La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome VII
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome VII (1999)
Formes anciennes et nouvelles
de la culture seynoise
(Texte intégral du chapitre)

 

 

Qu'est-ce que la culture ?

Les philosophes spécialistes de l'étude des croyances, des institutions, des coutumes et des traditions des sociétés humaines ont ainsi défini les mot culture :

« Tout ce qui se manifeste dans la vie d'un peuple : son langage, ses pratiques religieuses, les rites, les cérémonies, les activités à caractère économique, les structures de loisirs, la manifestation des arts dans leurs diversités : théâtre, peinture, littérature, philosophie, ce qui oblige à dire qu'il est bien difficile de donner une définition exhaustive de la culture ».

Comme on le voit, ses formes sont si variées qu'il importe de fixer avec précision dès l'abord de ce texte, celles qui vont faire l'objet de l'étude et des recherches qui suivent dans la perspective de montrer comment nos anciens ont lutté pour la création de structures sociales à caractère intellectuel, de manifestations artistiques variées complétées par l'organisation de loisirs sains. Il s'agira avant tout de la culture de l'esprit si nécessaire aux humains de notre terroir, quelle que soit leur origine sociale, leur nationalité, leur appartenance à telle ou telle obédience. Indépendamment de leurs soucis majeurs d'assurer leur vie matérielle, les hommes nous ont apporté la preuve, même depuis les temps les plus reculés, de leur désir de créations à caractère culturel. L'homme des cavernes n'a-t-il pas été à l'origine de l'art rupestre par ses gravures dans la roche, ses peintures qui ont résisté miraculeusement aux rigueurs du temps ?

Les civilisations de l'Antiquité n'ont-elles pas laissé des monuments prestigieux symbolisant la puissance pharaonique. Les Grecs, les Romains n'ont-ils pas voulu par leurs temples, leurs arènes, leurs statues, pérenniser leur civilisation brillante avec leurs savants, leurs philosophes, leurs historiens, leurs institutions, les dieux si nombreux de la religion.

Plus près de nous, pendant le millénaire du Moyen Age, nos ancêtres bâtisseurs ont édifié des milliers de châteaux, de cathédrales monumentales. Et tout cela est bien peu dire de toutes les oeuvres gigantesques accomplies en un temps où les techniques du travail étaient des plus primitives. Mais nous voilà bien loin de la culture seynoise direz-vous. Nous y viendrons sans tarder. Mais il importe de préciser que les problèmes de la culture ne doivent pas se cantonner à des animations concrétisées le plus souvent par des amusements, des spectacles de fêtes populaires, des batailles de fleurs, des défilés carnavalesques, des cavalcades où se manifestent bruyamment la gaieté et la convivialité. Quand la musique descend dans la rue, la foule accourt toujours vibrante aux éclats sonores des trompettes aux roulements des tambours. On rit, on applaudit avec frénésie, on se mêle aux cortèges des fêtes locales le soir des retraites aux flambeaux, des feux d'artifices, à celui du carnaval de Gaspar devenu traditionnel. Le visage de la culture n'est pas seulement celui des réjouissances publiques, des bals populaires que les seynois connurent pendant plus d'un demi-siècle autour du kiosque à musique de la place Ledru-Rollin, devant le cercle des travailleurs ; sans parler des bals du dimanche organisés dans la grande salle de la bourse du travail, animés par nos musiques locales. Le visage de la culture c'est aussi celui des souvenirs du passé des générations disparues, des édiles soucieux d'améliorer les conditions de vie de leurs concitoyens, des artistes, des écrivains, des créateurs d'entreprises, des bâtisseurs, de ces gens à qui nous devons tant et qui hélas ! sont trop souvent des oubliés de l'histoire. Il arrive d'entendre des ignorants ou plutôt des imbéciles, déclarer que le passé n'a plus d'intérêt pour personne et qu'il est inutile d'en parler. Ces pauvres gens sont incapables de comprendre que le passé n'est rien s'il n'est pas porteur d'avenir. Nous verrons dans la suite de ce texte comment au fil des décennies, nos anciens ont su faire progresser les problèmes culturels plus particulièrement dans notre communauté seynoise. Depuis la création d'un ministère de la culture et des arts, depuis le développement impétueux de l'instruction publique, les choses ont bien changé en faveur de la conservation du patrimoine artistique, littéraire, architectural.

Pour l'instant revenons à notre bourgade de 1657 qui obtint son indépendance administrative définitive le 22 avril 1658 en présence des chefs de famille et des notables du pays, sous la présidence d'un conseiller du Roi, représentant le Parlement de la Provence.

Cette assemblée se fit dans la chapelle des Pénitents blancs au quartier Cavaillon. Furent élus : trois consuls, un greffier, un notaire un trésorier, un capitaine de ville, un capitaine de port, quatre intendants de santé, des fonctionnaires municipaux (fontainier, sergent de ville, peseur public), et un enseignant de la jeunesse. Parmi ces personnalités et fonctionnaires municipaux, on ne comptait pas un spécialiste des problèmes de la culture au sens intellectuel du terme. On pouvait croire cependant que le responsable dénommé Enseigne de la Jeunesse jouait un rôle d'éducateur. Pas du tout, car il aurait pu être un parfait illettré, sans rôle consistant surtout à surveiller les jeunes gens, à les conseiller pour leurs jeux ou loisirs divers afin d'éviter les débordements ou débauches nuisibles à l'ordre public. Les élus chargés de l'administration des biens publics avaient probablement reçu les premiers rudiments de la lecture et du calcul, bases primitives de la culture.

 

De qui les avaient-ils reçus !

Bien évidemment de la classe sociale la plus influente, la plus riche, la plus redoutée c'est-à-dire le Clergé et les premiers édiles seynois durent s'incliner, tout au moins à leurs débuts, devant les pouvoirs de ce Clergé qui savait beaucoup de choses, en matière de religion d'abord, de ce Clergé qui contrôlait tout : l'administration par l'intermédiaire des grands propriétaires terriens et l'on sait bien qu'en ce temps-là, seuls les possédants pouvaient avoir un pouvoir politique. Ce Clergé qui assurait le fonctionnement de l'État civil, les oeuvres d'assistance et aussi les premières structures de l'Enseignement réservées en priorité aux enfants des notables, des possédants, ceux issus du vulgum pecus en étant exclus par le simple fait que les parents n'avaient pas les moyens de payer les maîtres.

La puissance du Clergé s'affirma solidement dans le fonctionnement des institutions, tenant en respect les princes de la féodalité. Mais sa préoccupation première fut toujours le renforcement de la foi chrétienne qu'elle poussa jusqu'au fanatisme par les moyens d'une culture dont elle pensait que le caractère intellectuel devrait se doubler de sentiments affectifs. Une culture qui devait inciter les gens à perfectionner leurs connaissances en matière de religion mais aussi à susciter leurs aspirations vers les arts, les lettres, la recherche des sites merveilleux propices au renouvellement et à l'exercice de la foi sans oublier la puissante musique liturgique des orgues. Toutes ces formes de culture religieuse devraient tendre au renforcement de la foi chrétienne. Il aurait été impensable à cette époque qu'un nouveau né ne soit pas baptisé, qu'un écolier ne suive pas les cours du prêtre enseignant le catéchisme en prévision de la communion solennelle.

Toutes les manifestations de la foi s'exerçaient chaque jour sous des formes multiples : les prières au lever, avant le repas du midi, au coucher ; les messes du Dimanche et des jours fériés ; les processions, les pèlerinages à Janas, les cantiques, les exercices de piété à caractère collectif furent animés dans les débuts de notre histoire seynoise par de nombreux ordres religieux.: Pénitents blancs, Pénitents gris, Trinitaires, la Présentation, Saint-Vincent de Paul, tous disparus aujourd'hui.

On voit donc que les problèmes à caractère culturel étaient entièrement dominés par la religion chrétienne. Le Clergé s'efforcera de maintenir sa suprématie dans ce domaine, mais nous verrons plus loin que la vie, le progrès des sciences et des techniques, les mentalités humaines évoluant avec le temps et l'incertitude des événements trop souvent dramatiques en décideront autrement.

Il n'est pas sans intérêt de revenir au point de départ de la communauté seynoise à la recherche de ses premières structures à caractère administratif et économique. Nous disions, il y a quelques instants, que la première assemblée municipale naquit dans une chapelle, que la première école d'enseignement public fonctionna dans des locaux édifiés par le Clergé (école de la Dîme, future école Martini)

Il a été montré dans des ouvrages précédents que le Clergé seul pouvait se charger de l'assistance publique, grâce à l'Hôtel-Dieu édifié rue Clément Daniel.

Il est aisé de comprendre que les premières manifestations à caractère culturel, aient été impulsées par ce même Clergé tout puissant, ce qui nous conduit à répéter ce que Monsieur Denans, notaire de Six Fours et Monsieur Baudoin historien de La Seyne, à savoir l'importance des fêtes religieuses, véritables animations pour la population seynoise des XVIIe et XVIIIe siècles qui se déroulaient avec ferveur toute l'année durant.

Résumons les plus connues.

 

Fêtes et traditions

L'une des fêtes les plus anciennes célébrée dans notre terroir était la fête du Roitelet (ou de la Vaquette).

La veille de la Noël un prêtre avait désigné un jeune citoyen chargé de capturer un petit oiseau appelé la Petouse (mot qui signifie en Provençal la Peureuse).

Le soir du 24 Décembre, on portait cet oiseau à la messe et le prêtre officiant lui rendait la liberté.

Dans les temps les plus reculés, l'oiseau offert apparemment au sacrifice était remplacé par une petite vache (d'où le nom de Vaquette).

Le 16 août était célébré la fête de Saint-Roch, organisée par la confrérie des artisans cordiers, concrétisée par une foire, une cavalcade et des jeux divers pour la jeunesse. Des tambourinaires y participaient;

Le point de rassemblement se trouvait à la chapelle Saint-Roch, édifice détruit en 1861 et remplacé par un lavoir public, tout à côté de la Bourse du Travail.

On célébra aussi pendant longtemps la fête de la Saint-Éloi le 1er décembre de chaque année destinée à une bénédiction solennelle des animaux (les ânes et les mulets particulièrement) qui défilaient en cortège à travers les rues de la ville, leurs têtes empanachées et fleuries.

Le patron des travailleurs du bois était Saint-Joseph. Le 19 mars de chaque année cette corporation, très nombreuse par les charpentiers de marine, lui consacrait un office religieux et quelques réjouissances collectives diversifiées.

Le 24 juin, était encore célébré, il y a peu d'années la fête de Saint-Jean, réjouissance païenne en l'honneur du dieu Soleil qu'on transforma plus tard en fête chrétienne. À cette occasion, on brûlait un grand pin sur la place de la douane (devenue plus tard place Ledru-Rollin).

Le 29 juin était célébrée la fête de Saint-Pierre qui voyait les représentants de la Prud'homie des pêcheurs se saisir de la statue de leur patron à l'église paroissiale pour la porter en procession à travers les rues de la ville accompagnée par un bateau à voile en modèle réduit. Ajoutons pour en terminer avec cette énumération de fêtes traditionnelles à caractère religieux, la fête patronale, locale et traditionnelle de La Seyne-sur-Mer que l'on appela aussi la fête votive, fête qui durait trois jours et débutait par un office religieux. Les premiers jours du mois de Juillet, un cortège parcourait la ville, municipalité en tête, suivi par des réjouissances à caractère ludique (joutes, régates, concours de chants, courses...) Tout cela s'effectua pendant longtemps jusqu'au début du XXe siècle mais à partir des lois sur la Séparation de l'Église et de l'État, les caractères religieux de ces fêtes locales disparurent. Comme nous le verrons plus loin la même époque sera conservée et ces mêmes fêtes locales seront liées à celles de la célébration du 14 Juillet agrémentées par des feux d'artifices dont les foules seynoises sont toujours friandes.

Restons dans le premier siècle qui suivit l'érection de La Seyne en commune. La royauté qui avait bien triomphé des turbulences de la féodalité n'apportait rien de très positif à son peuple dans les domaines culturels. Certes le siècle de Louis XIV avait brillé par ses écrivains célèbres : Corneille, Racine, Boileau, La Bruyère, Molière, La Fontaine et par des hommes de sciences : Lavoisier, Monge, d'Alembert, Laplace,...

Cependant l'immense majorité du peuple des villes et des campagnes restait dans l'ignorance, aucune structure ou presque n'existant pour élever la population dans son ensemble au stade d'une culture au moins élémentaire. La royauté soutenue par le Clergé tout puissant n'était pas tellement disposée à la lui apporter.

On sait bien comment l'idéal démocratique faisait peu à peu son chemin dès le début du siècle.

Il fallut bien du temps aux Rousseau, Montesquieu, Voltaire, Diderot... pour préparer des changements attendus par le peuple, avec la grande Révolution de 1789. Alors, des hommes politiques nouveaux se proposèrent d'amener les hommes à la conscience par la culture.

 

Fêtes républicaines

La préoccupation des révolutionnaires de 1793, désireux d'abord de rompre avec les traditions à caractère religieux orientèrent leur politique vers une culture républicaine, dans l'espérance d'extirper du peuple français des croyances que le christianisme avait enracinées profondément dans le pays pendant le millénaire du Moyen Age.

Par le nouveau calendrier dit Républicain, ils supprimèrent les fêtes chrétiennes dont il a été question il y a quelques instants, pour les remplacer par d'autres évocatrices des idées nouvelles.

Le nom des mois fut changé. Leur appellation nouvelle était celle des saisons : vendémiaire, pluviôse, ventôse, germinal, floréal, messidor, fructidor,...

Les citoyens furent appelés par des circulaires adressées à tous les maires de France à célébrer la fête de la fondation de la République (1er vendémiaire), la fête de la punition du dernier Roi (2 pluviôse), la fête de la Souveraineté du peuple (30 ventôse), la fête de la jeunesse (10 germinal), la fête de la Reconnaissance (10 prairial), la fête de l'Agriculture 10 messidor), la fête de la Liberté (10 fructidor) etc.

La multiplicité de ces fêtes spectaculaires qu'on substituait aux fêtes religieuses traditionnelles, devaient dans l'esprit des conventionnels de 1793, déclencher un courant de déchristianisation du pays, affaiblir par conséquent le Clergé accusé d'un soutien inconditionnel à la Royauté.

Dans certaines régions de France se produisirent des manifestations d'intolérance : saisies des biens du Clergé interdiction des processions, autant de mesures vexatoires, résultat d'un sectarisme outrancier qui portèrent de graves préjudices à la République naissante. On sait comment tournèrent les événements qui suivirent. Les guerres imposées à notre pays, les victoires fulgurantes de Bonaparte transformèrent le culte républicain en culte napoléonien. Les problèmes véritablement culturels restaient à résoudre dans leur intégralité.

Ouvrons ici une parenthèse pour réparer un oubli : quelques années avant La Révolution se manifestèrent discrètement des citoyens animés de bonnes intentions soucieux de créer une vie spirituelle autour d'eux.

Il importe de préciser ici le rôle joué par la Franc-maçonnerie dans la période pré révolutionnaire. Cette association dont les membres enseignent et pratiquent les principes de la Fraternité sont organisés en groupes appelés loges. L'une de ses structures appelées Triomphe de la Concorde fut fondée à La Seyne en 1785.

Le protagoniste Gaston Martin définissait ainsi la Franc-maçonnerie dans un écrit dont voici quelques extraits : «... Elle représente l'élite intellectuelle et morale de la Nation... La Noblesse y fournit un contingent important et le Clergé aussi... La maçonnerie accueille les bourgeois (ajoutons qu'elle ne s'ouvrit au petit peuple que plus tard)... Elle est le lieu de réunion de la société ouverte aux idées nouvelles... Tous ceux qui la fréquentent sont de bonne compagnie ».

En cette année 1785 il se trouvait déjà un certain nombre de seynois qui apportèrent leur concours au Triomphe de la Concorde.

Parmi les frères fondateurs se trouvaient :

Jacques Pascal, avocat ; Victor Roudier, Jacques Auffan, Joseph Curet, Pierre Tortel, Louis Roux..., presque tous négociants ou capitaines de navires.

Cette association dont les ramifications sont internationales a une longue histoire faite de périodes prospères et de tribulations douloureuses. Elle a gardé longtemps un caractère secret, ce qui explique sans doute les méfiances dont elle fut l'objet de la part des régimes autoritaires, des Royautés et des Empires. Elle a connu des vicissitudes telles, qu'avec les mesures de coercition dont ses membres furent victimes, on la croyait disparue tout à fait. Mais courageusement, ses adeptes reprirent le flambeau des fondateurs.

Comme toutes les doctrines de toutes les obédiences, elle a évolué dans ses principes d'organisation, de recrutement, de comportement.

À La Seyne, ses lieux de réunion ont changé suivant les époques : rue Saint-Pierre (devenue rue Faidherbe, puis rue Ambroise Croizat), rue Chevalier de la Barre, rue Marius Giran, avenue Frédéric Mistral.

Son histoire rappelle aux vieux Seynois du siècle finissant des personnalités aux souvenirs attachants comme le Docteur Henri Loro, l'adjoint au Maire Pierre Fraysse, l'urbaniste Alex Peiré, le pharmacien Armand, le technicien Aimé Molinari, le professeur Boudon, le pêcheur Étienne Peyre, etc.

Avec l'apparition de la Franc-maçonnerie et probablement aussi de la Libre pensée dans cette période, une forme de culture nouvelle était proposée aux citoyens français, mais son caractère ésotérique restait sans influence sur les masses populaires.

Les dirigeants prestigieux de la grande Révolution française jugèrent les problèmes humains sous un angle totalement différent.

 

Après le pain !...

« Après le pain, s'écriait Danton, l'éducation est le premier besoin du peuple ».

Il fallait faire pénétrer cette idée dans la masse de la population et surtout à tous les niveaux de la hiérarchie administrative et sociale que les problèmes de la culture commencent à l'école.

Il fallait donc des écoles et des maîtres pour enseigner et surtout de l'argent pour assurer le bon fonctionnement de l'instruction publique.

Tout était donc à faire dans un pays où la Révolution triomphante devait faire face à la trahison de la Royauté, de la noblesse et du haut Clergé.

Il fallait aux dirigeants nouveaux que le peuple français s'était donnés, un courage hors du commun pour affronter les menaces de la guerre civile, l'invasion organisée des tyrans de l'Europe désireux d'étouffer un régime démocratique naissant que d'autres peuples seraient tentés d'imiter.

Il fallut d'abord déclarer la Patrie en danger, mobiliser la masse du peuple dans un enthousiasme irrésistible, faire la guerre, avec les admirables soldats de l'An II, bouter les ennemis hors de la France nonobstant les difficultés de tous ordres, les dirigeants de la Convention, tentèrent la création de quelques structures éducatives dont nos anciens connurent un exemple précis à La Seyne avec l'école de la Dîme ouverte le 28 septembre 1794 dans la cave obscure où les paysans apportaient leurs dons en nature au Clergé de la paroisse, cette école dirigée par Pierre Sénès devait enseigner les premiers éléments de la langue latine, la lecture, l'arithmétique. Elle fut de courte durée, ses conditions de fonctionnement s'avérant trop précaires par le manque de matériel, l'absence totale d'hygiène, des effectifs pléthoriques.

Les gouvernements se succédèrent : le Directoire, le Consulat, l'Empire. On sait bien que Napoléon s'intéressa surtout aux écoles de préparation à la guerre. C'était une forme de culture dont on connaît le résultat : à la fin des guerres de l'Empire on dénombra plus d'un million de morts !

La Royauté revint au pouvoir en 1815, puis en 1830 mais les problèmes de la culture et des arts, ne firent pas l'objet de ses préoccupations.

Enfin en 1833 un ministre de l'Instruction publique Guizot mit sur pied un programme national d'enseignement. Il était grand temps car au début du XIXe siècle, les trois quarts de la population ne savaient ni lire, ni écrire.

Vers la fin de ce siècle, la France comptait encore 50 % d'analphabètes. Dans ces conditions comment intéresser les citoyens aux problèmes de la culture ?

De tout temps, les régimes autoritaires, le pouvoir royal, la dictature impériale ont été opposés à l'accession au savoir du petit peuple travailleur des villes et des campagnes. Après leur chute définitive, la bourgeoisie dite libérale fit preuve d'une grande circonspection sur les problèmes de l'éducation populaire.

La IIIe République proclamée, M. Thiers ne disait-il pas : « Lire, écrire, compter... mais pas plus ! ».

Autrement dit, la bourgeoisie de l'époque redoutait de voir apparaître, du sein des classes populaires des citoyens éclairés, instruits capables de se substituer aux classes privilégiées traditionnelles.

Et voilà qui explique aussi les retards apportés à l'enseignement technique et à l'enseignement féminin.

Notre Histoire de l'École Martini (1981) a montré les erreurs, les préjugés, les prétextes mensongers qui faussèrent un système éducatif inadapté aux évolutions d'une société en progrès par le développement impétueux de l'industrie, du commerce des communications, dans le milieu du XIXe siècle.

Et le pouvoir rétrograde de décourager les paysans d'envoyer leurs enfants à l'école.

« Pour garder les moutons ils n'ont pas besoin d'en savoir beaucoup », disaient certains alors que d'autres estimaient plus utile de cueillir les olives, d'arroser les salades, de soigner les chevaux, travaux que les enfants pouvaient effectuer à la ferme. « Pas besoin de chercher ailleurs la main d'oeuvre, s'exclamait le chef de famille, les enfants sont là ! ».

Dans le même temps, nos édiles municipaux s'opposaient à la création d'une école de filles. Ils disaient : « Les femmes se doivent d'abord de faire la cuisine, de laver le linge de toute la famille, de débarrasser les ordures. Elles n'ont pas besoin d'instruction pour cela ! ». En fait les élus de cette époque se refusaient à instruire les petites filles pour ne pas alourdir le budget des dépenses.

Les protagonistes de l'instruction publique généralisée durent donc se heurter aux incompréhensions, aux préjugés à l'ignorance des citoyens. Les progrès ne s'affirmèrent qu'avec lenteur, même après les lois instituant l'enseignant laïque obligatoire.

Et par ailleurs, les ardents défenseurs de l'École républicaine devaient faire face aux campagnes calomnieuses du Clergé qualifiant l'école publique d'école sans Dieu, celle de tous les péchés et de tous les malheurs.

Dans ces conditions déplorables, les problèmes de la culture n'étaient guère envisageables. Durant le siècle qui suivit l'indépendance de la communauté seynoise, les activités à caractère culturel étaient imprégnées essentiellement par les coutumes de la religion chrétienne. Les fêtes religieuses entrèrent progressivement dans une période de déclin.

 

Le XIXe siècle prometteur

La population de La Seyne évoluait peu à peu dans sa composition sociale, dans ses activités professionnelles, ses mentalités. La naissance de l'industrie navale complétée par un artisanat nombreux exigea une main d'oeuvre qualifiée, de mieux en mieux instruite, mais les journées de travail harassantes appelaient en compensation des activités de loisirs et de détente.

En ce début du XIXe siècle qui allait donner aux peuples des progrès spectaculaires à tous les égards, il se trouva des citoyens sans grande origine sociale, pour organiser ce qu'on pouvait déjà appeler le vie associative avec des aspects forts divers; ceux de la culture n'étant pas les moindres. Les précurseurs ne savaient guère mettre en pratique leurs idées car hélas ils ne disposaient d'aucun local, pas davantage de crédits et par surcroît les pouvoirs publics de l'époque voyaient d'un mauvais oeil toute tentative de rassembler des auditoires et des spectateurs. Néanmoins quand le premier port de la Sagno fut aménagé avec son grand môle, quand il fut nécessaire d'ériger des hangars, des entrepôts, des remises pour les marchandises en transit ; l'idée naquit d'utiliser les locaux de fortune pour l'organisation de spectacles.

Ce qui explique que la rue parallèle au grand Môle (rue Hoche aujourd'hui) fut appelée rue de la Comédie.

Et sur des tréteaux rapidement montés des spectacles se déroulèrent les jours de fête de préférence où se produisaient des chanteurs, des troubadours, des acrobates venus de nos quartiers et des environs provençaux.

La rue de la Comédie devint plus tard la rue Joseph Rousset, déporté en 1851 pour s'être opposé au coup d'état du futur Napoléon III.

Il nous a été donné de lire dans des documents d'archives que le Préfet du Var avait donnés à un Monsieur nommé Simple l'autorisation d'ouvrir un théâtre, probablement place de la Lune où l'on trouvait des remises pour les chevaux, des hangars pour l'industrie navale.

Dans ce même quartier se manifestèrent plus tard aux dires de nos anciens : le Théâtre Chichois et la troupe des mimes Onofri.

La révolution industrielle du XIXe siècle devait s'accompagner d'une révolution culturelle.

Certes la population réservait toujours un accueil chaleureux aux troubadours, aux acrobates, aux prestidigitateurs de la rue, aux montreurs d'ours. Elle s'attardait volontiers aux animations de la rue, aux rengaines de la viole, aux danses des souples bohémiennes.

Ces aspects de la vie courante, ces amusements passagers apportaient bien quelques satisfactions aux gens mais ne pouvaient pas élever bien haut leur niveau intellectuel et artistique, leur capacité de compréhension des problèmes humains.

Le siècle précédent avait connu dix régimes politiques différents et le bon peuple se réjouissait certes des conquêtes de la Révolution de 1789, apportant au monde entier l'exemple d'une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Mais le pays était toujours dirigé par la classe possédante les hobereaux, les financiers et surtout à partir du XIXe siècle par les chevaliers de la grande industrie.

Le Roi Louis Philippe Ier amorça une politique plus libérale que ses prédécesseurs. Son Premier ministre Guizot organisa l'enseignement public. Il était de ceux qui pensaient à l'enseignement comme première culture. Une loi qu'on doit considérer comme une première action positive en faveur de l'éducation populaire, fut adoptée par le gouvernement. Elle faisait obligation d'ouvrir dans chaque commune des classes primaires et dans les villes de plus 6 000 habitants (ce qui était le cas pour La Seyne) de prolonger l'enseignement par une école primaire supérieure (E.P.S.).

Le 5 juillet 1833, la Municipalité présidée alors par la Maire Louis Balthazar Berny, boulanger, décida d'appliquer la loi Guizot.

L'histoire de cette école, dont le premier directeur fut Monsieur Martini, a été contée longuement dans notre ouvrage de 500 pages, L'Histoire de l'École Martini, où figure également une monographie de toutes les structures d'enseignement nées à La Seyne depuis la Révolution de 1789.

De leurs côtés les écoles d'enseignement privé fondé en 1849 (Maristes), externat Saint-Joseph (1852) contribuèrent elles aussi au développement culturel.

Les années 1830-1835 représentent pour l'histoire locale une période d'essor incontestable à plus d'un titre. L'enseignement public va progresser dans toutes les formes : enseignement féminin, enseignement technique, enseignement général.

Le besoin de techniciens se fera sentir de façon urgente, surtout depuis l'ouverture en 1835 des chantiers Mathieu spécialisés dans la construction des coques métalliques de l'industrie navale.

À partir de 1830, apparut une forme d'activité culturelle particulièrement séduisante : la musique. Il faut nous y arrêter quelques instants en vous parlant de la naissance de notre philharmonique La Seynoise qui se manifesta dès 1830 et officialisée seulement 10 ans plus tard.

 

La Seynoise

Cette formation, oeuvre du Seynois Marius Gaudemard, totalise de nos jours 160 ans d'ancienneté. Sa longue existence, ses bienfaits, ses activités qui ont souvent débordé le cadre communal, ont été contés dans un ouvrage spécial intitulé Cent cinquante ans d'Art musical paru, il y a dix ans déjà.

Les Seynois et les Seynoises doivent savoir que leur ville a été au troisième rang dans l'histoire musicale de la France, à réaliser un orchestre philharmonique qui montra son aptitude à gagner des prix internationaux.

À partir de cette institution, dont la population éprouve une fierté légitime, nous verrons comment l'art musical se développa considérablement dans tous les milieux sociaux de La Seyne et du département.

Philharmonique La Seynoise - Concert de Sainte-Cécile - 13 novembre 1983

Ajoutons que Marius Gaudemard fut également à l'origine d'un orphéon qui répandit la pratique du chant choral auquel la population s'intéressa longtemps.

Mais il faut bien dire aussi que les participants actifs à ces formations artistiques ne pouvaient donner toute la mesure de leurs talents en raison du pouvoir rétrograde qui soupçonnait à tort des activités subversives, lorsque le moindre groupement apparaissait quelque part dans la cité. Rappelons que pendant le XIXe siècle, les Associations furent interdites à l'exception du Secours Mutuel.

À la chute de l'Empire, la plupart furent seulement tolérées. Il fallut attendre les lois de 1901 pour que le droit d'association soit définitivement reconnu.

Il est évident que toutes les mesures restrictives imposées par les partisans des anciens régimes politiques, ou même par la bourgeoisie de la IIIe République au pouvoir, n'ont guère contribué à la divulgation ni à la démocratisation de la culture.

Certains donneurs de leçons feront peut-être observer qu'il y avait bien dans cette période une culture littéraire, que les journaux existaient en France, que sous La Restauration entre 1815 et 1830 on parlait du Moniteur, journal officiel affiché dans les mairies, de l'Aviso de la Méditerranée, journal bi-hebdomadaire, des Archives du Var, du Journal des débats, de tendance royaliste comme la Gazette du Midi, du Figaro littéraire, de la Gazette de France.

Ces publications généralement à caractère administratif ne faisaient guère avancer les problèmes culturels en faveur des masses populaires. Leurs tirages limités s'expliquaient par l'illettrisme de la majeure partie des citoyens à qui l'enseignement faisait défaut et aussi par l'insuffisance de leurs ressources.

Avec le triomphe de la seconde République, au soir du 24 février 1848 fur fondé un journal nouveau appelé tout simplement La République qui rivalisa avec Le peuple électeur et avec La Sentinelle, spécialisé dans la défense de la catholicité.

La plupart de ces publications disparurent avec l'assassinat de la IIe République par le prince-président Napoléon III et son coup d'état du 2 décembre 1851.

Néanmoins, vers la fin du XIXe siècle, les besoins d'une vie intellectuelle s'affirmèrent et d'autres journaux et revues apportèrent une certaine contribution au développement de la culture provençale comme L'éclaireur de la Méditerranée, Le Corsaire du Midi, Le Sémaphore de Marseille, autant de publications qui vivotaient grâce aux abonnés de la petite bourgeoisie et des clubs à caractère républicain.

Dans le monde ouvrier, ce fut seulement au début du XXe siècle que les travailleurs obtinrent des salaires suffisants pour acheter un journal quotidien et un paquet de tabac en fin de semaine. Le journal, le plus souvent était lu par le chef de famille à la veillée du dimanche.

Les maisons d'éditions firent des efforts méritoires pour vulgariser les belles oeuvres des Victor Hugo, Edmond Rostand, Émile Zola, Guy de Maupassant... sous la forme de feuilletons que les amateurs de romans découpaient dans les journaux pour en confectionner des reliures primitives.

Pouvait-on parler d'une culture littéraire locale ? Un seul ouvrage, intitulé Histoire de La Seyne et Six-Fours parut en 1713. Il était l'oeuvre d'un viguier, Jean Denans, écrit dans un vieux français difficilement lisible, et dont le tirage extrêmement limité souleva peu d'enthousiasme dans la population. Un siècle et demi s'écoula et le bruit se répandit qu'après le passage de George Sand à La Seyne, la romancière avait écrit un ouvrage intitulé Tamaris dont la diffusion ne se fit que bien plus tard.

En 1865, le Directeur des Forges et Chantiers, M. Noël Verlaque, devenu Conseiller général du canton de La Seyne, espérant sans doute la conquête de l'hôtel de ville, écrivit un ouvrage de la dimension d'une plaquette, intitulé : Situation des affaires municipales de La Seyne.

Il était question dans ce modeste document de problèmes essentiellement administratifs. Sa lecture, utile sans doute, me suscitait guère un intérêt exaltant.

En cette fin du XIXe siècle, voilà donc quelles étaient les publications à caractère local qui parurent à La Seyne et dont la population prit connaissance d'une façon fragmentaire pour les deux raisons toutes simples, l'économie et surtout l'illettrisme.

Dans le premier texte de cet ouvrage, intitulé Mon siècle avait dix ans, il a été montré que la laïcisation de l'enseignement public s'était achevée en 1910. La véritable culture put commencer avec efficacité sous l'impulsion de maîtres d'élite et d'administrateurs républicains et progressistes.

Ceci nous oblige à revenir à ce fait important de notre histoire locale que fut le transfert de l'Hôtel de Ville depuis la maison de la rue Carvin (qui deviendra la boulangerie Mabily) vers le quai du Port.

 

Première bibliothèque

Ce changement notable de 1847 produisit sur les affaires seynoises les meilleurs effets à caractères économiques et culturels. Pour la première fois l'administration municipale allait fonctionner dans les locaux convenables. Indépendamment des services courants comme l'état-civil, les services techniques et sociaux, on put aménager une bibliothèque accessible à tous dont les collections allaient s'enrichir d'année en année.

Ce fut le point de départ de la culture littéraire seynoise mise au service de la population.

Les institutions privées comme les Maristes, l'Externat Saint-Joseph, la Présentation disposaient elles aussi de bibliothèques et de belles reliures dont les enfants de petite bourgeoisie seuls, pouvaient enrichir leur savoir.

Répétons que l'immense majorité des enfants du peuple ne pouvaient accéder à une culture véritable dans ce XIXe siècle de la Royauté et de l'Empire.

Des changements importants allaient se produire après leur effondrement. L'idéal républicain avait fait son chemin malgré les entraves de la grande bourgeoisie des affaires qui tirait les meilleurs profits des progrès de l'industrie, des communications.

La fin du XIXe siècle vit l'extension considérable du réseau ferré, le développement impétueux du commerce extérieur surtout après la conquête d'un immense empire colonial.

Dans la grande bourgeoisie se constitua alors un noyau dur : celui du Patronat avec les grands industriels de la métallurgie, du textile, de la haute finance avec le Crédit Lyonnais et la Société Générale qui datent de cette époque.

Le capitalisme dont les protagonistes : maîtres des forges, urbanistes d'une construction immobilière prospère, exploitants colonialistes, accumulent des fortunes considérables, ne pensent guère à la condition ouvrière très dure, inhumaine même. Les conditions malsaines du travail, les journées de 12 heures et parfois plus longues, les salaires de misère, l'absence totale de protection sociale, tout cela devait entraîner des réactions, des mouvements de mécontentement même des grèves malgré l'interdiction des syndicats.

Ajoutons que la naissance du machinisme allait provoquer de-ci, de là l'apparition du chômage dans ces milieux ouvriers miséreux que minaient la maladie, l'insuffisance de nourriture, l'insalubrité des logements, l'alcoolisme.

Dans de telles conditions de vie, que dire des problèmes de la culture ? Il y en eut de nouveaux qui se posèrent dans la population française et ailleurs.

 

Cultures politiques

Ne fallait-il pas combattre les inégalités sociales ? Atténuer la misère des travailleurs ? Alors des théoriciens de doctrines socialistes apparurent : Les Saint-Simon, Fourier, Proudhon, Louis Blanc dénoncèrent les méfaits du capitalisme et montrèrent qu'il fallait supprimer l'exploitation de l'homme par l'homme. Le plus influent de tous ces théoriciens fut incontestablement Karl Marx dont les ouvrages montrèrent que par la lutte des classes, il fallait détruire l'État bourgeois.

En concordance avec le philosophe Engels, Marx montra que la Révolution devrait être à l'origine d'un homme nouveau et d'une société sans classes. Pour cela il fallait organiser les travailleurs en parti politique et en syndicats.

Voilà les formes nouvelles que devait prendre la culture : culture politique, culture syndicale et leur prolongement sur le plan international.

Dans notre historique des Forges et Chantiers de la Méditerranée (Petite histoire de la grande construction navale, Tome V de la série des Images de la vie seynoise d'antan) ces problèmes politiques et syndicaux ont été posés avec précision. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire d'y revenir.

Le second Empire ne se distingua guère par sa contribution à la culture populaire. Il encouragea et soutint les institutions cléricales et dans le cas particulier de La Seyne. Ce fut sous son règne que les structures religieuses reçurent des aides substantielles : l'Hôtel-Dieu fut restauré en 1858 pour y faire fonctionner un hôpital et plus tard une école dirigée par les soeurs trinitaires. L'Externat Saint-Joseph, les Maristes, la Présentation bénéficièrent des largesses de l'Empire tandis que l'enseignement public, depuis la loi Guizot de 1833, végétait lamentablement. En somme, les fils de notables qui fréquentaient des établissements d'enseignement payant pouvaient enrichir leur culture dans les bibliothèques d'où étaient expurgés les ouvrages à tendance progressiste.

Il en fut autrement avec le triomphe de la IIIe République. Par les lois laïques de 1881 - 1882 - 1886 l'enseignement public prit un essor considérable. Il fallut construire des écoles primaires, des écoles normales, des écoles spécialisées dans les disciplines les plus diverses, former des cadres, des ingénieurs, des dirigeants, des chercheurs, etc.

La France industrielle et scientifique avançait à pas de géant dans un monde en ébullition où, depuis les grandes mutations du XIXe siècle, elle tenait une place de premier ordre.

Restons encore quelques instants dans ce XIXe siècle finissant où les gens travaillent beaucoup pour assurer leur existence matérielle, où les temps de loisirs sont très limités. Rappelons que le repos hebdomadaire ne sera officialisé qu'au début du XXe siècle.

 

La vie associative naissante

Et pourtant impérativement s'affirme le besoin d'une vie associative et conviviale. Hormis le sous-sol de l'école de la Dîme (future école Martini) il n'existait aucun local confortable pour tenir des réunions d'assemblée ou des spectacles. Ce vieux local à peine aéré reçut cependant des conférenciers comme Jean Aicard, des orchestres comme ceux de La Seynoise ou de l'Avenir Seynois ou même une musique italienne dénommée la Garibaldienne, la culture musicale s'y exerçait en alternance avec la culture physique car la salle désuète avait tout de même reçu des équipements sportifs : barre fixe, anneaux, trapèze, cheval d'arçon, barres parallèles...

Nos concitoyens s'y retrouvaient pour assister à des combats de boxe et très souvent à des réunions syndicales à partir de 1884 date marquante de l'histoire du monde ouvrier à la conquête de ses libertés.

Ce sous-sol du vieil hôtel de la Dîme n'était plus destiné comme au Moyen Age à recevoir des sacs de blé, des paniers d'oeufs, des pommes de terre pour la nourriture des autorités du Clergé tout puissant d'autrefois.

Cette salle polyvalente était devenue un foyer de toutes les cultures : sportive, syndicale, politique, musicale et même intellectuelle.

Elle seule aurait mérité un historique des plus pittoresques étendu sur plus de trois siècles, la salle étant encore utilisée jusqu'en 1976, année de la destruction de la vieille école Martini, devenue le parking du même nom.

Dans les années 1880-1884 la municipalité présidée alors par Saturnin Fabre vota des subventions pour la Société de gymnastique qui utilisait la salle plus souvent que les autres (escrimeurs, excursionnistes).

Ne quittons pas le XIXe siècle sans parler de la construction en 1891 de l'Eden-Théâtre sur la place de la Lune (place Benoît Frachon aujourd'hui) qui joua un rôle considérable pendant plus d'un demi-siècle dans les domaines artistiques et culturels. Sans doute pourrait-il encore jouer son rôle si le bombardement du 29 avril 1944 ne l'avait pas pulvérisé. Cette structure, édifiée par le Seynois Louis Abran, apporta à la population seynoise de grandes satisfactions par l'extrême diversité des spectacles qu'elle lui offrit : opéra, opérettes, pastorale..., et les amateurs de bel canto ne manquaient pas d'applaudir les ténors de l'époque, Ansaldi en particulier, ou des chanteurs de variétés comme Mayol, ou des comiques troupiers avec les Ouvrard, Dranem, Fortuné,...

On y célébra avec ferveur les fêtes franco-russes de 1893 où nos musiques locales y jouèrent les meilleurs morceaux de leur répertoire.

Dans une certaine période, on y joua aussi des revues à caractère satirique où des artistes locaux s'en prenaient aux municipalités qui tardaient à régler des problèmes cruciaux : ceux de l'eau potable dont la Seyne manquait cruellement et ceux de l'assainissement. Et les sarcasmes des artistes ne manquaient pas de rappeler aux spectateurs seynois qu'ils étaient les enfants de La Seyne - Les Toupines !

Sur la fin de sa carrière, l'Eden-Théâtre changea de nom. Il devint le Comédia. La nature de ses programmes se mit au goût du jour. On y assista de plus en plus à des spectacles de music-hall. Puis vint le cinéma parlant qui remplaça le cinéma muet ; puis vint le cinéma en couleur avec un premier film, très émouvant : Fleur de Lotus.

À proximité du Comédia, d'autres salles de spectacles apportèrent aux seynois des satisfactions appréciables dans la recherche de leurs loisirs culturels.

Ils accouraient joyeux pour se divertir bruyamment avec Charlot, Laurel et Hardy et bien d'autres et aussi pour compléter leur petit bagage littéraire et historique avec les adaptations du cinéma aux oeuvres d'Émile Zola, Honoré de Balzac, Guy de Maupassant, Victor Hugo, Jules Verne. La salle la plus proche du Comédia fut les Variétés, qui s'ouvrait, face au pont basculant, sur le quai François Bernard. Dans les années trente, une autre salle de spectacle appelée l'Odéon, jouxtant la poste actuelle donna des spectacles de qualité avant de connaître elle aussi les désastres de la guerre.

Nous voici déjà dans le vingtième siècle.

Avant d'y entrer tout à fait, rappelons que la vie associative s'enrichit surtout dans des activités de loisirs et de détente. En 1898 s'ouvrit l'hippodrome de Lagoubran, propriété de la famille d'Estienne d'Orves. Son champ de courses connut des affluences de nantis, surtout dans la période précédant la guerre 1914-1918.

À l'aube du XXe siècle on assista à une prolifération d'associations sportives dont les plus connues furent le Rugby seynois, le Club nautique, le Vélo-sport, les Sans peur (instruction militaire et gymnastique), les Boulomanes, le Vélo-sport excursionniste, le Fleuret seynois. Il y eut par la suite des regroupements au sein de l'Olympique Seynois et de l'U.S.S. (Union Sportive Seynoise).

Des précisions sur l'histoire du sport à La Seyne ont été données dans notre Tome III des Images de la vie seynoise d'antan, pages 203 à 276.

Jusqu'ici, dans l'énumération des associations qui se sont multipliées surtout à partir de 1901 où la législation a fixé des règles précises sur les buts et le fonctionnement des sociétés, il n'a pas été question de groupements à caractères spirituels, exception faite de la Franc-maçonnerie dont les activités apparaissent seulement par intermittence dans l'histoire seynoise.

Nous entrons maintenant dans le XXe siècle et les problèmes de la culture de l'intelligence, de l'esprit de la morale et des souvenirs des choses du passé lointain et glorieux, sont plutôt mal définis.

La raison en est simple et la preuve en a été apportée par la méfiance des gouvernants de la Royauté, des Empires et même de la IIIe République à ses débuts à l'encontre de structures associatives, même à caractère de loisirs, obsédés qu'ils étaient par la crainte de propagandes subversives.

En ce début du XXe siècle, il y a donc beaucoup de retards à rattraper dans une situation politique complexe. Certes l'idéal républicain a triomphé des partisans de l'ancien régime. Non sans difficulté le seul mot République pour désigner la nouvelle forme de gouvernement a été adapté à 1 voix de majorité par le Parlement de 1875.

Le parti républicain et ses variantes (socialistes, radicaux, francs-maçons, libre-penseurs, laïques) mène des batailles politiques sévères qui aboutissent à la loi sur la Séparation de l'Église et de l'État. Pendant plusieurs années, de 1903 à 1905 en particulier, les problèmes essentiels vont graviter autour de ce fait historique dont les conséquences sur la vie locale prirent parfois des aspects dramatiques. La défense de la culture laïque fit l'objet d'une attention particulière des maires de l'époque comme Julien Belfort, Jean Armand, Jean Juès. Le Parti ouvrier reçut des subventions qui lui permirent d'accroître son audience.

 

Premières structures artistiques

L'année 1903 fut marquée par un événement très apprécié de la population : la construction d'un kiosque à musique sur la place Ledru-Rollin.

Jusque-là les philharmoniques éprouvaient de grandes difficultés pour s'exprimer. La Seynoise, la plus ancienne, joua à ses débuts dans des locaux de fortune.

L'Avenir seynois, fondé en 1879, ne trouvait pas non plus de locaux suffisants en sorte que la population espérait les beaux jours pour assister à des concerts de plain air. N'oublions pas de citer la Conciliation, petite formation que le hameau de Saint-Mandrier s'était donné vers la fin du siècle dernier, hameau seynois qui eut lui aussi son kiosque à musique sur le port. Si l'on ajoute à ces formations la Fanfare Garibaldienne qui sillonnait souvent les rues, on peut dire qu'en ce début du XXe siècle la culture artistique musicale prenait une importance non négligeable.

L'Avenir Seynois

L'édification de l'Eden-Théâtre en 1891, la construction du siège de La Seynoise et la salle de répétition quelque vingt ans plus tard, autant d'initiatives en faveur de l'art musical qui au fil des années de notre siècle s'est affirmé de manières fort diverses comme il sera dit plus loin.

Restons pour l'instant sur les souvenirs attachants des concerts donnés au kiosque de la place Ledru-Rollin à l'époque les Présidents prestigieux comme Léon Gay, Joseph Guérin, Édouard Pons, Édourd Marius Aillaud... l'orchestre dirigé brillamment par Marius Silvy.

Pendant plus d'un demi-siècle, le kiosque (qu'on appela quinconce à l'origine) vit se rassembler autour de lui des foules seynoises passionnées par la musique de Gounod, de Verdi, de Puccini, de Messager et bien d'autres.

Et la musique était très souvent de sortie à l'occasion des fêtes locales, des bals de quartier, des lancements de bateaux, des anniversaires célèbres, aux obsèques de personnalités.

Nous verrons par la suite, en fonction des événements, des évolutions se produire, des styles musicaux nouveaux apparaître. Les politiques suivies par nos édiles locaux eurent des effets plus ou moins bénéfiques sur les problèmes culturels de la musique et des arts en général.

 

La Bourse du Travail

Il faut nécessairement nous arrêter sur les années suivantes 1904 et 1905 avec l'inauguration de la Bourse du Travail, réclamée depuis longtemps par les travailleurs, ceux de la construction navale en particulier.

Les syndicats ouvriers qui se réunirent parfois clandestinement dans la forêt de Janas, au temps des régimes autoritaires, qui trouvèrent un refuge dans le sous-sol de l'école Martini quand ils furent tolérés, allaient pouvoir enfin organiser leurs luttes efficacement, réunir des commissions de travail dans des bureaux meublés, classer des documents et surtout rassembler leurs adhérents par centaines pour la défense de leurs revendications légitimes.

La culture syndicale allait prendre une extension considérable et il fallut bientôt l'accommoder à d'autres formes d'activités à caractère culturel que les municipalités progressistes de cette période impulsèrent pour le plus grand profit de la population.

Les salles secondaires nombreuses du bâtiment reçurent des jeunes désireux de perfectionner leurs connaissances en vue de préparer des concours, après leur certificat d'études : langues vivantes, tous ces enseignements gratuits étaient assurés par des professeurs rémunérés par le budget communal. Que de jeunes Seynois, ayant bénéficié de ces cours du soir appelés aussi cours d'adultes ont pu accéder à des situations stables de la Marine, de l'Arsenal ou des Chantiers Navals !

Aussi la Bourse du Travail devint rapidement une véritable ruche où se côtoyaient les ouvriers, les étudiants, les apprentis musiciens mais aussi les jours de conférences publiques des citoyens de toutes conditions venus s'informer de questions syndicales, politiques, scientifiques. Dans la grande salle de la Bourse, comme on disait, salle polyvalente avait retenti les voix de Jules Guesde, de Jean Jaurès, de Marcel Cachin et de bien d'autres orateurs des idéaux progressistes.

En somme, cette réalisation magnifique, considérée parfois comme désuète aux yeux de ceux qui veulent faire du neuf à La Seyne, a rendu à la population seynoise des services inestimables au cours de sa longue histoire dont le centenaire méritera d'être fêté dignement.

Dans le même ordre d'idées, il convient de rappeler qu'à la fin du siècle dernier les travailleurs seynois avaient obtenu la construction du cercle des travailleurs dont la grande salle accueillit d'importants auditoires. Cette structure, devenue plus tard le siège du Parti socialiste appelé primitivement Parti ouvrier, a contribué pendant de longues années à élever le niveau de la culture républicaine par la venue fréquente de conférenciers de haut niveau. Les vicissitudes du temps, des événements ont bien changé les destinées du cercle des travailleurs où ces dernières années y fonctionna l'administration des impôts en particulier.

Vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe la population seynoise atteignit 20 000 habitants. Ses activités prospères laissaient augurer un avenir brillant à plus d'un titre : activité industrielle assurant du travail à des milliers de nos anciens auxquels se mêlèrent de nombreux émigrés italiens ; activités agricoles d'une polyculture variée à l'extrême : légumes, fruits, céréales, oliveraie, vignobles... ; activités de la pêche, de la mytiliculture, de l'élevage des ovins et des porcins. Les idées républicaines s'affirmaient d'année en année, l'idéal d'une culture laïque progressait au détriment des cléricaux, surtout depuis l'application des lois sur la séparation de l'Église et de l'État.

Nos édiles de cette période avaient amélioré les conditions de vie de leurs concitoyens : poste nouvelle à la rue Hoche, abattoirs au quartier Peyron, hôpital imposant sa substituant au vieil Hôtel-Dieu de la rue Clément Daniel, Bourse du Travail,... sans parler du système routier et des communications, extension des limites de la commune vers Les Sablettes, Six-Fours et surtout Toulon.

À partir de 1884 et jusqu'au début du XXe siècle, les seynois assistèrent à une véritable transfiguration des quartiers est et sud de la commune sur les rivages de la baie du Lazaret, cela grâce à l'oeuvre du mécène Michel Pacha.

 

Une culture touristique

En l'espace de quelques années, le littoral marécageux parfois inaccessible fut stabilisé par la réalisation d'une corniche carrossable qui put desservir trois petits ports : Le Manteau, Tamaris, Les Sablettes. Sur 80 hectares, une ville nouvelle allait naître avec des dizaines de villas des casinos, des hôtels, un bureau de poste, des commerces. Michel Pacha, y construisit son château de style oriental et participa activement à la construction du laboratoire de biologie dirigé par le professeur Raphaël Dubois de l'université de Lyon.

Le Casino de Tamaris

Le Casino du Manteau en 1910

Ces initiatives privées donnèrent à cette zone du terroir seynois un caractère tout différent. Ce n'était plus la zone industrielle des Mouissèques, ni l'ambiance paysanne des quartiers Saint-Jean, des Moulières ou des plaines. Les Seynois, au cours de leurs promenades du dimanche, admiraient le parc de Michel Pacha aux espèces végétales rares acclimatées avec succès depuis Balaguier jusqu'aux Sablettes. La Seyne était devenue une station balnéaire et touristique, bien connue des Anglais.

Des aspects culturels nouveaux se posaient à l'attention de nos concitoyens heureux d'apprendre que le laboratoire de biologie marine était un établissement d'enseignement supérieur.

La population n'avait pas réagi violemment en apprenant que Michel Pacha avait embauché 400 ouvriers italiens pour l'aménagement de la corniche. Ils acceptaient sans maugréer le fait que l'effectif des ouvriers des chantiers navals soit composé dans certaines périodes d'autant de seynois que d'étrangers; La Seyne évoluait dans ses structures, ses mentalités mais ses enfants quelles que fussent leurs origines, leurs conditions sociales, leurs niveaux de culture, entretenaient de bonnes relations conviviales. Il y eut des oppositions idéologiques au moment de l'application des lois laïques, les milieux de la chrétienté n'acceptant pas la suppression des processions, par exemple; des réactions d'intolérance, se manifestèrent au moment où le patronat seynois fit appel à la main d'oeuvre italienne pour réaliser, pour accélérer la construction des grandes unités de la Marine.

Les ressentiments d'un chauvinisme parfois agressif s'estompèrent au fil du temps. On applaudissait tout de même la fanfare garibaldienne défilant dans les rues seynoises le dimanche qui croisait parfois les tambourinaires provençaux ou alors les musiciens de La Seynoise qui allaient jouer une aubade à leur Président décoré la veille des Palmes académiques.

Des discussions s'animaient sur les trottoirs à propos des italiens.

- « Voyez, disaient certains, ces Italiens qu'on méprise, ils savent la musique eux aussi. Dans les chantiers où ils travaillent ils donnent entière satisfaction au patron. Dans les campagnes leurs maçons savent construire de belles maisons ».

- « Finalement disaient les autres, ils sont pas différents de nous. Ils ont généralement la même religion, les mêmes coutumes que les provençaux et, de plus, ceux originaires du Piémont savent parler la langue provençale ».

Alors tout naturellement on en venait très souvent à poser les problèmes de culture, culture religieuse, culture linguistique, culture occitane. Les plus sensés des interlocuteurs concluaient toujours par des propos antiracistes tant il est vrai que sous toutes les latitudes, chez tous les peuples quelle que soit la couleur de leur peau, on aime les arts sous toutes les formes. La littérature, la peinture, la sculpture, la musique, les monuments, les souvenirs du passé lointain concrétisés de mille manières. Les peuples ont besoin de beauté et de souvenirs.

Ils ne souhaitent pas la violence. Dans leur immense majorité, ils condamnent le racisme, les guerres de religion, les régimes politiques d'intolérance, le colonialisme, l'esclavage sous toutes les formes.

Des progrès ont été accomplis à l'échelle planétaire, mais hélas ! Il reste beaucoup à faire de la part des grands de ce monde dont les pouvoirs souvent excessifs ne servent guère les causes justes de l'humanité. Il appartient aux peuples eux-mêmes de les défendre les valeurs de la morale, les droits de l'intelligence, l'accession au savoir et au bien-être. Et le meilleur moyen de parvenir à des résultats tangibles reste celui de la culture sous toutes les formes, dispensée partout à travers le système éducatif, la vie associative, la vie spirituelle, la religion, la famille... la culture qui devra apporter aux humains la bonne conscience et la sérénité de leur âme.

Revenons à notre communauté seynoise et à ses édiles du XXe siècle naissant à qui les problèmes culturels n'étaient pas indifférents. Leur conception se limitait le plus souvent à des activités de loisirs, des amusements, des spectacles de la rue. Depuis la fondation de La Seynoise en 1840 de L'Avenir Seynois en 1879, la création de l'Eden-Théâtre en 1891, les décennies passaient sans grand bouleversement à caractère culturel. La municipalité avait créé une commission des festivités qui se manifestait surtout au moment des fêtes locales. La bibliothèque municipale n'avait pas une centaine d'abonnés. La vie culturelle se résumait à de rares conférences données à l'Eden-Théâtre de la place de la Lune et à des concerts de nos philharmoniques, tout cela de manière épisodique.

L'Eden-Théâtre en 1910

L'animation prenait une certaine ampleur au moment des campagnes électorales municipales, cantonales ou législatives. Alors, la grande salle de la Bourse du Travail jouait un rôle capital et on y assistait à des joutes oratoires parfois violentes et même à des pugilats.

Le calme revenu, les bals du Dimanche reprenaient. Les mamans accompagnaient leur fille danser des polkas, des mazurkas, des valses invitées par les jeunes seynois que jalousaient les marins à pompons rouges ou les Marsouins casernés à la Gatonne. Là encore les rixes étant fréquentes, les familles huppées préféraient la fréquentation des Noctambules, association d'un caractère privé qui siégea, rue Louis Blanqui, dans des locaux qui devinrent plus tard La Maison du Peuple, propriété du Clergé.

À la belle saison, la salle de la Bourse du Travail était délaissée et les bals se faisaient autour du kiosque à musique de la place des Esplageols (Ledru-Rollin) ou alors dans les quartiers. Ceux très peuplés organisaient des programmes de réjouissances diversifiées : bal animé par nos philharmoniques locales, concours de chants, concours de boules, repas champêtres, épreuves de gymnastique, course au sac, mât de cocagne,... Ces fêtes de quartier, organisées par souscription publique, quelquefois avec participation de la commission des fêtes municipales connurent pendant cinquante années des succès incontestables surtout à Saint-Elme, à Fabrégas, au quartier Saint-Jean, aux Mouissèques, à la Donicarde. Le quartier des plaines fut spécialisé dans une certaine période par la fête des vendanges. Il nous faut faire une mention spéciale pour Janas qui connut la fête pendant tout le mois de Mai et cela pendant des siècles. Son caractère religieux se modifia au fil du temps. Les matinées furent consacrées au culte de Notre-Dame de Bonne-Garde. Les après-midi se passaient dans la pinède de Janas occupée par une fête foraine : avec jeux, loteries, stands de tir, vente de cotillons, confettis, mirlitons, de douceurs, de boissons et surtout le bal populaire, etc. Cette fête se poursuit de nos jours avec bien sûr des adaptations à la modernité.

En somme le XXe siècle paraissait s'ouvrir sous les bons auspices d'une vie économique prospère, un accroissement de la population, des problèmes épineux comme la séparation de l'Église et de l'État en voie de règlement, comme celui des immigrés italiens... Hélas !

 

La guerre de 1914-1918

Les espoirs d'une vie meilleure furent terriblement déçus au 31 Juillet avec l'assassinat de Jean Jaurès, apôtre de la Paix, suivi de la déclaration de guerre à l'Allemagne le 2 août 1914. Ce fut alors le désastre, les deuils cruels, les disparus en mer, les destructions et les ruines de tout le nord de la France.

On ne songeait plus qu'à la guerre et ses malheurs. Dans ces conditions les problèmes de culture paraissaient superflus et toute sollicitation d'une aide financière dans ce domaine se heurtait à l'indifférence des pouvoirs publics : Que voulez-vous, disaient les instances préfectorales ou ministérielles, nous pensons d'abord à la guerre ! Une seule forme de culture dominait : la culture patriotique. Les écoliers entonnaient chaque jour des chants enflammés : Ils n'auront plus l'Alsace et la Lorraine et encore Flotte, petit drapeau ! ou Le régiment de Sambre et Meuse.

Après la victoire des armées alliées en Novembre 1918 la culture patriotique s'exprima avec force par des cérémonies religieuses, l'inauguration du monument aux morts face au pont transbordeur, le retour des restes mortels de nos aînés tombés, comme on disait alors au champ d'honneur !

Les anciens combattants s'organisaient en associations patriotiques et le Président Clemenceau les vénérait en déclarant : « Ils ont des droits sur nous ! ».

Les politiciens en campagne électorale rassuraient les populations en criant haut et fort : « L'Allemagne paiera ! ». On trompait les gens qui attribuaient aux Traités de Versailles toutes les vertus alors qu'ils contenaient déjà en germes les causes de la guerre suivante.

En attendant les idéologies antagonistes se développaient partout dangereusement. Après la Révolution russe de 1917, les puissances d'argent encouragèrent le fascisme italien avec Mussolini à sa tête et le nazisme hitlérien.

Dans cette période dite de l'entre deux guerres, les idéologies du socialisme et du communisme d'une part et celles du fascisme, de l'hitlérisme et du franquisme d'autre part s'affrontèrent pendant une dizaine d'années pour déboucher finalement sur la deuxième guerre mondiale et ses conséquences catastrophiques que l'on sait.

Les peuples étaient loin de comprendre les origines de tous les maux de notre pauvre humanité. Sans doute manquaient-ils d'une solide culture politique pour accéder à la connaissance, à la complexité, à l'ampleur des difficultés à vaincre pour imposer une paix durable dans le monde. Un monde où les valeurs de justice, de tolérance, de liberté ne seraient pas de vains mots.

Espérons que les générations de l'an 2000 sauront prendre conscience de la gravité des problèmes qui se posent à l'échelle planétaire pour la conquête du bonheur des hommes.

Ils n'y parviendront pas par la violence, le sectarisme, la ségrégation, le racisme.

Seule la sociologie de la culture à tous les niveaux, sous toutes les latitudes, par tous les moyens spirituels, pourra offrir aux hommes les clés de la félicité.

Les conflits mondiaux n'apportèrent à l'Humanité que des souffrances avec les deuils, les destructions, les crises économiques. Les pacifistes s'efforçaient de convaincre les populations de la nocivité de la guerre et déclaraient : « quand un conflit est terminé, on signe des traités de paix ; le vainqueur chante sa victoire, le vaincu est humilié, mais la réalité est toute autre ; parce qu'il n'y a ni vainqueur ni vaincu, il n'y a que des vaincus ».

Durant les années dramatiques, la population seynoise n'assista pas à des changements spectaculaires dans les rythmes de la vie quotidienne, dans l'organisation des loisirs et on ne lui parlait même pas des problèmes de la culture. Le patrimoine sportif s'était enrichi en 1917 du vélodrome de la Canourgue, structure utilisée dix ans plus tard par le Moto-club seynois.

Les premières structures à caractère culturel dans ce XXe siècle apparurent en 1922, année de construction de la salle Gounod, siège de la philharmonique La Seynoise, après le lancement d'une souscription publique à l'initiative du Président Aillaud et aussi en 1931 par le transfert de l'école Clément Daniel au quartier de la Gatonne et qui devint avec son cours complémentaire, l'école Curie.

La salle Gounod où la Philharmonique pouvait préparer ses concerts, réunir ses membres exécutants, ses supporters par centaines, organiser des bals privés, des banquets, des remises de prix plus rarement des causeries.

Cette salle fut pendant plusieurs décennies, un véritable foyer de vie artistique ; ses dirigeants en interdire l'accès à toute organisation politique.

Banquet de Sainte-Cécile à La Seynoise sous la présidence de Marius Aillaud

 

De nouveaux espoirs

Quant au transfert de l'école primaire de l'Hôtel-Dieu et de son cours complémentaire, disons que ces structures fonctionnant dans une caserne désaffectée devinrent le Collège d'Enseignement Secondaire Curie dont l'histoire a été contée dans l'Histoire de l'Enseignement à La Seyne. Tout n'avait pas été fait à La Seyne par les municipalités de la IIIe République, mais des aspects importants de la vie intellectuelle et de la culture artistique n'avaient pas été négligés.

Rappelons brièvement la naissance en mars 1933 à l'initiative d'André Garro d'une association à caractère folklorique : Lei Cigaloun Segnen. C'était une forme de la culture provençale à laquelle de nombreux Seynois restaient toujours attachés.

À début de notre XXe siècle, la grande majorité de notre population locale s'exprimait le plus fréquemment en langue provençale et ce n'était pas sans amertume qu'ils constataient son déclin face à la langue officielle de l'état républicain.

Cette association se manifestait le plus souvent dans les fêtes populaires où l'on dansait en costumes de l'époque mistralienne au son des tambourins et des galoubets. Elle est toujours présente en cette fin de siècle, animée par un noyau dur fidèle à la langue d'oc.

En 1936, à l'initiative du comité d'entreprise des Coopérateurs du Midi, fut fondée une autre association dont le rôle dans la population Seynoise a été considérable. Il s'agit des Sports et Loisirs du Var. Quel fut son objectif majeur ? L'organisation d'excursions et de voyages. Il faut savoir qu'elle accuse donc 65 ans d'existence et que son rôle n'est pas terminé.

Elle a permis depuis 1936 à des milliers et des milliers de Seynois de connaître mieux leur département et aussi de parcourir les continents du monde entier ce qui signifie que son rôle culturel a été immense. Les Seynois ont appris leur géographie de façon concrète, ils ont rencontré d'autres gens, d'autres coutumes et ont fraternisé sans aucun doute avec des gens de couleurs, des êtres humains sensibles comme eux à la beauté, aux joies de la vie, à la conscience.

Les Sports et Loisirs du Var continuent leur noble tâche en concurrence avec d'autres groupements qui se sont constitués depuis 1936 dans le tissu associatif seynois dans des perspectives analogues.

Et sans aucun doute les progrès auraient été plus rapides encore mais, hélas ! La guerre, encore la guerre allait briser tous les espoirs. Par surcroît, l'arrivée aux affaires municipales de gens inconnus de la population et totalement incompétents n'allait pas simplifier les problèmes.

 

La République assassinée

Un quarteron de vichystes, collaborateurs des hitlériens, prétendait donner aux Seynois des leçons de patriotisme. La Légion de Pétain rendait responsable la République des malheurs de la France et disait que l'ordre nouveau apporterait bientôt le bonheur à tous.

Les adeptes du régime dictatorial de Vichy défilaient dans les rues au pas cadencé en chantant avec frénésie Maréchal nous voilà ! Le salut aux couleurs fut imposé aux enseignants des plus grandes écoles... Les syndicats pour la plupart furent interdits.

Déjà dès le mois d'août 1940, un décret ministériel porta dissolution du Grand Orient de France et des loges maçonniques, ces organisations étant considérées subversives et leurs adhérents fonctionnaires furent révoqués.

On pourrait multiplier les exemples de mesures coercitives prises dans le but de donner aux citoyens une véritable culture patriotique. On sait comment cette révolution dite nationale échoua lamentablement dans ses sinistres projets. Les vrais patriotes, on les trouva dans les organisations de la Résistance libératrice de la Patrie.

La municipalité de Vichy, installée à l'hôtel de ville sur une simple décision préfectorale, composée de nombreux militaires de l'armée de terre et de la marine, ne joua qu'un rôle des plus néfastes pour la communauté seynoise et n'apporta absolument rien de positif aux problèmes de la culture et des arts. La servilité des édiles de cette période la plus noire de notre histoire locale les incita peut-être à approuver les paroles de Goebbels, le bras droit d'Hitler qui déclarait : « quand j'entends parler de culture, je prends mon revolver ! ». La Libération de la Seyne fut acquise au prix de milliers de victimes civiles et militaires, de destructions massives de maisons d'habitation, de structures administratives. Des quelques rares réalisations à caractère culturel il restait peu de choses.

L'Hôtel de ville et sa bibliothèque étaient si endommagés qu'il fallut en achever la destruction ; l'Eden-Théâtre fut remplacé par un énorme trou béant, même spectacle pour le patronage laïque de la Gatonne. À l'autre bout de la ville le superbe château de Michel Pacha gravement sinistré dut être abattu après que les officiers allemands ne fassent main basse sur les oeuvres d'art dont il était si riche.

Des chantiers navals minés ainsi que des cinémas du port, il ne restait plus que des morceaux de ferrailles tordues, des décombres de bâtiments écroulés, des pavés, bref un spectacle de désolation abominable.

Dans de telles conditions, la vie associative seynoise fut totalement anéantie. Le siège de la philharmonique, rue Gounod, fut occupé par une organisation de bienfaisance appelée Secours National pour y stocker des marchandises.

Les effectifs de la musique réduits à quelques unités ne permettaient plus de jouer La Marseillaise pour des manifestations officielles. Empressons nous d'ajouter qu'avec l'occupation des hordes allemandes La Seynoise n'obtint même pas l'autorisation de sortir son drapeau tricolore au cimetière pour saluer la dépouille de son défunt Président Édouard Marius Aillaud décédé dans cette période.

Comble de l'ignominie : la destruction du monument aux morts de la guerre 1914-1918 par la soldatesque allemande en présence des vichyssois muets, eux qui voulaient donner à la population seynoise des leçons de patriotisme.

 

La Libération

Et pourtant, malgré tous ses malheurs, ses souffrances, ses vexations et les sévices, notre courageuse population seynoise ne se laissa pas abattre. L'ennemi chassé par les armées alliées aidées par les Résistants, le comité de Libération et les municipalités qui suivirent affrontèrent tous les problèmes dramatiques à vaincre pour redonner la vie à notre cité martyre.

On comprend bien que les tâches les plus urgentes n'étaient plus celles de la culture et des arts. Il fallut loger des sinistrés par milliers, les ravitailler en tout, l'ennemi ayant pillé les richesses du pays, il fallait reconstruire l'industrie, soigner les gens, encourager les productions de la campagne, réparer les voies de communications, les réseaux d'eau, d'électricité, etc. On ne dira jamais assez le courage et a volonté de milliers de nos concitoyens qui apportèrent bénévolement leur concours à l'oeuvre du redressement de la communauté seynoise.

Il va être démontré dans les lignes qui suivent comment, après le règlement des questions les plus urgentes ; les problèmes de la culture et des arts ont retenu toute l'attention de nos aînés qui ont su, à partir de 1959, date de la reconstruction de l'hôtel de ville, doter notre population laborieuse d'un réseau de structures à caractères culturels et artistiques remarquables.

Avant d'entrer dans le détail des réalisations à caractère artistique et culturel d'origine municipale ou privée, il importe de rappeler quelques dates marquantes avant la flambée de 1959.

Durant les quatre années qui suivirent la Libération nos concitoyens remarquables pour leur obstination tentèrent et réussirent à donner à la vie associative seynoise des perspectives nouvelles.

En 1945, à l'initiative de la Municipalité présidée alors par le Docteur Jean Sauvet, furent organisées des colonies de vacances municipales.

Le tome III de notre ouvrage a donné un historique complet, intitulé Jeunesse au plein air, de cette oeuvre remarquable qui rendit à l'enfance et à l'adolescence seynoises et aussi à leur famille, des services considérables. Pas seulement par leur souci de contribuer à la bonne santé de la jeunesse dont les poumons se gonflaient d'air pur dans les montagnes du Massif Central ou des Alpes, mais également par leur rôle éducatif sur lequel il nous faudra insister plus loin.

L'année 1948 a été marquée par la création de l'O.M.S. (Office Municipal des Sports) dont les bilans impressionnants ont été dressés dans l'ouvrage précédent, également la création du comité des fêtes qui apporta aux seynois et aux seynoises des heures du bonheur qu'elles avaient perdu pendant le passage des descendants d'Attila.

Puis l'année 1949 vit l'honorable M. Baudouin, historien de La Seyne, présider une association nouvelle : La Seyne ancienne et moderne qui vient de célébrer son 50e anniversaire. Elle a dressé à cette occasion, un bilan impressionnant de ses activités de loisirs le plus souvent à caractère culturel par l'organisation de conférences sur les sujets les plus divers, de voyages qu'ont permis à nos concitoyens de connaître mieux leur pays de Provence, les sites enchanteurs de notre belle France, ses monuments prestigieux... et ce n'est pas fini ! Son rôle éducatif se poursuit avec sa revue trimestrielle Le filet du pêcheur dont les pages sont offertes aux amoureux du passé, aux écrivains, aux poètes.

Mais il est nécessaire de revenir quelques instants sur les colonies de vacances pour montrer le rôle éducatif qu'elles ont exercé sur l'enfance et la jeunesse seynoises.

 

L'art et la culture dans les centres de vacances

Il faudra rendre ici hommage tout particulièrement aux enseignants, aux animateurs, aux moniteurs, aux éducateurs des organisations laïques (C.E.M.E.A., par exemple) pour le rôle qu'ils jouèrent dans les centres de vacances seynois où, pendant 40 années, on a pu parler d'une éducation culturelle et artistique.

Avant même qu'il n'existât un Ministère de la Culture et des Arts pour donner des directives aux départements et aux communes, dans les centres de vacances de la Mairie de La Seyne on apprenait aux enfants à dessiner, peindre, sculpter dans les écorces de bois tendre, tisser, gâcher du plâtre, habiller des marionnettes.

Certains anciens colons du centre de Presles ont sans doute le souvenir d'avoir participé à la construction de montgolfières géantes.

Savoir confectionner quelque chose de ses mains n'est-ce pas une forme de culture propice au développement de l'intelligence ?

Les directeurs et directrices des centres de vacances ne savaient-ils pas organiser des spectacles variés, des danses rythmiques, du cinéma éducatif, du théâtre d'ombres, des comédies ?

Qui sait, au cours de ces représentations, si des âmes d'artistes n'allaient pas se révéler ?

Que de richesses les enfants découvrirent dans la nature en observant des animaux, des oiseaux, des insectes qu'ils n'avaient jamais vus sur le terroir seynois...

Sans parler des lieux d'implantation de la colonie qui avaient leur propre histoire.

À ces rappels du passé, on voit bien l'immensité des activités culturelles et artistiques que les centres de vacances pouvaient offrir à l'enfance seynoise.

Il est bien regrettable que ces structures aient disparu de nos jours, mais il et réconfortant d'autre part de savoir que des formes nouvelles d'éducation sont apparues dans le système éducatif d'aujourd'hui, formes sur lesquelles nous reviendrons plus loin.

Nos municipalités seynoises d'après la guerre 1939-45 ont été à l'avant-garde de ces problèmes éducatifs qui évoluèrent en variant les formules en liaison avec l'Éducation nationale. Les centres de vacances furent complétés par les centres aérés locaux, puis les classes vertes, puis les classes de neige.

Revenons à La Seyne, d'après la guerre qui pansait ses blessures et dont les édiles se démenaient pour la sortir du marasme où l'avaient plongé ses ennemis et ses alliés américains.

 

Enfin la première salle des fêtes

Il fallut attendre 15 ans pour voir enfin s'élever une nouvelle mairie, instrument si nécessaire à l'administration de la ville. Souvenons-nous des conditions de travail du personnel communal dans les vieux locaux de l'Asile de la rue d'Alsace et de la rue Messine datant du XVIIe siècle, sans aucun confort ni salubrité.

L'État ne pouvait satisfaire la réparation des sinistres, empêtré qu'il était dans les guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie.

En 1959 donc, l'Hôtel de ville nouveau put offrir pour la première fois une salle des fêtes immense où la vie culturelle prit son essor. Dans son discours d'inauguration Toussaint Merle déclara que La Seyne allait connaître pour la première fois des activités artistiques et culturelles véritables.

Tout d'abord la population pourrait assister aux séances du Conseil municipal, aux inaugurations d'expositions publiques en tout genre : peinture, sculptures, oeuvres artisanales, à des conférences littéraires, philosophiques, à des concerts de nos formations locales et d'autres venues de l'extérieur, à des réceptions solennelles, aux réunions de comité permanent des fêtes créé déjà depuis 1948.

Sainte Cécile 1958 - Jean Arèse dirigeant son premier concert
Vernissage de l'exposition Daumier - 1963

L'année suivante, donc en 1960 un événement auquel la population seynoise fut très sensible fut le transfert de l'enseignement secondaire vers le nouveau lycée appelé Beaussier, nom du quartier de son implantation, l'école Martini après 176 ans de bons et loyaux services rendus à la jeunesse seynoise serait livrée aux démolisseurs et à la place laissée par l'école de la Dîme en ruines serait édifié le parking Martini du même nom que l'école vénérée. Si cette mutation attendue depuis longtemps fut nécessaire, c'est que l'enseignement ne pouvait plus répondre aux besoins de la modernité.

Le nouvel établissement sous l'égide de l'éducation nationale, indépendamment de l'enseignement classique préparant au baccalauréat, allait organiser ses propres structures culturelles et artistiques, ses clubs de loisirs. Nous montrerons dans la suite de ce sujet que les autres établissements du second degré feront de même. On assistera à une démultiplication tous azimuts. Des commissions culturelles on en parlera dans les instances administratives, dans les comités d'entreprises, les municipalités, les conseils généraux, etc.

Les années qui suivirent apportèrent à la population d'immenses satisfactions dans tous les domaines et particulièrement dans celui de la culture et des arts. Qu'on en juge !

En 1964, le mouvement aux morts de la guerre de 1914-1918 que les Allemands avaient rasé en 1943 fut reconstruit. Pour justifier leur acte odieux, ils avaient prétexté la nécessité de construire à cet endroit précis une batterie antiaérienne. Le vrai motif, c'était de faire disparaître les traces de leur défaite de 1918.

Cette réhabilitation donna lieu à une manifestation patriotique en hommage aux 373 morts et 8 disparus de la première guerre mondiale.

 

L'essor impétueux de la culture et des arts

L'année 1965 vit la naissance de l'école des Beaux-Arts avec l'inscription dès l'origine de 110 élèves venus y recevoir l'enseignement du dessin, de la peinture, de la sculpture. Elle fonctionna dans des locaux scolaires désaffectés d'une manière un peu chaotique avant de trouver la stabilité au quartier Saint-Jean. Son enseignement s'étendit à des adultes par la suite avec la création d'une amicale des Beaux-Arts. Deux autres réalisations municipales de la plus haute importance apparurent en 1966.

Sur la hauteur du quartier Tortel fut construit l'observatoire du Club Antarès, spécialisé dans l'astronomie, à l'initiative du professeur Jean Pinson.

Depuis plusieurs années, un groupe d'élèves du collège Martini avaient décidé de se constituer en association à caractère scientifique dans le but d'étudier et d'approfondir les secrets du ciel et aussi dans le désir de faire partager les joies de leurs découvertes à des adultes par l'observation dans les meilleures conditions possibles. Ils fondèrent un atelier d'optique, construisirent des télescopes, taillèrent des miroirs, organisèrent des cercles d'études, rédigèrent un journal appelé La voix d'Antarès et le volume de leurs activités prit une telle extension, que des locaux plus importants qu'une salle de classe leur fut nécessaire. Sollicitée pour cela la municipalité répondit favorablement à leur attente. Ces jeunes passionnés de l'astronomie se constituèrent en association en 1964 et deux ans plus tard le 3 juillet 1966 fut inauguré l'observatoire Antarès tout à côté du château d'eau au quartier Tortel.

Sur la plateforme de l'observatoire Antarès, François de Closets, ingénieur électronicien, journaliste scientifique, visite les installations en compagnie de M. Pinson, professeur, président du Club (3 juillet 1966).

Il serait bien long de raconter le bilan des réalisations du club Antarès. Rappelons seulement son expédition célèbre en 1973 vers la Mauritanie en vue d'y observer l'éclipse totale du soleil. Véritable exploit que la revue Étraves avait relaté dans tous ses détails.

Autre réalisation remarquable de l'année 1966 :

L'ouverture d'une école municipale de musique sous la direction de Jean Arèse. Cette nouvelle structure spécialisée dans l'art musical était attendue par les musiciens vieillissants de nos philharmoniques. De ces formations locales, seule La Seynoise avait survécu aux querelles de clocher et aux douloureux événements de la guerre. Le maire Toussaint Merle avait tenté une réconciliation mais en vain, les mésententes du passé et les jalousies ne s'étant point émoussées.

Il fallait repartir sur d'autres bases pour réanimer l'art musical. D'où l'idée chez nos édiles de la création d'une école municipale de musique.

Ce projet se réalisa en 1965-66 avec la participation de trois professeurs au début qui enseignèrent le solfège, le piano, la clarinette et le saxophone. Les années se succédèrent et l'école compta bientôt 300 élèves. Le nombre des disciplines passa à 12. Il fallut enseigner le violon, le violoncelle, le trombone, le hautbois, etc. Les cours débutèrent dans la salle de La Seynoise puis dans les écoles les plus éloignées du centre ville.

Dans le but d'apporter un soutien moral et matériel aux jeunes élèves, les parents constituèrent une Amicale de l'École Municipale de musique.

La culture musicale prit une ampleur telle que Jean Arèse imagina la possibilité d'un orchestre d'enfants dont l'effectif atteignit rapidement la cinquantaine, véritable réservoir qui permettrait de renflouer et surtout de rajeunir la vénérable Seynoise de 1840.

Orchestre symphonique d'enfants

On assista par la suite à une diversification des structures artistiques musicales avec la naissance d'une chorale, d'une formation de musique de chambre, et même de Jazz-orchestra. Tous les goûts du public trouveraient leurs satisfactions.

Jean Ferrat, après son récital salle des fêtes de l'hôtel de ville, au cours du Mois des Arts 1966.

Ajoutons qu'il fut possible à tous les groupements de mieux exercer leurs talents, quand la ville fit l'acquisition des locaux de l'orphelinat Saint-Vincent de Paul rue Jacques Laurent.

La prolifération des formes diversifiées de la culture seynoise devait alors déboucher obligatoirement sur une coordination municipale et voilà qui explique l'apparition de l'O.M.C.A. (Office Municipal de la Culture et des Arts) au sein duquel se manifesta une association de création récente : Amis de l'orgue de La Seyne et de la côte varoise animé par Monique Toumsin.

L'histoire seynoise nous apprend l'existence d'un premier orgue de l'église paroissiale en 1810-1811, Messire Sénès étant curé-doyen de La Seyne. Cet instrument n'ayant pas donné entièrement satisfaction, il fallut le réparer à diverses reprises. L'orgue actuel inauguré en 1892, en présence de Monseigneur Mignot, évêque de Fréjus et de Toulon a fonctionné normalement jusqu'en 1966.

Le 31 Mars 1967 après de grands travaux de réfection, une cérémonie mémorable marqua un nouveau départ pour l'orgue qu'on appela instrument royal en souvenir de l'époque baroque.

Ce jour-là la population eut le privilège d'entendre un très grand maître de l'art en la personne de Pierre Cochereau.

L'interprétation des plus belles oeuvres de Bach, Franck, Vierne,... fut accompagnée des chanteurs de L'Escolo de la Souco, autre structure musicale née à Mar Vivo.

(Extrait de la revue Étraves, n° 2, été 1967)

Les années passant les besoins d'une vie culturelle grandissaient partout, surtout dans la jeunesse qui s'était exprimée avec force dans les événements de mai 1968. Les mêmes aspirations apparurent dans la grande entreprise des chantiers navals. La civilisation industrielle avançait à grands pas, par le développement des sciences et des techniques.

Les découvertes de l'automatisation, de l'énergie atomique, de la cybernétique, autant d'éléments nouveaux qui impliquaient une intellectualisation croissante dans toutes les formes du travail. Les dirigeants du Comité d'Entreprise avaient parfaitement compris ces problèmes d'une culture nouvelle nécessaire et décidèrent la création d'une commission Loisirs et culture qui devrait contribuer à l'émancipation des travailleurs.

Ils expliquèrent que les difficultés des familles ouvrières frappées souvent par le chômage conduisaient à une sorte de ségrégation parce que la majorité d'entre elles achetait ni livres, ni journaux, ni revues, n'assistait pas à des spectacles payants.

Le Comité d'entreprise lança pendant plusieurs années la formule trente jours pour la démocratie au cours de laquelle il s'efforça de mettre la culture à la portée de tous par des expositions, des causeries, des spectacles.

Cette initiative, jointe à beaucoup d'autres créa les conditions d'un Office Municipal de la Culture et des Arts.

Inauguration de l'exposition France-URSS.De gauche à droite : M. l'abbé Conte, directeur de l'Escolo de la Souco, Maurice Paul, adjoint au Maire, l'académicien Léontiev, Toussaint Merle, Député-maire, Me Blumel, Président-délégué adjoint de l'association France-URSS, Georges Bender, président du comité local de France-URSS (extrait de la revues Étraves, n° 4, hiver 1967).
Le groupe folklorique L'Escolo de la Souco, qui présenta au cours de cette inaugurationn de très beaux chants et danses de Provence et des chants russes.

L'Office Municipal de la Culture et des Arts

Cette structure qui naquît en 1967 groupa dès l'origine 25 associations qu'il serait fastidieux d'énumérer dans leur intégralité.

Disons simplement qu'on y rencontrait des gens de toutes obédiences s'intéressant à toutes les formes d'art (peinture, sculpture, philatélie, astronomie, histoire locale, coutumes provençales, art musical, etc.) L'O.M.C.A., dont le premier président fut Jean Passaglia, se donna un élément de liaison appelé Étraves où chaque association pouvait s'exprimer librement par des écrits et des illustrations.

Associations membres de l'O.M.C.A. et leurs représentants (d'après la revue Étraves, n° 1, printemps 1967).

Pendant de longues années, elle apporta à la population seynoise des connaissances d'une grande richesse et il est bien regrettable que les aléas de la politique et surtout l'incompréhension et la stérilité de certains politiciens ne lui aient pas permis de poursuivre de nos jours son oeuvre salutaire. Et pourtant que pouvait-on reprocher à l'O.M.C.A. dont les buts louables étaient d'encourager, de développer et de coordonner toutes les activités culturelles au plan communal et parallèlement de promouvoir un équipement socioculturel ? Des résultats tangibles suivirent rapidement avec la création d'une nouvelle bibliothèque municipale (rue Croce) qui compta 6 000 ouvrages et 2 200 abonnés dans les années 1967-68.

Conférence du 13 janvier 1967 de la Société Méditerranéenne de Philosophie à La Seyne. De gauche à droite : MM. Laporte, Simon Lantiéri, Pierre Caminade et Bernard Blanc.

M. l'abbé Conte, directeur de l'Escolo de la Souco.

Au premier rang de l'assistance, de gauche à droite, MM. Jean Passaglia, adjoint au Maire, président de l'O.M.C.A., Pierre Caminade, co-président de la Société Méditerranéenne de Philosophie, Michel Ravoux et Françoise Ravoux.

Émission Midi au Coeur, enregistrée par l'O.R.T.F., sur l'initiative de l'O.M.C.A. Une vue de l'assistance.

Dans la même période, la municipalité ayant fait l'acquisition de l'ancienne propriété des Religieuses de Saint-Vincent de Paul, un autre centre culturel s'y ouvrit à dominante musicale par les activités de l'École Municipale de Musique, de l'Orchestre d'enfants, de la Seynoise, de la Chorale, de l'Amicale de l'école de musique municipale.

Au coeur de la cité Berthe s'ouvrit un centre social et culturel : expérience unique dans le département qui se proposait d'animer la vie des habitants. Structure aux multiples activités dont le texte relatif à la Z.U.P. parle plus longuement.

Dans cette période, la population de La Seyne atteignit 35 000 habitants malgré la séparation de l'agglomération de Saint-Mandrier érigée en commune indépendante. La ville en plein essor avait pansé les plus grandes blessures de la guerre. Les programmes de réalisations promis par les municipalités de l'après-guerre avançaient d'une manière étonnante dans tous les domaines :

Constructions de logements, d'écoles primaires et secondaires ; structures sociales, sportives ; solutions aux problèmes de l'eau potable et de l'assainissement ; développement des réseaux d'électricité, des communications, etc.

Que la population lise et relise attentivement ces bilans parus dans la chronologie des Images de la vie seynoise d'antan (pages 261 à 271 - Tome VI).

Il est bien nécessaire de dire aux ignorants de s'instruire et de rafraîchir la mémoire des ingrats vite oublieux des bienfaits et des avantages qu'ils reçurent sous des formes multiples.

Les créations, les inaugurations se succédèrent à une cadence rapide dans l'allégresse générale quand hélas ! un événement dramatique assombrit momentanément l'ascension de la communauté seynoise vers le progrès : le 24 mai 1969, Toussaint Merle tomba foudroyé par un arrêt du coeur, enlevé à l'affection des siens, de ses camarades, de la population ; cela à quelques mètres de l'hôtel de ville où il avait donné tant de lui-même pour le bien être général.

Le récit de ses obsèques grandioses a été fait dans un ouvrage précédent. Mais il sera nécessaire de revenir sur cet événement douloureux en montrant comment, d'une manière concrète le souvenir de Toussaint Merle a été perpétué par l'érection d'un monument situé sur le port face aux chantiers navals un monument qui enrichira le patrimoine sculptural de notre ville à partir de l'année 1972.

Pour respecter l'ordre chronologique de notre récit, il faut nous arrêter quelques instants sur l'année 1971 où la municipalité s'intéressa particulièrement au fort de Balaguier.

Cet ouvrage militaire désaffecté sur les propositions faites au Ministère de la Marine allait devenir un musée à caractère militaire et maritime. Il fallut cependant des formalités complexes avant son ouverture qui vit affluer des dizaines de milliers de visiteurs captivés par des documents rares, témoins de l'ancien bagne des forçats des siècles précédents des maquettes de navires de tous les âges, des collections d'objets d'art, de coquillages, d'engins de la navigation d'autrefois, d'armes à feu, etc. La visite du musée est agrémentée par un circuit ouvert sur les rivages du Lazaret, du Mourillon.

Ce musée relate également l'historique du fort construit sous Louis XIV et Vauban. De toutes les structures culturelles seynoises, elle est la plus fréquentée et visitée par les touristes. Deux ans après son ouverture, on pouvait dénombrer une moyenne de 20 000 visiteurs par an.

Le 27 mai de l'année 1972 eut lieu sur le port de La Seyne une émouvante manifestation du souvenir en l'honneur de Toussaint Merle. Une stèle symbolisant le bâtisseur qu'il fut avait été érigée dans un style moderne par l'artiste Albert Aymé. Elle fut inaugurée en présence d'une foule fort nombreuse venue se recueillir devant la plaque commémorative gravée au pied du monument et que découvrirent la veuve de Toussaint Merle et sa maman avec l'émotion que l'on devine. Les heures douloureuses passées, la vie municipale et ses tâches quotidiennes reprirent sous l'autorité de Philippe Giovannini qui exerçait jusque-là les fonctions de Premier Adjoint.

« IL N'Y A PAS DE FIN »

Stèle pour Toussaint Merle, Maire de La Seyne de 1947 à 1969, Fondateur de l'O.M.C.A. (oeuvre d'Albert Aymé)

Restons toujours dans le domaine de la culture et des arts pour vous parler d'une structure tout à fait inconnue ailleurs : l'Office Municipal de l'Action Socio-Éducative (O.M.A.S.E.).

Quels buts voulait atteindre cette structure nouvelle ? Elle voulait agir en faveur de l'enfance et de la jeunesse en formant tout d'abord des personnels spécialisés : animateurs, moniteurs, secouristes, surveillants de baignades...

Également regrouper des associations à caractère socioculturel et en l'espace de quelques mois il s'en découvrit des dizaines : Amicale Seynoise des adolescents, Foyer Toussaint Merle de Vignelongue, Associations de parents d'élèves, Cinéma socio-éducatif, Club vidéo seynois, etc.

Il fallait des animateurs, des moniteurs partout L'O.M.A.S.E. fit un travail positif pendant plusieurs années, mais il faut dire aussi que les efforts de ses dirigeants ne furent pas toujours récompensés. Des crédits de fonctionnement lui firent cruellement défaut et néanmoins ses associations de défense de la nature contribuèrent avec une grande efficacité au reboisement de la forêt de Janas.

Daniel Hugonnet, initiateur de l'O.M.A.S.E., n'est pas prêt de baisser les bras. L'O.M.A.S.E. vient de célébrer son 25e anniversaire et apportera certainement de nouvelles initiatives au bénéfice de la culture et de la vie associative seynoises.

Dans les années 1975 la municipalité accentua ses efforts dans le domaine culturel.

Par exemple avec le concours bénévole des enseignants, elle organisa des cours d'alphabétisation dans la partie la moins vétuste de l'école Martini promise à la destruction.

N'était-il pas utile d'enseigner la langue française à des étrangers qui le souhaitaient au moins pour les aider à régler leurs petites difficultés du quotidien.

Leurs enfants étaient bien admis dans nos écoles et dans les colonies de vacances municipales. N'était-il pas souhaitable qu'ils s'imprègnent sans contrainte de la culture française ?

Les locaux de l'ancienne Caisse d'Épargne étant devenus vacants, la municipalité y installa de riches collections d'animaux marins de toutes espèces méditerranéennes : poissons, mollusques, crustacés dont l'ensemble fut baptisé Musée de la mer. Cet établissement de dimensions modestes, accueillait des promeneurs, des touristes et également des écoliers sous la conduite de leurs maîtres désireux d'illustrer leur enseignement de manière plus concrète ce qui incita plus tard le directeur du musée à installer un aquarium. De nos jours cet établissement et ses collections ont été transférés au musée de Balaguier, sans doute par mesure d'économie.

L'année 1975 se termina par deux décisions municipales en faveur de la culture : l'acquisition du cinéma A.B.C., devenu salle Apollinaire, si utile pour l'organisation de concerts, de conférences publiques et aussi la mise en service d'un Bibliobus itinérant portant chaque jour la culture littéraire dans les quartiers de la ville même les plus éloignés. Par ce moyen supplémentaire, la bibliothèque s'enrichit de nouvelles collections diversifiées permettant l'accession à la culture provençale. Nombreux furent les lecteurs intéressés par la langue d'oc, minimisée certes par rapport à la langue officielle, mais tout de même parlée dans trente départements français.

Salle Municipale Guillaume Apollinaire en 1983

Le Bibliobus

Il est bon de rappeler les luttes perspicaces menées par les fervents de cette langue de nos ancêtres pour la faire admettre comme seconde langue à option au baccalauréat.

Des cours, des conversations animaient souvent des salles de classe où des bénévoles initiaient des jeunes à la langue de Mistral.

Contrairement à ce que disent et pensent les super patriotes, il n'y a pas de contradiction à défendre en même temps les langues régionales et la langue nationale.

Il existe un Institut d'Études Occitanes (I.E.O.) qui se propose de sauvegarder les richesses régionales dont la langue provençale porteuse d'un capital culturel inestimable. Il n'est pas dans l'intention des Provençaux pas plus que des Bretons attachés à leur dialecte respectif de se substituer aux institutions républicaines que les Français ont acquises depuis plus d'un siècle.

Grâce à toutes les initiatives, les créations de structures diversifiées, le champ de la culture prit des dimensions surprenantes.

Sollicitées de toutes parts les municipalités progressistes s'efforcèrent de répondre aux exigences croissantes du mouvement associatif à un point tel qu'il leur fallut créer un service spécial de la culture et des arts sans négliger toutefois la conservation du patrimoine question capitale qui sera évoquée plus loin.

 

Pour conclure

Démonstration a été faite pour le lecteur que la conquête de la culture dans tous les sens du terme a été sans doute la plus longue et la plus difficile pour nos anciens. Inutile dans cette conclusion de revenir sur la raison des lenteurs, des oppositions savamment calculées, des événements néfastes qui ont freiné les aspirations du peuple français au savoir.

Seules de rares institutions dans le passé lointain, au service des classes dirigeantes envisageaient la culture pour des élites.

Il fallut attendre le début du XIXe siècle pour que se manifeste enfin à la tête de la Nation des réformateurs soucieux de donner aux gens un minimum d'instruction de plus en plus nécessaire dans un pays qui s'affirmait par une économie grandissante et prospère, une meilleure exploitation de ses richesses naturelles et une influence grandissante dans le monde.

Certes, avec le triomphe des idées républicaines à la fin du siècle dernier, la généralisation de l'enseignement public sous la houlette de la bourgeoisie des affaires et du colonialisme, on enregistra quelques progrès dans le domaine de la culture et des arts. Dans les grandes villes, on construisit des musées, des théâtres, des salles de spectacles, des bibliothèques.

On était loin de comprendre la nécessité de cultiver chez les humains leurs aspirations naturelles à la connaissance et à la beauté. On ne voyait pas encore la nécessité de créer des structures spécialisées dans les domaines les plus divers (peinture, dessin, architecture, musique, sculpture, etc.), de les encourager, de les perfectionner sans cesse, de les financer correctement, de les coordonner, que tout cela devrait se faire à tous les niveaux de la société : local, départemental, national que les problèmes culturels devraient se discuter partout : dans les écoles, les quartiers, les entreprises. N'avons nous pas montré dans les textes qui précèdent que les écoles, colonies de vacances, les classes maternelles même doivent être le point de départ des problèmes culturels.

On reconnaît de nos jours que la véritable culture doit s'élaborer à la base et qu'elle doit être démocratisée. Il est vrai que les dirigeants de notre siècle, sans doute conscients de l'importance de ces questions, éprouvèrent les plus grandes difficultés à les faire avancer à cause des guerres nationales, internationales, coloniales, ruineuses pour l'humanité entière ce qui explique partiellement les retards dans les réalisations concrètes. Rappelons au passage qu'il fallut parvenir au milieu du XXe siècle pour assister à la naissance d'un ministère de la culture et des arts qui depuis cherche à coordonner toutes les formes d'expressions culturelles et artistiques, à encourager les artistes les créateurs, à maîtriser les médias... en bref des tâches énormes auxquelles sont associées les collectivités régionales, départementales, locales.

Il est bien nécessaire dans la conclusion de ces textes relatifs à la culture seynoise de faire le point sur tous ses aspects à la fois positifs et négatifs.

Il est normal de rappeler que ce fut la IIIe république qui apporta à nos anciens la Bourse du Travail de 1905 où les premières manifestations à caractère culturel se produisirent à la grande satisfaction de la population que ce fut la Mairie de 1847 qui offrit aux seynois la première bibliothèque, que celle de 1959 reconstruite offrit à la population la première salle des fêtes où se succèdent depuis les concerts, les expositions, les conférences...

Depuis ces réalisations importantes, le réseau des structures intellectuelles et artistiques s'est enrichi essentiellement dans la deuxième moitié du XXe siècle et sous l'impulsion des municipalités d'après la seconde guerre mondiale.

Rappelons sans respecter un ordre chronologique rigoureux : l'école des Beaux-Arts, l'école de Musique au centre culturel Jacques Laurent, le club Antarès, le Centre social et culturel de Berthe, le Musée naval de Balaguier, l'Espace Tisot, le Centre culturel du Fort Napoléon, le Mille Club, la salle Apollinaire, la Médiathèque du clos Saint-Louis.

Les problèmes de la culture et des arts prirent une dimension considérable à partir de 1959, pas seulement parce que le nouvel Hôtel de ville fut inauguré mais également par la création de l'O.M.C.A. (Office Municipal de la Culture et des Arts), organisme qui fut chargé de la coordination de toutes les associations à titres officiels et privés (à partir de février 1967). Il serait fastidieux d'énumérer tous les groupements qui pouvaient se rencontrer au sein de l'O.M.C.A. pour y soumettre leurs problèmes et leurs idées.

Dans le même ordre d'idées, il fallut se féliciter quelques années après de la naissance de l'O.M.A.S.E. (l'Office Municipale de l'Action Socio-Éducative) de ses actions de coordination qui se portèrent sur les foyers socio-éducatifs dont la plupart pouvaient revêtir un aspect culturel. Et depuis ces initiatives heureuses, la population seynoise peut constater chaque jour et partout, dans tous les milieux de la vie associative, dans les écoles, les entreprises, on discute des problèmes culturels, de leurs démocratisations, mais il est vrai comme le disent certains chroniqueurs qu'on les voit le plus souvent sous l'angle des animations, des célébrations, de la convivialité, observons au passage que ce n'est pas le cas des spécialistes des clubs de littérature, de la photographie ou du jeu des échecs.

Indépendamment des grandes structures, créations des municipalités, nous trouvons maintenant dans le réseau associatif seynois des dizaines de clubs qui répondent eux aussi aux aspirations culturelles de la population et de sa jeunesse en particulier : art musical, informatique, langues vivantes...) éprouvent des difficultés financières et sont dans la fréquente obligation de solliciter des sponsors.

Les plus importantes structures culturelles et artistiques municipaux apportent à la population d'immenses satisfactions concernées ici avec quelques chiffres.

L'école des Beaux-Arts prépare à des diplômes de peinture, d'aquarelle, de dessin, de reliure, de photo-image grâce à 6 professeurs ; sans parler des ateliers pour enfants. L'école de Musique de son côté a formé depuis sa création en 1966 des centaines de musiciens.

Elle enseigne 19 disciplines instrumentales grâce au concours de 17 professeurs.

Implantée au centre ville en 1975 la bibliothèque municipale transférée par la suite au clos Saint-Louis peut offrir à plus de 7 000 lecteurs réguliers plus de 85 000 ouvrages de tous les styles de littérature, apportés dans tous les quartiers grâce aux bibliobus.

Tout cela est fort réjouissant. Mais tous les aspects des problèmes culturels ne sont pas là et n'en resteront pas là parce qu'ils se poseront dans l'avenir de manière différente avec l'évolution des milieux sociaux, les progrès scientifiques et certainement avec le génie inventif des hommes et des femmes.

Le gouvernement de la République s'efforce d'améliorer la démocratisation de l'accès aux pratiques artistiques et culturelles. Il semble bien qu'il en fasse un objectif essentiel et prioritaire de sa politique respectant en cela l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui stipule : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer aux progrès scientifiques et aux bienfaits qui en résultent ».

Tout cela est fort bien dit, mais il sera nécessaire d'affiner les méthodes, de multiplier les rencontres, d'échanger des idées. Des édiles locaux expriment des opinions parfaitement justes quand ils souhaitent la consultation fréquente des associations, quand ils prônent une sorte d'intercommunalité pour faire avancer les problèmes. Des milliers de seynois connaissent assez bien l'histoire de leur ville après avoir lu les Images de la vie seynoise d'antan. Mais combien de Seynois connaissent l'histoire d'Ollioules, à seulement quelques kilomètres de chez eux ? Une infime minorité, et pourtant l'histoire d'Ollioules est aussi très riche.

Répandre le savoir, développer l'intelligence et l'esprit critique c'est à tout cela que notre république démocratique doit veiller en priorité mais un autre aspect et non des moindres à ne pas négliger par les instances nationales, régionales et locales c'est le visage du passé, du souvenir, du patrimoine culturel que nous ont légués, depuis des siècles, nos ancêtres artistes et bâtisseurs.

Les statistiques officielles nous ont appris que la France compte quelque 36 000 monuments historiques et que nombre d'entre eux sont menacés de disparition. Dans ce nombre, l'État possède 87 cathédrales et plusieurs d'entre elles sont gravement dégradées.

Il n'est pas pensable que les instances au niveau le plus élevé laissent s'aggraver cette situation quand on sait que la France possède le patrimoine monumental le plus beau du monde.

À notre petite échelle locale, ces problèmes de conservation du patrimoine se posent également et il faut constater que nos édiles en ont bien conscience et rendons gommage à ceux qui restaurèrent dans la dernière décennie Notre-Dame de Bonne-Garde, au sommet de la presqu'île de Sicié, édifiée en 1625, à quelques mètres face à l'entrée la Tour de Garde bâtie, elle, en 1590. Les forts de Balaguier (1634) et l'Éguillette (1672) ont fait également l'objet de réfections. Le vieil Hôtel-Dieu du XVIIe siècle, rue Clément Daniel voit le début d'un projet important de restauration ainsi que la petite chapelle bordant la rue Messine, la vieille poissonnerie avec ses dalles du XVIIe siècle a été épargnée, la Bourse du Travail bientôt centenaire a connu des réaménagements importants ainsi que le clos Saint-Louis à l'Évescat. La commune n'ayant pas la maîtrise des oratoires de Janas, certains ont tout de même été rajeunis à titre privé.

En somme, la conservation du patrimoine architectural seynois a fait l'objet de beaucoup d'attention de nos édiles et il est souhaitable que cette politique culturelle se poursuive avec des moyens accrus.

Intégrés dans les Images de la vie seynoise d'antan, ces textes relatifs aux problèmes de la culture et des arts, ont été localisés au maximum. Ils portent témoignage des luttes perspicaces menées par nos anciens pour satisfaire aux aspirations naturelles au savoir, à la connaissance, au souvenir des bâtisseurs de notre communauté.

Nos édiles du temps passé comme ceux de l'heure présente s'efforcent d'initier, d'encourager, d'intéresser leurs administrés, des plus jeunes aux plus anciens aux problèmes de la culture dans toute la diversité de leurs aspects. Leurs efforts ont abouti à des résultats positifs qu'on peut juger chaque année à l'importance des succès scolaires, au nombre de musiciens et d'artistes formés dans les écoles municipales, à l'impulsion donnée à tout le tissu associatif seynois.

 

Annexe : La politique culturelle de la ville

Trois principes : Formation - Création - Confrontation (des diverses approches artistiques, etc.) qui s'incarnent dans quatre axes :

Axe pédagogique :

- Livres - Lecture
- L'école de musique
- L'école des Beaux-Arts
- L'espace Tisot

Axe initiatives culturelles locales :

- Aide à la vie associative
- Aide aux projets

Axe patrimonial :

- Balaguier
- Fort Napoléon
- Clos Saint-Louis

Mémoire vivante. Cette démarche s'inscrit dans le principe de « Conservation intégrée du Patrimoine » énoncé dès 1975 par le Conseil de l'Europe dans la Charte d'Amsterdam. Celui « selon lequel la conservation et la mise en valeur du Patrimoine Culturel doivent reposer sur une participation active des citoyens » date de 1985, celui de « Conservation des sites culturels intégrée aux politiques de paysage basé sur le système dynamique qu'est l'environnement » de 1985.

Axe programmation :

- Musique (Jazz, Musiques du Monde...)
- Théâtre
- Arts plastiques (démarche commune avec l'Éducation Nationale)

Ces quatre axes s'incarnent dans des lieux : Fort Napoléon, Villa Tamaris, Espace Tisot, Musée de Balaguier, École de Musique, École des Beaux-Arts, Bibliothèque avec pour ces deux dernières structures l'ouverture proche de nouveaux bâtiments.

Ils se croisent et s'interpellent en permanence afin de favoriser une meilleure compréhension du réel.

L'action culturelle de la ville de La Seyne-sur-Mer s'exerce principalement dans quatre directions fondamentales :

1. LES ARTS PLASTIQUES

La Ville possède deux lieux qui se complètent en permettant de donner à voir un large panorama de la peinture moderne et contemporaine. C'est ainsi que la Villa Tamaris a entrepris depuis 1995 un cycle d'expositions autour de la Figuration Narrative avec notamment des rétrospectives de Rancillac, Monory, Klasen, Stampfli, Cueco, Erro, Guyomard, Schlosser. Une rétrospective Récalcati est prévue pour 1999.

Parallèlement, ce travail se trouve complété par des expositions consacrées à la Figuration Libre des années 190 (Rétrospective Robert Combas). La villa Tamaris entamera un cycle consacré à l'abstraction avec notamment Degottex, René Gulffrey et pour l'année 1999, Jean Miotte et Chu Teh-Chun.

La Galerie d'Art Contemporain La Tête d'Obsidienne située au Fort Napoléon propose pour sa part des expositions de plasticiens contemporains avec comme souci de présenter le travail d'artistes en devenir. Pour la dernière période, se sont succédé : Belkacem Boudjelloull, Henri Ollivier, Marie-France Lejeune, François Michaux, Alain Bublex.

Durant la période estivale, elle propose des expositions d'artistes de renommée internationale telle que Jean-Michel Basqulat (été 98).

Il est à noter que cette politique se mène en parallèle avec l'école municipale des Beaux-Arts et l'Éducation Nationale (visites guidées, stages d'enseignants, rencontres avec les artistes, etc.).

2. LE JAZZ

Depuis 1978, la ville a mis en oeuvre une politique résolue en direction du jazz et de la musique improvisée aussi bien au théâtre Apollinaire qu'au Fort Napoléon. Dans ce cadre est né en 1985 le Festival de Jazz qui accueille en dehors des journées estivales, des concerts inédits avec Jimmy Giuffre, Charlie Haden, Archie Shepp, Daniel Humair, Michel Portal, Martial Solal.

En complément, des ateliers sont organisés tout au long de l'année au Fort Napoléon dans une salle réservée au Jazz (avec concert tous les vendredis).

3. THÉÂTRE

Neuf temps forts constitueront l'ossature de la programmation 98/99 : Toïedovski, Le Misanthrope, Raillerie, Satire, La vie parisienne, Ô vous frères humaines, C'est la guerre, Checkpoint Charlie.

À cela s'ajoutent cinq spectacles Jeune Public : Les trompettes du Parapâcha, Les aventures de Pinocchio, Au commencement et ainsi de suite, Petit bleu et petit jaune, Appartement 13 bits.

Des lectures et petites formes avec notamment les soirées littéraires organisées par les amateurs maladroits, la concrétisation de la résidence d'artiste de Salah Stétié avec l'aide du Centre National de Lettres.

Durant l'été 1998, un choix a été fait de différer provisoirement le festival de théâtre francophone. En effet, la coupe du monde de football interdisait tout spectacle avant le 13 juillet et ensuite les délais étaient trop courts pour intervenir de façon satisfaisante dans le cadre d'une programmation estivale extrêmement dense. L'été 1999 verra donc se renouveler le festival durant la deuxième quinzaine de juillet.

Des co-réalisations de spectacles sont actuellement en cours avec des pays étrangers tels que le Liban et la Syrie.

4. POLITIQUE DE LA VILLE

Ces trois démarches fondamentales se retrouvent dans le cadre de la politique de la ville, notamment au sein de l'Espace Tisot. Lieu original présentant tout à la fois des ateliers pédagogiques dans le temps scolaire et hors temps scolaire (danse, arts plastiques, théâtre) mais également des créations originales (Hip Hop, ateliers tziganes ayant donné lieu à une création théâtrale, intervention de la Cie Illotopie pour une création réseau-éden-sous-sol présentée ensuite lors du Festival d'Avignon).

Dans le même esprit, la ville organise La poésie est dans la rue avec comme point de départ les écoles primaires de la ZEP, opération qui met en relation des plasticiens (Ernest Pignon, Serge Plagnol) et un travail de création poétique par des enfants tout au long de l'année avec une concrétisation par des interventions publiques en centre ville et des affiches sur les murs de la cité.

Durant la dernière période, la ville a organisé des Rencontres Méditerranéennes avec huit communes venant d'Italie, de Palestine, du Liban, de Malte, de Tunisie, d'Algérie, du Maroc avec notamment la participation de Salah Stétié (échanges culturels, touristiques, économiques.

La ville intervient également dans le cadre des Musiques du Monde, avec notamment un festival cubain ayant lieu la première quinzaine de juillet.

Toutefois, il n'est pas possible de déterminer ces textes sans dire quelques mots sur les problèmes culturels hors des frontières de notre communauté. Le rôle de nos centres culturels, de nos écoles, de toutes nos structures associatives de quartiers est dépassé de très loin par les grands moyens d'information et de diffusion dont le rôle en matière culturelle est considérable. Pensons à la radio, la télévision, la presse imprimée, le cinéma, les livres, les revues, les ordinateurs.

Les affiches de propagande des grands films télévisés qui meublent nos programmes venus pour la plupart d'outre atlantique, n'apportent pas toujours aux spectateurs et surtout aux enfants des qualités culturelles de haut niveaux.

Les films de violence et d'horreur, résultant avant tout des lois du marché doivent poser problème aux partisans de la démocratisation de la culture.

Les dirigeants de l'audio-visuel doivent réfléchir sérieusement à la qualité des programmes. La télévision nous offre souvent des satisfactions qui pourraient nous apporter un épanouissement total sans les problèmes de l'affairisme. Ou alors, nous en resterons à la parole d'Esope qui disait au VIIe siècle avant J.-C., en parlant de la langue : « Elle est la meilleure et la pire des choses ». Le philosophe ne dirait pas autrement en parlant aujourd'hui de la télévision.



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