La Seyne_sur-Mer (Var)   Histoire de La Seyne_sur-Mer (Var)
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du Tome III
Marius AUTRAN
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Images de la vie seynoise d'antan - Tome VIII (2001)
Origine des quartiers et lieux-dits seynois
(Texte intégral du chapitre)
Abattoir (l')
Balaguier
Barban
Barelles (les)
Bastian
Beaussier
Berthe
Bois Sacré
Brégaillon
Brémond
Cachou
Camp Laurent
Canourgue
Cavaillon
Châteaubanne
Colle d'Artaud
Coste chaude
Croix de Palun
Crotton
Daniel
Domergue
Donicarde
Éguillette
Évescat (l')
Fabrégas
Fontainebleau
Farlède
Gabrielles (les)
Gavet
Gatonne (la)
Gaumin
Isnards (les)
Janas
Jaumen
Léry
Manteau (le)
Mar Vivo
Maurelle (la)
Mauveou
Mouissèques (les)
Moulières (les)
Muraillette (la)
Oïde (l')
Pas du Loup
Petite Garenne (la)
Peyron
Piédardant
Pignet
Pin de Grune
Plaines (les)
Pont de Fabre
Quatre Moulins (les)
Rouquier
Rouve (la)
Tamaris
Tortel
Sablettes (les)
Saint-Antoine
Saint-Elme
Saint-Honorat
Saint-Jean
Saint-Joseph de Gavarry
Saint-Lambert
Saint-Roch
Sainte-Anne
Sainte-Messe
Touffany
Vallon des Signes
Valmer
Verne (la)
Vignelongue
 

 

Nos concitoyens, habitants de la périphérie seynoise savent généralement le nom de leur quartier, toutefois sans en connaître les limites précises et rarement son nom d'origine que la tradition lui attribua dans le passé lointain. Aucun document d'archives n'apporte aux chercheurs des temps anciens des renseignements sérieux sur la toponymie des facettes du terroir seynois.

Nos anciens désignèrent d'abord les lieux par l'observation des milieux naturels : Mar Vivo, Les Sablettes, Tamaris, Gai Versant, Les Plaines, Coste chaude, Les Moulières... appellations sur lesquelles nous reviendrons au cours de ces récits.

Ils voulurent également rendre hommage aux personnalités locales, propriétaires terriens qui furent à l'origine de la communauté seynoise. Certains d'entre eux, particulièrement imprégnés de sentiments religieux, édifièrent dans leurs domaines des sanctuaires porteurs des noms de martyrs du christianisme : Saint-Jean, Saint-Honorat, Saint-Antoine..., ce qui explique la persistance de leur nom dans leur quartier d'origine. Les années passant, certains quartiers se prêtèrent à des activités particulières : les Quatre Moulins, les Moulières, Châteaubanne, Fabrégas, l'Évescat, nous reviendrons sur leurs activités à caractère artisanal que nos ancêtres exercèrent des siècles durant.

Les noms des plus anciennes familles disparues, il a paru naturel à la population que leur souvenir soit transmis aux générations nouvelles. Ainsi on parle toujours depuis le XVIIe siècle des Tortel, des Beaussier, des Daniel...

Depuis la fondation de la commune, la population s'accroissant, il fallut multiplier les hommages à des Seynois hautement responsables à des titres divers. Alors leurs noms furent attribués à des rues, des boulevards ou des places, sans oublier les personnalités du niveau national.

Puis les noms des plus anciennes rues disparurent, celles surtout qui rappelaient des activités ancestrales : par exemple : rue du petit filadou, rue des tonneliers, rue ferblanterie, rue des aires, etc.

Par contre, jamais le nom des quartiers ne fut changé.

Par définition un quartier est une division administrative d'une ville, une partie à l'écart ayant certains caractères spécifiques bien définis.

On dit communément : un quartier ouvrier, un quartier commerçant. Si, au fil des années, la population d'une ville devient cosmopolite, on dira le quartier italien, le quartier arabe, le quartier juif.

Situons la communauté de Six-Fours au XVe siècle. Ses habitants, tous de bonne souche provençale, étaient des cultivateurs et des éleveurs. Parmi eux on ne comptait pas d'étrangers dont la nationalité aurait pu qualifier leurs lieux d'occupation.

Quand la sécurité des rivages fut assurée, tout naturellement cette population peupla les pentes des hauteurs six-fournaises, s'aggloméra dans les vallons fertiles abrités des vents et s'intéressa aux ressources abondantes de la mer.

L'origine des quartiers fut avant tout d'ordre économique. Nos ancêtres six-fournais n'ont-ils pas pensé à créer un port au Brusc ? Ce que les Grecs de l'Antiquité n'avaient pas négligé de faire plusieurs siècles avant notre ère.

Et il est certain que les regards de nos anciens se portèrent vers les rivages de Telo Martius (Toulon aujourd'hui) mais ils reculèrent longtemps devant les obstacles de la nature : les marécages quasiment impénétrables. Néanmoins, courageusement, ils extirpèrent les végétaux aquatiques, effectuèrent avec des engins et des outils primitifs, des comblements de terre apportée de l'arrière-pays, aménagèrent le petit port de La Sagno, entouré de quelques habitations primitives (emplacement actuel de la place Martel Esprit).

Ainsi naquit le premier quartier de La Sagno et son port, structure essentiellement économique et à moins de 100 mètres de là fut érigée la première poissonnerie datant de 1639.

À l'autre bout de notre communauté, naquit également un autre quartier d'un caractère tout différent et qui fit parler de lui longtemps fut celui des Moulières où nos anciens trouvèrent l'une des plus grandes richesses de l'époque : l'eau potable et abondante de cinq sources dont le débit permit dès le XVe siècle la création de lavoirs publics utilisés par une corporation de lavandières professionnelles qui a fait parler d'elle pendant longtemps.

L'histoire des lavoirs a été contée avec beaucoup de précision dans le tome I de notre ouvrage. Nous n'y reviendrons pas longuement.

À proximité des sources, un courant d'eau provenait de la presqu'île de Sicié. Il était si abondant qu'il permettait à deux moulins à aubes d'actionner des meules de grès, l'une spécialisée dans la mouture du blé, l'autre dans le broyage des olives. Toute la population de la région pouvait trouver en ces lieux la farine et la matière grasse avec l'huile d'olives.

Chaque jour voyait défiler par des sentiers tortueux les petits ânes gris et les mulets chargés des précieuses ressources des terres de la communauté six-fournaise.

On peut dire que ce quartier qui porte toujours le nom de Moulières doit être considéré comme la première zone artisanale des terroirs six-fournais et seynois.

Quand l'eau des Moulières se raréfia et que les moulins à aubes disparurent, alors nos anciens construisirent des moulins à vent, dont les principaux se situèrent sur la hauteur face au cimetière, devenue la colline des Quatre Moulins, nouvelle zone artisanale qui dura près d'un siècle.

On ne pouvait pas encore parler d'un quartier ouvrier à La Seyne, mais aux abords du premier port de La Sagno naissait une classe de petits artisans de la navale, constructeurs des premiers esquifs pour la pêche dans la rade.

Toutes ces activités accrurent la population et les premiers îlots peuplés furent ceux des riches propriétaires Tortel et Beaussier, fondateurs des premiers quartiers à l'origine de La Seyne d'aujourd'hui.

La réunion de ces agglomérations primitives La Sagno, Tortel, Daniel, Beaussier, Daniel dont nous allons parler longuement, sans oublier Cavaillon, quartier le plus élevé au-dessus des rivages, aboutira après bien des années de luttes contre l'oppression des abbés-seigneurs de Six-Fours, à l'indépendance d'une bourgade devenue depuis 1657 La Seyne !

En somme, ce sont tous ces petits quartiers six-fournais qui ont donné naissance à une petite ville qui comptait seulement 1 000 habitants en 1631.

L'objet de cette relation est d'expliquer la raison de leur peuplement, de comprendre ce qu'ils sont devenus, les caractères qu'on peut leur attribuer aujourd'hui, après les siècles d'évolution de l'histoire locale et aussi nationale, de savoir le pourquoi de leur nom précis. Autant de questions qui ne manquent pas d'intérêt nous semble-t-il

Certains d'entre eux ont gardé un caractère historique ; d'autres coins du terroir essentiellement agricoles autrefois, sont devenus uniquement des zones d'habitations. D'autres encore sont devenus des sites touristiques. Et puis la grande industrie est venue, génératrice de bouleversements profonds dans la vie des citoyens seynois. Et puis la grande industrie a disparu. Des structures commerciales modernes ont apporté elles aussi de profonds changements, dans le tissu associatif et économique.

À travers tous les noms de ces quartiers malgré toutes les mutations, des noms de familles anciennes persistent, des faits historiques nous rappelant le passé souvent tumultueux de nos ancêtres.

Des quartiers ruraux n'ont pas connu d'événements marquants, ni aucune activité saillante, c'est pourquoi des développements très inégaux ont été consacrés aux uns par rapport à d'autres.

Disons avant d'en finir avec ce préambule que ce travail demeure incomplet. Les historiens de l'avenir pourront certainement y apporter des compléments, très utiles.

Maintenant, entrons dans le vif du sujet !

Orienté essentiellement dans la toponymie, c'est-à-dire, l'étude qui se propose d'expliquer l'origine des appellations des lieux-dits et des quartiers seynois dont le nombre dépasse la soixantaine aujourd'hui. Leur point de départ se situe au XVe siècle avec le peuplement progressif des rivages orientaux de la rade de Telo Martius (Toulon).

Les documents d'archives, les textes écrits de nos rares historiens locaux nous ont appris la fondation du castellum de Six-Fours sur la côte (emplacement du fort actuel existant tout de même depuis 1875), cela par l'occupation des Phocéens, ancêtres des Grecs de l'Antiquité en 500 avant l'ère chrétienne, donc un siècle après la fondation de Massalia (Marseille).

Nos ancêtres six-fournais ne se hasardaient guère vers les rivages d'accès difficiles par des marécages impénétrables et aussi à cause des dangers de la piraterie venue de l'Afrique et du Moyen-Orient.

Il fallut plusieurs siècles aux habitants six-fournais pour vaincre cette double hostilité : celle des hommes et celle du milieu naturel avant de pouvoir exploiter de riches terrains de culture, tirer le meilleur parti de la forêt de Janas et surtout profiter des ressources considérables de la mer.

Tout de même, vers la fin du XVe siècle, ils parvinrent à l'aménagement d'un petit port de pêche sur l'emplacement actuel de la place Martel Esprit, première structure à caractère économique qu'ils baptisèrent La Sagno pour la simple raison que ce vocable désignait le principal végétal qui prospérait à merveille dans les épais marécages infranchissables.

Un mot qui prit des formes diverses à travers les âges : SAGNO-SAGNA qui définissait bien par des qualificatifs les endroits marécageux : SAGNERO, SAGNAS, SAIGNES (à rapprocher de sphaignes, autres plantes des lieux humides) SAGNOUSO - Tous ces mots devenant au fil du temps des déformations du langage, en un temps où l'immense majorité des gens était illettrée, et qui donnèrent LA SAGNA, LA SAYNA (cadastre du XVe siècle), LA SEYNO (cadastre du XVIe siècle), LA SEINE (XVIIe et XVIIIe siècles) enfin LA SEYNE (milieu du XIXe siècle - 1850 plus précisément).

Il faut en revenir à La Sagno pour dire que ce fut ainsi que nos anciens appelèrent le premier quartier de Six-Fours sur les rivages, alors que notre communauté ne devint indépendante qu'en 1657 donc au XVIIe siècle.

Le quartier de La Sagno fut habité par des pêcheurs en même temps que des îlots sans aucun confort prenaient naissance en trois endroits différents, cependant proches les uns des autres et qu'on appela Beaussier, Tortel, Cavaillon et dont nous allons parler plus longuement parce qu'ils ont été véritablement le point de départ de notre communauté seynoise.

Relisons notre Tome III des Images de la vie seynoise d'antan. Un texte de quelque cinquante pages consacré à une étude des rues de La Seyne a certainement intéressé les vieux Seynois qui auront remarqué toutefois de rares évocations sur les quartiers de la ville. Il me semble nécessaire de réparer cette erreur en expliquant que les premiers hameaux précités, établis d'une manière anarchique furent appelés obligatoirement à communiquer entre eux. D'abord par des sentiers piétonniers sommairement empierrés, élargis par la suite pour devenir des rues et des routes, facilitant l'usage des véhicules primitifs et leurs attelages de haridelles. Autrement dit, il aurait fallu parler des quartiers avant de parler des rues. Ceci dit pour réparer une erreur, sans gravité d'ailleurs, revenons à nos premiers quartiers Cavaillon, Beaussier, Tortel, dont les noms n'ont pas changé depuis des siècles.

Cavaillon relève d'une indication à caractère topographique (le provençal cavaioun désigne un lieu perché, élevé). Il désignait ici une hauteur de terrain dominant le rivage. On en descendait vers le quartier Beaussier (par un chemin très étroit devenu la rue Robespierre), et vers les rivages par La Calade, devenue la rue Louis Blanqui, ou alors la petite rue Lavoisier dont l'étroitesse et surtout l'obscurité incitait nos anciens à des rencontres galantes, la preuve en est qu'on l'appelait la ruelle des amoureux.

Pour en terminer avec ce quartier qu'on appela aussi les cavaillons, remarquons que nos édiles du XVIIIe siècle baptisèrent la rue reliant La Calade à l'ancienne école Martini, rue Cavaillon.

Les deux autres quartiers Beaussier et Tortel portent les noms des familles les plus anciennes qui fondèrent La Seyne. Qui étaient les Beaussier ?

Comme cela a été détaillé dans le chapitre Au quartier Beaussier, dans notre Tome IV des Images de la vie seynoise d'antan, les racines de cette famille se retrouvent à La Seyne, en Provence et même au-delà. Le précédent ouvrage (Tome VII) a également mentionné la présence des Beaussier sur l'immense territoire de la Chaulane et cela pendant plus d'un siècle.

Les fils illustres de cette famille ont été des officiers de l'armée de terre, des marins de haut rang (amiraux, capitaines de vaisseaux, des magistrats célèbres, des ecclésiastiques, des consuls, de grands propriétaires terriens (ce fut le cas à La Seyne).

L'histoire nous apprend qu'on trouva des Beaussier sous les ordres de Du Guesclin, de Tourville, de Duquesne. Certains d'entre eux ont participé aux croisades du Moyen Age. Les archives nationales signalent les Beaussier à partir du XIe siècle.

Le dernier descendant Seynois de cette famille illustre, Eugène Beaussier, fut secrétaire général de notre mairie de La Seyne presque toute sa vie durant et disparu depuis peu. Le nom de cette famille reste attaché à ce quartier étendu entre la paroisse et l'institution Sainte-Marie, traversée par une rue sinueuse dont le parcours n'a pas varié depuis le XVIe siècle. On l'appelait anciennement rue des Beaussiers.

Le nom de Tortel est aussi celui d'une famille célèbre à plus d'un titre et que nous devons vénérer également. Qui étaient les Tortel ?

De riches propriétaires à qui l'abbaye de Saint-Victor avaient vendu d'immenses étendues de terres maritimes comprises entre les Mouissèques et Brégaillon.

L'un des membres les plus influents de cette famille, Michel Tortel, qu'on disait aussi, Sieur de Ramatuelle (c'est pourquoi une rue de La Seyne porte ce nom), en accord avec le seigneur-abbé de Saint-Victor, Robert de Frangipani facilitèrent le comblage des marécages où s'édifièrent peu à peu les constructions d'habitations où prit naissance La Seyne au pied des premiers hameaux de Beaussier et de Tortel.

Le Sieur de Ramatuelle qui fut aussi capitaine des vaisseaux du Roi se rendit particulièrement célèbre à la suite d'un voyage à Constantinople (1618) au cours duquel il avait contracté la peste, fléau redoutable de l'époque contre lequel les hommes demeuraient généralement impuissants.

Michel Tortel, pourtant atteint, en fut sauvé miraculeusement. Pour remercier la divine providence, il fit don de trois mille piastres à l'abbaye dans le but d'édifier à La Seyne un couvent à remettre aux religieux capucins d'Aix-en-Provence.

Ce Couvent des Capucins, établi sur l'emplacement primitif du collège des Maristes d'aujourd'hui, exista pendant deux siècles entre le quartier Beaussier, la rue d'Alsace et le quartier Tortel.

Les deux familles Beaussier et Tortel, ayant acquis à travers les âges une si grande notoriété que tout naturellement leur nom est enraciné profondément dans l'histoire de La Seyne-sur-Mer et mérite de perdurer dans la toponymie d'aujourd'hui.

Cette étude des quartiers, peuplement et activités, nous allons la poursuivre en nous éloignant progressivement du coeur de notre communauté et nous constaterons que leur appellation n'a pas toujours fait référence à des noms de riches propriétaires, les administrateurs du temps passé ont été inspirés par des éléments saillants du lieu naturel : la mer, l'exposition des terrains, la végétation. Dans certaines périodes de l'histoire, l'influence de la religion a multiplié les noms de saints. Nous y reviendrons plus loin.

Retournons au point de départ, proche du quartier Tortel pour noter un chemin dérivé de l'ancien chemin du vieux Reynier, qui dessert deux quartiers importants dénommés Daniel et La Gatonne.

Qui étaient les Daniel ?

Parmi les magistrats municipaux ayant administré le bourg de La Seyne qui devint une ville indépendante en 1657, nous avons relevé d'abord les noms de Michel Tortel et Joseph Beaussier, personnalités des plus honorables dont nous venons de parler, une autre famille dont le nom restera solidement attaché au terroir seynois fut celle des Daniel.

À partir de 1656, nombre de ses fils qualifiés alors de notables se manifestèrent pendant longtemps comme administrateurs de la communauté seynoise.

En ce temps-là, le suffrage universel n'existant pas, seuls les possédants d'importants domaines étaient désignés pour gouverner les affaires publiques.

Il y eut des Étienne, des Laurent, des Joseph, des Daniel, classés socialement comme notables. Il y eut même un Daniel de Léry, gouverneur de La Seyne.

Toutes ces personnalités furent investies dans leurs fonctions d'administrateurs par les ordonnances de l'intendant de Provence ou des ordonnances royales.

D'autres Daniel furent élus plus tard par un conseil de la communauté seynoise qui ne comportait pas de représentants du vulgum pécus.

Ainsi un Nicolas Daniel devint Maire en 1794, un autre en 1800.

Nous pourrions évoquer longuement des personnages de haute lignée de cette famille qui donna à la Provence des officiers de marine, des ecclésiastiques, des notaires, des navigateurs célèbres, des médecins qui se distinguèrent pendant les périodes dramatiques des épidémies de choléra des siècles passés (1835-1845-1865...).

Faisons une mention spéciale pour Clément Daniel, médecin, qui dirigea longtemps l'Hôpital de la ville dans les locaux de l'Hôtel-Dieu datant du XVIIe siècle situé entre la rue Messine et la rue dite de l'Hôpital devenue la rue Clément Daniel.

Observons au passage que la date de 1858 qui figure au faite de l'entrée n'est pas celle de la fondation mais l'année d'une réfection importante des locaux.

Le nom de Clément Daniel méritait bien d'être vénéré tant il avait fait preuve de dévouement et de générosité dans les périodes les plus sombres de l'histoire seynoise.

Aux XIXe et XXe siècles on pouvait encore noter la présence de centaines de familles Daniel à La Seyne comme à Six-Fours.

Nos édiles du temps passé ont bien fait d'honorer cette famille célèbre par l'attribution de son nom à une rue et un grand quartier.

Quant au quartier de la Gatonne, ouvrons une parenthèse pour en expliquer l'origine : ce quartier s'étend entre le boulevard du 4 Septembre, l'avenue Burgard et le quartier Daniel. Sa superficie de plusieurs hectares d'une terre fertile avait permis au début du siècle la création d'un domaine agricole dont une description sommaire sera faite plus loin.

Sur d'importants terrains jouxtant l'ancienne route de la Colle d'Artaud (Donicarde) avait été édifiée une importante fabrique de cordages, propriété de M. Abran, lequel posséda aussi des ateliers de corderie, place de la Lune.

Jusque vers la fin du XIXe siècle, la marine à voiles eut besoin de cordages de calibres fort divers.

L'activité de ces structures artisanales devait se ralentir avec l'usage des câbles métalliques.

Quand la corderie de la Donicarde cessa tout à fait de fonctionner, ces locaux furent utilisés comme entrepôts de marchandises.

Dans les années 1925-30, ce furent les Coopérateurs du Midi qui en furent les acquéreurs.

La corderie a disparu, mais il reste un témoin de cette époque avec le bistrot dénommé Bar de la Corderie. L'avenue reliant le boulevard du 4 Septembre à la route de la Donicarde s'appelait autrefois boulevard de la Corderie avant de devenir la rue Charles Gide, économiste français qui a décrit les principes du coopératisme.

C'est précisément dans l'existence de cette corderie que nous trouvons l'origine du nom de la Gatonne que beaucoup de Seynois ne connaissent pas.

Avec des fils de chanvre, on faisait des cordes simples ; en assemblant un grand nombre de ces cordes, on obtenait un câble, mais il fallait pour cela utiliser des bâtons quelquefois très gros pour obtenir les torsades spiralées.

L'étymologie nous apprend que l'altération de bâton a donné gâton, d'où le nom de gatonne donné à ce quartier où l'on fabriquait les câbles (voir aussi le paragraphe La Gatonne dans le chapitre Origines de l'École Curie de notre Tome IV).

Fermons cette parenthèse pour en revenir au projet municipal de construction scolaire.

Les études de l'architecte avaient été arrêtées. Mais dans le même temps, on pensa aussi au transfert de l'Hôpital, la situation des malades de l'Hôtel-Dieu étant devenue scandaleuse. Comme il n'était pas possible à nos édiles du moment d'ériger à la fois une école et un hôpital, il fut décidé d'acquérir un terrain important au quartier de La Gatonne pour régler sérieusement les problèmes sanitaires. On pensa que les difficultés de l'école seraient résolues du même coup par la libération totale des locaux de l'Hôtel-Dieu.

 

L'urbanisation de la communauté seynoise ne s'affirma qu'avec lenteur.

Les premiers quartiers, isolés et néanmoins peu éloignés les uns des autres (Beaussier - Tortel - Cavaillon et Daniel s'étant peu à peu reliés par des venelles, cela entre le XVe et le XVIIe siècle, une agglomération prit forme. Alors les habitants, à la recherche des abondantes ressources de la mer, procédèrent à des comblements massifs pour étouffer les marécages et construire des maisons et des ruelles en direction des rivages et du port primitif de La Sagno. Le plan actuel de la vieille ville ressemble étrangement à celui des XVIIe et XVIIIe siècles.

Les rues du Petit Filadou, rue de l'Hôpital, rue du Jeu de ballon, etc... ont changé de nom, mais leur tracé n'a pas varié. On a peine à imaginer qu'à leur débouché sur la rue Saint-Roch (Denfert-Rochereau aujourd'hui) c'était la mer jusqu'à la Paroisse dont le premier sanctuaire qui la précéda fut construit au bord de l'eau en 1603.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, après des comblements successifs, la ville prit un aspect tout différent, les rues étant quadrillées. Là encore il faut constater que seul leur nom a changé.

Les appellations relatives aux corporations n'avaient plus leur raison d'être (rue des tonneliers, des ferblantiers, savonnière, etc...) furent remplacées par des noms de personnalités locales ou nationales.

Toute la partie agglomérée de La Seyne ne portait pas de nom de quartier, ce mot désignant par définition un milieu bien spécifique de la périphérie.

Toutefois, il est nécessaire de faire une exception pour la partie comprise entre la rue Berny et le quai Regonfle (Gabriel Péri aujourd'hui) qu'on appela le Quartier Neuf parce que l'extension de la ville s'affirmait en direction de la Lune et des premiers chantiers de constructions navales métalliques.

La Lune ! un véritable quartier à dominante industrielle dont l'appellation curieuse doit être expliquée.

Deux interprétations nous ont été données par nos anciens. Certains d'entre eux disaient de l'immense place (dénommée aujourd'hui Benoît Frachon), dépourvue alors de tout ombrage : Il y tombe une belle lune ! ce qui voulait dire que la chaleur y était accablante.

La véritable explication est d'ordre topographique.

Le rivage au bord duquel furent établis les chantiers de constructions navales avaient alors la forme d'une anse dont la courbure très affirmée se modifiait aux changements des marées, de telle sorte que l'espace de la grève asséchée prenait la forme d'un croissant de lune.

Le même phénomène se produisait sur le rivage opposé des Esplageols.

On peut ajouter me semble-t-il que les deux explications ne sont pas contradictoires.

Avançons toujours dans la direction de l'est dans le prolongement du quartier de la Lune pour découvrir un autre quartier au nom curieux : celui des Mouissèques.

Ce terme est dérivé de la langue provençale qui signifie à la fois : mouiller et sécher (Mouisse-seco).

Il s'agissait d'un lieu en bordure de mer dont les terrains étaient facilement inondables mais qui pouvaient tout de même sécher à marée basse surtout quand un fort mistral se levait.

Le nom de Mouissèques est toujours en usage de nos jours, alors que celui de la Lune n'est plus guère utilisé que dans les familles de vieux Seynois.

Ce quartier au climat malsain fut peuplé par de nombreux immigrés italiens quand la grande construction navale prit son essor.

Dans son prolongement vers L'Éguillette, on trouve successivement les quartiers Bois Sacré et Pin de Grune. Selon M. Baudoin, « l'appellation quelque peu mystérieuse de sylve antique » de Bois Sacré s'expliquerait plutôt par le fait que, avant l'industrialisation, ce quartier était un coteau boisé, d'où l'on découvrait particulièrement bien le merveilleux panorama de la rade de Toulon. Quant au terme de quartier Pin de Grune, il fut autrefois adopté par les habitants et aussi par l'administration municipale en raison de l'existence d'un pin gigantesque dans une propriété appartenant au citoyen Grune.

Par association d'idée, il nous vient tout naturellement à l'esprit de citer le quartier Pin Rolland (en territoire de Saint-Mandrier) du nom d'un riche propriétaire du Marégau, appellation toujours en usage par l'existence d'un pin gigantesque devant la maison fermière (voir ci-dessous).

Revenons un instant sur le nom de Grune, propriétaire d'importants terrains où exista l'école Martini. La rue qui les desservait se nommait alors la rue Grune, nom qui devint rue Martini, nos édiles des siècles passés ayant voulu honorer le directeur de la première école d'enseignement public à La Seyne.

Revenons dans la partie orientale de notre terroir en direction de la baie du Lazaret, pour découvrir un autre quartier dont le nom a été probablement tiré d'un végétal très répandu sur les pentes de la colline Caire sur laquelle s'édifia la redoute Mulgrave, devenue le Fort Napoléon.

Il s'agit de la Rouve nom d'une espèce de chêne dont le vrai nom est le Rouvre, mais dont la prononciation a été quelque peu altérée dans le temps.

Et puis nous arrivons à Balaguier dont la longue histoire a été contée dans le Tome I des Images de la vie seynoise d'antan. Là encore pour expliquer l'origine du nom, on se trouve en présence d'une double interprétation. Celle donnée par les bagnards de Toulon qu'on dirigeait sur un puits tout proche du fort et dont l'eau était paraît-il particulièrement pure et qualifiée de belle eau.

Une autre raison d'expliquer Balaguier par belle aïgue fut donnée par les premiers mytiliculteurs mis dans l'obligation de déplacer les premiers parcs à moules de Brégaillon en raison de la pollution mortelle en provenance des gadoues déversées près de l'hôpital, ravinées vers la mer les jours de pluies diluviennes. Quand ils eurent transféré leurs parcs à moules à Balaguier, ces braves exploitants des richesses de la mer pouvaient dire : « Ici, il y a de la belle eau » (d'où Balaguier).

En suivant maintenant le rivage nous voici au Manteau un nom significatif d'une protection. Laquelle ? Ce quartier du bord de la Baie du Lazaret a été aménagé dans une anse profonde entre le fort de Balaguier et Tamaris abritée de tous les vents et les petits bateaux de pêche, qu'elle accueille ont trouvé là une véritable protection, ce qui justifie l'appellation de manteau. Vers la fin du XIXe siècle une épidémie de choléra s'étant déclarée dans la région toulonnaise, Michel Pacha décida d'isoler son jeune fils dans ce quartier du Manteau, non pas sur le rivage mais à bord d'un navire au mouillage au large du port inaccessible à des visiteurs éventuels.

L'enfant demeura sur l'eau jusqu'à la fin du fléau, l'interdiction absolue pour lui de mettre pied en terre lui étant imposée par l'autorité inflexible de son père. Un seul membre de l'équipage assurait la subsistance du prisonnier.

Le navire protecteur jouait aussi le rôle d'un manteau contre la terrible épidémie, estimait Michel Pacha.

Il nous faut parler plus longuement du quartier suivant qui joua un rôle éminent dans l'histoire de La Seyne, celui de Tamaris dont le nom est celui d'un végétal des rivages de la baie du Lazaret dont nos anciens tirèrent le plus grand parti au moment du rattachement des îles de Sepet à la presqu'île de Sicié. Ce végétal adapté à la salinité des rivages fut répandu depuis Le Manteau jusqu'à Saint-Elme dans le but de fixer les sols instables de la future corniche littorale et surtout ceux de l'isthme des Sablettes menacés par les largades de la haute mer et l'envasement côté Lazaret.

Tout naturellement les habitants donnèrent par l'usage le nom de Tamaris au quartier dont le végétal était issu, cela dès le XVIIe siècle. Plus tard, le nom prit un caractère officiel. Il en sera de même pour Les Sablettes à cause du sable fin de sa plage et de Mar Vivo qui évoque la mer vive du large par rapport aux eaux plus calmes de la Petite mer.

Un dernier mot sur Tamaris dont George Sand disait du végétal : « L'arbre n'est pas beau. Battu par le vent et tordu par le flot, il est bas, noueux, rampant, échevelé mais son feuillage grêle se couvre de petites fleurs d'un blanc rosé... Une de ces grappes prise à part n'est rien ou presque rien... mais la haie entière sent bon ».

Jouxtant le quartier Tamaris, d'autres noms de lieux-dits apparaissent sur des guides touristiques ou sur d'anciennes cartes. Par exemple : Valmer (ou Val mer), Le Crotton (ou Croûton), l'Évescat.

Entre Tamaris et Les Sablettes, le Crotton désignait autrefois une zone marécageuse.

Des botanistes prétendirent qu'il exista en cet endroit un végétal d'origine égyptienne nommé Croton appartenant à la famille des Euphorbiacées dont les graines pouvaient donner une huile toxique.

De nos jours, nous n'avons pas connaissance de l'existence d'un tel végétal sur les rivages du Lazaret.

Un petit lavoir public exista dans ces mêmes parages et nos grand-mères parlaient d'un lavoir du Crotton ou du Croûton.

Comment se faire alors une opinion exacte sur l'appellation du lavoir et du quartier ?

Il semble bien que la meilleure nous soit donnée par les géologues ayant révélé l'existence d'un plateau aquatique rocheux peuplé d'une infinité de moules dattes dont on sait qu'elles s'incrustent dans la pierre grâce à de puissants sucs digestifs, laissant apparaître à la surface autant de cavités en forme de crottes... D'où l'on peut expliquer le mot crotton (avec deux T)... Comme quoi la recherche historique n'est pas toujours chose aisée.

Mais une explication sérieuse du terme Crotton a finalement été donnée grâce aux travaux d'Henri Ribot, notamment dans son ouvrage Les noms de lieux de l'Ouest Varois (Cahier du Patrimoine Ouest Varois N° 12, paru en 2009). Il y est expliqué que le lieu Croton, et ses variantes Crotton, Crouton, a pour origine une galerie souterraine, une cave, une crypte, une grotte (crota, du latin crypta), avec les formes provençale crosta, italienne grotta et française grotte. On trouve ainsi mentionné dès 1156 la Font crotada à Tamaris, et l'on retrouve ensuitela Palun ou lou Croutton (1520), le quartier Evescat-Crotton (1656), le lavoir public du Crotton (1702), la fontaine du quartier le Crotton au XVIIIe siècle, etc.

Ajoutons pour la petite histoire que ce fut à proximité du lavoir du Crotton que Monsieur Noël Verlaque, directeur des Forges et chantiers de la Méditerranée fit construire une belle maison bourgeoise, le Château Verlaque, pour y passer sa paisible retraite et se livrer à ses plaisirs favoris de la chasse au gibier d'eau particulièrement abondant dans les marécages du Crotton.

Le terme de Valmer est justifié par l'existence d'un thalweg qui conduit des eaux de ruissellement vers la mer. C'est l'ancien nom du quartier en bordure de la baie du Lazaret, à l'est du Crotton et immédiatement au sud de l'Institut de Biologie Michel Pacha.

Par contre, il est nécessaire d'insister sur le nom d'Évescat, dérivé tout simplement de évêque pour la raison suivante :

Intégré primitivement au Crotton, cet endroit remarquable par ses beautés naturelles et un calme qui incite au recueillement, changea de nom à partir d'une époque où les évêques de Toulon en firent une résidence de repos.

Il devint le quartier de l'Évescat vers la fin du XVIIe siècle.

Aucune maison d'habitation ne s'y trouvait.

En 1656, Louis Daniel, Seigneur de la terre de Lerys, gouverneur de La Seyne sous Louis XIV, fonda sur un important domaine rural, une chapelle dédiée à Saint-Louis, à proximité de laquelle existait une tour de guet d'où l'on pouvait surveiller le passage des bateaux entrant dans la Baie du Lazaret par l'ouest, alors que l'isthme des Sablettes n'avait pas encore émergé.

Des vestiges de cette tour demeurent non loin du collège l'Herminier.

La résidence épiscopale reçut par la suite des personnalités de haut rang comme Monseigneur Chalucet bienfaiteur de Toulon pendant la peste de 1721, le Consul d'Antrechaus, le capitaine d'artillerie Muiron, compagnon d'armes de Bonaparte, etc...

Depuis, le quartier de l'Évescat a perdu sa tranquillité.

Comme on le sait, l'urbanisation des temps modernes a transfiguré tout le littoral à tel point qu'il est difficile de dire aujourd'hui comment sont délimités les quartiers des lieux-dits du Crotton, des Sablettes, de Tamaris, de Valmer, de l'Évescat. Nous arrivons maintenant aux limites méridionales de La Seyne au point de séparation de Saint-Mandrier hameau de quelques centaines d'habitants quand les îles de Sepet se rattachèrent à la presqu'île de Sicié vers 1657, Saint-Mandrier qui fut administré par sa commune mère La Seyne pendant près de trois siècles et dont elle fut séparée en 1950.

Il faudrait consacrer de nombreux développements pour reconstituer l'histoire de la seule presqu'île, du hameau primitif devenu une commune de 5 200 habitants et dont les historiens locaux ont apporté de grandes lumières sur ses nombreux quartiers.

Nous n'empièterons pas sur leurs travaux en observant toutefois qu'une seule partie de la presqu'île est restée attachée administrativement à La Seyne : celle de l'agglomération de Saint-Elme, les quartiers Pin Rolland et Marégau faisant partie de Saint-Mandrier.

D'où ces quartiers et lieux-dits ont-il tiré leurs noms ? Saint-Elme est dérivé de feu Saint-Elme qui désigne une aigrette lumineuse jaillie de l'extrémité des mâtures de bateaux certains jours d'orage, annonciatrice d'un retour au beau temps.

À partir du moment où les autorités maritimes locales décidèrent la création d'un phare modeste, un simple foyer lumineux sur l'extrémité de la jetée dans le but évident de situer et de sécuriser l'entrée du port de pêche, alors les familles de pêcheurs décidèrent elles-mêmes d'appeler leur hameau Saint-Elme, en hommage à cette divinité protectrice des gens de mer.

Le nom de Marégau exige quelques précisions.

Il désigna dans les temps très lointains la plus petite des îles de Sepet, la plus proche de l'anse des Sablettes, séparée de sa voisine par un chenal étroit assurant une communication entre la baie du Lazaret et la haute mer.

Quand, par suite de la sédimentation, ce passage devint impraticable, on l'appela le Marégau, vocable qui tire son nom du provençal mal gau (mal, mauvais ; gau ou gaou, passage).

De nos jours le passage vers le grand large a disparu tout à fait mais le nom de Marégau persiste et désigne plus spécialement la pointe rocheuse avancée en direction du sud que l'on découvre dans le prolongement du hameau de Saint-Elme.

Le phénomène géologique à l'origine du Marégau est sans aucun doute le même qui de nos jours avec le rattachement progressif des îles du Brusc au territoire de Sicié. Là aussi, le passage le plus étroit se nomme le gaou.

Faisons le point. Nous voici sur l'isthme des Sablettes, nom qui tire son origine du milieu naturel dont l'usage remonte avant le rattachement des îles de Sepet et surtout du Marégau au territoire de Sicié. Le sable s'accumula d'abord à Fabrégas dont il sera question plus loin, puis à Mar Vivo, puis aux Sablettes.

Déjà au début du XVIIe siècle les rares habitants de ces quartiers et leurs rares visiteurs désignaient les lieux de ces rivages par le milieu naturel : sable qui donna Sablettes, Mar Vivo désignant la mer vive du large, La Verne par l'existence d'un végétal, le verne, qu'on nomme aussi vergne ou aulne, répandu dans le cours inférieur du ruisseau de l'Oïde

Ces derniers quartiers demeurèrent longtemps isolés par rapport à la ville. Seul le Vieux Chemin des Sablettes les desservit, dont une dérivation en direction de Tamaris et sa corniche réalisée seulement à la fin du XIXe siècle grâce à Michel Pacha. Une autre branche modeste permettait l'accès au Pas du Loup et Fabrégas.

Dans le prolongement du vieux chemin des Sablettes fut créé un boulevard qui porta plus tard le nom de Hugues Cléry, lequel permit l'accès à la batterie de La Verne établie en 1793 par Bonaparte.

Tout le système de ces petites communications fut bouleversé à partir des années 1885 quand la route départementale, élargie à huit mètres, permit la circulation de grandes charrettes, du tramway (à partir de 1908).

Tous les quartiers du littoral furent inhabités pendant plus de deux siècles. La ferme la plus ancienne du quartier de Mar Vivo, celle des Audibert date de la Révolution de 1789, un vieux puits de la propriété en porte encore la date.

On a peine à imaginer que la pinède qui en faisait partie en direction de La Verne se continuait sans interruption vers Fabrégas et la forêt de Janas.

Ce fut seulement vers la fin du XIXe siècle que l'on vit s'élever quelques maisons d'habitation. Le château de M. Gassier, opulent pour l'époque, dominait les rivages de Mar Vivo, tandis qu'en 1875, la Sauvageonne semblait surveiller la plage de Fabrégas et son sable gris.

De tous ces quartiers du littoral méridional seynois celui qui prit le plus vite son essor, fut celui des Sablettes à partir de l'impulsion que lui donna Michel Pacha par des structures touristiques, des hôtels (Tamaris - Les Sablettes), des plantations massives d'arbres d'ornement...

Et puis le tramway arriva vers 1908 qui relia La Seyne au Pas du Loup, à Mar Vivo. Il s'ensuivit un peuplement plus rapide de quelques résidences secondaires mais aussi de pêcheurs professionnels, de cultivateurs nombreux, exploitants de la vigne, des fruitiers et des légumes. Les petits bourgeois locaux amateurs de la pêche bâtirent quelques villas à proximité des rivages et obtinrent même l'autorisation de construire des cales de halage pour leur embarcation à Fabrégas et à La Verne.

Tous ces petits quartiers du rivage s'étant peuplés, il fut nécessaire de construire une école primaire avec classe enfantine sur l'isthme même des Sablettes qui faillit disparaître avant la fin de sa construction parce que son terrain d'implantation n'était pas communal. On sait que cette petite école fut rasée par les hordes allemandes en 1943, parce que paraît-il, elle gênait les artilleurs teutons. Que le lecteur me pardonne ces digressions !

Si je reviens longuement sur ces quartiers du rivage dont il a été déjà question dans un ouvrage précédent (Tome VI - L'isthme des Sablettes au fil du temps ) c'est que leur histoire a été longue et souvent tumultueuse. Mais aussi et surtout parce qu'ils furent ceux de mon enfance, de ma première école primaire à La Seyne, de mes premières marches forcées (8 km par jour pour aller et revenir ; la cantine scolaire n'existant pas !) de mes premières leçons maternelles de natation à Mar Vivo, de mes premières pêches sur le bateau de mon grand-père, des premières leçons de botanique que ma grand-mère me donna pour connaître la bonne herbe à ses lapins, de la découverte des engins de mort qu'étaient les chars d'assaut venant aux essais sur les rivages et ajuster leur tir sur les cibles du Marégau ; du merveilleux décollage des premiers hydravions de la baie du Lazaret... et j'en passe.

Oui c'est là que j'ai appris la vie dans tous ses aspects joyeux, enthousiastes mais aussi douloureux, atroces même au cours de la deuxième guerre mondiale.

J'ai parlé du quartier de Fabrégas dont je voudrais bien pouvoir donner aux Seynois l'origine toponymique exacte. Comme cela se produit souvent, les interprétations diffèrent.

Dans sa correspondance militaire Bonaparte disait en parlant d'une batterie située à l'entrée de l'anse sableuse grise, le Fort Brégar. Ce nom était-il dérivé d'un nom propre, d'un lieu ou d'une activité ? Un professeur me disait un jour qu'il fallait voir l'origine de Fabrégas dans le mot faber qui signifiait en latin forgeron. La terre rouge des environs étant probablement un oxyde de fer, il n'était pas impossible que même des hommes de la Préhistoire, aient pu créer en cet endroit un atelier de forgeron ou un four pour la fonte d'un minerai.

Affirmation démentie par un scientifique qui précisa que les grès bigarrés des terrains permiens de Fabrégas et les schistes rouges du trias inférieur (Baou rouge), bien qu'étant des roches ferrugineuses, ne pouvaient en aucun cas constituer de véritables minerais de fer exploitables. Alors ?

Ayant poursuivi tout de même mes investigations, grâce au Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral, j'appris que Fabrégas pouvait s'apparenter à Fabrègues, localité de l'Hérault, également à Fabrèges, petite bourgade de la Lozère, que ces noms dérivés du latin fabrica évoquaient l'idée de fabrique et aussi de faber signifiant artisan. Les services culturels des localités précitées sont affirmatifs.

Il y exista dans ces lieux des forges et des forgerons dont l'existence s'expliquait par la présence de minéraux de fer et de cuivre et cela en des temps fort lointains. Le métier de ces gens était de fabricar, ou fabregar, pour employer les vocables occitans. Termes qui rappellent les mots de Bonaparte Fort Brégar ou simplement Brégar.

De toute manière les idées de fabriquer, de construire ou de confectionner prédominent.

Il reste cependant une inconnue. Quels objets pouvait-on tirer du milieu naturel, s'il n'y avait pas de minéraux utilisables à exploiter dans les environs ?

Peut-être pouvait-on tirer des produits utiles des végétaux comme les fabrègues, semblables au serpolet, aux essences odorantes, comme le basilic appelé en provençal fabrego, ou encore le micocoulier dénommé fabregoulier et aussi falabréguier.

La recherche de la vérité n'est pas toujours chose aisée.

L'hypothèse la plus sûre réside dans le fait qu'il exista non loin des lieux qui nous préoccupent, des exploitations d'argile rouge que nos ancêtres découvrirent à La Coudoulière, au quartier Cachou et aussi à l'Oïde. Leur épaisseur fut telle qu'elle put alimenter pendant fort longtemps la population en tuiles, briques et poteries en tous genres. La Coudoulière pouvait desservir l'ouest-varois. L'exploitation de Cachou eut sans doute le moyen d'évacuer les objets confectionnés dans des fours non loin de la mer, par l'accès facile aux rivages de Fabrégas abrités des vents.

À notre connaissance, il n'existe aucune trace de ces fours vers Fabrégas, alors que ceux de La Coudoulière ont disparu depuis quelques années seulement.

Quittons maintenant le littoral pour nous intéresser au Pas du Loup, un quartier dont l'existence remonte à plus d'un siècle et qui prit son essor quand la grande route des Sablettes se substitua au vieux chemin, première liaison de La Seyne à Mar Vivo passant par Touffany, Gaumin, le Pont de Fabre et La Maurelle.

Ce chemin fut toujours utilisé par les piétons, alors que la route nouvelle élargie à huit mètres permit la circulation de grosses charrettes, des omnibus hippomobiles, de rares automobiles et des tramways à partir de 1908. Le tracé de cette artère, très écarté par rapport au vieux chemin allait permettre une desserte des quartiers les plus éloignés de la ville : Les Sablettes, Mar Vivo, la Verne, Fabrégas et l'immense quartier des Plaines étendu jusqu'à Six-Fours. L'aménagement d'un carrefour fut nécessaire dont les abords immédiats furent à l'origine d'un quartier appelé Pas du Loup.

Y avait-il un rapport avec l'animal sauvage ?

Mes ancêtres de l'avant-dernier siècle m'avaient appris qu'on redoutait en forêt de Janas la présence d'une espèce appelée loup-cervier et dans la même époque celle des cerfs dans les collines d'Ollioules dont la hauteur du Gros Cerveau tirerait paraît-il le nom. Tout cela paraissait relever d'une certaine fiction.

Par contre, un vieux seynois nommé Merenda me montra, il y a déjà plus d'un demi-siècle, une très vieille carte où figurait un modeste cours d'eau en provenance de Sicié, longeant la route actuelle des Plaines et qui portait le nom de Lou. Ce ruisseau qui exista certainement, fut couvert obligatoirement pour assurer le passage de la route départementale. Mais l'écoulement des eaux fut tout de même assuré par un ruisseau à ciel ouvert le long de la routes des Sablettes, côté gauche, lequel passait sous le boulevard de Mar Vivo à son début, pour déboucher vers l'allée Marie et la plage entre Mar Vivo et Les Sablettes, ce qui posa pendant longtemps des problèmes de pollution des rivages surtout au moment des grandes pluies d'automne.

Quand les ouvriers de la voirie couvrirent le Lou, ils dirent : « Nous allons faire le passage du Lou ».

Au fil des années, la déformation du langage donna le Pas du Loup (cette fois avec un p à la fin)

D'où le nom du quartier.

Dans les années 1900, à l'emplacement du carrefour exista un abreuvoir pour les chevaux..

Tout à côté, un certain Martin Apollinaire créa un établissement de relais, suivi d'une épicerie qui prospéra surtout après l'assassinat d'une brave dame bien connue sous le nom de Caroline, qui tint une épicerie fort bien achalandée dans le virage à angle droit presque en face de la propriété Martin. Les criminels firent main basse sur la recette. Ce furent probablement les mêmes qui s'attaquèrent une nuit à la maisonnette de la famille Jaquelli dont ils savaient le mari mobilisé. Seule avec sa petite fille dans le quartier de l'Oïde, sans secours, ni défense, toutes les deux furent poignardées comme fut la pauvre Caroline pour emporter des sommes dérisoires.

Après la guerre de 1914-1918 l'établissement Martin prit de l'extension et devint l'Auberge du Loup où l'on pouvait trouver de l'alimentation, des journaux, des boissons. Depuis, l'établissement a prospéré d'une façon spectaculaire.

Est-il nécessaire d'ajouter que de nos jours le quartier du Pas du Loup a connu, comme les autres une véritable transfiguration par la multiplicité des habitations, immeubles individuels ou collectifs, commerces en tous genres, structures administratives, bureau de poste...

Pour être plus complet sur les quartiers avoisinant les rivages, n'oublions pas celui qui porte le nom de l'Oïde.

Il faut faire ici référence au langage provençal.

Quand les vieux seynois parlaient de l'Oïde c'était pour désigner un endroit malsain, un égout.

Rappelons que dans les siècles passés existèrent aux Moulières dont nous allons évoquer l'origine, deux moulins à eau ; l'un à farine alimenté par les sacs de blé en provenance de tout le terroir six-fournais (avant même la séparation de La Seyne d'avec Six-Fours) ; l'autre à huile alimenté par les nombreuses plantations d'oliviers de ce même terroir. Leurs déchets déversés dans le ruisseau d'eau belle en provenance des Moulières, mêlées aux eaux savonneuses des lavoirs publics, il en résultait des eaux sales et presque noires, par surcroît malodorantes que le courant emportait sur la plage de La Verne. D'où le nom de l'Oïde synonyme de égout - qu'on finit par donner aux quartiers riverains.

En remontant le cours de l'Oïde nous atteignons les Moulières sur lesquels il n'est pas nécessaire de nous étendre beaucoup, l'histoire de ce quartier ayant été contée avec de grandes précisions dans le Tome I des Images de la vie seynoise d'antan (pages 71 à 120). Succinctement, rappelons l'origine étymologique du mot. L'adjectif moulierous signifie en langue provençale humide, marécageux. À sa base de la presqu'île du Cap Sicié, nous ont appris les géologues, existe une immense couche de terres imperméables depuis Six-Fours, jusqu'à Tamaris avec de loin en loin des résurgences d'eau pure (Font de Fillol, les Moulières) par exemple. Celle la plus abondante permit dès le XVe siècle, l'établissement des lavoirs publics à l'entrée de la forêt de Janas dans un quartier appelé les Moulières à cause de cinq sources jaillissant à quelques mètres de la route actuelle.

À leur début ces lavoirs étaient accessibles seulement par un chemin de terre, l'une des plus anciennes voies communales, partie de la rue d'Alsace, serpentant par les quartiers Laffran et Gavet pour atteindre les Quatre Chemins du Mai.

Le quartier des Moulières accueillit la corporation des lavandières avant même la naissance de la communauté seynoise. Ils furent la propriété des Six-Fournais jusqu'en 1657, année de l'indépendance seynoise...

Les conflits générés par cette séparation furent tout de même aplanis par la garantie pour les paysans six-fournais d'exploiter les moulins à huile et à blé, pour les lavandières d'utiliser encore les lavoirs dans des conditions bien précises.

On peut dire que ce quartier fut probablement le plus fréquenté par nos anciens, malgré son éloignement de la ville.

Autre raison qui justifiait alors de son importance : son passage obligé en direction de Janas, célèbre par une forêt splendide offrant à la population ses richesses naturelles : bois de chauffage, fruits sauvages, plantes aromatiques, champignons, asperges, etc...

Le quartier de Janas est sans doute le plus vaste de la communauté seynoise et l'un des plus anciens aussi puisqu'il tire son nom du dieu Janus, vénéré des Romains, protecteur de la forêt dont nos ancêtres tiraient le bois des bordages et les mâtures pour leurs bateaux. Janas fut connu d'abord par la communauté six-fournaise dont les serfs du Moyen Age défrichèrent en grande partie la forêt pour créer des terrains de culture sur des centaines d'hectares. Alors se forma au fil des ans l'immense quartier des Plaines étendu depuis Six-Fours, jusqu'aux rivages du Lazaret avec ses vignobles, ses fruitiers variés, ses riches potagers.

La forêt s'animait souvent des fidèles de la religion chrétienne s'en allant prier et chanter des cantiques surtout à partir de 1625, année de la fondation de la chapelle dite Notre-Dame de Bonne Garde, tout en haut de la presqu'île de Sicié à 360 m d'altitude.

Les jours de fêtes religieuses des colonnes interminables de croyants escaladaient les chemins rocailleux de Bagno camise, soit en venant de l'entrée de la forêt, soit des lieux-dits des Gabrielles, des Barelles, de Cachou, nom d'un quartier véritable dont l'histoire mérite un développement.

D'abord pour expliquer l'origine du terme qui impliquait une idée de dissimulation. Quand les piétons venus du quartier de la Sardine en territoire six-fournais, comme ceux arrivant par le chemin des Moulières en territoire seynois, parvenaient au lieu-dit Cachou, ils ne pouvaient découvrir des habitations luxueuses blotties derrière les épais feuillages de plusieurs rangées de chênes et de pins d'Alep de haute taille.

Avec l'autorisation des propriétaires, si l'on dépassait le monticule boisé de quelques mètres seulement, on découvrait un panorama d'une richesse exceptionnelle, véritable enchantement pour les yeux.

Les riches terrains de cultures se succédaient jusqu'aux rivages de La Verne et Mar Vivo.

Le domaine de Cachou devint la propriété du Maire Saturnin Fabre vers la fin du XIXe siècle. Sur ses trente hectares de superficie, l'on vit prospérer des vignobles, des vergers, espace occupé tout entier aujourd'hui par les lotissements du Cap Sicié. Le quartier Cachou au caractère essentiellement agricole à ses débuts connut dans la même période une activité artisanale dans sa partie occidentale par l'exploitation fructueuse des carrières d'argile.

Précisons par ailleurs que le quartier des Barelles se situe à l'extrémité nord de la Forêt de Janas, entre le quartier Cachou (atuels lotissements du Cap Sicié) et la limite de la commune de Six-Fours, tandis que le quartier des Gabrielles se situe plus au sud, du côté ouest de la route de Janas, avant que celle-ci n'atteigne le coeur de la Forêt (Maison Forestière, parc animalier). Un puits d'extraction (dit puits des Gabrielles) des déblais de creusement de l'émissaire commun y fut creusé à la fin des années 40.

Avant de quitter la zone occidentale du terroir seynois n'oublions pas de citer un autre lieu-dit La Croix de Palun, expression qui mérite quelques explications. Sans doute, exista-t-il en cet endroit un sanctuaire surmonté d'une croix comme ce fut le cas pour quelques quartiers désignés par des noms de saints. Nous reviendrons sur ce type d'appellation fréquente, surtout dans les périodes de l'histoire à La Seyne et Six-Fours mais dans la France entière. Qu'était-ce donc qu'un palun ?

Dans la langue provençale un palun est un endroit humide, un marécage.

En parlant des Moulières, nous disions plus haut que la base de la presqu'île de Sicié au sous-sol argileux favorisait des résurgences d'eau, cela depuis Six-Fours (Font de Fillol) jusqu'à Tamaris en passant par les Moulières et l'Oïde.

Le palun apparaissait dès la sortie de Six-Fours quand on allait vers les Sablettes. Aucune construction n'aurait pu se faire dans ce qu'on appelait les prés de Reynier, alors quartier du vieux Six-Fours. Ces prés entretenus par une humidité constante, même en été étaient entrecoupés de touffes énormes de joncs, de rangées de roseaux, au milieu desquels pullulaient les plantes aquatiques du palun six-fournais et aussi les animaux des mares comme les grenouilles, les crapauds, les petits reptiles.

(Ouvrons ici une parenthèse pour dire que les noms de la renoncule bulbeuse (Ranunculus bulbosus) et celui de la grenouille (Rana, rainette) dérivent de la même racine à l'origine probable de Reynier.

Tout ce paysage du palun m'était familier dans mon enfance et passionnément, j'écoutais les récits de chasse de mon grand-père Marius Aubert, amateur de bécassines qu'il allait tirer dans le palun de Six-Fours, son village natal.

Quand la communauté seynoise fut séparée de sa commune mère, la partie du palun proche des Moulières devint seynoise. C'est pourquoi il me fallait remonter à l'origine ancienne et pouvoir dire enfin que le chemin de la Croix de palun, relie aujourd'hui les quartiers Mauveou et Bastian (noms de famille de nos campagnes) à la route des Plaines avec un prolongement sur les Moulières.

Observons maintenant la succession des collines et des vallons d'un quadrilatère limité par la longue route presque rectiligne des Plaines, les routes départementales La Seyne - Six-Fours et La Seyne - Les Sablettes et du côté intérieur la Colline d'Artaud.

Une multitude de quartiers dont il est devenu bien difficile aujourd'hui d'en fixer les limites par le fait d'une urbanisation très poussée, nous offre généralement des noms propres de familles d'un milieu rural, de riches propriétaires fonciers, de notables comme les Daniel, Lombard, Fabre, Brémond, Isnard...

Faisons tout de même une exception pour Coste chaude nom de quartier justifié par une altitude moyenne et une exposition au Midi et une protection remarquable des vents violents, du mistral surtout.

De ses légumes et ses fruits, les Seynois connaissent bien la qualité et surtout la primeur.

Tous ces derniers quartiers que nous venons de citer furent peuplés tardivement vers le milieu et la fin du XIXe siècle. Partout nos ancêtres cultivateurs creusèrent des puits, souvent couverts et fermés, hérissèrent sur les nombreux coteaux, des restanques, véritables oeuvres d'art qui retenaient la terre où prospérèrent les oliviers. La terre seynoise généreuse offrit alors à la population toutes les variétés de légumes, toutes les espèces de fruits, le vin, l'huile, les céréales, les produits d'élevage. Les Images de la vie seynoise d'antan ont montré précédemment qu'avec l'abondance des produits de la mer en poissons, coquillages, crustacés, etc..., La Seyne aurait pu vivre en autarcie.

Rapprochons-nous maintenant des quartiers plus proches du centre ville.

Venant des Plaines par le vieux chemin des Moulières dont nous avons parlé longuement, nous voici au Rouquier ainsi nommé à cause d'une zone particulièrement rocheuse, Saint-Joseph de Gavarry sur lequel nous reviendrons en expliquant l'origine des noms de Saints.

Venant de Six-Fours par la route départementale (C.D. 216) il nous faut franchir un col appelé improprement Col d'Artaud, alors que la véritable origine du quartier doit être colline d'Artaud, ce nom propre étant celui de toute la propriété que nos anciens appelèrent la couale (colline en langue provençale).

Avant sa descente vers le quartier Donicarde, un petit chemin sinueux rejoint la Colle d'Artaud aux quartiers Barban et Pignet. Peut-être ce dernier fut ainsi appelé à cause des richesses de ses pinèdes en lactaires délicieux - mieux connus sous les noms de safranés ou pignets. Ces derniers quartiers jouxtent le territoire six-fournais.

La descente de la Colle d'Artaud nous amène dans sa partie inférieure à de vieux quartiers de La Seyne, tels que les Quatre Moulins et la Donicarde.

Cette dernière appellation nous a été donnée par les anciens se souvenant d'une certaine dame d'origine italienne propriétaire d'importants terrains, laquelle se nommait Icardo. Le mot dame se disant dona en langue italienne, il en résulta dans le langage courant une prononciation approximative avec Donicarde. Selon toute probabilité, cette honorable personne céda du terrain à la collectivité pour faciliter une communication avec des quartiers plus éloignés Les Isnards, par exemple.

Isnards, pourquoi ? Tout simplement parce qu'il s'agissait d'une famille en possession d'importants terrains dans ces quartiers et sans doute aussi pour rappeler et vénérer le nom d'un prêtre qui se distingua par son dévouement pendant la terrible épidémie de choléra de 1865.

Par surcroît, selon les affirmations de M. Baudoin dans ses ouvrages d'histoire locale, ce prêtre fit un legs à la ville de La Seyne d'une rente viagère de 200 frans-or en faveur des indigents de la commune et l'acte instituant ce legs précisait que chaque année, pour la fête de Noël, un four de la ville pétrirait tout spécialement du pain pour les plus démunis qui le recevraient gratuitement.

Retournons vers le quartier des Quatre Moulins dont l'histoire mérite quelques développements.

Il s'agit de moulins à vent dont la création fut rendue nécessaire par l'accroissement des populations seynoise et six-fournaise. Les vieux moulins hydrauliques des Moulières, l'un à farine de blé, l'autre à l'huile d'olives ne pouvaient satisfaire aux besoins nouveaux et par surcroît, ils commençaient à souffrir d'une baisse d'alimentation en eau en provenance de Sicié.

Peu à peu les moulins à vent allaient pallier l'insuffisance de rendement des moulins à eau.

Au milieu du XIXe siècle, plusieurs petits moulins s'élevèrent dans les quartiers du Peyron, de Brégaillon, de Tortel, de Laffran, de Saint-Honorat.

Les plus importants construits sur la colline dominant le cimetière, desservie par le chemin de Domergue, avaient été disposés sur un même alignement, orientés de telle sorte qu'ils pouvaient recevoir les effets des vents dominants : vent d'Est, du mistral.

Ces structures à caractère artisanal rendirent de précieux services à la population seynoise.

L'un de ces quatre moulins appartint à Esprit Bonaventure Mabily, nom d'une célèbre famille seynoise qui compta des patrons-boulangers, des hommes politiques comme Jean-Louis Mabily, arrêté à la suite du coup d'État de 1851, devenu plus tard adjoint au Maire de La Seyne sous la IIIe République et dont une rue de la ville porte le nom. Citons également Amable Mabily, directeur d'école, adjoint au Maire de Toulon, dont une école de La Seyne porte le nom. Ces Quatre Moulins ont une belle histoire qu'on pourrait évoquer longuement.

Ces structures du XIXe siècle qui avaient leur charme, n'ont pu résister à l'érosion du temps, exception faite pour le moulin le plus élevé de la colline, restauré par un propriétaire captivé par la beauté du site et qui en a fait sa maison d'habitation.

Pour conclure sur les Quatre Moulins, disons qu'à partir de 1859, avec l'arrivée du chemin de fer, les conditions de la vie économique à La Seyne comme ailleurs, amenèrent des changements inévitables dans les transports, le commerce, la vie quotidienne de tout le monde.

Les pentes de la colline des Quatre Moulins, exposées au soleil levant ont favorisé le peuplement d'un quartier important étendu entre Domergue et le vieux quartier Cavaillon, quartier dénommé Saint-Honorat, personnage dont nous savons qu'il fut évêque d'Arles et qu'il fonda l'Abbaye de Lérins. Dans le préambule de ce texte sur l'origine des quartiers, nous avons dit que huit d'entre eux portent des noms de saints.

Qui a bien voulu décider de ces choix parmi les milliers de martyrs de la foi chrétienne ?

Il est certain que les périodes de l'histoire où celle-ci s'affirmait puissamment, où le Clergé exerçait une influence déterminante sur l'administration des biens de la communauté, ont été propices à des actes concrets de vénération. Les noms de saints foisonnent dans la France entière.

Presque dans tous les cas, à La Seyne, ces noms de saints sont à l'origine de sanctuaires édifiés chez des particuliers désireux de s'attirer des grâces divines de l'au-delà.

Des précisions nous ont été apportées pour Saint-Antoine et pour Saint-Joseph de Gavarry.

Au début de la route de Tamaris, face à la propriété Carmille a été édifié après la dernière guerre un ensemble urbanistique imposant qu'on appelle aujourd'hui H.L.M. Saint-Antoine à l'endroit même où exista un oratoire du XVIIe siècle dont nous avons une trace administrative par un acte des Consuls de l'époque ordonnant la réparation de l'édifice.

A Saint-Joseph de Gavarry, quartier situé entre le quartier Brémond et les Quatre chemins de Gavet, il subsistait quelques ruines, encore visibles il y a une vingtaine d'années dans la propriété de Pierre Guigou appelé Gavarry, ruines d'une modeste chapelle (Saint-Joseph ?), selon M. Baudoin.

Pour d'autres quartiers portant des noms de saints, il ne nous reste plus aujourd'hui que le nom, le temps, inexorablement, ayant effacé la trace de ces sanctuaires ou oratoires qui devaient être à leur origine. C'est le cas pour Saint-Lambert, Sainte-Anne, Sainte-Messe. Précisons que Saint-Lambert est un quartier situé à l'Ouest du quartier Fontainebleau, et délimité approximativement par l'avenue du Général Carmille, l'avenue Jean Moulin et le chemin de l'Évescat ; que Sainte-Anne est un quartier situé au sud du stade Antoine Scaglia (autrefois terrain de la Canourgue et quartier de la Canourgue), entre le cimetière (quartier Saint-Honorat), l'avenue Jean-Marie Pascal et le quartier Touffany ; et que Sainte-Messe est le quartier situé du côté nord du chemin de La Seyne à Bastian, délimité à l'ouest par le chemin du Sous-bois et à l'ouest par le chemin des Laffranc.

On peut cependant parler plus longuement des origines du quartier Saint-Jean, évoqué dans un ouvrage précédent avec l'histoire de la Chaulane.

Avant même que la communauté seynoise ne vit le jour existait au Moyen Age un immense domaine essentiellement rural appelé la Grande terre de Saint-Jean, étendue depuis les pentes septentrionales de Six-Fours jusqu'à Brégaillon.

En 1659, fut érigée, par décision du conseil communal de La Seyne, une modeste chapelle cadastrée section B n° 817, laquelle figurait encore sous l'appellation de chapelle en ruine dans les cadastres du siècle dernier.

La Grande terre de Saint-Jean cultivée pendant des siècles par les serfs et les moines de l'abbaye de Saint-Victor fut par la suite gérée par les seigneurs abbés de Six-Fours ; ses terres fertiles furent acquises au fil des années par de riches propriétaires exploitants de la vigne, des oliviers, des potagers. Des fermes apparurent où l'élevage des moutons, des porcins, rapporta aux populations seynoise et toulonnaise des ressources variées de grande qualité.

Une petite bourgeoisie construisit de belles demeures qu'on appela des châteaux : la Chaulane, Lagoubran, Brégaillon, en sont des exemples bien connus dont il a été longuement question dans l'histoire de la Z.U.P. du Tome VII de notre ouvrage.

Le morcellement des 40 hectares cultivées à l'origine a favorisé le peuplement de cette immense zone rurale et la naissance de nouveaux quartiers : Léry, Camp Laurent, Farlède, Berthe, Peyron, Piédardant, La Petite Garenne.

Puis vers le milieu du siècle dernier, les caractères de la Grande terre de Saint-Jean ont été bouleversés. Les Municipalités de l'après-guerre décidèrent la création de la Z.U.P. (Zone Urbaine Prioritaire) afin de reloger les milliers de sinistrés des bombardements américains de 1944.

Il fallut procéder à des expropriations douloureuses. Les riches terrains de cultures furent remplacés par des ensembles urbanistiques impressionnants : des tours de 15 étages, de grands ensembles avec les structures administratives, des écoles de tous les ordres d'enseignement, des terrains de sport, des équipements sociaux culturels, etc...

La population de la Grande terre de Saint-Jean atteint aujourd'hui 15 000 habitants ; le nombre des écoliers et étudiants dépasse 5 000. Aux limites Nord et Nord-Est de cette zone peuplée, même surpeuplée peut-on dire, une zone industrielle a pris naissance. Le tome VII de notre ouvrage a donné une longue liste d'entreprises aux activités fort diverses de telle sorte que la Grande terre de Saint-Jean a subi une véritable transfiguration.

À la limite sud, des centaines de logements sont nées dans un quartier qui porte toujours le nom de Saint-Jean.

Desservie par la route départementale 559, reliant La Seyne à Six-Fours, une église a été construite ces dernières années. Elle aussi porte le nom de Saint-Jean.

Il est certain que de tous les quartiers énumérés jusqu'ici, c'est ce dernier - qui porte encore les noms de Berthe, nom d'une vieille famille (ou encore de Saint-Jean de Berthe) - qui a véritablement bouleversé la Vie seynoise d'antan.

Les noms de Léry, Camp Laurent, Peyron, que portent les quartiers cités plus haut sont ceux d'anciennes familles, propriétaires de terrains à caractères essentiellement agricoles. Il n'est pas inintéressant de nous arrêter quelques instants sur le nom de Farlède, quartier situé au Nord-Ouest de notre communauté seynoise.

Ce même vocable désigne également une commune varoise qui s'étend sur 831 hectares en bordure du Gapeau entre les communes de La Valette, Solliès-Ville, La Garde, La Crau et Solliès-Pont.

L'origine du nom de Farlède nous a été donnée par Frédéric Mistral estimant que ce nom propre viendrait de la farleta par le radical ferla, dérivé lui-même du latin Ferula (Ferula communis de Linné) qui désigne tout simplement un gros fenouil, plante que l'on découvre en grande quantité dans la région.

Selon toute vraisemblance, Farlède de La Seyne connut elle aussi avant l'urbanisation, le même végétal en abondance, adapté aux mêmes sols que ceux de la commune varoise.

C'est un exemple de plus d'un quartier tirant son nom du milieu naturel.

Pour terminer ce périple et lieux-dits commencé par le sud et le sud-est du territoire seynois, il nous reste à parler des quartiers de l'agglomération originale en direction du Nord et du Nord-Ouest.

Revenons à la colline d'Artaud dont le C.D. nous a conduit dans sa partie inférieure vers le cimetière, le quartier Saint-Honorat, les Quatre Moulins. Avant d'amorcer sa descente vers La Seyne un chemin parfaitement carrossable s'en détache pour nous amener au lieu-dit Vallon des Signes, qui doit son nom au fait que dans les temps reculés, des postes de guet existaient en différents points de la commune, en prévision des agressions de peuplades venues de l'Afrique du Nord et des pays du Moyen-Orient, de ceux qu'on appelait alors Les Barbaresques, les Maures ou encore les Sarrasins à la recherche de ressources de toutes natures et même de prises d'otages rendus parfois contre de fortes rançons.

En cas de menaces ces postes de guet donnaient l'alerte aux habitants de l'arrière-pays du castellum de Six-Fours par des moyens primitifs : fumée émanant de foyers humides, pavillons flottants, bruits métalliques de chaudrons battus...

Et depuis ces temps lointains, on surveillait les signaux d'alerte, d'où l'appellation de Vallon des Signes, dont l'orthographe est souvent confondue par nos concitoyens avec celles des cygnes, oiseaux aquatiques, tout à fait inexistants dans cette portion du territoire seynois.

Dans sa partie inférieure, proche du quartier Saint-Jean, le Vallon des Signes débouche sur un autre quartier qu'on nomme Châteaubanne dont l'origine exacte nous a été révélée par nos anciens du siècle dernier demeurant en ces lieux.

À faible distance de la Clinique du Cap d'Or actuelle, existait une importante bergerie où on élevait des bêtes à cornes : brebis, bêliers et chèvres, essentiellement. Cet établissement, nos anciens l'appelaient le Château des cornes.

En langage provençal, les cornes se disent lei banes ou banas et le château se nomme casteau. La déduction est toute simple. En francisant l'expression, casteou banes est devenu Châteaubanne.

Et depuis la voie reliant le quartier Saint-Jean et le boulevard de Stalingrad en direction de ce quartier s'appelle chemin de Châteaubanne lequel change le nom au bout de quelque cent mètres et prend celui de Vieux Reynier.

Pourquoi ce changement d'appellation ?

Parce que ce fut par là qu'au XVe siècle, nos ancêtres six-fournais, assurèrent leurs premières liaisons avec les quartiers Tortel et Cavaillon.

Ce chemin dit du Vieux Reynier qui dessert l'école Toussaint Merle, se prolonge vers Jaumen, et vers un autre quartier bien connu appelé Vignelongue. Comme son nom l'indique il était encore au début du siècle dernier très riche en vergers et vignobles.

On sait bien qu'aujourd'hui les ensembles urbanistiques du Bercail et de la Commandante ont transformé radicalement cette zone agricole en quartiers d'habitations privées ou publiques dont l'effectif atteint le millier de logements dans cette zone.

Pour en terminer avec ce périple, revenons un instant à son point de départ, au Sud du quartier des Mouissèques dans un quadrilatère limité actuellement par l'avenue Pierre Fraysse (plus anciennement rue François Durand et aussi avenue du Fort Caire) par le boulevard Jean Jaurès, l'avenue Général Carmille et l'avenue Jean Moulin. Cette zone est occupée aujourd'hui par l'ensemble H.L.M. Saint-Antoine, l'école Émile Malsert et le square de même nom.

Avant l'urbanisation, cette étendue porta un nom pour le moins curieux : le quartier Fontainebleau. Il est difficile d'affirmer le nom des administrations qui la désignèrent ainsi. Par contre on peut avoir la certitude que cette appellation résulte de l'observation du milieu naturel tel qu'il fut dans une période médiévale c'est-à-dire un endroit ou l'eau se trouvait en abondance, pas seulement à la saison des pluies, mais en raison de l'existence d'une source d'eau pure en provenance des collines de l'Évescat, située approximativement à la hauteur de l'avenue Jean Moulin d'aujourd'hui.

Le nom de Fontainebleau appelle quelques explications en référence avec l'étymologie latine. En décomposant ce nom propre, nous trouvons fons et fontis qui signifient fontaine, suivis de bleudi et aussi bellae aquae ou encore bellaqueus, expressions qui ont varié à travers les âges et qui ont donné aussi Fontem Bleaudi, d'où Fontaine Belle Eau, d'où Fontainebleau et le nom de ses habitants, les Bellifontains.

Peut-on faire un rapprochement entre le Fontainebleau seynois et le Grand Fontainebleau du XVIe siècle, résidence des rois de France, d'origine médiévale surtout à partir de François Ier qui en fit le centre de son mécénat ? La ville de Fontainebleau à ses débuts était déjà célèbre par son impressionnant château d'eau.

Revenons un instant sur notre quartier seynois dont l'appellation est concrétisée par une petite rue parallèle au boulevard Jean Jaurès, que nos anciens avaient baptisé rue La fontaine qui conduisait sans doute vers la source dont nous parlions au début.

La Seyne fait donc partie de la centaine de communes dont le nom commence par Fontaine. Elle a gardé ce nom seulement pour un quartier que la population appelle plus fréquemment cité Saint-Antoine en raison de l'ensemble urbanistique dont la construction occasionna de gros soucis aux promoteurs en lutte contre les résurgences de la source primitive apparemment disparue. La belle eau envahissait les caves de tous les immeubles et il fallut procéder à des travaux très coûteux pour en assurer l'étanchéité.

Ce tour d'horizon des quartiers et lieux-dits se terminera par la portion des territoires seynois compris entre la Bourse du Travail et Lagoubran où La Seyne se sépare de Toulon.

Avant même que La Seyne soit devenue une commune indépendante on parlait déjà du quartier Peyron, avancée de la Grande terre de Saint-Jean sur le littoral.

À l'Est de la Chaulane, les habitants de la campagne utilisaient le lavoir du Peyron, nom d'une ancienne famille. Ce lavoir était alimenté par un cours d'une eau très pure irriguant des prés ou bovins et ovins venaient s'y désaltérer. Les prés de Saint-Jean pendant longtemps offrirent des productions laitières à des centaines de familles. Par le fait d'une urbanisation croissante le lavoir disparut mais les eaux ressurgirent plus loin en direction de la Bourse du travail.

Ce fut alors que les édiles de la fin du XIXe siècle imaginèrent de capter les eaux du quartier Peyron et construisirent un lavoir couvert à l'emplacement même de la Chapelle Saint-Roch (extrémité de la rue Denfert-Rochereau), ce qui explique le nom de Lavoir Saint-Roch et de quartier Saint-Roch au secteur situé au sud-est de la Bourse du travail

Deux bassins immenses firent le bonheur des lavandières de toute la ville basse, l'eau courante en provenance d'une source était appréciée au plus haut point par son pouvoir dissolvant des impuretés.

On sait que par la suite ce lavoir comme les autres comme les fontaines disparurent quand la ville fut mieux alimentée en eau pure que par le passé et l'apparition des machines à laver le linge.

Le quartier Peyron connut surtout à partir du XXe siècle des activités nouvelles et des plus variées.

L'entreprise Content née en 1886, le grand abattoir métallique (qui donna à une époque le nom de quartier de l'Abattoir à la zone voisinante), le stade de rugby de la Muraillette (d'où également l'ancien nom de quartier de la Muraillette), puis le nouvel Hôpital régional qui remplaça le vieil Hôtel-Dieu de la rue Clément Daniel, puis l'érection de la Bourse du travail à quelques mètres du littoral comblé progressivement depuis les Esplageols, autant de structures créatrices d'activités nouvelles. Tout cela allait s'accompagner de profondes transformations du réseau routier surtout en direction de Toulon.

On a peine à imaginer que les premières communications avec leur grande voisine, nos anciens les faisaient par le chemin de Moneiret qui passe encore devant l'ancien hôpital, plus tard par la rue Jules Verne en direction de Brégaillon. Ce ne fut qu'au début du XXe siècle que l'on parla du Chemin neuf, devenu depuis l'avenue Gambetta franchissant cette zone infecte appelée le Comblage, ou les services du nettoiement de la ville y venaient chaque jour y déverser des tonnes d'immondices. Et nous voici dans le quartier Brégaillon dont il nous faut conter l'histoire et d'abord l'origine de son nom.

Brégaillon tire son nom du provençal bregaire, lieu où l'on fabrique et où l'on entrepose l'étoupe, ce mot dérivant de bregar, broyer, bregaire, broyeur, et bregaio, l'étoupe, ou, plus exactement, la première et la plus grossière des étoupes. L'anse de Brégaillon a donc pu être un lieu d'entreposage du chavre et de calfatage des bateaux. D'après Henri Ribot (Les noms de lieux de l'Ouest Varois, Cahier du Patrimoine Ouest Varois N° 12, 2009), il est possible que Brégaillon ait été un « routoir de chanvre » et qu'il y ait pu aussi y avoir glissement du mot bruguiera (bruyère) vers le mot bregaire (fabrique d'étoupe).

Au nord de l'anse de Brégaillon se trouve la colline de Brégaillon, promontoire élevé qui s'avance vers la mer avant d'atteindre la zone industrielle des CNIM d'aujourd'hui et la pyrotechnie qui lui fait face, et d'où le regard découvre la rade de Toulon dans toute sa splendeur. Sur cette hauteur, une famille seynoise fit autrefois construire une belle maison bourgeoise qui porte toujours depuis son origine le nom de Château de Brégaillon.

Sur ce même promontoire Bonaparte ne fit-il pas ériger une importante batterie en 1793 dont les salves pouvaient interdire aux navires anglais l'entrée du port de La Seyne ?

Cette batterie joua un rôle déterminant dans la reconquête de Toulon livrée aux Anglais par les royalistes de cette époque. Bonaparte avait décidé de l'appeler batterie de Lagoubran ou encore batterie des sans culottes.

Son emplacement jouxtait celui d'une chapelle en ruine érigée en 1661, nommée Notre-Dame du Mont Carmel dominant l'immense terrain ou fut aménagé à la fin du XIXe siècle l'hippodrome dont les activités cessèrent après la guerre de 1914-1918.

Les premières décennies du XXe siècle n'ont pas apporté de transformations spectaculaires dans ces quartiers étendus depuis Le Peyron jusqu'à Lagoubran en passant par Brégaillon.

Nos souvenirs précis nous obligent à dire qu'ils n'étaient pas des lieux de promenades recherchées par la population seynoise. L'anse de Brégaillon peu profonde au fond de la rade de Toulon voyait s'accumuler des immondices et des algues croupissantes dont la décomposition répandait des puanteurs insupportables.

Les eaux calmes avaient incité quelques pêcheurs à la création des premiers parcs à moules dont l'exploitation s'avéra lucrative à souhait jusqu'au jour où le corps médical fit la constatation que les eaux de ruissellement en provenance des jardins de la Chaulane et des environs immédiats de l'Hôpital atteignaient les parcs à moules.

Ces eaux chargées des vidanges de la ville répandues dans les potagers, causaient des ravages sur la santé des consommateurs de coquillages. La proportion des cas de typhoïde devint si inquiétante, qu'il fallut déménager les parcs à moules vers Balaguier et le Lazaret.

D'autres petites activités prirent naissance : les chantiers de démolition de vieux bateaux. L'on récupérait de la ferraille aussi des objets les plus hétéroclites. Tout cela n'embellissait guère le littoral.

Du côté de l'hippodrome abandonné, il fallut lutter contre les paluns ; les eaux croupissantes persistèrent longtemps sur toute la longueur des bâtiments de la pyrotechnie.

Fort heureusement tout cela a bien changé aujourd'hui. Depuis le quartier du Peyron à Lagoubran, en passant par celui de Brégaillon, nous n'en finirions pas de citer les transformations spectaculaires de tous ordres auxquelles il nous a été donné d'assister.

Élargissement des voies de communications, ensembles urbanistiques, écoles, mairie technique, gendarmerie, commerces et artisanat, activités industrielles avec les C.N.I.M., Port de commerce de La Seyne - Brégaillon et ses annexes, etc...

Pour en terminer avec ces quartiers Nord de notre communauté, espérons que dans le proche avenir la population seynoise saura trouver les meilleurs de ses fils capables d'en assurer la prospérité et le bonheur de notre collectivité.



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