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Sous ce titre quelque peu mystérieux, voici les noms de personnalités de haut rang venues à La Seyne pour les motifs les plus divers, comme on pourra en juger, et dont la présence, même si elle fut de courte durée, a contribué à rehausser le prestige de notre ville. Grâce au rôle éminent qu'elles jouèrent au plan national ou local, grâce à leurs talents, leurs qualités, mis au service de notre communauté, ont grandement contribué à enrichir notre patrimoine historique.
Le lecteur comprendra que notre choix a été forcément limité si l'on sait que, pendant plus de trois siècles d'existence de la collectivité seynoise, des centaines d'hommes politiques prestigieux, des ecclésiastiques influents, des écrivains et des artistes de grande renommée, des monarques, des administrateurs, des militaires ont foulé les pavés de notre ville, le sol de nos campagnes et de nos forêts.
Il y eut ceux, et probablement les plus nombreux, qui vinrent se détendre quelques jours à la saison touristique, ceux qui passèrent quelques heures à déguster les spécialités culinaires du Père Louis.
Il y en eut d'autres, par centaines, qui déployèrent leurs talents oratoires dans le sous-sol de l'École Martini ou dans la grande salle de la Bourse du travail pour y exposer leurs thèses revendicatives, politiques ou philosophiques, devant les foules enthousiastes et parfois houleuses. On compta aussi des centaines d'artistes, de chanteurs, d'acrobates célèbres que la population seynoise venait applaudir à l'Eden Théâtre.
Il n'était donc pas possible de parler de tout le monde. Il fallait bien limiter les choix, ce qui explique qu'un nombre restreint de personnalités figure dans ce récit, qui revêt avant tout un caractère historique.
Ajoutons que l'étude d'un tel sujet comporte obligatoirement des lacunes car il est certain que les documents connus, relatifs aux personnages présentés, ne sont pas forcément exhaustifs et que les nombreuses obscurités de l'histoire demeurent.
Prenons un exemple bien local. Il est écrit nulle part à La Seyne que les plus hautes personnalités de la Résistance espagnole ou italienne sont venues s'y réfugier dans la période du fascisme triomphant. Certes, il existe encore des témoins de leur passage clandestin, mais le secret de leur véritable mission persiste encore de nos jours.
Peut-être certaines de ces éminences ont-elles laissé quelque trace de leur séjour dans leurs Mémoires, auquel cas, il nous faudrait pousser bien loin nos investigations pour la recherche de la vérité.
Dans notre modeste récit, la transmission orale suffira au grand dam des professionnels de l'exégèse historique. Pour en terminer avec ces quelques généralités, ajoutons que nous n'avons pas jugé utile d'insister sur certaines figures dont le prestige a été évoqué longuement dans les ouvrages précédents : c'est le cas pour Amable Lagane, Saturnin Fabre, George Sand, Michel Pacha. Peut-être nous reprochera-t-on d'avoir évoqué dans ce récit seulement des personnages de haute lignée. Ce à quoi nous répondons par avance que dans les tomes précédents des Images de la Vie seynoise d'Antan, nous avons évoqué longuement le mérite des petites gens du monde du travail, de nos chantiers et de nos campagnes, à construire La Seyne, à enrichir son patrimoine avec une vaillante obstination. Eux aussi, à leur manière, ont fait l'histoire glorieuse de notre cité.
Il nous a été donné de faire référence à ce personnage de haut rang dans les tomes I et II de notre ouvrage (voir Tome I, Balaguier, page 286 et Tome II, Les pierres de la défense, page 195).
Qui était Vauban ? Son vrai nom était Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban. Il naquit en Bourgogne le 15 mai 1633. Orphelin de bonne heure, il fut élevé par des paysans pauvres. À sa vie plébéienne il dut son désir ardent de soulager les misères humaines.
Le prieur de Saumur, l'ayant rencontré par hasard, décela en lui des qualités exceptionnelles pour le dessin et les mathématiques. Ses études le conduisirent vers un titre d'ingénieur. Engagé dans les armées de Louis XIV, il devint le grand spécialiste des fortifications.
Voici le sommaire de sa vie comme militaire et comme ingénieur. Il a travaillé à 300 places anciennes, en a construit 33 nouvelles. Il a dirigé 53 sièges avec un tel succès qu'on disait : " Ville défendue par Vauban, ville imprenable, ville attaquée par Vauban, ville prise ". On pourrait parler longuement d'autres travaux : canaux, aménagement de ports comme Brest et Toulon. Il fut nommé Maréchal en 1703.
Il considérait que de tout temps on n'avait pas eu assez d'égards pour le peuple. Dans son ouvrage Dîme royale il attribuait la misère du peuple aux abus financiers et à la mauvaise répartition de l'impôt.
Après l'impression de ce livre, il fut disgracié et mourut quelques mois plus tard en 1707.
Mais revenons à Toulon que Vauban visita en 1679. Son déplacement avait surtout pour but l'érection des fortifications entourant l'Arsenal, la ville et la rade. Son passage à La Seyne fut de courte durée. Il foula de ses pieds la colline qui portera plus tard le nom de M. Caire, personnage dont nous parlerons plus loin. Il s'intéressa surtout au Fort de Balaguier.
Le 9 mars de l'année 1679, il rédigea un mémoire dont l'essentiel est résumé ici. La description de la Tour est précise : il la juge grande, bien terminée ; il en donne les dimensions. Il constate que l'armement se compose de 31 canons sur les diverses faces dont les trajectoires croisent celles de la Tour Royale de l'autre côté de la rade.
Dans ce rapport, il note, toutefois, la nécessité de renforcer l'ouvrage du côté de la terre par l'érection d'un mur, haut de plusieurs mètres, percé de nombreux créneaux de manière à défendre le Fort contre une attaque en provenance de la colline.
La lecture de ce document nous apprend l'existence de fours à cuire le pain, à rougir les boulets ; la capacité de la citerne, les quantités de poudre, de nourriture que l'on pouvait accumuler, la disposition des logements, etc.
Si les mânes de Vauban et de ses collaborateurs pouvaient témoigner aujourd'hui, nul doute qu'elles se réjouiraient de retrouver les mêmes pierres, la même disposition intérieure de l'ouvrage exception faite des transformations de détails nécessitées pour la création du musée naval. Le mur d'enceinte et ses créneaux existent toujours ; par contre le fossé a été comblé.
Hommage soit rendu à cet homme de bien que fut Vauban, tant par ses qualités de coeur que par les services éminents qu'il rendit à sa patrie.
L'Empereur d'Autriche Joseph II (1741-1790)
Né à Vienne, en 1741, Joseph II devint Empereur d'Allemagne en 1765. Rompant avec les traditions du passé, sa politique audacieuse pour l'époque fit scandale dans la bourgeoisie et le clergé de son pays. Donnons succinctement un aperçu des réformes qu'il entreprit d'appliquer et qu'il ne put mener toutes à bonne fin en raison d'une violente opposition. Au nom de la raison et de l'humanité, il abolit le servage en 1781. Les paysans obtinrent l'accession à la propriété. En 1789, la corvée fut abolie ; un édit de tolérance accorda la liberté de culte aux protestants et aux orthodoxes. Il abolit la peine de mort. Il limita les pouvoirs de l'Église et voulut seulement qu'elle soit respectée pour le dogme. Il fit supprimer des centaines de couvents et voulut nommer les évêques lui-même. Toutes ses réformes hardies le firent surnommer un despote éclairé.
Au mois de juillet 1777, en déplacement à titre privé, l'Empereur d'Allemagne vint à Toulon et à La Seyne accompagné du Comte de Provence jeune frère du Roi. Rien d'étonnant à cela si l'on connaît leurs liens familiaux, Joseph II étant le frère de la Reine de France Marie-Antoinette, épouse de Louis XVI. L'Empereur vint à La Seyne sous le nom de Falkestein et joua un rôle plutôt effacé dans les fêtes et cérémonies organisées surtout en l'honneur du Comte de Provence arrivé précisément le 4 juillet au soir. Les deux visiteurs assistèrent au lancement du vaisseau Le Caton, opération qui s'accomplit avec succès à Toulon où ils purent également s'instruire sur les activités maritimes : bassin de radoub, filage du chanvre pour les cordages et les agrès, fabrication des câbles et autres équipements divers. Les autorités maritimes offrirent le simulacre d'un combat naval en rade des vignettes. La jetée, abri du port de Toulon n'existant pas encore, on embossa quatre vaisseaux autour desquels on fit évoluer une escadre adverse de quatre frégates sous un vent modéré. Le prince, Comte de Provence, assista seul à ce spectacle dont il garda, paraît-il, une forte impression. Désireux de mieux connaître la beauté de nos rivages, qu'il longea plusieurs heures durant, il fut même invité par les pêcheurs à savourer une soupe de poissons et à déguster une bouillabaisse, spécialité culinaire ignorée tout à fait des Parisiens de cette époque. Le passage de Joseph II à La Seyne fut de courte durée, ses charges redoutables l'appelant à Vienne où les prêtres et les moines préparaient contre lui une insurrection ouverte.
Au cours de ses voyages à travers la France, il se rendit très populaire par sa simplicité et ses allures toutes philanthropiques. Les écrits des Philosophes de son siècle, dont Voltaire, lui inspiraient la plus vive admiration.
Détail curieux de l'histoire : pendant que ses sujets se révoltaient contre certaines de ces réformes, le peuple français se soulevait pour les obtenir.
La hardiesse des réformes de l'Empereur Joseph II demeurera un des plus grands étonnements de l'histoire.
Il ne vint pas de très loin pour se fixer à La Seyne ce Laurent Caire, huitième et dernier enfant d'Alexandre Caire, négociant à Toulon et d'Élisabeth Maunier.
Cette famille toulonnaise fit beaucoup parler d'elle dans le milieu des affaires et cela pendant deux siècles au moins.
Premier consul de Toulon avant la Révolution de 1789, Laurent Caire épousa en 1775 Alexandrine de l'Espine du Planty et en eut six enfants :
- Marie Victoire Caire, née à Toulon, décédée à Livourne sans postérité de son mari Joseph Guigou, officier de marine décédé avant elle.
- Eugénie Élisabeth Caire, décédée célibataire à Gémenos.
- Claire Honorine Caire, veuve sans postérité de François Mile, Seynois dont nous parlerons plus loin.
- Alexandre Caire, décédé en bas âge avant 1793.
- Louis Laurent Caire, ruiné par la Révolution, qui reconstitua son capital à Livourne, Trieste et en Angleterre ; se maria en France avec Marie Cécile Pascalis fille du Général Antoine Pascalis de la Sestrière.
- Adolphe Laurent Caire, décédé en 1920, héritier du domaine de la Rouve à La Seyne dont il sera parlé plus loin.
Cette famille Caire, d'où sont issus des personnages de haut rang et surtout des négociants, posséda d'importantes propriétés à Toulon, La Garde, Les Sablettes, Gémenos, Mallemort... et surtout La Seyne où elle exploita 76 hectares de terre ainsi qu'une corderie sise au quartier de La Lune.
Au moment de la grande Révolution française, Laurent Caire était considéré comme le plus grand propriétaire foncier de La Seyne, son domaine s'étendant des Mouissèques jusqu'aux Sablettes, en passant par le Bois sacré, Balaguier, Tamaris, le Crotton avec des bois, des terrains de cultures très variées, domaine où se construira le Château de la Rouve et qui sera transféré à Michel Pacha dans sa presque intégralité à la fin du XIXe siècle.
La famille Caire connut, sans doute, des heures de félicité, mais ses agissements au moment de la Révolution la conduisirent au désastre et à la ruine.
La cause de ces revers s'explique à partir du moment où les Royalistes livrèrent Toulon aux Anglais en 1793. Ils trouvèrent l'appui de Laurent Caire qui fut nommé commissaire à la tête d'un comité où figurait également Pemety, trésorier payeur de la Marine, chargé de négocier à Gênes un emprunt d'un milliard de piastres afin de ravitailler en céréales et autres produits alimentaires la population toulonnaise affamée.
En contrepartie, ce comité devait garantir aux Anglais et à leurs alliés Espagnols tous les domaines nationaux de la ville, l'Arsenal et tous les vaisseaux (pas moins !). Ces tractations portèrent plus tard le nom de vente de Toulon aux coalisés.
Hélas, pour les Royalistes et leurs complices ! L'opération ne put s'accomplir, les autorités génoises ne voulant pas de complications diplomatiques avec la jeune République française.
Laurent Caire ne put remplir sa mission et ne put revenir à Toulon. Il se réfugia à Livourne. Sa femme et ses quatre enfants le rejoignirent après un départ mouvementé du Château de la Rouve, le 18 décembre, alors que la veille Bonaparte venait d'attaquer la Colline Caire et le Fort de Balaguier (17 décembre 1793).
En mars 1794, Laurent Caire entra en contact avec le Chevalier Elliot, ministre plénipotentiaire de sa Majesté britannique en Corse pour lui communiquer l'inventaire de tous les biens qu'il avait perdus en France par le fait de sa collaboration avec les Anglais. Sans doute, espérait-il obtenir de ces derniers d'importants dédommagements en récompense des services rendus.
La requête de Laurent Caire est un document fort détaillé dont nous donnons seulement l'essentiel. Le domaine de La Seyne y figure amplement. Sa superficie est estimée à 121.241 cannes (la canne carrée = 4 m2) complantées en bois d'une valeur de 118.000 livres-or et 69.318 cannes de terres cultivées en vignes, oliviers, mûriers, orangers et arbres fruitiers divers d'une valeur de 225.000 livres-or.
Si on ajoute à tout cela les propriétés de La Garde, Toulon, Gémenos, on atteint une valeur de 1.556.000 livres-or.
Il est nécessaire de préciser que le domaine de la Rouve fut pillé par les Républicains dès que la trahison des Caire fut connue : mobilier volé ou saccagé, arbres coupés, moulin à huile, pressoirs, tonneaux détruits, etc.
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Cette situation lamentable dura jusqu'à l'établissement du Premier Empire. Laurent Caire mourut à Livourne en 1800. Sa femme revint en France et l'une de ses filles Claire Honorine épousa un Seynois François Mile. Devenue veuve sans enfant, Honorine laissa par testament du 7 avril 1857 sa propriété de la Rouve à son neveu Adolphe Laurent Caire qui la revendit à Michel Pacha vers la fin du XIXe siècle. Nous n'entrerons pas ici dans le détail de la succession Caire-Mile, pas plus que dans celle de Michel Pacha, qui fut d'une extrême complexité en raison de la dispersion des héritiers. Après la mort de Michel Pacha en 1907, l'immense domaine de Tamaris fut laissé à l'abandon. Cette situation s'aggrava avec la guerre, les bombardements destructeurs, le pillage des Allemands.
Quand il fut possible aux édiles du moment d'urbaniser et de restaurer les environs de la colline Caire, une partie du domaine primitif fut acquis par l'Office Municipal H.L.M.
Le vétuste Château de la Rouve fut détruit. Des ensembles immobiliers sortirent de terre.
Que reste-t-il du passé de la famille Caire à La Seyne et des appellations d'autrefois ? Le Fort Caire a changé de nom depuis longtemps puisqu'il est devenu le Fort Napoléon. L'avenue du Fort Caire s'appelle aujourd'hui avenue Pierre Fraysse.
Nous savons qu'il existe encore des descendants lointains de cette famille qui sont intervenus depuis peu auprès du gouvernement britannique et de la Mairie de La Seyne dans l'espoir d'obtenir réparation des pertes subies, par leurs ascendants, au moment des combats de 1793.
Le gouvernement de la fière Albion d'aujourd'hui voudra-t-il compatir aux malheurs de Laurent Caire et des siens qui se mirent imprudemment au service de l'Amiral Hood... il y a deux siècles ! ?
À travers les siècles de notre histoire locale, de tous les personnages de haut niveau qui sont venus à La Seyne pour les raisons les plus diverses, il est incontestable que le nom de Napoléon Bonaparte est profondément ancré dans la population de souche.
Des multitudes d'ouvrages ont été écrits à son sujet. Nous nous limiterons à conter ses exploits à l'échelle locale dans le but de montrer avant tout que sa prodigieuse carrière a commencé ici, à La Seyne.
Napoléon Bonaparte (Buonaparte dans sa forme italienne), général de la République française, est né à Ajaccio (Corse), le 15 août 1769, mort au Château de Saint-Cloud près de Paris le 18 brumaire (an VIII de la République Française, une et indivisible, 9 novembre 1799).
Car il y a deux hommes en cette personnalité et deux noms : Bonaparte et Napoléon. Bonaparte, le général républicain, disparu à la fin du XVIIIe siècle est devenu l'Empereur Napoléon au début du XIXe siècle.
Ici, il sera question seulement du brillant officier d'artillerie dont l'ascension fulgurante eut comme point de départ la reprise de Toulon aux Anglais et aux Royalistes, qui avaient décidé dans la nuit du 29 août 1793 de pactiser avec l'Amiral Hood afin de faciliter l'entrée de l'escadre anglaise dans la rade de Toulon.
Le 31 août, le gouvernement de la Convention ordonne à l'armée républicaine, commandée par Carteaux, de marcher sur Toulon pour l'assiéger.
Le hasard voulut alors que Bonaparte, obscur capitaine d'artillerie de passage au Beausset début septembre, rencontre son compatriote Saliceti qui siège au quartier général de l'année républicaine.
Le commandant de l'artillerie ayant été grièvement blessé dans les Gorges d'Ollioules, Bonaparte fut appelé à le remplacer.
Ainsi s'ouvrirent pour lui les chemins de la gloire. Quelques jours plus tard, il accédait au grade de chef de bataillon provisoire.
Alors, il s'empressa d'escalader toutes les hauteurs environnantes : la Garenne, Six-Fours, Sicié...
De son regard d'aigle, il comprit d'emblée que la reprise de Toulon était conditionnée par la chute du Fort Caire, baptisé par les Anglais, redoute Mulgrave.
Bonaparte eut bien du mal à faire admettre ses plans d'action à son chef Carteaux. Par contre, il eut l'appui efficace de Dugommier.
Nous n'entrerons pas ici dans le détail de la tactique et des préparatifs militaires en vue de la reprise de Toulon. Dans le Tome I de notre ouvrage, avec l'historique de Balaguier, haut lieu de notre histoire locale, figurent les noms de toutes les batteries installées par Bonaparte.
Le 21 septembre 1793, l'année républicaine occupait La Seyne, sous les ordres du Général Delaborde, mais auparavant la ville fut évacuée, les habitants cherchant refuge dans les campagnes six-fournaises. On compta jusqu'à 380 seynois réfugiés à Sanary.
Dès son arrivée à Toulon, l'Amiral Hood fit bombarder copieusement La Seyne, accusée d'avoir construit des chalands pour les Républicains dans ses chantiers navals. La destruction de nombreuses habitations, la perte de la plupart des embarcations du port, paralysèrent pour longtemps les activités de notre population.
Bonaparte assuma les tâches les plus décisives dans le déroulement des préparatifs de l'offensive de la Colline Caire.
Dans la nuit du 17 décembre, sous une pluie diluvienne, l'armée républicaine se lança à l'assaut. En quelques heures, les Forts Caire, Balaguier, l'Éguillette, capitulèrent. Deux jours plus tard, Toulon était libérée.
Des chroniqueurs malicieux ont écrit qu'au soir de la victoire, Bonaparte aurait couché à Balaguier en compagnie de la jeune Charlotte Middleton qu'il avait connue à Marseille. Il est probable qu'elle usa surtout de ses talents d'infirmière, Bonaparte ayant été blessé la veille par la pique d'un sous-officier anglais, tandis que son cheval frappé à mort s'effondrait sous lui.
Dans cette bataille, Bonaparte avait pris la part la plus glorieuse, ce qui lui valut immédiatement une récompense de taille. Il fut élevé provisoirement au grade de général de brigade d'artillerie.
Cette nomination fut confirmée et rendue définitive à Paris par le Comité de salut public où siégeait Carnot.
Les années suivantes, Bonaparte se distingua particulièrement durant la Campagne d'Italie, puis en 1798, il se retrouva à Toulon et à La Seyne pour la préparation de la fameuse expédition d'Egypte qui se proposait suivant son inspiration de couper aux Anglais la route des Indes. Dans une lettre au Directoire, il écrivit : Les temps ne sont pas éloignés où nous sentirons que pour détruire véritablement l'Angleterre, il faut nous emparer de l'Egypte.
Pour ce faire, il fallut transporter 40.000 hommes dotés d'un matériel considérable. Des centaines de navires furent nécessaires.
Avant le départ, La Seyne reçut des milliers de soldats en cantonnement, ce qui causa bien des soucis à la municipalité du moment, présidée alors par Augustin Guigou.
Les industriels, les commerçants tirèrent de substantiels profit dans cette période, nos chantiers navals ayant reçu de nombreuses commandes : bateaux de transport, chalands, embarcations, tonneaux, voitures et caissons pour l'artillerie, ponts et passerelles pour le génie, cordages, provisions de toutes sortes.
Bonaparte vint très souvent à La Seyne vérifier la préparation du matériel et le ravitaillement des troupes, galvaniser le moral de tous. En somme, en 1793 et 1798, il affirma sa présence pendant de longs mois et notre région lui fut très familière.
Il est indubitable que ce personnage de grande notoriété a rehaussé le prestige de notre ville, surtout en 1793 avec la reprise de Toulon.
Que reste-t-il de ce passé glorieux ? Deux siècles se sont écoulés et, malgré l'action érosive du temps, les Seynois dans leur grande majorité savent le rôle éminent joué par le général républicain Bonaparte, mais ils savent aussi que la mégalomanie de Napoléon conduisit la France au désastre.
Ceux de nos concitoyens, en possession de l'Histoire de La Seyne de Monsieur Baudoin savent beaucoup sur le passage de Bonaparte dans notre terroir.
Les visiteurs de Balaguier, devenu musée naval depuis 1970, retrouvent les structures de l'époque napoléonienne, des objets : armes, cartes, maquettes... Les canons utilisés pendant le siège sont toujours là, même ceux de la batterie de la Bonne Mère récupérés par hélicoptère il y a quelques années. M. Giovannini, quelques mois après son élection à la tête de la municipalité, reçut une descendante de la famille Bonaparte qui lui remit le masque mortuaire de Napoléon Premier. Cet objet rare est conservé au Musée de Balaguier.
Le centenaire du siège de Toulon fut célébré par le Maire Saturnin Fabre, le 17 décembre 1893 avec beaucoup d'éclat. Il projeta alors d'ériger un monument à l'emplacement de la batterie des Hommes sans peur, mais ne put réaliser son désir de perpétuer l'héroïsme des courageux combattants.
On put lire, par la suite, chemin de l'Évescat, face au Fort Caire, à proximité de la propriété Donnart où la célèbre batterie avait été établie, une plaque commémorative des combats.
Précisons, au passage, que le Fort actuel, construit entre 1811 et 1813, n'était pas tout à fait terminé à la fin de l'Empire. Il ne porta le nom de Napoléon qu'après la disparition de l'Empereur.
Enfin, pour vénérer surtout le général républicain, le 30 octobre 1970 fut inaugurée la Corniche Bonaparte en présence de M. le Sous-Préfet du Var, de Madame Sangle Ferrière, présidente du souvenir napoléonien et de M. Giovannini, Maire de La Seyne.
À cette occasion, une formation de la Musique des Équipages de la Flotte interpréta la Marche consulaire de Marengo que l'Empereur affectionnait beaucoup.
M. Saturnin Fabre avait tenu à célébrer le centenaire du siège de Toulon. Bientôt, nous en serons au bicentenaire. Les édiles du moment penseront-ils à raviver la victoire des Républicains sur les Royalistes toulonnais, traîtres à leur patrie ?
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Il s'agit de Mademoiselle Lavigne, native de Saint-Malo, qui devint en 1792 l'épouse du grand écrivain François René, Vicomte de Chateaubriand (1768-1848), natif de Saint-Malo, lui aussi.
Elle vint à La Seyne au printemps de 1826 pour s'y refaire une bonne santé comme George Sand le fera une trentaine d'années plus tard.
Nous dirons plus loin les souvenirs qu'elle emporta de son séjour dans notre ville.
Mais avant d'évoquer sa personnalité attachante, ses qualités remarquables, résumons en quelques phrases ce que fut la forte individualité du Comte de Chateaubriand, écrivain de grand talent, homme extraordinaire, qui effectua des voyages célèbres en Amérique, en Orient et dont il conta les péripéties avec passion et une richesse d'expression surprenante.
Sa réputation littéraire a été largement assurée par le Génie du Christianisme, les Martyrs, Atala, René, l'itinéraire de Paris à Jérusalem, etc.
Avec sa carrière littéraire, il faudrait parler également de sa carrière politique parfois mouvementée : il fut ministre, ambassadeur. Royaliste à ses débuts, il en vint peu à peu à accepter des idées libérales et même républicaines. Membre de l'Académie Française, il a exercé une influence considérable sur le mouvement romantique.
Quand son épouse vint à La Seyne, sa réputation avait atteint les sommets de la célébrité.
Madame de Chateaubriand était une femme effacée, perdue dans l'éclat de la gloire de son mari ; ce qui ne signifie pas qu'elle était une femme vulgaire. On a dit qu'elle n'occupa jamais qu'une place médiocre dans la vie de son mari. Il l'aima toujours sans doute, mais comme on aime un ami. Bizarrerie de la nature !
Simple, spirituelle et modeste, elle avait des qualités littéraires certaines. On peut en juger par ces extraits de lettres retrouvés dans Les mémoires et lettres de Madame de Chateaubriand.
Par exemple, elle écrit de Venise en juillet 1806 à son ami Joubert :
Je vous écris à bord du Lion d'or, car les maisons ici sont des vaisseaux toujours à l'ancre. On y voit de tout à Venise, excepté de la terre. Il y en a cependant un petit coin qu'on appelle la Place Saint-Marc et c'est là que les habitants vont se sécher le soir.
Voici l'extrait d'une lettre adressée de La Seyne à M. Clausel de Coussergues, le 31 mars 1826 .
" M. de Chateaubriand vous a parlé du pays que j'habite : le plus incommode de la chrétienté, et qui ne devrait pas l'être après tout ce qu'il a souffert lors du siège de Toulon et tous les sacrifices des habitants pour soutenir la cause royale.
Il est resté cependant assez ignoré et surtout assez ignorant des vanités du monde pour que mon arrivée y ait fait sensation ; les enfants me suivaient en foule ; ils se précipitaient sous les pieds des chevaux et montaient sur les roues pour voir ce qui allait sortir de cette belle boîte.
Quand ils ont vu que c'était une dame, ils en ont fait de suite une princesse et une reine. Le nom de princesse m'est resté, mais on me traite en reine pour ce qui regarde une liste civile qu'on croit inépuisable. Je ne puis faire un pas sans être accablée de demandes ou de présents qui me coûtent également cher, mais qui me valent bon nombre de bénédictions... Du reste, ce pays est beaucoup plus joli que celui d'Hyères. La ville, qui n'est qu'un village, est sur le golfe qui termine la rade de Toulon. Elle est environnée de petits coteaux bien dessinés et plantée de vignes, de cyprès et d'oliviers.
Du village, on a la vue de Toulon et de la rade ; et si l'on monte un peu, celle de la pleine mer couverte de vaisseaux qui se croisent et d'une quantité de petits bâtiments et de bateaux pêcheurs, montés les uns par d'honnêtes marins, les autres par d'honnêtes forçats, dont les habits rouges sont d'un effet agréable tout au travers des voiles... "
Dans ses conversations et ses écrits, Madame de Chateaubriand manifestait souvent un esprit très vif et un tour particulièrement original. On lui doit une variante du vers célèbre de La Motte : L'ennui naquit un jour de l'uniformité. Au terme d'une soirée chez elle où avaient participé de nombreux professeurs, où il ne fut question que de lycées et de problèmes de l'enseignement, elle parodia le fameux vers ainsi : L'ennui naquit un jour de l'université.
Remercions Madame de Chateaubriand, elle qui eut le bonheur de porter l'un des plus beaux noms de son siècle, d'avoir donné à La Seyne qui l'accueillit en 1826 une impression bien favorable.
Dans l'histoire de notre ville de La Seyne, l'année 1893 a connu des événements particulièrement mémorables auxquels il a été fait allusion de façon très fragmentaire dans nos précédents récits.
Rappelons que dans cette période, notre cité se développait considérablement sous l'impulsion de plusieurs personnalités de haut rang : le Maire Saturnin Fabre, dont nous avons montré les qualités de réalisateur dans le Tome II de notre ouvrage, Amable Lagane artisan incomparable du développement de la construction navale, Michel Pacha promoteur dune politique de tourisme dont les incidences sur la vie locale furent très bénéfiques. Il est évident que leurs initiatives n'auraient pas suffi à l'enrichissement du patrimoine communal sans le travail acharné des ouvriers, des paysans, des pêcheurs, pas toujours apprécié à sa juste valeur. L'année 1893, disions-nous, fut marquée par des faits importants que les Seynois ne doivent pas ignorer parce qu'ils furent reliés à notre histoire nationale et qu'ils contribuèrent au grand renom de notre cité. Ce fut la visite à Toulon et La Seyne d'une escadre russe commandée par l'Amiral Avellan, suivie quelques jours après par le lancement du cuirassé Jauréguiberry en présence du Président de la République et de l'État-Major de la division russe. Sur ce dernier événement, nous avons consacré ci-dessous un texte intitulé Sadi Carnot. Les gouvernants de l'époque avaient voulu associer la Marine française à celle des Tsars et ce n'était pas un hasard, car il s'agissait pour eux de vaincre l'isolement diplomatique dont souffrait la France depuis sa défaite humiliante de 1871. Au mois de décembre de cette année 1893, fut célébré le centenaire de la reprise de Toulon aux Anglais et dont le jeune Bonaparte fut le principal artisan. Notre biographie de Saturnin Fabre a montré comment la journée du 17 décembre avait revêtu un éclat particulier avec les cérémonies organisées pour la commémoration d'une victoire d'ampleur nationale, en collaboration avec le Maire de Toulon, M. Ferrero.
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Mais revenons à la venue des marins russes qui donna l'occasion de nombreuses réjouissances, de discours officiels dont le retentissement recherché était à l'évidence le renforcement de l'alliance franco-russe. Rappelons au passage que la visite des navires russes venait en réponse à celle que la marine française fit à Cronstadt deux ans auparavant sous le commandement de l'Amiral Gervais. Les affairistes français ne cachaient pas leur satisfaction de ces échanges au bout desquels ils voyaient se réaliser leurs calculs revanchards et leur retour à la France des riches gisements miniers de la Lorraine.
Venons en, à présent, à cette journée de vendredi 13 octobre 1893 qui s'annonçait magnifique par son ciel bleu sans nuages, une mer sans le moindre clapotis, une de ces journées dont les habitants de notre rivage provençal sont si souvent privilégiés en cette saison automnale.
L'entrée de la flotte russe dans la rade de Toulon s'effectua vers les dix heures. Mais depuis le lever du jour les Seynois et les Toulonnais occupaient les rivages de la presqu'île de Saint-Mandrier, du Lazaret, de Balaguier, de l'Éguillette. De l'autre côté de la rade, les toulonnais s'étaient mobilisés eux aussi sur les rivages du Mourillon et de la tour royale.
Le croiseur français Davout salua de treize coups de canon le pavillon du contre-amiral Avellan hissé sur L'Empereur Nicolas Ier duquel s'élevaient les accents de la Marseillaise, tandis que la musique du Davout fit retentir l'hymne national russe. L'entrée de la petite rade fut rapidement envahie par des bateaux en provenance de Marseille, de Cannes, de Nice. Les équipages poussaient partout des acclamations de joie en réponse aux vivats de la population. Le navire vice-amiral était accompagné de trois unités : Amiral Nakimoff, Pamyat Azowa, Rynda, équipé par les marins de la garde impériale. On a estimé à 200.000 personnes le flot de la population toulonnaise qui voulait voir le spectacle de près. Une importante délégation seynoise conduite par M. Saturnin Fabre, Maire de La Seyne, participa à la réception des notables à la Préfecture maritime. Ce qui ajouta à l'enthousiasme des populations seynoise et toulonnaise fut la décision des autorités locales d'accorder un jour de congé à toutes les administrations et corporations. Dans notre ville, la foule grouillait sur le port. Tous les établissements étaient illuminés ainsi que l'hôtel de ville et le siège des inscrits maritimes. L'escadre russe resta au mouillage dans la rade du 13 au 30 octobre. Chaque jour, les équipages étaient reçus dans toutes les localités de l'aire toulonnaise et les réjouissances les plus diverses furent organisées : réceptions, fêtes, concerts, bataille de fleurs, banquets, bals, excursions...
Partout pour les visiteurs slaves ce furent des acclamations, et un enthousiasme débordant. On avait déjà eu l'occasion, quelques années auparavant, de faire connaissance avec des marins et des officiers russes venus prendre possession du cuirassé Yaroslav construit aux Forges et Chantiers de La Seyne. C'était en 1879. La visite de l'escadre russe n'eut pas seulement un caractère local. L'Amiral Avellan ayant touché la terre de France à Toulon, se rendit à Paris prendre contact avec des autorités militaires du plus haut niveau.
Au cours de la journée du 19 octobre, une délégation d'ouvriers de nos chantiers navals fut présentée au capitaine de vaisseau Lavroff, remplaçant de l'Amiral Avellan en voyage à Paris. Un vin d'honneur fut offert par la municipalité aux marins russes et au cours de toutes ces réjouissances, nos musiques locales La Seynoise et L'Avenir seynois jouèrent les meilleurs morceaux de leur répertoire. Le séjour de la division navale russe eut un grand retentissement bien au-delà de notre région varoise. Les liens d'amitié entre la France et la Russie allaient se renforcer jusqu'à la conclusion d'une alliance politique, économique et militaire. À partir de là, le quai principal du port de Toulon se dénomma quai Cronstadt.
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Par la suite, le gouvernement russe passa des commandes importantes aux chantiers navals seynois : le cuirassé Cesarevitch en 1898 ; le Bayan l'année suivante ; l'amiral Makaroff en 1905. L'escadre russe commandée par l'Amiral Avellan quitta la rade de Toulon le 30 octobre. Ses équipages emportèrent des souvenirs inoubliables et, de leur côté, nos anciens qui vécurent intensément les dernières années du XIXe siècle et le renforcement de l'alliance franco-russe nous ont relaté les événements de l'époque avec force précision. Mais le bon peuple ignorait les finalités de ces rapprochements politiques, de ces intrigues diplomatiques. On savait à peine qu'en 1882 avait été conclue la triple alliance qui groupait l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie ; qu'en 1892 une convention d'alliance fut signée à Cronstadt entre la France et la Russie, accord qui fut ratifié en 1893 par le Tsar Alexandre III. Cette alliance franco-russe fut complétée en 1904 par des accords signés avec l'Angleterre et porta le nom d'entente cordiale. L'opposition de ces deux blocs déboucha hélas ! sur la première guerre mondiale. Pauvres peuples trompés, manipulés, intoxiqués ! Et la télévision n'existait pas encore ! En voulez-vous un tout petit exemple ? Quand les jeunes Seynois mobilisés s'embarquèrent dans les wagons (8 chevaux - 40 hommes) en présence de leur famille, ils s'écriaient : " N'ayez aucun souci ! Dans quinze jours, nous serons de retour. Le temps d'aller couper les moustaches à Guillaume ! " Sans commentaire ! Et la guerre dura quatre ans !
NB. Postérieurement à la parution de ce Tome IV, nous avons reçu de Monsieur Hervé BERNARD, que nous remercions vivement (30 Octobre 2006), quatre illustrations complémentaires de la visite de l'escadre russe à La Seyne et notamment une photographie de l'Amiral Avellan, que nous reproduisons ci-après.
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Carnot (Marie François Sadi) (1837-1894)
Petit-fils de Lazare Carnot dit Le grand Carnot, ou l'Organisateur de la Victoire, mathématicien, officier de génie, inspecteur militaire, membre du Comité de salut public, organisateur des 14 armées de la Première République.
Fils d'Hippolyte Carnot, Député de Paris, Ministre de l'Instruction publique sous la IIe République. Il refusa de prêter serment à Napoléon III. Il finit sa carrière politique comme sénateur inamovible et Doyen du Sénat.
On pouffait citer d'autres membres célèbres de l'illustre famille Carnot.
Le personnage de Marie François Sadi Carnot intéresse plus particulièrement les Seynois parce qu'il vint, en sa qualité de Président de la République depuis 1887, assister aux Chantiers navals au lancement du cuirassé Jauréguiberry.
Son troisième prénom pour le moins étonnant vient du persan Saadi (Moslith Eddin né à Schiraz en 1184, mort en décembre 1291) personnage que Lazare Carnot admirait beaucoup pour son oeuvre littéraire (ses poèmes en particulier) et sa doctrine philosophique.
Mais revenons au lancement du cuirassé Jauréguiberry, nom d'un marin illustre, Jean Bernard Jauréguiberry (1885-1887), amiral qui occupa les plus hautes fonctions administratives et militaires. Gouverneur du Sénégal, major de la flotte à Toulon en 1869, commandant d'armée en 1870, il se distingua si brillamment, qu'il fut nommé vice-amiral.
Ce fut le 27 octobre 1893 que la mise à l'eau du beau cuirassé eut lieu en présence de milliers de Seynois et de Toulonnais. Dans les tribunes officielles se pressaient des personnalités de haut rang : Édiles, officiers supérieurs, aux galons rutilants, officiers généraux empanachés de blanc. Se mêlaient aux uniformes, des habits noirs, des gibus, des toilettes recherchées.
On pouvait remarquer la décoration spéciale des tribunes avec des oriflammes et des tentures aux couleurs franco-russes. Dans cette période de l'année 1893, une escadre russe vint à Toulon en vue de renforcer les liens d'une alliance souhaitée par la grande bourgeoisie dans la perspective de la reconquête de l'Alsace et de la Lorraine.
La guerre de 1914 se préparait lentement mais sûrement.
L'après-midi vers 14 heures, l'état-major de la Division russe arrivait sous les acclamations de la foule tandis que les canons de l'Escadre annonçaient l'arrivée du Président Sadi Carnot.
Le Président de la République fut reçu à l'appontement devant l'Hôtel de Ville par M. Saturnin Fabre, Maire, entouré du conseil municipal et des personnalités locales.
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Un cortège imposant se forma et se dirigea vers la place de la Lune. À l'entrée des locaux se tenaient les administrateurs locaux et parisiens : Jouet-Pastré, Général Sebert, Widmann, Berrier-Fontaine, Kauffer, Canet, Carié, ingénieurs, Amable Lagane, Directeur des Chantiers navals...
L'instant émouvant du dernier déclic arriva. Nos musiques locales jouèrent une vibrante Marseillaise et lentement le grand vaisseau glissa vers son élément sous les acclamations enthousiastes de toute une population pendant que des centaines de pigeons survolaient le spectacle (voir aussi notre Histoire de La Seynoise).
Le Président Sadi Carnot reprit le chemin de Toulon par l'admirable canot-major de la Marine, splendide par sa blancheur, ses ornements dorés, ses sculptures. Vingt rameurs parmi les plus robustes de l'escadre traversèrent la rade en un temps record faisant flotter fièrement le grand pavillon du Président au centre duquel dans la bande blanche brillaient ses lettres initiales brodées d'or S.C.
L'année suivante, quelques mois après son passage à La Seyne, le 24 juin 1894 précisément, Sadi Carnot fut assassiné à Lyon, poignardé par un jeune Italien de 21 ans Santo Hieronimus Caserio, anarchiste venu d'Avignon pour venger plusieurs de ses camarades condamnés à mort (dont Ravachol) et que Carnot avait refusé de gracier.
Cet événement abominable secoua profondément la population française. Les Seynois en furent particulièrement indignés car ils avaient en mémoire le souvenir tout proche du plus haut personnage de la Nation, un homme doux qui jouissait d'une réputation d'intégrité parfaite.
Ses funérailles nationales eurent lieu le 2 juillet après l'élection du nouveau Président, Jean Casimir-Perier qui conduisit le deuil.
L'assassinat du Président Carnot eut au plan local des incidences inattendues.
Notre philharmonique La Seynoise devait participer à un concours international de musique qui devait se dérouler à Lyon au mois d'août.
Son président Léon Gay s'y préparait avec passion avec son chef d'orchestre Marius Silvy. Mais les organisateurs envisagèrent en haut lieu le renvoi à l'année suivante.
Compte tenu de l'importance des frais engagés, la Fédération nationale observa que l'essentiel devait être le respect du deuil national que le gouvernement avait fixé à un mois.
Le Maire Saturnin Fabre fit repousser les fêtes locales à la fin juillet et La Seynoise participa au concours international de Lyon les 12, 13 et 14 août
Nous avons déjà raconté dans l'Histoire de La Seynoise comment elle s'y couvrit de gloire en enlevant les meilleurs prix.
La mort de Sadi Carnot fut ressentie si vivement par la population seynoise que la Municipalité décida d'apposer son portrait entouré d'immortelles sur la plus ancienne stèle du cimetière, située au bout de l'allée centrale. Au bas de ce monument surmonté d'une croix, symbole de la foi chrétienne, une fontaine avait été aménagée en 1879. Le portrait de Sadi Carnot disparut au cours du sinistre du 29 avril 1944. Depuis 1894, les Seynois appellent la stèle, colonne Carnot. Ils disent aussi fontaine Carnot. Il est bon de savoir, en terminant ce récit que Sadi Carnot repose au Panthéon près de son aïeul Lazare Carnot.
Napoléon III (Louis Napoléon Bonaparte)
Parvenu à la Présidence de la République en 1848, il prêta serment de fidélité à la Constitution. Mais trois ans plus tard, par le coup d'État du 2 décembre 1851, l'Assemblée nationale fut dissoute. L'année suivante, il devint Empereur des Français.
Louis Napoléon Bonaparte était le fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande et d'Hortense de Beauharnais, donc neveu de Napoléon Ier.
Il rêva d'exercer son hégémonie sur l'Europe et comme son oncle conduisit la France au désastre.
Nous n'allons pas ici raconter sa carrière, sa jeunesse tumultueuse, son accession au pouvoir, les réalisations parfois positives de son règne.
Pourquoi fit-il à La Seyne et à sa population l'honneur de sa visite le 28 septembre 1852 ? Cet événement mémorable appelle quelques explications.
Il faut bien dire qu'après le coup d'état et les mesures répressives qui suivirent, l'Empereur des Français entreprit de visiter plusieurs régions de France dans le but de prendre contact avec les populations et de créer des courants de popularité indispensables à son prestige.
Après l'Alsace, la Lorraine, le Berry, le Nivernais, le Dauphiné..., ce furent le Languedoc et la Provence.
Le 27 septembre, Napoléon III s'embarqua à Marseille pour gagner Toulon par la mer, sur le plus grand vaisseau de guerre de l'époque, propulsé à la fois par la voile et la vapeur, un bateau de guerre armé de 94 canons et de 26 obusiers servi par un équipage de 1200 hommes, accompagné des vapeurs Reine Hortense, Prony, Éclaireur et Berthollet.
Le Cap Sicié fut doublé dans l'après-midi. Une division navale se rendit au-devant du cortège présidentiel. L'arrivée à Toulon fut marquée par les acclamations des foules venues de toute la région, les salves d'honneur tirées de toute la côte et de tous les vaisseaux de l'Escadre. Des fêtes, des revues, des bals, des joutes furent organisés à Toulon, La Seyne et les environs.
Le 28 septembre, selon un programme méticuleusement établi, le Prince Président accompagné par les généraux Le Vaillant, de Goyen, de Montebello, du Colonel Directeur du Génie militaire de Toulon, fit à cheval plusieurs excursions sur notre terroir et exprima son vif désir de visiter les lieux où son oncle illustre, le jeune Bonaparte alors âgé de 24 ans s'était ouvert le chemin de la gloire.
Il tint à connaître les sites historiques de la colline Caire, des Forts de Balaguier et de l'Éguillette.
Il se fit expliquer dans le moindre détail les péripéties de la reprise de Toulon, les positions choisies par le jeune capitaine d'artillerie pour obtenir le maximum d'efficacité au combat. Il visita le champ de bataille avec émotion et s'y recueillit dans un sentiment de fierté et de reconnaissance à l'égard de celui qui devait devenir l'un des plus grands stratèges de tous les temps.
Ce retour vers le passé glorieux explique la véritable raison de la venue à La Seyne de Napoléon III.
Le Maire de l'époque, M. Barry, ancien officier de marine, ses adjoints et plusieurs personnalités seynoises le reçurent sur les lieux mêmes des combats de 1793 et lui présentèrent les voeux de notre ville. L'Empereur, en le remerciant, leur fit éloge de la belle tenue du port de commerce de La Seyne, du courage de sa population travailleuse qui déjà, à cette époque, savait faire prospérer ses premiers chantiers de constructions navales.
Le lendemain, Napoléon III se rendit au Mourillon où il visita les ateliers de la Maine, le Fort Lamalgue et la grosse tour. Il reçut également des délégations d'associations et de corporations.
Le 29 septembre, il regagna Marseille par mer, escorté par plusieurs bâtiments de guerre jusqu'au large des Embiez.
Les lecteurs de ce quatrième tome des Images de la vie seynoise d'antan trouveront naturel que la place consacrée à la célèbre romancière soit réduite ici à quelques généralités, surtout s'ils ont en mémoire que le Tome II lui avait déjà fait l'honneur de 40 pages relatant ses origines, les raisons de sa venue à La Seyne en 1861, son installation à Tamaris à la Villa Trucy, ses activités dans ce pays idéalement beau, ses relations avec les autorités locales, ses impressions personnelles concrétisées par la suite dans son fameux ouvrage intitulé Tamaris et dont la population a gardé des souvenirs vivaces.
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Elle est sans doute l'une des personnalités de niveau national dont on parle toujours avec vénération, à La Seyne et dans les environs.
Si elle fut combattue par certains pour ses idées progressistes, il n'est pas moins vrai que son souvenir impérissable est toujours rappelé par les écrivains, les historiens, les défenseurs du patrimoine culturel local.
Toutes les fois que des Seynois emmènent des amis en visite à Balaguier, ils sont fiers de leur montrer le fameux médaillon gravé dans la pierre, inauguré par le Maire Saturnin Fabre en 1891, lequel ouvrage représente le buste de la romancière.
Aujourd'hui, nous retrouvons le nom de George Sand en maints endroits.
N'existe-t-il pas un collège qui porte son nom ? des copropriétés comme les Hauts de Sand, les Jardins de Sand... ? N'est-il pas vrai que son souvenir demeure indélébile, que la prédiction d'Ernest Renan est en train de se réaliser ; lui, qui avait écrit dans le journal Le Temps en 1876 : " Dans 300 ans, on lira Madame Sand ! " Remercions M. Baudoin, historien local, qui lui avait rendu hommage dans son Histoire de La Seyne, il y a 30 ans déjà, un hommage repris dans le Tome II de notre ouvrage (pages 66 à 106).
Sans doute n'est-il pas inutile de compléter ce texte en rappelant le nom de quelques personnages d'une grande notoriété, de la fin du XIXe siècle et qui vinrent à La Seyne rendre visite à notre romancière avec laquelle ils entretinrent les meilleures relations.
Citons parmi les plus connues : François Buloz, directeur de la Revue des deux mondes ; Louise Michel, révolutionnaire française qui prit part à la Commune de Paris ; le célèbre acteur Bertin, le peintre toulonnais Vincent Courdouan dont les oeuvres se trouvent dans les musées toulonnais ; Victorin Sardou, écrivain auteur de Madame Sans Gêne ; le prince Jérôme Napoléon, le prince Lucien Bonaparte, l'officier de marine Talma, fils du célèbre tragédlien qui fut l'acteur préféré de Napoléon Ier.
Émile François Loubet (1838-1929)
Président de la République de 1899 à 1906, cet homme politique d'origine paysanne était né à Marsanne (arrondissement de Montélimar dans la Drôme).
Au cours de sa carrière fort longue, il fut successivement conseiller municipal de Grignan, conseiller général de Marsanne, Président du conseil général de la Drôme, Maire de Grignan, Maire de Montélimar, Député, Sénateur, Président du Sénat, Ministre des travaux publics, Président du conseil et Ministre de l'intérieur.
Le 18 février 1899, il est élu Président de la République au premier tour par 483 voix sur 824 votants. Il est le premier sénateur, Président de la République. (En ce temps-là, l'élection ne se faisait pas au suffrage universel. Seuls les députés et les sénateurs réunis en congrès élisaient le président).
Pendant son mandat, il a passé 76 jours en voyages officiels. Il a prononcé plus de 200 discours et visité 22 villes importantes dont La Seyne.
Le 14 avril 1900, il a inauguré solennellement la grande exposition universelle.
Le 22 septembre, jour anniversaire de la Première République, un grand banquet fut offert aux 20.277 maires de France.
Le Maire de La Seyne, François Bernard, y assista.
Le 12 mai 1901, Émile Loubet vint à La Seyne pour assister au lancement du cuirassé Patrie.
Il eut une pensée émue pour Sadi Carnot qui vint à La Seyne sept ans auparavant pour voir la mise à l'eau du célèbre cuirassé Jauréguiberry.
Comme lui, il arriva sur le port par la plus belle Vedette de la Marine, venant de Toulon. Nos mères, alors jeunes écolières de la rue Clément Daniel et nos papas, élèves de l'École Martini, accueillirent le Président par des acclamations joyeuses en agitant de petits drapeaux. Les petites filles portaient des rubans tricolores dans leur longue chevelure.
Nos philharmoniques La Seynoise et L'Avenir seynois jouèrent une vibrante Marseillaise (*).
(*) La musique de Saint-Mandrier La Conciliation perdit ce jour-là six mois de la subvention municipale pour ne pas avoir participé aux réjouissances de la venue du Président de la République.
Reçu à l'Hôtel de Ville par le Maire Julien Belfort, retraité de l'armée, le Président évoqua le passage de Saturnin Fabre à la tête des affaires municipales où il avait dû mener à bonne fin des projets de la plus grande utilité pour la ville et le département... et même pour des régions de France très éloignées de La Seyne. Rappelons pour mémoire qu'Émile Loubet vers la fin de son mandat signa le décret d'utilité publique approuvant le projet d'Annecy comme station estivale, ce qui avait incité le Savoyard de Paris à écrire : " Dans trois ans, Annecy, centre du tourisme international, sera l'image de l'oeuvre du grand homme, de l'ingénieur éminent Saturnin Fabre ".
Revenons à la journée du 12 mai 1901. Avant de quitter l'Hôtel de Ville, en présence du Maire Julien Belfort du conseil municipal et de nombreuses personnalités locales, Émile Loubet épingla sur la poitrine de Léon Gay, Président d'Honneur de La Seynoise, l'insigne des Palmes académiques (voir aussi notre Histoire de La Seynoise).
Après quoi, un long cortège se forma musique en tête pour se rendre vers les Forges et chantiers où devait se dérouler le lancement du cuirassé en présence du directeur M. Rimbaud, des autorités civiles et militaires venues du Département et de la Capitale.
Nous n'entrerons pas dans les détails de la cérémonie semblable à tant d'autres auxquelles la population fut associée pendant un siècle et demi.
Le Président Émile Loubet laissa aux Seynois une excellente impression, avec sa physionomie avenante, son accent méridional prononcé. On savait son passé prestigieux d'homme politique, mais son image de républicain libéral allait se ternir singulièrement à partir du vote des lois anti-religieuses sous le ministère Émile Combes.
En 1902 est ordonnée la fermeture de certaines écoles congréganistes et l'expulsion des soeurs manu militari.
L'application des lois anticléricales eut des répercussions douloureuses dans les milieux de la Chrétienté seynoise.
Depuis 1858, fonctionnait au quartier des Mouissèques un pensionnat religieux destiné aux demoiselles de la bourgeoisie. Cet établissement important qui compta jusqu'à 80 élèves comprenant de vastes bâtiments avec salles de classe, dortoirs, réfectoire, office, chapelle, entourés de jardins d'agréments et potagers.
Entre 1902 et 1905, les lois anticléricales s'appliquèrent avec vigueur aux congrégations qui avaient pris position contre Dreyfus, accusé à tort d'intelligence avec l'ennemi.
Les religieuses de La Seyne furent contraintes à l'exil. Elles se réfugièrent en Italie sous la protection de l'Évêque de Vintimille et y fondèrent un autre établissement.
Le Président Émile Loubet fut accusé indirectement d'avoir laissé faire une telle injustice mais en ce temps-là le Président du Conseil avait des pouvoirs politiques que n'avait pas le Président de la République dont le rôle était purement représentatif.
Madame Loubet, catholique fervente, réprouva la politique des Combes, Waldeck-Rousseau, Clemenceau : " On a déshonoré mon mari " déclarait-elle.
Quand, le 7 décembre 1905, fut votée la loi sur la séparation de l'Église et de l'État, Loubet hostile à la séparation dira à Combes : " C'est une couleuvre nouvelle à avaler ! Soit ! Vous m'en avez fait avaler bien d'autres ! ".
Clément Armand Fallières (1841-1931)
Président de la République (de 1906 à 1913).
Avant de vous dire les circonstances précises qui amenèrent Clément Armand Fallières sur notre sol seynois, retraçons succinctement sa carrière politique, comme nous l'avons fait pour son prédécesseur Émile Loubet.
Originaire de Mézin (Lot et Garonne), descendant d'une famille d'artisans le jeune Armand fait des études de droit. Sa carrière d'avocat sera plutôt brève. S'étant lié de bonne heure avec des notabilités du Parti républicain, sa carrière politique commença au conseil municipal de Nérac dont il devient le maire en 1870. L'année suivante, il est conseiller général. En 1876, il devient député ; sénateur quatre ans plus tard. En 1899, il accède à la présidence du Sénat en remplacement de Loubet.
Entre 1880 et 1900, il sera plusieurs fois ministre : Intérieur, Instruction publique, Beaux-arts, Justice et Cultes.
Le 18 janvier 1906, les assemblées réunies en congrès l'élisent Président de la République. Il était le candidat des radicaux-socialistes.
Armand Fallières avait un comportement simple. Assez grand, portant une longue barbe et une moustache blanches, il parlait d'une voix puissante marquée de son accent méridional.
Il a effectué totalement son mandat et ne souhaitait pas se représenter. Il aurait dit à propos de la présidence : " La place n'est pas mauvaise, mais il n'y a pas d'avancement ! ".
Il vint dans notre région assister à une grande revue navale de la flotte Méditerranéenne qui se déroula le 4 septembre 1911, sous les ordres du vice-amiral Jauréguiberry dont le croiseur cuirassé Jules Ferry portait la marque. Il y revint hélas ! Le 3 octobre 1911 pour assister aux obsèques des victimes de la catastrophe du cuirassé Liberté survenue quelques jours auparavant, le 25 septembre précisément.
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Il était accompagné du Ministre de la Marine, M. Delcassé, des députés Abel et Coreil, du Sénateur du Var M. Clemenceau, du Préfet du Var M. Hudelot, du Maire de Toulon Joachim Gasquet.
Dans notre récit du Tome I de cet ouvrage, il est longuement question de la venue d'Armand Fallières à Toulon, de sa participation aux obsèques des victimes, de son discours émouvant, des visites qu'il effectua auprès des blessés soit à l'Hôpital Sainte-Anne, soit à l'Hôpital de Saint-Mandrier, des distinctions honorifiques qu'il distribua aux marins, sous-officiers, officiers, sans oublier ceux qui avaient participé aux opérations de sauvetage.
Il ne vint pas à La Seyne même, à l'Hôtel de Ville, comme l'avait fait son prédécesseur à la Présidence de la République ; mais à cette époque, le hameau de Saint-Mandrier faisait partie intégrante de notre commune. C'est pourquoi nous pouvons considérer qu'Armand Fallières est tout de même de ceux qui ont honoré notre terroir de sa présence prestigieuse.
Nous avons consacré 45 pages du Tome I à la catastrophe du cuirassé Liberté et il a été question longuement de la venue du Président de la République. Nous ne reviendrons pas sur le sujet ; mais seulement nous tenons à souligner qu'en 1987, année de la parution du Tome I des Images de la vie seynoise d'antan, il y a donc quatre ans à peine, il nous a été possible de rencontrer un marin, rescapé de la catastrophe du Liberté et qui nous avait raconté son entrevue avec le Président Fallières, alors que grièvement blessé, il se trouvait sur son lit d'hôpital. Il s'agissait de Charles Godoc, matelot canonnier. Reprenons en quelques mots l'essentiel de son témoignage :
" ... Quelques jours plus tard le Président Fallières vint rendre visite aux blessés. Je le vois encore pénétrer dans la salle de soins. Il s'arrêta devant mon lit et me dit : " Matelot Charles Godoc, vous êtes un brave, je vous décerne la médaille militaire et la médaille d'honneur de sauvetage ".
Puis il me serra la main et me donna l'accolade sur les deux joues. Il ajouta : " Dans très peu de temps vous serez rétabli ". " Vous pensez combien je pouvais être ému ".
Quelques semaines après ce témoignage poignant, Charles Godoc s'est éteint le 1er février 1987, à l'âge de 97 ans.
Nous avions également relaté dans notre récit le témoignage de Madame Veuve Joséphine Gautier, disparue l'année précédente, le 17 septembre 1986 précisément, épouse de Louis Gautier matelot mécanicien qui périt avec trois de ses camarades sur une chaloupe désignée pour se porter au secours de l'équipage du cuirassé. Le Président Fallières s'était incliné devant la dépouille de son mari transporté à l'hôpital de Saint-Mandrier.
La journée du 3 octobre 1911 fut donc pour le Président de la République une épreuve cruelle.
La photo ci-jointe nous le montre aux obsèques des victimes, la poitrine barrée par son écharpe tricolore, portant le chapeau haut de forme. Prenant appui sur sa canne, il semblait déjà éprouver de la lassitude et pourtant la cérémonie n'en était qu'à ses débuts.
Cette journée fut sans doute pour lui, l'une des plus dramatiques de sa carrière.
Ils sont devenus fort rares ceux de nos concitoyens d'origine seynoise qui ont gardé un souvenir précis du passage de Jean Jaurès à La Seyne en 1914, mais rappelons d'abord ce que fut ce haut personnage de notre histoire nationale.
Jean Jaurès était né à Castres le 3 septembre 1859. L'universitaire sorti de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm fut l'un des dirigeants les plus prestigieux du mouvement ouvrier, l'orateur brillant qui enflammait les foules, le fondateur du Parti Socialiste unifié avant de devenir le Directeur de l'Humanité en 1904 ; celui qui proposait passionnément au peuple l'action pour la suppression de la lutte des classes en vue de réaliser le socialisme libérateur des travailleurs de la propriété oligarchique et par conséquent la fin de l'exploitation de l'homme par l'homme.
Il lutta jusqu'à son dernier souffle pour la justice sociale, contre le colonialisme, pour la Paix entre les peuples. Il défendit vigoureusement l'innocence de l'officier Dreyfus injustement accusé d'intelligence avec l'ennemi.
Il fut élu député du Tarn à différentes reprises et ses interventions à la Chambre des députés étaient particulièrement redoutées de ses adversaires politiques.
Par ses campagnes électorales, ses meetings, ses vibrants articles de l'Humanité, il représentait le plus grand obstacle à la guerre que préparaient dans l'ombre les affairistes revanchards. La Paix était pour lui un véritable apostolat.
Comme la décision du conflit qui devait devenir la première guerre mondiale n'intervenait pas assez vite, les profiteurs du crime firent assassiner Jaurès le 31 juillet 1914 par un étudiant de 24 ans du nom de Raoul Villain que l'on fit passer pour un déséquilibré.
Cet individu justifia son acte par la haine qu'il éprouvait à l'encontre des idées pacifistes du grand tribun.
Jaurès tomba, victime de son idéal généreux. Combien d'autres après lui sont tombés, et non des moindres, pour avoir défendu ardemment les grandes causes humaines de la liberté, de la justice sociale, de la Paix universelle.
Ce XXe siècle finissant n'a-t-il pas vu périr Sacco et Vanzetti, Matteoti, Liebknecht, Rosa Luxembourg, Gabriel Péri, John Kennedy, Martin Luther King, les Rosenberg, Patrice Lumumba, Ben Barka, Toukhatchevsky...
Nous pourrions remplir des colonnes de tous les martyrs de l'intolérance, de la mégalomanie, des profits crapuleux.
La grande voix de Jaurès éteinte, la guerre éclata aussitôt... On sait qu'elle fit dix millions de victimes.
Nous parlions au début de cette relation du passage de Jaurès à La Seyne. Quelle en fut la raison ?
Naturellement, le représentant du Parti Socialiste venait inciter la classe ouvrière seynoise à lutter pour de meilleures conditions de vie mais Jaurès venait surtout s'adresser à la population seynoise, de sa belle voix grave pour l'encourager à exiger des gouvernements de l'Europe et d'ailleurs une politique de Paix. Cette rencontre avec La Seyne se produisit quelques semaines avant la déclaration de guerre. La Bourse du Travail, érigée depuis peu, accueillait plus de mille participants entassés dans la grande salle et les couloirs.
Des centaines d'autres étaient massées devant l'entrée principale et les issues de secours.
Le père Sans, vieux militant syndicaliste, me déclara un jour : " La salle était pleine à craquer : j'avais pu me faufiler jusqu'à hauteur des escaliers de l'entrée pour essayer de percevoir quelques phrases de la voix si chaude et si persuasive de l'orateur ".
Un journaliste écrivit au lendemain de cette mémorable réunion : " ... Il parla de cette voix qui sortait de tout son être et qui prend tout l'être en commençant par le ventre. Nourri de tout le vin de la générosité humaine, il parla deux heures ".
Quant au soir du 31 juillet 1914, on apprit la disparition du grand militant de la paix à l'intelligence lumineuse, les militants du socialisme, les syndicalistes s'en allèrent dans les mes de la ville en criant leur désespoir : " Ils ont tué Jaurès ! Ils ont tué Jaurès ! Qu'allons-nous devenir ? ".
Il n'est pas excessif de dire que les masses ouvrières considéraient Jaurès comme le Deus ex machina qui préparait pour eux un monde meilleur.
Le choc de l'émotion passé, les membres de la section socialiste locale, se réunirent pour en savoir plus, pour fixer la conduite à tenir dans les heures et les jours dramatiques qui allaient suivre.
Mais après avoir hurlé leur protestation et leur indignation devant le crime abominable ourdi sans aucun doute par les forces de régression sociale et les malades d'un chauvinisme exacerbé, ils se séparèrent après avoir rédigé des télégrammes de condoléances à la veuve, au Parti, décidé de l'envoi de fleurs et de la participation aux obsèques.
L'obstacle Jaurès levé, le 2 août ce fut la mobilisation générale en France et les réactions en chaîne qui suivirent, entraînant dans la tourmente toutes les puissances européennes d'abord, leurs empires coloniaux et les autres continents par la suite.
Le journal l'Humanité dont Jaurès fut le premier directeur écrivit au moment où la France entrait dans la fournaise : " Pour l'Histoire, Jean Jaurès, gloire de la France républicaine et du Socialisme, restera le martyr sublime de la Paix ".
Durant son mandat, la municipalité présidée par Baptistin Paul décida de perpétuer le souvenir de cet homme de bien en donnant son nom à la belle avenue qui reliait la route du Fort Caire (plus tard François Durand) à la route des Sablettes, celle que Saturnin Fabre avait appelé avenue des Hommes sans peur en hommage aux combattants de 1793.
L'avenue des Hommes sans peur est devenue le boulevard Jean Jaurès qui dessert une école maternelle du même nom.
Georges Clemenceau (1841-1929)
Député du Var de 1885 à 1893, élu au Sénat le 6 avril 1902, mandat qu'il conserva jusqu'en 1920, Georges Clemenceau a été l'un des hommes politiques les plus connus de la Nation qui a joué un rôle particulièrement éminent pendant le premier quart de notre siècle.
Il est bien certain qu'il fut amené à prendre des contacts fréquents avec des Seynois, surtout avec les membres du Parti radical, tout puissant, vers la fin du XIXe siècle, avec les fondateurs de la Libre pensée et des loges maçonniques. De nombreux ouvrages ont été écrits sur cet homme prestigieux qui s'éleva vers les plus hauts sommets de la Nation française.
Ici, sera retracée succinctement sa fulgurante carrière avant de préciser les raisons de ses visites fréquentes à Draguignan et aussi à La Seyne.
Georges Clemenceau naquit à Mouilleron-en-Pareds, arrondissement de Fontenay-le-Comte dans le département de la Vendée, le 28 septembre 1841. Après des études de médecine, il se lança dans la politique dite d'extrême gauche, le radicalisme à l'époque.
Grâce à son éloquence mordante et passionnée, il fut surnommé le tombeur de ministères. Entre 1870 et 1893, il renvoya à leurs bancs parlementaires les chefs historiques de la République naissante : Gambetta, Ferry, Freycinet, Brisson, Grévy.
Sous la Commune, il fut maire du 18° arrondissement de Paris. Entre 1871 et 1876, il en fut conseiller municipal. Il fut député de Paris entre 1876 et 1885, puis député du Var entre 1885 et 1893. Entre 1893 et 1902, il fit beaucoup de journalisme et participa ardemment à la campagne révisionniste en faveur de Dreyfus. Il fut sénateur du Var de 1902 à 1906.
Du 14 mars au 14 octobre 1906, il fut Président du Conseil et ministre de l'Intérieur de 1906 à 1909. À ce titre, par souci de la sécurité publique, il créa les fameuses Brigades du Tigre. Il fut de nouveau Président du Conseil et ministre de la Guerre du 16 novembre 1917 au 19 janvier 1920.
Il demanda alors l'intégralité du pouvoir dans un esprit de dictature de salut public. On l'avait surnommé dans cette période le Père la Victoire.
Durant son passage à la Présidence du Conseil, il créa le ministère du travail et étendit la capacité des syndicats. Mais sa politique de répression pendant les périodes de grèves (viticulteurs du Midi en particulier), ne fut guère appréciée, pas plus que sa politique d'intervention contre la jeune république des Soviets qui déclencha la révolte des marins de la mer Noire, en 1919, à laquelle de nombreux Seynois et Toulonnais participèrent.
Après l'armistice de 1918, il exigea la récupération de l'Alsace et de la Lorraine, la démilitarisation de l'Allemagne, l'occupation temporaire de la Rhénanie, la propriété des mines de la Sarre placée sous mandat pendant quinze ans.
Sa carrière politique a donc été prodigieuse, mais elle se termina sur un échec. Candidat à la présidence de la République en 1920, il obtint 389 voix contre 408 au pâle Paul Deschanel. Il se retira de la politique avec beaucoup d'amertume. En sa qualité de député (1885-1893), puis de sénateur du Var (1902-1906), il vint souvent à Toulon et à La Seyne.
M. Saturnin Fabre, nouvellement élu Maire de La Seyne en 1886, l'invita à visiter les rivages pestilentiels de Brégaillon aux Mouissèques en vue d'obtenir des crédits pour l'assainissement des lieux. Satisfaction ne lui fut guère donnée.
La catholicité locale n'aimait pas du tout la politique anticléricale de Georges Clemenceau qui avait soutenu son ami Émile Combes, artisan de la dissolution des congrégations particulièrement à La Seyne en 1902 - celles de la Présentation ayant été obligées de s'expatrier vers la frontière italienne.
Dans ses programmes électoraux, Clemenceau promit fermement aux Varois dont le terroir souffrait cruellement de la sécheresse, d'irriguer le département grâce au détournement des eaux de Fontaine-L'Évêque.
Nous étions en 1902. Les eaux arrivèrent un jour à La, Seyne... mais ce fut en 1974. Nous savons bien qu'il y a toujours un décalage entre les promesses électorales et les actes.
Par contre, Georges Clemenceau ne négligea pas les problèmes idéologiques. Ses contacts avec Dutasta, maire de Toulon et les frères maçons et libres penseurs de La Seyne furent fréquents. Si la loge maçonnique fut mise en sommeil sous le Second Empire, elle reprit ses activités pendant la IIIe République à partir de 1890.
On parla beaucoup du Triomphe de la Concorde vers 1906 et les frères maçons de l'époque déployèrent une grande activité pour le renforcement de leur idéal. Citons quelques noms parmi les plus connus : Joseph Argentery, constructeur de navires ; Docteur Germain Loro, dont une place de notre ville porte le nom ; Louis Maïsse, modeleur ; Virgile Scalero, instituteur ; Émile Jouffret, pharmacien ; Émile Boudon commis principal des postes ; Lange Pellegrin cafetier ; Louis Fabre, contremaître forgeron.
Après son échec politique, survenu vers la fin de sa vie, Georges Clemenceau quitta le devant de la scène. Il lui restait neuf ans à vivre qu'il partagea entre les voyages et l'écriture. Il mourut à Paris le 24 novembre 1929.
Jean de Lattre de Tassigny (1889-1952)
Parmi les personnalités de haut rang dont la population seynoise doit garder un souvenir vivace et reconnaissant, il nous faut retenir particulièrement celui du Maréchal De Lattre de Tassigny, l'un des meilleurs artisans de la libération de notre ville venu à la tête de la 1ère Armée française reconstituée, en 1944, face à la barbarie hitlérienne.
Faisons connaissance avec ce personnage prestigieux dont voici la carrière fulgurante.
Il naquit en Vendée dans le village de Mouilleron-en-Pareds (comme Georges Clemenceau !), le 3 février 1889. Élève des Écoles Militaires de Saint-Cyr et de Saumur, il est officier des dragons en 1914. Il participe au combat comme cavalier puis fantassin. Il termine la guerre comme chef de bataillon. Il est à peine âgé de 29 ans. Blessé cinq fois, il est remarqué pour sa bravoure au feu et recevra huit citations.
De 1921 à 1926, il sert au Maroc. Il sort major de sa promotion à l'École de Guerre. En 1935, il commande le 151e Régiment de ligne à Metz.
Général de brigade en 1939, chef d'état-major de la Ve Armée en Alsace durant la drôle de guerre, il commanda la 14e Division d'infanterie qui se battit dans la région de Rethel. En 1941, le gouvernement de Vichy le nomma commandant supérieur des troupes de Tunisie, puis de la région militaire de Montpellier en 1942. Quand, la même armée, les Allemands envahirent la zone sud, il refusa la passivité de l'armée d'armistice. Il fut alors arrêté, emprisonné et condamné à dix ans de détention par un tribunal militaire français. Six mois plus tard, il s'évada pour rejoindre Alger. Entre 1944 et 1945, le Général Giraud lui confiera le commandement de l'année B, embryon de la future première armée.
Nombreux sont les Seynois de cette époque qui vécurent la Libération de notre Provence. Après le débarquement des armées alliées, le 15 août sur les côtes varoises, de Lattre de Tassigny débarque le 16 août avec ses hommes près de Saint-Tropez. Il installe son P.C. dans la maison de M. Coulet, Maire de Cogolin.
Le 18 août dans l'après-midi, il amorce la relève des Américains qui laisseront le soin à l'armée française de libérer le port de Toulon afin que la flotte française mutilée gravement depuis le sabordage, puisse tout de même reprendre sa place après 21 mois d'absence.
Il faudra une dizaine de jours pour que le camp retranché de Toulon soit investi par l'Ouest.
Résumons quelques étapes succinctement : les 19 et 20 août la 9e D.I.C. (Division d'Infanterie Coloniale) s'empare du Coudon et de Solliès-Ville tandis que la 3e D.I.A. (Division d'Infanterie Algérienne) investit Toulon par l'Ouest.
Le 23 août cette même 3e D.I.A pavoise place la Liberté.
Avec le concours des F.F.I. (Forces françaises de l'Intérieur) les 25 et 26 août, les derniers forts occupés par les Allemands capitulèrent.
La 7e Compagnie des tirailleurs sénégalais fait son entrée à La Seyne dans l'après-midi du 26 août.
Les 27 et 28, avec le concours des Francs-Tireurs et Partisans Français (F.T.P.F.) les forts Napoléon, Balaguier et autres fortins capitulent. Des centaines d'allemands sont faits prisonniers.
Le Contre-amiral allemand Heinrich Ruhfus qui régnait sur la presqu'île de Saint-Mandrier capitule à son tour. La Seyne a donc été libérée entièrement par les troupes commandées par de Lattre de Tassigny qui ne s'attarde pas dans l'aire toulonnaise.
Il mène une offensive brillante qui contribuera à la Libération de Strasbourg. En 1945, il devint chef d'état-major général de l'Armée et ce sera lui qui, au nom de la France, signera à Berlin le 9 mai 1945, l'acte de capitulation de la Wehrmacht.
Sa carrière se poursuivra en Indochine, en 1950, où il fut nommé commandant en chef et haut-commissaire. L'année suivante son jeune fils Bernard, officier, trouvera la mort dans les combats de Ninh-Binh. Profondément affecté par cette perte cruelle, le Général de Lattre de Tassigny meurt en 1952, victime d'un cancer des reins.
Le gouvernement de l'époque décida d'élever ce grand soldat à la dignité de Maréchal de France à titre posthume.
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Lors du 30e anniversaire de la Libération, alors que partout en France on célébrait la victoire des Alliés sur la barbarie allemande, l'association locale Rhin et Danube sollicita la municipalité pour que le nom prestigieux de Maréchal de Lattre de Tassigny soit révéré à la Seyne.
L'ancien rond-point du quartier Saint-Jean qui donne accès à la fois à Toulon, à La Seyne, à Ollioules et à Six-Fours, fut ainsi appelé après la cérémonie imposante d'inauguration, en présence de Philippe Giovannini et des conseillers municipaux et adjoints ainsi que M. Bailly, président départemental de l'Association Rhin et Danube.
Nous joignons ici une vue de la cérémonie et aussi le texte d'une lettre d'excuse de la Maréchale de Lattre de Tassigny, invitée, qui ne pouvait à la fois participer à de semblables manifestations en Provence, en Normandie, à Paris, en Lorraine...
Hommage est donc rendu ici au grand homme que fut le Maréchal de Lattre, sans oublier tous ceux qui sont tombés glorieusement dans les combats meurtriers pour la Libération de notre sol provençal et de La Seyne.
Port de Bormes, le 16 août 1974Monsieur le Député-Maire,
Hier, tandis que j'assistais aux cérémonies anniversaires du débarquement aux côtés du Premier Ministre, je songeais que la Municipalité de La Seyne inaugurait au même moment un Rond-Point Maréchal-de-Lattre.
Laissez-moi vous exprimer ma reconnaissance d'avoir choisi cette date historique pour rendre hommage à mon mari, et tous mes regrets de n'avoir pu être auprès de vous avec les Rhin et Danube de La Seyne.
Je vous prie de croire, Monsieur le Député-Maire, à mes sentiments les meilleurs.
S. de LATTRE
Un grand Français
La famille Péri, originaire de la Corse, vint se fixer dans notre terroir provençal, au début du XXe siècle, à Toulon où Gabriel Joseph Marie Péri naquit le 9 février 1902, à La Seyne également (au quartier Pont de Fabre plus précisément) où ses parents et grands-parents occupèrent des emplois administratifs avant de se fixer à Marseille.
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Laissons parler Gabriel Péri à travers ces quelques lignes extraites de son autobiographie :
" ... Mon grand-père était dans sa jeunesse parti d'Ajaccio et s'était embarqué comme mousse à bord d'un navire de guerre et avait travaillé, étudié, gagné des galons. Il termina sa carrière comme capitaine de marins ; il était titulaire de la Légion d'honneur et de la Médaille militaire.
Il fonda à Marseille une école qui préparait des élèves mécaniciens. Il s'était marié à Toulon avec une institutrice. Le frère de ma grand-mère était archiprêtre et prêchait le carême à l'église du Pont du Las. Mes parents habitèrent Toulon, La Seyne, Marseille où mon père, attaché d'administration à la Chambre de Commerce, devint directeur des Services techniques des Docks du port de commerce.
Ma famille vivait dans une aisance modeste...
... Je me suis éveillé à la vie pensante dans un monde encore en guerre... Je cherchais une explication de la guerre considérée non point seulement comme une source de souffrances mais comme un bouleversement dont je voulais découvrir le sens...
Lorsque dans mon manuel de philosophie, je lus parmi les définitions des systèmes philosophiques quelques lignes consacrées au matérialisme historique qui explique les événements de l'Histoire par les conditions économiques et que la pensée est le reflet des besoins matériels des hommes, de leurs efforts pour les satisfaire, je vis dans cette description une sorte de promotion... ".
Et plus loin : " Mon adhésion au socialisme n'a pas été le résultat de la révolte que m'aurait inspiré le spectacle d'iniquités sociales. Elle n'a pas été non plus l'effet de mes fréquentations et la conséquence d'habitudes familiales.
Ma mère était pieuse et avait veillé avec un soin jaloux à mon éducation religieuse... ".
Quand Gabriel Péri s'engagea dans le combat politique, il n'avait pas 20 ans. Pour avoir dénoncé la politique des gouvernements réactionnaires d'après la guerre de 1914-1918, au printemps de 1921 il fut poursuivi, arrêté, incarcéré.
En octobre 1924, il devint chef de la rubrique de politique étrangère à l'Humanité. Cette fonction, il l'occupera jusqu'au 25 août 1939.
Il vint très souvent à La Seyne pour y organiser les structures du Parti Communiste et à l'occasion de campagnes électorales inoubliables en 1928 et 1932.
Il ne fut pas élu dans le Var, mais prépara la victoire de Jean Bartolini, député du Front populaire en 1935. Rappelons au passage, l'élection de Pierre Renaudel en 1932 où l'on vit s'affronter trois autres candidats : Gabriel Péri pour le Parti Communiste, Jean-Baptiste Simon pour le parti radical-socialiste et l'ex sous-préfet Gozzi pour les modérés (candidat de droite).
Un propos anecdotique, au cours de la campagne électorale avait été tenu par un électeur socialiste qui s'en allait répétant : Simon Renaudel périt, Gozzi est élu. Le nom des quatre candidats, phonétiquement du moins, apparaissaient dans cette courte phrase reprise par toute la presse de l'époque... détail de l'histoire !
Les discours vibrants de Gabriel Péri à la Bourse du travail, ses joutes oratoires avec Renaudel ont laissé dans la mémoire des vieux Seynois des souvenirs impérissables.
Alors que l'auditoire était composé dans la proportion des trois quarts de partisans du candidat socialiste, Gabriel Péri, parvenait avec son talent oratoire extraordinaire et sa puissance de conviction à ébranler l'auditoire au point qu'à la fin, Renaudel ne recueillait même plus la moitié des applaudissements de ses partisans stupéfaits.
Par la suite, Gabriel Péri fut élu député d'Argenteuil (Seine et Oise). À partir de là, pendant près de vingt ans, il engagea avec une obstination remarquable un combat pour la paix et la sécurité de la France.
Il dénonça avec une rare vigueur la duperie de la politique de non-intervention en Espagne après l'agression du général fasciste Franco contre la République ; politique néfaste du gouvernement Léon Blum dont le Général de Gaulle dira plus tard qu'elle fut une ineptie.
Après la chute du Front populaire, la voix et les écrits de Gabriel Péri ne furent pas du goût des pétainistes qui gouvernaient la France d'alors en collaboration avec les nazis.
Le 15 décembre 1941, le député de Seine et Oise, vice-président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre des Députés, était fusillé comme otage par l'envahisseur allemand auquel les autorités de Vichy l'avaient livré.
Avant son exécution Pétain et Abetz tentèrent de le faire renoncer à son idéal. Quelques mots auraient pu lui assurer la vie. Il refusa avec mépris et mourut en héros, en chantant la Marseillaise.
Voilà pourquoi il méritait d'être appelé dans le titre de ce texte un grand Français.
Voilà pourquoi depuis la Libération, le rond-point reliant le quai Saturnin Fabre au quai François Bernard porte le nom de Gabriel Péri.
Le héros est entré dans la légende. Les poètes l'ont chanté. Rappelons-nous le poème de Louis Aragon : " Ballade de celui qui chanta dans les supplices " et celui de François La Colère " Légende de Gabriel Péri ".
Rappelons-nous sa dernière lettre où il déclarait quelques instants avant son exécution à l'aumônier du Cherche-Midi :
" ... que mes amis sachent que je suis resté fidèle à l'idéal de toute ma vie et que mes compatriotes sachent que je vais mourir pour que vive la France ".
Ce fils du peuple a accompli une carrière politique prodigieuse. Il est de ceux qui sont venus à La Seyne le plus souvent soit comme militant révolutionnaire, soit comme ministre de la IVe République.
Avant de préciser les raisons de ses visites et de ses contacts avec la population, voyons rapidement les grandes étapes de sa vie si féconde.
Né à Saint-Romain la Motte (Loire) le 21 mai 1903, il fit ses études à l'École de Commerce et d'Industrie de Roanne. Adolescent, il entre dans la politique et adhère à la jeunesse socialiste.
En 1920, au moment où se déroule le Congrès de Tours, il adhère au Parti Communiste. Six ans plus tard, il est membre du comité central. Entre janvier 1928 et mai 1930, il est secrétaire général des Jeunesses communistes.
À partir de 1934, il se fixa à Marseille et après le grand congrès de Villeurbanne, il entra à la plus haute instance du Parti Communiste : le bureau politique.
Il fut le grand organisateur de ses structures dans toute la Provence, le Var et les Bouches du Rhône en particulier. François Billoux viendra à La Seyne très souvent et son influence sur la classe ouvrière sera déterminante pour le développement des idées de progrès. Il en sera de même pour la classe paysanne du département : c'était l'époque du Var rouge.
Militant infatigable, quand la guerre civile éclate en Espagne en 1936, il participe aux Brigades internationales.
En octobre 1940, il est arrêté et fait partie des 27 députés communistes condamnés par Vichy à cinq ans de prison.
En 1941, il est emprisonné à Maison carrée en Algérie. Libéré le 5 février 1943, il fait partie d'une délégation du Parti en Afrique du Nord.
On le trouve alors à la tête du quotidien Liberté et dirige également la revue mensuelle France nouvelle.
En novembre 1943, il est délégué à l'Assemblée consultative et le 4 avril 1944, il entre avec Fernand Grenier dans un gouvernement de la Libération comme Commissaire d'État. Puis, il sera successivement Ministre de la Santé, de l'Économie et des Finances, puis Ministre de la Reconstruction dans les gouvernements Félix Gouin et Georges Bidault.
Le 5 mai 1947, alors qu'il faisait partie du gouvernement Ramadier, il est démis de ses fonctions, comme les autres ministres communistes parce qu'ils avaient désapprouvés l'intervention militaire française en Indochine.
Les Seynois ont le souvenir des visites fréquentes de François Billoux aux fêtes populaires du mois de mai à Janas. Ses discours étaient remarquables d'éloquence. Polémiste redoutable, il vint à la Bourse du travail pendant 30 ans défendre les justes causes de la classe ouvrière. Les sinistrés de la guerre savent que les premiers H.L.M. de la Rouve et du boulevard Staline ont été construits pour eux, alors que François Billoux émit ministre de la Reconstruction. C'est lui qui avait fait reconstruire en priorité les fermes du Vercors détruites par les Allemands. Nombre de ces constructions devinrent par la suite des locaux à usage de colonies de vacances. Des milliers de jeunes Seynois qui ont fréquenté la colonie de vacances de Presles (Isère) ont ainsi bénéficié de ces magnifiques édifices dus aux initiatives de François Billoux.
Organisateur remarquable, homme d'action rassembleur d'hommes, les Marseillais savent que ce fut grâce à lui, dans la période du Front populaire, que la cité phocéenne fut débarrassée des bandes fascistes de Sabiani.
Les populations du Sud-Est doivent beaucoup à cet homme de bien dévoué et pauvre dont le souvenir persiste toujours.
François Billoux mourut le 14 juillet 1978 à Menton. Avant sa disparition, il montra dans un ouvrage riche et simple intitulé Quand nous étions ministres, dans quel esprit de loyauté ils avaient collaboré utilement sous l'autorité du Général de Gaulle. François Billoux repose à Paris, au cimetière du Père Lachaise devant le Mur des Fédérés.
Venus de tous les coins de France et même du monde
La liste serait bien longue à établir de toutes les personnalités venues à La Seyne et cela pour des raisons d'une extrême diversité.
Celles qui figurent les premières sous la rubrique : Ils sont venus à La Seyne sont certainement des plus marquantes ; ce sont celles dont l'histoire gardera un souvenir vivace.
Des personnages de l'envergure de George Sand, de Vauban, de Napoléon Bonaparte ont fait l'objet de commentaires et d'études de haut niveau dans toutes les écoles de France et même de l'étranger. L'impact de leurs oeuvres sur la société de leur temps fut considérable et c'est pourquoi dans cette relation sommaire des développements plus longs leur ont été consacrés, comparativement à beaucoup d'autres de notoriété moindre, cités avec un minimum de références, ce qui n'enlève rien à leurs qualités et mérites respectifs.
Dans cette dernière partie seront rappelés les noms de personnalités généralement connues de la population, cependant ignorante de leur venue à La Seyne pour des séjours de plus ou moins longue durée.
Les pôles d'attraction, on les connaît bien. Rappelons tout de même les plus déterminants :
La défense militaire de nos rivages, les chantiers de constructions navales, Tamaris avec Michel Pacha, le Père Louis, point de départ du tourisme à La Seyne, la villa George Sand...
On comprend bien que les problèmes stratégiques ont amené les militaires du plus haut niveau des armées de terre et de mer, de France et de l'étranger, à fouler le terroir de Sicié.
L'Amiral Anglais Hood s'empara de Toulon en 1793 grâce à la complicité des Royalistes locaux. L'offensive organisée par Bonaparte l'obligera à déguerpir quelques mois après.
Le Contre-amiral allemand Ruhfus occupa la presqu'île de Saint-Mandrier grâce à la trahison des vichyssois, mais le 28 août 1944 l'armée française, sénégalais en tête, le força à la capitulation.
Des noms de militaires de haut rang venus à La Seyne, on pourrait en citer des centaines à partir de l'époque où s'organisa la défense de nos rivages contre la piraterie sarrasine au XVIIe siècle. Rappelons les noms glorieux de Duquesne, Tourville, Duguay-Troin, Lamotte-Piquet.
Nous parlions au début de ce chapitre de l'Amiral russe Avellan venu à La Seyne dans le but de resserrer les liens d'amitié franco-russe. Cela se passait en 1893.
Dans cette période où l'armement naval battait son plein le Tsar avait passé commande de nombreuses unités aux Chantiers de La Seyne. Ce fut l'Amiral russe Grigorowitch qui fut désigné pour suivre les travaux d'équipement de la flotte dont il avait le commandement.
Plus près de nous les Seynois n'ont-ils pas accueilli le grand Amiral de la flotte soviétique Gortchkov, venu à Balaguier rendre hommage à Bonaparte, général républicain, pour son plan de bataille magistral de la Libération de Toulon en 1793 ?
Nous savons, grâce aux Archives de Balaguier que le grand Amiral de Chine Liu Huaquio et son homologue américain Willia Rowden y ont été reçus il y a peu de temps.
Toutes les fois que des navires de guerre furent lancés par les Forges et Chantiers de la Méditerranée, des ministres de la Défense, des ministres de la Marine, les plus grands officiers étaient présents.
Citons au hasard de la plume : Pelletan, Leygues, Blancho, Delcassé, Campinchi, Amiral Lacaze, Lejeune, Pothuau, Jauréguiberry, Pietri...
Toutes les fois que des navires furent construits pour des pays étrangers, cela pendant un siècle et demi, des consuls, des personnalités gouvernementales, des militaires de haut rang sont venus assister à leur mise à l'eau et à chaque fois ce furent des jours de fête pour la population seynoise.
Dans la biographie d'Amable Lagane, ingénieur Administrateur des Forges et Chantiers pendant vingt ans, ont été mentionnés les pays étrangers qui passèrent des commandes à La Seyne : Argentine, Chili, Brésil, Italie, Grèce, Turquie, Japon, Chine, Russie, Espagne, Portugal, Egypte...
Nos chantiers navals avaient donc une réputation mondiale. Signalons au passage la venue le 26 avril 1857 du Grand Duc Constantin de Russie qui assista au lancement du Quirinal, paquebot à roues.
Après la première guerre mondiale, d'autres pays d'Afrique et du Moyen-Orient en voie de développement auront besoin de bateaux pour leurs échanges commerciaux ou leur propre défense. D'autres personnalités d'Israël, d'Arabie, d'Afrique Noire, vinrent prendre livraison de commandes fort diverses aux Chantiers navals. Après la deuxième guerre mondiale, on vit arriver à La Seyne de très hautes personnalités suédoises, norvégiennes, saoudiennes, libériennes. Peut-être avec la parution de la Revue Sillages, promise aux Seynois pour mémoriser les 150 ans de constructions navales, aurons-nous des précisions quant à la venue de personnages illustres du monde maritime, commercial, politique, religieux ?
Cette étude sommaire aurait pu être enrichie considérablement si le Livre d'or du Père Louis, établissement modeste, à ses débuts qui devint un restaurant célèbre fréquenté par de nombreuses personnalités, n'avait pas disparu. Nous pouvons tout de même affirmer que les visiteurs célèbres accueillis par Balaguier, Michel Pacha et George Sand y ont dégusté des bouillabaisses, des civets, des langoustes grillées, le tout arrosé des meilleurs crus. Si l'on sait que cet établissement fut fondé en 1790, on peut imaginer le nombre impressionnant de visiteurs : des touristes venus de tous les coins de France, des écrivains, des savants, des personnalités du monde maritime, des hommes politiques, des hommes du spectacle comme Mayol, Bertin, Alibert, Georgel, Andrée Turcy, Ouvrard, Polin, Dranem, les frères Fortuné, Silvain le tragédien, les frères Onofri, le ténor Ansaldi, etc.
Citons quelques célébrités du temps passé connues du monde entier : Auguste Renoir, le célèbre peintre limousin qui venait se reposer à proximité de la Résidence d'été des Evêques de Toulon (L'Évescat) ; le grand musicien Camille Saint-Saëns qui occupa souvent à Tamaris une villa appelée La Provençale. Cécile Chaminade, l'une des rares femmes compositeur et pianiste professionnelle de la fin du XIXe siècle (qui connut un grand succès de son vivant et donna des concerts aux Etats-Unis et en Angleterre), fréquenta dès 1901 cette même villa La Provençale, où elle venait se reposer. Onze ans plus tard, elle s'installa définitivement dans le quartier.
L'écrivain et poète italien Gabriele d'Annunzio attiré à la fois par le charme de Tamaris et le prestige des hauts-lieux historiques de la libération de Toulon en 1793, passa sur nos rivages des heures inoubliables.
Ce que l'on sait moins c'est la venue à La Seyne de François, fils aîné de Victor Hugo qui vint souvent franchir le portail aux deux lions blancs à Tamaris. Pourquoi la famille Hugo ? Parce qu'il faut expliquer que notre grand poète, contraint à l'exil par Napoléon III, avait désigné Michel Pacha comme administrateur de ses biens. Ce qui explique les relations amicales qui s'ensuivirent entre les deux familles.
NB. L'information ci-dessus (en rouge), extraite de l'article de presse de Jean Debout (République – Var-Matin du 19 décembre 1983), a été reprise par Marius Autran, puis recopiée telle quelle dans une dizaine de sites internet, sans que jamais la moindre source historique n'en soit fournie. Elle est donc très peu vraisemblable, d'autant que : 1) Michel Pacha était proche de l'empereur Napoléon III et dont probablement pas un ami de Victor Hugo ! et que 2) Les deux fils de Victor Hugo, Charles et François, sont décédés repectivement en 1871 et 1873, dont plus de 10 ans avant que Michel Pacha ne s'installe à Tamaris. Que François Hugo ait pu « passer le portail aux lions » semblerait donc relèver de la pure poésie...
À proximité du Fort de Balaguier une villa nommée La Villa Blanche fit longtemps parler d'elle : elle fut la propriété d'Édouard Bourdet (1887-1945), auteur dramatique, journaliste et administrateur de la Comédie-Française. Le célèbre Jean Cocteau de l'Académie française y vint souvent ainsi que de nombreuses autres auteurs et personnalités du monde du théâtre furent les hôtes d'Edouard Bourdet : Marcel Achard, Marc Chadourne, Colette, Pierre Dux, Louis Jouvet, Jacques de Lacrételle, Fernand Ledoux, François Mauriac, Paul Morand, etc., sans oublier le compositeur Georges Auric et le peintre Christian Bérard [communication personnelle de M. Gérard Jamin, qui nous a montré les photos de toutes ces personnalités, prises à la Villa Blanche].
Dans la villa Les Terrasses, voisine de la Villa Blanche d'Edouard Bourdet, il faut aussi mentionner les séjours de la compositrice Germaine Tailleferre, unique femme du célèbre Groupe des Six, du temps où elle était mariée (de 1925 à 1929) au caricaturiste américain Ralph Barton.
L'écrivain Pierre Louÿs séjourna aussi à Tamaris, mais c'était au Grand Hôtel.
Et voici maintenant un détail curieux de l'histoire seynoise.
Le richissime et très chrétien Michel Pacha se rendait souvent à Paris pour s'occuper de ses affaires personnelles et surtout de problèmes financiers. L'un de ses avocats les plus efficaces se nommait Waldeck-Rousseau, celui qui devint au début du siècle Président du Conseil des ministres et l'un des protagonistes les plus fervents de la séparation de l'Église et de l'État au moment où Émile Loubet, dont nous avons déjà mentionné la venue à La Seyne était Président de la République. Tous deux répondirent à une invitation de Michel Pacha qui sans doute intercéda en faveur des religieuses de la Présentation frappées d'expulsion par le pouvoir de l'époque.
Nous savons que son intervention fut inopérante.
Dans cette période, Michel Pacha invita Jean Bosco le fondateur en 1859 des Salésiens, ordre des prêtres de Saint-François de Sales. Il n'est pas inutile de dire à ce propos que le mécène de Tamaris s'était intéressé à la création des Écoles d'apprentissage que Bosco voulut lancer en faveur des jeunes de la classe ouvrière. Michel Pacha soutint cette oeuvre qui existe toujours depuis le début du siècle.
Quelques années avant sa disparition, il encouragea également une oeuvre de la plus haute importance : les frères Lumière, Louis et Auguste, occupaient à Tamaris une villa nommée l'Orientale où fut aménagé un laboratoire destiné aux deux savants qu'on doit considérer comme les inventeurs du cinématographe.
Il faut bien préciser que ce fut à cet endroit précis que pendant un hiver les frères Lumière mirent au point leur avant-projet de cinéma avant de se rendre à La Ciotat. Un autre savant et non des moindres vint aussi à Tamaris dans une villa nommée Beau site pour offrir à sa mère un lieu de repos absolu. Il s'agit de Gustave Eiffel l'ingénieur, créateur de la Tour qui porte son nom et qui, du haut de ses 320 mètres, propulse les ondes de la télévision dans tous les azimuts.
Il n'est pas possible de terminer cette étude, sans évoquer les grands noms des hommes politiques, des militants des grands courants de pensée, des syndicalistes de toutes tendances, venus défendre âprement les revendications humaines, les grandes valeurs de la justice et de la Paix, la cause sacrée de la liberté.
Leurs voix chaleureuses, leurs discours vibrants et enthousiastes ont retenti à la porte des usines, des chantiers navals en particulier. Dans les trois quarts du siècle écoulé, on peut affirmer que des centaines d'orateurs ont occupé la tribune de la Bourse du travail, construite, rappelons le, au tout début du siècle.
Répétons les noms de ces personnalités les plus connues : Jules Guesde, Louise Michel, Jean Jaurès, Pierre Renaudel, Maurice Thorez, Léon Jouhaux, Jacques Duclos, Gabriel Péri, Eugène Hénaff, Gaston Monmousseau, Marcel Cachin, Benoît Frachon, Ambroise Croizat, Paul Ramadier, etc.
Arrêtons là l'énumération et les commentaires relatifs à tous ces personnages venus de tous les milieux sociaux, de tous les horizons politiques, de toutes les sensibilités culturelles qui ont contribué, chacun à leur manière, à enrichir la glorieuse histoire de la communauté seynoise.
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© Jean-Claude Autran 2023