|
|
Accès aux répertoires de chansons :
A voir aussi : |
|
Etienne JOUVENCEAU Extrait du "Filet du Pêcheur", n° 5, 21-22 (1982) et n° 7, 29-31 (1983) |
Aujourd'hui, quand on veut connaître, et apprendre, une chanson nouvelle (un " tube ", comme on dit dans le jargon actuel), on n'a que l'embarras du choix pour les moyens : radio, télé, électrophones (disques), magnétophones (cassettes) sont là pour vous la seriner jusqu'à plus soif. Mais, autrefois, dans les années 1920-1930, comment faisait-on puisque ces moyens n'existaient pas ? Et bien, on attendait les dimanches matin, ou les jours fériés. Car, ces jours-là, au bas du marché (cours Louis Blanc), à l'endroit où se dresse approximativement la fontaine, se tenaient souvent des groupes de musiciens ambulants, accompagnés d'une chanteuse : un accordéon, une guitare, un banjo, une batterie... On faisait cercle autour d'eux. Ils vous proposaient, pour quelques sous, une feuille imprimée sur laquelle les paroles étaient écrites, et la séance commençait. La chanson était interprétée plusieurs fois ; vous suiviez les paroles sur la feuille, et vous fredonniez avec la chanteuse. Ensuite, vous pouviez continuer de l'apprendre à la maison.
Bien que jeune garçon, j'ai retenu quelques-uns de ces airs à la mode, souvent avec les paroles, malgré quelques trous de mémoire.
- Ainsi, relent d'un exotisme de pacotille :
- Ou bien, nostalgie de l'Espagne, de ses palais, de ses parfums :
- Et pendant la guerre du Maroc, cette expédition du Rif qui fit couler bien des pleurs :
- Plus tard, quand les femmes commencèrent à s'émanciper, que de succès obtint cette " scie ", qui fut bientôt sur toutes les lèvres :
- Ou bien, sur un air de charleston, qui devint une danse à faire fureur :
- Encore une autre, qui remporta également un énorme succès :
- Quelquefois, des chansons qui se voulaient comiques laissaient percer des allusions égrillardes :
- Ou bien :
- Quant aux femmes fatales, elles sont de tout temps :
Etc... Etc
Je suis persuadé que des Seynois en ont retenu bien d'autres
Peut-être même ont-ils conservé dans leurs archives, certaines de ces feuilles imprimées qui permettaient d'apprendre et de retenir ?
Témoignages d'un temps passé, c'est avec beaucoup d'émotion qu'on les tiendrait entre ses mains. L'époque est révolue, mais elle avait son charme, qu'en pensez-vous ?
Étienne JOUVENCEAU (suite)
Extrait du "Filet du Pêcheur", 7, 29-31 (1983)
J'ai rappelé, dans le " FILET " (4° Trimestre 82) comment on faisait, à La Seyne, entre les années 1920-1930, pour retenir les chansons à la mode, et j'ai essayé pour cela de faire revivre les groupes de musiciens et de chanteurs ambulants qui les serinaient à qui mieux mieux, le dimanche matin, au bas du Marché.
Mais, vers 1930, il y eut un progrès incontestable. Car s'ouvrit sur le port, à l'endroit où se trouve actuellement la pharmacie, une boutique à l'enseigne : " PATHE-CONCERT ". Le propriétaire était : M. Pastorino (qui fut le père de Robert, secrétaire-général adjoint de la Mairie, trop tôt disparu) et, plus tard M. Dalmasso (dont le fils est un fidèle de notre société). Cette boutique renfermait des espèces de cabines vitrées comportant un tourne-disque que l'on déclenchait par l'introduction d'un jeton valant 50 centimes. Le nom de la chanson était mentionné sur la cabine, et il y avait 2 écouteurs extérieurs qu'on se plaquait aux oreilles. En général, on y allait 2 amis ensemble, car on entendait aussi bien avec un seul écouteur, et cela permettait, avec 50 centimes, d'écouter deux airs au lieu d'un seul, chacun y allant de sa quote-part.
... Donc, le dimanche matin, après avoir promené plusieurs fois de long en large sur le Port et le cours Louis Blanc, on faisait une petite station à " PATHE-CONCERT ", seul ou avec un (ou une) ami(e). Que de chansons célèbres entendues par ce moyen ! Je les ai encore dans les oreilles et vais essayer de vous en faire ressouvenir.
Un chanteur très renommé de ce temps-là avait pour nom : FRED GOVIN. Son répertoire était dans le courant des chansons d'avant-guerre, avec drames, catastrophes ou fausse sentimentalité. C'est ainsi qu'on se pâmait sur les aventures des femmes infidèles et les vengeances des maris trompés : meuniers, pêcheurs, etc...
- ou bien, sur un tintement de cloche lancinant :
- et encore :
- Une scie également eut son heure de gloire, et s'entendait partout :
Ce qu'un "titi" seynois avait transformé de cette façon :
- Et celle-ci, qui fut sur toutes les lèvres très longtemps :
- J'ai retenu aussi cette satire (grivoise) des moeurs de nos voisins d'Outre-Manche (voile-toi la face, o pudique Albion !)
- Beaucoup de succès également par les airs d'opérettes, où s'illustrèrent des couples qui eurent des " fans " inconditionnels : ainsi, Maurice Chevalier (avec l'actrice américaine Jeannette Mac Donald) et sa " parade d'amour " dont l'air principal était " La marche des grenadiers " (je sais encore l'air, mais les paroles, adieu !) ; Henri Garat (avec l'actrice Liliane Harvey) :
- Il y avait aussi Albert Préjean (avec l'actrice Annabella ?...)
- Et le fameux baryton André Baugé, qui remporta un triomphe avec " La route est belle " :
- De même, l'actrice Louise Brooks (je crois qu'elle fut miss Monde) susurra à satiété une espèce de complainte (dans le film, elle était " trucidée " par son fiancé) :
- Et puis, ce fut la révolution dans le rythme et dans les sujets avec l'apparition de Mireille et Jean Nohain, et des chanteurs Jean Sablon, Pills et Tabet, etc...
- Même les chansons comiques eurent leur période faste. Quels sont ceux de ma génération qui se souviennent du grand comique " Milton ", dit Bouboule, une espèce de Bourvil avant la lettre, et de ces deux succès, tirés, je crois, du film : " Cendrillon de Paris ".
Je pourrais enchaîner sur les " tubes " de Berthe Sylva, notamment ces fameuses " Roses Blanches ", qui ont tant fait pleurer Margot, mais dont l'exagération et la sensiblerie ne m'ont jamais touché.
Que conclure de tout cela ? Qu'autrefois on sacrifiait volontiers le rythme à la guimauve, qu'on était beaucoup plus friands de " sirops " ? Sans doute, c'était le goût de l'époque. Mais on avait au moins une qualité : On chantait en français !
Je ne suis pas xénophobe, mais il faut avouer que cette anglomanie, ou américanomanie, dont nous subissons continuellement le matraquage, commence à m'échauffer singulièrement les oreilles. Et vous, qu'en pensez-vous ?
Retour à la page d'accueil des archives et souvenirs de Marius Autran
Retour à la page d'accueil des archives et souvenirs de Jean-Claude Autran
Retour à la page d'accueil du site
jcautran.free.fr
|
© Jean-Claude Autran 2016