La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome III
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome III (1990)
En passant par les rues de ma ville natale
(Texte intégral du chapitre)
 

 Généralités - Quartiers et vieux chemins

J'ai souvenance qu'étant jeune instituteur détaché en 1941 pour enseigner dans la première classe de 6ème Moderne de l'école Martini devenue collège, le directeur Monsieur Malsert me donna connaissance d'un texte ministériel porteur de changements notables dans les disciplines et les horaires d'enseignement. Pour la première fois, j'entendis parler des activités et travaux dirigés.

Cette information fut suivie de réunions du personnel, de discussions afin de préciser les formes d'application des nouvelles instructions qui comportaient entre autres choses l'étude du milieu. On demandait aux enseignants d'intéresser leurs élèves à tous les aspects de la vie locale. Et les sujets abondaient qui pouvaient s'étaler sur toute une année scolaire.

Quels sujets ? Évidemment il m'apparut nécessaire de commencer par les origines de La Seyne, son passé lointain, ses armoiries, la conquête de son autonomie, les luttes difficiles de ses enfants à travers les siècles. Après l'histoire, ce pouvait être la géographie, la géologie, le climat, les activités industrielles et agricoles, les transports, l'urbanisation, que sais-je encore ? L'originalité de ces études du milieu résidait d'abord dans le fait que les enfants devaient rechercher eux-mêmes des documents, des illustrations, des faits, des dates auprès des gens, des organismes publics, des associations. Ils étaient tenus souvent de répondre à des questionnaires qui les obligeaient à des travaux d'enquête dans la perspective de rapporter à leur maître le maximum de renseignements. Après quoi, chaque quinzaine, on effectuait une synthèse sur chaque sujet. L'ensemble de ces travaux devait aboutir à la réalisation d'une monographie de La Seyne et de son terroir.

Ce fut dans le cadre de ces Études du milieu que j'imaginai un jour de soumettre à mes élèves un questionnaire portant sur l'origine du nom des rues de la ville et je constatai alors qu'il y avait beaucoup de lacunes à combler.

Combien d'entre eux ne savaient même pas dire le nom des rues de leur itinéraire quotidien qui les conduisait à l'école ? Qui étaient Cyrus Hugues ? Carvin ? Louis Blanc ? Baptistin Paul ? Que signifiait la rue Cauquière ou la rue des Celliers ?

Je n'avais pas la prétention de leur apprendre le nom de toutes les rues car il y en a des centaines sans parler des chemins qui portent aussi des noms précis, mais j'exigeais la connaissance des artères principales et celles portant les noms des plus grandes personnalités locales, édiles ou bienfaiteurs, des patriotes locaux ou d'envergure nationale.

Et voilà mes jeunes partis chez les grands-parents, les vieux tontons, les retraités, les personnalités, les services administratifs municipaux, les sièges d'associations, en quête de renseignements qu'ils consignaient sur un calepin et l'émulation jouant à plein, des cahiers furent nécessaires. Quand nous faisions le point de ces recherches chaque quinzaine, les discussions passionnées nous conduisaient fort loin du point de départ et je me devais de répondre à la curiosité des enfants toujours difficile à satisfaire. D'ailleurs ils ne cachaient pas leur dépit quand mes réponses n'étaient qu'approximatives.

Au hasard de nos rencontres, après cinquante années écoulées pour les plus anciens d'entre eux, nous éprouvons toujours le même plaisir à raviver les souvenirs de la vieille école Martini si chère à leur coeur.

Et je constate encore leur désir d'en savoir plus sur leur ville et je m'efforce toujours de répondre à leurs questions comme autrefois. Je suis en mesure de le faire beaucoup mieux depuis la publication de l'Histoire générale de La Seyne de M. Baudoin en 1965. Cet ouvrage m'apporta d'immenses satisfactions comme à tous les Seynois de souche, car il nous a permis aux uns et aux autres d'étoffer sérieusement la connaissance de notre terroir.

À la vérité, on a beau être du pays, notre savoir du passé demeure plein de lacunes parce que l'absence de documents écrits, les interprétations erronées ou tendancieuses des faits et surtout le silence des générations disparues sont autant d'obstacles à la pénétration du lointain passé.

Pour illustrer ce propos, qu'il me soit permis de faire référence à un cas personnel : je suis né au n° 3 de la rue Philippine Daumas. Il y a gros à parier, hormis les habitants des environs, que l'immense majorité de nos concitoyens ne savent pas que cette rue relie la rue Voltaire à l'avenue Frédéric Mistral tout près du rond-point Kennedy (anciennement rond-point des Sablettes). J'eus la curiosité dans mon enfance de savoir qui était cette honorable personne que nos édiles avaient voulu vénérer dans le passé. Mes parents, à qui je posai la question, l'ignoraient.

Beaucoup plus tard, j'interrogeais un jour M. Baudoin, lui qui connaissait tant de choses. Il ne le savait pas davantage. Le hasard voulut qu'en lisant des textes de délibérations municipales du début du siècle, j'appris que Madame Philippine Daumas, ayant cédé du terrain à la ville gratuitement, permettant ainsi l'élargissement de la rue qu'elle habitait et l'aménagement des trottoirs, fut considérée comme bienfaitrice, en échange de quoi elle fut récompensée par l'attribution de son nom à la nouvelle artère viabilisée.

On pourrait citer d'autres exemples similaires, plutôt rares d'ailleurs.

Je disais tantôt que la dénomination des rues avaient intéressé au plus haut point mes petits élèves de l'école Martini. Sans aucun doute leur attention persiste sur ce même sujet car il est toujours d'actualité et fait de temps à autre la préoccupation de nos édiles. Ne sont-ils pas appelés à baptiser des artères nouvelles résultant du développement de l'urbanisation et d'honorer des personnalités disparues du niveau local, national ou même international ?

C'est pourquoi j'ai estimé opportun de composer ce texte et de l'intégrer dans ce troisième tome des Images de la vie seynoise d'antan, en espérant que le lecteur trouverait attachants ces rappels du passé seynois.

Mais avant de parler des rues, il n'est pas inintéressant de dire quelques mots sur les quartiers et leurs voies d'accès en remarquant que depuis la fondation de la commune, leur nom pas plus que leurs limites n'ont guère varié.

Au nombre d'une cinquantaine, ils portent souvent des noms de familles propriétaires de terrains qui s'étendaient sur plusieurs hectares : Beaussier, Tortel, Berthe, Brémond, Daniel,... ou alors des noms de saints parce qu'autrefois l'ardente foi religieuse avait incité nos anciens, surtout les mieux nantis, à ériger des sanctuaires dans leur domaine propre. Ce fut le cas avec Saint-Antoine, Saint-Jean, Saint-Joseph de Gavarry, Sainte-Anne, Sainte-Messe, Saint-Honorat. Certains noms de quartier évoquent des caractères géographiques particuliers affirmés : Les Sablettes, Gai Versant, Coste Chaude, Mar Vivo, Le Manteau, Tamaris, Les Plaines, Pin de Grune.

Ces portions du terroir seynois que représente chaque quartier ne sont pas des divisions administratives aux contours nettement définis. Qui pourrait dire, par exemple de façon précise où s'arrête le quartier des Plaines et où commence celui de Mar Vivo qui en est le prolongement ? Malgré les siècles écoulés, le morcellement des propriétés, le regroupement de parcelles, la construction d'ensembles immobiliers, le nom de ces quartiers n'a pas changé et chacun d'eux a sa propre histoire. J'ai raconté longuement celle du quartier des Moulières et il serait sans doute passionnant de raconter celle des autres. Avant d'en venir à nos rues anciennes et nouvelles, disons quelques mots des voies communales à caractère de chemins dont la dénomination n'a rien de particulièrement original parce que généralement elles portent le nom du quartier qu'elles desservent : les exemples abondent d'après le tableau de classement des voies communales qui en porte 104 : chemins de Fabrégas, de l'Évescat, de l'Oïde, de Paradis, de Lagoubran, de Domergue, des Mouissèques, de la petite Garenne, etc., etc.

Le récit intitulé Du bourriquet au S.I.T.C.A.T., que l'on trouve dans le tome I, rappelle l'existence des chemins les plus anciens créés par nos ancêtres : le vieux chemin des Sablettes qui reliait La Seyne à Mar Vivo, très sinueux, dont quelques tronçons n'ont pas encore été élargis de nos jours. Précisons que la route départementale n° 18 n'existait pas encore en 1884.

Un autre chemin très ancien fut aussi celui des Moulières qui prenait naissance au bout de la rue d'Alsace (alors rue de l'Évêché) et s'en allait vers les lavoirs et les moulins hydrauliques à blé et à huile avant l'entrée de la forêt de Janas.

Le chemin du vieux Reynier, à l'ouest de la commune, reliait La Seyne au castellum de Six-Fours (emplacement du fort actuel) en passant par les quartiers Châteaubanne et Vignelongue. Ce fut celui que nos anciens empruntèrent le plus souvent avant que La Seyne ne fût séparée de Six-Fours où siégeait l'administration communale.

L'historique de la voirie communale nous enseigne aussi l'existence de quelques autres chemins à peine carrossables pour des charrettes : celui de l'Évescat qui reliait La Seyne au domaine de Saint-Louis où résidaient les évêques en vacances, celui du Manteau qui donnait accès au rivage de la baie du Lazaret. Entre les agglomérations de La Seyne et Ollioules, d'une part et La Seyne-Toulon, d'autre part, il fallut créer des routes pour la facilité des échanges commerciaux.

La route départementale 559 reliant Toulon-La Seyne et Six-Fours ne prendra forme qu'au XIXe siècle.

 

Naissance des premières rues

Venons-en à nos premières rues qui ne furent que des ruelles dont quelques-unes ont gardé leur largeur d'origine. Essayons de comprendre comment elles ont pris naissance. Dans un tome précédent, il a été écrit que ce fut seulement vers le milieu du XVe siècle que les hameaux embryonnaires de notre ville apparurent sur une hauteur très proche de la mer, celle de Cavaillon, qui signifie lieu élevé, mais aussi à Beaussier, à Tortel, à Daniel, à Saint-Honorat.

Les schémas des premiers quartiers constitutifs de La Seyne montrent plus loin les habitations des hameaux des Tortel, des Beaussier, des Cavaillons. Vers 1580, donc vers la fin du XVIe siècle, quelques dizaines de constructions à usage d'habitations, de remises et d'entrepôts y furent édifiées par des cultivateurs et des pêcheurs, professions les plus répandues en ce temps-là et symbolisées sur les armoiries de notre ville par les pains et les poissons.

Ces constructions s'implantèrent de façon anarchique, aucune réglementation précise n'existant en matière d'urbanisation.

Le besoin de communication entre les premiers hameaux imposa la création de chemins dont les vestiges nous sont offerts par les rues Beaussier, Robespierre, Lavoisier. La première amenant les gens vers l'église, sise alors au bord de mer ; la seconde reliant le vieux quartier Beaussier aux Cavaillons ; la troisième conduisant les usagers de ce dernier hameau vers le bord de mer où débouchait le gros Vallat en provenance du Pont de Fabre (quai Gabriel Péri actuellement).

Ces premiers chemins ne portaient aucun nom et manquaient plutôt de confort. Peu à peu, l'alignement des immeubles s'imposa, il fallut empierrer, étudier l'écoulement des eaux. Il fallut bien envisager d'en augmenter la largeur quand on utilisa les premières charrettes. Rien ne fut changé pour la ruelle descendant des Cavaillons vers le port. Si elle ne portait pas encore de nom officiel avant la Révolution de 1789, on l'appelait tout de même la ruelle des amoureux. Cette désignation lui allait fort bien en raison de son étroitesse et surtout de l'obscurité totale complice des rencontres de tourtereaux. Elle est devenue depuis, la rue Lavoisier, fondateur de la chimie moderne.

Quand le marché fut créé, une voie nouvelle amena les habitants des Cavaillons plus directement vers la basse ville, on l'appela la Calade en raison de sa chaussée de galets, ce qui évitait aux gens de s'embourber les jours de pluie. Elle permettait le passage des charrettes en provenance des quartiers sud de la ville. Cette rue Calade (vocable que l'on trouve fréquemment dans d'autres villes devait devenir vers la fin du XIXe siècle la rue Louis Blanqui, nom d'un révolutionnaire, précurseur du socialisme, qui paya très cher la croyance en son idéal en passant quinze années de sa vie en prison).

Dans le texte intitulé Place du Marché, nous avons montré comment à partir du XVIe siècle, après avoir vaincu les marécages qui infestaient les rivages de la rade, nos ancêtres construisirent leurs logements en direction du premier port de La Sagno (place Bourradet) dans l'espace compris entre la place des Capucins (Germain Loro aujourd'hui) et la place du Marché (place Laïk père et fils). L'urbanisation se réalisa par un ensemble de rues divergentes et limitées dans leur partie inférieure par une ligne suivie par les rues Berny-Carvin-République-Denfert-Rochereau. Les plus anciens de nos concitoyens connus de notre enfance nous apprenaient que cet alignement correspondait approximativement au rivage du XVIe siècle et que dans un deuxième temps les comblements sur la mer et fréquemment l'implantation de pilotis permirent le peuplement aux XVIIIe et XIXe siècles de la partie de l'agglomération seynoise comprise entre les rues Carvin et République et le port actuel. D'ailleurs le quadrillage des rues contraste nettement avec la partie de la ville la plus ancienne.

Et voilà qui nous conduit à parler des premières rues et de leur dénomination. À la naissance de la commune, nos édiles ne songèrent pas à révérer des personnalités disparues. Généralement leurs noms faisaient référence aux activités principales qu'y exerçaient les citoyens. La même constatation pourrait se faire dans les autres villes de notre pays.

À La Seyne existèrent les rues suivantes : rue des Tonneliers, rue Ferblanterie, rue des Pêcheurs, rue Savonnière, rue de la Vieille Plâtrière, rue des Celliers, rue du Môle, marché aux Herbes, rue du Petit Filadou, rue de la Comédie, rue Brassevin,..., ou alors les rues désignaient une structure administrative ou religieuse : rue de l'Hôpital, rue de l'Évêché, rue du Palais, rue de l'Hôtel de Ville, rue de la Paroisse, rue Saint-Roch, avenue du Fort Caire, rue de la Chapelle Saint-Esprit.

Le plan de la ville de 1783 laisse apparaître rarement des noms de personnalités à quelques rares exceptions près comme Denans, Frangipani (et non Franchipani), Jouglas, Grune, Messine.

Il n'est pas inutile de faire quelques commentaires à propos de ces honorables citoyens.

Jouglas est le nom d'une vieille famille qui a donné à La Seyne, avant la Révolution, des magistrats nombreux, des notables, des constructeurs de navires, des officiers de marine. Le sieur Pierre Jouglas fut élu le, Consul en 1751. La rue qui portait son nom fut débaptisée pour devenir la rue de l'Hôtel de Ville.

Nos édiles du temps passé ont eu bien raison d'attribuer le nom de Frangipani à une artère importante de la ville parce que ce haut personnage du clergé, seigneur temporel et spirituel de La Seyne et Six-Fours, fut l'artisan principal de l'érection de La Seyne en commune.

Le nom de rue Grune rappelle celui d'un propriétaire important qui céda du terrain à la ville pour l'agrandissement de l'école de la Dîme (école Martini).

Par la suite, cette rue Grune portera le nom de Monsieur Martini, directeur de la première école d'enseignement public. Signalons au passage que le nom de Grune n'a pas disparu du terroir seynois. On le retrouve dans le prolongement des Mouissèques où il désigne un quartier ainsi nommé en raison de l'existence d'un pin aux dimensions respectables dans ce qui fut la propriété Grune. On dit encore le quartier Grune ou plus précisément le quartier Pin de Grune.

Enfin, Denans comme Jouglas est le nom d'une très ancienne famille seynoise et six-fournaise qui donna au pays des célébrités : armateurs, notaires, ecclésiastiques,...

Rappelons que la première histoire de La Seyne datée de 1713 est l'oeuvre de Jean Denans.

À ce nom de rue fut substitué celui de Évenos, nom d'un marquis, riche propriétaire qui fit don à la ville de terrains importants permettant l'extension de la commune et de ses activités en direction du nord-ouest. À proximité, citons le cas de M. Messine qui fit preuve lui aussi de générosité dans des proportions beaucoup plus modestes.

 

Pourquoi de nouvelles appellations ?

Les lois de l'évolution, en tous temps et en tous lieux demeurent implacables. Rien ni personne n'est à l'abri des mutations et des changements perpétuels parce que la science découvre chaque jour et génère des activités nouvelles ; les populations s'entremêlent avec des chocs psychologiques parfois inattendus, des institutions disparaissent, d'autres naissent et se développent.

Il est évident que la disparition des tonneliers, des savonniers, des ferblantiers, des plâtriers, groupés dans leur rue comme au temps des corporations, il en résulta ipso facto les changements d'appellation des rues où ils exerçaient leur métier.

L'affaiblissement de la foi religieuse s'accompagna de la disparition des oratoires, de nombreux sanctuaires. Les rues Saint-Roch, Saint-Pierre, Saint-Esprit, la rue de l'Évêché, la rue de La Paroisse furent débaptisées. Mais tout cela n'alla pas sans difficultés. La disparition des noms de saints souleva l'opposition irréductible du clergé, d'autant que dans certaines rues, des statuettes logées dans des niches maçonnées rappelaient toujours leur présence.

Signalons au passage les rares exemplaires sauvés des destructions ou des ravalements de façades : statuette de la Vierge Marie, rue Marius Giran, près de la poissonnerie ; statuette semblable au milieu de la rue Cyrus Hugues, à l'extrémité du cours Louis Blanc avant d'atteindre la place Germain Loro.

La désignation du nom des rues sur des plaques apposées aux murs souleva d'autres difficultés. À qui incomberait la dépense ? À la communauté ou aux propriétaires riverains ? Les conflits s'éternisèrent jusqu'au XIXe siècle.

Deux ordonnances de police du 30 juillet 1729 et du 3 juin 1730 enjoignaient aux propriétaires des maisons sises à l'encoignure de deux rues, de réserver la place nécessaire à l'établissement d'écriteaux indicatifs en tôle peinte. Les propriétaires devaient sous peine de 100 livres d'amende, veiller à ce qu'elles ne fussent arrachées, effacées, ni changées.

Une ordonnance de police du 9 juin 1824 défendait de dégrader, ni de masquer les inscriptions des noms de rues qui étaient uniformément établies sur fond bleu avec des lettres blanches.

Remarquons au passage que le choix des couleurs n'a pas varié jusqu'ici.

Il y eut toujours des écarts entre les lois et leur application. L'obligation faite aux propriétaires d'entretenir ou de renouveler des plaques n'a jamais pu être appliquée tout à fait, ces derniers opposant aux autorités un argument sérieux à savoir qu'il était profondément injuste de leur faire obligation d'entretenir des objets d'utilité publique.

Antérieurement, des protestations encore plus violentes avaient éclaté quand le Pouvoir royal avait voulu faire payer l'entretien des rues par les propriétaires riverains.

Une ordonnance du 23 avril 1823 fit obligation aux communes de numéroter les immeubles, lesquelles communes, toutefois, ne prirent à leur charge que le premier numérotage. Par la suite, l'entretien devait être assuré par les propriétaires.

Si à La Seyne les premiers magistrats se penchèrent attentivement sur ces problèmes au XVIIIe siècle, par contre, les élus toulonnais prirent un retard important. M. Baudoin affirme avec un peu de malice qu'aucune mention officielle ne se lisait au coin des rues dans la grande cité voisine avant 1769.

La municipalité toulonnaise de cette époque le fit pour satisfaire à la demande du commandant de la place, M. de Coincy, désireux de faciliter à tous les gens au service du Roi (militaires, marins ou fonctionnaires) de trouver aisément sans perte de temps excessive les logements qu'ils devaient occuper.

Observons au passage que La Seyne fut également en avance sur sa grande voisine pour l'installation de l'éclairage public. Par contre, elle prit un retard important sur le problème de l'assainissement.

Les premières appellations de rues et de places publiques durèrent environ deux siècles. Les substitutions se firent progressivement en fonction des événements locaux et quelquefois nationaux ; les guerres, les révolutions, les grands courants de pensée seront marqués par nos édiles qui firent beaucoup pour pérenniser les grands faits et surtout les grands hommes de l'histoire.

Quand on se promène dans les rues de notre ville, on est frappé par l'extrême diversité des appellations : édiles locaux, hommes politiques, doctrinaires, écrivains, scientifiques, novateurs, techniciens, militaires de haut rang, peintres, musiciens, résistants à toutes les oppressions, bienfaiteurs, etc.

Les choix ont été heureux dans l'ensemble, sans toutefois faire l'unanimité. Nous reviendrons dans la conclusion de ce récit sur la nécessaire objectivité des élus qui proposent et qui décident.

 

Aux XVIIIe et XIXe siècles

Le clergé possède d'importantes propriétés qui s'étalent depuis La Gatonne jusqu'à l'église actuelle en passant par l'immense domaine des Capucins (Maristes aujourd'hui). Ce sont les terres de l'Évêché, propriétaire également du domaine de Saint-Louis à Tamaris.

L'artère qui les dessert s'appelle la rue de L'Évêché, qui changera plusieurs fois de nom. Elle deviendra la rue de la Congrégation, puis la rue de la Miséricorde. Après la guerre de 1870, elle sera la rue d'Alsace. De la place des Capucins (Germain Loro - Centre médico-social), deux artères presque divergentes descendaient vers le rivage : le Cours et le Petit Cours. Ce ne sera qu'à la fin du XIXe siècle que le Cours deviendra le Cours Louis Blanc, révolutionnaire, membre du gouvernement de la IIe République (1848). Le Petit Cours devint la rue du Petit Filadou. On pense généralement que ce nom lui fut attribué en raison de l'existence d'une corderie, industrie très répandue à La Seyne autrefois. Tout à fait vers la fin du XIXe siècle, le Petit Filadou disparaîtra pour honorer un maire défunt : Marius Giran, nom d'une vieille famille de notre terroir.

Parallèlement à ces deux artères, d'autres rues d'égale importance donnaient accès au rivage et au premier port de La Sagno. Citons les rues Evenos et la rue du Jeu de Ballon (Messine), dont nous avons déjà expliqué les origines, puis la rue de l'Hôpital où fonctionnait l'Hôtel-Dieu à mi-parcours dont s'occupaient les soeurs trinitaires.

À la fin du siècle dernier, un médecin au dévouement légendaire et qui forçait l'admiration de tous s'attacha au bon fonctionnement de l'hôpital. Quand il mourut, Saturnin Fabre avait accédé depuis peu à la tête de la municipalité. En reconnaissance des services immenses rendus à la population, le Conseil municipal décida de perpétuer le nom de ce médecin il s'agissait de Clément Daniel, issu d'une famille des plus anciennes du terroir de Six-Fours dont le notaire et viguier Jean Denans, a retrouvé des traces au Xe siècle. La rue de l'Hôpital s'appelle, depuis Saturnin Fabre, la rue Clément Daniel. La délibération qui décida cette appellation nouvelle précisait que la famille Daniel bénéficierait d'une sépulture gratuite.

Puis s'ajoutait à cette série de rues parallèles, la rue des Jardins, ainsi nommée parce qu'elle desservait de nombreux enclos de cultures et de verdure. La partie agglomérée de la ville s'arrêtait là.

Les Seynois appelaient cette rue plus familièrement rue du Sac, parce qu'elle était fermée à la circulation à son extrémité ouest. Au début de notre siècle, elle devint la rue Victor Hugo, le géant de la littérature, en même temps que le démocrate qui s'opposa à l'Empire de Napoléon III.

Ajoutons que cette voie urbaine est la plus longue de la ville. Elle coupe dans sa partie inférieure les rues Denfert-Rochereau, Gambetta et Ambroise Croizat, sur lesquelles nous aurons aussi des commentaires à faire.

Peu après, suivant la même orientation, avec un tracé moins régulier venait la rue du Prieur, ainsi nommée parce que le Supérieur de l'ordre des Pénitents gris y demeurait. Mais il desservait la chapelle du Saint-Esprit, reconstruite en 1929 en bordure de la rue Gounod et dont la façade nord montre une pierre en relief de l'ancienne chapelle, au millésime de 1655. La rue du Prieur devint au début du siècle la rue Jean-Louis Mabily, l'un des fils du meunier Esprit Bonaventure Mabily qui fut propriétaire de l'un des quatre moulins. Les descendants de cette famille furent des meuniers et des boulangers. L'un d'entre eux, Victor Mabily, tint pendant longtemps la boulangerie de la rue Carvin.

Jean-Louis Mabily eut son nom vénéré, surtout parce qu'il fut proscrit après le coup d'État de 1851. Par la suite il devint adjoint au Maire de La Seyne.

Le faisceau des sept dernières rues orientées est-ouest se trouvait limité au nord-ouest par une rue peu habitée appelée rue des Aires, preuve que l'on se trouvait déjà à la campagne au milieu des plantations de céréales. Elle faisait communiquer la rue Saint-Roch (Denfert-Rochereau) et la rue Gounod actuelle et débouchait place des Capucins (église des Maristes d'aujourd'hui). Toutes les rues énumérées jusqu'ici représentent la partie agglomérée de La Seyne la plus ancienne du côté ouest et nord-ouest.

À l'opposé, en prolongement de la rue de l'Évêché (rue d'Alsace) existait une longue rue étroite la rue du Palais qui devint au XIXe siècle la rue Louis Balthazar Berny, maire de 1848 à 1852. Entre cette rue du Palais (ainsi nommée en raison d'un tribunal et probablement d'une prison qui s'y trouvaient) et les hauts de Cavaillon, de vieilles demeures ont existé longtemps.

Il nous reste à parler d'un ensemble de rues qui s'étiraient depuis la rue du Palais (Berny) jusqu'à l'extrémité de la rue Saint-Roch (Denfert-Rochereau) en passant par le bas du marché et la place Bourradet se succédaient : la rue de l'Hôtel de Ville, devenue rue Carvin, un déporté de 1851, comme quelques autres dont nous rappelons les noms dans le texte intitulé Résistances seynoises.

La place du Marché se nommait Marché aux Herbes, puis venait le marché aux poissons (ancienne poissonnerie de 1639 à proximité de la poissonnerie actuelle, puis la rue Pavé d'Amour, parce que aux dires de nos anciens, c'était là que se donnaient les rendez-vous des amoureux quand ce n'était pas dans l'ombre de l'étroite rue Lavoisier.

Elle fut débaptisée avec la naissance des idées nouvelles. Dans la période de propagation des idéaux du socialisme et de la démocratie, elle devint la rue République, tandis que les noms de Louis Blanc et Louis Blanqui apparurent sur les murs des environs immédiats.

La rue République se prolongeait par la rue Saint-Roch très longue, qui débouchait sur une petite place occupée en partie par une chapelle dédiée à celui que nos anciens invoquaient pour guérir les malades de la peste et du choléra. Saint-Roch était aussi le patron de la corporation seynoise des artisans cordiers au XVIIIe siècle.

La rue Saint-Roch changea de nom avec la disparition de la chapelle du XVIIe siècle, on la nomma rue du Peyron qui desservait un quartier du même nom, celui environnant l'hôpital où un ruisseau assez abondant coulait là, qui permettait aux ménagères de laver leur linge à genoux. Plus tard cette eau canalisée permit la construction du lavoir Saint-Roch, remplacé, il y a quelques années par une station de pompage et de refoulement de l'assainissement.

Passons maintenant à la partie agglomérée de la ville située entre l'axe Berny-République-Denfert-Rochereau et la mer. Son urbanisation s'est effectuée très lentement sur des terrains résultant de comblements plus ou moins réguliers. Nous trouvons dans le quadrillage des rues nettement plus larges, quelques immeubles anciens du XVIIe siècle, mais surtout des constructions du style XVIIIe et XIXe siècles.

Dans le sens est-ouest nous trouvons : la rue Frangipani dont nous avons déjà expliqué l'origine ; la rue des Maures qui s'appelait plus anciennement rue de la Grande Forge, en raison de l'existence d'un atelier occupé pendant très longtemps par M. Cheylan et dont le nom n'a pas disparu. L'atelier a été remplacé depuis peu par une pizzeria dont l'enseigne n'est autre que La Forge. Comment expliquer que cette rue est devenue la rue des Maures ? On ne le sait pas de façon précise. M. Baudoin, le plus qualifié des historiens locaux, a dit que les anciens du pays comparaient les nombreux charbonniers qui habitaient la rue de la Forge à des Maures au teint basané qui occupèrent au Xe siècle une grande partie du Var. Il est vrai que le visage des charbonniers d'antan était rarement net et clair.

La rue des Maures garda son nom jusqu'après la guerre de 1914-1918. Un maire de l'époque, Baptistin Paul, mourut subitement au cours d'un voyage à Paris où il s'était rendu pour obtenir des commandes de navires auprès du ministre de la Marine. Peu de temps après, son nom fut donné à la rue des Maures et une stèle fut érigée au cimetière pour perpétuer son souvenir.

Parmi les noms de rues orientées est-ouest, il existait la rue du Four Saint-Lambert (prolongement de la rue Frangipani) ainsi nommée par la présence d'un des premiers fours à cuire de pain. Puis la rue Savonnière où de nombreux fabricants de savon étaient installés. Il n'est pas inutile de rappeler au passage que notre terroir était alors très riche en oliveraies dont les huiles s'utilisaient beaucoup pour la fabrication et l'exportation du savon.

Les activités de la rue ayant disparu, il fut décidé de l'appeler Taylor, nom de deux industriels célèbres de la construction navale.

À proximité du premier port de La Sagno, existait la rue Saint-Pierre (patron des pêcheurs), probablement à cause de la présence de nombreux représentants de cette corporation.

Après la guerre de 1870, la rue Saint-Pierre devint la rue Faidherbe, général commandant l'armée du nord. À son tour, ce nom disparut et remplacé à la Libération de 1944-1945 par le nom d'Ambroise Croizat, dirigeant éminent du mouvement syndicaliste, ministre, grand artisan d'une législation sociale en faveur de la classe ouvrière.

À proximité et orientée vers le nord-ouest, la rue du Four de la Mer, nom qui s'explique par la présence d'un fournier desservant les quartiers du littoral car il faut bien imaginer que le rivage s'avançait alors jusqu'à la Bourse du Travail.

Après la guerre de 1870, les municipalités républicaines voulurent, naturellement rendre hommage aux défenseurs de la patrie. Cette rue du Four de la Mer devint la rue Gambetta. Ce fut dans cette période qu'apparurent les noms de Denfert-Rochereau, Faidherbe, boulevard du 4-Septembre. À l'opposé dans la partie agglomérée est, signalons une autre petite rue : la rue de la Vieille Plâtrière, devenue simplement la rue Plâtrière, ainsi appelée par l'existence d'un four à cuire le gypse.

Le four a disparu depuis longtemps, mais le nom de Plâtrière est demeuré. Une autre petite rue qui a gardé son nom est la rue Michelon, qui unit la rue Cyrus Hugues à la rue Lagane. Nous en parlerons plus loin.

Voyons maintenant les artères orientées approximativement nord-sud. Vers la sortie est de la ville, on trouvait la rue des Pêcheurs, probablement par la présence nombreuse des représentants de cette corporation. Mais les années passant, ils s'installèrent vers les Mouissèques, Tamaris et Saint-Elme. La rue des Pêcheurs devint la rue Ramatuelle, dont la désignation plus exacte aurait dû être Tortel de Ramatuelle, nom d'une famille illustre qui fut à l'origine de la fondation de notre ville. Depuis le XVIIIe siècle, cette rue n'a pas changé de nom.

Parallèlement et en nous déplaçant vers le nord-ouest, nous croisons la rue des Tonneliers, remplacée par la rue Marceau, commandant de l'armée de Sambre et Meuse en 1793, tué au combat à l'âge de 27 ans.

Nous verrons plus loin qu'à partir du XIXe siècle, nos municipalités ont tenu à honorer de nombreux Généraux de la Révolution.

Après la rue Marceau, on traversait la rue Têtes Noires, appellation due à la présence de têtes sculptées qui ornaient les fenêtres d'un immeuble important de la rue. Vers la fin du XIXe siècle, la ville voulut rendre hommage au célèbre agronome que fut Parmentier et qui introduisit la culture de la pomme de terre en France et l'on attribua son nom à la rue Têtes Noires.

Au XVIIIe siècle, il se trouva naturellement des municipalités d'obédience royaliste. L'une d'elles appela rue Bourbon, celle qui était vraiment au coeur de la ville et qui reliait le cours à la mer. Après la chute de la dynastie, cette rue devint la rue de la Paix, puis la rue Cyrus Hugues, personnalité seynoise de premier plan qui se dressa en 1851 contre le coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte. Après la chute de l'empire, il devint Maire de la ville de 1876 à 1882. Cet ardent républicain fut aussi Conseiller général. Restent deux autres rues parallèles avant d'arriver à la rue Hoche (le Grand Môle) : la rue de la Paroisse, nom plutôt banal qui fut remplacé au début du XXe siècle par celui d'Amable Lagane, directeur des Chantiers, sur qui nous avons écrit toute une biographie (tome II), enfin la rue Ferblanterie, dont le nom devait forcément disparaître un jour. Il fut remplacé à la fin du XIXe siècle par celui de Thiers que l'on peut considérer comme le premier Président de la IIIe République. Il y a quelques années, le nom de Thiers a été remplacé par celui de Léon Blum, chef du gouvernement du Front Populaire en 1936.

Pour en terminer avec la partie agglomérée des XVIIIe et XIXe siècles, faisons le tour du port.

Du côté ouest, nous trouvions au XVIe siècle le Grand Môle où s'amarraient les bateaux du premier port de La Sagno (place Martel Esprit). Quand le port fut déplacé, naquirent alors la rue Hoche et dans son prolongement le quai Hoche, nom d'un célèbre général de la Révolution. Plus à l'ouest et parallèle à cette artère, on trouvait au XVIIIe siècle la rue de la Comédie où se donnaient des spectacles dans les entrepôts de marchandises qui longeaient primitivement le grand môle. Cette rue est devenue depuis la rue Joseph Rousset, ancien déporté de 1851 comme Jacques Laurent, Auguste Carvin, Cyrus Hugues et bien d'autres.

Puis venait le rivage et les Esplageols dont le comblement se fera aux XIXe et XXe siècles.

Parallèlement à la rue Rousset, une petite rue longe la perception actuelle qui fut autrefois le Cercle des Travailleurs dont la construction remonte au début du XXe siècle. Cette ruelle se nomme rue des Chantiers. Pour la connaissance de l'histoire locale, il est souhaitable que ce nom demeure car il rappelle l'époque où elle donnait accès au terre plein du jardin de la ville Aristide Briand où naquit la première construction navale seynoise en bois avec les chantiers Curet, Jouglas, Guerry, etc.

Revenons vers le port dans la partie la plus longue de son quai que l'on appelait autrefois tout simplement avenue du Port et aussi rue du Port.

Cette appellation disparut au début du XXe siècle pour laisser place au quai Saturnin Fabre, Maire de la ville de 1886 à 1896 et Conseiller général jusqu'en 1898, dont nous avons donné une longue biographie dans le tome II de notre ouvrage.

Ce qui nous conduit à parler du quai Regonfle, qui lui aussi fut débaptisé en même temps que l'avenue du Port. Il devint le quai François Bernard, maire de la ville de 1895 à 1900.

De la rue Berny (extrémité est) en direction du port, existait une petite rue appelée rue Regonfle ainsi appelée par l'existence d'un ruisseau souterrain débouchant dans l'angle de la darse. Sa rencontre avec les courants des eaux de la mer produisait une sorte de ronflement que nos anciens provençaux nommaient Lou Regounfle. Qu'on se le rappelle, le phénomène semblable que j'ai signalé pour le fameux gouffre du Cap Sicié, que les pêcheurs connaissent bien et qu'ils appellent Le Ronfladou. Le quai Regonfle devint le quai François Bernard en 1909. Après la guerre de 1939-1945, nouveau changement : la Municipalité de la Libération lui donna le nom de Gabriel Péri, héros de la Résistance, fusillé par les nazis en 1941 et qui tomba sous les balles en chantant La Marseillaise.

Arrêtons là, cette sorte d'inventaire des rues de La Seyne ancienne en tirant quelques conclusions sur les trois siècles d'histoire qu'elles représentent. Une quarantaine ont été citées. Sur ce nombre, cinq seulement ont conservé leur nom d'origine : la rue Michelon, la rue Plâtrière (plus anciennement Vieille Plâtrière), la rue Frangipani, la rue des Celliers (de la rue Kléber à la rue Ramatuelle), la rue Brassevin (de la rue Ambroise Croizat à la rue Denfert-Rochereau).

L'appellation des autres a été modifiée au fil du temps surtout à partir du XIXe siècle où l'on voit disparaître de vieilles structures religieuses, des corporations de vieux métiers, mais il fallait bien penser aussi à baptiser les voies nouvelles qui s'ouvraient d'année en année en direction de la mer.

Dans les périodes historiques libérales, il semble bien que nos édiles locaux ont tenu compte de l'opinion populaire pour arrêter leurs choix. La période révolutionnaire a été marquée par les noms de Robespierre, de Marceau, de Hoche, de Desaix, de Kléber.

Après la guerre de 1870, la patrie vaincue, mutilée, ne fallait-il pas rendre hommage à ses défenseurs héroïques : Gambetta, Denfert-Rochereau, Faidherbe, en même temps la rue de la Miséricorde devint la rue d'Alsace. On apposa aussi la plaque boulevard du 4-Septembre, moins sans doute pour marquer la capitulation de Sedan que pour rappeler la naissance de la IIIe République. Nos édiles voulurent naturellement honorer ceux des élus qui se dévouèrent corps et âme pour leur chère cité : les Jean-Louis Mabily, les Cyrus Hugues, les Martel Esprit, les Berny, les Baptistin Paul, les Résistants Seynois à la dictature napoléonienne que nous avons cités dans un texte spécial, et les personnalités de la construction navale ne furent pas oubliés non plus avec Amable Lagane, les frères Taylor, Noël Verlaque. De loin en loin, c'étaient les hommes de la science dont nos élus voulaient perpétuer le souvenir : on pensa à Lavoisier, à Gay-Lussac, à Galilée. Nous parlerons de ce dernier dans la partie de ce texte réservée aux places publiques.

Autre remarque : dans cette partie agglomérée, la plus ancienne, les noms d'écrivains, de musiciens, d'artistes sont rares. On trouve seulement celui de Victor Hugo, disparu en 1885. Mais beaucoup d'autres étaient en attente parce qu'on n'avait plus de rues à baptiser.

Il fallut la venue de Saturnin Fabre pour faire éclater le cadre étroit de La Seyne du XVIIIe siècle. Dans la sa biographie (tome II), nous avons montré comment ses talents d'urbaniste s'étaient exercés par les fameuses percées en direction de l'est (avenue Frédéric Mistral, route des Mouissèques), de l'ouest (nouvelle route de Toulon, projet de prolongement du boulevard du 4-Septembre,...), ce qui nous conduit dans une autre période, celle de la création de voies nouvelles, de quartiers neufs qui nécessiteront la recherche d'autres désignations qui seront toujours variées et judicieuses comme on pourra en juger dans les pages suivantes.

 

Des voies nouvelles

La politique d'expansion entreprise par la municipalité de 1886 se concrétisa rapidement par l'ouverture de nouvelles artères en direction des chantiers et surtout vers le Pont de Fabre et Les Sablettes. Le Rond-Point, comme on l'appelait, avant qu'il ne porte le nom de John Kennedy, martyr de la Paix assassiné en 1963, reliait tout un réseau de voies nouvelles. L'avenue des Sablettes devint l'avenue Frédéric Mistral ; le boulevard des Hommes Sans Peur (souvenir de la batterie du même nom installée par Bonaparte sur le chemin de l'Évescat) devint quelques années après le boulevard Jean Jaurès, assassiné lui aussi pour avoir défendu la cause sacrée de la paix. C'est du Rond-Point que partait l'ancienne route du Fort Caire. Celle-ci changea de nom plusieurs fois. Elle devint la route de Balaguier, puis l'avenue François Durand, nom d'un édile seynois qui se distingua particulièrement par son dévouement au moment du choléra de 1865.

La Municipalité Toussaint Merle décida de remplacer le nom de François Durand par celui de Pierre Fraysse, adjoint au maire, décédé accidentellement en 1950 ; rappelons au passage que cette personnalité fut Président du Comité de Libération de La Seyne en 1944.

Le nom de François Durand ne disparut pas cependant puisque l'école primaire desservie par le Rond-Point s'appelait ainsi. Ici, qu'il me soit permis, pour la petite histoire locale de rappeler que le nom de François Durand fut précédé d'un autre pour le moins grotesque. Quand on demandait aux enfants du quartier quelle école ils fréquentaient, tous répondaient : Nous allons à l'école Pissin. Généralement les gens ne réagissaient plus à cette appellation risible. Seuls les plus anciens du quartier savaient que les Pissin, c'était une famille honorable qui offrit du terrain à la municipalité de 1910 pour la construction d'une école primaire. Revenons à notre rond-point des Sablettes que l'on relia à la place de La Lune par la rue Pierre Lacroix, maire de 1865 à 1869. La percée réalisée, le nom de l'avenue Fort Caire disparut au profit de Garibaldi, nom d'un patriote italien né à Nice, qui fit beaucoup pour l'unité italienne et servit la France pendant la guerre de 1870.

Puis l'avenue Garibaldi fut reliée elle aussi à la place de La Lune par la rue Camille Flammarion, célèbre astronome français décédé en 1925.

À l'opposé, naquit la rue Chevalier de la Barre, jeune étudiant faussement accusé d'avoir brisé un crucifix et condamné à mort après avoir été torturé. Cela se passait en 1766. Ce martyr de la liberté fut réhabilité par la Convention. Non loin de là une ruelle fut nécessaire pour relier la rue Louis Blanqui, à la rue Lavoisier. Depuis 1923, elle porte le nom de Marius Silvy, chef de musique éminent, qui dirigea La Seynoise pendant plus de 30 ans.

La rue Chevalier de La Barre rejoignait les Cavaillons par la rue Louis Blanqui et la rue Isnard, nom d'un prêtre seynois remarquable par ses libéralités en faveur des indigents. Vers l'est, elle donnait accès à la rue Cauquière, vocable qui tire son origine du verbe provençal cauca, qui signifie fouler le raisin. Aux dires des anciens, à l'orée de la rue, il y avait d'importantes plantations de vignes et des cuves à faire le vin. Ceci explique cela. Au sud de la rue Chevalier de la Barre et presque dans son prolongement, s'amorçait une voie étroite sur un ancien chemin qui partait des Cavaillons vers Les Sablettes en passant par le Pont de Fabre. Ce chemin deviendra la rue Condorcet, célèbre mathématicien et philosophe de la Convention.

Cet ensemble de rues allait permettre dès le début du XXe siècle une accélération étonnante de l'urbanisation de la ville, dans la partie comprise entre le rond-point des Sablettes et le Pont de Fabre. Le quadrillage des rues s'y étendait d'année en année et les noms des hommes célèbres s'y multiplièrent : des écrivains et des philosophes comme Jean-Louis Balzac, Jean Racine, Jean-Jacques Rousseau, Denis Diderot, Voltaire (François Marie Arouet), Danton,... des scientifiques comme Louis Pasteur, André Marie Ampère, François Arago, Paul Bert, Dr. Vaillant, Marcellin Berthelot, des musiciens comme Jules Massenet, un sportif comme Auguste Delaune, des noms de résistants locaux comme Alexandre et Jean Ghibaudo, Jean-Marie Pascal, Louis Rouvier.

Revenons maintenant au point de départ, devant l'institution Sainte-Marie, place des Capucins (place Germain Loro).

Peu de rues ont été ouvertes en direction du sud. L'ancien chemin de Tortel est devenu Aimé Genoud, martyr de la Résistance. De la rue d'Alsace, en direction du sud et longeant la propriété des Maristes, une voie étroite nommée chemin des Baguiers, est devenue après la guerre de 1914-1918 la rue Émile Combes, ministre et chef de gouvernement de 1902 à 1905, champion de la politique anticléricale du moment.

L'urbanisation en direction du sud fut plus tardive en raison du relief mouvementé. Par contre, les parties comprises entre la rue Denfert-Rochereau et le quartier Saint-Jean se peuplèrent rapidement au début du XXe siècle. Aux jardins potagers, aux cultures de céréales (chemin des Aires), aux plantations de fruitiers, succédaient d'année en année des rues larges desservant des propriétés de plus en plus morcelées. D'autres quadrillages amenèrent des rues portant des noms d'élus locaux : Henri Pétin, Julien Belfort, Sauveur Peter ; des écrivains comme Marcel Pagnol, René Descartes, Ernest Renan, des scientifiques comme le Docteur Roux, Pierre et Marie Curie ; des hommes politiques comme Jules Ferry, Marcel Sembat ; Charles Gide, économiste qui a décrit les principes du coopératisme.

Éloignons nous encore de la zone agglomérée. La percée spectaculaire du boulevard du 4 Septembre en direction de Six-Fours dans les années 1950, prit le nom de boulevard Staline. Elle fut l'oeuvre de la municipalité dirigée par Toussaint Merle et permit une multitude de lotissements de part et d'autre, la création de nombreuses artères dont nous faisons une énumération sommaire. Là furent honorés des peintres célèbres comme Courbet, Van Gogh, des hommes de l'art comme Daumier, Pierre Puget ; les frères Lumière ; des Résistants comme Joseph Santéri ; des élus municipaux comme François Cresp.

En 1948, la municipalité Toussaint Merle créa l'Office municipal HLM qui donna aux Seynois des centaines de logements confortables en compensation des sinistres de la guerre. Dix ans plus tard, la ville créa la Z.U.P. (Zone à Urbaniser par Priorité) avec l'immense quartier Berthe comme champ d'expérience. Il va de soi que les grands ensembles furent desservis par des voies nouvelles. L'ancienne route de Six-Fours partie du boulevard Gambetta, porta le nom du Docteur Mazen, ancien maire de La Seyne de 1920 à 1940, qui se prolongea par le boulevard Étienne Peyre, ancien Conseiller municipal, après avoir coupé l'avenue Max Barel, héros de la Résistance. Cette artère déboucha sur la déviation opérée à partir du Rond-Point du 8 Mai et à qui fut donné le nom de Maurice Thorez, dirigeant éminent du mouvement ouvrier.

Entre la route à quatre voies qui relie le Rond-Point du 8 Mai à Six-Fours et les confins de la commune vers la gare S.N.C.F., naquirent tous les ensembles immobiliers de la Z.U.P. avec leurs structures administratives, scolaires, sportives. Il n'est guère possible d'énumérer toutes les voies qui résultèrent de ces transformations profondes sans courir le risque de donner à notre récit l'aspect d'un catalogue.

Exception faite pour la rue de Berdiansk, port russe de la mer Noire, ville jumelée avec La Seyne, la voirie de la Z.U.P. est composée surtout de boulevards, d'avenues ou même de chemins.

Et là encore les noms choisis sont ceux de personnalités du monde politique comme Jean Bartolini, Louise Michel ; de scientifiques comme Jean Rostand ; d'artistes comme Gérard Philippe ; de novateurs comme Le Corbusier ; d'écrivains comme Saint-Exupéry.

À la limite sud-est de la Z.U.P., nous trouvons le vieux chemin de Moneiret, prolongé par l'avenue de la Muraillette qui donne accès à l'avenue Alex Peiré, ancien adjoint de la Municipalité Toussaint Merle.

Au point de rencontre du C.D. 63, en provenance de la Pyrotechnie et du C.D. 26 (route d'Ollioules), deux noms de personnalités ont été apposés il y a quelques années à peine : celui d'Albert Lamarque, premier adjoint au maire Mazen qui administra la ville de La Seyne pendant vingt années, occupa des fonctions importantes au Conseil Général et termina sa carrière politique comme sénateur du Var, et aussi celui d'une personnalité d'envergure nationale, ancien ministre, résistant déporté, organisateur de la Résistance dans les camps de concentration nazis : il s'agit de Marcel Paul.

 

Vers les rivages

Le peuplement des quartiers avoisinant la mer s'est effectué avec lenteur. Quand la Seyne se constitua au XVIIe siècle, les rivages des Mouissèques et de Tamaris étaient inaccessibles en raison de l'épaisseur considérable des marécages. Aux XVIIIe et XIXe siècles, de rares chemins raboteux permettaient à nos ancêtres d'accéder au bord de la mer. Le chemin des Mouissèques n'atteignit la corniche de Tamaris qu'à la fin du siècle dernier.

Le chemin de l'Évescat y parvenait péniblement quand George Sand vint à La Seyne en 1861. Enfin, le vieux chemin des Sablettes desservait le quartier Mar Vivo et tous les terrains de culture compris entre le quartier des Plaines, le Pont de Fabre, Tamaris et Les Sablettes.

Les Seynois les plus anciens ont de la peine à imaginer les immenses plantations de fruitiers, de potagers, de vignes qui ont disparu au profit des lotissements : Gauthier, Solanzara, Tristani, Les Sagnarelles pour en citer seulement quelques-uns.

L'urbanisation de toute cette zone sud s'est accomplie surtout dans ces trente dernières années, avec la disparition quasi totale de la classe paysanne à La Seyne, une classe de petits exploitants dont les productions ne pouvaient plus rivaliser avec celles des grandes exploitations étrangères à la commune. La plupart de nos cultivateurs préférèrent lotir et vendre leurs terres et s'assurer quelques rentes pour leurs vieux jours.

Voilà qui nous conduit à expliquer la naissance et le développement d'une voirie nouvelle dans toute cette zone sud de la ville et en venir aux dénominations de rues, de chemins, d'avenues, thème central de cette relation. Là encore nous nous bornerons à l'essentiel.

La pénétrante principale demeure depuis 1884, la route départementale n° 18, qui a pris le nom du Résistant déporté Jean-Baptiste Ivaldi entre l'extrémité de l'avenue Frédéric Mistral et La Maurelle. Deux tronçons de cette route ont pris les noms de Salvador Allende, Président du Chili et de Pablo Neruda, poète célèbre, victimes tous deux de la barbarie fasciste.

Entre Mar Vivo et Les Sablettes, la même route a été baptisée avenue Général de Gaulle à l'époque de la Municipalité dirigée par Philippe Giovannini. Cette avenue rejoint la corniche de Tamaris qui porte successivement les noms de Georges Pompidou, Président de la République, Michel Pacha, Bonaparte et corniche du Bois Sacré, qui fait la jonction avec le boulevard Toussaint Merle.

Une autre pénétrante très longue se détache du boulevard Jean Jaurès en direction de Tamaris : c'est le chemin de l'Évescat, vieux chemin, très étroit à l'origine, auquel des aménagements importants ont été apportés, surtout dans le dernier quart de siècle. Avant d'atteindre le quartier du Crotton, il coupe une autre avenue très longue qui relie le Pont de Fabre à Tamaris, appelée depuis la fin de la guerre 1939-45, l'avenue Henri Guillaume, martyr de la Résistance, mort en déportation à Flossembourg.

Ces voies importantes que nous venons de citer pour la zone sud ont permis l'urbanisation accélérée des quartiers Pas du Lou, Tamaris, Les Sablettes, Mar Vivo. De multiples artères les sillonnent aujourd'hui dont voici l'essentiel. Des peintres célèbres ont été honorés comme Fernand Léger, Paul Cézanne, Henri Matisse, Georges Rouault ; des musiciens illustres comme Ambroise Thomas, Hector Berlioz, Claude Debussy.

Quelques remarques particulières sont à faire : par exemple on retrouve le nom de Noël Verlaque, déjà mentionné sur la ville. Il rappelle aux vieux Seynois l'existence, au quartier du Crotton, de la grande maison bourgeoise bâtie par cet ancien directeur des chantiers navals et que nos anciens avaient coutume d'appeler le Château Verlaque. Les promoteurs des grands ensembles ont rasé cette construction devenue centenaire vers 1970. Mais quelques chemins ont conservé leur nom à caractère local : citons ceux de Cablat, René, Hermite, Rey, Plane.

Portons nos regards sur la partie du terroir seynois comprise entre le Fort Napoléon et les rivages des Mouissèques.

Pendant longtemps cette étendue entourée par la corniche du Bois Sacré, l'ancien chemin de Tamaris devenu l'avenue Général René Carmille, héros de la Résistance, mort en déportation à Dachau ; traversée par l'avenue Esprit Armando, déporté de la dernière guerre et mort à Neugamme, le boulevard de la Corse résistante et le chemin du Manteau ; pendant longtemps disions-nous, la construction des immeubles d'habitation a été freinée pour de multiples raisons : proximité des ouvrages militaires, terrains industriels, relief mouvementé. L'urbanisation a été lente avant la guerre. Depuis l'aspect de cette zone a bien changé par l'apparition des bâtiments de l'office H.L.M. (La Rouve, Mont des Oiseaux).

De nombreuses voies parallèles et perpendiculaires au rivage des Mouissèques portent des noms tout simples qui rappellent la végétation : chemins des floralies, des bégonias, des roses.

Quelques vieux noms locaux sont demeurés : chemin Napoléon, chemin de l'aiguillette, chemin des mouettes, des Mouissèques. Des noms de familles du quartier sont venus s'y ajouter : Simi, Tron ; des noms de Résistants du quartier Saint-Antoine : Georges Fornoni, fusillé le 11 août 1944 à Saint-Nazaire-en-Royans (Drôme) ; le nom glorieux de Jean Macé, fondateur de l'École laïque et de Jean Moulin créateur du Conseil National de la Résistance, assassiné par les nazis en 1943 après des tortures indicibles.

Pour terminer ce tour d'horizon de la voirie communale et surtout des appellations dont elle a fait l'objet, il nous reste à parler des quartiers Sud-Ouest, ceux que l'on nomme : Daniel, Colle d'Artaud, Domergue, Saint-Joseph de Gavarry, Pignet, Barban, Brémond, Bastian. Ces noms sont généralement ceux d'anciennes familles du terroir.

Le relief tourmenté et boisé a retardé beaucoup le peuplement des nombreuses collines pénétrées seulement par des chemins dont les usagers demandent avec insistance l'élargissement, la circulation automobile s'intensifiant considérablement d'année en année.

Ces chemins pour la plupart portent les noms des quartiers qu'ils desservent. Deux exceptions d'importance à signaler la Route départementale de la Colle d'Artaud à son départ de la Seyne portait, il y a quelques années, le nom de Ethel et Julius Rosenberg, martyrs de la lutte pour la Paix.

Cette dénomination a été remplacée depuis peu par celle d'avenue Marcel Dassault. Nous reviendrons sur ce sujet dans la conclusion de notre étude.

La partie de la route départementale n° 18 qui se prolonge sur Six-Fours porte aujourd'hui le nom d'Auguste Renoir, peintre célèbre, l'un des maîtres de l'impressionnisme (voie communale n° 102).

Il nous faut maintenant compléter ce travail de recherche sur le nom des rues par quelques observations dignes d'intérêt sur celui que portent les voies à usage de places, ronds-points ou autres noeuds de communications sans oublier les esplanades, les squares, les parkings.

 

Voies communales à caractères de places publiques

Avant même d'imaginer des règlements d'urbanisme précis fixant la hauteur des constructions, la largeur des rues, les alignements d'immeubles, l'emplacement des structures administratives, nos anciens comprirent de bonne heure la nécessité de laisser au sein des agglomérations des lieux publics découverts dont les usages comme nous le verrons furent parfois très divers.

La Seyne ne prit pas naissance autour d'une place centrale comme cela s'est produit pour de nombreuses cités. Les premiers hameaux épars des Cavaillons, des Tortel, des Beaussier, avant de se relier par des ruelles étroites eurent chacun leur placette, comme on disait alors.

Comme les rues, ces petits espaces ont leur histoire qu'il est bien difficile de pénétrer aujourd'hui. Néanmoins la tradition orale nous a apporté beaucoup sur leur origine et leurs activités particulières à travers les âges que nous évoquerons succinctement en suivant un ordre chronologique à partir de la communauté seynoise primitive.

Le boulevard du 4-Septembre, à son point de jonction avec la rue d'Alsace et le Cours Louis Blanc s'élargit quelque peu et cet espace se nomme aujourd'hui place Germain Loro, personnalité locale, docteur en médecine qui rendit des services éminents à la population; père de Henri Loro qui lui aussi fut un médecin de grande réputation au début de notre siècle.

Au XVIIe siècle, au même endroit, existait une place plus vaste qui empiétait sur le domaine des Maristes et le jardin du Centre médico-social : elle se nommait place des Capucins pour la simple raison que, sur les quatre hectares occupés aujourd'hui par l'Institution Sainte Marie avait été érigé en 1621 un couvent, oeuvre de Michel Tortel, sieur de Ramatuelle et capitaine des vaisseaux du Roi. Ce dernier venait de guérir de la peste qu'il avait contractée à Constantinople au cours d'un voyage.

En reconnaissance à la Providence, il fit un don de trois mille piastres pour la Construction à la Seyne, son pays natal d'un couvent à remettre aux Religieux capucins d'Aix-en-Provence. La confrérie composée d'une quarantaine d'ecclésiastiques prit possession de l'établissement et pendant près de deux siècles subvint aux besoins spirituels et sociaux de la population seynoise.

Le couvent disparut tout à fait au milieu du XIXe siècle avec les constructions nouvelles qui datent de 1849 et la place des Capucins deviendra la place Séminaire. Ce ne fut qu'au début de notre siècle qu'elle deviendra la place Germain Loro.

Quittons ces lieux, engageons-nous dans la rue d'Alsace ; prenons la première rue à droite (Émile Combes) autrefois chemin des Baguiers. Elle nous conduit à quelque cent pas au Lycée Beaussier, mais à main gauche un espace quadrangulaire se découvre qui donne accès à deux artères étroites dont la largeur est celle du XVIIe siècle. La ruelle des Beaussiers qui descend vers l'église, et la rue Robespierre.

Nous sommes là sur la place Galilée, mathématicien, physicien et astronome italien dont chacun sait qu'il fut persécuté par l'inquisition, considéré comme hérétique et condamné à abjurer ses théories sur la rotation de la terre. On sait aussi sa réaction discrète après avoir fait amende honorable : " E pur si muove ".

Pendant longtemps cette petite place ne porta aucun nom. Les riverains disaient la placette de Beaussier. Remontons maintenant la rue Robespierre qui tourne brusquement à gauche et nous conduit à la rue Isnard en coupant l'ancien chemin des Moulières (rue Jacques Laurent). Nous découvrons sur notre gauche un bâtiment public, le Centre médico-scolaire édifié il y a quelque 25 ans sur la place nommée Séverine, femme de lettres françaises, de son vrai nom Caroline Rémy née à Paris en 1855, élève de Jules Vallès dont nous parlerons plus loin.

Avant la construction du Centre médico-scolaire existait en cet endroit précis un espace libre depuis la destruction en 1925 d'une chapelle occupée par l'ordre religieux des Pénitents blancs. Nous l'avons évoquée dans le texte intitulé Vieilles pierres seynoises.

La confrérie des Pénitents blancs existait à Six-Fours depuis 1566 et la chapelle fut inaugurée le 24 Juillet 1639. La place où elle fut érigée s'appela tout simplement la place des Pénitents blancs avant de devenir avons-nous dit la place Séverine.

Voilà les premières places publiques que l'administration communale se donna au XVIIe siècle. Répétons : Place des Capucins - Placette de Beaussier - Place des Pénitents blancs.

Elles ne grouillaient pas de monde tous les jours ces places, mais elles s'animaient tout de même quand le garde champêtre venait battre du tambour ou souffler dans sa trompette pour annoncer les décisions municipales avant même que les gens ne puissent en lire les textes sur les murs de l'Hôtel de Ville (tout au moins ceux qui savaient).

C'étaient sur ces placettes que les marchands ambulants venaient des campagnes proposer leurs fruits et légumes avant même que ne fût ouvert le Cours ; avant même que des marchés et des foires périodiques ne soient organisés sur la place Bourradet ou la place de la Lune dont nous parlerons plus loin. Le marchand de poissons venait tôt le matin en criant : " A l'aubo ! A l'aubo ! " pour annoncer les sardines fraîches, puis c'était le rempailleur de chaises, le vitrier ou le rémouleur.

Quelquefois, le dimanche de préférence, des faiseurs de tours, des chanteurs et des musiciens ambulants venaient récolter quelques sous.

C'était aussi sur ces placettes que les charrettes de paysannes stationnaient, le cheval ou l'âne attachés à des anneaux scellés dans les murs environnants, pendant que leur maître allait faire des emplettes.

N'étaient-elles pas aussi des lieux de prédilection pour les enfants ces esplanades rocailleuses, où ils venaient jouer aux billes, au ballon ou à la marelle.

Les soirs d'été caniculaires, les gens du quartier sortaient les chaises devant leur porte. On venait prendre le frais tout en écoutant des commères en mal d'informations sensationnelles.

Dans le premier texte de ce tome III, nous avons montré comment les ruelles de la basse ville s'orientaient vers la mer peu à peu. Leur rencontre avec un littoral mal stabilisé a déterminé de-ci, de là des esplanades qui sont devenues des places publiques importantes favorisant des activités vitales pour la population.

Citons d'abord la place du Marché (Place Laïk père et fils) à laquelle nous avons consacré tout un chapitre. Nous n'y reviendrons pas.

À l'extrémité des rues Messine et Clément Daniel nous trouvons la place Bourradet, devenue Martel Esprit. Au XVIe siècle existait sur son emplacement un premier port de pêche qui fut comblé quand le port actuel fut creusé. Il en résulta la formation d'une belle place régulière qui porta d'abord le nom de Bourradet sur l'origine duquel Louis Baudoin lui-même reste incertain.

S'agit-il du nom d'un propriétaire qui aurait cédé du terrain pour l'aménagement de la place ? Ou bien ce nom serait-il la déformation de vourradet, ou moradet, ou lou radet, qui désignait une anse primitive utilisée par les pêcheurs six-fournais pour y abriter leurs petits bateaux de pêche ?

À partir de l'année 1866, année sinistre marquée par une épidémie de choléra, la place fut appelée Martel Esprit, nom d'un capitaine de frégate en retraite, premier magistrat de la ville dans cette période et qui fit preuve d'une rare abnégation dans la lutte contre l'adversité.

Sous le second Empire, on voyait encore au centre de la place une fontaine à quatre versoirs qui avait été inaugurée le 28 juin 1656 sous le règne de Louis XIV. On l'appelait fontaine des capucins précisément parce qu'elle était alimentée par une source en provenance du couvent des capucins dont nous parlions plus haut.

Les quatre bassins permettaient aux voituriers d'y faire désaltérer leurs bêtes surtout quand l'abreuvoir de la place du Marché se trouvait encombré.

Après l'épidémie de choléra, cette fontaine fut remplacée par un obélisque élevé dans le but de mémoriser les actes de dévouement et de courage admirables auxquels on assista durant les heures dramatiques de 1865. Ce monolithe se trouve aujourd'hui au cimetière (voir le texte du tome II intitulé Vieilles pierres seynoises). La place entourée autrefois de superbes palmiers est devenue un parking.

Du comblement de nos rivages depuis Brégaillon jusqu'aux Mouissèques, il résulta la formation d'importants espaces, que nos anciens utilisèrent en priorité pour des activités maritimes. Ils pensèrent à l'établissement des chantiers de construction navale au Nord-Ouest de la ville et aussi à l'Est.

À la fin du XVIIIe siècle, la mer atteignait l'alignement actuel de la rue et de l'avenue Gambetta. La route de Toulon n'existait pas à son tracé actuel, elle passait sur celui de la rue Émile Zola. Quand elle fut ouverte sur son assise actuelle, on l'appela le chemin neuf.

Entre 1880 et 1900 furent aménagés les grands espaces compris entre l'avenue Gambetta et l'angle occidental du port que nous appelons encore La Caisse. La faible profondeur des eaux facilita la formation des Esplageols comme on disait alors. Cet espace devint la place Ledru-Rollin, avocat et homme politique, membre du gouvernement provisoire de la IIe République en 1848.

On y édifia la caserne des Douanes, détruite il y a quelques années, puis reconstruite au même endroit dans un style plus moderne. Quelques années après apparut le Cercle des Travailleurs, devenu la perception actuelle longée par une rue ancienne nommée rue des Chantiers, qui donnait accès aux Constructions Navales en bois sur l'emplacement actuel du jardin baptisé depuis les années 1925 square Aristide Briand.

À l'extrémité septentrionale de la place des Esplageols furent édifiés de 1883 à 1885 l'usine à câbles sous-marins et le port spécialisé pour les navires du service des télécommunications. Que de Seynois ont accompli leur carrière sur les premiers câbliers nommés la Charente, le Vaucluse, l'Émile Baudot,... !

La place Ledru-Rollin n'était pas reliée directement au port et les difficultés d'accès contrariaient nos anciens qui s'y rendaient de plus en plus, soit pour leur travail aux petits chantiers de construction navale, soit pour jouer aux boules, soit pour écouter les concerts de nos philharmoniques autour du kiosque érigé en 1903.

Pour assurer une meilleure liaison entre la place Ledru-Rollin, le square, la caserne des douanes, le cercle des travailleurs, il fallut élargir le chemin de Toulon qui prit le nom de Louis Curet, ancien constructeur de navires en bois, raccordé aujourd'hui à l'avenue Gagarine, premier homme de l'espace.

On fit mieux : on relia directement le quai Saturnin Fabre à la place Ledru-Rollin par la percée du rez-de-chaussée de l'immeuble Bouygues tout à côté de la La Frégate. Ce passage étroit, couvert fut baptisé percée Hoche en 1905, puis Pierre Renaudel, député socialiste des années 1932-35.

L'aspect de la place a bien changé depuis, la traverse Renaudel a fait place à la grande pénétrante venant de Toulon. La place Ledru-Rollin est devenue un parking. Sur le square Aristide Briand sont nés le foyer des anciens et le siège des Associations des Anciens Combattants.

À l'opposé de la place Ledru-Rollin, en direction de l'Est, de l'autre côté du Port, nos anciens imaginèrent aussi une aire de constructions navales. Les terrains conquis sur la mer devinrent la Lune probablement en raison de la forme en croissant d'une partie du rivage. L'usage voulut qu'on appelât cette zone place de la Lune, laquelle devint la place Noël Verlaque, personnalité remarquable de notre ville, par son ascension à la plus haute responsabilité des chantiers navals, une entreprise où il débuta comme simple ouvrier, devint contremaître et finit sa carrière au poste de directeur.

Ajoutons que dans les années 1865 Noël Verlaque fut également Conseiller municipal et Conseil général du canton. Le nom de la place a changé en 1977. Elle s'appela Benoît Frachon, dirigeant syndicaliste éminent, grand organisateur de la Résistance de 1940 à 1945.

Aujourd'hui cette place, chargée d'histoire a été transformée en parking avec des espaces réservés aux boulomanes, mais nous ne devons pas oublier le rôle important qu'elle joua dans le mouvement ouvrier au moment des luttes revendicatives sévères.

Ce fut là aussi que pendant des siècles on y organisa des grandes foires, des fêtes et des compétitions sportives. Ajoutons pour en terminer avec cette grande place que le nom de Noël Verlaque n'a pas disparu, puisqu'on le retrouve aux Sablettes en prolongement du long chemin de l'Évescat, à proximité de la maison bourgeoise que le Directeur des Chantiers avait construite pour y vivre sa paisible retraite.

Les places énumérées jusqu'ici sont à la fois les plus anciennes et les plus vastes. Elles sont chargées d'un passé riche en événements, dont nous n'avons effleuré ici, seulement quelques aspects.

Il en existe beaucoup d'autres de moindre importance, nées au hasard des problèmes d'urbanisme ou alors d'événements fortuits comme les destructions de la guerre. En voici quelques exemples précis :

Dans les années 1950, le remembrement de nombreux sinistrés se fit sur le prolongement du boulevard du 4 Septembre. Un ensemble d'immeubles, disposés en forme de U laissa une place centrale qui fut aménagée en square. Cet espace très ombragé aujourd'hui porte le nom de square Étienne Gueirard excellent professeur de mathématiques de notre vieille école Martini dont toute une génération de Seynois a gardé un souvenir attachant.

Les destructions occasionnées par le bombardement du 29 Avril 1944 ont laissé de-ci, de là, au coeur même de l'agglomération seynoise des vides que les urbanistes ont jugé bon de transformer en places. C'est ainsi que naquirent dans les années d'après-guerre : la place Baptistin Paul, transformée en parking, le parking Gay-Lussac, tout à côté de la Caisse d'épargne.

L'espace vide, face à la poissonnerie fut appelé : place du 19 Mars 1962, date mémorable pour les anciens combattants français et algériens qui mit fin à un douloureux conflit.

Depuis quelques années, décision a été prise par nos édiles de baptiser d'autres espaces comme : place du Cimetière, place de la Bourse du travail, appellations qui n'ont rien de très original.

De petites places ou squares sont nés particulièrement dans les zones nouvellement urbanisées.

Citons à Mar Vivo, la place Philippe Rameau, célèbre compositeur français du XVIIIe siècle, desservie par l'avenue Fernand Léger. Également dans le même quartier est né le rond-point Notre-Dame de la Mer au point de jonction des avenues Fernand Léger et Paul Cézanne.

Vers Les Sablettes et Saint-Elme sont nées de nombreuses petites places portant des noms d'anciennes familles locales : Paul Lamy, Gaudemard, Sauveur Vuolo. Avec ce dernier, nos édiles ont voulu rappeler que cette famille de pêcheurs fut parmi les premières qui habitèrent le hameau et utilisa le port de Saint-Elme.

Sur le parcours de l'avenue Général de Gaulle n'oublions pas de citer l'esplanade H. Boeuf, la place Édouard Lalo, célèbre compositeur français du XIXe siècle, la place Jean Lurçat, peintre célèbre qui a rénové l'art de la tapisserie.

Revenons vers la ville pour terminer cet inventaire des places publiques. Vers les Mouissèques, au point de rencontre de la voie communale 154 et la traverse Zimerman, est née la place Albert Camus, écrivain français né en Algérie, Prix Nobel de Littérature en 1957.

Entre le boulevard Toussaint Merle et la corniche du Bois sacré a été aménagée la place des Mouissèques.

Au quartier Saint-Jean, à l'extrémité de l'avenue de la Commune de Paris, un espace de terrain tombé dans le domaine public a permis l'aménagement d'une petite esplanade utilisée comme parking qu'on a appelé tout simplement place de la Commune de Paris.

Faisons une mention spéciale pour des places devenues des noeuds de communications que la voirie désigne sous le nom de ronds-points.

Au quartier Saint-Jean, le point de rencontre des routes de Six-Fours, Ollioules, La Seyne, Toulon est devenu le rond-point (on dit plutôt le carrefour) de Lattre de Tassigny, général libérateur de la Provence. À la sortie Nord de la Seyne, l'ancien rond-point de la gare s'appelle aujourd'hui rond-point du 8 Mai, date particulièrement mémorable qui marqua l'écrasement du nazisme en 1945.

À l'opposé, l'ancien rond-point des Sablettes est devenu le rond-point Kennedy, nom du Président des États-Unis d'Amérique de 1960, assassiné en 1963 pour avoir défendu la cause de la Paix.

Face à la poste, dans les années 1930, fut aménagé le square Anatole France (de son vrai nom Anatole François Thibault), écrivain d'un grand renom par son style classique, Prix Nobel 1921.

En prenant l'avenue Pierre Fraysse, à hauteur de la rue La Fontaine nous découvrons le square Émile Malsert, nom d'un directeur remarquable de l'école Martini qui a été donné également au groupe scolaire avoisinant (voir ci-dessous).

Enfin, il y a seulement quelques années, sur la corniche Michel Pacha, jouxtant le fort de Balaguier, a été aménagé le square Sebille, nom d'un peintre de la Marine. Des plantes ornementales ont remplacé avantageusement la ferraille des chalands abandonnés.

 

Sectarisme et objectivité

Arrêtons là cette énumération des noms de rues, places et autres voies publiques, émaillée de-ci, de là de quelques commentaires sur les motivations de nos édiles du passé lointain et même du passé récent et qu'il nous soit permis maintenant, de formuler quelques observations personnelles empreintes de la plus grande objectivité.

L'inventaire du classement des voies communales en notre possession a été mis à jour en 1984 et depuis cette date il a peu varié. Il comporte 102 voies communales à caractère de chemin et une douzaine de chemins ruraux qui pour la plupart portent les noms de quartiers qu'ils desservent, ce qui est normal (chemin de la Seyne à Bastian, de Fabrégas, de l'Oïde, de l'Évescat, des Moulières, etc.) ou quelquefois des noms de familles honorables, anciennes propriétaires comme Brémond, Daniel, Hermite, Hugues, Galey, Rey, etc., ou encore des personnalités de la Résistance disparues dont on a voulu que le nom se retrouve sur le lieu même de leur résidence : (Léon Mary, Casanova, Jean-Marie Fritz, Alexandre et Jean Ghibaudo, Robert Brun, Louis Rouvier... ).

Tout cela est parfaitement logique et cependant on trouvera toujours des mécontents qui estimeront que leur famille méritait elle aussi l'attention des élus municipaux. Il est bien vrai qu'il est difficile de contenter tout le monde.

Le total des voies communales s'élevant à 368, si nous déduisons de ce nombre celui des chemins, il reste quelque 250 appellations qui ont été attribuées aux rues, places publiques et voies départementales et nationales.

Notre étude a porté sur ce large éventail et nous a conduit à des commentaires et interprétations qui nous ont paru dignes d'intérêt pour le lecteur.

La première remarque que l'on peut faire c'est la disparition des noms rappelant des activités du temps passé, à de rares exceptions près, puisqu'il reste encore la rue des Celliers, la rue Brassevin, la rue Plâtrière.

Près de 200 noms de rues rappellent surtout des personnalités locales au nombre de 71 avec des élus municipaux, des Résistants disparus, des bienfaiteurs, de vieilles familles ; des hommes politiques du niveau local, national ou même international (30); des écrivains célèbres (29), des scientifiques de haut rang et des novateurs (28), des musiciens de grand renom (14), des artistes peintres - décorateurs - sculpteurs (9) ; des militaires (8) ; des acteurs (6) ; des sportifs (3). Pour ces derniers remarquons au passage qu'ils ont été honorés par ailleurs par l'appellation des stades ou gymnases (Baquet - Marquet - Guimier - Sauvat). Ajoutons également des ecclésiastiques (2).

Nous ne répéterons pas les noms de toutes les personnalités citées dans les développements précédents. Le lecteur aura pu constater que d'une façon générale ces noms ont été bien choisis. Il pourra toujours estimer que d'autres personnages mériteraient de figurer dans cet inventaire, mais il lui faudra bien admettre que le choix des noms a été forcément limité parce que lié à l'urbanisme et ce n'est que de loin en loin que l'on imagine des rues, des places et des gymnases.

S'il advient qu'à la suite d'un décès brutal d'une personnalité remarquable, on veuille perpétuer son souvenir illico, il est toujours possible d'opérer des substitutions. Le procédé, à mon sens, est généralement regrettable. Mais les exemples sont nombreux.

Quand on voulut honorer le nom de Pierre Fraysse, Adjoint au Maire décédé accidentellement en 1950, on. retira celui de François Durand, Adjoint au Maire dans les années 1860-1865, qui n'avait pas démérité.

Ancien officier de la Marine marchande, cet homme de bien s'était particulièrement distingué pendant l'épidémie de choléra de 1865 en se dévouant avec un mépris absolu de la mort pour soigner ses concitoyens. Il n'est pas trop tard pour que justice soit rendue à sa mémoire.

Les hommes ont tendance à oublier le passé lointain et même à se lamenter sur les moeurs et les gens d'autrefois au lieu d'en tirer les enseignements précieux dont ils furent porteurs. Galilée est mort en 1642 et son nom figure sur les murs du quartier Beaussier depuis longtemps. Ne serait-il pas révoltant de voir disparaître le nom d'un tel savant : physicien, mathématicien et astronome sous prétexte que ses découvertes sont aujourd'hui dépassées ?

Il arriva aussi au cours de l'Histoire de notre ville que les délibérations prises quant à la dénomination des rues ne furent jamais appliquées à cause de l'opposition préfectorale. La liberté donnée aux communes de choisir des appellations pour la voirie, les places, les bâtiments publics ne remonte guère qu'à une dizaine d'années.

La bureaucratie aidant, des propositions municipales émises furent souvent retardées puis renvoyées après des échéances électorales et les projets d'une municipalité battue étaient rarement repris par une autre d'obédience différente. Donnons quelques exemples :

Quand mourut le Président de la République Félix Faure en 1899, son nom fut donné à ce qu'on appelait alors le chemin de Toulon non loin du rivage, derrière la Bourse du travail. Quand ce chemin devint une rue importante, il porta le nom d'Émile Zola décédé en 1902. La Municipalité de l'époque préféra l'écrivain progressiste au Président de la République et il n'y eut pas d'opposition préfectorale.

La Municipalité présidée par Henri Pétin entre 1904 et 1908 s'attacha à donner aux rues des noms rappelant les victoires des soldats de la Révolution comme Valmy, Jemmapes, Fleurus,... Ces noms sont tombés dans l'oubli.

Elle proposa d'appeler Jean Bart la rue du Prieur mais, au début de son mandat, la Municipalité Baptistin Paul lui préféra le nom de Jean-Louis Mabily, républicain proscrit en 1851 pour son opposition à l'Empire, et le valeureux marin ne fut pas honoré malgré toute sa bravoure.

En 1909, l'adjoint au Maire Jean Juès avait insisté pour que la rue de la Paroisse, portât désormais le nom de Francisco Ferrer. La Municipalité délibéra trois fois et ne put jamais obtenir satisfaction. Son échec fut imputable essentiellement à l'opposition préfectorale. Le pouvoir de tutelle ne tenait pas du tout à honorer le nom d'un révolutionnaire espagnol qui avait pris part en juillet 1909 à l'insurrection de Barcelone, condamné par la suite et fusillé. Son exécution causa une grande émotion en Espagne et amena la chute du Gouvernement.

Après les lois sur la séparation de l'Église et de l'État en 1905 un courant de Libre pensée s'affirma à la Seyne comme ailleurs et certaines municipalités voulurent probablement en tenir compte.

Le choix de Francisco Ferrer visait bien à glorifier un révolutionnaire, mais la proposition de Jean Juès adoptée c'était aussi la disparition de rue de la Paroisse.

L'adjoint Jean Juès, devenu Maire en 1910, proposa une fois encore de lui substituer une autre appellation, Francisco Ferrer, de nationalité étrangère n'avait sans doute pas fait l'unanimité. Quand on proposa le nom d'Amable Lagane, ancien directeur des Forges et Chantiers, haute personnalité du monde industriel, tout rentra dans l'ordre, mais l'autorisation ne fut finalement donnée que le 22 mars 1913.

Dans cette période apparut le nom de Chevalier de la Barre (1747-1766) gentilhomme français faussement accusé d'avoir mutilé un crucifix. Il fut torturé de toutes les manières, eut la langue coupée ainsi que la main droite, puis fut décapité et brûlé. Voltaire avait tenté de le réhabiliter en vain. Ce fut la Convention qui réussit à le rétablir dans tous ses droits. Cette rue Chevalier de la Barre a été citée dans notre inventaire.

Nous avons cité la rue Émile Combes (1835-1921) qui relie la rue d'Alsace au quartier Beaussier. Très anciennement, elle s'appelait chemin des Baguiers. S'en détache, la rue Calmette et Guérin, célèbres bactériologistes.

Émile Combes, ancien séminariste, champion de la lutte anticléricale qui devait amener la séparation de l'Église et de l'État en 1905, mourut en 1921. La Municipalité de M. Mazen, avec A. Lamarque comme Premier Adjoint, fit apposer la plaque Émile Combes au chemin des Baguiers qui longeait précisément la propriété des Maristes, ce dont les Pères se sentirent profondément ulcérés. Cette décision fut critiquée amèrement par M. Baudoin dans son Histoire de La Seyne.

Beaucoup plus tard elle sera commentée par Jean Debout qui dira en parlant d'Émile Combes : on n'est jamais trahi que par les siens.

Ajoutons que les relations entre le Clergé et la Municipalité n'étaient pas au beau fixe dans cette période surtout après l'interdiction des processions sur la voie publique. Les fidèles du Christ durent se contenter de tourner en rond à l'intérieur des grilles du parvis de l'église les jours de grandes cérémonies.

Autre décision qui provoqua quelques remous dans l'opinion publique au début du siècle quand on voulut honorer la mémoire de Jean Jaurès.

Pour ce faire, il fallut retirer le nom de boulevard des Hommes sans peur, souvenir de cette fameuse batterie qui contribua à la chute de Balaguier et de la redoute Mulgrave (Fort Napoléon) en 1793.

À l'occasion du centenaire de la reprise de Toulon aux Anglais donc, en 1893, le Maire Saturnin Fabre avait prononcé sur l'emplacement de la batterie un discours patriotique retentissant.

L'appellation de boulevard des Hommes sans peur flattait sensiblement les Seynois. Ils la préféraient à celle de boulevard du Gros Vallat (1905) (ruisseau aujourd'hui couvert, qui descendait du Pont de Fabre) ou encore à celle de boulevard Hubert nom d'une famille généreuse qui offrit à la ville des terrains importants pour la voirie.

Par respect pour les glorieux soldats de la Première République, beaucoup de seynois regrettèrent la disparition de l'ancienne appellation Hommes sans peur, ce qui ne signifie pas qu'ils condamnèrent la Municipalité du Maire Baptistin Paul qui voulut perpétuer le souvenir de Jean Jaurès, apôtre de la Paix.

En toute logique les deux appellations devraient encore exister aujourd'hui.

Autre exemple de confusions : on s'explique mal certaines mutations intervenues au début du siècle avec le remplacement du nom de Mirabeau par Gounod, de Marat par Condorcet, de Rouget de Lisle par Pierre Curie. Mais les édiles qui n'aimaient pas les révolutionnaires, pourquoi ont-ils laissé le nom de Robespierre et aussi les noms de tous les généraux de la Révolution de 1789 ?

On peut se prendre aussi à regretter la disparition du nom de Molière, apposé dans la traverse reliant la rue Pierre Lacroix à la rue Nicolas Chapuis, et remplacé par Louis Antelme, ingénieur très honorable (1836-1906).

On voit à la lumière de ces quelques exemples, que le problème de la dénomination des rues, places ou bâtiments publics est bien complexe malgré des apparences de simplicité. Il est significatif de tendances politiques, il suscite parfois des conflits à caractère idéologique, des discussions passionnées qui ressurgissent de loin en loin dans la cité.

Nous allons évoquer maintenant une période plus proche de nous, celle où se manifestèrent brutalement l'injustice et l'intolérance de l'État français de Vichy, avec le Maréchal Pétain à sa tête.

Le 17 Avril 1940 le Conseil municipal de la Seyne se réunit. Lecture est donnée d'une circulaire ministérielle relative aux hommages publics. Elle demande qu'on fasse disparaître les appellations qui évoquent les hommes, les faits ou les idées de la IIIe Internationale.

À cette date, des municipalités avaient été suspendues, en premier, celles dirigées par des maires communistes. Mais revenons au 17 Avril, séance au cours de laquelle M. Lamarque, premier adjoint, rappelle que par délibération du 23 Juillet 1936, le chemin vicinal n° 1 bis (chemin du gaz) avait été appelé Henri Barbusse nom d'un écrivain célèbre, auteur d'un ouvrage remarquable intitulé Le Feu qui clame sa haine de la guerre ; l'un des fondateurs de l'Association Républicaine des Anciens combattants (A.R.A.C.).

Obéissant aux injonctions du Ministère, la Municipalité de l'époque accepta de retirer le nom d'Henri Barbusse. Elle le remplaça par celui d'Édouard Branly, physicien célèbre par ses travaux sur la T.S.F.

Le 30 Octobre 1940, le Préfet demande la disparition d'autres noms comme : Marcel Sembat, Jules Guesde, Pierre Renaudel, Roger Salengro...

Cette fois c'étaient des personnalités socialistes qui étaient mises en cause. Rappelons le cas particulier de Salengro, ancien ministre du gouvernement de Front Populaire de 1936, si odieusement calomnié qu'il s'en donna la mort.

Obéissant aux décisions préfectorales, la Municipalité exécuta les ordres le 20 Novembre 1940. Elle retira le nom de Salengro apposé depuis peu et le nom de Gambetta revint sur les murs. Précisons qu'il s'agissait de la rue Gambetta et non pas de l'avenue de même nom.

La Municipalité ne fut guère récompensée de sa discipline ; quelques mois plus tard elle reçut l'ordre de déguerpir sans autre forme de procès.

On aurait pu croire que la Municipalité présidée par le capitaine Galissard allait rendre hommage à quelques généraux de la génération du Maréchal Pétain.

Sa politique cocardière se manifesta en inaugurant le salut aux couleurs dans les écoles, cérémonies d'une courte durée, mais on ne vit pas d'hommages publics aux grands Généraux de la guerre 1914-1918, tels que Gallieni, Joffre, Mangin, Foch...

Les noms de généraux de la Révolution française furent respectés.

Le 6 septembre 1941, l'Adjoint Mitrecey, Président de la Commission d'attribution des noms de rues et d'édifices publics écrivit au Maréchal Pétain pour lui demander son accord avant de donner son nom à une artère importante de la commune.

On murmurait alors que le quai Saturnin Fabre deviendrait le quai Maréchal Pétain.

Nous n'avons pu retrouver trace de la réponse du Maréchal à la lettre de l'Adjoint. N'a-t-on pas voulu retirer le nom de Saturnin Fabre ? Ou le Maréchal sollicité de toutes parts avait-il différé sa réponse ?

Les Seynois n'ont pas su et rien n'a été changé sur le port de La Seyne.

Bien évidemment, les décisions prises par les municipalités sous la tutelle de Vichy furent annulées à la Libération et leurs édiles disparurent à peu près tous au moment de la débâcle allemande.

Les municipalités d'après la guerre se devaient en priorité de rendre hommage aux martyrs du nazisme et du vichysme. Leurs noms figurent dans le tome II de notre ouvrage au chapitre intitulé Des années dramatiques. Tous sont sur les murs de la ville et des quartiers, de préférence sur les lieux de leur résidence.

Au fur et à mesure des progrès de l'urbanisation entre 1945 et 1977, 57 nouvelles voies ont été incorporées dans le domaine public communal.

Toutes ont reçu des noms de personnalités du monde politique, scientifique, culturel, sportif... et il faut bien convenir que les Municipalités présidées par le Docteur Sauvet, par Toussaint Merle et Philippe Giovannini n'ont pas fait preuve de sectarisme outrancier. Les noms de Résistants ont tous été vénérés quelles qu'aient pu être leur opinion politique ou leur condition sociale. L'ouvrier Esprit Armando a été respecté tout autant que le noble d'Estienne d'Orves. Les attributions des noms de rues, de places, d'écoles ont été faites avec une grande largeur de vue. On peut lire sur les murs de ma ville natale des noms de toutes tendances politiques ou philosophiques. Et c'est très bien ainsi !

Les anticléricaux qui souhaiteraient voir disparaître le nom de Robert de Frangipani (il n'est pas trop tard pour nos édiles de rectifier l'orthographe...) seraient mal inspirés car ce personnage, Seigneur-Abbé de l'abbaye de Saint-Victor-lès-Marseille, fut le principal artisan de l'érection de La Seyne en commune indépendante. Malgré les siècles écoulés, il a droit à la reconnaissance des Seynois. Des républicains modérés estiment que les noms de communistes sont trop nombreux sur les murs de la ville. La remarque n'est pas justifiée. Il y a eu un courant d'opinions communisantes après la guerre de 1939-45 c'est vrai, comme il y eut un courant progressiste socialisant vers la fin du XIXe siècle. À la période des Blanqui, Jules Guesde, Louis Blanc, Cyrus Hugues, Ledru-Rollin a succédé la période des Maurice Thorez, Ambroise Croizat, Gabriel Péri, Jean Bartolini, etc.

Il y eut le courant révolutionnaire du XVIIIe siècle, le courant scientifique et culturel du XIXe avec les Victor Hugo, Émile Zola, Marcellin Berthelot, François Arago, André Marie Ampère, etc.

Comment pourrait-on accuser de sectarisme les municipalités à direction communiste ?

Qui a donné les noms de Charles de Gaulle au tronçon de la route des Sablettes à partir de Mar Vivo ? Qui a donné le nom de de Lattre de Tassigny au Rond-Point Saint-Jean ? Qui a donné le nom de Kennedy à l'ancien rond-point des Sablettes, et de Salvador Allende, socialiste chilien au C.D. 18 ?

À notre connaissance, il ne s'agissait pas de personnalités communistes ; loin s'en faut.

Les partisans de la paix, comme le furent Ethel et Julius Rosenberg, eux, n'ont pas été honorés de la même façon.

 

Les bâtiments publics

Arrêtons-nous quelques instants sur la dénomination des bâtiments publics qui retient aussi périodiquement l'attention des municipalités et dont les inaugurations officielles font aussi l'objet de discussions parfois passionnées.

Tous ne portent pas des noms de personnalités et pour certains d'entre eux, les choix sont plutôt délicats.

On verrait mal une perception ou un hôtel des impôts désigné par le nom d'un ministre des Finances ou celui d'un trésorier-payeur général. Par contre, il est bien qu'un hôpital porte le nom d'un médecin, d'un chirurgien célèbre ou d'un savant renommé.

Ce n'est pas le cas pour celui de La Seyne qu'on a toujours appelé Hôpital Régional parce que, depuis son origine en 1905, il a accueilli des malades de l'Ouest varois. Il ne serait pas exclu toutefois qu'il portât le nom d'un scientifique de haut niveau ou même d'un médecin seynois réputé pour son dévouement illimité à la population dans la période dramatique des épidémies des siècles passés.

Les écoles privées, les églises, les chapelles, toutes les structures administrées par le Clergé ont été baptisées dès leur naissance par de hauts dignitaires du culte tout naturellement. Citons par exemple : Notre-Dame de Bon Voyage, Notre-Dame de la Mer, chapelle Saint-Louis, Notre-Dame de Bonne Garde, école Sainte-Thérèse, Institution Sainte-Marie, Externat Saint-Joseph (disparu aujourd'hui),...

Tout association qui possède un siège, une salle de réunion peut perpétuer le souvenir d'un dirigeant en lui donnant son nom, la salle de La Seynoise s'appela longtemps salle Marius Aillaud, du nom d'un de ses présidents valeureux.

Ici nous nous en tiendrons au rôle imparti aux municipalités et nous parlerons surtout des établissements scolaires, des structures sportives et culturelles, des ensembles de logements collectifs.

Au début du siècle, La Seyne ne possédait que 5 écoles publiques :

L'école Martini (nom de son premier directeur), réservée aux garçons.

L'école de filles de la rue Clément Daniel qui s'appelait école des Trinitaires avant la fondation de l'École laïque et qui devint l'école Curie après son transfert au quartier de la Gatonne où se trouve le C.E.S. du même nom.

Dans les années 1885 exista l'Asile de la rue d'Alsace (future maternelle). À partir de 1902 furent construites deux autres écoles à deux classes seulement : une école maternelle, avenue Fort Caire (Pierre Fraysse aujourd'hui) et une école primaire mixte sur l'isthme des Sablettes (détruite en octobre 1943). Ces écoles portaient le nom de leur quartier d'implantation.

En 1910, une deuxième école primaire prit naissance sur les hoirs Pissin, en bordure de l'avenue Fort Caire, devenue avenue François Durand. On lui attribua le nom de cette honorable personnalité dont nous avons déjà parlé, mais les usagers l'appelèrent longtemps école Pissin. Et puis pendant trente ans, on ne construisit plus d'école à La Seyne. On ajouta des classes partout où cela fut possible, on répara, on rafistola, mais les enfants connurent des conditions d'inconfort qu'on a peine à imaginer aujourd'hui.

Après la Libération et surtout à partir de 1950, ce fut une véritable explosion scolaire à laquelle on assista. Notre Histoire de l'école Martini et plus généralement celle de l'Enseignement à La Seyne a montré l'oeuvre considérable accomplie par les municipalités d'après la Libération et surtout sous l'impulsion de Toussaint Merle.

On assista à la prolifération des écoles de quartiers : maternelles, primaires, secondaires. Quelques appellations anciennes disparurent (comme école des Plaines, école des Sablettes, école Berthe), qu'on remplaça par des noms de personnalités. Toutes les écoles maternelles furent désignées par des personnages célèbres du monde des lettres, des arts, des sciences, sans oublier les notabilités locales.

Ainsi pour les maternelles, dont le nombre est passé de 2 à 14 en 30 ans, les élus municipaux prirent les décisions suivantes :

La maternelle Jean Jaurès, pulvérisée par le bombardement du 29 avril 1944, fut reconstruite à peu près au même endroit, mais retrouva son nom tout naturellement. L'Asile de la rue d'Alsace fut utilisé pour remplacer l'Hôtel de Ville détruit lui aussi. On transféra la classe enfantine à l'emplacement du Patronage laïque anéanti par une bombe de gros calibre sur lequel, après nivellement furent installés des préfabriqués à usage d'écoles primaire et maternelle. Ces deux écoles portèrent le nom de la rue, c'est-à-dire celui d'Ernest Renan, écrivain, qui a consacré son oeuvre à l'histoire des langues et des religions. Il a exprimé sa foi dans l'avenir des sciences et fut membre de l'Académie française.

Cette école quitta en 1969 les locaux préfabriqués et fut installée dans des locaux neufs édifiés dans la propriété Andrieu. Elle porta ce nom pendant quelques mois, puis elle prit le nom de maternelle Eugénie Cotton, physicienne, directrice de l'École Normale Supérieure de Sèvres, présidence fondatrice de la Fédération démocratique internationale des femmes.

Après l'acquisition par la Municipalité de l'orphelinat Saint-Vincent de Paul en 1971, une école maternelle y fut aménagée. Elle fut appelée Anatole France (Anatole François Thibault), écrivain célèbre, membre de l'Académie française (prix Nobel en 1921).

Sur l'avenue Henri Pétin, une école maternelle mise en service en 1961 porte le nom d'Amable Mabily, directeur d'école, militant ardent de l'École laïque, issu d'une des plus anciennes familles seynoises et qui fut aussi adjoint au Maire de Toulon.

Dans les quartiers extérieurs, l'école maternelle de La Rouve, construite en 1955, changea son nom de quartier contre celui d'Édouard Vaillant, homme politique socialiste, membre de la Commune de Paris qui avait mis au point un programme ambitieux d'enseignement populaire.

On ne dit plus maintenant : école maternelle du Pont de Fabre mais école Romain Rolland, écrivain, auteur de drames, de romans, de biographies d'artistes. Il obtint le prix Nobel de littérature en 1916.

Au quartier des Sablettes, la maternelle incluse dans l'ensemble scolaire Léo Lagrange prit le même nom que celui-ci. Cette personnalité du monde politique fut secrétaire d'État aux Sports et Loisirs du Gouvernement de Front populaire de 1936. Il fut l'instigateur de nombreuses réformes pour le développement du sport et du tourisme populaire. Il fut tué au combat au début de la deuxième guerre mondiale.

Du côté de la gare, pour répondre au désir de nombreux cheminots, le nom de Pierre Sémard, dirigeant éminent du syndicalisme, fusillé par les nazis le 17 mars 1942, fut affecté à une classe enfantine annexée à l'école primaire et qui devint maternelle en 1967.

Le quartier des Plaines a vu naître lui aussi une école maternelle dans un groupe scolaire important. Elle porte, comme l'École primaire, le nom de Jean-Jacques Rousseau, écrivain français d'origine genevoise qui s'est passionné pour les problèmes de l'éducation. Il est bon de préciser que son oeuvre a inspiré les conceptions politiques de certains révolutionnaires et que ses sentiments d'amour pour la nature et la rêverie sont à l'origine du romantisme français.

Dans le quartier Vignelongue est née en 1970 la maternelle Toussaint Merle, Maire de La Seyne de 1947 à 1969, Conseiller de la République, Conseiller général et Député du Var, auquel nous avons consacré une longue biographie dans le tome II de notre ouvrage.

Le peuplement important de la Zone Urbaine Prioritaire a nécessité la création de deux autres écoles maternelles jointes à une école primaire.

L'une porte le nom de Jean Zay, homme politique, membre du parti radical socialiste, ministre de l'Éducation Nationale dans le Gouvernement de 1936. Il fut assassiné par la milice française le 17 juin 1944.

L'autre a été appelée maternelle du Germinal, nom d'un ensemble H.L.M., à la faveur du centenaire de la mort du géant de la littérature française, le nom de Victor Hugo lui a été attribué. Membre de l'Académie française, ce personnage hors du commun, a excellé dans tous les genres littéraires. Il fut un ardent défenseur des libertés républicaines, contraint à l'exil après le coup d'État du 2 décembre 1851, il mena un combat implacable contre Napoléon III. Il fut membre de l'Académie française.

Ces dernières années ont vu naître une autre école maternelle au quartier de La Maurelle, à laquelle fut attribué le nom de Marie Mauron, écrivain passionné, spécialiste des moeurs provençales.

Le quartier Tamaris, de son côté, a vu naître une petite maternelle dite des Collines de Tamaris.

À ces écoles maternelles, il faut ajouter deux autres structures d'accueil pour les jeunes enfants, le jardin d'enfants Irène Joliot-Curie, fille de Pierre et Marie Curie, épouse de Frédéric Joliot-Curie, physicienne qui effectua des travaux très importants sur l'atome. Sous-secrétaire d'État à la recherche scientifique (1936), elle obtint le prix Nobel de chimie en 1935. Cette structure fut créée en 1976 au quartier Mar Vivo. Plus anciennement, en 1952, la municipalité avait décidé celle du jardin public Aristide Briand. Nom d'un avocat et journaliste élu en 1902, qui fut vingt fois ministre et onze fois Président du Conseil. Il joua un rôle important pour la défense de la paix à la Société des Nations.

L'Enseignement primaire comporte à La Seyne une douzaine d'écoles. Nous avons déjà évoqué plusieurs d'entre elles en parlant des maternelles de même nom : Léo Lagrange, Jean-Jacques Rousseau, Ernest Renan, Toussaint Merle, Jean Zay. Nous ne reviendrons pas sur l'école Martini dont nous avons conté la longue histoire dans un ouvrage spécial. L'une de ces écoles porte le nom d'une personnalité locale Jean-Baptiste Coste, ancien Conseiller municipal, ardent défenseur de l'École Laïque, qui présida pendant très longtemps la Délégation cantonale.

Quelques années après l'ouverture de l'école de La Rouve, devenue école Édouard Vaillant, dans son prolongement vers la mer, apparut l'école dite de Balaguier. Elle fut appelée plus tard école Jules Vallès, écrivain progressiste, auteur de Vingtras, cycle romanesque autobiographique en trois parties (L'enfant - Le Bachelier - L'insurgé) et de très nombreux ouvrages. Membre de la Commune de Paris, son nom a été retiré, il y a peu de temps et c'est bien regrettable car il fut un écrivain de grand talent. Si on a voulu lui tenir rigueur de ses opinions, pourquoi s'en être pris à lui seul ? N'y a-t-il pas d'autres révolutionnaires célèbres qui ont fait l'histoire et dont les noms se sont multipliés sur les murs de la ville au cours des siècles passés ?

Nous avons parlé de l'avenue François Durand qui fut débaptisée en 1950 mais l'école primaire qui y fut construite en 1910 porta également le nom de l'avenue.

Plus tard, lui fut attribué le nom d'Émile Malsert, ancien directeur de l'école Martini (de 1932 à 1952) qui a su donner à l'établissement une grande renommée (sa biographie figure dans notre ouvrage sur L'Histoire de l'école Martini et l'Enseignement à La Seyne de 1789 à 1980.

En 1962, entre les quartiers Peyron et Brégaillon, naquit une école primaire à cinq classes qui accueillit une partie des enfants du centre ville. On l'appela école Jules Verne (1828-1905), auteur de nombreux romans d'aventures remarquables par leur anticipation scientifique.

Tout à côté de la Mairie annexe, a été édifiée l'école primaire dite du Peyron, vocable qui n'est autre que celui du quartier qui s'étend de l'Hôpital à Brégaillon.

Enfin pour en terminer avec l'Enseignement primaire, n'oublions pas de citer l'École de plein air, école qui existe depuis 1956, au quartier de la Dominante. En raison de sa spécialisation, on ne lui a pas attribué le nom d'une personnalité.

Pour ce qui concerne l'Enseignement secondaire, il existe à La Seyne un lycée classique et moderne, un lycée technique et 4 collèges d'enseignement secondaire.

Il serait plaisant de conter pourquoi le lycée classique et moderne porte le nom de Beaussier, nom du quartier d'implantation de l'établissement.

Les premières tranches des travaux ayant été à la charge de la Municipalité, l'administration du second degré n'osa pas s'imposer pour le dénommer. Alors on l'appela tout simplement Lycée classique, moderne et technique ou encore Lycée Polyvalent. L'état n'ayant pas pris à sa charge des dépenses qui lui incombaient, il s'ensuivit un conflit entre la ville et l'Administration de l'Éducation nationale. Il n'y eut même pas d'inauguration officielle du lycée. La correspondance administrative simplifia peu à peu l'appellation qui devint Lycée Beaussier, nom de l'une des familles les plus anciennes de propriétaires terriens et de personnages illustres avec des consuls, des avocats, des amiraux, des notaires dont on retrouve les traces dans toute la Provence en remontant jusqu'au Moyen Age. Le lycée technique situé au nord-est de la ville, au quartier Farlède, a été appelé Paul Langevin (1872-1946), illustre physicien français autour de nombreux travaux sur les ions, le magnétisme, la relativité et les ultrasons. Auteur également avec Henri Wallon d'un plan de réforme de l'Enseignement.

Tout à côté, nous trouvons un collège d'enseignement secondaire du même nom et un ensemble sportif remarquable avec gymnase, terrains de sport spécialisés.

Le collège Henri Wallon, le lycée technique Langevin et le complexe sportif forment un ensemble indissociable. Rappelons qu'Henri Wallon fut un homme politique et médecin, spécialiste de la psychologie des enfants. Il est le petit-fils d'Henri Wallon (1812-1904), qui fit adopter à l'Assemblée Nationale, à une voix de majorité, le 30 janvier 1875, l'amendement qui provoqua l'adoption des lois constitutionnelles de la IIIe République.

Le collège Pierre et Marie Curie porte lui aussi un nom glorieux qui lui fut attribué en 1931 lorsque l'école de filles de la rue Clément Daniel, fut transférée dans les locaux de la caserne de la Gatonne. Les édiles du moment ne voulurent pas dissocier le nom de Marie Sklodowska, de celui de son mari Pierre Curie, dont le nom avait été apposé auparavant à la rue qui mène à l'établissement.

Le collège Paul Eluard (1895-1952) : poète français, fondateur du groupe surréaliste, fut inauguré en 1976 et permet un recrutement important pour le centre ville.

Enfin, à l'extérieur, vers les quartiers Tamaris et Les Sablettes, est né dans la même période le collège Jean L'Herminier, nom du commandant du sous-marin Casablanca qui réussit à rallier les forces françaises d'Afrique du Nord au moment du sabordage de la flotte en novembre 1942. Il participa au débarquement des troupes alliées sur les plages varoises en 1944 et termina sa carrière comme Amiral.

Il reste à parler des bâtiments administratifs et de structures sociales de caractère public, ayant fait l'objet de délibérations municipales.

Généralement les bâtiments administratifs portent les noms de leur fonction : Hôtel de Ville, Mairie annexe (technique) (quartier Peyron), Mairie sociale (rue Ernest Renan), Poste, Hôtel des Impôts (Tamaris), Trésorerie principale des Impôts Toulon-La Seyne (place Ledru-Rollin), Hôpital, Bourse du Travail, Poissonnerie, Caserne des Pompiers, Crèche.

Dans le domaine de la culture, les structures sont désignées par leur lieu d'implantation : centre culturel Jacques Laurent, centre culturel de Berthe, musée de Balaguier, Fort Napoléon. Il y a quelques années de cela, la municipalité avait fait l'acquisition du cinéma A.B.C. Elle l'appela Salle Apollinaire, nom d'un poète français dont les oeuvres annoncent le surréalisme.

Les sportifs ont été honorés du mieux possible grâce aux nombreuses structures, stades, complexes, salle de sports, gymnases, etc. Par exemple : Jean Guimier donné au complexe du Comité d'Entreprise du C.N.I.M. au quartier l'Évescat. Ce pionnier de l'Éducation physique et sportive fut secrétaire de la Fédération nationale des Offices municipaux de Sport. Le gymnase des Sablettes porte le nom d'un dirigeant éminent du sport seynois : Armand Sauvat.

Les complexes et gymnases : Maurice Thorez, Ernest Renan, Langevin-Wallon ont gardé l'appellation des écoles qu'ils desservent. Au stade Antoine Scaglia (nom du jeune frère du Maire actuel, décédé accidentellement en 1958 sur le terrain), se trouve la salle Maurice Baquet, premier Président de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail (F.S.G.T.).

Le nom de Victor Marquet a été donné au stade de la Muraillette, en hommage à cette personnalité seynoise qui fonda le club de rugby en 1900.

Ce qui explique aussi le nom que porte l'ensemble immobilier où logent les pompiers de la ville (Le Marquet).

Pour plus de détail sur les appellations à caractère sportif, nous renvoyons le lecteur au texte : De l'Olympique seynois à l'O.M.S. N'oublions pas les établissements à caractère culturel dont les plus anciens conservent des noms historiques célèbres : Fort Napoléon, Fort de Balaguier devenu musée.

À noter également des structures à caractère social, comme le centre médico-social appelé Danielle Casanova, femme exceptionnelle, dirigeante du Mouvement féminin, organisatrice indomptable de la Résistance dans les camps de la déportation où elle mourut.

Deux foyers-logements pour personnes âgées portent des noms d'hommes politiques qui firent beaucoup pour la défense des humbles : Jean Bartolini, Député du Var et Ambroise Croizat, ancien ministre, artisan acharné de la Sécurité sociale.

Au coeur de la Z.U.P., les anciens se réunissent au Foyer Étienne Peire, ancien conseiller municipal ; les jeunes à la Maison Anne Franck ou au Foyer Henri Loro, docteur en médecine à La Seyne, remarquable par ses actes de dévouement et de charité.

Quelques mots sur les ensembles immobiliers dont les uns relèvent du Privé et les autres du secteur public H.L.M. Les appellations très nombreuses, rappellent la géographie locale (Les collines de Tamaris, Les hauts de Balaguier), des personnalités célèbres (George Sand et Frédéric Chopin), l'Antiquité (Circé - Cypris), la végétation (Les Cèdres, Les Mimosas, Les Lauriers,...), pour citer seulement quelques exemples, car il existe à La Seyne plus de 50 ensembles immobiliers du secteur privé.

De son côté, l'office H.L.M a désigné ses grands ensembles, soit par des noms de quartiers : Saint-Antoine, Les Plaines, La Maurelle..., soit par des noms choisis dans le calendrier républicain : Germinal, Floréal, Messidor, Prairial, Fructidor, Thermidor, Vendémiaire.

 

Quelques enseignements pour conclure

Cette étude sommaire sur l'appellation des rues, complétée par la désignation de bâtiments et autres lieux publics, aurait pu être présentée d'une manière plus simple. Certains auteurs traitant du même sujet se sont limités à établir une nomenclature par ordre alphabétique et à résumer en quelques lignes l'essentiel à savoir des personnages ou des faits évoqués par les plaques bleues émaillées apposées aux angles des rues.

Nous avons préféré montrer d'abord la nécessité d'une telle pratique, puis l'obligation pour nos édiles de respecter une certaine évolution imposée par la vie, les règlements administratifs, la nature des événements et l'importance des personnages à mémoriser.

Nous aurions pu aller davantage dans le détail en expliquant l'origine des noms de quartiers, en rappelant la survivance des vieux chemins, premiers moyens de communications de nos ancêtres : chemin de l'Évescat, vieux chemin des Sablettes, chemin du Vieux Reynier, chemin de Sainte-Anne,...

Le lecteur pourra trouver des précisions sur ce sujet dans le texte intitulé Du bourriquet au S.I.T.C.A.T., contenu dans le tome I de notre ouvrage.

Il eût été intéressant d'analyser le développement du réseau routier en corrélation avec les problèmes de l'urbanisme, d'expliquer la transformation progressive des venelles en chemins charretiers, puis en routes, boulevards ou avenues. Nous avons préféré nous en tenir à la ville en négligeant volontairement de parler des impasses, des traverses (Alsace, Messine, Giran,... par exemple). Également nous n'avons pas évoqué les voies des lotissements privés. Tout cela nous aurait conduit beaucoup trop loin de l'objectif fixé au départ " En passant par les rues de ma ville natale ".

Malgré ses imperfections et ses lacunes, ce sujet dont nous avons dit dans la préface qu'il était apparemment banal, pourra tout de même apporter un certain profit aux lecteurs.

Jeunes et anciens n'ont-ils pas le devoir de connaître comment s'est formée la communauté seynoise où ils vivent et son passé glorieux ?

Ce dernier texte à caractère purement historique doit compléter les deux premiers tomes des Images de la vie seynoise d'antan, en fixant des jalons précis de notre histoire locale inséparables de l'histoire nationale.

Des dates comme 4 Septembre (sous-entendu 1870) ; 8 Mai (1945) ; 19 Mars (1962) en sont des témoignages significatifs.

Quels enseignements pourra tirer le lecteur de cette lecture ? Les centaines de noms attribués aux rues, avenues, boulevards, places publiques,... sont ceux de personnalités éminentes, généralement bien choisies par nos édiles, qu'il s'agisse de savants, d'hommes politiques, de généraux, d'artistes de grand renom. Les administrateurs locaux : maires et adjoints ; les sportifs ; les bienfaiteurs n'ont pas été oubliés. Une première remarque à faire, c'est l'extrême diversité dans le choix des personnages.

Dans l'ensemble, nos édiles ont fait preuve d'objectivité. L'éventail de la représentation politique est très large avec des noms de dirigeants républicains dits modérés, des socialistes, des communistes, des croyants, des libres-penseurs.

L'idéal républicain a prévalu depuis longtemps à travers ces appellations. Au moment de la Restauration, la municipalité du moment avait jugé bon, pour être agréable au Roi de baptiser une rue principale de la ville : rue Bourbon. La Royauté déchue, ce nom disparut sous la IIe République.

Nous avons remarqué que des municipalités dites modérées, comme celle de Saturnin Fabre en fin du XIXe siècle, ou d'Henri Pétin au début du XXe, n'ont pas apporté de changements notoires aux dénominations des rues. Elles ont respecté les noms des personnalités progressistes du courant socialiste qui s'est affirmé puissamment avec les Jaurès, Guesde, Blanqui et bien d'autres.

La guerre de 1914-1918 terminée, il est probable que des municipalités cocardières auraient tenu à rendre hommage aux grands généraux artisans de la victoire de 1918. La municipalité socialiste qui administra La Seyne entre 1920 et 1940, avec M. Mazen à sa tête, ne leur fit pas cet honneur ; par contre, elle respecta les noms des généraux de la grande Révolution française.

On pourrait épiloguer longuement sur les choix des municipalités et malgré leur souci de bien faire, il y aura toujours des mécontents. Nous avons évoqué les décisions de retrait de Jules Vallès, d'Ethel et Julius Rosenberg, nous n'y reviendrons pas. Quand le nom d'Adolphe Thiers fut remplacé par celui de Léon Blum, des censeurs seynois trouvèrent à gloser. À leur avis, on avait commis un crime abominable parce que disaient-ils, Thiers avait été le premier Président de la IIIe République. Ce qu'ils oubliaient de dire, c'est qu'il avait fait aussi massacrer près de 100.000 parisiens poussés à la révolte par la faim et la misère.

D'autres n'aiment pas voir sur les murs le nom de Robespierre. Il n'est pas mauvais de leur rappeler que des chefs de l'État français, et ils sont nombreux, furent responsables dans le passé de véritables génocides dans les pays coloniaux : Indochine, Afrique du Nord, Madagascar,... Pour ces gens-là, les peuplades de couleur noire ou jaune, étaient considérées comme des races inférieures et ce n'était pas un crime que de les massacrer.

Encore deux remarques avant d'en terminer. Les amoureux du folklore provençal font parfois des suggestions intéressantes. En regrettant par exemple la disparition de noms comme Lou Regounfle ou Le Petit Filadou, ils se déclarent partisans de remettre en honneur des appellations provençales. Pourquoi pas ?

Enfin, nous avons constaté dans la dernière décennie l'apparition sur les murs des noms de célébrités de stature internationale : Salvador Allende, chef d'état assassiné ; Pablo Neruda, poète de renommée mondiale, victime lui aussi du fascisme chilien ; John Kennedy, Président des U.S.A., martyr de la lutte pour la paix ; Youri Gagarine premier homme de l'espace ; Rosa Luxembourg, dirigeante du Mouvement ouvrier allemand, assassinée en 1919 ; Vincent Van Gogh, peintre hollandais ; Antonio Gramsci, célèbre écrivain et homme politique italien ; Giuseppe Garibaldi, patriote italien qui combattit pour la France en 1870.

Là encore, des esprits chagrins se répandent en critiques acerbes contre le choix de noms étrangers.

Dans le monde actuel où les échanges se multiplient avec une rapidité étonnante, où les peuples commencent à comprendre la nécessité de se rassembler et de s'unir pour vaincre les grands fléaux de l'Humanité que sont le nazisme, le racisme, l'intégrisme et pour faire triompher enfin le désarmement général et la paix universelle, ne craignons pas de glorifier les bonnes volontés d'où qu'elles viennent, quels que soient leurs langages, quelle que soit la couleur de leur peau, malgré leurs divergences politiques ou religieuses. Et puis, souvenons-nous sans cesse des paroles du grand Jaurès : « Un peu d'internationalisme éloigne de la Patrie, beaucoup d'internationalisme y ramène ».



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