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Chansons de marins (cahier d'Emile KerHervé)
Souvenirs de campagne en Guyane : 1905-1907


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A voir aussi :


Ma gosse
Madeline
Besoin d'aimer
La Mignarde
Les blondes
Allons Mademoiselle
Carmen
L'école buissonnière
Le Parigot
Fleur de Seine
Le plaquage
Le chemineux
Le violon brisé
La Dame de Pique
Amour de trottin
Pour le bon motif
Les mamans
Les heures
Folichonnade
L'heure du bandit
Types de femmes
L'heure du rendez-vous
Vous êtes si jolie
Les Dragons de Villars
Les filles-mères
L'étoile d'amour
Mandoli-Mandola
L'Italienne
Mireille
Le baiser perdu
Le biniou
La Petite Tonkinoise
Méchant-Méchante
La ferme aux fraises
L'oreiller
La môme aux grands yeux
Pour avoir la fille
Le vieux voyou
Le rêve du marin fusilier
La petite marchande de tabac
Le Patour
Gavroche ou l'enfant de Paris
Mon gosse
Frou-Frou
Les passants
Bergeronnette
Une fête à Pékin
Si les femmes savaient s'y prendre
Un voyage de Ministre
L'œil du Lundi
Les boulvardiers
Ma Gosseline
La Pucelle de Belleville
Vieilles larmes
Titania
Le Paradis de la Femme
A la ferraille
Suzon ma blonde
Fleurs et papillons
Câline
Lettre de Pierrot à Colombine
Réponse de Colombine à Pierrot
L'amante infidèle
Le printemps chante
Roule-Roule
Lettre des Colonies
Vin d'amour
Vive la classe
Au clair de la Lune
Brise des nuits
Le Domino rose
Les adieux d'un marin
Salut aux ouvriers
La ferme des rosiers
La Créole
Sur les fortifs
Berceuse de Jocelyn
Marche des cambrioleurs
Le Credo du paysan
Le matelot de Nantes
Fais dodo
Allons la Môme
Les rêves
L'ouverrerien
Le tout petit apprenti
Le Momiguard parisien
L'amour sur l'eau
Le chemineau
Le déserteur 70-71
Le petit rigolo
Gervaise
Brin d'amour
Mam'zelle Muguette
La petite ouvrière de Paris
Carmencita
Couleur de rose
Ma petite maîtresse
Prenez garde aux flots bleus
Chez les marsouins
Le naufrage
Un tout petit bout d'homme
Chanson Créole Cayennaise "Malrade"

Les chansons de ce répertoire ont été recopiées à partir d'un vieux cahier appartenant à notre ami Serge Malcor et qui était l'œuvre d'un cousin de sa grand-mère, l'ouvrier mécanicien Émile KerHervé, dont c'était un souvenir de campagne en Guyane Française (1905-1906-1907) à bord de la frégate à roues Jouffroy.

Ce document de près de 300 pages manuscrites est inestimable car il contient les textes de plus de 100 chansons de l'époque, recopiées à l'encre violette par Émile KerHervé, certaines étant illustrées de ses propres dessins coloriés au crayon et à la plume. Si quelques-unes de ces chansons sont connues (Le printemps chante, Frou-frou, La Tonkinoise, Le violon brisé, La chanson des heures, Le crédo du paysan, etc.), il semble que les 90 % environ du cahier contiennent des textes aujourd'hui oubliés. C'est pourtant ce que devaient chanter les marins vers la fin du XIXe siècle ou au début du XXe. Quelques textes sont marqués par le patriotisme (Gavroche ou l'enfant de Paris, La ferme aux fraises, La ferme aux rosiers), l'antimilitarisme (Le déserteur 70-71, A la ferraille, Vive la classe), la vie des marins et la mer (Le rêve du marin fusilier, Les adieux d'un marin, Prenez garde aux flots bleus, Le naufrage), la misère et les inégalités sociales (Les filles-mères, Salut aux ouvriers, L'Ouverrerien, Le Chemineux), l'époque coloniale (Lettre des Colonies, La Créole, Le Momiguard parisien). Mais la plus grande partie a pour thème les femmes, les rencontres garçons-filles, les déceptions amoureuses, tout ceci dans le contexte de l'époque et exprimé dans un style quelquefois naïf et touchant par son naturel.

Bien que n'appartenant pas à nos archives familiales, nous avons tenu à faire connaître le contenu de ce document extraordinaire en reproduisant la totalité des textes de chansons avec quelques-unes des illustrations d'Émile KerHervé.

 

 

Ma gosse

I
Allons, Mimi, soyons sincères
J' vois bien qu' ton béguin pour moi est passé
Je n'ai pas l'art de savoir faire
D' l'amour l' grand ressort est cassé.
Tu rêves à d' autres conquêtes
T'as raison il fut s'amuser
Mais avant d' partir ma bichette
Fais-moi l' aumône d'un baiser.
 
1er Refrain
Les trésors sont superflus
Et puisqu'on ne s' reverra plus
Encore un baiser mignonne
Sur ta lèvre qui frissonne
Mais avant de se détester
Il faut bien savoir se quitter
Nous avons trop fait la noce
Adieu ma Gosse

II
J'ai compris qu' tu voulais des toilettes
J' suis pauvre, je n' puis t'en donner
Quelque vieux te monte la tête
Avec de l'or pour t'entraîner.
Il te paiera des chapeaux d' reines
Des bottines qui font rêver
Qu'un soir chez Gaillard l'on étrenne
Qu'ensuite l'on use sur les pavés
 
2e Refrain
Les trésors sont superflus
Et je te dis sans un mot de plus
J' n'avais qu' les yeux d' ma brune
Et l'amour comme fortune
Bien qu' l'on s'aimait comme des fous
On est malheureux sans le sou
Va-t-en rouler carrosse
Adieu ma Gosse
III
Mais maintenant puisqu'on se quitte
Tout simplement et pour toujours
Tu pleures, c'est ton cœur qui s'acquitte
Et qui paye sa dette à l'amour.
A plus d'une femme encore
Je dirais, sans être maladroit,
Vous êtes jolie, j'vous adore
Et j' mentirais si c' n'est à toi.
 
3e Refrain
Et maintenant qu'il n'y a plus d'espoir
Et que l'on ne dois plus se revoir
Dans l'étreinte de l'ivresse
Goûtons les dernières caresses
Donne-moi ce corps moulé
Qu'un riche vient de m'enlever
Que l'amour soit qu'un négoce
Adieu ma Gosse.
 
Cayenne, 2 Xbre 1905

 

 
 


Madeline


I
Lorsque j'épousais Madeline
Un p'tit trésor de chasteté
Devant le maire, d'une voix câline
Elle me jura fidélité.
Je crus à sa promesse sublime
Mais j' la surprends un beau matin
Dans une conversation intime
Entre les bras de mon voisin.
 
Refrain
Depuis qu'elle m'est infidèle
Je sens que ça trouble ma cervelle
Ma p'tite Madeline était divine
J'avais son cœur, c'était l' bonheur
Maintenant j' me grise
J' fais des bêtises
Ça fend mon pauvre cœur de bois
Voilà pourquoi je bois

II
Le soir de nos noces c'était un ange
Par pudeur elle n'osait pas
Devant moi tirer sa fleur d'oranger
Son corset ni sa paire de bas.
Maintenant au Moulin de la Galette,
Imitant M'zelle Grilly au trou
Elle fait la roue, lève les gambettes
Pour que tout le monde y regarde ses d'sous.
 
Refrain
Depuis qu' l'oiseau s'est envolé
Mon pauvre cœur s'est tout troublé
Ma p'tite Madeline était divine
Elle me jurait qu'elle m'adorait.
Maintenant elle noce
Et roule carrosse
Ça fend mon pauvre cœur de bois
Voilà pourquoi je bois
III
Mais elle ne s' paiera pas d'ma tête
Des femmes j'en ai autant qu' j'en veux
Des belles filles aux riches toilettes
Qui m'offrent des boudoirs somptueux
Mais Madeline, j' l'aimais tout-de-même
Comme le désert aime le chameau
Comme le pianiste aime sa gamme
Comme la fleur aime sa goutte d'eau.
 
Refrain
Depuis qu'elle m'est infidèle
Je sens que ça trouble ma cervelle
Ma p'tite Madeline était divine
J'avais son cœur, c'était l' bonheur
Je ne veux pas croire à mes déboires
On dit pourtant qu'elle s' moque de moi
Voilà pourquoi je bois

IV
Je veux oublier l'infidèle
Après tout, qui vivra verra
Elle n'est pas la seule qui soit belle
Ah ! Que j' l'aime qui m' la rendra
Mais je ne suis pas le seul sur terre
Qui soit un cocu réussi
Il y a un Henri IV et Molière
Il y a peut-être bien plusieurs ici.
 
Refrain
Depuis qu'elle m'est infidèle
Je sens que ça trouble ma cervelle
Ma p'tite Madeline, ah ! qu' ça m' chagrine
Sa trahison perd ma raison
Ma belle poupée, on m' l'a chipée
Sans elle il n'y a plus d' bonheur pour moi
Voilà pourquoi je bois
 

  
 

Besoin d'aimer

I
Ce n'est point la beauté fatale
Qui vous frappe par enchantement
Ni la nature sentimentale
Qui fait qu'on aime passionnément
J'suis timide, tout l' monde m'en blâme
J' n'ose jamais déclarer ma foi
Mais il paraît qu'une grande dame
En pince pour m'on p'tit je n' sais quoi
 
Refrain
Si c'est une chauve au regard fauve
Une petite grue au coin d' la rue
Une négresse aux belles grosses formes
Je veux l'aimer et la charmer
Ah ! qu'elle vienne assouvir mon âme
J'ai besoin d'une femme

II
Est-ce bien pour moi qu'est cette lettre
Ah ! Qu'elle embaume le Lubin
Je sens frissonner tout mon être
Joli garçon v'nez chez moi demain
J' dirige un cinématographe
Je vous f'rai voir mon cher ami
Les œuvres d'un grand géographe
Et les tableaux les plus exquis
 
Refrain
Si c'est une blonde à taille ronde
Une gigolette qu'a d' la galette
Ou bien une veuve qui fait peau neuve
Je veux l'aimer et la charmer
Ah ! qu'elle vienne assouvir mon âme
J'ai besoin d'une femme
III
Une dame me regarde amoureusement
Pourquoi s'est-elle voilée
Si j'osais me déclarer seulement
Quoi ! C'est pour moi c'te bonne fortune
Ah ! Mon succès est insensé
Ce soir, j'ai quatre femmes au lieu d'une
Je n' sais pas par laquelle commencer
 
Refrain
Si c'est une reine, même lointaine
Une princesse aux grandes Altesses
Une sultane, j' serai son tzigane
Je veux l'aimer et la charmer
Ah ! qu'elle vienne assouvir mon âme
J'ai besoin d'une femme


 

  
 

La Mignarde

I
C'était par une nuit sereine
Gugusse rentrait à la maison
Quand il vit en passant la Seine
Une jeunesse qu'enjambait l' pont
Il s'arrête et s'empare d'elle
Elle se débattit puis pleura
Faut-il que l'existence soit cruelle
Pour qu'on veuille s' détruire à c't'âge-là
 
Refrain
On la surnommait la Mignarde
Et déjà lasse de souffrir
Elle avait fui loin de sa mansarde
Croyant plus sûrement en finir
On la surnommait (la Mignarde) (bis)

II
Pourquoi ce désespoir pauvre fille
Dit le jeune homme en l'embrassant
Hélas, monsieur, j' n'ai plus d' famille
Répondit-elle, bien tristement
Puis bien bas : J'avais cru sincère
Un homme qui me laisse dans l'abandon
Dans quelque temps je serai mère
Et l'nfant n' portera pas son nom
 
Refrain
Voilà pourquoi dit la Mignarde
Que déjà lasse de souffrir
J'avais fui loin de ma mansarde
Croyant plus sûrement en finir
Voilà pourquoi dit (la Mignarde) (bis)
III
C'est ainsi qu'il apprit qu' la p'tite
Seule et ne sachant où aller
Après avoir été séduite
Avait résolu d' se noyer
Alors il dit gaiement ma chère
Puisque le plus gros d' l'ouvrage est fait
Son nom au lieu d' celui d' son père
Portera le mien, je l'adopterai
 
Refrain
Oublions l' passé, la Mignarde
Car je ne veux plus te voir souffrir
Quitte bien vite ta mansarde
Qu' l'amour d'un autre t'avais fait fuir
Oublions l' passé (la Mignarde) (bis)

IV
Bref, pas plus tard qu' la semaine dernière
Ils en sont allés tous les deux
S' marier devant monsieur le maire
Avec les témoins derrière eux
Depuis qu'ils ont joué c' tour de force
Qu'il n'est pas lieu de regretter
Ils demanderont d'autant moins l' divorce
Qu'ils ont mis de temps à s' décider
 
Refrain
On la surnommait la Mignarde
Et l' brave cœur qu'a su la secourir
A fait renaître dans sa mansarde
L'amour qu'un autre avait fait duir
On la surnommait (la Mignarde) (bis)
 

  
 

Les blondes

I
Je l'avais vue un beau matin
Et parbleu j' l'avais suivie
Elle trottinait, gentil trottin
Sous le soleil, toute jolie
Je n'avais certes pas dessein
De pousser si loin l'aventure
Et je contemplais en chemin
Sa ravissante chevelure
 
Refrain
C'était une blonde, une blonde de 16 ans
Et rien en ce monde ne semblait plus séduisant
Que sa gorge ronde, ses cheveux d'or caressants
Car c'était la plus blonde, la plus blonde des blondes

II
J'embrassais ses beaux cheveux blonds
Un soir qu'elle fut moins farouche
Et le chemin n'était pas long
Mon Dieu, des cheveux à la bouche
Mon cœur n'était pas un glaçon
Et ses lèvres étaient jolies
Ce fut la fin de la raison
Le commencement des folies
 
Refrain
C'était une blonde, une blonde de 16 ans
Et rien en ce monde ne semblait plus séduisant
Que sa gorge ronde, ses cheveux d'or caressants
Car c'était la plus blonde, la plus blonde des blondes
III
Soit à Suresnes, soit ailleurs
Nous allions cueillir par les branches
Autant de baisers que de fleurs
Sans même attendre le dimanche
Quittant l' bureau ou l'atelier
Pour faire l'école buissonnière
Si je n'étais pas le dernier
Elle n'était pas la dernière
 
Refrain
C'était une blonde, une blonde de 16 ans
Ame vagabonde, le sourire du printemps
On dit que les blondes ont de doux enchantements
Et j'avais la plus blonde, la plus blonde des blondes
IV
Enfin, tout passe, on le sait bien
Chacun subit sa destinée
Du bonheur, il ne reste rien
Qu'un peu de douleur obstinée
Quand revient le printemps vermeil
L'âme rêveuse et chagrinée
Je pense aux cheveux de soleil
De celle que j'ai tant aimée
 
Refrain
C'était une blonde, une blonde de 16 ans
J'oubliais le monde, ses chagrins et ses tourments
On dit que les blondes font le bonheur des amants
Et j'aimais la plus blonde, la plus blonde des blondes

 

 
 

Allons Mademoiselle

I
Un soir, je vis une brunette
Ayant les yeux baissés
Elle regardait, très inquiète
Entre les pavés
Afin de savoir la cause
De son p'tit air inquiet
Je luis dis, cherchez-vous quelque chose
Que vous venez d'égarer… ah !
 
Refrain
Allons mademoiselle, n' baissez pas les yeux
Quittez donc, ma belle, ce p'tit air soucieux
Si c' sont vos jarretières qu' parterre vous cherchez
Je vous en paye une paire, chez le premier mercier

II
Non ! m' répondit la donzelle
Vous n'êtes pas malin
Alors, dis-je à la sirène
Accordez-moi votre main
Il fait froid et des engelures
Ça fait bien souffrir
Des gants, dites-moi la pointure
Je vais vous en offrir… ah !
 
Refrain
Allons mademoiselle, n' baissez pas les yeux
Quittez donc, ma belle, ce p'tit air soucieux
Si c'est une lettre de votre amoureux
Daignez me permettre de vous en écrire deux
III
Soudain, continuant ma course
Je me dis : j'ai trouvé
C'est sans doute sa bourse
Qu'elle vient d'égarer
Tirant un louis, j' m'approche
Je m' dis c'est peut-être ça
Qu'est tombé de votre poche
En faisant un achat… ah !
 
Refrain
Elle me répond : jeune homme, des louis j' n'en ai pas
Mais j'accepte la somme, ainsi que votre bras
Et comme fin d'histoire, elle me dit : t'as deviné
Je cherchais une poire et j' viens de la trouver


 

  
 

Carmen

I
Terrible sous le ciel d'Espagne
Séville, avec ses gais refrains
Et partout tes danses accompagnent
Castagnettes et tambourins
Les fleurs rempliront l'arène
Pour fêter le toréador
Et lui, tremblant, le cœur en peine
A sa belle murmurait encore

Refrain
Toujours ma belle
Tu fus cruelle
A l'amour du toréador (bis)
Mais je l'oublie
A toi ma vie
Crois-moi, Carmen, te t'aime encore (bis)
II
Il paraît, la foule charmée
Laisse éclater de longs bravos
Et lui, cherchant sa bien-aimée
Calme parmi les toréadors
Il l'aperçoit et son sourire
Dévoilant les secrets du cœur
Semble rayonner et lui dire
Pour toi, je veux être vainqueur

III
Mais Carmen dont le cœur oublie
Dans les yeux garde le dédain
Et lui, ressent la jalousie
Qui fait pâlir son front soudain
Il jette son glaive dans l'arène
De tous côtés on l'applaudit
Mais il répète à l'inhumaine
Quand sur lui le taureau bondit
 

  
 

L'école buissonnière

I
Au lieu de fréquenter l'école
Où l'on acquiert un fouet savant
Gamin à tendance agricole
J'allais jadis le nez au vent
J'ai négligé d'apprendre à lire
Je ne sais pas non plus écrire
Mais j'ai profité des ruisseaux
Qui coulent à travers les roseaux
Mais j'ai profité des ruisseaux
Que les prés verts, la marjolaine
Pour moi seul semblaient écouter
Et voilà pourquoi Madeline
Voilà pourquoi je sais aimer (bis)

II
Si j'ignore l'arithmétique
Ce qui nuit à mes intérêts
C'est que dans mon cerveau rustique
Frissonne la voix des forêts
Je ne saurais point, j'en ai honte,
Faire un calcul, le moindre compte
Mais j'ai profité du soleil
Qui donne ses rayons vermeils
Mais j'ai profité du soleil
Qui sur les monts et sur les plaines
Pour moi seul semblait se lever
Et voilà pourquoi Madeline
Voilà pourquoi je sais rêver (bis)
III
J'ai fait l'école buissonnière
A travers les sentiers, les chemins creux
Vive la brise printanière
Qui rend les talus amoureux
Je soupçonne à peine les termes
Que l'on récite loin des fermes
Mais j'ai profité des pinsons
Qui font leurs nids dans les buissons
Qui du printemps grisant l'haleine
Pour moi seul semblaient chanter
Et voilà pourquoi Madeline
Voilà pourquoi je sais aimer (bis)


 

  
 

Le Parigot

I
Où que l' vrai Parigot habite
C'est tout là-haut et pas ailleurs
De l'autre côté d' la limite
De nos grands boul'vards extérieurs
Montparno, le Moulin d' la Galette
Le Champ d'Asile et la Goutte d'Or
Le quai d'Orsay, la petite Villette
V'là ses domaines et châteaux-forts
 
Refrain
Quand on est Parigot, qu'on fume un long mégot
Qu'on a quelquefois le bon mot
Une bonne thune comme magot
Qu'on s'explique en argot, comme feu madame Angot
On n'est pas un gogo, quand on est Parigot

II
J'sui un Parigot qu'aime la fête
Quand d'un petit œil chiffonné
Une jolie môme me fait risette
Je m' laisse facilement entraîner
Mais si la poule veut d' la galette
Pour ses petits talents journaliers
Je lui dis, en remettant mes chaussettes
T'as pas la trouille, gentil bébé
 
Refrain
Quand on est Parigot du boulevard de Sébasto
Ma jolie petite Margot, qu'on a pas Burbago
Quand on est gros costaud, c'est avec un béco
Que l'on paye son éco, quand on est Parigot
III
Quand arrive la tête nationale
Ce jour-là, le bon Parigot
A la porte d'un troquet s'installe
Pour y planter le premier drapeau
Devant un litre son œil s'illumine
Et donne à force de s'arroser
Son nez devient rouge comme une capucine
C'est son genre à lui d' pavoiser
 
Refrain
Quand on est Parigot, le jour du 14 Juillo
L'on fait sauter l' goulot d'une bouteille de Pernod
Et comme on est poivrot, en sortant d' chez l' bistro
On embrasse les sergots, quand on est Parigot

IV
Mais quand une escarmouche éclate
Tout là-haut sur le continent
Au risque d'y laisser une patte
L' Parigot est au premier rang
Et dans l' plus fort de la bataille
Gouailleur et narguant l'étranger
On l'a vu, criblé de mitraille,
Chanter en narguant l'étranger
 
Refrain
Quand on est Parigot, qu'on tient sur ses ergots
Qu'on tire l' flingot, au Soudan, au Congo
Et qu'on n'est pas manchot, pour défendre son drapeau
On s' fait trouer la peau, quand on est Parigot
 

 

Fleur de Seine

I
C'était une gosse de 18 ans
Venue au monde un soir de déveine
La gosse n'avait plus de parents
Libre de son dimanche et d' sa semaine
Elle s'en allait d'un air fripon
De Billancourt à Bagatelle
Le soir, elle se couchait sous les ponts
Et la rivière, c'était chez elle
 
Refrain
Elle avait un jupon plein d' trous
Elle fréquentait un tas d' voyous
Mais quand elle passait près de vous
Avec de grands yeux noirs et doux
Le jeune homme comme le patriarche
Désireux de l'attendre sous l'arche
Disait : c'est le printemps qui marche

II
Elle était belle comme les amours
Elle avait un cœur de grisette
Mais vagabonder tous les jours
C' n'est pas facile de rester honnête
Aussi se donna-t-elle sans peur
A Charlot la terreur de la berge
Qui lui prit la taille et le cœur
Dans les bosquets d'une vieille auberge
 
Refrain
Elle avait un jupon plein d' trous
Elle fréquentait un tas d' voyous
Mais quand elle passait près de vous
Avec de grands yeux noirs et doux
Voyant sa frimousse enguichante
Comme un beau jour qui vous enchante
On s'dit : c'est le printemps qui chante

III
A force de passer des nuits
A regarder la lune argentine
D'avoir des coups de ses ennemies
Elle s'en alla de la poitrine
Un soir, elle se jeta dans l'eau
Morte, elle était encore jolie
Elle a fait son dernier dodo
Dans le lit d' la Seine, son amie
 
Refrain
On la plaça dans un grand trou
Sans croix, sans nom, comme un toutou
Là-bas, à Pantin, tout au bout
Par un matin de Juin si doux
Seul un rôdeur de rivière
L'ayant accompagnée au cimetière
Disait : c'est le printemps qu'on enterre

 

 

Le plaquage

I
Dans des ménages d'amoureux
Pour une simple bagatelle
On devient nerveux et grincheux
On se dispute, on se querelle
L'homme s'écrit : c'est pas rigolo
J'ai soupé des joies du ménage
La femme répond : j'en ai plein l' dos
Voilà comment s' font les plaquages
 
Refrain
Pour un mot, pour une bêtise
Pour un regards, pour presque rien
On se quitte, quelle sottise
Au fond pourtant l'on s'aime bien
Chacun croit avoir du courage
En prenant la mouche aussitôt
L'on crâne, l'on n'en pense pas un mot
Dieu que c'est bête le plaquage
II
Monsieur faisant le fanfaron
Dit : « Fallait-il que je sois bête
De m'embarrasser d'un crampon
Qui féroce et qui perd la tête »
Madame ouvrant son joli bec
Dit : « Conserve ton insolence
Tu peux même emporter avec
Ta paire de cornes d'abondance »

III
Alors on entend des gros mots
« Femme de rien, chipie, bécasse
Ramolli, fourneau, rigolo »
Bref, tout le répertoire y passe
L'on s'emballe, on devient des crins
Là, commence une danse nouvelle
Qu'on appelle la danse des crins
Avec accompagnement de vaisselle
IV
Ainsi finissent les romans
Commencés sous des rubans roses
Se croyant très fiers, les amants
Se quittent simplement par pose
Chacun s'en va de son côté
Heureux de son indépendance
Oui, avec la liberté
Les pleurs et les regrets commencent

Refrain
Pour un mot, pour une bêtise
Pour un regards, pour presque rien
On se quitte, quelle sottise
Au fond pourtant l'on s'aime bien
Chacun croit avoir du courage
En chassant bien loin son bonheur
On brise son amour et son cœur
Dieu que c'est bête le plaquage
 

  
 

Le chemineux

I
Libéré de maison centrale
Ayant déjà fait maintes escales
Fuit comme un lépreux
Sur la route longue et boueuse
Marche un homme à la face creuse
C'est un chemineux
Tout transi sous ses loques grises
Que traversent les coups de bise
D'un hiver brumeux
Dans un âtre, le pauvre hère
Rêve de réchauffer sa misère
Rêve chemineux

II
Mais au loin point une lumière
C'est une ferme qu'il considère
Du vieux toit fumeux
Il s'approche, espérant peut-être
Y récolter quelque bien-être
Pauvre chemineux
« Mais qui donc frappe à cette heure
Rôde autour de notre demeure
Quelque galvodeux
Du chien, je vais lâcher la chaîne »
Entend-il, sur ces mots de haine
Fuit le chemineux
III
Comment redevenir honnête
Même quand je courbe la tête
L'on m'appelle gueux
A chacun de mes pas je butte
A quoi bon continuer la lutte
Dit le chemineux
Et pourtant jadis au calvaire
Brisé, résigné, sans colère
Le Christ généreux
Pour la fraternité menteuse
Est mort sur la croix lumineuse
Dit le chemineux

IV
Mais un lourd vertige l'assaille
Car, sans pitié, la faim travaille
Son estomac creux
« Vais-je donc crever sur la route
Oh non, dit-il, coûte que coûte,
Dit le chemineux
Et comme au ciel, pas une étoile
De la nuit ne perce le voile
Dans son poing noueux
Serrant son gourdin, il regarde
De sa rencontre, Dieu vous garde
C'est un chemineux
 

  
 

Le violon brisé
Paroles de René deSAINT-PREST et de L. CHRISTIAN
Musique de Victor HERPIN
Chanson créée par Mme AMIATI (1885)

I
Sur la route poudreuse et blanche
Où nos drapeaux ne passent plus
Un vieillard va, chaque dimanche,
Rêver seul aux pays perdus.
Parfois de sa lèvre pâlie
Monte une plainte vers les cieux
C'est le regret des jours joyeux
Et c'est l'histoire de sa vie :

Refrain
Ils ont brisé mon violon
Parce que j'ai l'âme française
Et que, sans peur, aux échos du vallon
J'ai fait chanter la Marseillaise !

II
J'ai voulu savoir cette histoire
Il me l'a contée en pleurant ;
Gardez-là en votre mémoire
C'est celle d'un coeur simple et grand :
Un soir, me dit-il, sous les chênes
Je faisais danser les enfants
Quand les ennemis triomphants
Jetèrent l'effroi dans nos plaines !

III
Tous s'enfuyaient devant leurs armes
Rouges, hélas ! de sang français ;
Fou de douleur, cachant mes larmes
Tout seul vers eux je m'avançais
- Qui donc es-tu, toi qui nous braves ?
Firent-ils en me renversant ;
- Je suis, dis-je, en me redressant
L'ennemi des peuples esclaves !

IV
- Tu railles bonhomme ? Eh bien joue
Les hymnes chers à notre roi !
Alors leur main souilla ma joue
Mais la France vivait en moi !
Je jouai de Rouget de Lisle
L'ardente et sublime chanson ;
Ils brisèrent mon violon
En voyant leur rage inutile !

 

  
 

La Dame de Pique


I
Manon, je t'aime et pour t'avoir
Il faut posséder des richesses
Pour toi, j' m'en vais jouer ce soir
Et j'aurai tes folles caresses
Je te donnerai ce que tu veux
De l'or pour remplir tes cassettes
Et des diamants plein tes cheveux
Et des bijoux et des toilettes
Allons au jeu
Cinq louis d'enjeu
Dame de Pique, sois favorable
Coupez, je donne cartes sur table
Manon, ce soir je gagnerai
Et d'or je te couvrirai
 
Refrain
Gagné, gagné
Quel destin fortuné
Toujours les jeux
Sourient aux amoureux
Tu peux jeter
De l'or sans épargner
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Manon, j'ai gagné

II
J'amasserai beaucoup d'argent
Pour te parer comme une reine
Puisque ton cœur est exigeant
Ton amour m'apportera veine
Manon, je veux jouer encore
J'aime tant ton regard de flammes
J'entasserai de l'or, de l'or
Dussé-je au diable jouer mon âme
Allons au jeu
Vingt louis d'enjeu
Dame de Pique, sois favorable
Coupez, je donne cartes sur table
Manon, ce soir je gagnerai
Et d'or je te couvrirai
 
Refrain
Perdu, perdu
J'en reste confondu
Adieu, bijoux
Adieu, les baisers fous
Perdu, perdu
M'étais bien défendu
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Manon, j'ai perdu

III
Mes derniers louis courent au jeu
Pour chercher la chance trop rebelle
Tricher ! Dans ma tête en feu
Quel démon torture ma cervelle
Mais si je perds, elle me quittera
Ses beaux yeux bleus, sa taille frêle
C'est un autre qui les aura
Oh ! non, jamais, elle est trop belle
Allons au jeu
cent louis d'enjeu
Dame de Pique, sois favorable
Coupez, je donne cartes sur table
Manon, ce soir je gagnerai
Et d'or je te couvrirai
 
Refrain
Pincé, pincé
Oh ! ma mie, j'ai triché
Voleur, voleur
Manon, quel déshonneur
Voleur, c'est moi
L'on me montre du doigt
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Manon, c'est pour toi

 

  
 

Amour de trottin

I
L'autre soir, rue de la Paix
Je suivais un trottin , blond comme un ange
Qui devant moi trottinait
Découvrait un mollet rond et bien fait
Moi, rien que d'entrevoir un bas noir
Le cœur me bat, c'est étrange
Je ferais tout pour l'avoir
Ça n'a pas moi, j' m'suis dit : « Vas-y »
Mais je reçois du coup un superbe atout

Refrain
Quand sonne midi, qu'il soit Vendredi
Samedi, Lundi, Mardi
L'on peut certainement
Passer un bon moment
Avec un trottin au minois lutin
C'est gentil, oh ! combien
D'un chic très parisien
Et ça ne coûte presque rien
II
Que m'importe un soufflet
Très discret, à déjeuner je l'invite
Elle accepte des yeux, moi je veux
Me montrer très généreux
Apportez, dit le patron, un plat cher
De pommes de terre frites
Annoncez, dit le garçon, un plat d' saucissons
Du Moët et Chandon
Au dessert, j'ai pris ses deux pommes d'api

III
Le petit trottin chaque soir
Vient me voir en sortant d' chez les pratiques
C'est un bien mal élevé
Il ressemble aux Gavroches du passé
Mais quand arrive le moment
Le plus pathétique
Elle découpe vivement, son petit boniment
Quoi ! minuit déjà, que va dire papa
Refrain
Quand sonne minuit, le trottin s'enfuit
Court chez ses parents sans bruit
Et dit : « j'ai travaillé
Très tard à l'atelier »
Faut pas, dit l' papa, travailler tant qu' ça
Bah ! répond le trottin, peut-être que demain
L'on travaillera jusqu'au matin


 

  
 

Pour le bon motif

I
Un soir tout en me promenant
Ayant l' cœur en goguette
J' rencontre, marchant l' nez au vent
Une blonde fillette
Je m'approche près d'elle
Mais aussitôt la belle
Baisse les yeux timidement
Et s'enfuit rapidement
Je m' dis cré nom
C'est du guignon
Comme elle trottinait vite
Tout le long (bis) du trottoir
J'embrassais la petite
Tout le long (bis) du boulevard
Car elle avait j' vous l' jure
Tout le long (bis) des mamelons
Une jolie devanture
Tout le long (bis) sur le fronton

II
Je m'approche d'elle en insistant
En lui faisant risette
Je lui murmure un mot galant
Monsieur, m' dit la fillette
Je suis encore rosière
V'là la maison d' mon père
Et si j' vous plais tant qu' ça
Demandez mon aile à papa
Montons vivement
Fis-je carrément
Elle avait la taille mince
Tout le long (bis) du palier
En montant j' la pince
Tout le long (bis) de l'escalier
Et de mes bras j' l'enlace
Tout le long (bis) des mamelons
Et finalement j' l'embrasse
Tout le long (bis) du menton
III
Entrez m' dit-elle en ouvrant
La porte toute grande
Papa va v'nir dans un instant
Vous f'rez votre demande
Assiez-vous là tranquillement
Mais, lui dis-je carrément
Je voudrais bien nonobstant
Prendre un petit acompte avant
J' l'embrasse vivement
Sur le moment
Comme elle avait du monde
Tout le long (bis) du buffet
J' passe mon bras à la sonde
Tout le long (bis) du corset
Quand l' papa, saperlotte
Tout le long (bis) du divan
Arrive et m' flanque sa botte
Tout le long (bis) du cadran

IV
Bref, je finis par l'épouser
Et par cérémonie
Je voulus inviter à dîner
Mes anciennes bonnes amies
Y avait la Caroline
Nini, Blanche, Albertine
Et ma femme qui m' dit : Louis
Quelles sont ces dames, je répondis :
Ce sont mes amours des anciens jours
Ah ! m' répondit-elle tout de suite
Tout l' long (bis) de mes côtés
S'il eut fallu que j'invite
Tout ceux (bis) que j'ai gobés
Et qu'ils soient à la ronde
Tous venus (bis) pour me voir
Nous aurions eu du monde
Tout le long (bis) du trottoir
 

  
 

Les mamans

I
Sous les caresses maternelles
Nous grandissons dans un doux nid
Impatients d'avoir des ailes
Pour voltiger dans l'infini
Mais, méchants, ingrats, que nous sommes
Meneurs de terribles serments
À peine sommes-nous des hommes
Nous faisons souffrir les mamans (bis)

II
Chers bambins, chers petits anges
Changés vite en petits démons
Gazouillez comme des mésanges
Car vos propos, nous les aimons
Et comme vous faisiez naguère
Quand défilait le régiment
Ne parlez jamais de la guerre
Ça fait tant trembler les mamans (bis)
III
Puis, quand vous serez dans la vie
Livrés à vous-mêmes un jour
Sans défaillance et sans envie
Luttez pour nous à votre tour
Mais si le sort met en déroute
Les fiers espoirs de vos vingt ans
Ne quittez pas la droite route
Ça fait tant pleurer les mamans (bis)

IV
Mais redoublez de gentillesse
Quand leurs cheveux seront bien blancs
Afin d'égayer leur vieillesse
Redevenez petits enfants
Entourez les de vos tendresses
Soyez câlins, soyez aimants
Ne ménagez pas vos caresses
Ça fait tant plaisir aux mamans (bis)
 

 

Les heures
(La chanson des heures)
Poème de X. PRIVAS

I
A qui sait aimer les Heures sont roses,
Car c'est le Bonheur qu'elles font germer ;
En l'Eden secret des amours écloses,
Les Heures sont roses
A qui sait aimer

II
A qui sait souffrir, les heures sont noires
Car c'est la douleur qu'elles font germer
En l'âme blessée, au choc des histoires
Les heures sont noires
A qui sait souffrir
III
A qui sait aimer, les heures sont grises
Car c'est le souci qu'elles font lever
Par les cœurs troublés, par d'amères crises
Les heures sont grises
A qui sait aimer

IV
A qui sait mourir, les heures sont blanches
Car c'est le repos qu'elles font fleurir
Aux cœur détachés de vitales branches
Les heures sont blanches
A qui sait mourir
 

 

Folichonnade

I
Près du bois de Boulogne lorsque je l'aperçus
Je n'osai lui parler, puis, prenant le dessus
Je m'approchai pourtant, chapeau bas, la voix tendre
« Mademoiselle », lui dis-je ; elle n'eut pas l'air d'entendre
Elle allongeait le pas, moi, j'allongeai le mien
Elle avait l'air de dire : « Cristi, comme ça le tient »
Puis, je recommençai lorsque ma toute belle
M' dit « J'aperçois mon oncle, ah ! laissez-moi », dit-elle
Et je vis un monsieur très chic et décoré
L'embrasser sur le front en l'appelant bébé

Refrain
Comme l'on cueille une fleurette
Ce fut à peine une amourette
Un seul jour je fus son amant
Mais ce souvenir m'est charmant
Petits pieds, petites menottes
Elle avait de blanches quenottes
Qui croquaient en un seul jour
Toute une éternité d'amour

II
Je les suivis de loin, souffrant comme un martyr
Lorsqu'hier le hasard vint pour me secourir
Cette fois je fis mieux et je l'emportai presque
Dans mon petit logement. Ah ! ce fut romanesque
J'étais fou d'amour, elle sentait le jasmin
Elle avait une taille à prendre dans la main
Une bouche à caresses et non pour le mensonge
L'œil d'un bleu de ciel qui se voile et qui songe
Chemise fine en batiste, corset droit tout brodé
Elle sentait la fortune, le monde chic et calé
III
Ce fut exquis, charmant, mais, dit-elle en partant
Ah ! j'ai perdu ma bourse, me voici sans argent
J'étais embarrassé, craignant lui faire injure
Je lui donnai cent francs pour prendre une voiture
Vous m'écrirez, dit-elle : initiales A. V. F.
V'nez dimanche à l'église, vous m' trouverez dans la nef
J'y suis allé cent fois, jamais je l'ai revue
Lorsqu'hier vers minuit, au tournant d'une rue
Je l'aperçus causant à des filles du trottoir
En leur disant : « crois-tu, je n'ai rien fait ce soir »

 

 

L'heure du bandit


I
Partout la nuit étend son voile
Rendant propices mes exploits
Au ciel, il n'est une étoile
Je règne en maître dans les bois
A moi bandit, par la nuit brune
La bourse du riche passant
Par mon poignard, vers la fortune
Oui, je m'achemine à l'instant

Refrain
A moi richesse
A moi l'amour
Reines et duchesses
A moi serez un jour
Tremblez, c'est l'heure
Il est minuit, minuit c'est l'heure
C'est l'heure du bandit
II
J'avais une amante fort belle
Que j'aimais comme un insensé
J'aurais donné mon sang pour elle
Ne vivant que pour son baiser
Un jour maudit, mon adorée
Me quitta pour un grand seigneur
Depuis, mon âme est ulcérée
Mais seul, je serai mon vengeur

III
Je brave la neige et la bise
Et même le plomb des soldats
Les obstacles, je les méprise
Et je ne crains rien là-bas
Sous mon manteau, ma carabine
Sait porter ma balle à bon port
Dans les sentiers, ma loi domine
Malheur au riche, à moi son or
IV
Qu'importe ici-bas la conscience
Qu'importe la voix du remords
La loi, c'est l'or, c'est la finance
Le droit n'appartient qu'au plus fort
J'aurai palais, chevaux, voitures
J'aurai des courtisans flatteurs
Mais grâce à l'amante parjure
Mon cœur n'aura plus de bonheur


 

 

Types de femmes

I
On fait bien des plaisanteries
Sur les femmes, mais l' sexe féminin
Comprend plusieurs catégories
Que j' décris en un tour de main
D'abord, dans le quartier Bréda
Entrons chez Mam'zelle Amanda
Un salon criard
Où tout est tocard
Puis ensuite la chambre
Un vieux canapé
D'anciens velours frappés
Vous respirez l'ambre
Une dame en peignoir
Vous prie d' vous asseoir
Ça vous asticote
Vous l'appelez mignon
Elle répond « l' pognon »
« Ça, c'est la cocotte »

II
Quand Paris gaîment s'illumine
En allumant ses feux le soir
Il est un type qui chemine
À petits pas sur l' trottoir
Avec mois, v'nez un instant
Au boulevard d' Ménilmontant
Des cheveux graisseux
Un jupon crasseux
Traînant la savate
Un affreux ruban
Qui jadis fut blanc
Lui sert de cravate
Plusieurs fois par jour
Elle offre son amour
D'une voix crapuleuse
Ça fera l' bonheur
D'un affreux souteneur
« Ça, c'est la rouleuse »
III
Ailleurs vivement je m' transporte
Pour trouver une autre variété
Et je m'en vais entrouvrir la porte
Qui laisse voir la haute société
En poursuivant notre chemin
Poussons au faubourg Saint-Germain
Voyez cette beauté
Pleine de volupté
L'œil cerclé de bistre
Elle est pleine d'orgueil
Pour une croix à l'œil
Elle vient d' chez l' ministre
Elle dit au mari
Mon époux chéri
J' n'aime que vous au monde
Puis elle va l' tromper
Avec son cocher
« C'est la femme du monde »

IV
S'il est une femme sur terre
Qu' ici j' suis fier de montrer
C'est la femme du prolétaire
Que tout le monde doit respecter
Où trouve-t-on de plus saines amours
Chez les ouvriers des faubourgs
Seule à la maison
Elle est sans façon
Elle n'est pas coquette
Tout comme ses parents
Elle fait des enfants
À la bonne franquette
Elle s' fait pas prier
À quoi bon s' gêner
Faut qu'e la France repeuple
Et pour les élever
Elle trime à crever
« C'est la femme du peuple »
V
Mais si des femmes y a bien des types
Gais, tristes, charmants ou moqueurs
Il en est une dont le principe
A le don d' rallier tous les cœurs
C'est celle dont les devoirs sont tracés
Qui porte secours à nos blessés
C'est l'humanité
C'est la charité
Pour l'âme meurtrie
C'est pour le soldat
Vaincu au combat
Un peu d' la patrie
C'est pour les douleurs
Un baume enchanteur
Calmant les souffrances
Messieurs ! chapeau bas
La croix rouge au bras
« C'est la femme de France »


 

 

L'heure du rendez-vous
Paroles et musique de Marcel LEGAY

I
Du bois nous revenions par une nuit profonde
Et nous allions rêvant par le même chemin
Nous souciant fort peu s'il existait un monde
Car nous n'avions tous deux que le ciel pour témoin

Refrain
Et je disais alors à ma belle au cœur tendre
Demain sous les bosquets, loin des regards jaloux
Quand sonnera minuit, seul j'irai vous attendre
N'allez pas oublier l'heure du rendez-vous (bis)
II
Les mains pleines de fleurs, nous courions dans les herbes
Le serpolet rampant nous formait un tapis
Le vent soufflait léger, les peupliers superbes
Balançaient dans les airs leurs faîtes reverdis

III
L'on entendait au loin dans la brume sonore
Le chœur des montagnards monter jusqu'aux cieux
Les merles tapageurs ne sifflaient pas encore
Dans les sentiers perdus s'aimaient les amoureux
IV
Elle va revenir, voici le temps des roses
Le soleil printanier vient de les effleurer
Et nous nous redirons les plus petites choses
Qui grandissent l'amour et parlent d'avenir


 

 

Vous êtes si jolie

I
Vous êtes si jolie, ô mon bel ange blond
Que mes yeux éperdus partout vous chercheront
Pardonnez leur folies
Ma jeunesse, mon luth et mes rêves ailés
Mes seuls trésors hélas, je les mets à vos pieds
Vous êtes si jolie

II
Vous êtes si jolie, ô mon bel ange blond
Que mes lèvres amoureuses en baisant votre front
Semblent perdre la vie
Je ne suis que poète et dans ma pauvreté
Je compte sur mon cœur et sur votre bonté
Vous êtes si jolie
III
Vous êtes si jolie, ô mon bel ange blond
Que mon amour pour vous est un amour profond
Que jamais l'on oublie
Pour vous plaire, de la mort je ne ferai qu'un jeu
Je deviendrai parjure et je renierai Dieu
Vous êtes si jolie


 

 

Les Dragons de Villars
(Extrait de l' Opéra Comique en 3 actes :
Romance de Sylvain, acte I, air n° 3)
Musique de Louis-André MAILLART
Livret d'Eugène CORMON et LOKROY

I
Ne parle pas, Rose, je t'en supplie
Car me trahir serait un grand péché
Nul ne connaît le serment qui nous lie
Ni le secret, en mon âme caché
Mais quand l'hiver brise son nid fragile
Pousse l'oiseau vers de lointains climats
Et que Dieu pense aux malheurs qui m'exilent
Ne parle pas, Rose, ne parle pas

II
Dieu nous a dit en ton humble demeure
Garde une place à la veuve à l'orphelin
Donne au vieillard et au pauvre qui pleure
Avec amour la moitié de ton pain
Si tu le fais lorsque la cloche tinte
À l'angélus répond, tout bas, tout bas
Et si tu crois à la parole sainte
Ne parle pas, Rose, ne parle pas

III
Ne parle pas, Rose, je t'en supplie
Toi qui fut cause ici de ma douleur
J'ai méconnu les serments d'une amie
Si ton amour a su charmer mon cœur
Mais Dieu voulut lui donner la clémence
En pardonnant et faire son bonheur
J'ai dans le cœur un rayon d'espérance
Ne parle pas, Rose, ne parle pas

 

 

Les filles-mères

I
Elle était bonne dans un petit restaurant
Croyant toujours l'amour des hommes sincères
Elle devint la maîtresse d'un client
Qui disparut la voyant près d'être mère
Les habitués disaient d'un air narquois
C'est singulier comme la bonbonne profite
Ici l'on mange des plats de premier choix
L'air de Paris fait engraisser ma petite.
Lorsqu'elle ne put cacher sa position
L' patron lui dit, éclatant de colère
Vous avez mis la honte dans ma maison
Fichez-moi le camp, je ne veux pas d'une fille-mère

II
Etant sans ressource, à la maternité,
Elle vint demander le cœur gros de souffrance
Si l'on pouvait la prendre par charité
Pendant quelque temps avant sa délivrance
V'nez dans deux mois, lui répond l'employé
Lorsque viendra votre poupon qui est en route
L'on vous gardera pendant trois jours entiers
C'est bien assez pour le prix qu' ça vous coûte.
Dans d'autres asiles, on lui dit brusquement
Cous n'êtes pas de Paris, ça c'est une autre affaire
Adressez-vous à votre département
Nous ne pouvons pas nous charger des filles-mères
III
Les ironies de l'administration
Faisaient saigner le cœur de la pauvre gosse
Et les voyous sans aucune compassion
Passaient près d'elle en riant de sa bosse.
À la mairie elle vient demander un secours
Le chef de bureau lui dit d'un ton farouche
Vous êtes trop pressée, repassez un de ces jours
Lorsque vous serez relevée de vos couches.
Si vous gardez votre enfant avec vous
L'on vous donnera deux langes et une brassière
Un beau berceau d'osier de vingt-neuf sous
Et de plus dix francs, c'est l' tarif des filles-mères

IV
Puis elle se dit, j'irais bien voir les vieux
Peut-être qu'au village on sera plus charitable
Sans rien manger, les larmes dans les yeux
Elle fit seule la route interminable
En arrivant sur la grand place, elle vit
Monsieur le Maire, discourant d'une voix forte,
L'on couronnait la rosière du pays
À bout de forces, la fille-mère tomba morte.
Avant de penser à donner de l'argent
Pour couronner la vertu des rosières
Puisque la France réclame des enfants
Donnez d'abord du pain aux filles-mères !
 

 
L'étoile d'amour
De C. FALLOT et P. DELMET
I
Un poète ayant fait un voyage de rêve
M'a dit qu'il existait sous un ciel radieux
Une étoile où jamais ne sonne l'heure brève
L'heure brève où les cœurs se brisent en adieu
 
Refrain
C'est l'étoile d'amour, c'est l'étoile d'ivresse
Les amants, les maîtresses, s'aiment la nuit, le jour
Un poète m'a dit qu'il était une étoile
Où l'on s'aime toujours

II
L'on y entend le soir échanger sous les arbres
De fous baisers, troublant le calme de la nuit
Et les flots mugissants à la fraîcheur de marbre
Les femmes font goûter leurs lèvres comme un fruit
 
Refrain
Et l'on parle d'amour, l'on parle de caresses
Les amants, les maîtresses, s'aiment la nuit, le jour
Un poète m'a dit qu'il était une étoile
Où l'on s'aime toujours
III
Là, jamais de soucis, jamais de cœurs moroses
Les femmes, pour charmer, ont pris l'âme des fleurs
Elles n'ont qu'un regret, c'est de voir mourir les roses
Jamais leur clair regard ne se voile de pleurs
 
Refrain
L'on chante les amours, les plaisirs, les caresses
Les amants, les maîtresses, s'aiment la nuit, le jour
Un poète m'a dit qu'il était une étoile
Où l'on s'aime toujours

IV
Dis moi, petits amis, envolons-nous vers elle
Là, nous nous aimerons pendant l'éternité
La chimère aux doux yeux nous prêtera son aile
Vois, là-haut sous le ciel, vois sa pâle clarté
 
Refrain
C'est l'étoile d'amour, c'est l'étoile d'ivresse
Les amants, les maîtresses, s'aiment la nuit, le jour
Un poète m'a dit qu'il était une étoile
Où l'on s'aime toujours
 

 

I
Sous ton balcon, ô ma divine
Je viens te chanter en passant
Aux accords de ma mandoline
La joyeuse chanson de mon amour naissant
Refrain
Mandoli, mandoli, mandola
Viens par ci, viens par là,
Ma brune
Laisse ce vieux jaloux
Qui t'importune
Mandoli, mandoli, mandola
Le temps fuit et voilà
La lune
C'est l'heure des baisers
Au clair de lune
II
Sous le doux rayon d'une étoile
Laisse tomber, gage amoureux
Ton peigne sur le bout de ton voile
Le ruban qui tantôt flottait à tes cheveux

III
Jette à l'amoureux qui soupire
La fleurs aux parfums excitants
Ou de tes yeux bleus un sourire
Et du bout de tes doigts le baiser que j'attends
IV
Si tu refuses, ma divine
Pour te châtier je prendrai
Les cordes de ma mandoline
Et puis, sous ton balcon, ce soir je me pendrai


 

 

L'Italienne

I
Adieu, ma divine Italienne
Je quitte ton joli ciel bleu
Je n'irai plus sous ta persienne
Chanter le soir pour tes yeux bleus
Je pars pour une autre patrie
Est-ce la Chine ou le Congo
Est-ce l'Espagne ou la Syrie
Je n'en sais rien mais mon coco... ah !
 
Refrain
Je penserai toujours à toi
Celle a qui j'ai juré ma foi
Et je me souviendrai toujours
De ton pays, de tes amours
Je n'oublierai jamais, ma brune,
Qu'un soir tu me montras la lune

II
Je me souviendrai, ma charmante
De l'excellent macaroni
Dont je me garnissais la panse
En m'abreuvant de vins exquis
J'aurai toujours dans ma cervelle
Les arômes des bons dîners
Que nous faisions sous la tonnelle
Le soir en nous piquant le nez... ah !

III
Je me souviendrai d' tes toilettes
Surtout d' ton jupon de dessous
Et de ta robe très coquette
Faite en étoffe de treize sous
Toutes tes chemises avaient des franges
Qui voilaient tes maigres appas
Et je te prenais pour un ange
Surtout quand tu ne l'étais pas... ah !
 
Refrain
Je penserai toujours à toi
Celle a qui j'ai juré ma foi
Car il s'exhalait d' ton jupon
Un parfum d'iris du Japon
Mais quand tu passais dans la rue
Tu sentais toujours la morue
 

 

Mireille

I
Au bord du Rhône
J'ai rencontré
Une madone
Que j'adorais
De la Provence
Elle est la fleur
Et sa jouvence
Charme les cœurs
 
Refrain
Elle a doux nom Mireille
Sa beauté m'ensoleille
Je veux chanter toujours (bis)
Mireille et mes amours (bis)
II
Un doux sourire
Front radieux
Le ciel se mire
En ses grands yeux
Tout feu, tout flamme
Esprit charmant
Grâce de femme
Et cœur charmant
III
À ses oreilles
Fleurs pour pendants
Et sans pareilles
Petites dents
Bouche cerise
Au frais minois
Taille comprise
Entre dix doigts
IV
Beauté païenne
Parfum d'amour
L'Arlésienne
Est faite autour
Voilà fidèle
Tout son portrait
Même moins belle
On l'aimerait
 

 

Le baiser perdu
Bluette
Paroles de C. SOUBISE

I
Mon voisin par la nuit close
N'avez-vous pas rencontré
Un baiser couleur de roses
Qui par l'air s'est envolé
Par le souffle de la brise
Il s'est envolé vers vous
Mon cœur tremble de surprise
C'était un baiser si doux

Refrain
C'est par ma fenêtre
Qu'il a fui peut-être
Pour aller joyeux
Vers les pays bleus
Brise vagabonde
Parcourant le monde
Quand me rendras-tu
Mon baiser perdu ?
II
À peine vais-je entrouvert
Les fenêtres du balcon
Que l'on voyait dans la plaine
Voltiger les papillons
Sur la cime verdoyante
Combien de baisers par jour
Font l'école buissonnière
Sur le chemin de l'amour ?

III
Hier au soir au clair de lune
J'ai vu rôder par ici
Un lutin cherchant fortune
Depuis, j'ai bien des soucis
Maraudeur que rien ne lasse
Aime le fruit défendu
Ou prétend qu'il fait la chasse
À tous les baisers perdus
IV
Mais qui donc me frappe l'aile
Et ma vue avant le jour
Est-ce déjà l'hirondelle ?
Ma mignonne, c'est l'amour
Qui t'apporte quelque chose
Sans ses jolis petits doigts
Un baiser couleur de rose
Qu'il a trouvé dans le bois


 

 

Le biniou

I
De ma bourse un peu pauvrette
Où l'ennui m'a fait fouiller
Je me suis permis l'emplette :
Un biniou de cornouiller
Sur notre lande bretonne
Oh ! les jolis airs qu'il sonne
Et comme il endort les cœurs
La fatigue et ses douleurs

Refrain
Les douleurs sont des folles
Et qui les écoute sont encore plus fous
À nous deux toi qui console
Biniou, mon biniou, mon cher biniou
II
Près de lui, tout leui fait fête
C'est l'oiseau qu'il réjouit
C'est l'écho qui le répète
C'est la brise qui le suit.
Qu'elle est douce cette magie
Qui nous fait perdre la vie
Le sourire au sein des pleurs
Le malheur et ses douleurs

III
Mais la somme qu'il me coûte
Sera lente à revenir
Et bien des douleurs sans doute
M'en laisseront souvenir
Ma sacoche un peu moins lourde
Moins de cidre dans ma gourde
Et, qui sait, jour de malheur
La faim même et ses horreurs
 

 

La Petite Tonkinoise
Paroles de Georges VILLARD, adaptation de Henri CHRISTINÉ
Musique de Vincent SCOTTO (1906)

I
Pour que finir mon service
Au Tonkin je suis parti
Ah ! quel beau pays, Mesdames
C'est le paradis des petites femmes
Elles sont belles, et fidèles
Et je suis devenu le chéri
D'une petite femme du pays
Qui s'appelle Mélaoni

Refrain
Je suis gobé d'une petite
C'est une anna, c'est une anna, une annamite
Elle est vive, elle est charmante
C'est comme un z'oiseau qui chante
Je l'appelle ma petite bourgeoise
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise
Y'en a d'autres qui me font les doux yeux
Mais c'est elle que j'aime le mieux
II
Le soir on cause
D'un tas de choses
Avant de se mettre au pieu
J'apprends la géographie
D' la Chine ou d' la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le fleuve jaune ou le fleuve bleu
Y'a même l'Amour, c'est curieux,
Qui arrose l'empire du Milieu (au refrain)

III
C'est la fille
Très gentille,
D'un mandarin très fameux
C'est pour ça que sur sa poitrine
Elle a deux petites mandarines
Peu gourmande, elle ne demande
Quand nous mangeons tous les deux
Qu'une banane, c'est peu coûteux
Moi j'lui en donne autant qu'elle veut (au refrain)
IV
Et tout casse
Et tout passe
En France j'ai dû rentrer
Mais le coeur plein d' tristesse
De quitter ma chère maîtresse
L'âme en peine
Ma p'tite reine
Etait v'nue m'accompagner
Mais avant d' nous séparer
Je lui dis dans un baiser :

Dernier refrain
Ne pleure pas si je te quitte
Petite anna, petite anna, p'tite annamite
Tu m'as donné ta jeunesse
Ton amour et tes caresses
Je t'appelai ma petite bourgeoise
Ma tonkiki, ma tonkiki, ma tonkinoise
Et je garderai toujours
Le souvenir de nos amours.
 

 

Méchant-Méchante

I
Un jour dans le bois de Meudon
Au bout d'une étroite avenue
Je fus témoin dans un buisson
D'une intéressante entrevue
Deux jeunes et charmants amoureux
Se prirent soudain de querelle
Pour une simple bagatelle
Se répétaient à qui mieux-mieux

Refrain
Adieu méchant
Adieu méchante
C'est bien fini, certainement
J'en suis content
Et moi contente
Oh ! la méchante
Oh ! le méchant

II
Puis la jeune femme reprit
Gaston, c'est à cet endroit même
Autrefois vous m'avez menti
En me disant « Jeanne je t'aime »
Voici l'arbre, reprit Gaston
Ô trop infidèle maîtresse
Où vous avez, avec ivresse
Gravé près du mien votre nom

2e refrain
Reviens, méchant
Reviens, méchante
Tu m'aimes donc, passionnément
J'en suis content
Et moi contente
Reviens, méchant
Reviens, méchante

III
Mais avant de nous séparer
Dit Gaston d'une voix plus tendre
Oh ! Jeanne, un dernier baiser
Vous ne pouvez vous en défendre
Je ne peux vous le refuser
Je ne veux pas être cruelle
Prenez ce baiser, lui dit-elle
Puisque ce doit être le dernier

IV
Je ne pus en savoir plus long
Avouez-le, c'est bien dommage
Car ils quittèrent le sentier
Pour s'engager dans le bocage
Un instant je suivis leur pas
Bien m'en prit car dans une allée
Je les ai vus dans la feuillée
Se disant, les bras dans les bras

 

 
La ferme aux fraises
Paroles de Gaston VILLEMER
Musique de Victor HERPIN
Créée par Mme AMIATI à la Scala, vers 1880-90
I
Un jour, traversant la Lorraine
Besace au flanc, bâton en main
J'aperçus ah ! la bonne aubaine
Une ferme sur mon chemin
Tout parlait de paix, d'espérance
En ce logis hospitalier
La table était mise d'avance
Grand ouvert était le cellier
Entrez chez nous, prenez vos aises
Me dit la fermière souriante
C'est l'usage que tout passant
Boive un bon coup en s'arrêtant
Vous êtes dans la ferme aux fraises

II
On parlait déjà de la guerre
Les fils graves et silencieux
Tendrement consolaient leur mère
Au suprême instant des adieux
Au coin du feu, contant l'histoire
Des mille combats d'autrefois
Un vieillard montrait avec gloire
Sur le mur, ses nombreuses croix
C'était au temps des marseillaises »,
Disait-il, j'ai comme le vent
Vu s'enfuir des rois ; à présent
Je gravis d'un pas chancelant
Les marches de la ferme aux fraises

III
Le lendemain même à l'église
Le vieillard conduisait joyeux
Sa fille en robe de promise
Avec Pierre son amoureux
Le ménétrier du village
Jouait des airs du temps passé
Et sous l'ombre du clair feuillage
Les garçons dansaient sous le pré
Doucement, rapprochant leurs chaises
Les jeunes mariés en rougissant
Sous les grands plis du voile blanc
S'embrassaient dans la ferme aux fraises

IV
Plus tard, le cœur plein d'espérance
J'y revins par un doux matin
La ferme n'était plus en France
Un poteau barrait le chemin
Des roses fanées jonchaient le sol
La mousse envahissait le seuil
La ferme pleurait sa fermière
Et les roses parlaient de deuil
Que Dieu garde, fermes françaises
Vos toits un jour d'être proscrits
On souffre, on meurt loin du pays
Je n'ai jamais repris depuis
Le chemin de la ferme aux fraises

 

 

L'oreiller

I
S'il est un confident discret
De nos plus intimes pensées
Doux, pour qui n'a plus de secrets
De femmes et de fiancées
C'est l'oreiller où chaque soir
La fillette dès son jeune âge
Rêve de délicieux espoirs
Et de baisers et de mariages

Refrain
Toi qui m'aides à sommeiller
Doux témoin de mes rêves roses
Oh ! gentil petit oreiller
Que tu me rappelles bien des choses
II
Je me rappelle du jour heureux
Où d'Henry je devins la femme
Nous pénétrâmes seuls tous deux
Dans la chambre, le cœur en flamme
Oh ! l'instant admirable et doux
Où, dans une extase charmante
Le premier baiser de l'époux
Fit de la novice une amante

III
De tous les jours les plus heureux
Fut le jour où venant au monde
Se reposer près de nous deux
Une mignonne tête blonde
Si l'ardent baiser de l'époux
Vous donne une joie éphémère
Il est plus durable et plus doux
Celui de l'enfant pour sa mère
 

 

La môme aux grands yeux

I
Par un soir d'hiver au bord de la Seine
Je rencontre une môme qu'avait seize ans
Elle était jolie, elle s'appelait Madeleine
Un front rêveur, des yeux innocents
Elle était pâle et blanche comme un cierge
Et grelottant ferme sous ses oripeaux
Avec des cheveux d'or, on eut dit une vierge
Comme on en voit de peintes sur les grands tableaux

Refrain
On s'aimait, c'était rien de le dire
On s'aimait, l'on était heureux
Le bonheur s' tenait d'un sourire
Un sourire suivait ses grands yeux
Maintenant triste sous le soupire
J'ai perdu ma môme aux grands yeux
II
Elle était blonde et douce comme un ange
Ne m' donnait que du bouchon et jamais d'ennui
Ces mômes-là, c'est chouette, jamais ça s' dérange
Travaillant tout le temps, le jour comme la nuit
Et les jours de fête et tous les dimanches
Comme les gens de la Haute, en habit de gala
Nous allions gaiement dîner sous les branches
Nous allions tous seuls à Saint-Cucufa

III
Mais il y a des sales gens tout de même en c' bas monde
L'on est pas heureux sans s' faire es jaloux
Quelqu'un m'a chipé ma môme si gironde
Elle s'est envolée vers un autre époux
Aussi quand le soir je rentre à la piaule
Que j'ai goûté tant d' bonheur autrefois
Je pleure comme un veau, comme un chat qui miaule
Après sa p'tite chatte qui court sous d'autres toits
IV
Le bonheur en amour, ça passe comme un rêve
Quand on est heureux, ça passe vite après
Un sait bien pourtant qu'un jour faut qu' ça crève
On se dit tout bas, mais on ne le croit jamais
Avant de nous quitter à la bonne roquette
Je vous donne un bon conseil de penquin, le voilà
Si vous voulez prendre une petite gigolette
Ne visez pas trop haut, on vous la chipera


 

 

Pour avoir la fille

I
Quand un jeune polisson
Las de la vie de garçon
Rêve le mariage
Pour mener bien l'hymen
Je vais lui montrer le chemin
Dans ce voyage
Avant de soupirer
Et de se déclarer
Comme c'est l'usage
Faut cajoler premièrement
La vieille maman

Refrain
Pour avoir la fille
Honnête et gentille
C'est à la maman
Que l'on doit faire les boniments
Mais après l' mariage
Mince, quel nettoyage
On ne marche plus
Et la belle mère on s'assied d'sus
II
Ecoutez mon moyen
C'est simple, suivez bien
Dites à la vieille
Cristi, quelle beauté
Quelle grâce, quelle volupté
Quelle merveille
Votre fille, c'est votre portrait
Mais elle a moins d'attraits
Femme sans pareille
Mais pensez dans votre esprit :
« Quel vieux débris ! »

III
Ajoutez sur le même ton
Madame quel capiston
Sur votre poitrine
Crénom, vous possédez
Deux amours de nénés
Taille divine
Avec de tels appas
Je ne m'embêterais pas
Je l'imagine
Mais vous dites parfois en vous :
« Quels fromages mous ! »
IV
Si vous dansez un soir
Avec ce vieux rasoir
Dites : je proclame
Si votre cœur encor
Etait libre, ô ! trésor
Charmante dame
Je serais votre époux
Je vous le jure, c'est vous
Que j'aurais pour femme
Vous pensez tout bas : « Crampon,
Cavale-toi donc ! »


 

 

Le vieux voyou

I
Quoique vieux, j'ai l' cœur jeune encore
Si j' n'ai plus d' cresson su' l' caillou
Le pavé parisien, moi j' l'adore
J' vis dans la rue, j' suis l' vieux voyou
C'est l' seul endroit où je respire
C'est mon domaine, c'est mon empire
Mes salons à moi, ce sont les trottoirs
Mes tableaux, c' sont mes boutiques
J'ai tous les bancs comme dortoir
Et les agents pour domestiques

II
L'argent, voilà c' dont j' m'en fiche
J' distingue pas entre l' bien et l' mieux
En somme, je suis plus riche qu'un riche
Puisque je n'ai besoin de rien
Puis, qu'est-ce que c'est que la fortune
Est-ce un milliard ou bien une thune
Les gens rupins se foutent de moi
Parce que je suis d'humeur vagabonde
Oh ! ils peuvent bien se foutrent de moi
Car moi j' m'en fous de tout le monde
III
De plus, je n'aime pas la campagne
La vue d'un arbre, ça me fait mal
Nous, nous avons notre montagne
C'est Montmartre, c'est moins banal
Il parle d'air pur, non ! c'est un rêve
Au bout d'une heure là, là j'en crêve
D'autres parce qu'ils vont à l'étranger
Ils font des épates, des manières
Moi, je sais ce que c'est que d' voyager
J'ai été une fois à Asnières

IV
On dit que je n'ai pas de famille
Quelle blague ! J'en ai autant qu' j'en veux
Mes enfants à moi, ça fourmille
Des fils, des filles et même des neveux
C'est dans Paris tout ce qui vibre
C'est tout ce qui veut être libre
Est-ce que j' n'ai pas les moineaux francs
Auxquels j' donne mon pain en partage
Mes fils sont des cabots errants
Qui n'attendent pas mon héritage
V
Lorsqu'une personne charitable
Me fait entrer dans sa maison
Il y a bien le lit et la table
C'est comme qui dirait une prison
Au règlement il faut se soumettre
Or, moi qui n'ai jamais eu de maître
Et quand le grand moment viendra
Quand la camarde sera venue
D'être chez les autres, ça m'embêtera
J' veux crever chez moi dans la rue


 

 

Le rêve du marin fusilier

I
Bien loin de toi, ô ma belle France
Je suis marin, rêvant la liberté
J'ai dans le cœur la haine et la vengeance
Car pour cinq ans l'on vient de m'enfermer
C'est un tombeau que notre république
A fait creuser pour un cœur de vingt ans
De m'envoyer à la Martinique
Où chaque jour je dis en sanglotant :

Refrain
J'ai dans le cœur une douleur extrême
Mes plus beaux jours, vais-je les revoir ?
Mes chers parents, ma fiancée que j'aime
Adieu, adieu, car je n'ai plus d'espoir (bis)
II
Dans une cellule doit s'écouler ma vie
D'un peu de pain je dois me contenter
Des fers aux pieds, ma chair en est meurtrie
Et quelques planches servant à m'aliter
Gardé à vue par des êtres farouches
En attendant mon dernier jugement
Ce sont les travaux, ou les douze cartouches
Oui ! de mourir, oui, j'en fais le serment

III
Quand tout-à-coup mon cœur hélas se grise
L'on vient m'apprendre mon acquittement
Pour mes parents, quelle douce surprise
Ma fiancée n'aura plus de tourments
Sur un paquebot, en France l'on m'emmène
Je dis adieu au pays des martyrs
Aux relégués de la terre de Cayenne
J'en garderai longtemps le souvenir
Dernier refrain
Oui ! aux travaux l'existence est cruelle
Mes chers amis, retenez ma chanson
Vaut-il pas mieux mourir à Cayenne
Que de mourir au château d'Oléron (bis)


 

 

La petite marchande de tabac

I
Tout juste en face de la caserne
Se trouve un bureau de tabac
Où l'on raconte des balivernes
À la demoiselle qui tient d' ça
Elle est bien honnête la mignonne
Car lorsqu'on lui donne un béco
Pour ne rien faire voir à personne
Elle vous le rendra aussitôt

Refrain
Qu'elle est charmante
Etourdissante
C'est pour elle que mon cœur bat (bis)
Tout l' monde l'adore
Mam'zelle Aurore
La petite marchande de tabac (bis)

II
Devant moi, comme elle changeait de corsage
Je m' mis à la regarder, c'était tout clair
Et je voyais son étalage
Ses seins qu'étaient braqués en l'air
Je lui dis : mam'zelle possède
Des outils qui s' tiennent d'aplomb
Ah ! oui, dit-elle, ils sont raides
Parce que j' les passe à l'amidon

III
Un tantôt j' lui dis : c'est bizarre
Quand l' capiston journellement
Vient chez vous chercher un cigare
Il vous regarde en dessous carrément
C'est vrai m' répond la gaillarde
Mais moi, j' m'en fous d' votre capiston
Car en dessous, s'il me regarde,
Il ne voit rien, j'ai un pantalon

IV
Dimanche passé, je frappe chez elle
Et en chemise elle vient m'ouvrir
Pendant plus d'un quart d'heure la belle
Ne songeait plus à se vêtir
Je luis dis : « ça n'est pas une mise »
C'est vrai, dit-elle, j' dois l' déclarer
C'est mal d'être d'vant vous en chemise
Attendez-moi, j' m'en vais la retirer

 

 

Le Patour

I
Celle que j'adore en cachette
A les yeux bleus
C'est une fine demoiselle
De St Brieuc
Elle est très riche et très jolie
Moi, pauvre et laid
Je l'aimons ben, mais le lui dire
Je n'oserai

Refrain
Mon cœur est las, de tant de peine
Et lon lon la, et lon lon laine
Celle que j'aime ne m'aime pas
Et lon lon laine, et lon lon la
II
Quand elle vient sur la falaise
S'y promener
Je peux dès alors à mon aise
La regarder
Assise au milieu de la lande
Dans les ajoncs
Je chante d'une voix dolente
Cette chanson

III
Mon grand chagrin trouble et désole
Mes blancs moutons
Mais mon pauvre chien me console
À sa façon
Il est comme moi toujours triste,
Vilain, hargneux
Mais je prends la force de vivre
Dans ses grands yeux
 

 

Gavroche ou l'enfant de Paris

I
Venant de l'autre bord du Rhin
Un régiment de l'Allemagne
Sortait d'un de nos bras lorrains
Faisait une marche de campagne
Un enfant dans les blés fleuris
Surgit, sifflant la Marseillaise
« Va-t'en siffler dans ton pays
Dit un Prussien, bouche française »
Riant au nez de l'Allemand
Qui baragouine une insolence
« Lève tes pieds, lui dit l'enfant,
Et tache au moins d'être élégant
Comme les pioupious de la France »

II
« Ta Marseillaise, on l'a chantée
Un soir sur les bords de la Loire
C'était au fond d'un cabaret
Au lendemain d'une victoire
Les Français, par tous les chemins
Fuyaient devant notre bannière
Le chanteur, avec son refrain,
Est endormi au cimetière »
« C'était mon père, lui dit l'enfant
De le venger, j'ai l'espérance
Je serai soldat étant grand
Malheur à ta mère, Allemand,
Si jamais j' te la pige en France »
III
« Ta France, petit, elle est à nous
Nous la mettrons dans nos gibernes
Ainsi que ses fameux pioupious
Qu' l'on voit traîner dans ses casernes
Les septs des coteaux bourguignons
Les blés dorés de la Champagne
Tout ça, petit, nous le prendrons
Pour agrandir notre Allemagne »
« Je suis un gamin de Paris
Reprit Gavroche, plein d'insolence
Avant d' confisquer mon pays
Va voir à Berlin si j'y suis
Ça t'apprendra l'histoire de France »

IV
Le régiment disparaissait
Sous les ramures printanières
Et sous les casques se déployaient
Des Prussiens la sombre bannière
En la voyant au loin flotter
Réveillant sa blague française
Le gamin se mit à siffloter
Le refrain de la « Marseillaise »
« A genoux, lui dit l'Allemand,
Devant le drapeau qui s'avance
Vise-moi bien, lui dit l'enfant
Voici mon cœur, il a du sang
À bas l'Allemagne et vive la France ! »
 

 

Mon gosse

I
Quand j' t'ai rencontré, t'étais tout bonnement
Employé dans un ministère
Tu gagnais je crois douze cent francs par an
T'avais pas l'air d'un millionnaire
Tu m'as dit : « Je t'aime, veux-tu, sois à moi »
Pour vivre tout, il ne faut pas grand chose
Et dans mon p'tit lit, tu s'ras comme chez toi
Nous y f'rons tous deux de beaux rêves roses
 
Refrain
Un roman d'amour
Ça commence toujours
Par de belles promesses
Un soir de printemps
Quand l'on a vingt ans
L'on veut une maîtresse
Le cœur est grisé
L'on est emballé
On la trouve jolie
Et dans un baiser
L'on jure de s'aimer
Toute la vie

II
Nous vivions ensemble depuis bientôt deux ans
Il y avait six mois que j'étais mère
Quand tu m'as quitté un soir brusquement
En me disant « débrouille-toi ma chère »
T'avais d' l'ambition, tu voulais t' marier
Ça t' gênait beaucoup d'avoir un collage
Tu m'as sacrifiée, oh ! sans hésiter
Pour faire une lâcheté, l'homme a du courage
 
Refrain
J'ai dit tristement
Si tu m' quittes maintenant
Mon gosse n'aura plus d' père
Tu m'as répondu
Cette chose-là, vois-tu
Ça ne m' regarde guère
Mon cœur s'est brisé
Puis j' t'ai méprisé
En te voyant si rosse
Je suis parti d' chez toi
Emmenant avec moi
Mon pauvre gosse
III
Dix ans sont passés
Tu m'écris maintenant
Tu m' dis qu' t'as remords de conscience
Tu viens m' proposer d'enlever mon enfant
Pour assurer son existence
Tu m' crois donc, comme toi, un être sans cœur
C' que tu m' demandes là, c'est une folie
Te donner mon gosse, mais c'est mon bonheur
C'est mon seul espoir, c'est toute ma vie
 
Refrain
Pour lui j'ai pleuré
Pour lui j'ai passé
Des nuits de souffrance
J'ai donné mon sang
Pour avoir seulement
Un jour d'espérance
Mais aussi maintenant
Pour garder cet enfant
J' deviendrai féroce
Non ! tant que je vivrai
Tu n'auras jamais
Mon pauvre gosse


 

 

Frou-Frou


I
La femme porte quelquefois
La culotte dans son ménage
Le fait est constaté, je crois
Dans les liens du mariage
Mais quand elle va pédalant
En culotte comme un zouave
La chose me semble plus grave
Et je me dis en la voyant :

Refrain
Frou frou, frou frou
Par son jupon la femme
Frou frou, frou frou
De l'homme trouble l'âme
Frou frou, frou frou
Certainement la femme
Séduit surtout par son gentil frou frou
II
La femme ayant l'air d'un garçon
Ne fut jamais très attrayante
C'est le frou frou de son jupon
Qui la rend surtout excitante
Lorsque l'homme entend ce frou frou
C'est étonnant tout ce qu'il ose
Soudain il voit la vie en rose
Il s'électrise, il devient fou

III
En culotte me direz-vous
On est bien mieux à bicyclette
Mais moi je dis que sans frou frou
Une femme n'est pas complète
Lorsqu'on la voit se retrousser
Son cotillon vous ensorcelle...
Ce bruit est un frôlement d'aile
Qui passe et vient vous caresser !
 

 

Les passants

I
Beaucoup de gens pour se distraire
Regardent les bateaux sur la rivière
Sur le boulevard, pour passer l' temps
Moi, je regarde passer les passants
 
Refrain
Les vieux suivent les filles de 15 ans ; tra la la, tra la la, tra la la
Les jeunes, les femmes de 40 ans ; tra la la, tra la la, tra la la
Alphonse suit Nana tranquillement ; tra la la, tra la la, tra la la
Le p'tit troupier, la bonne d'enfant ; tra la la, tra la la, tra la la

II
À deux heures, quand vient la cohue
On ne peut plus passer dans la rue
Le service est bien organisé
Dans l' carrefour des sinistrés
 
Refrain
L'homme riche s'en va en bousculant ; tra la la, tra la la, tra la la
Le marchand d' mégots en ratissant ; tra la la, tra la la, tra la la
Les pickpockets en barbotant ; tra la la, tra la la, tra la la
Les agents regardent cela tranquillement ; tra la la, tra la la, tra la la
III
Parmi les femmes et les jeunes filles
Il en est d' belles et de gentilles
Moi, j' reconnais à c' qu'elles sont
À leurs manières, à leurs façons
 
Refrain
Les jeunes filles marchent timidement ; tra la la, tra la la, tra la la
Les rosières marchent ingénuement ; tra la la, tra la la, tra la la
Les cocottes marchent en s' retroussant ; tra la la, tra la la, tra la la
Et les anglaises en s' raidissant ; tra la la, tra la la, tra la la

IV
À la fin du mois, quand vient la paye
On voit l' boulevard qui s'égaye
Employés, commis et patrons
S'en vont dépenser leur pognon
 
Refrain
Le directeur court chez Sylvain ; tra la la, tra la la, tra la la
L'ouvrier court chez l' marchand de vins ; tra la la, tra la la, tra la la
L'employé court s'acheter des gants ; tra la la, tra la la, tra la la
Le patron bouffe ses appointements ; tra la la, tra la la, tra la la
V
Dans le grand monde et la haute gomme
C' n'est pas la canne qui fait l'homme
Mais une chose dont il faut convenir
C'est la manière de la tenir
 
Refrain
Le gosse tient la canne à son papa ; tra la la, tra la la, tra la la
À 20 ans, il la tient au bras ; tra la la, tra la la, tra la la
À 60 ans, péniblement ; tra la la, tra la la, tra la la
Mais lorsqu'il a 80 ans ; tra la la, tra la la, tra la la


 

 

Bergeronnette

I
On admirait sa marche aisée
Quand elle passait vers le hameau
Aussi les gens de la vallée
Lui donnèrent-ils un nom d'oiseau
Et de sa voix qu'était si pure
On s'arrêtait pour l'écouter
Tous les beaux dons de la nature
S'étaient unis pour l'adopter

Refrain
Mais, mignonnette, par de beaux jours
Bergeronnette, ah ! ah ! chante toujours (bis)
II
Un beau jeune homme au cœur fidèle
Dont elle était la sœur de lait
Venait souvent s'asseoir près d'elle
Sous les saules de son chalet
On admirait ses charmes, ses grâces
On admirait sa grande douceur
Dont il était noble race
Cet amour-là porte malheur

III
Mais au château l'on mit ombrage
À cet amour parfois heureux
Et pour venger un tel outrage
On sépara les amoureux
Je pars, dit-il, mais point de larmes
Mon cœur constant te restera
La pauvre enfant versa des larmes
Mais en pleurant, elle espéra
IV
Quand il revint, le cœur en fête
Heureux enfin d' fixer son sort
Mais assailli par la tempête
Il fit naufrage au fond du port
Quand elle apprit cette nouvelle
Son cœur resta silencieux
Mais la blessure était mortelle
Et, en pleurant, ferma les yeux


 

 

Une fête à Pékin

I
Par un gai soir de printemps
Un mandarin de la Chine
Conduisait sa mandarine
Au logis de ses parents
Elle avait le matin même
Pris le voile virginal
Et de l'amour conjugal
C'était le plus pur emblème

Refrain
L'on entendait au lointain
Un joli bruit argentin
De triangles, de sonnettes
De tam-tam et de clochettes
C'étaient des gens de Nankin
Des mandarins en goguettes
Qui revenaient d'une fête
D'une fête de Pékin
II
Et, disait le mandarin
Lorgnant de près son épouse
Je comprends qu'on me jalouse
Je suis un heureux coquin
Ma femme est un modèle
De pudeur et de candeur
Je l'ai cueillie dans sa fleur
Elle me restera fidèle

III
Il n'est pas de plus beau qu' lui
Tout le long du Fleuve Jaune
Pensait-elle sur son trône
L'empereur est moins joli
Leurs demeures étaient voisines
Bientôt, ils furent arrivés
Ils se mirent à boire du thé
Du meilleur thé de la Chine
IV
À Pékin, plus qu'à Paris
Le thé fait tourner la tête
Elle fut bientôt pompette
Bientôt ils furent un peu gris
La belle ôta ses turquoises
La fenêtre se ferma
Et bonsoir, l'on ne distingua
Plus que deux ombres chinoises


 

 

Si les femmes savaient s'y prendre

I
C'est fini depuis hier au soir
Avec Thérèse
Et nous ne devons plus nous voir
J'en suis bien aise
Mais non, car ses yeux étaient bleus
Sa taille exquise
Et quand je pense à ses cheveux
Cela me grise

II
On se disputait, mais bien peu
Oh ! j'exagère
On se battait, mais quand le feu
De la colère
Etait passé, comme on s'aimait
Avec ivresse
Et comme alors on abusait
De la jeunesse

III
Certes, elle avait bien des défauts
Mais nous, les hommes
N'en avons-nous pas, et des gros
Tant que nous sommes
Non ! et je ne veux pas ainsi
Etre loin d'elle
Et même je veux en mon logis
Etre fidèle

IV
Elle est revenue à l'instant
Fort amoureuse
À part moi, j'étais très content
L'âme joyeuse
Pourtant, j'ai voulu refuser
D'un ton farouche
Mais de suite elle m'a, d'un baiser
Fermé la bouche

Refrain
Si les femmes savaient (bis) s'y prendre
L'amour, au lieu de s'envoler
Si l'on voulait toujours nous cajoler
Couverait longtemps sous la cendre
Pour l'enflammer, vous pensez bien
Il ne faudrait qu'un souffle, un rien
Si les femmes savaient (bis) s'y prendre

 

 

Un voyage de Ministre

I
Monsieur le Ministre, tous les ans
Au printemps
S'en va dans les départements
En voyage
Il part, dans ses malles emportant
Des rubans
Tout un excédent de voyage
À peine sorti du train
On l'acclame en chemin
Pendant que sa voiture
File vers la Préfecture
Puis sans perdre un instant
Il repart brusquement
Voir défiler tambours battants

Refrain
Les gardes-champêtres, les cantonniers
La brigade de gendarmerie
Les sergents de villes, les p'tits troupiers
L'artillerie, la cavalerie
Le Maire, adjoints et conseillers
Société d' tir et d' gymnastique
Les magistrats, les banquiers
Ah ! quel tableau, c'est magnifique
II
Monsieur l' Ministre s' réveillant
Le jour suivant
Se dit j'ai des croix et médailles
Plein mes poches
À mes collègues j'ai promis
Que l' pays
Saura que je n' veux pas d' reproches
Il fait venir le Préfet
Qui de suite lui fait
Une liste de légionnaires
Y avait qu' des factionnaires
Le Ministre dit ceci
J'ai des croix, Dieu merci
J' m'en vais décorer tout l' monde ici

III
Monsieur l' Ministre aussitôt
Sans repos
S'en va à la gare subito
Le temps presse
Dans une autre ville doit l'amener le soir
Se faire voir
Le train repart à grande vitesse
À une heure du matin
Monsieur le Ministre enfin
À le temps de faire une pause
Dans une chambre il repose
Plaignez son triste sort
Car dans ses rêves d'or
Il voit défiler encore
 

 

L'œil du Lundi

I
Je suis ouvrier, je m'en fais gloire
Quoique ramasseur de mégots
Si je travaille, j'aime à boire
Tout ce que l'on voudra, mais jamais d'eau
Je gagne ma vie, ça je m'en vante
Quoique j' n'ai pas souvent d'argent
Tous mes meubles sont chez ma tante
Et j'ai crédit chez l' débitant

Refrain
J' suis d'une gaieté franche
J' bois comme un trou
Quand vient l' Dimanche
Hélas, je n'ai plus d' sous
J'en fais mon deuil
Et je me dis j' vais boire à l'œil
Car c'est demain Lundi

II
Lundi, c'est grand jour de fête
Alors, je m'en flanque jusque-là
Le Mardi, j'ai mal à la tête
Le Mercredi, j'ai mal au bras
Le Jeudi, j'ai la migraine
Le Vendredi, j' travaille un brin
Bref, le Samedi, j' termine ma s'maine
Faut voir comment tombe le turbin

III
Depuis deux ans, j' suis en ménage
Je possède une femme comme il faut
Pourtant, elle fait du tapage
Surtout lorsque j'ai bu un coup d' trop
Elle crie, elle hurle comme une baleine
Parfois même, je reçois un soufflet
Et pour oublier cette déveine
J' retourne vivement chez l' mastroquet

IV
Je suis affligé d'une belle-mère
Qui bougonne tout l' temps après moi
Le Lundi, elle me fait d' la misère
Le Mardi, elle est aux abois
Le Jeudi, elle me traite d'ivrogne
Le Vendredi, elle perd la raison
Bref, le Samedi, il faut qu' je la cogne
Pour être le maître de la maison

 

 

Les boulvardiers

I
C'est nous qui sommes les rois du chic
Les amis de la rigolade
Nous sommes entourés d'un public
Qui nous admire dans nos bravades
Enfoncés, les gommeux, les v'lans
Nous sommes des amis d'enfance
Qui partout faisons du boucan
Et chantons avec pétulance

Refrain
Chapeau luisant, veston collant
Souliers pointus, beaux pardessus
Couleur mastic, ça fait du chic
Carreau dans l'œil, porté sans orgueil
Quand peau de chien, grosse canne en main
Montez à cheval comme un loyal
Fume tranquillement un cigare d'un franc
Savent rigoler les boul'vardiers
II
Nous n'avons pas besoin d' blason
Notre joie est plaisir et fête
Et tous les soirs nous rigolons
Bien chez Nana, Baratte ou Verchette
Souvent le lendemain nous gardons l' lit
Et forcés d' boire d' la tisane
Car au Mexique comme à Paris
On sait que la noce ça vanne

III
Partout nous sommes vainqueurs
Nous plaisons aux femmes légitimes
D'un rien nous enlevons les cœurs
Bien des maris sont nos victimes
Si parfois le malheureux se plaint
À quelques copains de la chose
Nous leur répondons Cyprien
Ah ! mon vieux, t'en a une dose
IV
Au concert des ambassadeurs
L'été nous arrivons en foule
Nous emboîtons tous les chanteurs
Et la chanteuse qui roucoule
Nous trouvons que c'est très bon goût
Et la police veut nous faire taire
Nous nous laissons conduire au clou
En disant à Mr le Commissaire

V
Lorsque nous allons aux luttiers
En faisant du bruit l'on s' faufile
Et l'on se met à chahuter
Quand arrive l'instant du quadrille
Le cépal en reste tout bleu
De nous voir tricoter des pattes
On lui dit quand vient l'avant deux
Mon pauvre vieux, faut pas qu' ça t'épate
 

 

Ma Gosseline

I
Jeune et jolie, c'était une pâle enfant
On l'appelait la môme aux yeux d'argent
On d'vinait en voyant sa face blême
Que tous les jours, pour elle, c'était carême
L'air attristé, le regard songeur
Elle s'en allait, recherchant le bonheur
Bien c'est là que je fis sa connaissance
Un soir que l'eau tombait avec outrance

Refrain
L'on s'aimait tendrement
Je l'appelais « ma reine »
Mais pour un riche amant
Elle me quitta sans peine
T'as brisé notre nid
Depuis j'ai l'âme chagrine
Reviens dans mon garni
Je t'aime toujours, ma Gosseline
II
Dans notre chambrette rayonnait l' bonheur
Car nous vivions comme bons frères et sœur
Ma plus grande joie pour moi dans ce monde
C'était quand tombait sur moi sa chevelure blonde
Mais ce bonheur hélas ! ne dura pas
Un autre fut séduit par ses appas
Et me l'enleva, c'est bien là l'existence
Un jour de joie pour huit jours de souffrances

III
Dans ses atours, dans ses beaux falbalas
Sans être vu, de loin, je suis ses pas
Sans la revoir, impossible est la vie
Car tout mon cœur vole vers ma chérie
Mais ces femmes-là, ça n' comprend pas l'amour
Ça ne vous aime jamais qu'un seul jour
Puis, en gâchant leur argent, leur jeunesse
Ça se prépare une triste vieillesse
 

 

La Pucelle de Belleville

I
Elle était jolie comme l'amour
À Belleville elle a vu le jour
On la surnommait « la Pucelle »
Grâce à ses allures demoiselle
Son papa qu'était chiffonnier
Etait mort depuis l'an dernier
C'est elle qui soignait sa vieille mère
Misère

II
Quand sonnait quatre heures du matin
Vite, elle se mettait au turbin
Et ses petites mains pleines d'engelures
Fouillaient parmi les tas d'ordures
Par un matin de froid glacial
La fillette s'est trouvée mal
Je dus la soigner comme on doit l' faire
En frère
III
Mais comme elle n'avait pas d' local
Je dus la conduire à l'hôpital
Et là, j'appris que la chère
Etait d'puis longtemps poitrinaire
J'allais la voir de temps en temps
Le médecin m' dit qu'au printemps
Se termineraient toutes ses souffrances
Quelle chance !

IV
Depuis lors, je l'aimai comme un fou
Or, un matin, j' n'avais plus d' sous
Voilà-t-il pas qu' je dégote
Un billet bleu dans l' fond d' ma hotte
J' cours voir mon amour et j' lui dis
Pour nous les misères sont finies
À nous maintenant les jours de noces
Ma gosse !
 

 

Vieilles larmes

I
Vieilles larmes des anciens jours
Vieilles larmes, vieilles amours
Vieilles tristesses
Quand du rêve on est de retour
Voilà ce qui nous reste un jour
De nos tendresses

II
Ce sont des larmes pour Ninon
M'aimes-tu, oui ! m'aimes-tu, non !
Larmes faciles
Sait-on qu'après l'abandon
Viendront plus tendres au pardon
Nos cœurs dociles
III
Au lendemain des abandons
C'est nous encore que nous pleurons
Larmes amères
Vains chagrins que nous subissons
Vaines larmes que nous versons
Sur des chimères

IV
Puis, ce sont quelques soirs très doux
Les larmes que l'on verse à genoux
Larmes brûlantes
Et l'on jure en des baisers fous
Jamais plus ne souffrir par vous
Femme méchante
V
Larmes d'amours
Larmes d'adieux
Il est des soirs mystérieux
D'étranges charmes
Où du fond de nos cœurs très vieux
Montent bien douces à nos yeux
Les vieilles larmes


 

 

Titania

I
Les damnés s'étant mis en grève
« Satan », mon maître et mon époux
Craignant que son règne s'achève
M'a dit en m' faisant des yeux doux
« Titania, il faut aller sur terre
Tu trouveras des protecteurs
Et là-haut, sans plus de mystères
Tu m'enverras les électeurs

Refrain
Mon maître Satan m'envoie faire la ronde
J'ai des provisions de joies et de plaisirs
J'ai de quoi flatter tous les vices du monde
Et mon cœur est prêt pour les moindres désirs
Démons de l'univers
Saluez Titania
J'ai quitté les enfers
Saluez, me voilà

II
J'irai chez toutes les cocottes
J'irai chez leurs petits messieurs
Chez ceux qui tirent des carottes
Chez les fous et les vaniteux
J'irai chez chaque ménagère
Les trompeuses devant la loi
J'irai chez chaque belle-mère
Satan sera content de moi

III
Du vice connaissant la sauce
Pour dénicher les usuriers
J' m'en vais aller droit à la Bourse
Pour captiver les faux banquiers
Lorsque j'aurai fait ma conquête
Mis à jour tous les noirceurs
J'irai visiter la Roquette
Pour séduire tous les voleurs

IV
Je veux, quand j'aurais fait ma ronde
Partout universellement
Que le tonnerre éclate et gronde
Pour saluer mon régiment
Aux enfers j'irai me remettre
Apportant les vilains secrets
À Satan, mon souverain maître
J'apporterai bien des sujets

 

 

Le Paradis de la Femme

I
Lorsqu'on veut faire la fête
Goûter ses plaisirs favoris
Il n'est pas de ville plus parfaite
Que notre beau Paris
De Moscou à Pékin
Grands ducs, mandarins
Viennent à Paris sans équipage
C'est chacun son tour
Au pays de l'amour
Tout le monde y va de son voyage

Refrain
Paris, Paris
Paradis de la femme
Cité d'ivresse et d'amour
Que partout l'on acclame
Paris, Paris
Ô ville enchanteresse
À toi je donnerai toujours
Ma vie et mes folles caresses
II
Si c'est une reine, c'est la femme
Cet être si gentil, si fripon
Aussi Paris toujours acclame
Sa majesté le jupon
C'est à la vapeur
Qu'on donne à son cœur
On rit, on chante et l'on embrasse
Mondains ou rastas
Potaches ou bêtas
Vident leurs bourses à l'amour qui passe

III
L'Été, sur la foule grisée
Lorsque rayonne le soleil
À travers les Champs-Élysées
C'est un joyeux réveil
Gourmands et viveurs
Se partagent les faveurs
Des demi-mondaines languissantes
Tandis que les pioupious
Des petites nounous
Caressent les formes rebondissantes
 

 

A la ferraille

I
Je vais vous donner quelques notions
Sur la « Marine »
Vous parler de ses punitions
De la discipline
Embrochés comme de vrais lapins
De vulgaires cailles
Voilà comment sont nos marins
« A la ferraille »

 
II
Si vous manquez l'embarcation
En rentrant de terre
L'officier de quart qui s' trouve sur le pont
D'un air sévère
Vous dit en rentrant « mon salop »
J' crois qu' tu dérailles
Tu vas te rendre subito
« A la ferraille »

III
Souvent pour une bêtise de rien
Une misère
On vous retire votre quart de vin
Et l' pont arrière
Vous voit le soir vous aligner
Pour une paille
De là, on vous envoie coucher
« A la ferraille »

IV
Et quand, à bord, les officiers
Donnent une fête
Le « Mathurin » peut bien s' bomber
D'y voir sa tête
Eux, faisant sauter le bouchon
Faisant ripaille
Ils ne songent pas à ceux qui sont
« A la ferraille »

V
Ils ont un bidon rempli d'eau
Une vieille toile
Ni quart de vin, ni bigorno
Ça fait « peau de balle »
Près de la cambuse, sur l'avant
Cela, c'est canaille
C'est là qu'est le compartiment
« De la ferraille »

VI
Mais quand arrivera la fin
De nos misères
Quand nous serons tous au patelin
Toujours à terre
À nous les murs et les piliers
Et es murailles
Là, nous ne risquerons plus d'aller
« A la ferraille »

 

 

Suzon ma blonde

I
Figure-toi, Suzon ma blonde
Qui te plait à mes tourments
Qu'un rêve le plus beau du monde
Hier est venu me visiter
Je te voyais dans ma chambrette
L'amour t'amenais près de moi
Et tu baissais un peu la tête
Pour me cacher ton doux émoi

Refrain
Quand mon regard vers toi se lève
Je vois bien à ton air moqueur
Que tant d'ivresse et de bonheur
C'était un rêve
Quand mon regard vers toi se lève
Je vois bien que c'était un rêve
II
Tes lèvres pour payer ma peine
Se fendaient en un doux baiser
Et le parfum de ton haleine
Qui achevait de me griser
Mais hélas ! tout ça n'est qu'un leurre
Ton cœur m'est fermé pour toujours
Et tu ne vois pas que je pleure
Et nos vingt ans et nos amours

III
Figure-toi, Suzon ma mie
Pour cette fête de nos fleurs
Dans les buissons, dans les prairies
J'ai fait une moisson de fleurs
J'ai paré les murs d'églantines
De roses, le sol est parfumé
Et c'est pour toi, ô ma divine
J'ai fait un nid tout parfumé
 

 

Fleurs et papillons

I
Ce matin, parmi la prairie
Sous les chauds rayons du soleil
J'ai contemplé, l'âme ravie
Un tableau charmant, sans pareil.
Les papillons aux ailes frêles
Tournaient, valsaient avec les fleurs
Tandis qu'au ciel, les joyeux merles
Sifflaient leurs airs les plus moqueurs

Refrain
Tournez, valsez, gentils papillons
Passez légers en gais tourbillons
Ouvrez vos ailes indécises
Tournez, emportés par les brises
Tournez, valsez, fleurs mes chers amours
Sautez, tournez et valsez toujours
Ouvrez vos corolles mi-closes
Tournez, frais lilas, fraîches roses.
II
Tout se troublait dans la nature
L'herbe des prés, l'azur des cieux
Le petit ruisseau qui murmure
En suivant son cours tortueux
Je voyais le pinson volage
Se cacher dans les verts buissons
Et les fleurs qui dans leur langage
Disaient aux papillons : valsons !

III
Puis la nuit étendit ses voiles
Les fleurs, les papillons joyeux
Disparaissaient sous les étoiles
Tout redevint silencieux
Le lendemain, dès que l'aurore
Apparut, amenant le jour
Les papillons valsaient encore
Et les lilas, tournaient toujours.
 

 

Câline

I
Quand elle naquit
Au gai retour de l'hirondelle
Dans son petit lit
Déjà qu'elle était belle !
Dans ses jolis yeux
Se reflétait l'azur des cieux
Sa mère en la berçant
Souriait à l'enfant
Sous le rideau blanc
De mousseline
Endors-toi mon amour
Sommeille jusqu'au jour
Chantait la voix câline

II
Dans les bois ombreux
Plus tard, elle s'unit sans crainte
À son amoureux
Dans une folle étreinte
De baisers brûlants
L'amour les grise, ils ont vingt ans
Et c'est un chant vainqueur
Qui fait battre le cœur,
Air tendre ou moqueur
De mandoline
Vous l'entendrez un jour
Ce doux chant que l'amour
Dit de sa voix câline
III
Les frimas venus
Il fait bien froid dans la chambrette
Entre ces murs nus
Que la misère guette
Auront-ils du pain ?
C'est le secret du lendemain
Mais un refrain charmeur
Qui réchauffe le cœur
Change en vrai bonheur
L'humeur chagrine
Que la chanson d'amour
Que chante nuit et jour
Sa voix douce et câline

 

 

Lettre de Pierrot à Colombine

I
Ma Colombine bien aimée
Je t'écris du petit lit blanc
Où la fièvre me tient tremblant
Suant, grelottant et râlant
Par la fenêtre mi-fermée
Le soleil joue entre les plis
De vieux rideaux lourds et salis
Qui tombent du plafond des lits

II
Le docteur m'a dit sans ambages
Vous avez au dernier printemps
Aimé trop souvent, trop longtemps
Ces médecins sont épatants
Nous ne fûmes pas assez sages
Il paraît, mon cher trésor
Que ta bouche et que tes yeux d'or
Sont les instruments de ma mort
III
Tu me dis dans ta dernière lettre
Qu'un fils de notre chair est né
Nous l'attendions, c'est notre aimé
Pauvre petit abandonné
Ah ! j'aurais voulu le connaître
Ce fils que je ne verrai pas
Tentera-t-il ses premiers pas
Le lendemain de mon trépas ?

IV
Fais en surtout un honnête homme
Qu'il soit pauvre, mais courageux
Il aura sans doute tes yeux
Qu'il aye notre âme à tous les deux
Apprends-lui qu'il vaut mieux, en somme,
Etre volé, qu'être voleur
En ce bas monde, le meilleur
À sa double part de malheur
V
Une seule chose qui m'attriste,
C'est qu'un beau jour il soit tenté
D'être orateur ou député ;
Ce sont des gens si mal notés !
Qu'il ne soit pas non plus artiste,
Peintre, poète ou chansonnier.
On meurt de faim dans ce métier.
Fais-en plutôt un ouvrier

VI
Adieu, je termine ma lettre
En vous embrasant tous les deux
Toi, ma femme, sur tes beaux yeux,
Lui, sur le front, dans les cheveux.
Ah ! j'aurais voulu le connaître !
Hélas ! au Dieu juste et Très-Haut
Il n'en faut pas demander trop.
Adieu ! je signe : « ton Pierrot »
 

 

Réponse de Colombine à Pierrot

I
Pierrot, je réponds à ta lettre
De la mansarde, sous le toit.
Oui, malgré la faim et le froid,
Je fus bien heureuse avec toi.
Ton fils dors près de la fenêtre.
La nuit qui tombe sur Paris
Fait revivre en moi le ciel gris
Où mon cœur par ton cœur fut pris

II
Rappelle-toi, c'était l'automne
Au dernier des derniers beaux jours
Nous échangeâmes pour toujours
Les doux serments de nos amours.
Et les badauds qu'un rien étonne
En nous voyant sur leur chemin
L'air tendre et la main dans la main
S'offusquaient de notre air câlin

III
Vinrent l'hiver et la famine
Les mois de mauvaise saison
Où notre amoureuse chanson
Se terminait dans un frisson
Tu me disais « Ma Colombine »
Plus de pain : pour le remplacer
Viens, nous allons nous embrasser
Et tu commençais à tousser

IV
Puis dans la mansarde sans flamme
Ce fut un soir un jour maudit
Où l'on t'emporta du cher nid
Que notre amour avait béni
Et je crois qu'on m'arrachait l'âme
Le médecin d'un ton banal
Ne m'apprit quel était ton mal
Que quand tu fus à l'hôpital

V
L'enfant né de notre tendresse
Est rieur, rose et bien formé
Il te ressemble, ô mon aimé
Et lorsque son regard charmé
Croise le mien dans sa caresse
C'est toi que je retrouve en lui
Vivant souvenir de celui
Que Dieu me reprend aujourd'hui

VI
Adieu, je termine ma lettre
En t'embrassant sur tes yeux d'or
Oh ! mon Pierrot, mon cher trésor
Mon homme, je t'embrasse encore
Ton fils sera ce qu'il doit être
Pierrot, je t'en fais le serment
De l'élever honnêtement
Adieu, je signe (Ta Colombine)

 

 

L'amante infidèle

I
J'aimais, jadis, une gentille ouvrière
Car dans ce monde on ne peut trouver mieux
De la maison, c'était la cuisinière
Ah ! c'était elle qu'avait de jolis yeux
Un pied mignon, une taille divine
Et des appas des plus volumineux
Pour un sergent voltigeur, elle me quitte
Ah ! que l'on est bête quand l'on est amoureux
Ah ! que l'on est bête (bis) quand l'on est amoureux

II
T'en souviens-tu, bamboche de fillette
De ces beaux jours où nous parlions d'amour
T'en souviens-tu qu'assise sur ma couchette
Tu me jurais que tu m'aimerais toujours
Tu m'as trahi, tu n'e qu'une parjure
Tu as changé ton jeune cheval pour un vieux
Je t'aime comme un fou, mais c'est dans ma nature
On est si bête quand l'on est amoureux
On est si bête (bis) quand l'on est amoureux
III
À chaque fois que j' n'étais pas d' service
J' craignais toujours de la quitter trop tôt
En ai-je fait de cette salle de police
En ai-je fait de ces jours de cachot
Pour lui payer tablier, collerettes
Je me serais allé nu comme un gueux
J'aurais rendu mon chapeau et mes guêtres
On est si bête quand l'on est amoureux
On est si bête (bis) quand l'on est amoureux

IV
Mes chers amis, j' m'en vais vous dire la cause
Pourquoi je fuis le monde de ces grands temps
L'on dit partout que les femmes sont des roses
Moi je prétends que c'est l' diable ou l' démon
Ça vous trahit, ça vous prend, ça vous quitte
Et puis après ça vous fait des doux yeux
Ça vous chérit, ça vous séduit tout-de-suite
On est si bête quand l'on est amoureux
On est si bête (bis) quand l'on est amoureux
V
Mais chers amis, ne faites jamais d' maîtresses
Roulez votre bosse, buvez vins jeunes et vieux
Fumez, chiquez, roulez les femmes sans cesse
Battez-les même, elles ne vous aimeront que mieux
Riez de leurs tourments, tout ça, c'est de la parade
Voilà messieurs, pour rendre votre sort heureux
Faites pas comme moi, comme moi, chers camarades
On est si bête quand l'on est amoureux
On est si bête (bis) quand l'on est amoureux


 

 

Le printemps chante


I
Sitôt que le printemps apparaît sous les cieux
Dans les cerveaux il germe des folies
Par un charme puissant, doux et mystérieux
Ces messieurs jeunes ou vieux, trouvent toutes les femmes jolies
Et sur les avenues, et sur les boulevards
On entend ces mots répétés de toutes parts
 
Le printemps chante dans les buissons,
Saison charmante des floraisons
Arborons la fleur élégante
Sur nos habits, sur nos vestons.
(Parlé) Jolies femmes ! de l'œil ! de la dent !
Un pied exquis, l'autre aussi
La plus laide paraît charmante
Le printemps chante.

II
Dans le bois de Boulogne endormis plus ou moins
L'amour comme partout livrant bataille
Des couples enlacés que le maire n'a pas joints
Sans témoins, dans les coins, s'en vont en se tenant par la taille.
Et les amoureux aux coeurs chaleureux
Roucoulent ces mots sous les bosquets ombreux :
 
Le printemps chante dans les buissons
Allons méchante, point de façons
Cède à l'amour qui nous enchante
De ses premiers et doux frissons
(Parlé) A toi mon cœur, veux -tu ma vie ?
Ma fortune, Veux-tu ma montre ?il est midi
Allons, ne fais pas la méchante
Le printemps chante.
III
Parmi les prés, les bois, les monts et le val
Deux bons gendarmes vont l'allure martiale
Endormis à moitié, mais d'un pas bien égal
À cheval tant bien que mal, tâchent d' faire respecter la morale
Le bruit d'un baiser les réveille parfois
Le brigadier soupire et murmure à mi-voix :
 
Le printemps chante dans les buissons
L'âme clémente, sans bruit passons
L'amour est une chose charmante
Brigadier, vous avez raison
(Parlé) Fermons parfois les yeux sur la chose illicite
D'autant mieux que l'auberge est là qui nous invite
J' dirai deux mots à la servante
Le printemps chante.

IV
Alors que les amants volent au rendez-vous
Deux vieux en qui la vie mit sa sagesse
Devant la porte, assis, comme de bons époux
D'un œil doux, point jaloux, regardent folâtrer la jeunesse
Et les deux bons vieux, perclus et cassés,
Chevrotent à ceux qui passent enlacés :
 
Le printemps chante dans les buissons
Tout vous enchante, filles, garçons
Quant à nous, notre voix tremblante
A dit ses dernières chansons
(Parlé) Embrassez-vous, enfants, en la forêt prochaine
Hélas ! ça vous quittera avant que ça n' nous reprenne
Car un beau jour le cœur se lasse
Le printemps passe.
 

 

Roule-Roule

I
Sur la place de la Bastille
Où va-t-elle de si bon matin
Cette ouvrière si gentille
Au pied mignon, à l'œil mutin ?
Elle s'en va, coquette, séduisante
Au travail en attendant mieux
Ce soir, elle rentrera contente
Au bras de son p'tit amoureux
 
Refrain
Roule, roule, gentil trottin
N'envie pas la robe de satin
L'amour n'a pas besoin de richesses
Ce que l'on connaît de meilleur
Pour avoir le parfait bonheur
C'est la jeunesse

II
Une année s'est vite écoulée
C'est au bois qu'elle va maintenant
Dans sa voiture bien attelée
Attire les regards des passants
C'est une femme entretenue
C'est une artiste, mais sans talent
Puis, elle se montre presque nue
Dans un concert très élégant
 
Refrain
Roule, roule, c'est le bon temps
Moque-toi de tous les passants
Des beaux messieurs, de la noblesse
Ce soir, tu t'en iras coucher
Dans la chambre de ton cocher
Avec ivresse
III
Mais bientôt, quelle dégringolade
L'amour s'est vite envolé
C'est dans le panier à salade
Qu'elle vient de se faire emballer
Tu n'es plus qu'une vieille gigolette
Marchande d'amour à bon marché
Les coups pleuvent sur ta pauvre tête
Quand le travail n'a pas marché
 
Refrain
Roule, roule, c'est ton destin
Maintenant, tu n'es qu'une catin
De toi, la Justice s'empare
Tu vas dans la voiture des gueux
Pour un mois, peut-être pour deux
À Saint-Lazare

IV
Maintenant, elle pousse dans la rue
Une voiture chargée lourdement
Elle vend le maquereau, la morue
Sous la pluie, la neige et le vent
Et voilà toute son existence
Résumée par ces deux poissons
 
Refrain
Roule, roule, va, c'est la fin
Suis péniblement ton chemin
Et bientôt, pauvre créature
Tu t'en iras, les pieds devant
Sans que personne suit seulement
Ta pauvre voiture
 

 

Lettre des Colonies

I
Mes très chers parents, c'est d' la Martinique
Sous un bananier où j' crevions d' chaleur
Que je vous envoie cette petite rhétorique
Faite d'une mauvaise plume, mais d'un très bon cœur
Sous ce bon Dieu de climat, on ne sait que faire
On sue, l'on a chaud, comme dedans un four
Aussi, ça vous fait changer d' caractère
Ainsi que d' flanelle plusieurs fois par jour

II
Le soir dans son pieu, on sent qu' ça vous pique
Ce sont des p'tites bêtes qui viennent rigoler
Tenez, l'autre jour, un sacré moustique
M'a piqué près de l'œil, il est tout enflé
Notre cantinière même, n'a pas de veine
Car je l'ai vue encore aujourd'hui
Elle a l' ventre très gros depuis quelques semaines
Sûrement qu'un moustique l'a piquée aussi
III
Quand vient le Dimanche afin d' me distraire
Quand les autres dont rien, j' m'en vais les aider
Y a bien des civils, mais j' les fréquente guère
Ce sont des négros qui ne savent pas parler
En fait de toilettes, ils ne se ruinent guère
Eté comme hiver, ils ont l' même vêtement
Ils portent par devant une petite bavette
Qui est toujours relevée quand il y a du vent

IV
Bref, en attendant qu'en France je revienne
Dites bien des choses à ceux du patelin
À l'oncle sincère, à la tante Madeleine
À la mère Batiste, au père Mathurin
Ne m'oubliez pas près de mam'zelle Nitouche
Que j'aime toujours à l'adoration
Je l'embrasse bien fort, mais pas sur la bouche
Attendu que j' viens d' manger un oignon
V
Mes très chers parents, je termine la page
Tout l' temps j' pense à vous sur l' continent noir
Je vous embrasse bien tous, ainsi que tout l' village
Je vous dis pas adieu, mais j' vous dis au revoir


 

 

Vin d'amour

I
Levant sur moi ses beaux yeux bleus
Un jour, ayant folie en tête
« Margot » me dit d'un air joyeux
Je veux me griser pour ta fête
Puis en montrant un vieux flacon
Elle me dit, tendant son verre
Verse à boire à notre chanson
Elle l'entama d'une voix claire

Refrain
Et dans mon verre
Verse, verse
À pleins bords
Oui, verse encore
Du champagne, vin mousseux
Qui rend nos cœurs joyeux
Dans l'ivresse
Ta maîtresse
Qui t'adore
Et qui t'implore
Pour fêter ce beau jour
Verse le vin d'amour

II
Mais en automne, un beau matin
Comme la brune hirondelle
« Margot », vers un pays lointain
S'enfuit un jour, adieu ma belle
Va, je garde comme un trésor
Ton verre en chassant la tristesse
À toi, à toi, je bois encore
À ton refrain, chère maîtresse

III
Ses cheveux blonds aux reflets d'or
Caressaient ma lèvre amoureuse
Quand sa voix prenait son essor
Elle me plaisait, si joyeuse
Sa taille fine, en mes dix doigts,
Prenait sans peine, on le devine
« Margot » m'a charmé bien des fois
En chantant de sa voix divine
 

 

Vive la classe

I
Amis, j'ai fait soixante mois
Mon congé est fini
Mes vœux sont accomplis
Je suis heureux de mon renvoi
Les balais, les fauberts,
M'ont souvent valu du fer
Quand il fallait chaque matinée
S'armer d'un de ces plumeaux
Pour faire le bourricot
Car c'est ainsi que j'ai toujours navigué
Depuis mon arrivée jusqu'à la fin de mon congé

Refrain
Plan, rataplan, rataplan, rataplan, vous qui restez à bord
Au charnier remplissez vos verres
Ah ! buvons, trinquons, oublions toutes nos misères
Car ces fayots et tous ces sakos
Réclamons une vengeance
Crions vive la France !
La liberté, vive notre congé !
II
J'ai fait l'escadre pendant trois ans
Sur ces maudits bateaux
Abondent les fayots
C'est là tous mes embarquements
Voilà toutes mes campagnes de guerre
Les quarts de nuit m'ont toujours fait groumer
Car, lorsque je dormais, ces cris qui m'éveillaient
Debout au quart, debout les tribordais
Du hamac font sauter
Et cinq heures de quart à s'embraquer

III
Adieu fusils, adieu canons
Adieu, vieille marine, au diable les disciplines
Plus d'exercices, plus de retranchements
Plus de consignes, ni de pelotons
Nous ne ferons plus de charbons
Nous ne croiserons plus de filets Boliveaux
Quand nous serons débarqués
De l'escadre de Méditerranée
IV
Amis, fêtons en vrais matelots
Ce jour de délivrance
Crions « Vive l France »
Employons tout notre magot
An un temps - trois mouvements
Et sachons tous faire « par le flanc »
Sur le quai de Toulon, quand nous débarquerons
Tous nous boirons à la santé de nos frères
Qui prennent notre place, à notre tour nous crierons
Vive la liberté ! qu'on nous donne notre congé !


 

 

Au clair de la Lune

I
Bois mystérieux et forêts profondes
Sous les frais rayons de la lune blonde
À quoi rêvez-vous ?
Est-ce au renouveau, souffle qui féconde
Bois mystérieux et forêts profondes ?
 
« Nous rêvons hélas aux baisers perdus
À tous les serments jadis entendus
Qui s'en vont rêvant parmi la nuit brune
Au clair de la lune »

II
Couples enlacés, amants de mystère
Sous les blancs rayons de la lune claire
À quoi rêvez-vous ?
Est-ce au songe creux de quelque chimère
Couples enlacés sous la lune claire ?
 
« Nous rêvons à deux, aux amours sans fin
Aux mots éternels, nous rêvons enfin
Aux baisers qui font de deux âmes, une
Au clair de la lune »
III
Pâle chemineau, sans logis ni hardes
Sous les gris rayons de la lune blafarde
À quoi rêves-tu ?
Est-ce l'âtre chaud de quelque mansarde
Pâle chemineau, sans logis ni hardes ?
 
« Je rêve aux chemins profonds de la nuit
De même qu'hier, je marche aujourd'hui
Et ma main bénit le ciel sans rancune
Au clair de la lune »

IV
Es-tu matelot au bateau qui penche
Sous les froids rayons de la lune blanche
À quoi rêves-tu ?
Serait-ce à la mort, sans linceul ni planches
Matelot perdu sous la lune blanche ?
 
« Je rêve à la vierge aimante aux doux yeux
À l'étoile d'or qui sourit aux cieux
Au Christ implorant pour nous sur la dune
Au clair de la lune »
V
Pâle combattant qui déjà ne bouge
Aux sanglants rayons de la lune rouge
À quoi rêves-tu ?
Maudis-tu la guerre, effroyable bouge
Ou blasphèmes-tu sous la lune rouge
 
« Je rêve à ma mie aux si doux appas
À ma mère aussi qui m'attend là-bas
À mon vieux clocher qui chante à la brune
Au clair de la lune »


 

 

Brise des nuits

I
Celle que j'aimais si rieuse
A-t-elle gardé toute la gaieté ?
De l'avenir, insoucieuse
M'a-t-elle une fois regretté ?
Rapide comme l'hirondelle
Cette nuit, je voudrais aller
Aller lui dire que loin d'elle
Mon cœur ne peut se consoler

Refrain
Envole-toi vers cette femme
Brise des nuits (bis)
Avec mon cœur, avec mon âme
Va, je te suis (bis)
II
À sa fenêtre, si rieuse
Si tu la vois verser des pleurs
De sa chevelure soyeuse
S'exhale un doux parfum de fleurs
De sa bouche où son haleine
Exhale son premier amour
Sur ses lèvres qu'lle ouvre à peine
Brise des nuits, souffle à son tour

III
Si tu la vois, seule et plaintive
S'égarer à l'ombre des bois
Ou courir le long de la rive
Qui nous fit rêver tant de fois
Dis-lui que, malgré les années
Son nom ne s'est pas effacé
De mes lèvres où sont passées
Toutes les notes des baisers
 

 

Le Domino rose

I
J'étais au bal samedi dernier
J'étais passionné par la danse
Aussitôt je me mis à danser
D'une demoiselle j' fis connaissance
Elle avait un beau domino
Très riche et tout de satin rose
C'était la déesse du troupeau
Oh ! mes amis, la belle rose !
 
Refrain
Et tout en dansant la belle enfant
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu
Vous avez un visage charmant
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu

II
Bref, nous passons à la polka
Elle s'appuya sur mon épaule
Avec impatience déjà
J'attendais sa dernière parole
Pour satisfaire à son désir
Je lui dis : ma toute belle
Aussitôt, je tendis l'oreille
 
Refrain
Elle m' répondit de sa plus douce voix
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu
C'est avec plaisir que le soir je bois
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu
III
Bref, j'en devins amoureux
Je dis à la petite mignonne
Nous allons souper si tu veux
Elle accepta, la petite friponne
Et tous les deux, dans un salon
Après avoir bu le champagne
Relève un peu ton capuchon
Dis-je à ma divine compagne
 
Refrain
Elle ne me répond pas, car elle dormait
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu
Le champagne avait déjà fait son effet
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu

IV
Crainte de troubler son sommeil
Je voulais voir son blanc visage
Crainte de troubler son réveil
Je voulais voir son blanc corsage
Je relève son capuchon
Je fis quatre pas en arrière
J'en faillis perdre la raison
J'étais aux pieds d' ma vieille belle-mère
 
Refrain
Si vous m'aviez vu courir dans l'escalier
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu
Je crois bien même que je suis parti sans payer
Tur lu lu tu tu, tur lu lu tu tu
 

 

Les adieux d'un marin

I
Avant de quitter la terre pour l'océan
J'ai dit : priez Dieu, ma mère, pour votre enfant
Avant de se mettre en route, je veux revoir
Nina qui pleure sans doute de désespoir
Nina, si je succombe et qu'un beau soir
Une blanche colombe vient te voir
Ouvre ta fenêtre car ce sera
Mon âme qui peut-être te reviendra

Refrain
Oh ! les gais matelots (bis)
Qui chantent sur les flots (bis)
Quand au large la brise, surprise
Ne trouve plus d'écho
II
L'autre soir sur la grève, rêvant à toi
J'ai selon plus en rêve ma mère et toi
Alors, adieu donc le navire qui bien souvent
M'a vue pleurer et rire suivant le temps
Mais je vois une tombe, Ninon, dis-moi
Cette blanche colombe, serait-ce toi ?
Le matelot qui rêve, debout, poltron
Le dernier quart s'achève, merci, pardon

III
Mais j'aperçois la terre, grand Dieu, merci
Car je vois déjà ma mère, mais seule ici
De ma voix incertaine, elle ne répond pas
Ma voix en tremblant l'appelle, bien loin, là-bas
Ninon ! demain, c'est fête, car me voici
Que le curé s'apprête, le prêtre aussi
Demain, les blondes filles, l'on dansera
La perle des Antilles m'épousera
 

 

Salut aux ouvriers

I
Chaque matin, au lever de l'aurore
Voyez passer ces pauvres ouvriers
La face blême et fatiguée encore
Où s'en vont-ils ? Se rendre aux ateliers
Petits et grands, les garçons et les filles
Malgré le vent, la neige et le froid
Jusqu'aux vieillards, les mères de famille
Pour le travail, ont tous quitté leurs toits

Refrain
Saluez, riches heureux
Ces pauvres en haillons
Saluez, ce sont eux
Qui gagnent vos millions
II
Ces ouvriers, en quittant leurs demeures
Sont-ils certains de revenir le soir ?
Car il n'est pas de jour, ni même d'heure
Où l'on ne soit victime du devoir
Car le travail est un champ de bataille
Où l'ouvrier est toujours le vaincu
S'il est blessé, qu'importe où il s'en aille
À l'hôpital, puisqu'il n'a pas d'écu

III
Combien voit-on d'ouvriers, d'ouvrières
Blessés soudain par un terrible engin
Que reste-t-il pour eux, c'est la misère
En récompense, aller tendre la main
Et sans pitié l'on repousse ces braves
Après avoir rempli leurs coffres d'or
Les ouvriers ne sont que des esclaves
Sous le courroux des maîtres du trésor
IV
Que lui faut-il, l'ouvrier qui travaille ?
Etre payé au prix de sa sueur
Vivre un peu mieux que coucher sur la paille
En récompense après son dur labeur
Avoir du pain au repas sur la table
Pouvoir donner ce qu'il faut aux enfants
À son repas, un peu de confortable
Afin qu'il puisse travailler plus longtemps


 

 

La ferme des rosiers

I
Dans la vallée, au bord de la Moselle
Je cheminais sous les hauts peupliers
L'oiseau chantait sa romance nouvelle
Quand j'aperçus la ferme des rosiers
Un gai soleil inondait de lumière
Des bébés roses jouaient près de son seuil
Entrez, entrez, me disait la fermière
Aux voyageurs, nous faisons bon accueil
Nous faisons bon accueil

Refrain
Soyez le bienvenu, vous qui parlez de France
Vous trouverez toujours place dans nos foyers
Plus tard, en apportant la joie et l'espérance
Puissiez-vous retrouver la ferme des rosiers
II
En mon honneur on apporta des verres
Afin de boire, on parla du pays
Nous évoquions des souvenirs de guerre
Les jours de deuil où nous fûmes trahis
Les yeux alors s'obscurcissaient de larmes
Elle me disait, avec un mal accent :
« Je fus témoin de l'un de ces faits d'armes
Où nos soldats luttaient dix contre cent » (bis)

III
Ils étaient las, ces soldats héroïques
On avait dit : il faut vaincre ou mourir
Rien n'ébranla leur courage stoïque
Et, bravement, ils ont tous su mourir
Souvent, le soir, tout mon être tressaille
Je les revois devant mes yeux rêveurs
Défigurés, hachés par la mitraille
Où ces martyrs attendaient leurs vengeurs (bis)
IV
Ils sont là-bas, couchés sous notre terre
Et mes rosiers les recouvrent de fleurs
Le rossignol y chante avec mystère
Et la rosée y fait briller ses pleurs
Notre maison est restée à la France
Dans le cellier, j'ai gardé leur drapeau
Malgré l'exil et les jours de souffrance
Je reste ici pour garder leurs tombeaux


 

 

La Créole

I
Il n'est plus ardente créole
Qui soit au monde, et je le dis
De plus belle, sur ma parole
Il n'est pas au paradis

Refrain
Si vous saviez comme elle est jolie
Comme une étoile au fond des cieux
Elle brille et je vous défie
De rencontrer de plus beaux yeux
II
Elle est belle et si diaphane
Qu'en vérité, souvent je crains
Que mon ardent baiser ne fane
Le satin de ses blanches mains

III
À ses genoux, quand je m'incline
Je suis tremblant comme un enfant
Esclave de sa voix divine
Du ciel, je rêve en l'écoutant
 

 

Sur les fortifs

I
Quand on s' balade sur les Barrières
Parfois
Ce sont des filles à longue crinière
Que l'on voit
Elles ont de grands yeux de malades
Cernés
Par l'abus de toutes les rigolades
Données
Ça dort sur l'herbe et sur la mousse
N'importe, va où je te pousse
Ça n' se démêle jamais les tiffes
Sur les fortifs, ça pousse.

II
L'on ne peut connaître ni leur âge
Ni leurs traits
Elles se cachent sous un maquillage
Mauvais
Ça rode comme le vent qui souffle
Le jour
Et ça donne aux gommeux qui souffrent
L'amour
L'hiver, ça grelotte et ça tousse
L'été, joyeusement, ça glousse
C'est frêle, misérable et craintif
Sur les fortifs, ça pousse.

III
Ça n'a jamais connu d'homme
Que le rouquin
Pour eux, c'est la fleur de la gomme
Le gratin
Ça suit le bourgeois dans la rue, le soir
Et sur lui souvent ça s' rue
Dans le noir
Ça ne sait pas ce qu' c'est qu' la vie douce
Mais souvent leur mari la courrouce
Ça possède un cœur peu naïf
Sur les fortifs, ça pousse.

IV
Ça n'a ni corset, ni chemise,
C'est nue
Voilà la vraie fille soumise,
La grue
À trente ans, ça ne vaut plus rien
C'est foutue
Pour elle, la vie est éteinte
Et perdue
Le mari, devant cette déveine
Sur elle se rue et l'achève
En plein cœur lui plante un canif
Sur les fortifs, ça crève.

 

 

La berceuse de Jocelyn
(de l'opéra Jocelyn, 1888)
Paroles d'Armand SILVSTRE (1837-1901) et de Victor CAPOUL (1839-1924)
Musique de Benjamin GODARD (1849-1895)

I
Cachés dans cet asile, où Dieu nous a conduits
Unis par le malheur, durant les longues nuits
Nous nous reposons tous deux, endormis sous leurs voiles
Ou prions aux regards de tremblantes étoiles.
Refrain
Oh ! ne t'éveille pas encore
Pour qu'un bel ange de ton rêve
En déroulant son long fil d'or
Enfant, permette qu'il s'achève !
Dors ! Dors ! le jour à peine luit
Vierge sainte, veillez sur lui !
II
Sous l'asile du Seigneur, loin des bruits de la foule
Et comme un flot sacré qui doucement s'écoule
Nous avons vu les jours, passer après les jours
Sans jamais nous lasser d'implorer son secours.


 

 

Marche des cambrioleurs
Paroles de Jean DARIS
Musique de Rodolphe BERGER
Chanté par Victor LEJAL (1898)

I
Dans le bon vieux temps
Nos aïeux souvent
Arrêtaient les diligences
Oui, mais à présent
Quel perfectionnement
On est devenu plus régence
Le triomphateur
C'est l' cambrioleur
Avec sa pince monseigneur
Qui vous fait sauter
Les verrous de sûreté
Et tranquillement
Sans le moindre boucan
Fait son déménagement

Refrain
Nous ne sommes pas des voleurs
Vraiment, c'est trop bête, trop bête
Nous sommes des cambrioleurs
C'est bien plus chouette, plus chouette
C'est nous qui fracturons
Et qui dévalisons
À chaque saison
Les petites maisons
Et quand on est amateurs
Vraiment c'est bien trop d'honneur
D'avoir comme visiteurs
Ces braves cambrioleurs
II
On arrive la nuit
Sur le coup de minuit
Dans une maison solitaire
On flanque au portier
En train de roupiller
Des marrons sur la cafetière
Le bourgeois braqueur ( ?)
Devient vert de peur
Nous offre des liqueurs
On prend son argent
Et même ses fausses dents
Ses antiquités
Ses vins frelatés
Et sa femme par dessus le marché

III
Celui qui est malin
S'habille en gandin
Et fait de l'œil aux duchesses
Qui dans les wagons
Près d'elles, sans façons
Posent des sacs pleins de richesses
Un copain vivement
Dans l' compartiment
Derrière se glisse adroitement
Puis en deux temps ! crac !
Il barbotte le sac
Pendant que dans l' train
La dame est en train
De s' dire j'ai fait un béguin
IV
En Juillet dernier
J' revenais d' pénétrer
Chez une douairière peu béguette
Mais quelle déception
Rien dans la maison
Je trouve la vieille toute seule
Alors elle me dit
Monsieur le bandit
Vous devez être confit
Car pour tout revenu
Je n'ai que ma vertu
J' vais vous la donner
Je réponds sans tarder
Merci ! J' ne veux pas vous en priver

V
Les jeunes débutants
Pas assez prudents
S'en vont passer leurs vacances
Dans de bonnes prisons
Pleines de distractions
Où l'on fait de chics connaissances
Des banquiers sauteurs
Des gens dans l' malheur
Députés ou sénateurs
C' qui fait que comme ça
Quand on sort de là
On a du piston
Et de bonnes relations
On ne craint plus les arrestations


 

 

Le Credo du Paysan
Paroles de Stéphane et Francisque BOREL
Musique de Gustave GOUBLIER (1890)

I
L'immensité, les cieux, les monts, la plaine,
L'astre du jour qui répand sa chaleur,
Les sapins verts dont la montagne est pleine
Sont ton ouvrage, ô divin créateur !
Humble mortel devant l'œuvre sublime
À l'horizon quand le soleil descend
Ma faible voix s'élève de l'abîme
Monte vers toi, vers toi Dieu tout-puissant.

Refrain
Je crois en toi, maître de la nature
Semant partout la vie et la fécondité
Dieu tout-puissant qui fis la créature
Je crois en ta grandeur, je crois en ta bonté ! (bis)
II
Dans les sillons creusés par la charrue
Quand vient le temps je jette à large main
Le pur froment qui pousse en herbe drue
L'épi bientôt va sortir de ce grain.
Et si parfois la grêle ou la tempête
Sur ma moisson s'abat comme un fléau
Contre le ciel loin de lever la tête
Le front courbé, j'implore le Très Haut !

III
Mon dur labeur fait sortir de la terre
De quoi nourrir ma femme et mes enfants
Mieux qu'un palais, j'adore ma chaumière
À ses splendeurs, je préfère mes champs
Et le dimanche, au repas de famille
Lorsque la joie vient tous nous réunir
Entre ma femme, mes fils et ma fille
Le cœur content, j'espère en l'avenir
IV
Si les horreurs d'une terrible guerre
Venaient encor fondre sur le pays,
Sans hésiter, là-bas, vers la frontière
Je partirais de suite avec mes fils.
S'il le fallait je donnerais ma vie
Pour protéger, pour venger le drapeau
Et fièrement tombant pour la patrie
Je redirais, aux portes du tombeau :

Dernier refrain
Je crois en toi, maître de la nature
Toi dont le nom divin remplit l'immensité
Dieu Tout-Puissant qui fis la créature
Je crois en ta grandeur, comme en la Liberté !
Comme en la Liberté, je crois, je crois en toi !
 

 

Le matelot de Nantes

I
Jean Noël, matelot de Nantes
À sa femme disait un soir
J'ai vu des choses étonnantes
Mais je ne veux plus les revoir
J'ai fait cinq fois le tour du monde
Sur des beaux vaisseaux à trois ponts
Je sais qu'il fait chaud à Golconde
Mais qu'il fait froid chez les Lapons
 
Refrain
Eh ! bien, de Singapour à Nantes
Mes yeux n'ont rien vu de si beau
Que notre enfant lorsque tu chantes
Pour l'endormir dans son berceau

II
Vers le Sud où le vent sommeille
J'ai vu sur les deux horizons
Des vaisseaux de la mer vermeille
Porter de l'or pour cargaison
J'ai vu dans l'Inde, des gondoles
Où les esclaves du Sérail
Au lieu de gougeons et de soles
Pêcher la perle et le corail

III
J'ai vu la Chine, oui, je t'assure
Elle est couverte de Chinois
Et les femmes, dont la chaussure
Est une coquille de noix
J'ai vu la Chine toute pleine
De gros rubis de Bengador
Avec des tours en porcelaine
Et des temples au tuiles d'or

IV
Adieu la mer, oui, je débarque
Mettons-nous à l'abri des vents
J'étais sujet, je suis monarque
Auprès de ma femme, mon enfant
Dans l'alcôve, après mes voyages
Où l'on trouve le plus doux climat
Et le soir, au clocher du village
L'on dort bien mieux qu'au pied d'un mât
 
Refrain
Béni soit Dieu qui nous rassemble
Auprès de notre enfant si beau
Nous chanterons le soir ensemble
Pour l'endormir dans son berceau

 

 

Fais dodo

I
Quand ils s'étaient connus un jour de fête
Le soleil leur avait tourné la tête
Et tout grisés de bonheur, leurs amours
Devaient durer longtemps, longtemps, toujours
Mais brisant là l'idylle faubourienne
L'homme est parti, laissant la femme en peine
Et la pauvresse, épave du ruisseau
Chante le soir, près d'un petit berceau
 
Fais dodo, mon pauvre gosse
Pour t'élever, c'est atroce
Y avait pas à choisir
Ou me vendre, ou mourir
Pour un père qui fut lâche
Moi, j' me tue à la tâche
Et plus tard, dire que toi
T'auras honte de moi

II
Par un ciel bleu, tout pailleté d'étoiles
Le pêcheur s'embarque et hisse les voiles
La bise au loin l'emporte sur les flots
Faut bien gagner le pain des marmots
Mais, brusquement, on entend comme un râle
La mer mugit à travers la rafale
Comme elle a déjà fait trop d'orphelins
La maman chante en berçant ses bambins
 
Fais dodo, mon p'tit Pierre
Moi je prie pour ton père
Quand j'entends l' bruit des flots
J'ai l' cœur plein d' sanglots
Si la vague houleuse
Allait l' prendre, ah ! la gueuse
Dis, plus tard, toi mon petiot
Tu ne seras pas matelot
III
Voici le riche autel où rien ne manque
Où l'on prend sans compter l'or à la banque
Dans un berceau à son chiffre brodé
Tout rose et blond, repose un gros bébé
Sa triste mère est cocotte et mondaine
Et son enfant est pour elle une chaîne
Soudain bébé s'éveille et tend les bras
À sa nounou qui lui chante tout bas
 
Fais dodo, mon cher ange
T'as bien chaud dans tes langes
Moi, là-bas, tout là-bas
J'ai laissé un petit gars
Pendant que j' te dorlote
Peut-être ben qu'il grelotte
Que Dieu garde son berceau
Fais dodo, mon petiot

IV
Odieusement trompé dans sa tendresse
L'amoureux s'est vengé d' sa maîtresse
Et s'affolant de son rire moqueur
Il l'a frappée d'un coup, d'un seul, au cœur
Mais maintenant que sa raison chavire
Le malheureux l'appelle en son délire
Agenouillé, tout prêt du lit sanglant
Le pauvre fou murmure en la berçant
 
Fais dodo, ma chérie
Comme t'es belle endormie
À jamais, par mes mains
Tes grands yeux sont éteints
Hanneton, vole, vole
J'ai tué mon idole
Moi, je tremble, elle a froid
Ah ! pitié pour moi !
V
Dans la mansarde où l'on se réfugie
Quand on est là et vaincu par la vie
Deux pauvres époux vieux vivaient unis
Quand la Camarde est entrée au logis
Et près du lit où repose glacée
Celle qui fut toujours la bien-aimée
Le vieillard pleure et le cœur gros, bien gros
Redit toujours à travers ses sanglots
 
Fais dodo, ma pauvre vieille
Pour toujours tu sommeilles
Qu'est-ce que je vais faire sans toi
Si la Mort ne veut pas d' moi
À nous deux la misère
Etait douce et légère
J' vais te rejoindre bientôt
Ma pauvre vieille, fais dodo


 

 

Allons la Môme

I
Allons la Môme, c'est le jour de repos
C'est le jour où l'on sort son chapeau
Quoiqu'on s'engueule toute la semaine
Il faut bien que l' dimanche l'on s' promène
Pour Vincennes, allons prendre le train
Dans tes yeux je ne vois plus de chagrin
Partons gaîment pour la balade
Surtout n' crois pas qu' tu es malade
 

Refrain
T'es toute petiote
Maigriotte
Et pâlotte
Je vois d' la peine dans tes grands yeux
Mais j' vois pourtant qu' bientôt tu iras mieux
Tu ne tousseras plus, ma mignonne
Tu n'as rien à craindre de l'automne
Et je t'aimerai tant et tant
Que pour toi ce sera toujours le printemps
II
Si tu me promets de ne plus tousser
Ensemble, nous allons aller
Allons nous embrasser sur l'herbe
Des fleurs des champs nous ferons une gerbe
Nous nous griserons de bécos
Nous cueillerons les rouges coquelicots
Toutes ces fleurs-là, vois-tu, ce sont les nôtres
Laissons les œillets blancs aux autres

III
Nous n' pouvons pas, mon p'tit coco
Partir pour Nice ou Monaco
Mais nous irons tous les dimanches
Au bois de Vincennes, reluquer les branches
Ça n' vaut pas le voyage à la mer
Mais, vois-tu, la gosse, ça coûte moins cher
Ici comme là-bas, chère maîtresse,
C'est le même soleil qui nous caresse
 

 

Les rêves

I
L'homme quand il est tout petit
S'endort quand la nuit s'achève
Mais sa tête travaille toute la nuit
Que voit-il dans ses rêves ?
Ce qu'il voit : le grand Sanoël
Un polichinelle
Le cousin de la maison
Qui lui donne des bonbons
Puis, changement de tableau
Ça, c'est pas rigolo
Le papa se met
À lui donner le fouet
 
Refrain
Alors ! il s'endort doucement
Disant « papa, oh ! quelle sale rosse »
J'aime mieux cousin, suis comme maman
Voilà, voilà ce que rêvent les gosses

II
Le collégien dans son dortoir
Met sa tête à la torture
Dans ses rêves que peut-il bien voir
En s'envolant sur la couverture
C' qu'il voit : le Décaméron
Les œuvres de Piron
Un couar enfermé
Où le soir il va fumer
La grosse bonne Toinon
Qu'a d' si beaux nichons
Une bonne de brasserie
Qui l'appelle chéri
 
Refrain
Alors ! il dort en souriant
Fier de sa moustache naissante
Qui s' compose de trois poils flottants
Voilà, voilà, ce que rêve le potache
III
L'agent va se fourrer au pieu
Quand il a fini son service
Que peut-il voir dans ses rêves joyeux
Notre brave agent de police
C' qu'il voit : un cheval emballé
Un chien démuselé
Un troquet ouvert
Qui lui paye un amer
Un pauvre poivrot
Que l'on amène au dépôt
Puis, par-dessus ça
Passage à tabac
 
Refrain
Alors ! il s'endort doucement
Aux punaises qui l'assiègent par mille
Circulez ! pas de rassemblement
Voilà, voilà ce que rêvent nos agents de ville

IV
Le marin, quand il rentre en retard
De sa permission du Dimanche
Dans ses rêves, que peut-il bien voir
En tombant sur la planche
Ce qu'il voit : le sergent de section
Qui l'appelle « gros melon »
Un cabot brutal
Qui le traite d'animal
Quatre jours de prison
Pour un petit tendron
Qui lui a fait manquer
L'appel au Quartier
 
Refrain
Alors ! il ronfle en soupirant
Disant : l'amour c'est une sale affaire
Une autre fois, je garderai mes trois francs
Voilà, voilà ce que rêve le militaire
V
L'homme, quand il vient d' se marier
Le soir embrasse sa belle-mère
Que peut-il voir dans ses rêves joyeux
En fermant sa paupière
C' qu'il voit : un lit nuptial
Un front virginal
Puis, cauchemar troublant
La poire de belle-maman
Qui vient en braillant
Revoir sa chère enfant
Elle ne veut plus quitter
La chambre à coucher
 
Refrain
Alors ! il ronfle en soupirant
À sa belle-mère, ces petits mots tendres
Wagou, fourneau, orang-outang
Voilà, voilà ce que rêvent les gendres


 

 

L'ouverrerien

I
Quand j' pense qu'il y a des gens qui ont de la richesse
Qui restent dans leur lit, jusqu'à l' heure de midi
Tandis que moi, ouverrerien en détresse
Je suis dès le matin, debout chez le marchand d' vin
Et moi, brave citoyen, quand ça m' plait de ne faire rien
Vois, Eugène, je n'ai pas d' veine
En gros, en détail, j'adore le travail
Je resterais quinze jours entiers, à regarder turbiner
Je ne suis qu'un pauvre ouverrerien
Qui ne demande qu'à travailler
Mais par un singulier hasard
J'arrivé hélas toujours trop tard (bis)

II
Je travaille dans des maisons huppées
À des métiers flatteurs, chez de grands confiseurs
J'ai sucé les pralines qu'étaient râpées
Pour avoir proprement, les amandes qu' étaient dedans
J'ai massé dans les pots, et même dans les cachots
Bref, cela peut vous prouver, que j'ai fait un peu partout
III
Je fus scieur de long dès ma plus tendre enfance
J'avais pour ce métier un goût particulier
Dans tous les lieux, j'ai scié avec abondance
Tout le monde était ravi, en regardant mes produits
J'ai scié pendant vingt ans, dans les départements
A Grenelle, la Chapelle, j'ai scié dans le Midi
J'ai même scié à Paris. Je voudrais bien encore scier
Seulement, je n'ai plus de sentiers






 

 

Le tout petit apprenti

I
A l'atelier, chaque matin
Au moment où la forge s'allume
Le patron m' dit : allons ! gamin
Retrousse tes manches et frappe sur l'enclume
Tu n' m'as encore rien fichu d' bon
Tu as donc la paille dans la tête
Et moi je lui réponds bêtement
En lui souriant d'un air bébête

Refrain
Dame, vous savez, moi j' suis qu'un petit
Qu'un tout p'tit apprenti
Je ne fais pas à la prose
J' sais encore pas faire grand-chose
Expliquez-moi ce qui faut faire pour ça
En deux temps, en v' là
Et je le ferai, vous verrez bien
Comme un vrai citoyen
II
Le samedi à la boîte les ouvriers
Me disent : viens donc avec nous, Gravroche
Boire un bon demi setier
Ça te mettra du plomb dans les poches
Au bout de trois verres de petit bleu
Ils s' moquent de moi, j'étais pompette
T'es pas un homme, sacré morbleu
Et j' réponds en r'tirant ma casquette

III
L'autre jour, la patronne m' dit tout à coup
Tu sais, Guguste, j'aime ta binette
Embrasse-moi vite ici dans le cou
Et encore, ne fait pas la bête
Tiens ! ça m' chatouille dans mon corset
Dégrafe-moi vite, il n'y a personne
Dépêche-toi donc, Dieu qu' t'es benêt
Et j' réponds, madame la patronne
IV
Messieurs, mesdames, j' vous demande pardon
Je vous ai chanté ma petite affaire
Et j' serai content si au retour
J' n'ai pas trop dit pour vous déplaire
Si à quelqu'un cela déplairait
Je réclame toute mon indulgence
Et je vous prie de m'excuser
Ma faiblesse et mon ignorance


 

 

Le Momiguard parisien

I
Tout là-haut à Ménilmontant
L' momiguard, parisien nature
Bon travailleur, chôme pourtant
Assez pour serrer la ceinture
Un jour il m' dit de n' pas manger
C'est pas ça qui cale la poitrine
Aux marsouins il court s'engager
Fier d'être soldat de marine
Mais là-bas, chez les négros
Les morceaux qu' l'on bouffe ne sont pas gros
Dans les gourbis du voisinage
Il allait faire du maraudage
Le capitaine criait, fâché
Le gosse disait : j' viens d' faire mon marché
Faut qu' l'ennemi paye le supplément
J' sais pas faire la soupe autrement

II
Un jour, une négresse sur les genoux
L' momiguard s' calait comme un prince
C'était défendu l' rendez-vous
Et justement l' capitaine le pince
Que fais-tu là, crénom d'un chien
Assez sauté ce bâton de réglisse
C'est que, répondit l' Parisien
Elle ressemble à ma sœur Clarisse
J' l'embrasse quand j' la trouve dans un coin
Mais j' vous jure que ça n' va pas plus loin
Au bout de quelques mois ma négresse
S'arrondit, se trouve en grossesse
Le capitaine lui dit : espèce de farceur
T'appelles ça bécoter en sœur
Pas ma faute, lui répond bêtement
Sais pas embrasser autrement
III
Aux colonies, tout est permis
Il n'y a pas la vanité des grades
Disait l' gamin devant l'ennemi
Tous les Français sont camarades
Le jour du combat, l' gosse pas fainéant
Se jette devant l'arme assassine
Qu'allait foudroyer son lieutenant
Et reçut l' coup en pleine poitrine
L'officier s' penche sur l' Parisien
Le momiguard dit : adieu, l'ancien
Embrassez pour moi ma négresse
Chauffez-la, c'est une bonne boule de graisse
C'est l' seul moyen de porter mon deuil
L' capitaine lui dit, la larme à l'œil
Blagueur jusqu'au dernier moment
Tu ne devais donc pas mourir autrement


 

 

L'amour sur l'eau

I
Vois, la nuit est sans voile
Ma belle, allons tous deux
Chercher sous les étoiles
Celle des amoureux
Embarquons-nous, ma chère
Et sur le flot brillant
Descendons la rivière (bis)
Tous les deux en rêvant (bis)

Refrain
Le flot, le flot, ma belle
Tous deux nous bercera
Et comme l'hirondelle
Il nous emportera
Ah ! viens dans ma nacelle
Mon cœur t'y conduira
Et nous irons ma belle, ô ma belle
Où ton amour voudra
II
Vois, la nuit est propice
Aux serments amoureux
Le flot soupire et glisse
Le long des bords ombreux
Vois, la vague est plus douce
Que l'écho de ta voix
Que l'herbe et que la mousse (bis)
Qui tapissent les bois (bis)

III
La brise est parfumée
De ces mille senteurs
Cherchant ma bien-aimée
L'ivresse de son cœur
Entends ce gai refrain
Sur la vague endormie (bis)
Rêvons jusqu'à demain (bis)
 

 

Le chemineau

I
Sur la grande route du village
Besace au flanc, bâton en main
Et comme un ouvrier d' passage
Je prends mon vol sur le chemin
Je ne paie pas de patentes
Je vis dans la communauté
J'aime la terre bienfaisante
Le soleil et la liberté
 
Refrain
Tout ce qui est sur la route
Le long du coteau
Il faut qu'il y goûte
Le bon chemineau
Il y a quelque chose là dedans
A se mettre sous la dent
Chemineau, c'est l'heure du fricot
Il n'y a pas de gendarmes
Plume donc un beau perdreau

II
La nature fait de belles choses
Et quand je vois sur les coteaux
Des grappes de beaux raisins roses
Que l'on cueille pour mettre en tonneaux
Je donne la main aux vendanges
Dans le pressoir où bout le vin
Je chante à Noël des louanges
En dégustant le vin nouveau
 
Refrain
Tout ce qui est sur la route
Le long du coteau
Il faut qu'il y goûte
Le bon chemineau
Bourgogne rouge ou blanc
Cela vous donne du sang
C'est du bon vin de proprio
Bois sec et sans eau, joyeux chemineau
III
Quand on fauche les blés splendides
Je donne la main aux moissons
Je vois des filles aux reins solides
Qui vous font passer des frissons
Pour l'amour, le temps est superbe
On se frôle, on échange des mots
Et tout en roulant une gerbe
Sur la nuque je pose un béco
 
Refrain
Tout ce qui est sur la route
Le long du coteau
Il faut qu'il y goûte
Le bon chemineau
La femme est belle, c'est au rabais
L'époux dans l'enclos plante des poireaux
L'amour monte au cœur, aimant chemineau

IV
Le paysan pour moi n'est pas tendre
Et quand je passe devant chez lui
Galvodeux, fainéant, bon à pendre
Qui ne vit que du bien d'autrui
Mais quand je rencontre sur ma route
Un véritable malheureux
Et qui du riche la main n'écoute
Et dans le ventre sonne le creux
 
Refrain
Et puisque le riche le laisse
Dans le malheur
Pour qu'il ait une miche
Je me fais maraudeur
J' lui donne tout ce que j'ai
J' lui dis : j' m'en passerai
Chacun fait du bien comme il peut
Moi, je n'aime pas voir souffrir le malheureux
V
Mais j'ai vendu mon âme au diable
C' qui fait rager Mr le curé
Et pour cette vente à l'amiable
Les gendarmes ont l' droit d' m'arrêter
J' suis un païen, j' vis sans scrupule
Ni Dieu, ni maître vient me guider
J'irai en enfer, où on y brûle
Là, au moins, l'hiver j' serai bien chauffé
 
Refrain
Quand faudra faire
Comme tout bon mortel
La culbute dernière
J'irai peut-être au ciel
Là, s'il y a un bon Dieu
J' lui dirai : mon vieux
J' viens chercher ma part de repos
Puisque enfin, ici, les hommes sont égaux


 

 

Le déserteur 70-71

I
Avant, messieurs les juges, de me lire
L'acte qui dit que j'ai fui mon drapeau
En citoyen, laissez-moi donc vous dire
Qu'en m'exilant je fus sublime et beau
Ne croyez pas que mon cœur magnanime
Un seul instant manqua de fermeté
Non, mais j'ai vu la France ouverte aux crimes (bis)
Voilà pourquoi, messieurs, j'ai déserté (bis)

II
Lorsque la Prusse arma sa main crispée
J'ai vu la main d'un petit caporal
Rendre à Sedan son sceptre et son épée
Et parjurer l'honneur national
J'ai vu Trochu, j'ai même vu Bazaine
Trahir nos droits, trahir la liberté
J'ai vu livrer l'Alsace et la Lorraine (bis)
Voilà pourquoi, messieurs, j'ai déserté (bis)
III
J'ai vu le sang, le meurtre et la rancune
J'ai vu la fraude, orgueil et trahison
J'ai vu Paris en proie à la Commune
Et partout l'exil et la prison
J'ai vu des chefs, la honte et l'injustice
Mais relevant mon front avec fierté
J'eus peur un jour de devenir complice (bis)
Voilà pourquoi, messieurs, j'ai déserté (bis)

IV
Si vous doutez de ma bravoure encore
Lisez ces mots gravés sur mon cœur
Vous y verrez le drapeau tricolore
Qui fut jadis l'emblème de nos aïeux
Mais quand j'ai vu des lâches dans l'armée (bis)
Avec honneur, messieurs, j'ai déserté (bis)
 

 

Le petit rigolo

I
Un jour, la gentille Rose
Ayant mal au mollet
Demanda quelque chose
Au médecin de Bagnollet
Le docteur lui dit : ma chère
Je vois ce qu'il vous faut
Je m'en vais vous faire faire
Un petit rigolo

II
Une demi-heure ensuite
Vient le garçon pharmacien
Qui dit à la petite
Ça va vous faire du bien
Faite-moi voir la place
Où qu'il y a du bobo
Afin que doucement j'y place
Mon petit rigolo
III
Rose fait voir sa jambe,
Son mollet fait au tour
Du garçon, le regard flanche
Et d'un air plein d'amour
Ouvrant une large prunelle
En voyant le tableau
Il lui dit : mademoiselle
Ah ! que c'est donc rigolo !

IV
Donnez votre remède
Dit Rose sur le champ
Et le garçon procède
A la chose, adroitement
Mais Rose alors s'écrie
Rouge comme un coquelicot
Non ! retirez, je vous prie,
Votre petit rigolo
V
Retenant son haleine
Ah ! fait le garçon tremblant
Mam'zelle, pour que ça prenne
Faut l' garder un instant
En ce cas, dit la petite
Laissez-le le temps qu'il faut
Afin qu'il me guérisse de suite
Votre petit rigolo

VI
Le remède, comme on pense
Hâta la guérison
Et par reconnaissance
Rose épousa le garçon
Et maintenant quand Rose
A le moindre bobo
Au mollet on lui pose
Un petit rigolo
VII
Mesdames, cette chansonnette
Prouve que lorsqu'un tendron
A la jambe bien faite
Et le mollet bien rond
Vaut, en ce cas extrême
Faire un garçon pas sot
Plutôt que de mettre soi-même
Un petit rigolo


 

 

Gervaise

I
Depuis qu' tu m'as quitté, Gervaise
Désertant le logis un soir
Me trouvant seul à la fournaise
J'ai retourné à l'assommoir
J'ai bu de l'absinthe comme une brute
Au fond du verre, cherchant l'oubli
Et maintenant, fini la lutte
J' suis heureux, j' n'ai plus d' soucis
 
Refrain
J' suis gai, je vois la vie en rose
J'en ris ah !... cela vaut mieux qu'être morose
Mon cœur comme un papillon
S'envole dans un rayon
Viens donc, Gervaise
Oublions tout ce qui s'est passé
Sois pas mauvaise
Allons ! viens vite m'embrasser
Gervaise

II
Je ne me mettrai plus en ribote
Gervaise, si tu revenais près de moi
Et puis... J' voudrais revoir la petiote
Que t'as emportée avec toi
De cette gosse, c'est moi qui suis l' père
Je l'ai bercée la nuit, le jour
C'est le souvenir de notre misère
C'est le souvenir d'une nuit d'amour
(Au refrain)
III
On pourrait reprendre notre vie tranquille
J'en ai assez de faire le loupeur
Dans mon métier, je suis habile
Et le travail ne m' fait pas peur
Repêche-moi de la fange où je me vautre
Tu ne m' réponds pas, je te fais horreur
C'est-y que t'en aimerais un autre
Ah ! méfie-toi, j' ferais un malheur
 
Dernier refrain
Je suis bête de penser à cette chose
J'en ris, cela vaut mieux qu'être morose
Tu restes là à me regarder
C'est donc vrai qu' t'oses plus me parler
Va-t-en, Gervaise
Ne cherche plus à m'approcher
Catin mauvaise,
Ou sinon, je vais te frapper
Gervaise


 

 

Brin d'amour

I
Permettez, mademoiselle, de vous reconduire
Puisqu'on est voisins et qu'y a du verglas
La petite répondit dans un gai sourire
Ma foi, je veux bien, crainte d'un faux-pas
Bras dessus, dessous, il dit à la belle
Je viendrai vous chercher comme cela chaque jour
Votre petit nom, Jeanne, répondit-elle
Mais tout le monde m'appelle joli brin d'amour
Refrain
Brin d'amour
Mon joli brin d'amour
Oui, tu seras toujours
Ma petite amie
Par ce soir de printemps
Gaiement
Puisque tu m'as charmé
Faisons serment de nous aimer
Toute la vie
II
Comme il demeurait, je crois, au sixième
Elle emménagea en disant, chéri,
Je veux rester ici car, puisque je t'aime
Si près du ciel bleu, ça serait le Paradis
La petite, hélas, était trop coquette
Le garçon n'était riche que d'amour
Et pour des bijoux et quelques toilettes
Sans même un adieu, elle partit un jour
Refrain
Brin d'amour
Mon joli brin d'amour
Va, je t 'aime toujours
Quoi que tu fasses
Tu brises mon bonheur
Mon cœur
Sans réfléchir pourtant
Que la jeunesse et les vingt ans
Un jour ça passe
III
Mais comme se fanent les jolies fleurettes
À faire la noce se fana brin d'amour
Adieu la beauté, c'est fini la fête
Le roman ne dura que l'espace d'un jour
Par un soir d'hiver, un soir de misère
Elle revint frapper à l'ancien logis
Tiens, c'est toi chérie, dit-il sans colère
Tout est oublié, ta place est ici
Refrain
Brin d'amour
Mon joli brin d'amour
Oui, je t'aime toujours
Chère mignonne
Qu'importe la beauté
Passée
Puisque pour mon bonheur
Tu me rapportes tout ton cœur
Je te pardonne
 

 

Mam'zelle Muguette

I
C'était une gamine aux yeux bleus
Qui vendait des fleurs par la rue
Le pied léger, le cœur joyeux
Elle trottait toute menue
La belle avait dans sa corbeille
Lilas blanc et roses vermeilles
Mais la fleur qu'elle préférait
C'était le muguet

Refrain
Allons, messieurs, fleurissez-vous
Prenez mon petit bouquet de deux sous
C'est du muguet, mes jolies fleurs
Vous porteront bonheur
Elle disait ça si gentiment
En offrant son muguet tout blanc
Qu'on surnomma la mignonnette
Mam'zelle Muguette
II
Un jeune homme un jour en passant
Acheta des fleurs à la belle
Puis, les lui offrit galamment
En lui disant : « Mademoiselle,
S'il est bien que vos fleurettes
Portent chance à qui les achète
Permettez-moi de vous en offrir
Cela me ferait plaisir »

Refrain
Allons, Mam'zelle, fleurissez-vous
Prenez mon petit bouquet de deux sous
C'est du muguet, mes jolies fleurs
Vous porteront bonheur
Il lui dit ça si gentiment
En offrant son muguet tout blanc
Qu'elle se laissa conter fleurette
Mam'zelle Muguette
III
Il s'étaient juré tous les deux
De s'épouser sans plus attendre
Mais les parents de l'amoureux
Ne voulurent d'abord rien entendre
Désespérée, seul' la pauvrette
Quand le jeune homme arriva soudain
Des fleurs à la main
Refrain
Allons m' amour, fleurissez-vous
Embrassez votre futur époux
Ne pleurez plus, vos jolies fleurs
Nous ont porté bonheur
Voilà comment le mois suivent
Paré de simple muguet blanc
Se maria, jolie fleurette
Mam'zelle Muguette
 

 

La petite ouvrière de Paris

I
À Paris le matin voyez passer
Les petites ouvrières le pas pressé
C'est de leurs doigts de fée
Que toute la journée
Vont sortir des chapeaux, des robes et des manteaux
Voyez les demoiselles de magasins
Détaillant des rubans ou du satin
Comme elles savent, les coquettes
Faire valoir une toilette
Ou, d'un geste élégant, essayer des gants

Refrain
Mais voilà, la journée terminée
En cachette elle s'est vite repoudrée
Crac, il pleut, elle traverse un ruisseau
Je vous en prie, Mamoizelle, encore un peu plus haut
Tout d'abord, indignée elle rougit
Puis se retourne, il est bien, elle sourit
Dame elle est heureuse quand on la trouve jolie
La petite ouvrière de Paris
II
On donne rendez-vous pour le dimanche suivant
On arrive à Nogent, tout le monde descend
On va, la chose est sûre
Pêcher une friture
Et l'on monte en bateau
« Surtout pas de blague sur l'eau ! »
Puis, on fait la dînette sur le gazon
On débouche des bouteilles, et allez donc
Une partie de balançoire
« Mamoizelle, que me faites-vous voir ? »
« T'en perdras pas la vue »
Répond l'ingénue

Refrain
Mais voilà, la journée terminée
Aux accents d'une musique endiablée
Dans un bal, ils font un dernier tour
Et le jeune homme lui murmure avec amour
Je t'adore, ma mignonne, si tu veux
Tous les deux, nous pourrions être heureux
La bouche répond « Non », mais le cœur lui dit : « Oui »
De la petite ouvrière de Paris
 

 

Carmencita

I
Toi pour qui ma vie chante
Ô Carmencita !
Je t'ai demandé un baiser
Tu me l'as refusé
Mais l'amour est un roi
Qui décide sa loi
Et malgré ta fierté
J'aurai ta beauté
Je voudrais te chérir
Dussé-je en souffrir
Dussé-je en mourir
Tous les matins je suis là
Ô Carmencita !
À chanter sous ton balcon la même chanson
Prends bien garde qu'un jour, affolé
Ce baiser, je n'aille le voler
Tes amants, ton époux et tous les jaloux
Je les tuerais tous

Refrain
Carmencita, mon amour
À l'horizon clair et bleu apparaît le jour
Mon cœur rempli d'émoi
Chasse le sommeil
Bien vite, éveille-toi
Carmencita, c'est en vain
Que tu fuis la loi fatale du destin
Car l'amour est là
Qui triomphera
Ô Carmencita !
II
Toi pour qui ma voix chante
Ô Carmencita !
Prends pitié d'un pauvre cœur
Qui meurt de douleur
Si tu ne m'aimes pas
Que faire ici-bas
Moi, pauvre amant déçu
Qui n'a rien reçu
Et qui revient pourtant
L'implorer souvent
Ce regard charmant
Tous les matins, je suis là
Ô Carmencita !
À chanter sous ton balcon la même chanson
Malgré tout, je reviendrai demain
Car l'amour est un maître divin
Et le moment viendra
Où ton cœur voudra
Et m'écoutera


 

 

Couleur de rose

I
En l'Eden embaumé
Où fleurissent vos charmes
J'ai par un jour de Mai
Porté mon cœur rempli d'alarmes
Et sous l'éclair jaillit
De vos yeux de pervenche
Humblement j'ai cueilli
De votre esprit la rose blanche

II
Ce n'est que par fierté
Que vous devîntes tendre
Puis naquit l'amitié
Qui me permit de mieux attendre
Et je ne sais comment
Une nuit de névrose
J'ai dans l'enivrement
Pris de votre chair la rose rose
III
Par le cerveau, les sens
J'en suis tellement ivre
Qu'aujourd'hui, je le sens
Trop loin de toi, je ne puis vivre
Et si tu parjurais ta foi, telle une gouge
Aussitôt je prendrais
De ton sang vil, la rose rouge


 

 

Ma petite maîtresse

I
Je l'avais rencontrée boul'vard Bonne Nouvelle
Il pleuvait très fort, j' lui offris mon bras
Je veux bien, monsieur, me répondit-elle
Quand il pleut tant qu' ça, ça n' se refuse pas
J'écoutais, ravi, son gai bavardage
Pour le lendemain, on prit rendez-vous
Au bout de quelque temps, je l'aimais comme un fou
Elle m'adorait, ce fut le collage
Refrain
Et le soir dans ses bras
J'oubliais, le cœur las
Chagrin et tristesse
Et comme dessert, souvent
Nous n'avions seulement
Rien que des caresses
J' lui disais : « mon amour »
Oui, tu seras toujours
Ma petite maîtresse
Car ton sourire vermeil
Est un rayon de soleil
Dans sa jeunesse
II
Tout a une fin, surtout les tendresses
Mon père un matin s'en vint à Paris
Comment, me fit-il, tu as une maîtresse
Faut rentrer chez nous, déguerpir d'ici
Pour comble, dit-il, c'est une ouvrière
Avec un trottin, toi, futur docteur
J' tachais d'écouter, d'écouter mon cœur
Dans la vie, dit-il, l' cœur n'a rien à faire
Refrain
Elle m'a dit faut partir
Je n' veux pas t' retenir
La fête est finie
Je ne suis qu'un trottin
Mais va, je t'aime bien
Plus que toute ma vie
Heureux de son pardon
Je quittai la maison
Sans tristesse aucune
M' disant, pour l'oublier
En Provence je vais aimer
Une autre brune
III
Dix ans sont passés. Je suis père de famille
Bon bourgeois rangé, marié sans amour
D'un très riche voisin, j'épousais la fille
Mais de ma maîtresse je m' souviens toujours
D' passage à Paris, je l'ai rencontrée
Je t' présente mon mari, nous sommes très heureux
Mais je vis des larmes parler dans ses yeux
Puis ils disparurent dans la foule pressée
Refrain
En mon cœur angoissé
Revient tout le passé
Toute ma jeunesse
Ce bonheur de vingt ans
Qu'on quitte pour de l'argent
Pour quelques richesses
Et tout seul en ce jour
Sans joies et sans amour
Je pensais, amie
Par un soir de printemps
En t' quittant j'ai bêtement
Gâché ma vie
 

 

Prenez garde aux flots bleus

I
Sur le rivage où la barque légère
Est au repos
Les enfants jouent loin de leur mère
Aux matelots
« Renouvelons, dit l'un d'eux, l'aventure
de Robinson »
Hissons la voile en haut de la mâture
Le vent est bon
Et les petits enfants
S'éloignent en chantant
Tirons les avirons
Et filons en cachette
Sur l'aviron, tirons
Que pas un ne s'arrête
Ohé, tirons
Mais là-bas, tout là-bas, dans le vent qui soupire
La voix du vieux clocher tinte et semble leur dire
 
Petits enfants, prenez garde aux flots bleus
Qui font semblant de se plaire à vos yeux
Les flots berceurs qui font pleurer bien des yeux
Petits enfants, prenez garde aux flots bleus

II
Ils sont partis sur la barque légère
Les trois petits gars
Ils sont partis se disant que leur mère
Ne l' saura pas
Mais les flots bleus que la brise taquine
Se sont fâchés
La voile blanche et le mât qui s'incline
Tout arrachés
Et les petits enfants
Joignant leurs doigts tremblants
Le regard suppliant
Et les yeux pleins de larmes
À travers l'ouragan
Jettent ce cri d'alarme
« Maman, maman »
Mais là-bas, tout là-bas, dans le vent qui fait rage
La voix du vieux clocher tinte à travers l'orage
 
Petits enfants dans les flots furieux
Levez vainement vos mains vers les cieux
Les flots berceurs font pleurer bien des yeux
Pleurez, enfants, perdus dans les flots bleus
III
Sur le rivage, la barque légère
Semble expirer
Cheveux épars, dès lors, la triste mère
Revient pleurer
La pauvre tête, hélas ! comme le navire
A chaviré
Le ciel, dit-elle, à travers son délire
S'est éclairé
Et trois anges tout blancs
Ont pris mes trois enfants
Ecoutez leurs sanglots
C'est leur voix qui m'appelle
Comme au jour où le flot
Engloutit leur nacelle
« Maman, maman »
Ecoutez, c'est leur voix, hélas ! mon Dieu ! je rêve !
C'est le vent, c'est le flot, qui mugit sur la grève
 
Petits enfants, prenez garde aux flots bleus
Qui font semblant de se plaire à vos yeux
Les flots berceurs font pleurer bien des yeux
Petits enfants, dormez dans les flots bleus


 

 

Chez les marsouins

I
T'as dix-huit ans mon gaillard
Aux coloniaux, sans réticences
Engage-toi, dit un vieux paillard
Au fils qui le gênait de sa présence
Ta mère n'est plus, mais j'ai ta part
D' son héritage sous ma gérance
Cet argent-là, c'est ton avenir
Je le garde pour quand tu vas revenir
Et plus au loin tu t'en iras
Plus, mon garçon, tu t' formeras
 
Refrain
En servant dans les marsouins
T'iras p' t-être chez les bédouins
Faut pas avoir des faiblesses
Les voyages forment la jeunesse
Tu verras Madagascar
Et quand tu seras un lascar
Que tu auras vu du pays
Nous vivrons en rentiers à Paris

II
Le gars était à peine embarqué
Que déjà partout la vieille rosse
Avec des grues se faisait remarquer
Pendant trois ans, il fit la noce
Jusqu'au jour où, tout détraqué
Il lut cette lettre de son gosse
Mon papa, je serai libéré
Avec la classe qui va rentrer
Tu vois, ça n'a pas été long
Je rapporte mon deuxième galon
 
Refrain
Je suis sergent dans les marsouins
Je t'écris de chez les Bédouins
Je finis mon temps en Afrique
J'ai le teint couleur de briques
Je connais Madagascar
Je suis d'aplomb comme un brisquard
Je vais enfin revoir mon pays
Je serai bientôt dans tes bras à Paris
III
Quand il revient, le teint bronzé
Avec ses galons, ses médailles
Le vieux devant lui s'est agenouillé
En lui disant : j' suis une canaille
Avec les femmes, j'ai tout mangé
J' n'ai plus rien, j' suis sur la paille
Fais de moi ce que tu veux, mon enfant
Je mérite le plus dur châtiment
Il répondit : papa, relève-toi
Je te caserai quelque part, quant à moi
 
Refrain
Je retourne chez les marsouins
Pleure pas, tu ne manqueras pas de soins
Tu seras bien dans un asile
Les femmes te laisseront tranquille
Au pays de l'Arbicot
Le soleil tape pas sur le ciboulot
Mais aussi vrai que je te le dis
Il y a moins de chameaux qu'à Paris


 

 

Le naufrage

I
Dans notre port, vaillante fourmilière
Maintenant au repos
Des flots de vapeur s'échappent des chaudières
Du grand paquebot
Bien des mouchoirs s'agitent et semblent dire
Voyage heureux
Les passagers sur le vapeur qui vire
Répondent de leur mieux
Enfin, tout est paré, l'on quitte les quais
Trépidant sous l'effort de ses machines ardentes
Le solide transport
Peut braver la tourmente
Ohé ! Voguons
Marseille au loin s'efface dans la brume
Mille lumignons bleus tour à tour s'y allument
 
Refrain
Gais matelots et passagers heureux
Voici la nuit tombant sous les flots bleus
Là-bas au loin sous son socle doré
La vierge prie et semble vous garer
II
Dans la nuit sombre un vrai cri de détresse
A retenti
Les flots s'y calment, s'agitant et se redressant
Avec furie
Le commandant, sans perdre une seconde
Crie « en avant »
Et le vapeur sous l'orage qui gronde
Fuit l'ouragan
Pour gagner la côte, espérant s'abriter
Comme un coursier furieux
Les flots noirs les entraînent
Tous les cœurs anxieux
Retiennent leur haleine
Ohé ! malheur
Le navire a touché, il descend dans l'abîme
Trop tard, il est trop tard, que de victimes !
 
Refrain
Pauvres victimes dans els flots furieux
Dormez en paix dans le grand linceul bleu
En y songeant, les larmes plein les yeux
Nous nous jetons un éternel adieu
III
Dans les bureaux, attendant les nouvelles
Des êtres aimés
Les cœurs serrés d'une angoisse cruelle
Désespérés
Quand, tout à coup, télégramme effroyable
Tout a sombré
De pauvres gens s'effondrent, pitoyables
Le cœur brisé
Tous réclament les siens, émouvant désespoir
Que de cris de douleur
Que de deuils, que de larmes
Et dans Marseille en pleurs
Passe ce cri d'alarme
Tous morts ! Malheur
Pauvres navigateurs, artistes infortunés
Dans le même tombeau, tous vous fraternisez
 
Refrain
Chères mamans, pères, frères et sœurs
L'esprit perdu dans ce navrant malheur
Consolez-vous, le temps réparateur
Verse l'oubli aux plus navrantes douleurs


 

 

Un tout petit bout d'homme

I
Certain soir, la bergère
Une jeune ouvrière
Sortait de son atelier
Et regagnait vivement son quartier
Or, un tout petit bout d'homme
Joufflu comme une pomme
La poursuivait bon train
Un brin de lilas à la main
Trottait la belle
Comme une gazelle
Et le petit bout d'homme la suivait
Aussi vite qu'il pouvait
Mais voilà qu'il pique
Le pas gymnastique
Si bien qu'à force de trotter
Il réussit à l'accoster

Refrain
Mademoiselle, voulez-vous me permettre
Si menu, si modeste qu'il puisse être
De vous offrir sans façon ce petit brin de lilas ?
On n'est pas des pachas, ni des voitures à bras
Ça ne fait rien, dit la belle jouvencelle
Le gros lot, tout le monde ne peut pas se l'offrir !
Si peut qu'il y en ait (bis), cela fait toujours plaisir
II
Il reconduisit de la sorte
Le belle jusqu'à sa porte
En lui disant : au revoir
Et ce fut ainsi chaque soir
A force de se laisser faire
Elle finit par lui plaire
Si bien qu'à ce jeu-là
Dans ses bonnes grâces, il rentra
Fallait voir comme
Le petit bout d'homme
Pour tâcher d'être à la hauteur
S'employait de tout son cœur
Et quand la petite
Marchait trop vite
Il lui murmurait sans répit
En roulant des yeux de merlan frit

III
Cet amusant flirtage
Finit par un mariage
Sans bruit tout simplement
Au vingt-deuxième arrondissement
Prenant le bras de la belle
Notre gars plein de zèle
S'empressa de lui payer
Un fin dîner dans un chartier
Puis la lovelace
De très bonne grâce
Offrit au bar des environs
Un petit noir à deux ronds
Finit la fête
Dans sa chambrette
Le bout d'homme brûlant de mille feux
Lui roucoule les yeux dans les yeux
 



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