La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome VII
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome VII (1999)
Richesse et protection
de la végétation seynoise
(Texte intégral du chapitre)

 

 

Remarques liminaires

Avant d'entrer dans le vif de ce sujet apparemment banal il m'a paru nécessaire d'expliquer les raisons de ce choix.

Dans les « Images de la vie seynoise d'antan » composées de récits, de portraits de personnalités locales, de souvenirs personnels dont certains remontent au tout début de notre siècle finissant, j'ai parlé abondamment de la mer et de ses rivages merveilleux, des richesses que nos anciens ont su en tirer pour leur existence matérielle, de la beauté des sites magnifiques de la nature sauvage de Sicié et de Janas et sans aucun doute c'eût été une grave lacune que d'ignorer la végétation si belle, si diverse des terres seynoises et six-fournaises végétation qui couvrit toute la presqu'île du Cap Sicié depuis les sommets dominant le grand large jusqu'aux rivages marécageux entourant la rade de Telo Martius. Une végétation qui précéda l'apparition de l'homme défricheur et créateur des zones cultivables en plaine et sur de nombreux coteaux abrités des vents. Les bosquets éparpillés sur les sommets des collines du Rouquier, de la Colle d'Artaud, du Pont de Fabre, de Châteaubanne, du Fort Napoléon, et bien d'autres nous offrent les mêmes espèces végétales que la grande forêt de Janas - une forêt qui n'a plus la splendeur de celle décrite par Jean Denans dans son Histoire de La Seyne de 1713.

Ma première intention en écrivant cette relation fut d'intéresser mes concitoyens et la jeunesse surtout à la végétation primitive de notre territoire parce qu'elle fait partie intégrante de l'histoire locale et pour mieux dire à la préhistoire, avant même l'apparition de l'homme à l'ère quaternaire (1 million d'années environ comme l'affirment les scientifiques du plus haut niveau).

Dans les textes qui suivent, j'éprouverai un réel plaisir à rappeler les leçons reçues de mes anciens de la campagne, des maîtres de la vénérable École Martini, des professeurs de l'École Normale de Draguignan qui ont su les uns et les autres m'intéresser aux problèmes passionnants de la botanique, à la nature sauvage, à ses beautés, à ses curiosités.

D'une façon générale, les gens connaissent mal la végétation de leur terroir. Fort heureusement, de nos jours la vie associative, les activités de plein air ; les centres de vacances jouent un rôle capital pour la connaissance approfondie des milieux naturels et leur protection si nécessaire.

De la végétation de leur petite patrie, les seynois connaissent bien les arbres : les pins et les chênes surtout. Mais savent-ils en distinguer les espèces ?

Hormis ces végétaux communs, notre forêt de Janas offre aux amateurs de la nature seulement quelques peupliers et frênes dans les vallons humides, des eucalyptus d'origine récente. Les cèdres, sapins ou épicéas sont rares.

Par contre, nos concitoyens et aussi les autres ignorent la majeure partie des plantes herbacées des jardins, des chemins de campagnes, de la forêt où foisonnent des centaines d'espèces d'une extrême diversité.

Sans vouloir donner à cette relation, un caractère didactique très poussé, il est souhaitable que les enfants, les étudiants, les promeneurs adultes, sachent les noms des arbustes les plus répandus, des plantes de maquis, de cistaies, de pelouses ou des prés.

On ne trouvera pas ici de catalogue car les ouvrages spécialisés : flores, ouvrages sur la médecine des plantes sont dans le commerce. Il est bien nécessaire de les consulter pour connaître les propriétés des végétaux.

Ils viennent en complément à la botanique enseignée dans les écoles depuis la maternelle jusqu'à l'Enseignement supérieur parce qu'elle revêt une importance capitale du point de vue culturel et scientifique.

Autres observations nécessaires :

Précisons qu'il ne sera pas question dans les développements qui suivent de parler des plantes exotiques que les migrations pacifiques ou guerrières ont introduites dans notre environnement seynois.

N'est-il pas vrai que l'ancien parc de Michel Pacha à Tamaris comporte encore de nombreuses variétés de palmiers, de poivriers, de camphriers, d'araucarias, de yuccas, de kentia d'Australie... que le mécène avait su adapter à notre climat provençal et méditerranéen ?

On peut également multiplier les exemples de végétaux comestibles pour l'homme qui furent introduits dans notre pays. Les premiers hommes de la presqu'île de Sicié n'ont pas connu la pomme de terre que Parmentier introduisit en France au XVIIIe siècle en provenance de l'Amérique du Sud, pas davantage du blé qui poussa d'abord au Kurdistan, le blé qui eut un ancêtre appelé Aegilops. On peut citer aussi l'abricotier venu d'Arménie, le pêcher originaire de la Perse ou encore l'artichaut venu de la Palestine.

Il ne sera donc aucunement question de ces végétaux d'importation dans les textes suivants mais uniquement de la végétation primitive soumise aux lois de la sélection naturelle mais aussi de la volonté des hommes qui ont su grâce à leur intelligence : observer, expérimenter, modifier et créer des espèces nouvelles, ce que d'ailleurs ils continuent à faire aujourd'hui - avec succès - grâce aux progrès incessants des sciences et des techniques.

Oui ! Les ancêtres de la préhistoire ont aussi existé pour les végétaux - et l'on trouve toujours au cours de nos promenades champêtres des échantillons de cette végétation des temps antiques qui perdure avec le céleri, le chou, la carotte, le poivrier, le prunier, le merisier, l'églantier et bien d'autres.

Ce sera surtout de la végétation sauvage dont il va être question, celles des prairies, des sentiers, des rivages, des bosquets et de la grande forêt de Janas qui prendra la plus grande place dans ce récit.

Pour en terminer avec cet avant-propos, j'espère que les lecteurs trouveront naturel que les noms de nombreux végétaux soient donnés en langue provençale, cette langue que nos anciens parlaient tous généralement au début de mon siècle. Ils comprendront également que les nomenclatures soient émaillées de racines latines, ce qui prouve à l'évidence que les Romains de l'Antiquité connurent parfaitement la flore méditerranéenne.

Ces textes relatifs à la richesse de la végétation seynoise viennent en complément à ceux du Tome I, qui ont pour titres « Sicié », « Janas, le Mai » et sont écrits dans la perspective d'instruire, d'enrichir et de faire aimer notre patrimoine seynois et ses beautés naturelles.

Je me prends souvent à répéter des phrases adressées à mes jeunes auditoires enfantins d'autrefois : « La splendeur du monde sourit sans fin à des yeux qui ne la voient pas ». « Le monde appartient à ceux qui savent le regarder ! ».

Obligatoirement, il faudra terminer cette relation par des conseils élémentaires aux citoyens, aux éducateurs, aux gestionnaires des biens communaux, aux écologistes, aux défenseurs de la nature pour répéter que celle-ci sous toutes ses formes doit être défendue dans l'intérêt de tous avec la plus grande énergie et qu'il est grand temps d'arrêter les dégradations des poumons verts de la région toulonnaise et seynoise à un moment où les pollutions de l'atmosphère se posent avec de plus en plus d'acuité où les nuisances de toutes sortes se posent à l'échelle mondiale.

Les problèmes de la protection de la nature et l'amélioration de l'environnement se posent pour toute l'humanité. Il est bien que des élus, des responsables d'associations prennent des décisions pour réparer des dommages. Mais il n'est pas suffisant de légiférer ni même de sanctionner. Il faut que l'opinion publique soit consciente de la gravité de ces questions de défense de la nature, car il y va vraiment de la survie de l'humanité. La tâche est immense et il va de soi que dans cet ouvrage, nous nous limiterons à notre communauté seynoise où il y a fort à faire comme partout ailleurs.

Après avoir fait un bilan, bien incomplet certes des espèces végétales dominantes, il fallait insister sur les multiples formes de leur dégradation, les unes occasionnées par le danger naturel de mauvaises conditions climatiques accidentelles ; les autres par les prédateurs animaux au premier rang desquels se trouve l'homme.

Il fallait montrer comment la végétation elle-même sait se défendre pour assurer sa survie ; mais hélas ! elle ne peut de façon efficace faire face à tous les fléaux sans le concours des humains qui éprouvent eux-mêmes les plus grandes difficultés malgré leur génie inventif.

Mais n'ont-ils pas le devoir de réparer eux-mêmes leur imprévoyance, leurs négligences et aussi leurs erreurs ?

Devoir élémentaire puisque leur souci est de tirer le meilleur parti de ce capital inestimable que représente la forêt de Janas.

Tout cela explique pourquoi sur la fin de cette relation le lecteur trouvera un résumé des actions bénéfiques et des réalisations positives de nos édiles seynois et varois en faveur de la protection de la riche végétation de notre terroir et des structures d'accueil avec leurs équipements et des aménagements permettant un large éventail d'activités au bénéfice de toutes les catégories sociales de tous les habitants depuis les plus jeunes enfants jusqu'au plus âgé des retraités.

Il ne fallait pas négliger non plus le rôle éminent joué par les associations de défense de la nature dans cette véritable croisade entreprise depuis ces vingt dernières années pour la sauvegarde des richesses naturelles de Sicié : de sa forêt, de ses rivages : pensons à l'A.R.P.O.N. (Association Régionale de Protection des Oiseaux et de la Nature), « Aux amis de Janas » dont les buts et les réalisations seront précisés vers la fin de ces textes.

Un hommage tout particulier sera rendu aux soldats du feu dont le rôle primordial a permis le plus souvent d'éviter les plus grands désastres.

Voilà quelques observations qu'il m'a paru nécessaire de développer avant de traiter le véritable sujet, afin d'éclairer le lecteur sur les aspects les plus divers et les plus attachants de ce vaste sujet, bien limité au terroir seynois.

 

Souvenirs attachants de mon enfance

J'ai eu le bonheur de vivre les premières années de mon enfance sous la garde de mes grand-parents, dans la campagne de Mar Vivo, les bois de la Verne et de Fabrégas et la grande forêt de Janas. Dans ces lieux paisibles alors quasiment inhabités, loin de la puanteur des rues seynoises de l'époque, on y respirait à pleins poumons les arômes d'une végétation superbe, diverse, généreuse qui offrait ses fleurs et ses fruits à satiété. Du jardin de mes anciens occupé par des plantes potagères communes : pommes de terre, carottes, choux et bien d'autres, j'eus tôt fait d'apprendre les noms de ces comestibles apparaissant chaque jour sur la table.

Sur le pourtour de la propriété poussaient en abondance les plantes sauvages et ce fut là que se fit mon initiation à la botanique qui commença sous la conduite de ma grand-mère éleveuse de lapins, par la recherche des cardelles (laiteron), des ceccori (chicorée), des avoines sauvages, des pimprenelles, du sainson (séneçon), du pissenlit (dent de lion) et j'en passe.

Il me fallait donc savoir avec précision le nom de toutes les plantes dont les rongeurs du clapier étaient friands dans la perspective d'un civet succulent.

Elle ne savait pas ce qu'était un pistil ma grand-mère, pas davantage des étamines, des sépales, des capitules ou le pollen, mais elle avait une connaissance approfondie des plantes aromatiques comme le thym, le serpolet, le romarin, la camomille ou encore des plantes médicinales comme la bourrache aux belles fleurs bleues en étoiles, le coquelicot dont les pétales séchés au soleil donnaient aux infusions de l'hiver des vertus émollientes. Elle récoltait toujours des chicorées sauvages pour préparer des salades agrémentées de quelques gousses d'ail. Elle attachait une importance toute particulière à la coustelline, plante herbacée dont la consommation fréquente assurait aux êtres humains une longue vieillesse. On n'en savait pas plus sur les vertus de ce végétal dont le vrai nom est la picridie.

Quand mon grand-père rentrait de ses parties de chasse en forêt de Janas, il lui arrivait fréquemment d'accrocher à son carnier un gros bouquet de thym qu'on appelle ici farigoulette, indispensable presque chaque jour à la cuisine provençale et aux infusions qui atténuaient les digestions laborieuses.

Mieux encore ! Ce sont ces végétaux si discrets de la forêt qui permettraient de sauver des nichées de lapins atteints de diarrhée. Je vais encore ma grand-mère aux mains tavelées et tremblantes, penchée tendrement sur le clapier faire ingurgiter aux lapereaux une cuillerée à café de l'infusion de la divine farigoulette. Comme elle était rayonnante la mémé Aubert, le lendemain de ce traitement, à la vue des petits animaux au museau éternellement mouvant reprendre une bonne vitalité autour de leur mère rassurée !

- " Tu vois, disait-elle triomphante au pitchoun que j'étais, comment on guérit la cagagne des lapins ! ".

Fort de ce succès, elle en profitait pour m'apprendre les propriétés de nombreuses plantes médicinales qu'elle désignait par leurs noms provençaux : le roumaniou (romarin), la spargue (pariétaire), la nasco (inule visqueuse), l'aroumi (ronce)... et la liste pourrait être fort longue.

Mon grand-père s'intéressait plus spécialement à une plante aromatique qui n'avait rien à voir avec la cuisine ou la médecine. Ce végétal dont l'acclimatation avait été une réussite n'était autre que l'absinthe ; plante qu'on n'aurait pas pu trouver dans la flore de Sicié.

Après les vendanges, il en faisait macérer des tiges et des feuilles dans l'aïgue-arden (eau-de-vie) des bouilleurs de cru et en tirait un apéritif en ajoutant un sachet de poudre d'anis, d'ailleurs interdit dans le commerce.

Il faisait ainsi l'économie du Pernod véritable, estimé alors trop coûteux. Cette boisson d'apéritif était une sorte de pastis qui gardait tout de même le goût de l'arac, mais dans le monde paysan on s'en accommodait très bien.

 

La botanique à l'école

Les années passèrent bien vite et les écoliers dont j'étais recevaient l'enseignement des sciences naturelles. À l'école primaire des Sablettes, chaque semaine nous écoutions ce qu'on appelait la leçon de choses dont le sujet pouvait être un objet, un outil par exemple. Le maître ou la maîtresse ouvrait une discussion sur l'utilisation, la description précise, le fonctionnement, le métier correspondant, les dangers éventuels. Aux questions nombreuses, les réponses fusaient qu'il fallait ordonner et maîtriser en sorte que la leçon de choses se doublait d'un exercice d'élocution pour les élèves et l'enseignant devait s'efforcer de faire parler tout le monde. Généralement il y parvenait non sans peine.

Il arriva que la leçon de choses portât sur un végétal commun dont il fallait bien montrer un échantillon. Moi, jeune campagnard, malgré ma timidité levait la main pour me charger d'apporter le nécessaire à la leçon. Je me sentais quelque peu supérieur à mes camarades fils de pêcheurs ignorant que le nom véritable de l'artichaut c'était le cachouflier et que le topinambour s'appelait la tartifle.

Que de choses n'avions-nous pas à raconter sur ces végétaux comestibles, sur la façon de les utiliser en cuisine ou en médecine.

Oui ! mais... un aspect à ne pas négliger disait l'enseignant c'est la beauté de leurs fleurs, surtout celles des capitules bleus de l'artichaut qu'il fallait observer à la loupe et la leçon de choses initiait les écoliers aux beautés de la nature et à la poésie.

Dans les années 1923, l'école Martini fut dirigée par un directeur fort sympathique, M. Peyron qui fut chargé de quelques heures d'enseignement, celui de la botanique dont j'ai gardé un souvenir attachant. Ce brave homme arrivait à son cours hebdomadaire, avec une moisson d'échantillons végétaux fleuris qu'il avait lui-même récoltés dans les champs et les bois.

Il expliquait alors les détails de l'appareil végétatif et ses élèves apprenaient passionnément le vocabulaire de la botanique élémentaire, le caractère précis de chaque famille les plus répandues sur le terroir seynois : labiées, composées, légumineuses ou papilionacées, liliacées, rosacées, renonculacées, ombellifères, orchidées, etc.

M. Peyron nous incita à faire un herbier en desséchant les végétaux et les plaquer ensuite dans des feuilles doubles avec tout leur appareil végétatif, accompagnés d'étiquettes où figuraient le nom scientifique, le nom usuel, le lieu et la date de la récolte.

C'est ainsi que j'appris des noms latins, ce dont je me réjouissais à l'avance pour les répéter à mes parents et à des amis de la famille. Par exemple, j'étais tout fier de leur apprendre que la pâquerette se nommait Bellis annua, l'avoine folle s'appelait en latin Avena fatua ; on disait aussi pour le bouton d'or Ranunculus bulbosus et je pourrais en citer un grand nombre.

Comme la plupart de mes camarades adolescents, j'avais pris le goût des collections : timbres, pièces de monnaie... Les années passant, d'autres passions chassèrent les premières, mais celle de la botanique perdura davantage et me permit d'acquérir un bagage suffisant sur les végétaux pour éprouver beaucoup de plaisir à le transmettre aux autres quelque vingt ans plus tard.

J'en reviens à mes années de jeune étudiant de l'école Martini ; précisément à l'école primaire supérieure (E.P.S.) avant que l'établissement ne devienne un collège moderne en 1943.

La municipalité des années 1925 avait pris l'initiative de financer un cours d'agriculture pour la jeunesse estudiantine, en complément à d'autres cours gratuits (musique, dessin industriel, mathématiques). Ces cours d'agriculture furent confiés à un instituteur de l'école François Durand nommé M. Rougier. Ils consistaient à intéresser les jeunes élèves aux problèmes de la terre.

Cette initiative heureuse pouvait susciter des vocations à des activités rurales, d'autant qu'en ce temps-là notre communauté seynoise possédait des centaines d'exploitations agricoles dont certaines très prospères faisaient vivre une bonne partie de la population qui consommait surtout les produits de son terroir. La Seyne n'avait pas besoin d'importer des légumes et des fruits des pays étrangers.

Plusieurs dizaines de jeunes gens suivaient des cours théoriques dans une salle de classe mais le plus souvent ce fut sur le terrain que M. Rougier emmenait ses élèves. Des cultivateurs professionnels nous firent visiter d'importants vignobles : Le clos Vidal de Mar Vivo, des vergers chez la famille Hugues, par exemple. On nous apprit à cultiver des légumes, à tailler des arbres fruitiers, à greffer.

Au cours des sorties du jeudi ou du dimanche, on nous emmena visiter des parcs paysagers, le jardin d'acclimatation de Toulon et son important rucher.

En somme la plupart des problèmes agraires nous furent enseignés de façon concrète et en parcourant les campagnes, les jardins et les bois, inévitablement il fut question de la botanique. Le terroir seynois nous offrait des variétés considérables de végétaux ligneux et de plantes herbacées et pourtant il nous arriva de sortir des limites seynoises.

J'ai gardé souvenir vivace d'une journée excursion consacrée à la flore provençale et toulonnaise.

Partis de La Seyne en tramway pour La Valette, les organisateurs avaient décidé de contourner, à pied bien sûr, toute la chaîne du Faron en direction du Revest en herborisant sur les pentes exposées au sud et plus aisément accessibles.

Au retour, il nous fallut marcher jusqu'au Pont du Las retrouver la ligne de tramway pour rentrer sur La Seyne.

Au cours de cette journée entière, sous la conduite de M. Rougier et du Docteur Granjean, spécialiste de la flore méditerranéenne, nous avions rempli nos besaces de toutes espèces de végétaux dont les noms sont toujours présents à ma mémoire. Je revois encore le vénérable Docteur Granjean, célèbre par sa longue barbe grisonnante, connu dans toutes les écoles de La Seyne qu'il inspectait en sa qualité de responsable de la santé scolaire, titre qui ne lui conférait pas des responsabilités écrasantes.

Le but de ses visites consistait surtout à examiner l'aspect général des écoliers, leur chevelure, la propreté de leurs mains et les priait de recommander à leurs parents des lavages efficaces, surtout s'il avait constaté des pellicules en abondance et aussi des lentes. Dans toutes les familles de ce temps, on usait du peigne fin, les invasions de poux étant alors un phénomène fréquent.

Au cours de ses sorties de plein air, le Docteur Granjean portait en bandoulière une boîte métallique oblongue où il fourrait de préférence des plantes à bulbe qu'il voulait conserver intactes. Sa connaissance de la botanique était immense et il en fit profiter amplement les écoliers qu'il accompagnait.

Il nous parlait avec passion de son herbier qu'il enrichissait sans cesse, de la meilleure manière d'assurer aux plantes une longue conservation et surtout savoir en montrer toutes les caractéristiques de la famille par la forme des tiges et des feuilles, le nombre des pétales des fleurs, la densité des racines, la fluidité de leur sève, etc.

L'angle droit de la feuille de papier blanc où était plaqué le végétal devait porter une étiquette, où en écriture très lisible, figuraient les noms scientifique et usuel de la plante et aussi le nom latin ou grec. Le Docteur Granjean savait aussi nous expliquer l'origine des végétaux, leur répartition dans le monde, l'usage qu'on pouvait en tirer surtout s'il s'agissait de plantes médicinales.

- « Vous seriez impardonnable nous disait-il, de ne pas connaître des plantes dont les vertus ont été découvertes par les Égyptiens de l'Antiquité il y a déjà plus de 5000 ans avant notre ère ».

- « Oui ! mes enfants : les Égyptiens savaient soigner les maladies respiratoires, circulatoires, intestinales, des plaies purulentes et même la prostate ! »

Mon camarade Arnaud me disait :

- « Tu as bien entendu : la prostate ? qu'es acco ? »

- « Sais pas ! que je lui répondais. C'est probablement une maladie car j'entends souvent l'oncle Alexandre se plaindre toujours d'une maladie qu'il appelait la « potasse » dans sa langue française approximative ».

- « On a peut-être mal entendu, répliquai-je, mais je demanderai tout ça à mon père ce soir à notre retour ». Ce que je fis, mais je n'obtins qu'une réponse évasive.

Mon père savait bien qu'il s'agissait d'une glande génitale de l'être humain. Par une pudeur outrancière, il n'osa pas la situer à son véritable endroit et je ne suis pas sûr que le docteur lui-même nous aurait donné de grandes précisions sur ce sujet.

C'était ainsi en ce début de notre siècle !

Infatigable, intarissable dans ses propos sur les vertus de la botanique, le Docteur Granjean aurait voulu transmettre tout son savoir aux jeunes écoliers qui l'entouraient. Tout en recherchant des espèces de végétaux rares pour sa collection personnelle, il expliquait les bienfaits de la phytothérapie, la science qui permet de soigner les maladies par les plantes et que dans cette période les médecins pratiquaient beaucoup.

« C'est dans les plantes que l'on trouve essentiellement les vitamines ! », nous disait-il. « Sachez que la consommation des végétaux nous permet de lutter contre la fatigue. Mangez des carottes, des choux, des épinards... et aussi des fruits comme les fraises, les abricots, les melons et surtout des citrons ».

Puis tout à coup, il s'interrompait : « Tiens ! Tiens ! J'aperçois une saponaire ! ». Et il en profitait pour nous donner une leçon de latin. « Ce nom vient du latin saponis qui veut dire savon ». Alors mon camarade Filidéi répliquait que ses grand-parents disaient « il sapone » dans leur langue italienne et comme je savais assez bien le Provençal, j'apportais timidement mon point de vue en citant mes anciens qui disaient « lou saboun ».

Et pourquoi fallait-il parler de savon ?

« C'est tout simple ! disait le Docteur : en froissant dans vos doigts les feuilles de la saponaire, vous obtiendrez une mousse semblable à celle du savon » - ce que nous fîmes sans tarder - expérience inoubliable pour des écoliers.

Et nous avancions ainsi à travers les bosquets, les maquis séparés souvent par des ravins tortueux, broussailleux en effrayant les insectes butineurs, les vanesses, les machaons papillons aux couleurs ravissantes. Parfois un lézard aux couleurs vert-azuré s'éloignait bruyamment dans un froissement de feuilles mortes.

Reprenant son souffle, le Docteur marquait un temps d'arrêt pour exprimer à haute voix le charme poétique que lui inspiraient les végétaux serrés les uns contre les autres.

« Voyez-vous disait-il, ces arbres magnifiques qui s'élèvent vers le ciel, à la recherche de la lumière, semblent vouloir protéger les plantes de sous-bois défendant elles aussi leur espace vital. Leurs rivalités sont bien pacifiques et on éprouve en leur sein une impression de liberté et de bien être ».

Il faisait vibrer nos âmes d'enfant en évoquant avec éloquence la grandeur de la nature. On ne se lassait pas de l'entendre.

Monsieur Rougier, l'instituteur n'était pas en reste sur sa connaissance des végétaux. Il nous prodiguait tout son savoir sur les curiosités que la végétation sauvage offrait à nos yeux.

Depuis le domaine de Baudouvin jusqu'à Dardennes en passant par les Favières, la Ripelle, on ne comptait que de rares cabanons refuges de bergers, nombreux à l'époque, les clarines et les bêlements d'importants troupeaux retentissaient dans les garrigues et les bosquets riches d'une végétation fort diverse offrant aux regards éblouis des passants toute la gamme des couleurs et des arômes de miel.

On n'en finirait pas de décrire les corolles d'or des genêts, les tendres fleurs roses des cistes, les orchis apiculés, les pâquerettes et des centaines d'autres espèces que l'on retrouvera aussi dans la forêt de Janas dont il sera question plus loin.

Venez voir cette plante ! appelait l'instituteur. Vous ne la connaissez sûrement pas !

Elle était vraiment curieuse car elle se présentait sous la forme d'une touffe de tiges minuscules, tubulaires, l'ensemble ne dépassant pas trente centimètres. Elle ne possédait aucune feuille et c'est pourquoi les savants botanistes l'avaient appelée Aphyllante (du grec phullos = feuillage). C'était l'occasion pour le maître de nous apprendre que dans ce cas, la lettre A était un préfixe privatif.

Et plus loin c'était le Millepertuis. Curieux ce nom n'est-ce-pas ? Il fallait l'expliquer par le vieux français pertuis qui signifiait trou. En observant les feuilles de ce végétal par transparence dans un rayon de soleil, on apercevait une infinité de petits trous. En réalité, il s'agissait de glandes translucides qui faisaient croire à de véritables cavités minuscules. À l'origine du nom, le Docteur Granjean ajoutait son savoir médical en indiquant que le millepertuis était utilisé en médecine pour soigner des blessures. On pourrait multiplier les exemples pour montrer que la botanique nous ouvrait les horizons les plus divers : le latin, le grec, l'étymologie, la grammaire, la médecine.

Au soit d'une telle journée, ivres d'air pur et de soleil, quelque peu fatigués des escalades et des descentes dans les ravins abrupts, nous faisions à nos parents le récit des heures d'enchantement vécues, de la découverte des charmes de la nature si proches de nous que, jamais nous n'avions devinés et que l'instituteur Rougier et le Docteur Granjean nous avaient permis de découvrir.

Si le hasard de nos sorties de plein air nous a conduit hors des limites de notre commune c'est pour mieux expliquer le rayonnement des activités champêtres recherchées par nos éducateurs et l'occasion de dire aussi que l'on pouvait utiliser les premiers engins mécaniques de transports collectifs avec les tramways en usage depuis peu, vers Toulon, Six-Fours, Ollioules.

 

Janas - Janus Foresta - Sicié

L'essentiel de ce sujet Richesse de la végétation seynoise portera maintenant sur la presqu'île du Cap Sicié avec ses collines multiples, ses vallons abrités des vents, sa grande forêt de Janas s'étendant à la fois sur les terres seynoises et six-fournaises. L'espace seynois à lui seul évalué à 400 hectares.

Vue d'ensemble de la forêt de Janas

Il y a quelque 25 ans, Jean-Claude Autran avait déjà apporté à la population seynoise une étude particulièrement documentée, intitulée La végétation de la région seynoise, sur les espèces végétales les plus répandues de la flore provençale et méditerranéenne et bien sûr celle de Sicié, célèbre depuis l'Antiquité par sa forêt de Janas placée par les Romains sous la protection du Dieu Janus Foresta et de Jana, déesse des chemins.

La municipalité d'alors à l'origine d'un office municipal de la culture et des arts (O.M.C.A.) avait le souci d'instruire les citoyens qu'elle administrait.

À cet effet, elle publiait régulièrement une revue intitulée Étraves ouverte à plus de trente associations à caractère culturel qui pouvaient s'exprimer librement sur les sujets les plus divers. Le numéro 31 de la revue Étraves, de l'automne 1974 est précisément celui se rapportant à la végétation seynoise.

À cette lecture, il était agréable d'apprendre qu'à cette date la Flore de France mentionnait 4217 espèces végétales et que 2141, soit plus de 50 % croissaient dans le département Var.

Il est certain qu'on trouve dans le Haut-Var, des espèces inadaptées aux conditions de vie des rivages.

Par contre, sur les zones littorales poussent des végétaux adaptés parfaitement au climat maritime et même au sel de la mer très présent à quelques mètres des rivages. L'isthme des Sablettes à sa naissance n'a-t-il pas été stabilisé par les plantations de Tamaris à quelques mètres de l'eau de mer ?

Il faudra bien évoquer aussi la végétation sous-marine des algues aux espèces fort nombreuses qui peuplent les rivages de la presqu'île de Sicié sur plusieurs dizaines de kilomètres en rappelant qu'avant 1950 la presqu'île de Saint-Mandrier et ses habitants faisaient partie intégrante de la communauté seynoise et en observant que la végétation des 550 hectares mandréens comporte les mêmes espèces que la presqu'île de Sicié.

Quelles espèces ? À partir de là, il est nécessaire de se référer à l'étude de la revue Étraves de 1974 qui procède à une classification en fonction des milieux végétatifs et du climat, à la mise en évidence des traits originaux de la végétation, aux dégradations, aux évolutions qui se sont produites à travers les âges, en émaillant tous ces aspects de noms provençaux et de noms usuels que les touristes Franciots s'efforcent de prononcer le moins mal possible (quand ils acceptent les leçons des Mocos).

Au préalable, il semble nécessaire de rappeler ce que disait Jean Denans, auteur de la première Histoire de La Seyne et Six-Fours, écrite en 1713. Il affirmait que la forêt de la presqu'île de Sicié était la plus belle du littoral provençal par la puissance et la diversité de sa végétation. Il est vrai qu'elle était peu fréquentée, surtout si l'on sait que le tourisme était inexistant, que dans la plupart de ses vallons, elle était impénétrable. Ses voies d'accès n'étaient que de rares sentiers envahis par les ronces et les argeiras.

Depuis le passage des Romains, au début de notre ère, les voies d'accès se limitaient à un chemin parti des Moulières qui débouchait à l'entrée de la forêt devant le sanctuaire érigé en hommage à Janus Foresta le grand protecteur et que les historiens ont situé à l'extrémité du camping municipal actuel tout proche de la pompe à long bras métallique encore visible aujourd'hui.

Ancienne fontaine de Janas du XVIIIe siècle

De là, un sentier tortueux serpentait vers ce qu'on appelait l'aire des Mascs (sorciers) en affrontant un raidillon que nos anciens avait baptisé « bagno camise » (traduisez : « on y mouille sa chemise »).

De cette étape où le marcheur reprenait son souffle, on atteignait un chemin rocailleux difficilement praticable pour arriver au point culminant où fut édifiée en 1625, la chapelle N.-D. de Bonne-Garde.

Cette pénétrante fut rejointe par la suite par des sentiers en provenance des Barelles et un autre venu du Brusc par le Vallon de Roumagnan. Du côté opposé deux autres chemins partis de Fabrégas donnaient accès au Cap Sicié et au Peyras avec prolongement sur la crête qui vit un jour, l'édification d'un sémaphore au début du XIXe siècle.

Quand La Seyne et Six-Fours furent séparés en 1657, un chemin fut établi approximativement sur la ligne de séparation que suit aujourd'hui la route conduisant à l'antenne de télévision. À l'ouest de cette ligne, vers la commune de Six-Fours, comme à l'Est vers La Seyne, la forêt qui nous préoccupe est toujours la forêt de Janas et les espèces végétales dont il va être question maintenant sont exactement les mêmes. On sait que ces petits chemins d'autrefois sont devenus des routes carrossables et que l'invasion des humains et de leurs véhicules, qu'il s'agisse des militaires, des chasseurs, des géologues, des botanistes, des artistes peintres, des pèlerins, des pique-niqueurs, des chercheurs de champignons ou d'asperges, des sportifs n'ont pas toujours été respectueux de la conservation de ce patrimoine splendide de Janus Foresta.

Entrons maintenant dans le vif du sujet avec la végétation seynoise et bien sûr six-fournaise, nées toutes deux aux mêmes époques géologiques et sur des sols constitués avant tout de phyllades (du grec phullon, feuille), que nos Provençaux appellent plus familièrement des lauvisses (du provençal lauve, pierre plate), terrains entrecoupés de filons de quartz blanc.

Les géologues nous ont appris que la presqu'île de Sicié termine la Provence siliceuse des Maures et de l'Estérel ; qu'elle est entourée des massifs calcaires de Sanary, de Bandol, du gros cerveau et de la chaîne du Faron - ce qui explique la présence de végétaux adaptés à des sols bien différents et donc une plus grande diversité dans les espèces arboricoles et les plantes herbacées.

 

Richesse de la végétation

La végétation de la presqu'île présente deux formes essentielles d'associations végétales ; tout d'abord la forêt proprement dite avec prédominance du chêne vert (éouvé), appelée aussi yeuseraie. Certains échantillons peuvent atteindre vingt mètres de hauteur et même davantage.

Ils vivent en parfaite harmonie avec les pins et plus spécialement le pin d'Alep ou pin blanc que l'on rencontre sur les crêtes où ils résistent admirablement aux assauts du mistral violent et sur les pentes les plus abruptes des versants sud, face à la mer, s'accrochant solidement par leurs racines saillantes et noueuses.

Le chêne vert, capable de vivre 1 500 ans, peut résister aux incendies et s'accommoder de conditions défavorables à son développement : sécheresse, par exemple, ou écarts excessifs de température.

Parmi les arbres, les plus beaux de cette première association végétale, il convient d'y ajouter le pin maritime au tronc rectiligne (appelé aussi pin sot ou pin bastard) que l'on trouve de préférence au fond des vallons et au bas des pentes exposées au Nord.

Les plus beaux pins maritimes se trouvaient à l'entrée même de la forêt de Janas. Hélas ! Ils ont été attaqués par des insectes et suite à une maladie mal connue, il fallut les sacrifier en sorte qu'ils se sont profondément raréfiés.

Il existe d'autres espèces de pins et de chênes dont nous parlerons plus loin.

À cette première forme d'association végétale, il convient d'ajouter le nom de quelques arbustes, et de plantes de moindre grandeur comme les lianes et les plantes herbacées.

Pensons à la bruyère arborescente (brugas mascle) qui répand des arômes bien particuliers par ses nombreuses petites fleurs, au calycotome épineux, nom savant d'une plante qui n'est autre que l'argeiras, redoutable par ses piquants surtout quand ils sont secs. Pour la petite histoire, ajoutons que nos anciens nous recommandaient de ne point recueillir les escargots grimpant sur ce végétal en raison de sa sève vénéneuse.

Dans cette même catégorie d'arbustes, ajoutons le laurier-tin (faveloure) aux nombreuses baies d'un bleu métallisé, le phyllaria à fleurs étoiles (taradéou) le pistachier lentisque, le fragon ou petit houx (verbouisset) qui donne comme le houx des baies superbes d'un beau rouge.

Quelques végétaux généralement bien connus peuvent être groupés sous le nom de lianes : c'est le cas de la salsepareille (esclariat) aux tiges et aux feuilles jalonnées d'épines recourbées et recherchées en hiver pour ses fleurs et ses fruits utilisés dans la fabrication de certaines liqueurs succulentes.

Le promeneur reconnaît de loin la présence du chèvrefeuille (panta cousta) par la suavité de ses fleurs printanières.

Notons également la garance voyageuse dont les feuilles verticillées râpeuses lui permettent de s'accrocher dans le taillis. Elle fut utilisée longtemps en teinture rouge extraite de ses racines.

Et puis qui ne connaît pas l'asperge à feuilles aiguës dont les jeunes pousses de printemps sont très recherchées par les ménagères qui en font d'excellentes omelettes ou brouillades.

Pensons également à la ronce, redoutable elle aussi par ses feuilles et ses tiges épineuses que les provençaux ont baptisé aroumi ou roumias dont les fruits qu'on appelle mûres donnent d'excellentes confitures.

Terminons avec les lianes en ajoutant un joli végétal nommé clématite flammette (rivouarto) que les adolescents, dont j'étais, utilisaient les fleurs cotonneuses desséchées comme tabac. Peut-être était-ce déjà à cette époque lointaine une forme de drogue ?

À cette première forme d'association végétale, il faut inclure des plantes herbacées dont la liste pourrait être fort longue avec des graminacées (comme le dactyle pelotonné, la flouve odorante, le brachypode), comme la lavande Stoechas (keirelet) très répandue.

Faisons maintenant une place à part à deux arbres bien familiers à nos concitoyens localisés nettement : le pin parasol appelé aussi pin pignon recherché pour les noyaux dont les graines comestibles sont utilisées en pâtisserie et le chêne-liège dont l'écorce épaisse intéresse particulièrement les pêcheurs à la recherche de flotteurs pour leurs filets et autres engins de pêche, les ceintures de sauvetage également.

Vraisemblablement ce sont nos anciens qui l'ont fait pousser à proximité des quartiers habités comme Touffany, Gavet, Donicarde, ainsi qu'au Fort Napoléon.

La végétation de Janas et d'ailleurs connaîtra dans le futur des évolutions, des proliférations d'espèces qui s'adapteront sur les étendues ravagées par les incendies. Citons par exemple l'olivier sauvage (oulivastre), la myrte, le genévrier...).

Indépendamment de la chênaie de chêne vert appelée aussi yeuseraie qui domine presque toute la presqu'île de Sicié, il nous faut décrire un autre aspect de sa végétation qu'on peut appeler les maquis surtout dans les parties ouest de la forêt à proximité de l'ancien lavoir du Rayolet et aussi sur les pentes ouest de la colline du Peyras. Outre plusieurs espèces déjà citées comme le pin d'Alep, la bruyère arborescente, le calycotome épineux (argeiras), il faut y ajouter l'arbousier aux superbes fruits oranges et rouges, la bruyère à balai (brugas), le genévrier cade dont les fruits sont particulièrement appréciés par les grives et les merles. J'ai souvenance qu'à l'époque où il abondait, mes anciens les récoltaient pour les confitures de l'hiver.

Il existe aussi sur la presqu'île de Sicié un autre type de maquis appelé maquis à calycotome, localisé plus particulièrement dans un quadrilère limité par la chapelle de Notre-Dame du Mai, le Sémaphore, le Fort du Peyras et Le Rayolet de Roumagnan et caractérisé par une intensité telle d'argeiras, que la pénétration humaine y est impossible. Ces zones constituent des refuges sûrs pour les animaux, les renards en particulier.

Ce même type de végétation se rencontre également sur les pentes du Fort de Six-Fours et des Playes. Il s'y mêle aussi les lentisques, les salsepareilles, les filaires, les asperges, les nerpruns, les fenouils, et bien d'autres espèces.

Pour en finir avec ces formes de la dégradation de la chênaie de chêne vert, il faut faire une autre place à un type de végétation plus pauvre encore qu'on appelle la garrigue sur des terrains généralement calcaires. Là, apparaissent le chêne kermès ou chêne à cochenille (riganéou) arbrisseau de 0,50 m à 3 mètres aux feuilles très coriaces et épineuse, puis le genêt d'Espagne ou spartier (ginesto) aux fleurs d'or dont les parfums embaument toute l'atmosphère de la presqu'île.

D'autres plantes s'y mêlent : la coronille à tige de jonc (ginesto fero), la germandrée (calamendrier), l'euphorbe Characias.

À signaler également une garrigue à romarin sur des versants secs et chauds où poussent le romarin (roumaniou), le thym vulgaire (farigoulette) dont nous avons déjà signalé les bienfaits, la rue, sous-arbrisseau qui répand une odeur nauséabonde quand on froisse ses feuilles dans les doigts.

Autres formes de dégradation de la forêt originale, les cistaies et les pelouses.

En alternance avec les maquis et les garrigues, il est difficile de les délimiter de façon précise. Citons l'essentiel des espèces les plus connues :

- Le ciste de Montpellier (messugo negro) aux feuilles visqueuses utilisé autrefois en médecine pour l'extraction d'une résine dont on tirait le laudanum, calmant des douleurs les plus vives.

- Le ciste à feuilles de sauge (messugo tarebou) à fleurs blanches ; le ciste cotonneux à feuilles veloutées blanchâtres et à grandes fleurs roses.

Citons encore l'arum arisarum, le citinet hypociste, plante parasite rouge qu'on peut confondre avec un champignon.

Ajoutons quelques mots sur ce que les botanistes appellent les pelouses, dernier stade de la dégradation de la végétation avant le sol nu. On les trouve un peu partout dans le massif de Sicié entre les cistaies et les maquis et souvent sur des sols rocailleux.

Au risque de transformer ces textes en catalogue, il est tout de même indispensable de citer quelques espèces comme l'immortelle, l'aster, l'inule visqueuse (nasco), l'alysson, le calament, l'urosperme, le centhrante (ou valériane) rouge, les graminées foisonnantes : dactyle, lagure, paturin, etc.

Et il n'est pas possible de terminer ces énumérations, sans faire une mention spéciale pour des espèces hygrophiles, autrement dit : celles qui recherchent l'humidité. Disons qu'elles sont plutôt rares dans le massif de Sicié et se rencontrent tout de même dans les vallons frais de Janas et de Six-Fours, autour de certains points d'eau comme la Belle Pierre ou des lavandières d'antan y trouvaient un petit lavoir. Apparaissent dans ces lieux au sous-sol humide, des peupliers blancs aux feuilles toujours tremblantes (pibo), des frênes (fraï), des chênes pubescents (rouvé), des sorbiers (souarbo), des églantiers (gratto cuou), des aubépines (arsinat ou poumato de paradis).

La végétation de la presqu'île de Sicié comme celle de St-Mandrier venue s'y adjoindre à partir de 1657, à ses caractères bien particuliers. La météorologie régionale nous a appris l'existence d'un mini climat pour les terroirs seynois et six-fournais. Des pluies diluviennes s'abattent souvent sur Toulon alors que La Seyne est épargnée.

 

Dégradations - adaptations

Les périodes d'une cruelle sécheresse durent parfois plusieurs mois. Le système hydrographique de la presqu'île a été profondément affecté par les nombreux incendies dont nous parlerons encore parmi les autres causes de dégradation de la forêt.

La disparition des moulins à eau des Moulières, le bouleversement des nappes phréatiques après le percement de la presqu'île pour le nécessaire émissaire commun, ont contribué à la disparition de multiples points d'eau de la presqu'île aggravant ainsi la sécheresse de son climat ce qui conduit à dire que les végétaux se sont adaptés non sans mal aux conditions climatiques du XXe siècle. Elle est admirable cette végétation naturelle qui a su trouver des moyens pour assurer sa survie alors que les hommes pendant longtemps n'ont pas pu ou pas su le faire.

Pour en terminer avec cette sorte d'inventaire de la végétation seynoise, au demeurant bien fragmentaire, il faut tout de même parler des espèces végétales qualifiées d'inférieures en raison de leurs modes de reproduction simplifiés et de leur existence discrète ; végétaux qui font toujours l'objet de recherches attentives des botanistes et des amoureux de la nature. Il s'agit de l'embranchement des thallophytes qui comporte les algues, les champignons, les lichens, des cryptogames vasculaires avec les fougères, de l'embranchement des bryophytes avec les mousses.

Bornons-nous à quelques généralités sur ces végétaux curieux recherchés surtout par les étudiants désireux d'illustrer leur enseignement des sciences naturelles.

Le lichen le plus connu est la parmélie des murailles, plaqué sur les rochers, mais dont la belle couleur verte ou orangée n'attire guère l'attention du promeneur. Son thalle résulte de l'association d'une algue et d'un champignon, ce qui lui permet de résister au gel de l'hiver et aux plus grandes sécheresses de l'été.

Il sera question plus longuement des champignons quand seront évoquées les ressources comestibles de la forêt.

Naturellement les algues, végétation sous-marine bordant tous les rivages de la presqu'île du Cap Sicié mériteraient de longs développements si l'on pense à leur extrême diversité. Les plus connues sont les ulves, semblables à des feuilles de choux, les fucus vésiculeux, les laminaires.

Sous les feuillages ombragés, à l'approche de Noël, les enfants et les adultes aussi sont à la recherche des mousses, végétaux qui tapissent les sols humides ; ce sont des végétaux sans racine, fixés par de simples crampons dont les larges plaques sont utilisées pour la confection des crèches.

Enfin, quelques mots sur les fougères qui appartiennent au sous-embranchement des cryptogames vasculaires. Notre forêt n'en laisse paraître que dans les vallons très humides. Les plus connues s'appellent : polypode vulgaire, fougère aigle, scolopendre, capillaire, cétérach - cette dernière poussant de préférence sur les murs et les rochers.

Le lecteur me pardonnera ces énumérations de végétaux et aussi les termes ou expressions à caractère scientifique, mais il est difficile de simplifier si l'on considère l'immensité d'un tel sujet.

Un aspect à ne pas oublier : l'adaptation des plantes au climat méditerranéen caractérisé par des hivers doux et humides et des étés secs et chauds. Tous mes concitoyens savent bien que la presqu'île de Sicié reçoit rarement des pluies en juillet et août, ce qui pose pour ses végétaux des problèmes difficiles d'adaptation à la sécheresse et il n'est pas inintéressant, me semble-t-il d'expliquer la multiplicité des procédés qui leur permettent de résister et de triompher des rigueurs de la nature.

Pour s'adapter aux chaleurs excessives de l'été et à une sécheresse prolongée aggravée par un mistral violent, vent dominant dans toute la Provence, la plupart des végétaux de notre terroir appelés xérophytes (xeros, sec) ont réduit la surface de leurs feuilles de manière à ne pas perdre l'humidité des sols par évaporation : c'est le cas pour la bruyère, le genévrier ou cade, l'asperge, le romarin...

D'autres végétaux ont transformé leurs rameaux en épines comme l'argeiras, la salsepareille, la ronce, ce qui leur assure aussi une certaine protection contre des agressions éventuelles.

Autre moyen d'amoindrir l'évaporation : la sécrétion de substances de type résine. Cette possibilité est vraie pour tous les résineux (pin, sapin, épicéa...) qui ont en outre développé des feuilles transformées en aiguilles sur lesquelles l'évaporation est quasiment nulle.

Certaines autres plantes ont recouvert l'épiderme de leurs feuilles par une cuticule épaisse ou alors un enduit cireux ou vernis, ce qui est le cas pour le chêne vert, le chêne kermès, l'olivier, le myrte, le laurier-tin appelé aussi viorne, l'arbousier, le nerprun, le lentisque et bien d'autres.

De nombreuses plantes herbacées passent la longue période sèche de l'été sous forme de pousses souterraines en forme de bulbes et de tubercules... ce qui leur permet de fleurir magnifiquement au printemps, avec l'exemple des orchidées, des iris, des muscaris, de l'ail sauvage...

Autre procédé que l'on constate sur les variétés de cistes qui se recouvrent de poils denses favorisant une condensation de la rosée. Possibilité pour l'eucalyptus de présenter le limbe de ses feuilles verticalement de manière de manière à ne jamais recevoir directement les rayons solaires et ceci grâce à l'action de la lumière sur les cellules végétales et provoquant des mouvements rotatoires. Des phénomènes semblables ne se produisent-ils pas chez les tournesols qui recherchent au contraire la chaleur solaire ?

D'autres plantes herbacées recherchent l'humidité en développant un double réseau de racines à la fois dans le sens vertical et horizontal... tandis que d'autres s'efforcent de ne fleurir qu'à l'automne ayant ménagé l'été pour une période de repos : c'est précisément le cas du laurier, de l'aster, de l'asperge et de la salsepareille.

Et la nature a trouvé un procédé remarquable en enseignant aux végétaux l'économie alimentaire. Pensons aux plantes dites grasses dont les feuilles sont charnues, tendres et juteuses et qui appartiennent à la famille des crassulacées.

Sur le littoral, on rencontre souvent des plantes rampantes aux feuilles charnues, à section triangulaire, qui gonflent d'eau leur tissu au moment des pluies. Elles possèdent des fleurs superbes de couleur pourpre ou jaunes. On les appelle ici doigts de sorcière, ou figues des Hottentots, voisines des ficoïdes, dans la famille des aïzoacées.

Un exemple également typique est celui du sédum, appelé aussi orpin, ainsi que celui du pourpier sauvage, plante qui habite surtout les terrains vagues, mais qui fait aussi le désespoir des jardiniers.

Et l'on peut aussi évoquer le cas des végétaux capables de sécréter un lait (latex) toxique et irritant, comme le fait l'euphorbe aux très nombreuses espèces, ce qui lui permet de lutter à la fois contre la sécheresse et les prédateurs éventuels dont les organes des sens savent détecter la toxicité du végétal.

Le figuier sauvage, comme son frère cultivé, lui aussi produit un lait végétal et son aptitude à trouver l'humidité loin de son pied est remarquable. Ses racines sont capables de traverser des points de canalisations en grès pour y puiser l'eau nécessaire à leur alimentation.

À la lumière de ces exemples multiples on voit bien que la végétation naturelle ne manque pas d'astuces pour assurer sa survie en triomphant des dangers climatiques.

Elle serait plus belle encore, cette végétation si elle n'avait pas à supporter des agressions dont il faut préciser les causes parce qu'elles sont généralement le fait des humains responsables dans une certaine période de l'exploitation abusive des forêts, des incendies parfois dramatiques occasionnés par des imprudences de fumeurs, de pique-niqueurs, par la négligence des administrations forestières à tous les niveaux, par la volonté de nuire des pyromanes, par l'insuffisance des moyens de lutte contre le feu, contre les maladies végétales, contre les insectes comme le bombyx processionnaire, et d'autres mal connus.

Ces causes de dégradation s'ajoutant à celles des évolutions naturelles ont amené le passage de la yeuseraie et d'importantes pinèdes à une végétation de maquis, de garrigues, de pelouses dont il a été question plus haut.

On aurait tort de penser que le phénomène inverse n'est pas possible. Il faut en convaincre les édiles les responsables des problèmes de l'environnement qui doivent trouver les moyens de reconstituer les yeuseraies disparues, de débroussailler les cistes et autres plantes de sous-bois qui sont des proies si faciles pour les flammes. Il faudra y revenir plus loin.

À ce propos, j'aime souvent rappeler à mon entourage de jeunes seynois que dans mon enfance la population était autorisée par les municipalités de l'époque à arracher des bruyères et des genêts épineux dont les racines dures tenaient bien la braise dans les poêles de fonte. N'utilisait-on pas aussi les boules de cyprès desséchées pour économiser le charbon ?

On ignorait alors le gaz et l'électricité pour faire la cuisine. C'est pourquoi l'un des premiers chemins de La Seyne se détachait du bas de la rue d'Alsace pour conduire nos anciens vers les Moulières et Janas. À longueur d'année, on voyait déambuler des brouettes, des voitures d'enfants, des charretons, tirés ou poussés par des femmes, des enfants, des retraités, remplis de pommes de pins, de sacs lourds bourrés de tête de brusc (bruyères), de fagots de bois mort.

C'était aussi le défilé de grandes charrettes à ridelles hautes qui apportaient aux boulangers de la ville les fascines de pin destinées à chauffer les fours. C'était, à l'époque, le combustible le plus sain dont disposaient nos anciens.

Avec une autorisation municipale, les gens de ce moment-là, pouvaient ainsi participer au nettoyage des sous-bois en faisant provision de « pignes » comme on disait dans notre parler provençal. Cette aubaine offerte aux miséreux pour qui le charbon était trop onéreux, contribuait aussi à limiter le risque des incendies ou tout au moins à freiner leur extension rapide et meurtrière.

Pour être plus complet sur la question des combustibles, il est nécessaire de mentionner que les épiceries d'autrefois vendaient du charbon de bois confectionné dans des coins abrités de la forêt où les spécialistes faisaient consumer par un feu doux des rangées de bâtons de chêne vert disposées en étages circulaires jusqu'à former un hémisphère au centre duquel avait été laissée une cheminée pour activer la combustion. Cette technique donnait le charbon de bois que ma grand-mère préféra longtemps au réchaud à pétrole ou à alcool qui dégageaient des odeurs désagréables.

La forêt de Janas ne connut pas longtemps l'exploitation de ces charbonnières qui furent aussi une forme de dégradation de la forêt.

Revenons quelques instants sur les causes de dégradation de la forêt de Sicié dont les hommes se sont rendu le plus souvent responsables soit par nécessité, soit par ignorance et aussi par imprudence.

Nécessité parce qu'aux premiers siècles de notre ère et pendant le Moyen Age, les premiers habitants de la communauté de Six-Fours voulurent exploiter des terres arables, mais il leur fallut les conquérir sur les bois et les marécages. Ils s'appliquèrent à défricher avec des outils primitifs pour ensemencer et tirer des ressources végétales et animales.

À partir de là ce fut le recul de la forêt. L'agression se produit aujourd'hui sous d'autres formes avec les urbanistes, les affairistes peu soucieux du respect de la végétation naturelle. Il sera nécessaire d'insister sur ce sujet primordial dans la conclusion de cette relation.

La plupart des collines du terroir seynois laissent encore pointer quelques bosquets mais sur leurs pentes se multiplièrent les restanques soutenant de bonnes terres se multiplièrent les restanques soutenant de bonnes terres que nos paysans peuplèrent d'oliviers, de vignes et même de cultures venant au sec.

Intéressés aussi par l'élevage des animaux, moutons et chèvres en particulier, ils conduisaient leurs bêtes paître en pleine forêt de Janas et l'on sait les désastres causés par le nomadisme des troupeaux jusqu'au jour où il fallut interdire l'accès de la forêt aux caprins et aux ovins.

Les arbres offraient à nos anciens des ressources infiniment variées : les bois pour la construction navale, les tiges de myrte pour la confection des nasses, le liège nécessaire pour les flotteurs et les ceintures de sauvetage, l'écorce des pins pour la teinture des filets, la résine pour jointer les bordages, les fagots pour chauffer le four des boulangers.

Cette résine tirée des plus gros pins entaillés à la base, procédé appelé gemmage qui contribua sans nul doute à l'affaiblissement de la grande pinède.

Ce ne fut pas l'exploitation des petites ressources avec les récoltes des plantes médicinales et aromatiques comme le thym, le romarin, l'eucalyptus et bien d'autres, le ramassage des glands de chêne pour la nourriture des lapins !

La cueillette des arbouses, des myrtes, des ronces dont nos anciens faisaient des confitures, des fleurs de salsepareille qui donnaient de succulentes liqueurs, non ! ces petites ressources étaient offertes chaque année à tous les amateurs de la forêt qui pouvaient lui porter de graves préjudices, pas plus que la cueillette des champignons qui étaient eux aussi d'un grand intérêt malgré leur classification dans les végétaux inférieurs.

Rappelons au passage les variétés des espèces les plus recherchées comme les cèpes, les bolets (pissocans), les girolles à la belle couleur orange, les lactaires délicieux appelés chez nous les safranés ou encore les sanguins et encore les pignets. On ne négligeait pas non plus les psalliotes, les coulemelles (pélisses), les agarics, les oronges, les crêtes-de-coq ou clavaires, les morvellous...

On pourrait s'attarder à parler aussi des champignons délaissés sans être toutefois vénéneux. Leur liste est aussi fort longue. Ne transformons pas notre récit en catalogue.

À ces petites ressources, il faudrait ajouter celles de la chasse pratiquée avec succès autrefois car les lapins, les perdrix, les bécasses firent longtemps la passion des chasseurs seynois. Ce n'est plus le cas aujourd'hui puisqu'il faut lâcher du gibier d'élevage qui disparaît en quelques jours après les ouvertures de la chasse. Et comme la forêt s'est affaiblie et ne donne plus ou presque de fruits comestibles aux oiseaux de passage, le gibier à plumes a presque disparu de notre forêt de Janas.

Comme chacun sait, quelques familles de renard ne survivent qu'en fouillant les poubelles des quartiers extérieurs à la ville.

Ne pestons pas contre les chercheurs d'asperges et d'escargots, pas davantage contre les promeneurs et les touristes qui empruntent les sentiers balisés de la forêt, non plus contre les apprentis cavaliers qui vont au pas paisiblement. Les agressions de la forêt ne sont pas leur fait à condition toutefois qu'ils n'y jettent pas leurs ordures ou les restes de leur repas champêtre. Toute une éducation à faire !

Les plus grandes agressions subies par notre belle forêt de Janas, elles remontent à des époques lointaines, mais sûrement pas à l'invasion romaine de Jules César qui attachait une grande importance à l'exploitation des pinèdes et des yeuseraies ; à un point tel que la pénétration humaine en forêt était surveillée de près, laquelle fut placée sous la protection de Janus Foresta Dieu romain de l'ancienne Etrurie - inséparable de Jana la déesse des chemins.

Le temps passa et ce fut probablement au Moyen Age que la végétation connut sa plus grande splendeur. Mais l'agression dont elle fut particulièrement victime fut sans conteste l'ordonnance de Colbert, ministre de Louis XIV, datée de 1669, décision dont le but était de donner à la France la plus grande flotte d'Europe et de lui assurer une prépondérance certaine par rapport à la redoutable flotte anglaise. Pour ce faire, toutes les forêts de France furent mises à mal et la forêt de Janas vit disparaître ses arbres les plus beaux : chênes et pins maritimes, si précieux pour leurs troncs rectilignes destinés aux mâtures. La politique guerrière de la Royauté porta un coup très dur à la riche végétation seynoise... et aux autres.

Après cette dure épreuve ce fut le fameux hiver de 1709 qui connut de Janvier à Mars, une vague de froid d'une rare intensité détruisant complètement les vergers, les oliveraies et porta également de graves préjudices à la Forêt de Janas tant sur La Seyne que sur Six-Fours.

Pendant les décennies qui suivirent que de fois les incendies ravagèrent la presqu'île de Sicié dans toutes ses dimensions. Aucune organisation de sapeurs-pompiers n'existait alors. On appelait la population et les militaires à éteindre les flammes avec des branches feuillues de chênes verts.

Quand les soldats de l'Infanterie coloniale, logés à la Caserne de la Gatonne arrivaient à pied d'oeuvre, le mal était déjà fait.

Alors de loin en loin le garde forestier dont la maison existe toujours à l'entrée de la forêt de Janas depuis le siècle dernier, prélevait les plus beaux échantillons d'une pépinière établie dans le vallon de Bonnegrâce à droite du parking d'aujourd'hui.

Il reboisait comme il pouvait, presque toujours seul son travail artisanal accompli, avec une grande conscience était loin de suffire aux besoins réels de l'entretien de la forêt et encore moins de la reconstitution des hectares détruits.

Ce brave homme était confronté à d'autres tâches des plus ingrates pour la simple raison que la forêt recevait de plus en plus des visiteurs dont la plupart manquait plutôt de sens civique.

Les voies de pénétration se multipliaient d'année en année. Rappelons au passage que la Chapelle de N.-D. de Bonne-Garde, édifiée en 1625, attirait périodiquement les foules au moment des fêtes religieuses des mois de mai, d'août et septembre. Dans la masse des croyants, n'y avait-il pas des fumeurs imprudents à conseiller et à surveiller ?

Le garde forestier connaissait presque tous les chasseurs qui s'abstenaient généralement de fumer et d'allumer du feu pour chauffer leur repas, sachant bien que les incendies s'accompagnaient de la disparition du gibier.

Par contre, les militaires ne s'offusquaient guère des problèmes de la sécurité publique et du respect de la végétation. Quels militaires direz-vous ?

Depuis 1878, il avait fallu aménager une route d'accès au fort du Peyras dominant l'anse des Sablettes, la presqu'île de Saint-Mandrier, le Cap Sicié et ses deux frères et bien sûr le grand large oriental.

Les convois de ravitaillement empruntaient cette route qui se détachait à main gauche après la maison du garde forestier. De temps à autre, les permissionnaires la descendaient joyeusement à pied dans l'espoir de trouver un véhicule à Six-Fours ou à La Seyne.

Certains matelots obtenaient l'autorisation de faire leur petite lessive au lavoir de la Belle Pierre non loin du vallon de Janas où ils liaient conversation avec des lavandières en provenance de La Seyne et qui disaient l'eau de Janas plus pure que celle des Moulières !

Du danger des incendies, on ne pouvait pas en rendre responsables les quelques matelots en service à la batterie du Peyras ; par contre il fallait redouter les visites fréquentes dans la forêt des militaires en garnison à la caserne de la Gatonne à La Seyne.

Vers la fin du siècle dernier, l'autorité militaire disposait en forêt de Janas d'un terrain appelé champ de tir, espace qu'il avait fallu débroussailler pour l'installation des cibles. Chaque semaine, les soldats aux pantalons rouges venaient exercer leur Lebel, qu'ils appelaient canne à pêche, en raison de la longueur du canon. Le garde forestier n'aimait pas beaucoup ces visiteurs importuns qui comptaient de nombreux fumeurs de pipes.

Il souffrit bien davantage au moment de la guerre 1914-18 quand il vit déboucher un jour à l'entrée de la forêt, des engins mécaniques montés sur des chenilles d'acier portant tourelle et canon menaçant. Ils ne venaient pas exécuter des tirs dans la forêt bien sûr, mais leur but précis était double : entraîner les conducteurs en terrain accidenté d'une part ; affirmer la puissance des engins de plusieurs tonnes sur des obstacles comme les arbres, des pins surtout qui avaient mis plusieurs décennies à pousser. Les chars d'assaut appelés les tanks à leur début relevaient leur train de roulement sur les troncs comme pour les escalader jusqu'à l'effondrement du végétal dans un sinistre fracas. Les officiers qui assistaient à ce spectacle pour le moins affligeant se réjouissaient du résultat et espéraient sans doute faire mieux encore dans les forêts de l'Argonne. Il est vrai que ce serait pour une bonne cause à la victoire des armées alliées de 1917.

Mais hélas ! la forêt de Janas venait de connaître une forme d'agression nouvelle dont Janus Foresta eût souffert beaucoup lui aussi, s'il avait assisté à ce spectacle révoltant.

Dernier exemple dont les militaires se rendirent coupables avec l'invention des fusées éclairantes. N'arriva-t-il pas que le vent d'est poussa ces engins incandescents lancés depuis les batteries de Saint-Elme pour aller enflammer les pentes du Peyras face à la presqu'île de Saint-Mandrier.

 

Les incendies

Après tous les dommages dont il a été fait mention jusqu'ici, on se demande parfois comment la végétation de Sicié et surtout la forêt de Janas ont pu résister et survivre à tous les maux : ceux des cycles de la nature avec ses froids excessifs, ses sécheresses persistantes ; ceux des pillages de toutes natures, ceux des incendies aux causes multiples... De tous les dangers, il faut bien reconnaître que l'homme demeure le plus responsable et malgré ses inventions, ses découvertes géniales, il est encore loin d'avoir maîtrisé les forces de la nature et les fléaux engendrés par la modernité.

Nos anciens nous parlaient des incendies les plus mémorables de 1868, de 1871, de 1894 au cours desquels la presqu'île de Sicié fut ravagée en totalité entraînant la mort de toutes les espèces animales et végétales de la grande forêt si riches autrefois en lapins, perdrix, renards et autres petits carnassiers...

Plusieurs décennies s'écoulèrent au cours desquelles on vit reverdir les chênes-liège, les lentisques - et hélas naître des types de végétation dégradée avec les maquis, les garrigues, les cistaies comme il a été dit précédemment.

Que pouvait-on reprocher aux édiles de l'époque qui n'étaient en possession d'aucun moyen efficace pour lutter contre l'incendie. De nos jours, des progrès considérables ont été accomplis dans ce domaine et la Société et ses structures à tous les niveaux ont compris les problèmes de défense de la nature végétale sans laquelle la vie humaine ne serait pas possible.

C'est pourquoi dans les pages qui suivent seront précisés les efforts concrets, les réalisations très positives des élus, des administrateurs, des associations de défense du riche patrimoine végétal, capital inestimable que toute la population a le devoir de défendre par tous les moyens.

La seconde guerre mondiale terminée il s'agissait de redonner à notre ville sinistrée à 65 %, les structures nécessaires à la vie quotidienne. Bâtiments publics, réseaux d'eau, énergie électrique, voies de communications, etc. et en priorité il fallait reconstruire des habitations et loger des milliers de sinistrés.

Les problèmes de défense de la nature prirent du retard par rapport aux questions économiques les plus urgentes, par exemple la reconstruction des chantiers de constructions navales.

Ce ne fut vraiment qu'à partir des années 1970-75 que les pouvoirs publics, les édiles à tous les niveaux se penchèrent sérieusement sur les problèmes de l'environnement. On sait que devant leur ampleur à l'échelle nationale il fallut créer un ministère spécial à cet effet.

La vie moderne avec ses nuisances, ses pollutions de toutes sortes qui se multiplient dans les villes, les cités industrielles, les ports, les rivages, les rivières, exige une attention spéciale sur la pureté des eaux, de l'atmosphère, de la terre elle-même.

Ce nouveau ministère prit des initiatives heureuses et les délégations à l'environnement se mirent au travail dans les instances administratives régionales, départementales, communales. Les réunions se multiplièrent pendant des années pour constater que les moyens financiers manquaient pour apporter des solutions efficaces à des problèmes sur l'urgence desquels tout le monde était d'accord. Quand la montagne d'ordures de Lagoubran, à proximité des grands ensembles urbains, rendit l'atmosphère putride, quand les eaux usées de l'émissaire commun de Sicié, tua la végétation sous-marine sur des dizaines d'hectares, alors la population éleva la voix de façon significative. Il fallut bien 10 ans et même davantage pour voir s'ériger une usine d'incinération à Lagoubran et une station d'épuration au Cap Sicié.

Il est bon d'ajouter que ces questions se posent maintenant au monde entier avec les pollutions de l'atmosphère dans les grandes villes, avec les catastrophes écologiques occasionnées par les pétroliers, avec les déchets atomiques.

Il est grand temps que des accords internationaux apportent des solutions si l'on veut sauvegarder les richesses que la nature a offertes à l'Humanité et si l'on veut bien préserver la santé des populations et de toutes les espèces vivantes de notre planète.

 

Protégeons la nature - Sauvons Janas

 

Sauve la nature, elle te sauvera ! Ce sont là des conseils que nos anciens voulaient mettre en pratique car ils avaient bien conscience de l'importance de ce bienfait inappréciable dont ils pouvaient tirer le meilleur parti.

Déjà les Romains de l'Antiquité avaient placé les forêts sous la protection d'un dieu auquel il a été fait référence précédemment : Janus Foresta. Les légions de César parties, la défense des forêts s'est toujours posée à l'attention des féodaux et de la Royauté. Les ordonnances royales de Philippe Auguste en 1219 et de Philippe Le Bel en 1289 en sont la preuve : les unes réglementant les coupes de bois, les autres interdisant la paissance des troupeaux mais leur application manqua souvent de rigueur.

Sous le règne de Charles V apparut un premier code forestier. Mais ce fut seulement au début du siècle dernier que l'on parla d'un garde forestier et l'administration ne se précisa qu'avec la loi du 26 août 1824 qui fonda l'École Forestière.

De cette question capitale que pose la défense de Janas, nos élus locaux ont pris bonne conscience surtout ceux d'après la guerre.

On parlait de plus en plus des problèmes de l'environnement, de l'écologie, du respect des équilibres naturels le plus souvent rompus par la civilisation moderne. Alors dans les programmes des campagnes électorales des engagements précis apparurent sur le reboisement, l'accès facile de la forêt, les retenues d'eau possibles, les effectifs des sapeurs pompiers...

Les municipalités seynoise se penchèrent attentivement sur ces questions, tandis que le Conseil général et le Conseil régional faisaient de même.

Maurice Blanc, Maire de La Seyne, fut chargé d'étudier les mesures à prendre au niveau de toute la Provence dans la période où il représenta la ville de La Seyne au sein de l'Assemblée régionale.

En voici un résumé succinct :

La protection de la forêt exigeait tout d'abord l'accroissement des moyens en hommes et en matériel de surveillance. Il fallait envisager de créer des systèmes de balisage et de circulation de manière à faciliter la pénétration de la forêt aux combattants du feu.

Établir des plans de débroussaillement par l'aménagement de pare-feux compte tenu du relief, des espèces à protéger et des vents dominants.

Boiser ou reboiser des espèces qui offrent la plus grande résistance au feu. Renforcer les effectifs et pourquoi ne pas appeler les militaires sous les drapeaux ?

Sensibiliser la population par des informations permanentes adressées aux promeneurs, aux touristes, aux chasseurs, à tous les usagers de la forêt, d'ailleurs de plus en plus nombreux, aux enseignants de toutes les écoles.

Ces mesures urgentes à prendre furent mises à l'étude dans toutes les instances locales, départementales, régionales. Pour ce qui concerne particulièrement notre terroir seynois et surtout notre grande forêt de Janas, nous allons montrer les travaux considérables accomplis pour la défense de ce patrimoine aux immenses ressources économiques, écologiques, sociales. Tout cela représentant un capital si précieux qu'il fallait impérativement parvenir à une prise de conscience de toutes les collectivités et de chaque citoyen.

Au plan local, la municipalité de 1973 créa une commission de l'environnement forte de 60 membres qui se mit à l'ouvrage et voulut agir dans un premier temps pour l'aménagement de nouveaux espaces verts, la lutte contre le bruit et des vacances propres. Mais l'objectif principal était la défense de la forêt et sa régénération.

Alors pendant plusieurs années, on vit de jeunes écoliers des membres d'association d'amoureux de la nature participer à la plantation d'arbres, précisément dans les endroits de la forêt les plus dégradés.

À partir de 1975, 4 000 arbres furent plantés par un millier d'écoliers et membres de foyers sociaux éducatifs, enthousiasmés par la noblesse de leur tâche. L'année suivante, un dispositif de défense contre l'incendie fut mis en place dans la forêt avec des pare-feux et des bouches d'eau sur 96 hectares sur les 400 hectares où elle s'étend en territoire seynois.

Des pistes, des sentiers balisés, des aires de loisirs furent aménagés tandis que dans le vallon de Janas fut réalisée une importante retenue d'eau dans la perspective d'expérimenter la formation d'un micro-climat susceptible d'humidifier les pinèdes et les yeuseraies.

En 1976, des centaines de bénévoles débroussaillèrent et reboisèrent 10 hectares et envisagèrent la création d'autres lacs artificiels où pourraient se désaltérer les oiseaux et les petits mammifères de la forêt.

Précisons que toutes ces initiatives et réalisations concrètes furent impulsées par Daniel Hugonnet, conseiller municipal de l'époque, grand spécialiste de l'Environnement et qui joua également un rôle efficace dans la réalisation de la station d'épuration de Sicié.

Les opérations de reboisement allèrent bon train et l'on pensa à remplacer les pins par des eucalyptus moins inflammables. Et mieux encore : avec l'opération gland de chêne, on prévoyait pour le long terme, la reconstitution de la végétation originelle.

Reboisement à Janas

Conjointement, les bénévoles des associations de défense de la nature luttaient avec l'aide des services municipaux pour le nettoyage de la forêt.

Les paisibles chercheurs de champignons, les promeneurs découvraient à proximité des chemins les objets les plus hétéroclites dont les goujats soucieux de la propreté de leur maison venaient se débarrasser dans le sous-bois : matelas crevés, vieux pneus, voitures d'enfants détraquées, pots de peinture, pièces métalliques, ressorts de sommier... autant d'objets dégoûtants. Une véritable insulte à la beauté de la nature !

N'a-t-on pas surpris un jour un entrepreneur de maçonnerie venir déverser un camion de gravats à proximité de la maison forestière ?

Au cours des opérations vacances propres, il se trouva de nombreux citoyens bénévoles pour faire disparaître des tas d'ordures, des gens au courage admirable qui opéraient sans doute également sur les rivages.

Autres formes de réalisations bénéfiques pour Janas : la création de 15 km de routes et de pistes destinées à une meilleure pénétration de la forêt par un quadrillage permettant d'une part l'intervention rapide des pompiers en cas d'incendie et l'aménagement d'une piste périmétrale longue de deux kilomètres - et d'autre part facilitant la circulation des promeneurs et des touristes.

Dans cette période, la maison forestière communale accueillit un agent technique de l'O.N.F. (Office National des Forêts) chargé de la protection et de la régénération du capital forestier.

De son côté, le Conseil général du Var lançait un appel aux varois et aux varoises pour la protection de la nature et spécialement celle de la forêt. Un dépliant fort bien conçu montrait sur une place la carte des massifs forestiers de notre département qui est l'un des plus boisés de France avec prédominance de résineux et à l'opposé de ce document les dix règles d'or à observer par la population tout entière et qu'il est bon de reproduire en espérant qu'elles seront entendues et suivies d'effets bénéfiques.

• Signaler aux pompiers toute fumée suspecte. Soyez précis dans vos renseignements.
• Débroussailler dans un rayon de 50 mètres autour de votre maison.
• Ne jamais fumer en forêt.
• Ne pas circuler en forêt par temps de vent.
• Observer strictement la signalisation forestière (sanctions pénales).
• Ne jamais jeter de mégot de cigarette en voiture.
• Ne jamais brûler de végétaux hors des périodes autorisées et lorsqu'il y a du vent.
• Ne jamais allumer du feu en forêt et à moins de 200 mètres de la forêt (feu de camp, barbecue ou autres).
• Ne pas déposer de déchets en forêt ou à proximité.
• Si vous habitez en forêt ou en lisière, équipez-vous de moyens de lutte (moto-pompes à moteur thermique) et de longueur de tuyaux suffisantes.

Les campagnes de reboisement se succédèrent dans cette période des années 1976-1980. Les écoles, les mouvements associatifs, les associations de protection de la nature réalisèrent en cinq ans le débroussaillement de 11 hectares dévastés par le feu, des maladies végétales et les insectes prédateurs. Un total de 13 000 arbres ont été plantés dans cette surface.

Rappelons ici que le terrible incendie de 1979 ravagea 130 hectares de notre forêt.

Sans se laisser abattre, les Seynois, ardents défenseurs de la nature ont poursuivi leurs efforts de régénération. En 1982, on pouvait estimer à 70 000 le nombre des arbres plantés ou recépés dont 9 350 chênes-liège, 8 200 eucalyptus. La dernière opération de reboisement en comptait 2 000 pins pignon, 750 acacias, 750 cyprès.

Les Amis de la nature, les marcheurs du Foyer Toussaint Merle, les membres de l'A.R.P.O.N. apportèrent leur précieux concours à l'opération « 10 000 trous - 10 000 arbres », comme à celle de Radio Monte-Carlo au cours de laquelle 4 350 arbres furent plantés et 2 hectares ensemencés en chênes-liège.

Parallèlement à ces actions bénéfiques, un employé municipal doté du matériel nécessaire travaille en permanence dans la forêt, les travaux les plus importants étant réalisés par une entreprise.

La population de La Seyne augmentait sensiblement d'année en année. Le recensement de 1962 donnait 34 270 habitants. Treize ans plus tard, il passa à 51 669 habitants. La forêt de Janas, de plus en plus, était fréquentée par toutes les catégories sociales : les retraités en nombre croissant, les sportifs, les écoliers, les promeneurs amoureux de la nature, les étudiants intéressés par la botanique, les touristes, les artistes, les scientifiques, sans parler des gagne-petit à la recherche des menues ressources que la forêt pouvait encore offrir malgré les agressions en tous genres dont elle était victime.

Janas accueillait des foules pendant la belle saison au mois de mai surtout et dans les périodes où la foi religieuse appelait les croyants à N.-D. de Bonne-Garde et aussi quelques chasseurs toutefois en régression pour les raisons expliquées plus loin.

Des exigences nouvelles apparurent : les campeurs venus parfois de très loin avec leurs caravanes, leurs toiles de tente, les naturistes, les amateurs de tir au pigeon d'argile, les pratiquants du sport équestre, les organisateurs de colonies de vacances et à la mi-août les chasseurs et leurs chiens...

 

Les structures d'accueil

Dans les années d'après la guerre 1939-1945, la Municipalité dirigée alors par Toussaint Merle fit aménager le camping municipal avec tous ses équipements de loisirs qui accueillait des Parisiens, des Lyonnais et aussi des étrangers dont les voitures, les caravanes envahissaient les pinèdes dès l'entrée de la forêt. De telles concentrations présentaient des dangers auxquels il fallut parer rapidement.

Obligatoirement des parkings étaient nécessaires. L'un fut aménagé sur le champ de Mai sous les superbes pins parasols, l'autre à proximité de la maison forestière.

Camping municipal de Janas
Parking

En 1976, une innovation dont la population seynoise apprécie depuis les bienfaits : le C.R.A.P.A. (Circuit Rustique des Activités Physiques Aménagées) quelques précisions sont ici nécessaires.

Cet ouvrage consiste en une piste de 2500 mètres sinueuse en terrain boisé, jalonnée d'obstacles fait d'appareils en bois permettant des exercices d'assouplissements, des sauts, des équilibres.

Toutes ces installations incitent à l'effort physique volontaire, offrant la détente par le jeu. C'est pourquoi ce C.R.A.P.A. attire toujours, depuis plus de vingt ans, des jeunes et adultes, surtout le samedi et le dimanche.

Tout près du vallon de Janas, dans la même période fut érigée une importante construction mise à la disposition de la Caisse des Allocations Familiales susceptible d'accueillir régulièrement 150 enfants venant profiter de l'air vivifiant des pinèdes et des yeuseraies.

Autorisation fut donnée à la création d'un modeste parc animalier à proximité de la maison forestière tandis qu'à la lisière Nord-Est de la forêt s'ouvrit une école d'équitation et un restaurant nommé Hacienda où se réunissent les convives des repas de noces, des sociétés en congrès, des repas d'affaires.

Maison forestière de Janas

Il appartenait surtout à la Municipalité, la forêt de Janas étant une propriété communale, de gérer et de coordonner le fonctionnement de toutes les structures d'accueil qui amenaient à Janas et vers Sicié des gens de toutes catégories sociales aux motivations bien différentes.

Des problèmes toujours nouveaux se posaient à l'attention de nos édiles qui, patiemment, trouvèrent toujours des solutions avec le concours des garde-forestiers d'abord et celui des associations de défense de la nature.

Alors que la société de chasse désirait un parc de repeuplement pour le gibier, une autre société, l'A.R.P.O.N., dont il a été question plus haut, créait des refuges d'oiseaux sur 28 hectares et demandait instamment à la Municipalité l'interdiction absolue de la chasse dans la forêt communale. Il fallut donc délimiter les zones précises et limiter les jours de chasse en réduisant au minimum les dangers pour les promeneurs et les écoliers.

Par ailleurs, les Amis de la nature, autre association, se préoccupa de l'aménagement des sentiers balisés permettant aux paisibles promeneurs amoureux des végétaux en fleurs et des parfums suaves des genêts et des romarins, de venir contempler les beautés que Janas leur offrait généreusement.

Là encore, on entendait maugréer certains qui s'opposaient à la création de voies d'accès aux naturistes du Jonquet, estimant odieuses les pratiques d'une modernité jugée trop érotique. Des puritains protestaient de vive voix : Il est inadmissible que notre maire laisse faire de telles choses, je lui écrirai mon indignation !

D'autres plus conciliants répondaient :

- Voyons ! ce n'est pas un phénomène nouveau, le nudisme ! Depuis longtemps ça se pratique à Port-Cros.

- Ce n'est pas pareil, Port-Cros c'est une île et c'est tout de même un peu plus caché !

- Tè ! reprenait un autre, tu crois que les pêcheurs de là-bas, y vont pas se rincer l'oeil ?

Et les opposants aux nudistes du Jonquet concluaient : « qu'ils se mettent tout nus chez eux tant qu'ils voudront ! ».

Il fallait tout de même penser aux cheminements nécessaires d'accès aux plages : Fabrégas, le grand Baou, la plage du Boeuf.

Ne fallait-il pas prévoir des pistes équestres à la suite d'algarades entre cavaliers fougueux et paisibles piétons si l'on connaît l'étroitesse de ces voies envahies sans cesse par la végétation.

C'est assez dire pour montrer l'extrême complexité de l'utilisation pacifique de Janas et de Sicié.

Les pistes, les sentiers se multiplièrent en quelques années facilitant la pénétration de la forêt mais en contrepartie, accroissant le danger de tous les humains trop souvent inconscients de leurs imprudences, celles surtout des fumeurs et des pique-niqueurs.

Ajoutons que ces dernières années on vit s'accroître les mouvements, les déplacements dans la forêt et en tous les sens : véhicules montant par Cachou vers l'antenne de télévision à proximité de la Chapelle Notre-Dame de Bonne-Garde. Fréquentation sur la corniche reliant le Brusc et Fabrégas par l'aire des Mascs avec dérivation vers l'usine d'épuration des eaux usées de toute l'agglomération toulonnaise.

Comment concilier les activités des associations aux motivations si diverses et le fonctionnement des administrations civiles, militaires, touristiques ?

Certes, les difficultés ne sont pas insurmontables à la condition que les partenaires impliqués dans le vaste domaine Sicié-Janas aient bien conscience que le patrimoine, propriété de tous doit être respecté et que sa première richesse est sa végétation qu'il faut protéger à tout prix contre les dangers de la nature et ceux dont les humains sont capables.

Ce qui conduit à parler maintenant de la protection la plus efficace : celle des soldats du feu.

 

Les soldats du feu

On ne dira jamais assez les services éminents rendus aux populations par ces hommes courageux pompiers professionnels ou secouristes intermittents.

Nos édiles d'après la guerre de 1939-45 eurent le grand mérite de créer un corps de sapeurs-pompiers professionnels qui se substitua à une dizaine de bénévoles même pas outillés efficacement pour lutter contre les incendies, ceux de la forêt surtout.

Chaque année, il leur fallut accroître les crédits en personnels et parallèlement en matériel. D'autant que les sapeurs-pompiers furent sollicités de toutes parts pour leur participation à toutes formes de secours, indépendamment des incendies : accidents de la route, et de la mer, accidents domestiques, assistance aux personnes âgées en difficulté dans leurs déplacements ou prises de malaises subits, etc.

Les sapeurs-pompiers ont la triple mission de protéger les biens des citoyens, la vie des gens et de sauvegarder la nature et plus spécialement pour La Seyne, la grande forêt de Janas, ce poumon inestimable pour la population.

Au cours des décennies écoulées, le corps des pompiers professionnels est passé à 60 unités, effectif qui peut être doublé par des volontaires en cas de nécessité urgente. Le nombre d'engins motorisés s'élève à 42, de capacités variables pour les transports d'eau, allant jusqu'à 10 000 litres.

Succinctement, relatons quelques chiffres significatifs. En ce qui concerne les incendies de forêt entre 1990 et 1998, l'intervention des pompiers a permis d'arrêter ou de limiter grandement les dégâts de quelque 25 feux.

Corps des Sapeurs Pompiers

Janas d'antan et d'aujourd'hui

Avant de conclure cette relation, il m'a semblé nécessaire d'écrire une rétrospective, une sorte d'historique de Janas et de Sicié pour montrer une évolution sans doute incontournable de ces milieux si prestigieux, avec des avantages certains pour la population mais aussi des dangers redoutables.

Les premiers historiens qui ont parlé de Janas, nous ont appris que sa forêt était sans égale sur la côte méditerranéenne aux premiers siècles de notre ère, affirmation digne de foi si l'on sait que la presqu'île de Sicié était inhabitée pas plus que les zones littorales voisines. On sait que le peuplement des rivages fut longtemps retardé en raison de la piraterie des peuples de l'Orient, des Maures et autres barbaresques venus de l'Afrique du Nord ou même de l'Espagne.

On peut tout de même imaginer que cette forêt fut victime des coups de la foudre tombée du ciel. Jusqu'au Moyen Age, elle demeura quasiment vierge et même impénétrable sauf aux animaux sauvages, de petits carnivores, vivant de la chair de petits herbivores, de rongeurs, d'oiseaux, de reptiles.

Sans remonter à des époques très lointaines, il me souvient qu'au début de notre siècle, mon grand-père, chasseur passionné de Janas, me disait avoir rencontré des blaireaux (rabas), des genettes, des fouines, des belettes, des chats sauvages.

Il est certain que la dégradation de la flore a été suivie de celle de la faune. On peut regretter également la disparition de nombreuses espèces d'oiseaux : passereaux grimpeurs, gallinacés, rapaces.

Revenons à notre forêt si riche en espèces animales et végétales.

En 500 ans avant notre ère, les Grecs de l'Antiquité s'établirent sur les hauteurs de la côte 169 (futur Six-Fours) alors que Sicié culminait à 360 mètres.

Ils s'intéressèrent particulièrement au Brusc, où un port fut aménagé pour leurs trières.

Mais plus tard, les représentants de l'abbaye de Saint-Victor les Marseille prirent possession de la presqu'île de Sicié et bien sûr des territoires environnants tous boisés magnifiquement. Les serfs à leur service se mirent à défricher des bois pour obtenir des terrains de culture et poussèrent jusqu'à la grande forêt pour y puiser combustibles et ressources naturelles comestibles. Et voilà comment les habitants de Six-Fours furent sans doute les premiers à exploiter les richesses de la forêt, l'eau de source des Moulières, celle du Vallon en provenance du Peyras où s'établirent moulins et lavoirs dont l'histoire est contée longuement dans le Tome I de notre ouvrage.

Station de pompage pour le fort du Peyras

À partir de l'époque où les pirates sarrasins furent neutralisés (rappelons ici que le dernier combat meurtrier de Malogineste se déroula en 950). Le peuplement des terres de Six-Fours et de Sicié s'intensifia. Le clergé tout puissant à l'époque fit ériger la Collégiale Saint-Pierre au siècle suivant et les pierres de la foi se succédaient partout en Provence, dans les départements comme le Var où régnaient les abbés-seigneurs de l'abbaye de Saint-Victor où se multipliaient les ordres religieux : Trinitaires, Pénitents gris, Pénitents blancs...

En 1625, les prêtres six-fournais décidèrent la construction d'une chapelle au sommet de Sicié, appelée Notre-Dame de Bonne-Garde chargée de veiller spécialement sur les marins.

Pendant des siècles, la forêt de Janas fut le témoin de manifestations grandioses rassemblant des milliers de pèlerins sur des chemins tortueux, rocailleux : l'un en provenance de l'entrée de la forêt, d'autres venant de Cachou, des Hautes-Barelles, du vallon de Roumagnan.

Le sentier montant directement au sanctuaire avait été jalonné de petites constructions appelées oratoires portant à leur sommet une niche enfermant des statuettes de saints. Arrivés à leur hauteur, les pèlerins s'arrêtaient souvent pour prier quelques instants, puis reprenaient place dans le cortège d'où s'élevaient des chants liturgiques qui s'évanouissaient dans les frondaisons des hautes pinèdes.

Ces manifestations de la foi étaient particulièrement intenses pendant le mois de mai et plus précisément le 14 septembre, jour de fête de la croix glorieuse. Et pourquoi pendant le mois de mai, dira-t-on ? Parce que depuis longtemps, le culte païen voulait rendre hommage à Maïa, la mère de Mercure, déesse de l'Enfer et de l'abondance.

On chantait, on priait, on égrenait des chapelets dans l'espoir que la puissance divine mettrait fin aux guerres, aux épidémies de peste et de choléra, à tous les fléaux de la nature.

Le temps passa et peu à peu le caractère de ces manifestations religieuses évolua très sensiblement en sorte que les matinées étant consacrées aux exercices de la foi, aux messes célébrées dans la chapelle, le repas de midi se prenait au bas de la forêt transformée alors en champ de foire avec toutes les attractions possibles : stands de tir, ventes de boissons, manèges, etc.

La forêt de Janas commençait à connaître des animations nouvelles et souvent très spectaculaires.

Si pendant longtemps le garde forestier ne voyait passer que des chasseurs ou des ramasseurs de pignes et de bois mort, ou aussi à la saison d'automne des chercheurs de champignons que généralement il connaissait ; il n'en était plus de même vers la fin du siècle dernier.

Ah ! si les vieux chênes et les grands pins pouvaient parler, ils nous livreraient les secrets de tous les personnages à la recherche de la protection des feuillages : braconniers incorrigibles comme le Manchot dont il a été question dans un autre ouvrage. Il y en eut beaucoup d'autres ! Et les amoureux venus en calèche jusqu'à l'entrée de la forêt et qui se faufilaient non loin de là, dans des gîtes douillets au milieu des bruyères.

Ils ont été aussi les témoins ces vieux arbres de rencontres d'un caractère bien différent : celles des syndicalistes des chantiers navals qui se réunissaient clandestinement ; leur organisation étant alors interdite. Poursuivis parfois par les gendarmes à cheval, ils gagnaient des fourrés impénétrables pour les chevaux. Oui ! Les défenseurs des revendications ouvrières sont passés par là !

Par contre, la forêt généreuse qui protégea des miséreux reçut aussi des personnalités de haut rang comme George Sand, Elysée Reclus, les Frères Lumière, inventeurs du cinématographe, Gustave Eiffel, le grand musicien Saint-Saëns, le peintre Auguste Renoir, des hommes du spectacle comme Mayol, Bertin, Dranem, le ténor Ansaldi, les grands amiraux de la Marine, Napoléon Bonaparte qui traversa Janas à cheval et découvrit d'emblée de son faîte le fort de Balaguier en s'écriant « Toulon est là ! ». Toulon qu'il s'agissait de reprendre aux Anglais en 1793.

Le personnage que Janas vit le plus souvent, ce fut sans doute Saturnin Fabre, Maire de notre ville de 1886 à 1896 qui souhaitait déjà faire de Sicié-Janas un site prestigieux pour le tourisme.

Ne voulait-il pas faire arriver le tramway Toulon-La Seyne jusqu'aux Sablettes en passant par la corniche de Tamaris et le prolonger jusqu'à l'entrée de la forêt de Janas ? N'y avait-il pas envisagé l'implantation d'un grand restaurant à proximité d'un téléphérique qui aurait amené les touristes au point culminant de Sicié, c'est-à-dire à la Chapelle Notre-Dame, d'où ils auraient découvert des paysages incomparables ?

Saturnin Fabre aurait complété avec tous ses projets l'oeuvre de Michel Pacha dont on sait qu'il apporta de son côté une contribution remarquable au développement de La Seyne en créant les stations touristiques et balnéaires de Tamaris et des Sablettes.

Je n'aurais garde d'oublier un autre personnage des plus célèbres de cette période de notre histoire locale et qui connut fort bien Janas : Amable Lagane qui porta la construction navale seynoise à un niveau de renommée mondiale.

Le Maire Saturnin Fabre auquel une biographie a été consacrée dans un ouvrage précédent avait pressenti tout l'intérêt que l'on pouvait tirer des richesses naturelles de la forêt de Janas.

Hélas ! un corps électoral, intoxiqué par des politiciens stupides le fit considérer comme un utopiste, les mêmes qui condamnèrent le projet de l'émissaire commun dont il était un partisan fervent.

Il aura fallu un demi-siècle écoulé pour qu'on s'aperçoive que cet homme avait raison !

Tous ces personnages dont la plupart occupèrent les plus hauts niveaux de la hiérarchie sociale passèrent en ces lieux prestigieux que furent la presqu'île de Sicié et sa forêt de Janas ; ils s'y attardèrent parfois avec des motivations fort diverses. Les uns comme Bonaparte à la recherche de positions stratégiques, d'autres comme George Sand en quête de beaux paysages et de végétaux rares ou encore Saturnin Fabre visant avant tout à l'enrichissement du patrimoine communal.

Dans ces images de la forêt d'antan, il nous est agréable de rappeler leurs projets, leurs ambitions. Mais il est d'autres personnages d'une importance sociale beaucoup plus modeste, d'autres visiteurs dont les Seynois de ma génération ont gardé des souvenirs tenaces et attendrissants au rappel de leur tâche ingrate.

On voyait tous les jours pénétrer dans la forêt les bûcherons. Les scieurs de long nantis de leurs outils bien affilés. La chanson monotone des louba, le choc des cognées et des herminettes nous étaient bien familiers mais le craquement sinistre d'un bel arbre que l'on abattait procurait toujours des pincements au coeur des spectateurs.

Avec les bûcherons, c'étaient les bergers de la ferme des Simian du quartier Cachou, sifflant leurs chiens hargneux, gardiens des troupeaux bêlants ; c'étaient aussi les charretiers pourvoyeurs de fascines des pins destinées aux boulangeries de la ville dont les fours ainsi chauffés donnaient aux miches un arôme incomparable.

N'oublions pas le trafic des tombereaux particulièrement lourds quand ils revenaient de la Sablière, excavation ou l'on trouva pendant plusieurs décennies du sable fin recherché par les maçons. En ce même lieu a été aménagée aujourd'hui une retenue collinaire.

Ces véhicules croisaient de loin en loin des attelages chargés des tonneaux de résine destinés aux industries locales, les chantiers navals en particulier ou encore les trinqueballes de l'entreprise de transport Prat sortant de la forêt des troncs d'arbres d'une longueur respectable.

Alors des manoeuvres complexes étaient nécessaires sous l'impulsion des charretiers vociférant après leurs bêtes, des percherons hauts et robustes, dont ils estimaient les efforts insuffisants. Les insultes fusaient, les coups de fouet claquaient et cependant nos braves conducteurs devaient marquer des temps d'arrêt pour rajuster leur pantalon de velours pesant, tombant sur leurs chevilles et resserrer la taillole rouge autour de leurs hanches.

C'était ça la forêt de Janas d'autrefois. Une végétation admirable et aussi des tâches ingrates qu'aucun engin motorisé ne pouvait alléger pour la simple raison qu'il restait à les inventer.

Les années passant, le tourisme allait se développer. Nos industries locales se multipliaient, les femmes entraient dans la production, le progrès fulgurant des techniques apportait aux gens de grandes satisfactions mais aussi des contraintes, une vie nouvelle trépidante mais aussi plus complexe apparut. Alors le besoin de la détente se fit sentir pour tout le monde. Ce qui explique, pour la vie seynoise d'aujourd'hui une véritable transfiguration de la forêt de Janas, des rivages de Sicié que nous connaissons aujourd'hui.

Les voies de pénétration se sont multipliées dans tous les sens : corniche reliant Le Brusc à Fabrégas par l'aire des mascs, route carrossable d'accès à la chapelle et à l'antenne de télévision ; sentiers piétonniers pour les promeneurs amoureux d'une flore aux couleurs ravissantes, aux parfums capiteux ; pistes spéciales pour les cavaliers ; voie d'accès à la station d'épuration de Sicié, parkings recevant toute l'année des autos et des cars chargés d'écoliers, fréquentation assidue des sportifs usagers du C.R.A.P.A... Tous ces va-et-vient de véhicules et d'individus aux motivations si diverses nécessitent une surveillance constante, car hélas les imprudences sont toujours à redouter malgré les recommandations d'usage.

Pistes incendies et sentiers balisés de la forêt de Janas

Il est évident que les environnements nouveaux résultant de la modernité menacent de rompre l'équilibre de la forêt et de sa riche végétation.

Il appartient aux édiles responsables, aux associations de défense et de protection de la nature, aux éducateurs, à tous les citoyens en somme, d'unir leurs efforts pour maintenir intact le culte de Janus Foresta si cher à nos ancêtres lointains.

Répétons-le : la forêt de Janas et sa riche végétation sont un capital historique inestimable, une avancée de verdure sur la haute mer qu'il serait bien affligeant de laisser péricliter. Quand nous accédons au point culminant, à la chapelle de 1625, à la tour de garde qui lui fait face, construite en 1590, pensons à nos ancêtres de la préhistoire qui affrontèrent le caprice des remous du Cap Sicié, aux trières phéniciennes et grecques, aux galères romaines, aux vaisseaux du Roi qui pourchassèrent les felouques sarrasines.

En ce XXe siècle agonisant où ces lignes sont écrites, il est réconfortant de constater les efforts tangibles accomplis par des milliers de nos concitoyens jeunes et anciens pour la sauvegarde de la riche végétation de Sicié-Janas.

Aux exemples d'actions bénéfiques citées plus haut, après la création de la commission municipale de l'Environnement, il faut ajouter avant de conclure cette relation, l'excellente initiative de 1998 qui sollicita l'Association Scientifique Sud-Est Méditerranée (A.S.S.E.M.) pour l'organisation d'une exposition intitulée La forêt méditerranéenne au bout des doigts que les écoliers seynois ont pu visiter à la Bourse du travail et aussi au centre social et culturel du quartier Berthe.

Par la suite, sensibilisés par les beautés naturelles du riche terroir seynois - des centaines d'enfants furent associés à la plantation de 4 000 arbres en forêt de Janas qui sont venus s'ajouter aux dizaines de milliers d'autres dont la hauteur s'affirme maintenant d'une manière surprenante pour devenir de superbes végétaux à la condition expresse de l'extermination des nids cotonneux des bombyx processionnaires et du traitement efficace de la cochenille reconnaissable à la sève collante qui coule le long des troncs comme de la bougie.

Dans mes précédents ouvrages, j'ai souvent montré mon vif intérêt, depuis ma plus tendre enfance pour les aspects de la nature sauvage : celles des campagnes, de la forêt, des rivages.

J'ai ressenti la nécessité d'y revenir à propos de ces textes relatifs à la riche végétation de notre terroir seynois, en espérant faire partager à mes concitoyens, à la jeunesse surtout, les joies profondes et pures qu'elle offre généreusement depuis toujours aux populations de la presqu'île du Cap Sicié et de ses environs.

J'ai été amené à décrire ses aspects d'une diversité étonnante, à parler de l'exploitation excessive de ses ressources, de ses dégradations progressives, des tentatives parfois désespérées pour sa réhabilitation, tout cela dans un contexte historique de plusieurs millénaires.

C'est dans le dernier demi-siècle écoulé que l'on a assisté à une évolution rapide des milieux naturels. La végétation de Janas et les rivages de Sicié en portent un témoignage inquiétant.

Les problèmes de l'industrialisation de l'urbanisation et du tourisme ont apporté de véritables bouleversements dans la quiétude du domaine de Janus Foresta dont il est souhaitable de le voir retrouver un équilibre salutaire.

Il est indispensable dans l'immédiat que se renforce une prise de conscience basée sur le sens des responsabilités individuelle et collective. À tous les niveaux : administrateurs, édiles, éducateurs, responsables de mouvements associatifs s'efforceront de sensibiliser, de persuader, de convaincre leurs entourages respectifs d'avoir à défendre ardemment les richesses de la nature.

Il est bien vrai que les êtres humains ont droit à l'air qu'ils respirent, à l'eau qu'ils consomment, au sol qu'ils occupent. Mais alors n'est-il pas naturel que l'on exige d'eux le devoir de les respecter et de les protéger ?

 

Conclusion

Ai-je atteint les buts recherchés et définis dans l'avant-propos ? Ai-je réussi à convaincre mes concitoyens et la jeunesse surtout de l'importance des problèmes posés à travers ces récits où alternent des souvenirs personnels, les bilans de réalisations positives des édiles locaux conjugués avec les efforts méritoires des associations amoureuses de la nature, des conseils adressés aux usagers de la forêt ?

Ne fallait-il pas également valoriser les interventions souvent périlleuses des soldats du feu dans leurs luttes contre les incendies ?

Tous les aspects de cet immense sujet sur la richesse et la protection de la forêt ont été décrits sans doute d'une manière un peu décousue.

Néanmoins, ceci soit dit sans ostentation, j'ai conscience d'avoir attiré utilement l'attention des lecteurs sur leur gravité. J'espère avoir sensibilisé mes concitoyens sur des thèmes auxquels personne ne doit rester indifférent.

Enfin, et ce sera ma conclusion, en écrivant ces lignes, j'ai éprouvé le sentiment de poursuivre l'exercice du métier d'enseignement qui fut longtemps le mien et dont j'ose espérer qu'il puisse en rester quelques traces bénéfiques, malgré l'épaisseur du temps écoulé.



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