent les actes de chapardages dans les écoles, les cantines scolaires où les marchandises sont pillées, le matériel de cuisine saboté.

Tout cela se passe la nuit. Personne n'a rien vu, rien entendu et pourtant des parents savent bien que leurs enfants courent les rues, même la nuit !

Voilà qui nous amène à comprendre le problème des responsabilités, de ces situations parfois angoissantes redoutées d'une population qui ne demande qu'à vivre en paix.

Les enseignants du Collège Henri Wallon déploient tous leurs talents pédagogiques, toute leur force de persuasion pour raisonner les jeunes gens de la Z.U.P. surtout ceux inscrits dans les classes de S.E.S. (Section d'Éducation Spécialisée). Ils ont souvent de la peine à se faire entendre d'une frange de ces élèves dont l'identité est le plus souvent difficile à connaître et qui ignorent les lois les plus élémentaires de la morale.

Les enseignants, instituteurs, institutrices, professeurs n'ont pas un rôle facile auprès de certaines familles inaptes à se faire respecter, à les accuser de laxisme alors qu'elles-mêmes n'ont plus aucune autorité sur des enfants laissés en vadrouille dans les rues aux heures les plus tardives de la nuit.

La section S.E.S. compte 70 % d'étrangers sur 100 élèves et parmi eux une véritable colonie gitane redoutée à la fois par les habitants, les enseignants et la police elle-même. Dans leur ronde de nuit, les agents de l'ordre se font traiter de sales poulets, sales flics quand ils ne reçoivent pas des cailloux sur le pare-brise de leur véhicule.

Et quand au lendemain de certains exploits de cette jeunesse turbulente, les enseignants tentent de moraliser les durs, ils s'attirent des quolibets et des réflexions ahurissantes.

Si le professeur se fait l'écho des plaintes du Directeur de Mammouth ou des commerçants de la Z.U.P., victimes de larcins réitérés des élèves garçons et filles des lycées, on leur répond par des éclats de rire et des sarcasmes.

- « Et alors ? La belle affaire pour quelques petits paquets de pastilles ou une bouteille de bière ? Surtout que ces marchandises n'ont pas été emportées - on les a consommées sur place ! »

Et sur le ton le plus naturel, le plus familier, les garnements racontent leurs exploits :

- « Vous savez pas, Monsieur, on a bien rigolé, il y a 15 jours. On va au bistrot de la gare. Nous étions cinq. À tour de rôle, nous avons commandé des pastis qu'on dégustait tout en racontant des blagues. On faisait durer le plaisir et le patron s'impatientait derrière son comptoir. Au moment de payer, notre chef lui fait : au revoir, on va chercher les sous !... ».

Et voilà nos jeunes bondissant sur leurs pétrolettes qui, par bonheur pour eux, ont démarré tout de suite.

- « Il a été bien naïf, ce mastroquet, dit le conteur de cette histoire. Il aurait pu comprendre plus vite notre manège ! Il n'a pas eu le temps de nous rattraper et nous avons ricané en l'entendant crier : « salauds ! voyous ! » ».

Et le chef de bande poursuit : « on a fait le même coup à la boulangère de la place Berthe à qui nous avions demandé trois pains bien croquants ».

Ces jeunes déracinés de la Z.U.P. n'éprouvent aucune gêne à raconter leurs forfaits qu'ils considèrent comme de simples exploits. Ils se confient à leur maître ou maîtresse d'école en toute confiance, bien sûr les jours où leur présence est effective. Ils manquent souvent la classe et les parents ne s'inquiètent guère de leurs absences.

Ils avouent aux professeurs n'être pas intéressés par leurs cours.

« Nous préférons la rue, nous n'aimons pas vivre à l'école ou même dans les maisons. Notre plus grande distraction, nous la trouvons dans un garage désaffecté ou chez un copain où nous accumulons des outils et des pièces pour travailler et aussi des vélos et des vélomoteurs « abandonnés »...», disent-ils.

Les sacs de marchandises pris aux ménagères sur le marché, les porte-monnaie arrachés des mains aux clients sur les étalages mêmes sont des faits hélas quotidiens.

Alors, les victimes de ces larcins se retournent contre la police et les instituteurs.

La police n'est pas inactive certes, mais elle est souvent débordée et désarmée devant la multiplicité des forfaits et délits en tout genre.

Et dans le cas particulier des bandes de la Z.U.P. leur tâche est particulièrement délicate car la loi est le plus souvent impuissante contre les adolescents.

À leur passage au poste de police, ils ne donnent jamais la bonne adresse de leurs parents, ils ne présentent aucun papier d'identité et après des interrogatoires sans effet, les jeunes sont relâchés. Aux menaces verbales des policiers, des jeunes répondent par des sarcasmes, ce qui entraîne parfois des actes de violences bien compréhensibles.

Nous savons bien que ces faits ne sont pas limités à La Seyne et que les problèmes d'insécurité publique et de violence ont pris des dimensions nationales.

Mais dans le cas particulier de notre Z.U.P. seynoise, il faut approfondir les causes de cette inquiétante situation dans tous ses aspects les plus complexes.

Faisons parler les chiffres. Dans tout le patrimoine H.L.M. de la Z.U.P., sur un total de 4 798 logements, 4 400 ont été attribués à des familles seynoises soit 91,7 %, 398 familles d'origine maghrébine occupent le reste soit 8,3 %. Le taux maximum autorisé par les organismes du plus haut niveau est de 10 %. Au-delà de cette proportion, on risque la naissance d'un ghetto.

Dans le cas particulier de la Z.U.P. de Berthe, les choses se sont passées autrement. Sur un total de 3 356 logements, 354 sont occupés par des familles maghrébines. La proportion des émigrés est donc dépassée soit 10,54 %, ce qui n'a rien de très alarmant. Mais, dans certains bâtiments, les taux sont très différents. Par exemple : 13,3 % au Floréal, 16,66 % à Berthe, 26,9 % au Messidor, 30 % au Germinal, 42 % au Floréal ; 45,8 % à Berthe A5. Ces chiffres sont ceux de 1985.

De cette situation résulta une véritable campagne antiraciste qui se développa et les actes de dégradation et de violence, les pannes organisées des ascenseurs se produisaient justement où les émigrés étaient les plus nombreux. Et naturellement, les antiracistes les rendaient responsables de toutes les malveillances et sur la lancée, ils voulaient surtout déstabiliser la municipalité dont la couleur politique n'était pas à leur goût. On apprit que des saboteurs patentés avaient obstrué les vide-ordures collectifs par de vieux matelas éventrés hors d'usage, pour accuser de jeunes arabes de cette malveillance.

On comprend aisément que la gestion de la Z.U.P. dans ces conditions n'est pas une mince affaire.

Par surcroît, un autre facteur de mécontentement s'ajouta dans les foyers dont le nombre des chômeurs allait croissant avec le ralentissement mortel des activités de la navale.

Le Conseil d'administration de l'Office n'était plus celui du début. Le Préfet de l'époque nomma 8 administrateurs à ses ordres et quand il proposa une augmentation des loyers de 10 % à compter de Janvier 1981, l'ancienne équipe des dirigeants s'y opposa mais sans succès.

Néanmoins, la municipalité continua obstinément à améliorer les conditions de vie dans la Z.U.P. Les écoles, les stades, les gymnases ne manquaient de rien. Depuis 1976, les effectifs pour tous les ordres d'enseignement dépassaient 5 500 écoliers et étudiants.

En 1979, un service municipal aux espaces verts ayant été organisé, la Z.U.P. allait être la première à bénéficier de ses travaux.

Le long de l'avenue Pergaud au Germinal, 1000 mètres d'espaces verts agrémentèrent les lieux tandis qu'à l'avenue Jean Rostand un jardin d'aventures pour enfants offrit aux écoliers des jeux, un espace d'activités diverses.

À l'opposé le terrain de rugby de la Muraillette fut réaménagé avec ses vastes tribunes. À proximité s'élevait un autre ensemble de logements collectifs, appelé le Marquet (nom du fondateur du rugby à La Seyne) destiné à loger le corps des sapeurs-pompiers tout à côté de leurs véhicules d'intervention.

On assista dans cette période au transfert de l'Hôpital du quartier Peyron construit en 1904. Opération bien nécessaire pou obtenir des structures sanitaires et des équipements en harmonie avec la modernité. Les vieux locaux réaménagés rendaient toujours des services. Entre les vieux bâtiments et les nouveaux fonctionnait depuis plusieurs années un important établissement d'accueil pour les personnes âgées. Il était grand temps que disparaissent les vieux préfabriqués semblables aux locaux scolaires d'après la Libération.

Face aux structures hospitalières du quartier Peyron, après l'expropriation des terrains Andrieu, il fut enfin possible d'installer l'école des Beaux Arts de façon confortable et durable après ses multiples pérégrinations de l'école Curie, vers l'école Martini, vers l'Hôtel-Dieu de la rue Clément Daniel, ce qui permit un meilleur rendement des disciplines enseignées et un accueil plus chaleureux de l'Amicale des Beaux Arts ouverte aux adultes depuis plusieurs années.

Autres structures implantées dans la Z.U.P. de Berthe dont les terrains arrivaient à saturation. L'espace culturel Tisot avec son immense salle de spectacles où pouvaient se produire des conférenciers, des musiciens de haut niveau, des congrès.

Non loin de là s'éleva le Centre payeur de la Sécurité Sociale sur un terrain réservé par la Municipalité depuis 1974.

Cette dernière avait bien prévu également la nécessité d'un terrain pour la création d'un bureau de poste, dont il est superflu de souligner les services éminents.

Ainsi, la population des quartiers Berthe et environnants pourraient régler sur place les problèmes de santé et de courrier.

Rien ne fut laissé au hasard par nos édiles de ce temps. Pour satisfaire aux besoins de la religion n'a-t-on pas construit une chapelle au quartier Saint-Jean qui a pris le relais de celle du XVIIe siècle, appelée Saint-Jean de Berthe, disparue depuis longtemps et dont nous avons évoqué le souvenir dans les lignes qui précèdent.

 

Des noms prestigieux

Le développement impétueux des ensembles urbanistiques, des structures à caractères social, culturel, sportif, scolaire, administratif, posait le problème de leur désignation précise.

Les grandes tours portèrent les noms du calendrier républicain : Germinal, Floréal... Les bâtiments à deux ou trois étages se distinguèrent par des lettres majuscules, les appartements par des numéros. Séparés par des espaces qui devenaient des rues et des avenues, il fallut procéder périodiquement à la dénomination des voies nouvelles.

Il convient ici de remercier les administrateurs de la Z.U.P. pour le choix judicieux des personnalités dignes d'éloges dont il fallait perpétuer le souvenir.

Apparurent alors sur les murs et les entrées des bâtiments publics les noms de célébrités locales et nationales, des noms de Seynois comme Lamarque administrateur de la ville pendant vingt ans, des noms d'écrivains de haute lignée comme Victor Hugo, Louis Pergaud, Elsa Triolet, André Malraux, Antoine de Saint-Exupéry, Jean Giono ; d'hommes politiques comme Pierre Mendès France, Jean Bartolini, premier député du Front populaire de 1935, de Résistants au nazisme et au fascisme comme le Seynois Robert Brun et comme Pierre Sémard et d'Estienne d'Orves, fusillés, Jean Zay, Rosa Luxembourg assassinés, de scientifique comme Jean Rostand ; d'acteur et de metteur en scène comme Jean Vilar, de sportif comme Marcel Cerdan, de résistant ancien ministre comme Marcel Paul, de militaires de haut rang comme les maréchaux Juin et de Lattre de Tassigny, libérateur de la Provence.

Rond-point de Lattre de Tassigny

Toutes ces appellations glorieuses ne doivent pas nous faire oublier des hommages semblables dont témoignent les autres quartiers de la ville et que le lecteur pourra retrouver dans le Tome III sous la rubrique En passant par les rues de ma ville natale (pages 481 à 514).

La voirie actuelle de la Z.U.P.

Des efforts méritoires

Dans les années 1980-82, ces problèmes de développements urbains se posaient partout en France, surtout dans les localités où les offices H.L.M. avaient créé des zones urbanistiques à forte densité comme c'était le cas à La Seyne.

Un délégué ministériel mit sur pied un projet qu'on appela opération Dubedout qui devait servir d'exemple aux gestionnaires d'H.L.M. pour assurer un bon fonctionnement des cités surpeuplées.

Ce personnage vint à La Seyne, visita la Z.U.P. avec le Maire de l'époque et des dispositions furent prises dont l'essentiel est résumé ici.

- Assurer une meilleure propreté des lieux, le ramassage régulier des ordures ménagères.
- Trouver des locaux pour les associations et en faire respecter l'entretien.
- Assurer la sûreté des personnes en collaboration avec des agents de l'ordre, la sécurité des véhicules de transport.
- Mener des actions en faveur de la création d'emplois.
- Créer des zones piétonnes.
- Améliorer l'éclairage public...

Autant de bons conseils que le Président de l'Office H.L.M. reçut, mais dont l'application se heurta à de grandes difficultés.

Autre projet non négligeable : la création d'une zone franche urbaine étendue sur 14 hectares. Les entreprises implantées dans ces zones furent exonérées d'impositions pendant cinq ans, dans la perspective de faciliter les créations d'emplois.

Disons tout de suite que cette opération s'avéra bénéfique quand on apprit par la suite que la Z.A.C. des Playes (Zone d'Aménagement Concerté) avait permis la création de 225 emplois nouveaux, dont 25 uniquement sur la cité Berthe.

Tous les espoirs sont permis de voir la zone des Playes devenir industrielle avec l'arrivée d'entreprises spécialisées dans le domaine de l'agro-alimentaire, des télécommunications, du paramédical et pourquoi pas de l'informatique ?

N'anticipons pas, car la dernière partie de ces textes sur la Z.U.P. et la grande terre de Saint-Jean s'intitulera l'Avenir de la grande cité Berthe - Saint-Jean.

Les problèmes scolaires, malgré les multiples créations nécessitées par la croissance des effectifs devaient attirer une attention spéciale de la municipalité et de l'administration de l'éducation nationale. Au coeur de la Z.U.P. s'imposa la création d'une Zone d'Éducation Prioritaire (Z.E.P.).

Ne fallait-il pas adapter l'enseignement à la fois au problème des effectifs et à l'origine de nombreux élèves enfants d'émigrés africains et nord-africains ? Obligatoirement, les effectifs par classe devaient être réduits et le nombre des enseignants accru, d'où une enveloppe supplémentaire de crédits de fonctionnement.

Les racistes de la Z.U.P. protestèrent contre cette innovation estimant que l'administration française n'avait pas à dépenser de l'argent pour instruire les enfants des étrangers alors que les crédits manquaient souvent pour nos écoles.

L'inspecteur de l'éducation nationale ne reçut-il pas des injonctions, anonymes bien sûr, de supers patriotes trouvant insupportables la présence d'enfants à la peau noire sur les bancs de nos écoles.

Aux questions de l'enseignement s'en ajoutaient bien d'autres nées de la vie associative complexe inévitable dans cette cité devenue un état dans l'état.

Hormis les structures officielles et leurs conseils d'administration, au fil des ans naquirent les sociétés sportives, les amicales de locataires, les clubs à caractères de loisirs, les associations à caractères revendicatifs, etc.

Les groupements avaient besoin de lieux de permanences, de réunions et tous les équipements nécessaires n'avaient pas été prévus par les urbanistes certainement dépassés dans leurs prévisions.

La direction de l'office H.L.M. usait de palliatifs mais la gestion du monstre qu'était devenue la Z.U.P. dans les années 1990 devint particulièrement préoccupante. Dans le but de lutter contre l'oisiveté des jeunes fut créé, toujours dans le quartier Berthe, un organisme spécialisé dans les activités de la jeunesse, le foyer Anne Franck animé par un service municipal créé en 1981. Cette structure nouvelle se proposa d'intéresser les jeunes à des activités de leur choix : théâtre, émaux, peinture, photos, sans négliger les questions de la culture, les sorties de plein air, le secteur de l'audiovisuel.

Au coeur de la cité, un stade avec terrain de jeux fut aménagé, un tennis. Les jeunes sportifs, étudiants de l'ensemble Langevin-Wallon disposaient des structures sportives de leurs établissements. Ceux du lycée technique, ceux du C.E.S. Henri Wallon, ceux du C.E.S. Paul Eluard étaient tous organisés en associations et pouvaient donc se distraire sainement.

Comment pourrait-on oublier de parler de l'Association G.A.S.P.A.R. (groupe d'associations dont le but est de créer des liens d'amitiés surtout au sein d'une jeunesse dont il fallait à tout prix éviter les turbulences par des jeux, des animations comme le grand carnaval dont on parle chaque année).

Le lecteur estimera peut-être fastidieuse l'énumération de toutes les initiatives prises par les dirigeants de l'office, les élus municipaux, les responsables d'associations. Mais il est nécessaire de montrer la complexité des problèmes de la vie communautaire et les efforts positifs pour les résoudre.

Les preuves abondent de la bonne volonté du plus grand nombre et malgré des résultats probants, nous verrons dans la dernière partie de ce récit, les tâches énormes qui restent à accomplir pour que la grande terre de Saint-Jean soit mieux intégrée dans la communauté seynoise dans une atmosphère de convivialité dont La Seyne a bien besoin après ses désastres économiques et une vie politique en pleine décomposition.

 

L'avenir de la grande cité Saint-Jean de Berthe

Les élus municipaux, les dirigeants de l'Office H.L.M., les responsables de la vie associative prirent peu à peu conscience que ce quartier Berthe et plus généralement la zone urbaine prioritaire étaient devenus des secteurs distinctifs de la communauté seynoise dont ils paraissaient se couper de plus en plus. Il fallait donc réagir et faire en sorte qu'ils deviennent des quartiers comme les autres.

Un projet urbain de réaménagement fut sérieusement étudié dans la perspective de renforcer leur cohésion et de les relier mieux au centre ville.

Un nouveau réseau de circulation devait assurer une meilleure liaison entre les différents secteurs du quartier. Le S.I.T.C.A.T. promit de multiplier les stations et les passages protégés. Un couloir bus serait créé sur plus de trois kilomètres.

La création d'espaces verts commencée depuis quelques années devrait se généraliser.

Les projets de D.S.U. (Développement Social Urbain) ne devraient pas rester sur le papier.

Le premier secteur de la Z.U.P. à requalifier fut celui du Fructidor avec au programme la réfection de la voirie, la réhabilitation des entrées, des aires de jeux pour les enfants, la création d'un local aux boîtes aux lettres, facile à surveiller, certains délinquants poussant leurs exploits jusqu'à la disparition du courrier quotidien.

On imagina pour le Germinal, une plate-forme de services, une antenne A.N.P.E., des locaux pour les permanences d'associations, un local pour un écrivain public.

La grande cité du Germinal

Le transfert du collège Wallon dans la cité Berthe allait poser lui aussi des problèmes nouveaux, ainsi que la multiplication des services, la protection maternelle et infantile par exemple.

Arrêtons cette liste qui pourrait être fort longue pour dire que la gestion de la Z.U.P. demeure un énorme problème pour l'édilité seynoise.

Il résulte de tout ce qui précède que malgré les nombreuses améliorations apportées aux conditions de vie des habitants de la zone urbaine n'ont pas suffi à créer dans cette Seyne nouvelle surpeuplée un climat de convivialité auquel aspire une population généralement paisible.

Et pourtant, il faudra bien que les problèmes posés par la cohabitation de gens d'origines fort diverses, aux mentalités, aux opinions, aux modes de vie contradictoires, trouvent tout de même des solutions de bon sens, le temps et la sagesse aidant. D'énormes efforts de persuasion seront nécessaires et exigeront de la patience.

Il existe heureusement de bonnes volontés qui vont s'appliquer, nul n'en doute à faire disparaître une situation incohérente, chaotique même et parfois dangereuse...

Une situation découlant tout d'abord des suites de la guerre désastreuse, de la désindustrialisation, du chômage, de l'incompétence de certains administrateurs, une situation aggravée par le comportement de nombreux occupants comme nous l'avons montré précédemment.

Une meilleure coordination de la vie associative devrait tendre vers un redressement moral, vers une ambiance de tolérances réciproques et de rapports et d'échanges amicaux.

Des progrès certains ont été enregistrés ces dernières années, depuis l'intensité des activités de l'association G.A.S.P.A.R. depuis la création d'une association d'aide au devoir, depuis la naissance en 1990 seulement d'une association de parents d'élèves au C.E.S. Wallon.

Le Centre Social de Berthe doit jouer un rôle important lui aussi en accueillant par exemple l'association Stop à la violence dont les responsables font le tour de France pour discuter avec les responsables d'associations de la jeunesse. Car, hélas ! les problèmes de la délinquance ne se posent pas seulement à La Seyne et ils ne seront pas résolus uniquement par les enseignants et les présidents de clubs.

Les premiers responsables sont les chefs de famille dont l'autorité, à l'heure présente, s'est bien dégradée.

Que d'exemples pourrions-nous apporter pour étayer une telle affirmation.

Que de foyers désunis sont abandonnés par des jeunes filles qui vont s'installer chez des copines. De ces foyers instables que minent souvent le chômage et l'ivrognerie, il résulte tous les dangers pour une jeunesse qui tend à se dévoyer jusque vers la délinquance aux formes multiples et aux actes de vandalisme auxquels il nous est donné d'assister de temps en temps.

Que faut-il faire ? Il n'est pas pensable de laisser s'aggraver les dangers permanents. C'est bien pourquoi les responsables de la vie collective, les associations caritatives n'ont pas à redouter les tâches épineuses auxquelles tous les habitants doivent s'intéresser.

Certes, il ne faut pas négliger certaines revendications de jeunes gens qui s'exclament parfois : « Nous n'avons pas de piscine dans le quartier, pas de bowling ! Pour danser, le plus souvent, il faut aller à Toulon ».

Tous les problèmes à caractère revendicatif devront être examinés par les instances responsables avec la ferme volonté de trouver des solutions durables.

Il a été démontré que de grands efforts avaient été apportés pour lutter contre l'oisiveté de la jeunesse.

Les centres de loisirs et d'activités diversifiées existent depuis des années dans la Z.U.P.

Mais les plus grandes batailles à gagner resteront celles de la convivialité, de l'ordre, de la propreté, de la discipline, du respect du bien public et avant tout celle de l'emploi des jeunes.

Les administrations, les édiles à tous les niveaux, les responsables de la vie politique, économique, sociale, devront multiplier les concertations pour aider la jeunesse à s'intégrer dans une vie active.

Répétons qu'il n'est pas admissible qu'une poignée d'énergumènes sème le trouble et la zizanie dans une population qui n'aspire qu'à la tranquillité.

Ils seront mis à la raison d'abord par la persuasion et une éducation permanente de tout leur entourage. Ce qui ne signifie pas que des mesures de coercition seront parfois nécessaires, bien évidemment dans la mesure autorisée par la loi.

Il nous reste à espérer que tout sera fait pour créer des conditions de vie agréables à ces milliers d'habitants de la Z.U.P. dont de nombreux étrangers, même si la couleur de leur peau incommode parfois certaines âmes sensibilisées exagérément aux problèmes du racisme et de la xénophobie.

Nonobstant la multitude des difficultés à vaincre pour faire de la grande cité Saint-Jean de Berthe une zone du terroir seynois agréable à vivre, faisons confiance au bons sens de nos édiles, des éducateurs, des responsables de la vie associative qui uniront leurs efforts pour dynamiser la vie économique de la Z.U.P. et créer ainsi dans la population une ambiance cordiale et fraternelle.



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