La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome VIII
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome VIII (2001)
Chronique du XXe siècle
(Texte intégral du chapitre)
Des gens qui ont marqué la vie seynoise.
Ils ont droit à la reconnaissance de leurs concitoyens à des titres divers.
 

 

François CRESP (1887-1960)

Né à La Seyne le 28 Août 1887, François Augustin Cresp a marqué la vie seynoise, à des titres bien divers et de façon si intense et si bénéfique pour ses concitoyens qu'il nous a paru nécessaire de lui rendre ici un hommage mérité.

Fils d'un marin de la marine marchande et d'une épicière, il fut un écolier studieux et obtint sans difficulté son certificat d'études primaire (C.E.P.) mais ses parents n'envisagèrent pas la poursuite de ses études, car en ce temps-là on estimait plus utile de voir les enfants entrer comme on disait dans la production.

Le jeune François s'engagea en 1905 et déjà on lui connut des activités à caractère politique marqué par son adhésion aux idées révolutionnaires de Jules Guesde et de Jean Jaurès. Il s'affirma jusqu'à la fin de sa vie comme un défenseur ardent des idéaux généreux du socialisme et du communisme.

Avant de s'engager résolument dans les batailles politiques, il se rendit populaire pour faire triompher la noble cause du sport qui, à son avis, ne recevait guère d'encouragement efficace de la part des autorités. Les associations sportives existantes agissaient en ordre dispersé et ce fut la raison qui poussa François Cresp à créer une structure puissante appelée Olympique Seynois, initiative qui groupa une multitude d'associations telles que le Rugby Seynois, la Société de gymnastique Aurore, le Vélo-sport, le Club nautique, le Tennis seynois..., nombre d'entre elles existant depuis la fin du XIXe siècle. Cette nouvelle organisation puissante allait poser aux édiles de cette période de sérieux devoirs hélas contrariés par la préparation à la première guerre mondiale.

François Cresp se maria en 1913 et travailla dans les bureaux des Forges et chantiers de la Méditerranée (F.C.M.).

À la déclaration de guerre, il fut affecté dans une importante entreprise toulonnaise et entretint des relations constantes avec les milieux révolutionnaires même anarchisants.

Il devint par la suite artisan-commerçant en cycles, profession qu'il exerça presque toute sa vie dans la rue Faidherbe (Ambroise Croizat aujourd'hui).

Aux élections municipales de 1919, il fut candidat sur la liste d'action républicaine et socialiste du Bloc des Gauches, dominée largement par le parti socialiste. Il figura sur la liste avec cette qualification curieuse de candidat sportif.

Il arriva en 9e position avec 1204 voix sur 4760 inscrits. Le dimanche suivant, au deuxième tour, il obtint 1540 voix et cette fois en 5e position. L'année suivante, le 11 janvier 1920, à Draguignan, il siégea au bureau de l'élection sénatoriale comme assesseur en qualité de plus jeune délégué sénatorial du Département.

Il n'est pas inutile de rappeler ici l'ambiance politique de cette période de l'après-guerre pour mieux saisir la complexité des problèmes sociaux qui se posèrent au peuple français et leur impact sur les partis politiques confrontés inéluctablement à des luttes sévères qui agitèrent le pays tout entier. Un grand mécontentement régnait dans les milieux syndicalistes.

Quelles étaient leurs revendications ?

La démobilisation générale. L'armistice signé. La France maintenait ses troupes dans les pays coloniaux, l'Afrique du Nord en particulier. Le gouvernement Clemenceau envoyait les marins de la flotte toulonnaise bombarder les Russes en pleine révolution, alors qu'il se disait défenseur de la Liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes. On sait que cette politique provoqua la fameuse révolte des marins de la Mer Noire.

Les ouvriers réclamaient la loi de 8 heures. Ils s'opposaient à l'impôt sur les salaires François Cresp fut mêlé à toutes les batailles politiques et syndicales de cette époque.

Autre préoccupation et non des moindres : la fameuse scission de Tours d'où le parti socialiste sorti affaibli. La majorité des congressistes s'étant prononcée pour l'adhésion du parti à la IIIe internationale avec Lénine à sa tête.

La minorité créa un autre parti ; la scission conduisit à la formation du Parti Communiste appartenant à la S.F.I.C. (Section Française de l'Internationale Communiste) ; s'opposant à la S.F.I.O. (Section Française de l'Internationale Ouvrière). Au plan seynois, il est évident que les affrontements s'aiguisèrent et les militants se débattaient dans des luttes fratricides. Comment réagit François Cresp ?

Sans hésiter, il adhéra à la IIIe Internationale qui à son avis était le véritable chemin conduisant à une révolution triomphante pour les travailleurs du monde entier.

François Cresp, isolé dans le Conseil municipal, estima sa présence inutile aux réunions de l'Assemblée. À partir de 1921, il cessa de s'intéresser aux affaires de la ville et n'assista plus guère aux séances publiques.

En 1922, lors de l'élection au Conseil général, il défendit la candidature d'André Marty, l'organisateur des mutins de la Mer Noire contre le conseiller sortant Albert Lamarque représentant de la S.F.I.O.

Quand le rayon communiste fut créé en 1924, François Cresp fit partie de son bureau et en devint le trésorier adjoint en 1925 après la fusion avec le rayon de Toulon.

Le 13 avril 1927, la police le verbalisa pour distribution de tracts estimés séditieux.

Nous voici aux élections municipales seynoises de 1929 où François Cresp figure sur la liste du Bloc ouvrier et paysan. Il obtint 447 voix sur 4077 inscrits (Rappelons au passage que les femmes n'avaient pas encore le droit de vote).

Cresp devint le responsable du Parti Communiste en 1931. Dans cette période, les activités politiques s'intensifièrent, surtout à partir de 1934 avec la tentative de coup d'état fasciste contre la IIIe République.

Les socialistes connurent une nouvelle scission en 1932 avec la création d'un nouveau parti appelé Parti Socialiste de France dont Pierre Renaudel, député du Var fut le porte-drapeau.

Néanmoins, à La Seyne, les partis de gauche signèrent un accord en faveur de l'unité d'action antifasciste.

François Cresp joua un rôle déterminant dans leur rapprochement. Candidat au Conseil général de 1934, il arriva en 3e position avec 827 voix sur 7196 inscrits.

En vue du deuxième tour, il annonça son désistement pour le socialiste Lamarque du balcon de l'Hôtel de Ville, signa une affiche Unité d'action où il affirmait que « s'abstenir, c'était donner sa voix au fascisme ». Ainsi le candidat socialiste fut élu et quelques jours après pour fêter cette élection, un banquet rassembla les vainqueurs au Cercle des travailleurs à dominante socialiste et François Cresp y fut l'invité d'honneur.

On le vit en tête des meetings du Front Populaire de 1935, en tête de la liste du Bloc Ouvrier Paysan, la même année, assurer un désistement efficace pour le maintien de la liste socialiste sortante.

Le soutien à la S.F.I.O. eut des conséquences bénéfiques pour les Communistes qui firent triompher leur candidat Jean Bartolini aux législatives de 1935 après la mort de Pierre Renaudel.

Liste du Bloc Ouvrier et Paysan conduite par François CRESP
aux Elections Municipales de 1935

Infatigable militant, tout en assurant ses responsabilités politiques, Cresp accepta en 1937, le secrétariat de l'organisation Paix et Liberté.

Le 1er octobre 1937, il fut candidat au Conseil d'arrondissement. Il arriva en deuxième position et pour la première fois, le Parti Communiste devançait le Parti Socialiste. Arrivé en deuxième position, il se désista en faveur du candidat de gauche le mieux placé, le radical-socialiste Simon et assura son succès.

Puis arrivèrent les années dramatiques. Un arrêté préfectoral du 18 novembre 1939 classait François Cresp parmi les trente individus dangereux pour la défense nationale à interner au centre de surveillance de Saint-Maximin. Ce voeu ne fut pas appliqué. Le commissaire spécial de Toulon demanda son internement le 19 mars 1940. Le 14 mai 1940 il était parmi les treize individus dangereux pour la sécurité publique et la défense nationale. D'où son internement au Camp de Chabanet (Ardèche), puis transféré à Nexon (Haute-Vienne) puis à Saint-Paul d'Eyjeaux en 1942. Il en fut libéré le 30 mars 1943. Il vécut la dernière année de la guerre replié au Beausset.

La libération venue, il reprit ses activités politiques comme membre de la délégation municipale de La Seyne en septembre 1944. Il fut responsable de la Commission des finances.

Le 29 avril 1945, il fut élu conseiller municipal sur la liste d'Union Républicaine et Antifasciste avec une moyenne de 5 021 voix sur 11 637 inscrits.

On lui confia la tâche délicate de délégué au ravitaillement.

Il figura à nouveau sur la liste d'union républicaine et résistante et de défense des intérêts communaux que présenta le Parti Communiste Français.

Le 19 octobre 1947 ce dernier triompha de tous ses adversaires avec 14 de ses candidats élus sur 13 411 inscrits.

François Cresp devint adjoint au Maire. Il fut réélu en 1950 et en 1953.

Malgré de sérieux ennuis de santé, il assuma ses responsabilités jusqu'à l'extrémité de ses forces. Il ne put se représenter aux élections de 1959 (son épouse Noémie Cresp fut alors conseillère municipale de 1959 à 1965). Il mourut en 1960. Une foule immense l'accompagna à sa dernière demeure.

Toussaint Merle prononça son éloge funèbre retraçant la vie exemplaire de ce militant dévoué à l'intégrité irréprochable qui consacra 60 années de sa vie au service de la population seynoise. Comment pourrait-on oublier le passé glorieux de cet homme simple, courtois, courageux, qui sut faire face admirablement aux vexations, aux sévices, aux persécutions de ses adversaires ? Son nom restera attaché à l'histoire seynoise et c'est bien pour cela que le conseil municipal décida de le pérenniser par une plaque qui désigne la rue reliant le boulevard de Stalingrad à la route départementale reliant La Seyne à Six-Fours (R.N. 559).

[Voir également la notice biographique de François Cresp, rédigée par Jacques Girault, dans le Dictionnaire du Mouvement Ouvrier Seynois].

 

Raymond DIMO (1934-1996)

Cet enfant de La Seyne, né le 28 novembre 1934 au quartier dit Pont de Fabre, haute personnalité du syndicalisme des chantiers navals a marqué profondément la vie seynoise de son siècle pour de multiples raisons rappelées succinctement dans les textes qui suivent. Avant de parler du défenseur acharné de la classe ouvrière, il est nécessaire d'évoquer le parcours de son enfance malheureuse, des cruautés du destin qui frappèrent sa famille.

Le 24 décembre 1940, après cinq ans de souffrances, sa mère meurt à l'âge de 35 ans. Ses obsèques ont lieu le lendemain, soit le jour même de Noël. Raymond alors âgé de 6 ans était présent. Il neigeait ; les roues du corbillard glissaient sur le verglas.

À la soeur aînée de Raymond, âgée de 14 ans, va revenir la lourde charge d'assurer les soins du ménage et d'élever son jeune frère. Tout cela dans l'ambiance de la guerre des bombardements, des privations alimentaires.

Pour fuir le danger la famille se réfugie dans un cabanon près des Quatre-Moulins, lequel sera détruit le 29 avril par les bombardiers américains.

Autre spectacle d'épouvante ! Une bombe pulvérise un secteur du cimetière, là, précisément où reposait la mère de Raymond. On ne retrouvera aucune trace de ses restes mortels.

Après ces épreuves hors du commun, la famille Dimo cherche le salut en Haute-Loire, mal accueillie par une population hostile aux italiens émigrés et païens de surcroît. Raymond sera tout de même admis à l'école primaire.

Rentré à La Seyne, 17 mois plus tard, il prendra le chemin de notre vieille école Martini qu'il quittera à l'âge de 15 ans pour entrer à l'école d'apprentissage de la Navale.

Nous voici en 1958 : Raymond s'engage dans les activités syndicales de la C.G.T. sur les conseils avisés de ses aînés Joseph Grimaud et S. Teply. Grâce à son intelligence, à son esprit de décision, sa forte personnalité, ses qualités humaines, il se révèle comme un meneur d'hommes. Il gravit rapidement les échelons de la grande centrale que fut la C.G.T.

Il devint successivement secrétaire du comité d'entreprise en 1960, puis secrétaire général du syndicat des manuels ; en 1964 : puis il accéda au bureau départemental de l'U.D.-C.G.T., puis au niveau national au comité central d'entreprise (branche navale).

Et tout cela en gardant son poste de travail à l'atelier mécanique.

Quand la construction navale fut menacée, il organisa des multitudes de réunions, de meetings, écrivit des centaines de tracts ; anima en accord avec la Municipalité d'alors dirigée par Toussaint Merle, les fameuses marches sur Toulon, Marseille, Paris, pour alerter et mobiliser l'opinion publique.

La société des F.C.M. disparut, les C.N.I.M. naquirent et les chantiers navals furent sauvés. Dans cette période, les succès fulgurants obtenus par la C.G.T. apportèrent à la classe ouvrière seynoise : augmentation des salaires, la limitation du temps de travail, les primes de vacances.

Par le comité d'entreprise dirigé admirablement par Raymond Dimo on assista à des réalisations spectaculaires : dans le domaine des sports, de la culture, de l'apprentissage de la formation professionnelle, dans le domaine des oeuvres sociales et des loisirs : colonies de vacances, bibliothèque, sorties excursions vers la neige..., sans parler du fameux restaurant libre-service.

Les acquis sociaux : augmentation des salaires, indexation de l'échelle mobile, grille des salaires hiérarchisée furent obtenus sous la direction de M. Berre, personnalité bien regrettée de tous les travailleurs lors de sa mort accidentelle.

Débordant d'activités en tout genre, car il fut sportif, peintre, poète, écrivain. Dimo entra au Conseil municipal de La Seyne dirigé par Philippe Giovannini, en 1971 pour devenir quelques années après adjoint à la culture. Dans ce domaine comme partout il se montra dévoué, désireux d'être utile et efficace pour le plus grand bien de la population.

Il souffrit beaucoup durant les dernières années où commença le déclin de la navale par les licenciements progressifs. Il lutta jusqu'à l'extrême limite de ses forces, défendit avec âpreté le sort des victimes au sein de l'A.M.I.A.N.S. (Association de Maintien des Intérêts des Anciens de la Navale Seynoise).

Raymond Dimo est mort en septembre 1996. Il était âgé de 62 ans. Dans la préface de l'ouvrage, Monique Dimo a expliqué les causes de sa disparition prématurée et fustigé les responsables d'un mal dont les victimes continuent de tomber de nos jours, quinze ans après le séisme de la Navale.

Quand Raymond disparut ce fut la consternation générale dans la population, les milliers de travailleurs des chantiers dont il avait défendu les justes causes.

Conformément à ses dernières volontés, il avait voulu disparaître discrètement dans l'intimité familiale.

Peu après, les ouvriers techniciens et cadres des chantiers, les militants syndicalistes, les mutualistes, les élus municipaux de la gauche plurielle, les responsables de la C.G.T. de tous les niveaux se rassemblèrent devant sa tombe et notre cimetière central où il avait accompagné durant les 40 années de ses combats, tant de camarades accidentés du travail ; tous dans un élan de reconnaissance unanime lui rendirent un hommage ô ! combien mérité.

Répétons-le ! Raymond Dimo fut un homme extraordinaire qui a laissé des traces indélébiles dans l'histoire du mouvement syndical de notre communauté seynoise. C'est bien pourquoi son nom auquel il importe d'associer sa vaillante épouse, ses enfants et petits enfants, méritait d'être vénéré et perpétué dans ces récits biographiques d'une chronique spéciale du XXe siècle.

 

Joseph GRIMAUD (1924-1993)

Ce fils de La Seyne est né le 18 décembre 1924 au n° 8 de la rue Cavaillon où il demeura jusqu'en 1955.

Il reçut sa première instruction à l'école primaire Martini. Son certificat d'études obtenu brillamment, il enrichit ses connaissances à l'école primaire supérieure du même nom, école qui devint collège en 1943.

Ses souvenirs d'enfance et de jeunesse furent imprégnés par la vie grouillante et bruyante - qui régnait dans cet établissement dont sa mère, sa grand-mère et même son arrière grand-mère furent les concierges.

Qui ne se souvient, parmi les anciens élèves de cette période, des animations de la conciergerie où l'on pouvait se procurer pendant les récréations des brioches, des pains au chocolat, des sucreries en tout genre dont la vente était permise à la concierge ?

Le jeune Joseph Grimaud aurait pu poursuivre ses études jusqu'au Brevet élémentaire. Hélas ! La guerre allait bouleverser la vie quotidienne.

En 1941, Joseph entre dans les chantiers navals en apprentissage.

Il vivra intensément dans les chantiers la période trouble de l'occupation allemande et la résistance que la classe ouvrière seynoise opposa à l'ennemi.

À la Libération en 1944, Joseph Grimaud est engagé dans la compagnie républicaine de sécurité d'Ollioules (C.R.S.-559) jusqu'à la dissolution de cet organisme que le pouvoir d'alors envisageait d'utiliser contre les travailleurs, le cas échéant.

En 1948, on retrouve Joseph Grimaud à la tête des syndicats C.G.T. dont il sera secrétaire général de 1958 à 1964.

Ses activités et ses responsabilités deviennent débordantes surtout quand il devint secrétaire du Comité central d'entreprises des divers sites de la construction navale (Le Havre, Port-de-Bouc, La Ciotat...). Puis il fut appelé, en 1964 à la responsabilité des syndicats C.G.T. du Var, fonction qu'il assumera jusqu'en 1979.

Parallèlement, de 1975 à 1980, il assumera les fonctions de l'Union locale C.G.T. de La Seyne.

Il passera des années de travail à la Bourse du Travail, à réunir des organismes syndicaux, à préparer des grèves, des interventions auprès du Patronat, à organiser des manifestations, à y préparer des discours qu'il prononçait avec sa voix d'orgue vibrante et ses arguments particulièrement convaincants, à recevoir les doléances des travailleurs de toutes les catégories sociales de l'aire toulonnaise et de l'ensemble du département du Var.

Ses attentions se portèrent aussi sur le mouvement mutualiste dont il fut un animateur comme administrateur du Crédit Mutuel de La Seyne.

Et ce ne fut pas tout ! En 1965, il fut élu conseiller municipal de La Seyne présidé alors par Toussaint Merle. Il participa efficacement aux municipalités dirigées par Philippe Giovannini et Maurice Blanc, cela jusqu'en 1983.

Il joua un rôle important dans les périodes dramatiques où les pouvoirs publics, en accord avec le Patronat de la navale, envisagèrent la disparition des Chantiers navals.

Depuis 1952, cette menace planait sur La Seyne et les autres Chantiers de France avec les conséquences désastreuses dont la classe ouvrière pouvait souffrir, tandis que les élus de la droite au pouvoir estimaient nécessaires les licenciements.

Dès le moment où le danger apparut, Toussaint Merle avait pris la décision de créer un Comité de défense de la construction navale élargi à toutes les sociétés locales : syndicats, associations de commerçants, Mutuelles, etc...

Une formidable mobilisation s'en suivit pour assurer la survie de nos chantiers : réunions, pétitions, délégations, manifestations - autant d'actions dont les syndicalistes J. Grimaud, Dimo, Conac, Tite-Gres... furent les acteurs principaux.

La population seynoise n'a pas oublié les marches sur Toulon, Draguignan, Marseille, Paris.

La France entière fut alertée contre la menace de fermeture des Chantiers et ses conséquences désastreuses pour le pays tout entier.

Enfin ce fut la victoire ! L'Union et l'action avaient été payantes.

La reprise des activités sous une nouvelle forme (C.N.I.M.) allaient permettre le début d'une période très florissante.

Dans sa vie militante, Joseph Grimaud joua un rôle prépondérant, comme syndicaliste mais aussi en sa qualité d'élu municipal.

Remarquable par sa volonté, son intelligence, sa pondération, son charisme, son dévouement illimité aux justes causes, il avait connu les cruautés du destin.

Ses parents disparus prématurément, sa mère en 1946, son père deux ans plus tard, laissèrent un jeune enfant, René ; que son frère aîné Joseph adopta malgré les cinq enfants déjà à sa charge.

Sa vaillante épouse accueillit l'orphelin et le considéra comme son propre enfant.

La disparition de Grimaud, homme affable, adoré de tous les siens, vénéré de tous ses camarades et amis, fut douloureusement ressentie en 1993 et ce fut avec une émotion poignante que son meilleur camarade Raymond Dimo, lui rendit un vibrant hommage devant l'entrée de notre cimetière où se pressait une foule immense, émue aux larmes, reconnaissante envers ce lutteur dévoué, désintéressé qui fit tant pour les autres et pour les intérêts supérieurs de notre communauté seynoise.

 

René CARMILLE (1886-1945)

Quand nos concitoyens se dirigent vers Tamaris, ils empruntent généralement l'avenue Pierre Fraysse et son prolongement appelé avenue Esprit Armando, résistant seynois mort en déportation (dont le nom a déjà évoqué dans nos précédents récits) ; où alors l'ancienne route de Tamaris qui se détache sur leur droite, artère appelée depuis la Libération l'avenue Général Carmille.

Si les Seynois sont familiarisés depuis longtemps avec les noms d'Amable Lagane ou Noël Verlaque anciens dirigeants prestigieux de la construction navale, ou encore Saturnin Fabre et Toussaint Merle, anciens maires de la ville, par contre, ils le sont moins avec le nom de Carmille, Varois et Seynois d'adoption dont on doit admettre que ce personnage de haute lignée devait figurer dans les présentes biographies célèbres du XXe siècle.

Je n'ai pas eu l'honneur de le rencontrer durant les années terribles de l'occupation ennemie. La Libération venue, après sa disparition tragique, j'eus fréquemment des conversations avec sa courageuse épouse, toujours présente pendant de nombreuses années, aux cérémonies commémoratives de la victoire sur le nazisme et surtout aux hommages rendus aux victimes de la guerre et de la déportation.

René Carmille fut du nombre des centaines de milliers de martyrs, à partir de 1944, année de son arrestation par la sinistre Gestapo.

Qui était donc, ce résistant, ce patriote qu'il nous faut vénérer ici impérieusement ?

D'où venait-il ? Quels furent ses ascendants ? Quelle place occupa-t-il dans la société ? Quelles furent ses responsabilités ? Pourquoi fut-il persécuté ?

Pour répondre à toutes ces questions et apporter les réponses aux Seynois désireux de savoir, nous devons une fois de plus nous tourner vers l'honorable M. Baudoin dont les recherches nous ont permis d'écrire ce texte avec de grandes précisions.

François René Carmille naquit le 8 janvier 1886 à Trémolat, petit village de quelques milliers d'habitants, dans le département de la Dordogne non loin de Bergerac. Ses parents étaient des enseignants apparentés à une personnalité du monde littéraire : Jules Claretie, membre de l'Académie française et administrateur de la Comédie française au début du XXe siècle.

Ils donnèrent à leur fils une solide éducation et dont la vive intelligence et le désir de bien faire, laissaient présager des succès fulgurants.

Après l'enseignement primaire, René Carmille poursuivit ses études au Collège de Bergerac, puis au Lycée de Bordeaux où il prépara conjointement les concours d'entrée à l'École Normale Supérieure et à l'École Polytechnique. À cette dernière, il entra à l'âge de 20 ans dans la promotion de 1906.

Deux ans plus tard, à sa sortie de l'école, il choisit la carrière militaire et plus précisément l'arme de l'Artillerie.

Après une année de service au 23e Régiment de Toulouse en qualité de brigadier canonnier, en 1909, il devient sous-lieutenant stagiaire à Fontainebleau, puis lieutenant au 34e Régiment d'artillerie à Angoulême. Par la suite il devait gravir tous les échelons à la grande satisfaction de ses chefs. En 1911, il devint varois et le demeura jusqu'à sa fin tragique. On le trouva alors au 10e Régiment d'artillerie de Toulon. Il habita au Mourillon et ne se lassait pas de vanter les beautés des côtes méditerranéennes sous leur climat si attachant.

Au mois de juin 1914, il épousa à Nice, Mlle Farganet, fille du médecin en chef de l'Hôpital militaire.

Hélas ! La guerre éclata quelques semaines plus tard. On devine combien les jeunes époux furent profondément attristés par cette douloureuse séparation. Le jeune officier mobilisé en première ligne fut affecté à un groupe d'artillerie lourde, René Carmille fut blessé deux fois. Il se distingua par sa vive intelligence, par son courage exemplaire, autant de qualités qui lui valurent d'être nommé capitaine et de recevoir en récompense la légion d'honneur et la croix de guerre.

La guerre terminée, il continua son ascension vers les plus hautes responsabilités. Il entra dans le corps du contrôle de l'administration de l'armée, obtint de nouvelles distinctions de haut niveau : officier puis commandeur de la Légion d'honneur. Après le douloureux armistice de 1940 il fut élevé à la dignité de contrôleur général de première classe et directeur du service national des statistiques.

Les nazis espéraient utiliser ses compétences pour organiser la chasse aux juifs. Ils étaient loin d'imaginer que, depuis 1911, René Carmille travaillait pour le contre-espionnage français.

Pendant les heures les plus dangereuses du gouvernement de Vichy, il fut un membre influent de la Résistance dans le réseau Marco Polo.

Non seulement il ne fit rien pour livrer les juifs aux nazis, mais il put établir des milliers de fausses cartes d'identité pour l'organisation du soutien actif aux armées de la Libération (voir Le Monde du 13 février 2001) dans l'article intitulé Le rôle de René Carmille.

C'est alors à ce niveau qu'il accomplit les tâches les plus délicates au service de sa patrie en organisant dans la zone libre, la formation d'une armée secrète de près de 400 000 combattants dotés de tout le matériel indispensable et prêts à intervenir le moment le plus favorable venu.

Hélas ! La sinistre Gestapo, probablement renseignée par des traîtres, fit arrêter notre grand patriote en février 1944, le fit interner à Lyon (Montluc) dans un premier temps pour le déporter par la suite au camp de Dachau en Bavière où tant de martyrs périrent.

Profondément affaibli par les sévices de la détention, gravement malade, René Carmille s'éteignit comme tant d'autres de ses compagnons d'infortune. Il expira dans les derniers jours du mois de janvier 1945.

Dans ses derniers instants, il exprima sa foi inébranlable en la victoire des Alliés qu'il avait servis si courageusement.

Disparu prématurément, il n'aura pas eu le bonheur d'apprécier longtemps la quiétude et la beauté de sa belle propriété si riche de verdure, sise précisément au point de rencontre de l'avenue Esprit Armando et la route de Tamaris qui porte son nom depuis la libération du sol seynois.

M. Jacques Besson, Mme la Générale Carmille, MM. Alex Peiré et Toussaint Merle, le 8 avril 1966 à la Société des Amis de La Seyne Ancienne et Moderne.

Il avait décidé de s'y retirer pour y jouir d'une retraite, ô ! combien méritée. Il adorait sa résidence provençale qu'il appela Les Charmilles.

Il n'y serait certes pas resté inactif. Homme d'une grande simplicité, d'une grande valeur intellectuelle il se complaisait à lire et à commenter aussi bien les oeuvres des philosophes comme Descartes ou les Essais de Montaigne, les ouvrages à caractère militaire comme les Mémoires de Foch, aussi bien que les oeuvres de Marcel Proust ou encore les poésies de Ronsard.

Entre 1932 et 1939, il avait exercé les fonctions de Maître de Conférence à l'École des Sciences Politiques. Son penchant pour les sciences économiques le poussa à écrire de précieux documents sur les Problèmes monétaires, un autre ouvrage comme celui intitulé Vues d'économie objective.

En somme cet homme de bien qui possédait le culte du beau, du bien et du vrai dont l'âme sensible faisait de lui un être profondément attachant ; ce citoyen appelé aux plus hautes responsabilités de la nation, méritait amplement que son nom soit vénéré et surtout mieux connu de la population seynoise.

Dans le bourg natal de ses parents, une rue porte son nom. Il était bien naturel que la ville de La Seyne lui rende un hommage semblable.

J'estime avoir accompli mon devoir envers lui en écrivant sa biographie dans les Images de la vie seynoise d'antan dont de nombreux exemplaires se trouvent à la Bibliothèque municipale et dans les bibliothèques scolaires.

Nos écoliers et étudiants retiendront certainement le nom de ce Seynois d'adoption qui s'éleva au rang d'une gloire nationale.

 

Louis MEUNIER dit « Loulou » (1918-1999)

Seynois de souche, Louis Meunier naquit le 29 juillet 1918 au n° 19 de la rue d'Alsace. Son père et son grand père métallurgistes originaires du Languedoc étaient venus travailler aux Chantiers navals seynois au début du XXe siècle.

Sa mère, Fernande née Mathieu, était apparentée à une très ancienne famille seynoise : les Martinenq. Loulou, comme on l'appelait familièrement, fit ses études primaires à l'école François Durand (Émile Malsert aujourd'hui), poursuivies à l'École primaire supérieure Martini, interrompues en 1934 pour suivre ses parents à Saint-Nazaire où son père, technicien de très haut niveau fut chargé dans cette période, de mettre au point le chauffage central sur le paquebot Normandie en finition sur les Chantiers navals bretons.

Ses études interrompues, Loulou entra en apprentissage dans les ateliers de chaudronnerie.

À son retour à La Seyne, on le trouva aux Chantiers navals seynois où il passa son C.A.P. de chaudronnerie, puis à l'Arsenal de Toulon, après un concours de haut niveau.

L'année 1938 le prend pour son service militaire, deux années au service de la D.C.A. toulonnaise.

En 1941, il reprend son travail à l'Arsenal où il exerce son métier à bord des sous-marins.

Malgré les difficultés de la vie quotidienne dans cette période dramatique de la guerre, il connaîtra le vrai bonheur après sa rencontre avec Odette Marro, fille d'un commerçant seynois qu'il épousera en cette même année 1941.

Hélas ! Des heures douloureuses allaient suivre. En juin 1941, ayant adhéré au Parti communiste et au premier réseau de la Résistance locale au gouvernement de Vichy, le 17 mars 1942, la police fait incarcérer une vingtaine d'ouvriers de l'Arsenal coupables d'avoir distribué des tracts anti-allemands des citoyens patriotes, irréprochables que les autorités d'alors traitaient de terroristes.

Loulou et ses camarades connurent alors les cachots de la prison maritime, puis la prison Saint-Roch puis le départ en Lot et Garonne où se retrouvèrent 1 200 détenus gaullistes et surtout communistes à la centrale d'Eysses.

Après l'arrivée de ce dernier contingent provençal, sur l'ordre du gouvernement de Vichy est nommé à la direction un milicien d'origine seynoise, marié à une SS allemande, entouré des hommes du gang Sabiani, de sinistre mémoire, chargé d'appliquer un régime Gestapo, insupportable pour les détenus qui se révoltent le 19 février 1944.

La Résistance extérieure avait participé à cette opération audacieuse qui échoua malgré le courage des combattants dont Loulou Meunier faisait partie.

Un jugement s'en suivit sur ordre du Tribunal de Vichy qui fit fusiller 12 détenus et enfermer tous les autres sans liaison aucune avec leur famille.

Arrivé au terme de sa détention Loulou fut libéré en avril 1944 pour rejoindre aussitôt le maquis de l'Ardèche et continuer le combat jusqu'à la Libération.

Rentré à La Seyne après les hostilités, il reprit ses activités de syndicaliste C.G.T. à l'Arsenal - qu'il poursuivit sans relâche jusqu'à sa retraite.

À partir de 1953, Loulou s'engagea alors dans les batailles politiques en participant au relèvement de notre ville gravement sinistrée pendant la guerre. Il fut élu conseiller municipal sous la direction de Toussaint Merle et Philippe Giovannini en sa qualité d'ancien dirigeant du Moto-club seynois et impulsera la direction de l'office municipal H.L.M.

Le volet sportif de ses activités lui prit 30 années de sa vie, depuis qu'avec son père, ils avaient fondé le Moto-club seynois en 1928.

Dans ce domaine, il est nécessaire de nous étendre davantage car Loulou y conquit la célébrité.

Le Moto-club, fondé par Louis Meunier père, offrit pendant 40 ans à la population seynoise des compétitions de sport mécanique en concurrence avec d'autres équipes similaires de Paris, Carpentras, Avignon, Troyes, Marseille, Nîmes.

En 1938, le Moto-club seynois accède à la 2e place au Championnat de Provence.

Après les interruptions imposées par la guerre, le Moto-club reprendra ses activités avec Loulou comme capitaine de l'équipe. Sélectionné en équipe de France en 1953, il remportera la Coupe du Championnat de France en 1956.

Il refusa une 2e sélection en raison de son âge. Il avait alors 42 ans.

Sa carrière sportive, qu'il avait commencée dans sa prime jeunesse avec le vélo, se poursuivra pendant plusieurs décennies avec la moto ; il allait la poursuivre avec la chasse et la pêche.

Ce texte aurait pu s'intituler Les Meunier, famille d'ouvriers émérites, de syndicalistes, d'hommes politiques qui a laissé dans la population seynoise des souvenirs attachants par leur dévouement à la cause publique, par leurs qualités de travailleur et de techniciens de haut niveau, leur courage dans les années dramatiques des deux guerres mondiales, leur affabilité, leurs rapports chaleureux avec leurs semblables.

Ils ont été aimés de toute une population. C'est bien pourquoi leur souvenir méritait d'être perpétué dans ces hommages aux célébrités seynoises du XXe siècle.

 

Philippe GIOVANNINI (1908-1989)

Il m'a été bien difficile de résumer en quelques pages la vie de ce fils du peuple consacrée tout entière au combat pour la liberté et la justice sociale, une vie tumultueuse, véritable épopée, jalonnée de terribles épreuves, dont il triompha pour atteindre les sommets de la gloire.

Né dans un petit village de la région de Bastia au sein d'une famille de cultivateurs qui compta quatre enfants. Philippe Giovannini allait connaître de bonne heure les cruautés du destin qui s'abattit sur les siens.

Il avait seulement quatre ans quand son père mourut. Deux ans plus tard, sa mère rejoignit son époux dans la tombe.

Élevé par sa courageuse grand-mère, le jeune orphelin participa aux durs travaux de la terre : récolte des légumes, semailles, ramassage des châtaignes, conduite des boeufs au labour. Il supporta vaillamment les fatigues de la paysannerie.

Il fréquenta tout de même l'école primaire et se révéla par son application et son intelligence précoce.

Il assista avec émotion au départ de ses oncles à la guerre de 1914-1918 et de son meilleur ami à la guerre du Maroc quelques années plus tard. Ce fut alors qu'il prit conscience des injustices de la société humaine et que tout naturellement il pencha vers un idéal révolutionnaire. Il adhéra aux jeunesses communistes dont il sera trésorier. Une carrière politique se dessina pour lui dans cette période.

Il décida de quitter la Corse pour entrer à la compagnie des Tramways de Toulon, mais fut renvoyé après sous un prétexte futile.

En 1932, on le trouve comme soudeur aux chantiers navals de la Seyne, animateur de la C.G.T.U.

Là encore il sera licencié pour activité subversive.

Il fut tout de même mobilisé en 1939 et dès 1940, il décida de mener un combat antifasciste.

Hélas ! l'ennemi ne lui laissa guère le temps d'agir en décidant son arrestation le 11 Novembre 1940. Il fut alors interné au camp de Chibron dans le Var, puis transféré à Fort-Barraux (Isère), puis à Saint-Sulpice-la-Pointe d'où il réussira à s'évader le 14 Mars 1943 pour reprendre la lutte clandestine dans le Var en rejoignant le maquis des Maures.

Le 5 Mai 1943, il est de nouveau arrêté et emprisonné à Draguignan. Détail curieux : au cours d'une visite, sa femme, résistante également, réussira à lui faire parvenir une lime dans une boîte de conserve qui lui permit par un travail bien patient de scier un barreau de sa cellule et d'être libéré par ses camarades résistants. Il s'empressa de rejoindre le maquis des Basses-Alpes et prit le commandement d'une compagnie presque décimée.

En Avril 1944, il est affecté dans les Alpes-Maritimes comme dirigeant régional des F.T.P.F. (francs tireurs et partisans français) et organise la libération de Nice sous le nom de commandant Souny. Quelle épopée !

Un document édité par l'A.N.A.C.R. (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance) retrace dans les moindres détails les phases des combats et du soulèvement populaires qui aboutirent avec un minimum de pertes à la défaite des Allemands.

Pour Philippe Giovannini, les luttes n'étaient pas terminées. Elles prirent d'autres aspects plus pacifiques, il est vrai, mais néanmoins très rudes.

Quand on sait qu'il lui fallut affronter des campagnes calomnieuses émanées de pouvoirs rétrogrades et surtout des tâches administratives épineuses auxquelles il n'était guère préparé dans les ateliers de soudure ou dans la compagnie des Tramways toulonnais.

Dans l'après-guerre, il regagna la Corse, devint secrétaire fédéral du P.C., Conseiller municipal de Bastia en 1947. Mais l'année suivante il préféra regagner Nice où là encore il fut à la recherche d'un emploi. Il entra aux établissements Michel, entreprise de 600 ouvriers, spécialisée dans la fabrication de wagons.

Hélas ! ses activités politiques et syndicales n'étaient pas du goût des patrons. Ses fonctions de secrétaire de l'Union départementale C.G.T. des Alpes-Maritimes, ses activités syndicales se termineront par un licenciement.

Il fera un bref séjour aux Aciéries du Nord à la Bocca.

Enfin il retrouvera le Var en 1952 et un emploi aux chantiers du Midi proches de Balaguier, qu'il abandonnera en 1953 pour devenir premier adjoint de Toussaint Merle, maire de l'époque.

Il occupera honorablement cette nouvelle fonction après avoir reçu les précieux conseils de son camarade.

Pendant quinze ans, Philippe Giovannini participa à la résurrection de la Seyne martyre, sinistrée à 65 % : des voies nouvelles furent ouvertes, des quartiers se peuplèrent, des centaines de logements jaillirent du sol seynois, des structures sportives, sociales, scolaires, culturelles, dont les lecteurs retrouveront les traces dans la chronologie seynoise parue dans le Tome VI de notre ouvrage.

Les années 1960 furent pour la population seynoise un grand bond en avant pour le progrès général et l'amélioration sensible des conditions de vie.

Quand la journée funeste du 24 Mai 1969 vit la disparition du Maire Toussaint Merle, Philippe Giovannini, premier adjoint, devint le premier magistrat de la Seyne.

Depuis sa fondation en 1657 plus de trois siècles s'étaient écoulés et pour la première fois de son histoire, La Seyne se donna un Maire ouvrier.

Un homme simple plein de bon sens qui sut se hisser au niveau de la bonne administration mise en place par Toussaint Merle. Il domina les difficultés de sa tâche délicate, apporta à l'accomplissement de ses devoirs une rare conscience et une compétence reconnue de tous.

Il ne laissait rien au hasard, ne ménagea ni son temps, ni sa peine, ni sa santé pour l'aboutissement des projets municipaux. Il apportait à tout ce qu'il faisait une chaleur et une haute conscience sans éclat de voix, sans discours grandiloquents, en toute modestie. C'est bien pour tout cela qu'il fut estimé de ses camarades et de la grande majorité de la population.

N'est-il pas vrai qu'aux élections municipales de 1971, alors que 4 listes étaient en présence, Philippe Giovannini sera élu Maire avec près de 60 % des suffrages (cf. Liste d'Union dirigée par Philippe Giovannini le 14 mars 1971).

En 1973 poussé par ses camarades, il acceptera d'être candidat à la Députation malgré la maladie qui prenait un empire inquiétant sur sa santé.

Menacé par l'angine de poitrine, des opérations furent nécessaires en 1975 puis en 1976. À partir de 1978, la maladie dut le contraindre au repos et à passer le flambeau à d'autres camarades. Sa carrière s'était terminée brillamment. Il avait été maire, puis député de la 4e circonscription du Var.

La Légion d'Honneur lui fut décernée dans cette période. Ses camarades de la Résistance lui décernèrent l'ordre républicain des mérites civiques et militaires.

Philippe Giovannini mourut le 8 février 1989.

Des obsèques grandioses le conduisirent rejoindre Jeanne, son épouse, dans la tombe proche de celle de Toussaint Merle. Ce combattant lucide et courageux méritait bien qu'un hommage lui fut rendu ici et qu'une artère importante de la ville porte son nom.

[Voir également les notices biographiques de Philippe Giovannini et de Jeanne Giovannini, rédigées par Jacques Girault, dans le Dictionnaire du Mouvement Ouvrier Seynois].

 

Albert LAMARQUE (1885-1970)

Cette personnalité naquit à Pau (Basses-Pyrénées) le 14 octobre 1885. Toutefois il nous a paru nécessaire de l'intégrer dans cette rubrique pour la simple raison que sa famille s'installa dans le Var en 1893 alors qu'il n'était qu'un jeune garçon âgé de 8 ans seulement.

Fils d'un tailleur de pierre et d'une couturière, Jean Albert Lamarque fréquenta l'école des Frères et y obtint son certificat d'études primaires.

Nous verrons comment il s'intégra peu à peu à la vie ouvrière, au syndicalisme et plus tard à la vie politique.

Toute sa vie durant, il assuma des responsabilités fort diverses et devint pendant plusieurs décennies un personnage incontournable de la vie seynoise et varoise, ce qui explique amplement la raison de ce texte.

Nanti de son certificat d'études, il entra en apprentissage chez un serrurier, puis un armurier en 1890.

Puis il s'engagea pour 5 ans dans la marine où il devint aussitôt quartier-maître fourrier. Un an après, il gagna la confiance du commandant du Suffren et en devint le secrétaire.

En 1908, il s'engagea dans le mouvement syndical où il fit une longue carrière. Il devint secrétaire du syndicat de l'agglomération ouvrière seynoise en 1910. Il se distinguait alors parmi les antimilitaristes de la ville.

Il soutint dans cette période les cheminots en grève ainsi que les ouvriers de la Navale.

Collaborateur actif du journal corporatiste L'émancipateur, il eut toute la responsabilité syndicale régionale et devint en 1918 secrétaire général de l'Union fédérative des travailleurs de l'État qui adhéra par la suite à l'Union départementale C.G.T. du Var. Dans cette période, ce syndicat était fort de 3 000 adhérents.

Albert Lamarque entra dans la carrière politique par son adhésion à la section socialiste S.F.I.O. de la Seyne en 1915. Il fut alors jugé par le sous-préfet de l'époque : le syndicaliste fervent à tendance révolutionnaire car il entretenait des relations avec les milieux anarchistes de la jeunesse libre.

L'année 1919 fut marquée à La Seyne par une longue grève que Lamarque et ses partisans n'approuvèrent guère. Il s'ensuivit un conflit d'une telle ampleur que la majorité des travailleurs en grève obtinrent l'exclusion de Lamarque du syndicat.

Par contre sa carrière politique s'ouvrit sous de meilleurs auspices. Son rôle à la S.F.I.O. fut marqué par des succès électoraux en 1919 à la faveur des élections municipales. Il constitua une liste avec des radicaux et des socialistes indépendants conduite par le Docteur Mazen.

Élu brillamment, il devint par la suite premier adjoint au Maire et le restera jusqu'à la deuxième guerre mondiale. Il fut donc pendant 20 ans la cheville ouvrière du Conseil municipal de la Seyne.

Conseil municipal de La Seyne à l'époque du Docteur Mazen, maire (5° assis à partir de la gauche). Albert Lamarque est le 4° assis à partir de la gauche.

Sa carrière politique allait se poursuivre avec succès par son élection au Conseil général en 1922. Il quitta l'Arsenal en 1932 et devint collaborateur régulier du Petit Provençal et un rédacteur à plein temps.

Des complications dans la vie politique surgirent chez les socialistes. La scission du Parti socialiste en 1932 amena Lamarque à se séparer de son ami Renaudel, député du Var.

Les menaces fascistes de 1934 l'incitèrent à apporter son soutien au Front Populaire, attitude qui lui assura sa réélection au Conseil général où il fut, pendant plusieurs années, rapporteur du budget.

Avec l'arrivée du gouvernement de Vichy, sa carrière politique connut les plus grands déboires.

Le Conseil municipal de la Seyne fut chassé de la mairie par un simple arrêté préfectoral.

Toutefois Lamarque ne fut pas inquiété et il demeura un collaborateur de la presse de cette époque.

À la libération, il tenta des démarches pour remettre en selle la municipalité socialiste d'avant la guerre. Ce fut un échec.

La République fut reconstituée et les élections donnèrent au pays de nouvelles structures.

Des élections municipales eurent lieu le 29 Avril 1945. Lamarque se présenta sur une liste socialiste contre celle issue des organisations de la Résistance animée par le Docteur Sauvet et appuyée efficacement par le Parti communiste. La liste socialiste fut largement distancée.

Deux ans plus tard les Seynois accordèrent leur confiance à Toussaint Merle qui eut alors à faire face à la vindicte des socialistes présents au Conseil municipal grâce au scrutin proportionnel.

Des campagnes de presse calomnieuses et particulièrement venimeuses contre Toussaint Merle éloignèrent davantage les socialistes de la population seynoise.

Leurs élus n'assistèrent plus aux séances du Conseil municipal.

Leur offensive reprit en 1959 au moment de la vague gaulliste. Leur alliance avec des gens bien connus de la droite traditionnelle apporta de nouveaux déboires au parti socialiste et à ses dirigeants.

La liste communiste conduite par Toussaint Merle triompha de nouveau et pour longtemps.

Cependant depuis la libération Lamarque se distinguait par ses activités journalistiques aux quotidiens Toulon Soir et République.

Revenons quelque peu en arrière pour évoquer d'autres activités et non des moindres, de l'adjoint au Maire de la Seyne. En 1948, il avait été élu Conseiller de la République, nouvelle appellation d'un sénateur, fonction obtenue par le suffrage restreint et que Lamarque abandonna en 1958.

Son état de santé s'aggravant, ses activités se ralentirent considérablement. Il mourut le 1er Avril 1970.

Durant ses 20 années de présence à la tête de la ville il fut la cheville ouvrière de la municipalité socialiste soucieuse d'apporter à la population des améliorations à sa vie quotidienne. Les oeuvres sociales furent développées : Le sou des écoles, la goutte de lait, les colonies de vacances, la gratuité des fournitures scolaires, aide aux sociétés sportives (Vélodrome de la Canourgue - Stade de la Muraillette). Les problèmes de l'eau et de l'assainissement furent amorcés.

En somme, la carrière d'Albert Lamarque fut très longue et globalement positive en dépit de toutes les embûches et les turpitudes occasionnées par les conflits internes de son Parti, par le triomphe momentané du fascisme, par les joutes sévères avec ses adversaires politiques.

Son nom et ses multiples activités méritaient d'être soulignés dans cette biographie succincte.

Disons pour conclure que le Conseil municipal de 1984 décida de donner son nom à une artère de la ville, hommage bien justifié.

 

Émile MALSERT (1887-1964)

Les milliers de nos concitoyens qui ont connu cet homme d'élite seront certainement satisfaits de voir figurer sa biographie dans cette rubrique qui pourrait s'intituler :

« Célébrités seynoises du XXe siècle ».

Émile Malsert fut Seynois d'adoption à partir de 1932, mais son rôle d'éducateur éminent de la jeunesse qu'il joua pendant plus de 20 ans, les traces si profondes qu'il a laissées dans notre cité, justifient amplement que son souvenir soit pérennisé.

Né à Saint-Vallier, dans la Drôme, le 2 septembre 1887, il est issu d'une modeste famille de cultivateurs, confrontée aux tâches les plus rudes en un temps où les travaux de la terre avec un outillage des plus primitifs, exigeaient une volonté farouche et un courage à toute épreuve.

Ses six enfants élevés, le père d'Émile devint chef-cantonnier de son village. Il éprouva de grandes satisfactions à voir son fils aîné poursuivre ses études avec obstination tout en veillant sur la bonne conduite de ses frères et soeur.

Entré de bonne heure à l'école d'instituteurs de Privas, Émile se révéla par ses grandes qualités pédagogiques qu'il mit au service de l'école laïque naissante, violemment combattue par le cléricalisme tout puissant d'alors.

Il collabora dès 1913 à un journal d'avant-garde : l'École émancipée et l'on peut retrouver sa signature à la rubrique Mathématiques.

Son intelligence lui permettait d'envisager une situation plus élevée. Hélas ! La guerre de 1914 éclata et ses projets furent retardés de plusieurs années. Mobilisé comme chef-comptable de son unité, la guerre lui prit 5 ans de sa vie.

Marié à une institutrice ardéchoise, Marguerite Laffont, il travailla ardemment pendant deux ans tout seul et devint professeur.

Il enseigna à Aubenas (Ardèche), puis devint directeur du Collège de Valréas (VAucluse), un internat qu'il fit rapidement progresser.

Il chercha à améliorer ses conditions de vie matérielle car les instituteurs de l'époque, avec un traitement mensuel de 70 à 80 F par mois, vivaient misérablement.

Ce fut en 1932 qu'il obtint la direction de l'École Martini à la Seyne composée alors de 3 branches d'enseignement : primaire, primaire supérieur, section technique appelée alors École pratique.

Son autorité, ses qualités professionnelles, sa puissance de travail considérable apportèrent à l'enseignement de tels progrès que l'École Martini devint un établissement de haute réputation dans l'Académie du Var.

On peut affirmer que toute une génération de Seynois et aussi de Seynoises y a reçu une empreinte si bénéfique qu'il serait bien difficile d'évaluer le nombre de ses élèves devenus par la suite des ouvriers et des techniciens de haut niveau, des dessinateurs d'élite aux chantiers navals, des instituteurs, des professeurs, des officiers de haut rang des armées de terre de mer, des médecins.

Ce fut bien à l'École Martini qu'ils reçurent une solide éducation de base leur permettant d'accéder à des situations brillantes.

Certes tout cela a déjà été dit dans notre Histoire de l'École Martini, mais il n'est pas inutile de le répéter pour ajouter que M. Malsert a contribué pour une large part à cette oeuvre magnifique en assurant les plus hautes responsabilités pendant 20 ans dans des conditions de travail parfois révoltantes qu'il n'est pas inutile de rappeler succinctement.

Qu'on en juge ! Chaque matin, arrivé le premier dans l'établissement, il surveillait l'entrée dans la cour, puis l'entrée dans les classes après des alignements impeccables et un silence absolu. Il ne tolérait aucun retard des élèves, encore moins pour les maîtres.

Il batailla longtemps contre l'administration de l'Éducation nationale qui lésinait pour la création d'un surveillant et d'un secrétaire. Et pourtant l'école recevait déjà plus de 600 élèves, toutes sections confondues.

M. Malsert finit par obtenir officiellement la création d'un poste de secrétaire en 1951.

Jusque-là il surveilla, il distribua des livres et des cahiers à chaque rentrée. C'était dans son bureau que les maîtres recevaient leur dotation de boîtes de craies, d'encre et autres fournitures que lui seul comptabilisait par souci d'économie. C'était lui aussi le dactylo qui assurait le courrier administratif, recevait les professeurs, les parents d'élèves, exigeait de la concierge le signal des récréations et des rentrées.

Toujours lui, pendant quelques instants de répit qui inspectait les classes car il estimait nécessaire son rôle pédagogique. Il connaissait tous les élèves et fustigeait les paresseux et surtout les manquements à la discipline. Il gardait les fautifs dans son bureau après la sortie des classes et la retenue consistait surtout en problèmes supplémentaires.

Si, dans un cas de force majeure un professeur s'absentait, il le remplaçait sur le champ, quelle que soit la discipline enseignée.

Un tel exemple forçait l'admiration de son personnel qui le tenait en haute estime. Les parents d'élèves le vénéraient parce qu'il avait le souci constant de ne pas voir un enfant, un adolescent quitter l'école sans la perspective assurée d'une situation valable. Et il n'eut pas la joie de travailler dans des locaux confortables, bien chauffés, bien équipés.

Dans les dernières années de ses fonctions, l'École Martini était devenue un monstre avec des constructions disparates, des baraquements occupant presque entièrement les cours de récréation.

Après 40 ans de labeur au service de l'Éducation nationale et de l'idéal laïque, M. Malsert prit une retraite bien méritée. Il se retira à la campagne avec sa compagne dévouée à qui des centaines de jeunes Seynois lui doivent de savoir lire et compter correctement. Dans sa petite propriété appelée Aigues Marines, il vécut quelques années d'un repos bien mérité.

Il ne fut pas coupé de la vie associative et prêta son concours à la Délégation cantonale et à l'Amicale laïque.

Ses amis et anciens collaborateurs lui rendaient des visites fréquentes pour égrener les souvenirs attachants de leur carrière professionnelle.

Hélas ! Les rencontres amicales, les heures de quiétude ne durèrent qu'une douzaine d'années. En 1964, une fin brutale plongea tous les siens, tous ses amis dans la consternation. Il repose dans le petit cimetière de Six-Fours.

Il nous a quittés, mais son souvenir demeure vivace dans la population. Souvenir d'un homme véritable, d'une rare probité, dont la vie fut faite de simplicité, de droiture, de courage, d'abnégation.

Malgré l'épaisseur du temps écoulé, le souvenir de cet homme de bien persiste intensément dans la population seynoise.

Le 10 Novembre 1973, quand l'important groupe scolaire appelé autrefois François Durand fut terminé, la municipalité de l'époque, décida de donner le nom d'Émile Malsert à la nouvelle structure, et conjointement de désigner du même nom le square aménagé face à l'école, en bordure de la rue La Fontaine.

Il était bien normal que ce nom fut gravé dans la pierre qui porte l'inscription suivante :

« Émile Malsert - Principal du Collège Martini (1932-1952) ».

 

Louis BAUDOIN (1892-1983)

Louis Baudoin est né le 10 décembre 1892 à La Seyne dans la rue Denfert-Rochereau qu'on appela autrefois la rue Saint-Roch, ainsi dénommée parce qu'elle desservait une chapelle où nos anciens invoquaient ce saint dans les périodes d'épidémies de peste et de choléra.

La chapelle en ruines fut remplacée par un lavoir public du même nom Saint-Roch.

Issu d'une ancienne famille seynoise qui compta des personnalités remarquables, un père officier de marine, un grand père constructeur naval, le jeune Louis Baudoin fit ses premières études à l'Externat Saint-Joseph, école primaire dirigée par des prêtres, sise boulevard du 4 Septembre à son début et donnant également sur la route de la Donicarde.

La discipline y était rigoureuse, ce qui convenait parfaitement à l'écolier Baudoin, obéissant, désireux de s'instruire, doué de moyens intellectuels prometteurs.

Ses études furent tout de même perturbées par la mort prématurée de son père.

Appelé à défendre sa patrie en 1914 il combattit sur les fronts du Moyen-Orient et en Serbie et en revint avec des distinctions honorifiques de qualité.

La paix revenue, Louis Baudoin entra à l'arsenal de Toulon dans les fonctions de secrétaire comptable, charge qu'il assuma à la grande satisfaction de ses supérieurs. Dès son jeune âge, il avait manifesté le plus grand intérêt pour l'histoire et plus particulièrement celle de notre terroir seynois et provençal.

Il écrivit de modestes ouvrages sur le passé de Gonfaron, sur le fort de Balaguier sur l'institution des Maristes, une monographie sur l'Église N.-D. de Bon Voyage, un Seynois au Parlement de Provence, etc...

Toujours à la recherche de documents, il parcourut les villes, les villages infatigablement. Il consulta pendant des années les archives communales, départementales du Var, des Bouches-du-Rhône, il compulsa des dossiers dans les mairies, les Préfectures, chez les notaires, dans les presbytères, les bibliothèques avec le souci constant d'une recherche rigoureuse, de l'exactitude et de la vérité historique.

Il adhéra à plusieurs sociétés à caractère culturel de Toulon et du Var ainsi qu'à la Société des Sciences naturelles.

Tout en poursuivant sa carrière de technicien et cadre à la D.C.A.N. à l'Arsenal maritime, Louis Baudoin ne cessa de se passionner pour l'histoire locale, nos magnifiques paysages, l'archéologie, les monuments historiques.

En 1949, en accord avec d'autres personnalités comme Pierre Fraysse, le Père Bouvet, le Docteur Sauvet, il fonda l'association des Amis de La Seyne Ancienne et Moderne qui rassembla en quelques jours des centaines de nos concitoyens amoureux du passé de leur ville natale.

Alors d'année en année se multiplièrent : les causeries, les conférences, les projections, les excursions, les visites commentées et plus tard les voyages même lointains. Inutile d'insister sur le caractère éminemment culturel de toutes ces activités.

Et Louis Baudoin assura pendant 17 ans ses fonctions de Président à la satisfaction de tous les membres de l'Association et on peut dire de toute la population qui lui portait la plus haute estime.

Ayant accumulé des richesses de documents sur sa ville natale, le Président Baudoin offrit à la population seynoise son oeuvre maîtresse : « Histoire générale de La Seyne et son port ». C'était en 1965.

Cet ouvrage énorme, de plus de 900 pages, il lui avait paru nécessaire de l'écrire parce que disait-il le passé culturel de La Seyne ne s'est guère enrichi pendant les siècles précédents.

Il exista peu d'ouvrages à caractère historique sur notre cité seynoise, exception faite des publications émanant des techniciens de La Navale qui racontaient, surtout à des fins publicitaires, les prouesses des chantiers maritimes dans les domaines civils et militaires.

Malgré l'énormité de la tâche, notre historien ayant consacré plusieurs années de sa vie à la rédaction de cet ouvrage, le financement fut trouvé par une souscription publique qui s'avéra fructueuse en quelques semaines.

Alors les Seynoises et les Seynois purent enfin connaître leurs véritables origines sur les XVIe, XVIIe, XVIIIe et IXe siècles.

M. Toussaint Merle, maire de La Seyne dans cette période, écrivit dans cet ouvrage dont il fut l'auteur de la préface :

« Oui, M. Baudoin « ce pays attendait son histoire » ainsi que vous l'écrivez dans l'avertissement au lecteur. Et vous avez raison.

Nous l'attendions aussi. Nous vous remercions de nous l'avoir donnée ».

Cet ouvrage connut un tel succès, qu'après la disparition de l'auteur, l'Association La Seyne Ancienne et Moderne fit procéder à une réédition.

Le mercredi 9 novembre 1983 Louis Baudoin s'éteignit à son domicile de l'avenue Donicarde. On imagine l'émotion profonde de la population qui venait de perdre son historien, son écrivain bien aimé.

Après une cérémonie religieuse en l'église Notre-Dame, les obsèques se déroulèrent à Gonfaron où Louis Baudoin souhaitait reposer à côté de son épouse.

Une foule nombreuse participa à toutes les cérémonies à tous ces hommages bien mérités.

Le 22 septembre 1984 un hommage particulier fut rendu à Louis Baudoin : une plaque portant son nom fut apposée au parvis de l'Église Notre-Dame de Bon Voyage, en présence du Père Abbelé, curé de la paroisse.

Il était bien naturel que cet hommage fut rendu à cet homme de bien, connu de tous pour ses qualités humaines de bonté, de générosité, de simplicité, d'affabilité sans parler de ses qualités intellectuelles qui firent de lui, un véritable historien, un savant qui reconstitua les siècles d'histoire de sa ville natale dans tous leurs aspects, une population travailleuse, courageuse face aux terribles événement dramatiques vécus, une volonté inflexible dans les luttes pour la liberté des citoyens, la démocratie des institutions, les progrès matériels au profit du bien être général.

En reconnaissance de son oeuvre magistrale, de ses services éminents rendus à sa ville natale et sa population, il a paru important à l'auteur des Images de la vie seynoise d'antan qu'une biographie de Louis Baudoin soit intégrée dans le présent recueil de souvenirs.

Il arrive si souvent que les écrivains, les journalistes, les historiens de la génération présente fassent des références à L'Histoire générale de La Seyne que l'on considère son auteur toujours parmi les Seynois. Il est mort seulement pour l'état civil !

Ces quelques lignes, en conclusion de sa biographie, contribueront à pérenniser le souvenir d'un seynois éminent du XXe siècle.

 

Pierre CAMINADE (1911-1998)

Né à Montpellier le 25 octobre 1911, d'un père imprimeur et d'une mère directrice de maison de couture, le jeune Pierre Caminade fit ses études dans sa ville natale jusqu'à l'université. En 1923, il obtint sa licence en droit, entra dans la vie active, s'occupa du ciné-club de Montpellier, collabora à plusieurs journaux locaux se passionnant pour la vie de sa ville qu'il aima comme on aime sa mère.

Entre 1930 et 1935, l'ardeur de sa jeunesse le poussa à des activités politiques, sans négliger sa propension à la poésie. Il se manifesta à l'association des artistes et écrivains révolutionnaires.

Dans les années 1935 à 1947, il entre comme rédacteur au ministère du travail et devient critique littéraire dans la spécialité Arts et Lettres.

En 1947, il devient Conseiller aux affaires économiques du Haut-Commissariat de France en Indochine où il exercera ses fonctions pendant sept ans. On peut donc juger jusqu'ici de la diversité des responsabilités qu'il fut capable d'assumer.

Ce sera à partir de 1954 que les Seynois feront sa connaissance et pourront juger de ses qualités pendant plus de 40 années.

Qualités d'un homme attachant et discret d'une grande sensibilité aux problèmes humains, un être aux activités culturelles multiples qu'il mit au service de la culture et des arts. La population appréciera ses talents de poète, de journaliste, de conteur, de romancier, d'organisateur de manifestations à caractère culturel, dans une localité qu'il nomma dès son arrivée à la Seyne La ville de mer aux quarante collines.

Il y exercera ses qualités journalistiques et plus spécialement dans la rubrique Arts et Lettres.

Il écrira une Histoire des Forges et Chantiers de La Méditerranée, des ouvrages sur Toulon et le Var.

Il animera des conférences de la société méditerranéenne de Philosophie avec le Professeur Lantéri. Il fut l'animateur incomparable de l'office municipal de la culture et des arts (O.M.C.A.) structure qui prit naissance le 27 février 1967.

À ce point de notre récit, il convient de faire le point sur les problèmes de la culture seynoise avant l'arrivée des municipalités progressistes donc avant la dernière guerre 1939-1945. Dans le passé de notre ville les problèmes de la culture et des arts ne furent abordés que d'une manière épisodique.

Ce fut seulement à partir de 1830 que La Seynoise se manifesta par sa philharmonie et un orphéon. Avec la construction de L'Eden Théâtre, place de la Lune en 1891 la population s'éveilla timidement à une vie culturelle. Cet établissement, devenu plus tard le Comédia reçut des conférenciers, des musiciens, des artistes cela pendant 53 ans. Sa carrière cessa au bombardement du 29 Avril 1944 où il fut anéanti.

Il faudra attendre jusqu'en 1903 pour trouver une structure à caractère culturel avec l'érection du kiosque à musique place Ledru-Rollin.

Inutile d'insister sur le fait que les deux guerres mondiales ne furent guère propices pour les édiles, les administrateurs, les hommes politiques, pour intéresser les populations aux problèmes de la culture.

Il fallut attendre le milieu du XXe siècle pour voir enfin la création d'un ministère de la culture et des arts. Rappelons qu'à la Seyne Les Cigaloun Segnen naquirent dans les années 1925 et se manifestaient pendant les fêtes locales par des spectacles à caractère folklorique. Dans la même période, l'Hôtel de ville ouvrit une modeste bibliothèque à la population.

Ce fut seulement à partir de 1959 que le nouvel Hôtel de ville permit avec sa grande salle des fêtes le démarrage d'une vie culturelle à La Seyne.

Le 27 février 1967 une structure nouvelle prit naissance qu'on appela O.M.C.A. (office municipal de la culture et des arts) et ce fut précisément au sein de cette organisation que Pierre Caminade allait jouer un rôle déterminant pour donner à la vie culturelle seynoise un essor impressionnant.

La première présidence fut confiée à Jean Passaglia, adjoint au Maire de Toussaint Merle, avec Pierre Caminade comme vice-président et Jean Ravoux comme secrétaire.

Quels étaient les buts de cette structure nouvelle ?

Encourager, développer, coordonner les activités culturelles locales et instituer un équipement socioculturel. On assista alors dans les années qui suivirent à une véritable flambée d'initiatives multiformes avec la création de l'école municipale de musique, celle des Beaux-arts, des centres culturels Jacques Laurent, Toussaint Merle, quartier Berthe.

Dès son origine, l'O.M.C.A. groupa 25 associations aux objectifs les plus divers. Il serait fastidieux de les citer toutes. Disons simplement qu'aux plus anciennes comme La Seynoise, les Sports et Loisirs, La Seyne Ancienne et Moderne, se joignirent d'autres groupements plus récents comme Les Amis de l'Orgue, le Club Antarès, les Jeunesses Musicales de France », etc...

En somme toutes les disciplines à caractère culturel furent groupées au sein de l'O.M.C.A. qui ne tarda pas à se doter d'une revue intitulée Étraves où les associations de toutes obédiences pouvaient s'exprimer librement dans les rubriques : littérature, peinture, philatélie, cinéma, danse, musique, théâtre.

Dès qu'il arriva à La Seyne en 1954 avec son épouse Madeleine, Pierre Caminade exerça ses talents de journaliste dans la presse locale et diverses revues.

Mais la revue Étraves le captiva particulièrement. Il y rendit compte dès la première année de plus de 100 manifestations auxquelles la population répondit avec empressement : expositions, conférences, spectacles, fêtes locales et les initiatives étonnantes de Caminade mirent à l'honneur les musiciens, les urbanistes, les peintres, les gens de lettres, les philosophes, les techniciens de nos chantiers navals.

L'éventail des sujets traités fut très large. Les articles de la revue Étraves rendaient aussi des hommages aux célébrités disparues : Émile Malsert, Alex Peiré, Rousselot, Louis Baudoin...

Ils informaient la population des programmes du Théâtre de Toulon, de Châteauvallon, des ouvrages écrits par des auteurs locaux, des travaux scientifiques de l'Institut de Biologie Michel Pacha, des problèmes de la langue occitane, de ceux de la jeunesse en liaison avec l'Amicale des Adolescents, des Éclaireurs de France, etc...

En somme, Pierre Caminade maîtrisait à merveille toutes les formes de la culture et des arts.

Il en fut d'ailleurs récompensé par son succès au doctorat ès-lettres (3e cycle) qu'il obtint en 1969.

Son nom restera solidement attaché à la liste des personnalités marquantes qui ont impulsé avec la plus grande efficacité la vie culturelle seynoise.

Il m'est particulièrement agréable d'avoir pu, par ces lignes succinctes, lui rendre un hommage qu'il a bien mérité.

[Voir également l'article paru dans l'ouvrage collectif Présence de Pierre Caminade, sur le site internet de René Merle].

 

Marius AILLAUD (1866-1944)

Ce fut à Bandol le 2 février 1866 que naquit Marius Édouard Aillaud au sein d'une famille très nombreuse de quatorze enfants dont il occupa le dernier rang. Son père exerçait le métier de tonnelier modestement rétribué.

On devine les conditions précaires de l'époque à faire vivre la maisonnée avec une telle progéniture. Marius Aillaud reçut de sa famille des soins particulièrement attentifs.

Dès son plus jeune âge, il se révéla par une intelligence précoce et aussi par son caractère obstiné. Il fit une scolarité primaire brillante et même surprenante au point que ses parents l'encouragèrent à poursuivre des études. Quelques années plus tard, il entra à l'École normale d'instituteurs de Draguignan.

À la sortie, nanti de son brevet supérieur, il enseigna dans le Haut-Var, à Seillans, pour quelques mois seulement.

En 1890, nommé à La Seyne, il y fondera son foyer et enseignera jusqu'à son départ à la retraite en 1929, totalisant ainsi 40 années au service de l'Instruction publique.

S'il ne fut pas un Seynois d'origine, on peut considérer qu'il le devint à la fin du XIXe siècle et si j'ai estimé indispensable de lui consacrer une biographie cela tient au fait qu'il devint au XXe siècle l'un des acteurs les plus représentatifs et les plus influents de la vie seynoise. Les lignes suivantes vont en apporter des preuves indiscutables.

Il demeurait au quartier Domergue, chemin des Quatre-Moulins, effectuait quatre fois par jour le même trajet qui le conduisait à l'école. Mais chaque matin avant la rentrée des classes, il faisait ses provisions sur le marché qu'il apportait à son épouse, pour lui éviter bien des fatigues. Il se donna corps et âme à son métier qu'il exerça avec une compétence, une autorité et un dévouement incomparables en même temps, qu'il défendait avec beaucoup de conviction l'école laïque dans la période difficile où s'appliquait la loi sur la séparation de l'Église et de l'État alors violemment combattue par le clergé tout puissant.

Les occupations familiales et professionnelles lui prenaient la majeure partie de ses journées et pourtant il s'intégra dès son arrivée à La Seyne à la vie associative. Il devint Président des Boulomanes seynois puis s'intéressa particulièrement à la musique. Nous reviendrons longuement sur son rôle à la tête de la philharmonique La Seynoise.

Attardons-nous quelques instants à rappeler le rôle du maître dès qu'il fût chargé de la classe préparatoire au certificat d'études à l'École Martini.

À ses débuts, les affectifs trop lourds faisaient déjà l'objet de revendications des maîtres. M. Aillaud exigea un minimum de 30 élèves pour assurer des succès à l'examen. Le directeur de l'époque obtint de l'administration la création de deux classes parallèles dont les cours furent confiés à M. Aillaud ainsi qu'à M. Guigou, autre instituteur d'élite, avec des effectifs de 28 élèves. Notre Histoire de l'École Martini a rappelé aux anciens élèves de M. Aillaud des souvenirs précis sur la sévérité de ce maître infatigable, rarement assis à son bureau, circulant dans les travées, surveillant de très près l'écriture de chaque élève, son orthographe, le contenu des cartables.

Les programmes scolaires surchargés exigeaient un véritable surmenage. On n'arrêtait pas d'écrire, de réciter, de « rabâcher » inlassablement les règles de grammaire, les règles de calcul mental. Cette pédagogie a bien changé, mais il faut reconnaître que celles des Aillaud et des Guigou portaient tout de même leurs fruits.

Pendant tout le mois de juin, ces maîtres exigeaient notre présence à l'école à 7 H du matin donc une heure avant l'entrée officielle de 8 H.

Durant cette heure supplémentaire (non rétribuée aux instituteurs) les élèves faisaient une dictée et deux problèmes. Après, le travail habituel commençait. Personne ne protestait contre le surmenage ! Mais au début de Juillet, les 28 élèves de la classe étaient reçus à leur certificat d'études. M. Aillaud n'aurait toléré aucun échec !

Ainsi pendant plusieurs décennies, M. Aillaud instruisit avec beaucoup de succès des centaines et des centaines de jeunes seynois. Il joua donc son rôle d'éducateur à merveille et avec un grand courage car il connut une situation familiale difficile.

Dans les années 1923 et 1925, deux de ses trois filles moururent, âgées de 21 et 23 ans. Son épouse gravement malade, il obtint de l'administration de l'instruction publique l'autorisation de prolonger l'exercice de sa fonction, ce qui porta son ancienneté à 45 ans.

En sa qualité d'éducateur du peuple, il avait déjà conquis une large audience dans la population. Et malgré l'ampleur de ses tâches familiales et professionnelles, il joua aussi un rôle considérable au plan culturel.

Passionné de musique, il avait adhéré dès le début du siècle, à la Philharmonique La Seynoise qui déjà était la doyenne des sociétés locales dont on parlait depuis 1830 avec à sa tête le fondateur Marius Gaudemard.

En 1922 il en fut élu Président et pendant plus de 20 ans il en fut un animateur incomparable.

Dans cette période d'après la guerre de 1914-1918 la population, et la jeunesse surtout, aspirait à une vie nouvelle, après les heures dramatiques, angoissantes et surtout les deuils cruels.

Les fêtes se multiplièrent, les bals, les batailles de fleurs, les corsos carnavalesques et obligatoirement la musique devait être partout.

Et le prestige de la Seynoise atteignit les sommets après qu'elle eut remporté les premiers prix au concours international de Cannes de 1925, l'orchestre étant alors dirigé par un musicien prestigieux qui fut intégré à la vie seynoise : César Castel dont le souvenir vivace demeure dans la population et même de nombreux élèves de l'école Martini, à qui il enseigna le solfège.

Le Président Aillaud, avec la même rigueur du maître d'école, administra la Philharmonique, il assura avec une régularité inflexible le courrier administratif, il sut entretenir de bonnes relations avec tous les partenaires de la vie associative locale, organiser des sorties, excursions de la musique, dans la plupart des villages varois, régler les conflits personnels au sein de l'Association..., bref il joua admirablement son rôle de Président, nonobstant les difficultés de toutes natures.

Et parmi ses initiatives les plus spectaculaires, ce fut dans les années 1922-23, la construction de la salle de répétition, rue Gounod, qui devint le siège officiel de la Philharmonique, où par la suite, purent s'effectuer les répétitions de la musique, des bals, des festivités, des réceptions officielles, des banquets, des mariages, etc...

Cette salle spacieuse porta, par la suite, le nom de salle Marius Aillaud.

Après vingt années de présidence active, celui que l'on appela le grand président commença de ressentir des fatigues inévitables. Il exprima le désir d'être remplacé. Les musiciens, surtout les plus anciens, le persuadèrent du contraire.

Mais avec la guerre, la municipalité vichyste, l'occupation ennemie, la gestion de la Seynoise devenait intenable. La salle de répétition fut réquisitionnée, les archives menacées de disparition. Marius Aillaud, jusqu'à l'extrême limite de ses forces, lutta contre les autorités locales pour sauvegarder le riche patrimoine de l'association.

Affaibli par les restrictions alimentaires, handicapé à la suite d'un accident, Marius Aillaud s'éteignit le 4 Janvier 1944. Il n'eut pas la joie d'assister à la débâcle de l'occupant et de ses acolytes locaux, et de revoir sa chère musique réintégrée dans tous ses droits et ses honneurs.

Ses obsèques s'effectuèrent très discrètement. Les autorités locales n'ayant même pas permis que le drapeau tricolore de la philharmonique soit porté en tête du cortège.

L'histoire seynoise n'oubliera pas la contribution remarquable que Marius Aillaud a portée à l'instruction publique en même temps qu'il a répandu, dans les populations seynoise et varoise, l'amour de la culture celle de l'art musical en particulier.

 

Toussaint MERLE (1911-1969)

Notre Tome II des Images de la vie seynoise d'antan a consacré près d'une centaine de pages à la personnalité de Toussaint Merle, à ses origines, à sa carrière d'enseignant, à son rôle de Résistant pendant les années noires de la guerre et du fascisme, à ses activités politiques, à ses mandats électoraux, au rôle capital qu'il joua comme premier magistrat de notre ville, comme conseiller général du Var, à ses responsabilités nationales... Tout cela avec des bilans de réalisations incomparables.

Et pourtant tout n'a pas été dit sur sa vie prodigieusement féconde.

Dans le sujet traité ici, il m'a paru nécessaire de revenir sur cette personnalité inséparable de l'oeuvre accomplie dans le même temps par les Baudoin, les Caminade, les Malsert, les Giovannini..., autres acteurs éminents de la vie seynoise dans un siècle profondément troublé par deux guerres mondiales, des catastrophes économiques, des mutations migratoires inattendues, autant de facteurs déstabilisants de la vie seynoise.

Né à la Seyne le 4 Avril 1911 au numéro 76 de la rue Victor Hugo, l'une des plus anciennes de notre cité, au sein d'une famille de métallurgistes de la construction navale.

Il apprit à lire, écrire et compter dans une petite école privée de la rue Messine dirigée par une dame dévouée et pauvre appelée familièrement par les habitants du quartier : Tata Rossi. Il accéda à l'école primaire Martini, la première école d'enseignement public.

Après notre certificat d'études primaires, je fis mieux sa connaissance à l'école primaire supérieure dirigée dans cette période par M. Peyron.

Cinq ans plus tard, nous étions admis à l'école normale d'instituteurs de Draguignan (Juillet 1928). Au cours des trois années d'internat sous la direction de M. Gilet, enseignant d'une rare compétence, Toussaint et Marius se lièrent d'une amitié sans faille qui dura toute leur vie, malgré toutefois des différences sensibles de nos affinités et de nos caractères.

Après notre service militaire, il nous arriva d'enseigner dans les mêmes écoles. Quand la guerre survint, nous nous sommes retrouvés dans le camp des résistants au fascisme. Ses options politiques, il tint absolument à me les faire partager, surtout à partir de son accession à l'Hôtel de ville comme premier magistrat.

C'est ainsi que je devins l'un de ses adjoints et le demeurai jusqu'à sa mort.

On peut dire que deux existences comme les nôtres se sont conjuguées étroitement, au point qu'il m'est possible de parler de lui mieux que d'autres.

Dans cette brève relation, il sera peu question des luttes politiques déjà évoquées dans le Tome II de notre ouvrage.

On sait que Toussaint Merle assuma les responsabilités les plus diverses que lui demanda le Parti communiste. Il fut successivement secrétaire de la Fédération, Conseiller de la République, Conseiller général, député à deux reprises (1956-1958 - puis 1967-1968). La responsabilité la plus écrasante fut la charge de Maire (1947-1950-1953-1959-1965).

On pourrait parler longuement de ses interventions redoutées, de ses adversaires politiques du Conseil général.

Ici, il est nécessaire de montrer sa contribution considérable au développement de la ville, à la satisfaction des besoins de la population dans tous les domaines (logement, confort, hygiène, instruction publique, culture, sport, etc... etc...).

Insistons sur le fait que ses bilans impressionnants de réalisations furent constamment combattus par des adversaires de mauvaise foi, des gouvernements qui n'aimaient guère la couleur politique des municipalités seynoises de cette période d'après la guerre.

Grâce à sa volonté inflexible, à son obstination, à ses talents d'organisateur, à son dévouement illimité, Toussaint Merle triompha de tous les obstacles. Il releva tous les défis dans les réunions publiques innombrables, ses écrits quotidiens, ses publications périodiques. Sa compétence administrative fut reconnue par les préfets successifs de telle sorte que la ville de la Seyne ne fit jamais l'objet de remontrances désobligeantes.

Il faut le réaffirmer avec force. Ce fut dans la période 1950-1970 que notre communauté seynoise assista à des transformations spectaculaires dans tous les domaines : urbanisation, voirie, enseignement, culture, hygiène... et que dans le même temps les revendications de la population furent défendues avec succès. Souvenons-nous des batailles menées pour la suivie de la construction navale, menacée de disparition dès 1966.

Toussaint Merle et la municipalité multiplièrent des actions d'envergure en liaison avec les forces syndicales (marche sur Toulon - sur Paris,...).

Il faudrait tout un volume pour dresser le bilan des réalisations municipales entre 1950 et 1970 en tête duquel devrait figurer les solutions définitives aux problèmes de l'eau et de l'assainissement sans lesquels la ville n'aurait pu se développer.

Marquons les étapes essentielles : mise en route de l'Émissaire commun en 1952, École municipale des sports, centre médico-social, jardin d'enfants Aristide Briand, - dans les trois années qui suivirent : centre médico-sportif, contre-jetée de Saint-Elme, École de plein air (la première du Var) - puis ce fut l'extension impressionnante des logements H.L.M. avec la création de la Z.U.P.

En 1959 naquit le nouvel Hôtel de ville, la crèche municipale Émile Combes, l'office municipal de la culture et des arts.

En 1960, des écoles nouvelles : Émile Malsert, La Rouve, les Sablettes (Léo Lagrange), Jean-Baptiste Coste, puis le Lycée polyvalent Beaussier, puis le foyer des anciens combattants.

Deux ans plus tard, nouvelles écoles : Amable Mabily, Jules Verne, Ernest Renan. Le Monument aux Morts fut reconstruit dans cette période.

Dans les années 66-67 : autres réalisations d'une importance capitale pour les problèmes de la culture : création de l'École municipale de musique et le Club Antarès destiné aux apprentis de l'astronomie.

D'autres écoles furent nécessaires : école Maurice Thorez et son gymnase imposant dans la Z.U.P. ; école Jean-Jacques Rousseau aux Plaines.

L'année 67 fut particulièrement bénéfique pour les sportifs avec le stade et la salle Maurice Baquet.

Cette énumération est bien incomplète. Il est nécessaire de préciser que dans le même temps allait être résolu les délicats problèmes de l'enseignement technique avec le lycée du quartier Léry. Les restaurants scolaires se multipliaient avec un effectif quotidien de 3000 rationnaires. La ville avait acquis dans les Alpes des domaines totalisant 30 hectares pour le fonctionnement des colonies de vacances, des classes de neige, etc...

Ce résumé très succinct donnera tout de même au lecteur une idée plus précise des réalisations impressionnantes des municipalités dirigées par Toussaint Merle et ses fidèles collaborateurs.

Et cependant il se trouvera quelques années après des élus municipaux que je qualifie de débiles pour n'être pas trop discourtois, affirmant avec assurance qu'avant leur venue, rien n'avait été fait à La Seyne par leurs prédécesseurs..., des gens dont il est nécessaire de rafraîchir la mémoire. Les faits sont têtus et les dates ineffaçables. Que cela plaise ou non, ce fut dans cette période de l'histoire seynoise que notre communauté reçut les plus grands avantages à tous les points de vue.

Et maintenant il me faut conclure cette biographie, il me faut malheureusement la terminer par un évènement douloureux.

Après plus de 25 ans de militantisme passionné, de joutes oratoires sévères, de réflexions profondes, de correspondances volumineuses, de débats houleux, de polémiques incessantes, la santé de Toussaint Merle en fut particulièrement altérée vers la fin de l'année 68.

Quelques mois plus tard, alors qu'il poursuivait tout de même sa tâche, alors qu'il venait de quitter le foyer des anciens, il s'effondra à quelques mètres de la mairie où il avait donné tant de lui-même pour le bonheur des autres. Terrassé par une crise cardiaque, la médecine ne parvint pas à le ranimer.

On sait que ses obsèques grandioses rassemblèrent des milliers et des milliers de nos concitoyens, de nombreux varois dont il avait défendu les causes, des gens de toutes opinions, y compris des adversaires politiques respectueux de ses qualités incomparables d'administrateur.

La foule immense, porteuse de centaines de gerbes fleuries ne cachait pas son émotion profonde, ni sa douleur. Après les discours émouvants prononcés devant l'Hôtel de ville et qui rendirent un hommage mérité à l'homme de bien que fut Toussaint Merle et qui lutta jusqu'à l'extrême limite de ses forces. Il repose dans notre cimetière à quelques mètres de la fontaine Carnot, aux côtés de son épouse Malou et lorsque les visiteurs passent devant leur tombe, ils marquent toujours un arrêt et disent souvent à haute voix : « Voilà des gens que La Seyne ne doit pas oublier ».

 

Alex PEIRÉ (1901-1974)

Né à La Seyne en 1901 dans la maison de ses ancêtres de la rue Berny, Alex Peiré fut une personnalité exemplaire à plus d'un titre, qui devait obligatoirement figurer dans ce recueil de biographies.

Retraçons ici les grandes étapes de sa vie, de sa carrière prodigieusement féconde.

Cet hommage qui lui est rendu dans cet ouvrage, aurait pu l'être par les trois municipalités auxquelles il appartint, par les nombreuses associations dont il fut le président et sur lesquelles nous reviendrons plus loin dans cette relation.

Jeune élève de l'école primaire laïque, ses maîtres apprécièrent d'emblée son intelligence et sa grande sensibilité.

Il se distingua particulièrement par son inclination pour les mathématiques et le dessin : dessin industriel et dessin d'art également.

Ses aptitudes révélatrices d'une grande précocité allaient s'épanouir dans les domaines les plus divers : la littérature, la peinture, la musique indépendamment de ses qualités d'architecte, d'urbaniste, d'administrateur du bien public, comme il sera démontré plus loin.

En 1929, il s'établit à Mougins dans les Alpes-Maritimes comme architecte géomètre.

À 28 ans, il était déjà parmi les dirigeants de la commune et adjoint au maire.

Puis on le vit affecté à des fonctions administratives aux constructions navales et aux travaux maritimes de l'Arsenal de Toulon.

Son passage y fut de courte durée parce qu'il préféra installer un cabinet de géomètre expert dans la maison de ses ancêtres de la rue Berny.

Si l'accès de son immeuble se faisait par un escalier étroit et obscur, par contre son bureau et la salle de dessin y attenant, s'ouvraient sur de larges baies vitrées vers le midi ensoleillé.

Chaque jour des Seynois de toute condition venaient y prendre des conseils et trouver auprès de lui des solutions à leurs problèmes parfois très épineux.

La vie professionnelle d'Alex Peiré fut toujours liée à sa vie politique de démocrate aux idées généreuses. Toute sa vie, il défendit la juste cause des travailleurs et des humbles, et surtout celle de la République laïque.

Aussi, en bon patriote, il entra sans hésiter dans les réseaux de la Résistance locale, au moment où les collaborateurs de Vichy firent main basse sur la municipalité de La Seyne, sur un simple arrêté préfectoral.

En 1944, quand les Allemands furent chassés de La Seyne par l'armée de la libération conduite par le Général de Lattre de Tassigny, aidée de la résistance locale, Alex Peiré fit partie du comité de libération, puis de la délégation spéciale chargée d'administrer la commune en attendant le retour des institutions républicaines et des élections municipales.

Alex Peiré fit partie de la première municipalité d'après la Libération celle présidée par le Docteur Sauvet. Il s'attacha avec ses dévoués camarades à panser les plaies de la guerre : rétablissement des réseaux d'eau, de voirie, d'électricité, etc. Il impulsa les problèmes du logement, des structures scolaires et périscolaires : la Caisse des Écoles en particulier.

En 1947 la population seynoise se donna une municipalité à direction communiste avec Toussaint Merle à sa tête.

Alex Peiré en fit partie et devint adjoint au maire après la disparition de Pierre Fraysse décédé accidentellement en 1950.

Il occupera alors les fonctions d'administrateur de l'office municipal H.L.M et le demeurera pendant des années.

Entre 1944 et 1974, il consacra trente ans de sa vie à des réalisations de la plus haute importance pour notre communauté seynoise. C'est lui qui fixa le tracé de l'Émissaire commun sous la presqu'île du Cap Sicié qui en dirigera les travaux dans des conditions très difficiles. Dans un opuscule publié en avril 1966, il a décrit avec beaucoup de précision tous les aspects de cette oeuvre titanesque, attendue par la population depuis plus d'un demi-siècle.

À partir de 1952, le spectacle abominable du ramassage des vidanges infectieuses disparut peu à peu. Les problèmes de l'assainissement résolus au fil des années apportèrent d'immenses satisfactions à la population seynoise, mais aussi à toutes les communes de l'aire toulonnaise : Six-Fours, Saint-Mandrier, Le Revest, etc...

Ce fut aussi Alex Peiré qui fut à l'origine de la percée du Boulevard du 4 septembre en direction de la route départementale vers Six-Fours.

Après la mort de Toussaint Merle en 1969, on retrouva Alex Peiré au sein de la municipalité dirigée par Philippe Giovannini, comme adjoint aux travaux. Il oeuvra à la rénovation du cadastre, à de multiples travaux de voirie, d'assainissement, d'urbanisme, rendit compte de ses activités par des articles de la presse locale et ceux du bulletin municipal.

Les communes voisines comme Ollioules, Saint-Cyr feront aussi appel à ses compétences. On en finirait pas de citer ses travaux, même dans le Haut-Var.

Intéressé au plus haut point par les questions culturelles, c'est encore lui qui contribua avec le plus d'efficacité à la réalisation du musée de Balaguier. Ce qui nous conduit à parler de l'homme sensible, de l'artiste qui se passionna pour la peinture, la musique, la littérature, la photographie, la poésie.

Il serait bien difficile d'énumérer toutes les expositions auxquelles il participa brillamment.

Plus anciennement, de 1922 à 1928 en sa qualité de Président de la section Pro-Arte de Toulon, il créa une galerie dite Salon des tout-petits avec d'autres peintres de la région. Puis il exposera ses oeuvres à Antibes et à Nice aux côtés de célébrités comme Dunoyer de Segonzac et Picasso qu'il connut familièrement.

Chaque année, à La Seyne, on pouvait admirer ses oeuvres au salon des peintres seynois.

Sa sensibilité picturale allait de pair avec son amour pour la littérature, le culte pour les plus belles reliures de la langue française dont il avait enrichi sa bibliothèque au fil des années.

Déjà dès 1924, membre de la société des gens de lettres, il avait obtenu le grand prix du roman de l'Académie Pro-Arte.

Sa contribution à l'art culturel se concrétisa dans les années d'après la guerre par sa présence à la philharmonique La Seynoise dont il fut président pendant plusieurs années (voir notre Histoire de La Seynoise, 1984).

Ses contributions aux problèmes culturels lui valurent des distinctions honorifiques comme le Mérite poétique en 1971 et la Croix de commandeur de l'éducation artistique en 1973.

Depuis 1962, il était membre associé de l'Académie du Var, pour devenir membre résidant en 1970.

Et ce ne fut pas tout ! Car il fut appelé, peu avant sa disparition à la présidence de l'Association de La Seyne ancienne et moderne, fondée par Louis Baudoin.

Il donna le plaisir à ses concitoyens d'entendre des conférences riches de souvenirs, émaillées d'histoires séduisantes, illustrées de diapositives et de films aux couleurs magnifiques.

Le lecteur de cette biographie conviendra sans aucun doute de l'importance qu'il fallait donner à la carrière de ce citoyen seynois, à ses qualités de patriote au service des idéaux républicains de justice, de liberté, de pacifisme, de fraternité.

Au moment où il s'apprêtait à fêter ses 30 années de mandat municipal, dans cette douloureuse matinée du 13 octobre 1974, Alex Peiré, frappé par un destin inexorable, fut ravi à l'affection des siens, de ses camarades, de toute une population qui l'aima, cela d'une manière aussi foudroyante que prématurée.

Après des obsèques grandioses, tous les honneurs funèbres lui furent rendus par des milliers de ses concitoyens. Quelques mois plus tard la municipalité d'alors décida de perpétuer son souvenir par l'apposition de 4 plaques dans une artère reliant l'avenue Estienne d'Orves au chemin de Moneiret dans ce quartier de la ville nouvelle qu'on appelle la zone urbaine prioritaire. La raison de ce choix fut dictée par le fait qu'Alex Peiré avait beaucoup travaillé à l'urbanisation de la ville nouvelle.

Merci à ce brillant citoyen qui a parcouru son siècle en défendant les plus justes causes et rendu des services éminents à la communauté seynoise.



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