Lettre D
Dache |
Aller à dache : aller au diable, au bout du monde. Terme d'origine obscure, dérivant peut-être de mots régionaux (diache) signifiant diable. Mais pour les Marseillais Dache aurait été le nom d'un célèbre déménageur qui, après avoir longtemps exercé à la Belle-de-Mai, aurait migré à l'opposé de la ville, vers Endoume. De là serait alors née l'expression aller à dache (?). [On a aussi parfois utilisé le terme dache par confusion avec l'argot français dalle dans que dalle (rien du tout), qui est devenu que dache]. |
Daïmé (n.m.) |
La dîme. À La Seyne, Lou Daïmé désignait le bâtiment (hôtel de la Dîme) où était prélevé l'impôt, bâtiment qui fut affecté en 1833 à l'école de l'Enseignement Mutuel, qui deviendra l'école Martini. Les latrines publiques du Daïmé, dans l'enceinte de l'école, furent l'objet de polémiques qui durèrent plus d'un siècle, d'où l'expression locale : aqui sente lou daïmé. |
Dame-jeanne (n.f.) |
Bonbonne, ou grosse bouteille de grès ou de verre (en souvenir de la reine Jeanne de Provence). |
Damote (n.f.) |
Dame qui prend de grands airs, femme snob, parvenue, nouvelle riche (prov. damoto, diminutif péjoratif de damo, dame). Les familles modestes ne se sentaient pas toujours à l'aise à voir défiler des damotes aux longues robes soyeuses. |
Darado, fiéragno |
Nerprun Alaterne, Bourgue-épine (Rhamnus alaternus), arbuste commun des maquis et garrigues du Midi (famille des Rhamnacées). |
Darboussié |
Lieu planté d'arbousiers. |
Darnagas |
Pie-grièche, oiseau passereau plutôt bête, qui ne voit pas le danger (prov. darnagas ou tarnagas). (Darnagas serait une onomatopée du chant de cet oiseau). Qualifie aussi quelqu'un de nigaud, pas dégourdi, butor. Aqueou grand daranagas - qu'a lei pè plats... |
De |
Dans le parler local, de peut s'utiliser à la place de du ou de de la devant un substantif ayant un sens qualitatif : « Tu as de force, toi ! », « J'ai bien de peine », « Cette viande, elle est dure comme de bane », « Donnez-moi seulement d'eau », « Çui-là, il faut qu'il mette d'embrouille », « Acò, es de marlusso ! ». Par ailleurs, de est rajouté devant des mots où il n'est pas utilisé en français : De sûr, de segur (à coup sûr), de longue (sans cesse), de droit (étant en position debout), se mettre de propre, et aussi peuchère de moi !. |
Debalage, desbalage |
Déballage, étalage de marchandises en vrac. « Qué debalage ! : li trouveroun de froumage, de moustarde, mé dé tabac ! Qué debalage ! » (chanson populaire, où il est question de la découverte d'un lieu de stockage d'objets volés par deux femmes). |
Débesquiller |
Désarçonner, faire chuter, faire tomber (au sens figuré) : un concurrent placé premier, un homme politique de sa position de leader, etc. (du prov. bequiho, bequilho, béquille). Cf. déquiller. |
Défaire (se) |
Se dégrafer. « Quelle chaleur ici ! Ça vous gêne pas si je me défais un peu ? ». |
Dégargaillé |
Débraillé, aux vêtements défaits ; plus particulièrement : décolleté, dépoitraillé (prov. desgargaia, despoitrina) (cf. dépenaillé). |
Dégourdi |
Oh ! Dégourdi ! qualifie précisément celui qui n'est pas dégourdi (qui fait preuve de maladresse). Dégourdi sans malice ! est une autre forme de reproche, plutôt amical. |
Dégrener |
Employé pour égrener (prov. desgrana, degrana, séparer le grain de la paille ; ou degruna, égrapper), détacher les grains d'un épi, les graines de haricot sec de la gousse. « Cette année, je vais faire des haricots à dégrener ». |
Dégun |
Pronom indéfini signifiant : personne, aucun, nul. « Ai vist degun » (je n'ai vu personne). |
Déjeuner |
Petit-déjeuner, repas du matin (dejuna). En Provence, l'on dîne à midi (dina) et l'on soupe le soir (soupa). |
Dènti, dènte |
Denté, poisson de mer (Sparus dentex ou Dentex vulgaris), famille des sparidés. Les dènti adultes ont souvent une bosse frontale. |
Déparler |
Employer des mots que l'on ne devrait pas, déraisonner, dire des inconvenances, devenir grossier lorsqu'on a été mis en colère (prov. desparla, deparla). |
Dépéguer (se) |
Se sortir d'une embrouille, d'un pastis ; se débarrasser d'un problème. Du prov. si despega ; de pego, poix, colle. (cf. pègue, empéguer). |
Déquiller |
Faire tomber, récupérer un objet perché (quillé) (prov. desquilha). (cf. débesquiller). |
Dérisoire |
Terme employé abusivement pour : exagéré, excessif, qui dépasse les bornes. « Huit heures du soir, et il est toujours pas rentré ! C'est dérisoire, ça ! ». |
Derracher |
Arracher, déraciner, extraire (une plante, une dent) (du prov. derraba). |
Désesquer |
En termes de pêche, on se fait désesquer (enlever l'esque) lorsque le poisson ne fait que mordiller, endommager ou enlever l'appât, sans se faire prendre à l'hameçon. |
Destraouquer |
Trouver, dénicher (prov. destrauca, de trau, trou). |
Destrùssi |
Destructeur, démon, vandale, brise-fer, enfant peu soigneux de ses habits ou de ses jouets. |
Diable ! |
Interjection employée pour : mais, bien sûr ; bien évidemment ; naturellement. |
Diéu, Diou, Dioù |
Dieu. Couquin de Diéu ! Juron classique. Noum dé pas Diéu ! Juron des Provençaux qui ne veulent jurer que pour rire... La négation pas, en effet, détruit le blasphème. Couquin de pas Diéu ! Galéjade à l'adresse du diable. Le diable croit qu'on jure... et il se trouve bien attrapé (Jean Aicard, Maurin des Maures). Noum dé pas Dioù ! Un lapin ! (id.) |
Digue |
Francisation du provençal digo, impératif du verbe dire (dire) « Et perqué ? digue mi ? » (Et pourquoi, dites-moi ?). Le fait que, en provençal, dire puisse signifier aussi demander, permet des jeux de mots comme [Il s'agissait de deux femmes qui cherchaient les clés de leur maison] : « Digue-z'y s'a lou passe ? » (Demande lui si elle a le passe / Dis lui : salopasse !), à quoi il est répondu : « Digue-z'y s'a lou parié ! » (Demande lui si elle à l'autre clé de la paire / Dis lui : saloperie !). |
Dimècre |
Mercredi. Mercredi étant au milieu de la semaine, le mot a été parfois utilisé pour qualifier une personne qui n'est pas à sa place, un gêneur. « Tu es (il est...) comme mercredi toujours au milieu ». - « Es toujour au mitan, coume lou dimècre ». - « Dis, dimècre, enlève-toi de là ». |
Dîner |
Déjeuner, prendre le repas de midi (cf. déjeuner, souper). |
Diphtongues et diérèses |
Dans la prononciation d'une diphtongue, la diérèse consiste en la dissociation de celle-ci en ses éléments constitutifs. Le Provençal abuse de ces diérèses. Exemples dans : ingénieur \ɛ̃.ʒe.njœʁ\, qui est prononcé ici ingéni-eur ; précieux, qui devient préci-eux (l'eau préci-euse) ; vi-o-lent ; Bo-yer ; Mi-ou Mi-ou (le Parisien dit : Miou-Miou) ; O sole mi-o (le Parisien dit : O sole mio). Il y a aussi des cas inverses tels que le Gaou (le Parisien dit : le Ga-ou) ou l'Oïde (le Parisien dit : l'O-ïde), etc. |
Dire des choses |
Disputer, gronder, admonester, etc. « Continue comme ça et ce soir, ton père, y va te dire des choses... ». |
Djèdjè ou djèdji |
Niais, imbécile, nigaud, arriéré, simple d'esprit, fada (prov. jijeù) (cf. babalu, caffalo, darnagas, fadòli, etc.). Djédjé vient peut être d'un personnage de la pastorale de Maurel, un certain Jiget, valet de la ferme Benvengu, faire valoir de Pistachié, dont l'air tòti, le bégaiement et le caractère peu marqué lui ont valu une assimilation avec le ravi [Suggestion de Serge Malcor]. Un djèdjè de coq désigne un homosexuel masculin. Pourrait peut-être (?) provenir de l'expression « couple de coqs djèdjè », c'est-à-dire de coqs fadas, qui auraient une tendance à se rapprocher entre eux au lieu de rechercher les poules. |
Doganier |
Douanier. « Mon frère, il est doganier ». De l'italien doganiere, douanier ; mot importé en Provence maritime par les immigrants italiens. |
Doigt de pied |
Certains utilisent doigt de pied à la place de orteil, mot qu'ils jugent sans doute trop savant... |
Donner |
En parlant d'un tissu, donner c'est se relâcher, s'étirer à l'usage (dans d'autres régions, on dit prêter). |
Dorée (n.f.) |
Poisson de mer, autre nom du saint-pierre (ou zée, ou poule de mer). Désignerait aussi la saupe ou bogue saupe (?). |
Dormiasse (n.f.) |
Personne qui dort beaucoup, ou qui a de la peine à se tirer de son sommeil. « Allez, debout ! Dormiasse ! » (prov. dourmias ; de dourmi, dormir, et suffixe augmentatif -as. |
Douna |
Donner, être excessivement généreux. (cf. le proverbe : « Douné dounavo : lou cuou moustravo. Un jou, Douné douna plus : lou cuou moustra plus »). |
Dourgue, douire |
Cruche (prov. douiro). |
Dresser (se) |
Se lever, se mettre debout (prov. si dreissa). |
Droit |
Debout. « Mademoiselle, levez-vous ! - Mais monsieur, je suis droite ! ». Faire quelque chose de droit (étant en position debout). « Douarmi de dré et mangi de coucha ! » (chanson populaire). |
Du |
Employé à la place de pour dans « pour cent ». On me retient le dix du cent. |
Dubert |
Ouvert. Le dicton populaire : « De placard dubert, de marrit gouvèr » stigmatise une maison où l'on néglige de refermer les portes des placards, témoignant d'un ménage mal tenu. |
Dure (la) |
La dure désigne une pierre. « La dure, la molle, la casserole ! » : C'était une épreuve, qu'entre adolescents, on faisait subir à un individu dont on voulait se venger parce qu'il s'était mal conduit vis à vis de la raille, ou qu'on n'aimait pas. On prenait alors le "coupable" pour cible et, en l'encerclant, on le canardait à coups de pierres, de fruits, de boue, etc., tout en criant : « La dure, la molle, la casserole ! », probablement parce que molle est l'inverse de dure, et casserole parce que çà rime avec molle. Voir également à Bourrine. |
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Jean-Claude Autran 2023